et valorisation de la recherche

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et valorisation de la recherche
Conception graphique - exécution : Valérie Foucault
CAPITAL RISQUE
ET VALORISATION
DE LA RECHERCHE
Frédéric MASCRÉ
Geoffroy DUBUS
Jean-Sébastien LANTZ
Yvan-Michel EHKIRCH
Philippe CROCHET
Association Française des
INVESTISSEURS
EN CAPITAL
14, rue de Berri - 75008 Paris
Tél : 01 47 20 99 09 - Fax : 01 47 20 97 48
Site web : www.afic.asso.fr
E-mail : [email protected]
Association Française des
INVESTISSEURS
EN CAPITAL
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
SOMMAIRE
AVANT-PROPOS
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CAPITAL RISQUE ET VALORISATION DE LA RECHERCHE
1. Constat
2. Quelques pistes pour une meilleure valorisation de la recherche
2.1 Le brevet : mécanisme indispensable de valorisation de la recherche
2.2 La valorisation par le brevet : nécessaire mais pas suffisante
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LE FINANCEMENT D’ESSAIMAGES TECHNOLOGIQUES
1. Nature des essaimages
2. Intérêt pour le Capital Risque
3. Valorisation de l’apport technologique
4. Clés de succès
CAPITAL RISQUE
ET VALORISATION
DE LA RECHERCHE
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CAPITAL RISQUE ET VALORISATION FINANCIÈRE
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1. Les leviers qualitatifs de valorisation des projets innovants
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1.1 Evaluation de la rentabilité attendue d’un projet
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1.2 Evaluation du risque d’un projet
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2. Les méthodes de valorisation des projets innovants par les cash-flows
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2.1 Modèle d’actualisation des cash-flows disponibles à la firme : " free cash-flow to the firm " 16
2.2 Modèle d’actualisation par les flux de trésorerie disponibles aux capitaux propres
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3. Les méthodes de valorisation des projets innovants par les multiples
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3.1 Les différents multiples de valorisation
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3.2 Les sources d’erreurs d’évaluation par la méthode des multiples
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RELATIONS ENTRE LES GRANDES ENTREPRISES ET LES PME INNOVANTES
1. Quelques chiffres
1.1 Les petites et moyennes entreprises en Europe (Union)
1.2 Du côté des grandes entreprises
2. Collaboration entre les PME en Europe (Union)
3. Innovation et quelques questions
4. La pratique
4.1 La pratique – se connaître
4.2 La pratique – l’engagement
4.3 La pratique – la vie en commun
4.4 La pratique - et l’investisseur ?
5. Les perspectives : que peut-on souhaiter ?
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PRÉSENTATION DE L’AFIC ET DE LA SOUS-COMMISSION VALORISATION DE LA RECHERCHE
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
AVANT-PROPOS
Au cours de ces trois dernières années, nous avons rencontré des chercheurs au sein de
laboratoires publics et privés, des enseignants chercheurs, des universitaires, des chargés
de valorisation, des industriels, des financiers, des porteurs de projets qui nous ont réservé
un accueil enthousiaste.
Ces rencontres nous ont permis d’analyser les pratiques d’essaimage à partir des centres de
recherche ou des grands groupes ainsi que le devenir des sociétés créées. Nous avons par
ailleurs établi un état des lieux des mécanismes et techniques de valorisation des projets de
recherche, et dressé une étude des relations entre les start-up et les grands groupes.
Parallèlement à nos travaux, nous avons proposé au Sénat, dès septembre 2003, l’idée d’une
manifestation destinée à réunir des chercheurs, des universitaires, des investisseurs, des
entrepreneurs et des politiques afin d’améliorer la communication entre ces différents
acteurs en vue d’une meilleure valorisation de la recherche française. Après plus d’une
année de préparation, la première édition de cette manifestation, dénommée Tremplin
Recherche, a eu lieu le 8 février 2005 au Sénat.
PRÉSENTATION
Cette journée a été articulée en particulier autour de six tables rondes et plusieurs
chercheurs sont venus apporter leur témoignage sur la valorisation de leurs travaux selon
différents modes : le dépôt de brevets, la cession ou la concession de brevets, la création
d’entreprise innovantes, etc. Le succès a été au rendez-vous puisque cette manifestation a
rassemblé plus de 700 personnes.
Après ces trois années de travaux et de retours d’expérience, nous avons souhaité établir un
rapport d’étape au travers du présent fascicule.
Son seul objet est d’attirer l’attention des investisseurs en Capital Risque sur certaines des
problématiques liées à la valorisation de la recherche.
Bonne lecture.
Frédéric Mascré
Rapporteur de la Sous-commission
Valorisation de la Recherche
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Alain Caffi
Président
de la Commission Venture
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
CAPITAL RISQUE ET
VALORISATION DE LA RECHERCHE
1. CONSTAT
Comme l’a souligné Nicole Fontaine " la croissance de la France dépend, pour 50 %, de notre capacité à innover ". Il n’y a pas de croissance sans innovation. Toutefois, innover ne sert à rien, si
l’innovation ne peut être valorisée à sa juste valeur.
Or, aujourd’hui la France accuse des retards importants par rapport à ses concurrents au plan international que sont les Etats-Unis ou le Japon, concernant la valorisation de ses innovations.
Innovation et valorisation sont devenues une priorité nationale. Il ne s’agit plus aujourd’hui de parler
uniquement de l’excellence intellectuelle de la France. Les enjeux de l’innovation se situent en
termes économiques, dans le cadre de la compétition internationale.
Face à ce constat, un vaste plan en faveur de l’innovation a été mis en place par le gouvernement.
La création d’une agence pour l’innovation industrielle, d’une agence pour la recherche, l’appel à
candidature pour la mise en place de pôles de compétitivité, le lancement d’une politique d’aide aux
PME sont autant de mesures destinées à favoriser la valorisation de la recherche.
Ces mesures doivent cependant être complétées par une réflexion pragmatique sur d’autres pistes
qui pourraient améliorer la valorisation de la recherche.
2. QUELQUES PISTES
POUR UNE MEILLEURE
VALORISATION DE LA
RECHERCHE
2.1 Le brevet :
mécanisme indispensable
de valorisation de
la recherche
Pourquoi faut-il déposer des brevets ?
" Le développement des brevets assure une indépendance scientifique et technologique à l’échelle
de notre nation, indépendance qui est le garant de notre développement économique (…) Il
permet de valoriser les résultats de la recherche, de transférer les connaissances produites par les
chercheurs pour les transformer en applications et les mettre à la disposition de chacun "
(Claudie Haigneré).
Le brevet est un élément-clé de tout système de recherche et d’innovation. Plusieurs raisons peuvent être avancées.
D’une part, le brevet accorde à l’inventeur une protection exclusive sur l’invention brevetée lui permettant de l’exploiter commercialement et d’en tirer profit, soit directement, soit indirectement par
le biais des licences accordées. Le brevet permet ainsi de créer de la valeur. D’autre part, le brevet
facilite la diffusion du progrès technique et le transfert de connaissances. En effet, la divulgation de
l’invention permet de mettre à la disposition de la communauté scientifique, tant du domaine public
que privé, l’information technique relative au brevet déposé. Cette information, largement accessible, assure une meilleure diffusion et un partage des connaissances.
Enfin, le brevet constitue un fondement solide pour les partenariats technologiques publics/privés.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
Quelques chiffres
En tout état de cause, le brevet constitue un indicateur privilégié du niveau de performance des pays
en matière de recherche-développement.
C’est ainsi que l’on a constaté que la France a connu une large diminution de sa part de marché dans
les dépôts de brevets. Avec moins de 7 % des brevets européens déposés, la France dépose deux
fois moins de brevets que l’Allemagne.
Aux Etats-Unis, la France ne représente que 2 % des brevets déposés, moins que l’Allemagne, le
Royaume-Uni, Taiwan ou le Japon.
Dans le cadre de ces chiffres, il convient de distinguer les dépôts de brevets effectués par les entreprises privées et ceux des centres de recherche publique qui sont nettement plus faibles.
Les obstacles au dépôt de brevets
●
Pour quelles raisons, n’existe-t-il pas en France de " réflexe brevet ",
contrairement à d’autres pays tels que les Etats-Unis ou le Japon ?
Certaines sont propres aux organismes de recherche publique et d’autres aux entreprises privées.
Pour les centres de recherche publique, il n’est pas dans la culture des chercheurs de déposer des
brevets, ce dépôt reste secondaire. Ceci est lié au fait que dans le monde de la recherche, l’évaluation des chercheurs s’effectue par référence aux publications effectuées, ce qui est incompatible
avec le système juridique français du dépôt de brevet, fondé sur le caractère de nouveauté. Il est
plus valorisant pour un chercheur de publier des articles que de déposer et de valoriser des brevets.
Pour les entreprises et particulièrement les PME, déposer un brevet et entretenir ce dépôt s’avèrent
être très onéreux. L’aspect financier constitue l’un des obstacles majeurs à l’utilisation des brevets
par les entreprises françaises.
Comment favoriser le dépôt et la licence de brevets ?
Malgré les efforts de sensibilisation des chercheurs au dépôt de brevets, ceux-ci restent relativement faibles notamment pour les raisons précédemment évoquées.
Le plan en faveur de l’innovation propose certaines mesures intéressantes afin de développer chez les
chercheurs le fameux " réflexe brevet ". On peut citer la prime au brevet accordée à un ou plusieurs
chercheurs du secteur public ayant d’une part déposé un brevet et d’autre part, valorisé ce brevet.
En dehors des aides financières, beaucoup s’accordent sur le point que certaines modifications, plus
profondes, du système français d’évaluation des chercheurs doivent être envisagées. D’une part, il
conviendrait de modifier les critères d’évaluation des chercheurs actuellement fondés sur les publications effectuées et non sur leurs efforts en termes de valorisation de leur recherche. D’autre part,
les dispositions relatives à la publication des recherches par les chercheurs ne doivent pas être un
frein au dépôt de brevets comme c’est le cas actuellement. Ces dispositions doivent être compatibles avec le régime juridique du brevet comme c’est le cas aux Etats-Unis.
2.2 La valorisation
par le brevet : nécessaire
mais pas suffisante
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Inciter les chercheurs à déposer plus de brevets est nécessaire mais pourtant pas suffisant, encore
faut-il que ce brevet soit valorisé.
Cette valorisation doit s’effectuer par le transfert de l’innovation vers le monde industriel composé
des grands groupes mais aussi des PME qui doivent pouvoir accéder aux technologies développées
dans les laboratoires.
Dans ce cadre, il est nécessaire de faire appel à l’ensemble des acteurs intervenant dans le domaine de la recherche et de l’innovation, issus tant du domaine public (universitaires, chercheurs,
chargés de valorisation, porteurs de projets) que du monde privé (entreprises privées – PME ou
grandes entreprises- investisseurs, etc.).
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
A ce niveau, on a pu constater un manque d’information et de communication entre ces différents
acteurs de l’innovation et de la valorisation. Or, ces échanges sont indispensables pour aboutir à une
meilleure valorisation des projets et un transfert plus efficace des recherches dans le monde
industriel.
● Comment peut s’effectuer ce transfert ?
●
Comment valoriser un projet ?
●
Comment favoriser le développement des petites entreprises par le
biais de partenariats avec les grandes entreprises ?
Essaimages technologiques : modalités du transfert de l’innovation
Le transfert des projets de recherche vers le monde de l’industrie peut s’opérer par le biais de licences de brevets accordées aux entreprises ou par la création, par des chercheurs, à partir de leurs
travaux de recherche, d’entreprises technologiques.
L’essaimage pose plusieurs questions importantes relatives au transfert de la propriété intellectuelle, aux rapports entre l’entreprise essaimée et le centre de recherche essaimant, ou encore au
financement de l’entreprise essaimée.
Valorisation financière des projets : critères et contraintes
La valorisation financière des projets innovants s’avère difficile en raison des nombreux impératifs
qui doivent être pris en compte par les investisseurs.
Plusieurs méthodes sont susceptibles de s’appliquer. Les avantages et les risques méritent d’être
explicités.
Partenariat PME et grandes entreprises : une coopération nécessaire
Assurer le développement d’une jeune entreprise innovante nécessite bien plus qu’une technologie
très aboutie. Une collaboration doit s’instaurer avec les grandes entreprises du monde industriel
afin de lui assurer son essor.
Cette collaboration peut s’avérer particulièrement difficile. Dans ce contexte, l’investisseur en
Capital Risque peut jouer un rôle favorable non négligeable.
Ce fascicule a été conçu pour donner aux membres de l’AFIC un aperçu des
problématiques et des pistes à explorer relatives à la valorisation et au développement des projets innovants.
Il a été préparé par un groupe de travail composé de professionnels de
l’AFIC, qui se sont appuyés sur leurs propres expériences mais aussi sur les
entretiens menés depuis plusieurs années auprès des différents acteurs du
monde de la recherche et de l’innovation.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
LE FINANCEMENT
D’ESSAIMAGES TECHNOLOGIQUES
Cambridge Silicon Radio, Gemplus, Ilog, Kelkoo ou Soitec sont autant d’entreprises reconnues
comme de grands succès européens et parfois mondiaux. Leur point commun : être des essaimages technologiques financés par du Capital Risque. Ces réussites exemplaires nous poussent à nous interroger sur la nature des essaimages, les causes de leur performance et donc
de l’intérêt qu’ils suscitent pour le Capital Risque. L’essaimage technologique suppose un
apport technologique à la société en création. La valorisation de cet apport est déterminant
pour le succès de l’entreprise essaimée. Nous étudierons les modes habituels de valorisation
de cet apport et les clés de succès des essaimages.
1. NATURE DES
ESSAIMAGES
L’essaimage désigne la création d’une entreprise nouvelle par une ou plusieurs personnes avec
ou sans la complicité de leur employeur ou de leur ex-employeur. Il implique ainsi la création
d’une entité juridiquement et financièrement indépendante de la société d’origine. L'essaimage
d'entreprises ou de laboratoires apparaît comme une solution porteuse d'avenir. Non seulement
il permet de diversifier l'économie, mais aussi il favorise le développement du potentiel entrepreneurial et innovant tout en consolidant l'emploi. Selon l’APCE, 15 000 entreprises sont créées
en France chaque année dans le cadre d’essaimages organisés par des groupes industriels, soit
7 % du total des sociétés créées.
On distingue quatre types d’essaimages :
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➊
l’essaimage spontané correspond au départ d’un ou plusieurs salariés
pour créer une entreprise indépendamment de toute politique d’essaimage menée par l’entreprise ou le centre de recherche d’origine. Un
très grand nombre de PME sont créées par ce processus où les employés
quittent délibérément leur groupe pour s’orienter vers un projet entrepreneurial prometteur. L’APCE estime que 57 % des créateurs d’entreprises
en France sont des salariés ou d’anciens salariés ;
➋
l’essaimage industriel est à l’initiative du groupe d’origine et vise à
externaliser une partie de ce groupe pour des raisons le plus souvent de
restructurations sectorielles. Ces essaimages sont généralement complémentaires de l’entreprise essaimante et conservent un lien commercial avec celle-ci ;
➌
l’essaimage social répond à la volonté de l’entreprise d’origine d’ajuster
ses effectifs. De la sorte, le groupe d’origine peut favoriser les départs
volontaires en anticipant les restructurations. Il favorise la création
d’activités nouvelles en offrant aux salariés l’opportunité de construire
un parcours professionnel motivant lorsque l’évolution dans l’entreprise
n’est pas envisageable. En fonction de l’activité de l’entreprise, on estime
de 3 % à 20 % le nombre de salariés licenciés qui créent leur entreprise
suite à un plan social. 75 % des essaimages structurés par des groupes
industriels sont réalisés dans le cadre de gestion des sureffectifs ;
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l’essaimage technologique a pour objectif de développer des projets innovants à partir de technologies initiées dans le groupe d’origine. Il permet à
l’essaimant de valoriser des technologies, brevets ou marques inexploités
par l’organisation mère. Il peut être à l’initiative de l’entreprise ou du salarié et peut concerner tant les entreprises privées que les laboratoires
publics. Il permet au groupe source de se développer en créant autour de
lui un réseau de PME et de mieux valoriser ses technologies et sa propriété
intellectuelle.
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
2. INTÉRÊT POUR LE
CAPITAL RISQUE
En recherche de projets innovants et à fort potentiel, les acteurs du financement en Capital
Risque se concentrent surtout sur les essaimages spontanés et technologiques. Bien que l’essaimage industriel puisse faire l’objet de financements en Capital Investissement, il concerne
rarement le Capital Risque car il porte sur des projets en développement couvrant des activités
matures. Les essaimages sont généralement moins risqués et plus performants que les entreprises innovantes traditionnelles.
Les salariés impliqués dans les essaimages spontanés ou technologiques sont le plus souvent à
l’origine de la démarche entrepreneuriale et sont ainsi déterminés à faire de leur projet un succès. Fort de l’expérience acquise dans l’entreprise ou le laboratoire d’origine, ces salariés sont
pleinement légitimes pour développer l’entreprise essaimée. Généralement, ils maîtrisent l’industrie, les marchés, les technologies et les processus industriels de l’écosystème dans lequel
l’entreprise essaimée va évoluer. Bien que tout essaimage spontané sans apport de propriété
intellectuelle de la société mère puisse se confondre avec toute création traditionnelle d’entreprise, l’expérience acquise par l’équipe dans la société mère est déterminante pour le succès du
projet. A ce titre, l’essaimé est plus performant et ainsi plus attractif pour le Capital Risque.
L’essaimage technologique présente l’intérêt supplémentaire d’intégrer des technologies du
groupe d’origine qui sont généralement issues de programmes de recherche longs, coûteux et
ayant pleinement bénéficié des infrastructures du groupe source. Ces technologies ont généralement fait l’objet de dépôts de brevets et ne sont donc exploitables que dans un cadre juridique
très strict. Transférés à l’entreprise essaimée, ces brevets constituent une formidable barrière à
l’entrée pour la start-up. De plus, développées et validées au sein du groupe d’origine, ces technologies sont presque immédiatement exploitables de façon commerciale par l’essaimé qui peut
ainsi générer des cash-flows positifs plus rapidement que des start-up isolées. Ces projets ont
fait l’objet de réflexions approfondies dans le cadre du processus d’essaimage. Ils sont supportés par l’entreprise mère qui s’engage à travers ses ressources et son apport technologique. Ils
sont donc généralement moins risqués que des projets traditionnels.
France Telecom, le CEA, l’INRIA, Aventis et bien d’autres centres de recherche ont mis en place
des cellules spécialisées pour accompagner les employés entrepreneurs pour la préparation et
la formalisation du dossier de création d’entreprise. Cette phase d’accompagnement est constituée de prestations de conseil et de mobilisation d’outils et d’expertises diverses. Certains laboratoires comme Philips, Siemens ou le CEA financent aussi la phase d’incubation du projet. Les
chiffres sont éloquents : les essaimages technologiques issus du CEA, de France Télécom et de
l’INRIA présentent un taux d’échec près de 1,6 fois inférieur au taux moyen des sociétés financées en Capital Investissement. Ces trois groupes ont en effet essaimé 69 sociétés technologiques qui ont été financées par des acteurs du Capital Risque. Parmi celles-ci, 11 ont abouti à
un échec. Ce taux d’échec des essaimages de 15,94 % est à comparer au taux moyen d’échec du
Capital Investissement européen de 24,85 % (en 2002 et 2003 – source EVCA).
En pratique, les essaimages technologiques sont donc attractifs pour le
Capital Risque car ils présentent un taux d’échec plus faible, des barrières
à l’entrée plus élevées et une croissance supérieure à celle de sociétés
innovantes traditionnelles.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
3. VALORISATION
DE L’APPORT
TECHNOLOGIQUE
Lorsque le laboratoire ou l’entreprise d’origine a validé l’opportunité d’exploiter en externe la
technologie proposée par le salarié porteur du projet et donc d’accorder des droits sur cette
technologie, se pose alors la question de la valorisation de cet apport technologique.
Chaque entreprise ou organisme de recherche dispose de son organisation propre pour transférer et valoriser ses technologies dans le cadre de ces opérations. Toutefois, les modèles les plus
aboutis font intervenir trois entités :
●
l’entité de valorisation chargée de valoriser et de céder la technologie à
la société essaimée ;
●
l’entité de portage qui, en échange d’une participation dans la société
essaimée, fournit des fonds au spin-off à hauteur du prix d’acquisition
ou de concession de la technologie ;
●
l’entité de financement qui dote en capital la société essaimée pour
financer l’activité.
Les entités de valorisation et de portage sont généralement parties intégrantes de l’organisme
de recherche tandis que l’entité de financement peut être externe. Cette dernière peut être une
société de Capital Risque indépendante du groupe d’origine.
Ce modèle à trois entités présente l’avantage de bien dissocier les différentes phases du processus de création de l’essaimage et réduit ainsi les conflits d’intérêt.
Les transferts de technologies peuvent se faire par la transmission de savoir-faire, d’informations ou de brevets. Dans le cas de brevets, deux modalités sont privilégiées :
●
cession complète à l’entreprise essaimée des brevets déposés par le
groupe d’origine ;
●
concession de licences exclusives sur les brevets déposés. Dans ce cas,
une faculté d’option d’achat est parfois prévue et permet à l’essaimage
d’acquérir les brevets à un terme donné et sous réserve de la réalisation
de certaines conditions.
Dans tous les cas, l’apport technologique est valorisé soit en part du capital de la société essaimée, soit en cash avec ou sans royalties ou, selon une combinaison de cash et de capital.
Certains laboratoires comme l’IMEC en Belgique, Siemens Technology en Allemagne ou Philips
en Hollande ne valorisent la propriété intellectuelle qu’en parts de capital de la société essaimée. D’autres, comme les laboratoires de France Télécom, de Gemplus ou du CEA demandent
en fonction des projets une simple prise de participation ou une combinaison de prise de participation, de versement numéraire et de royalties ou encore seulement des versements numéraires. Le plus souvent, les royalties sont payables par l’entreprise essaimée uniquement après
plusieurs années d’existence et indexées sur le chiffre d’affaires réalisé par le spin-off.
Lorsque le centre de recherche d’origine ne compte plus exploiter sur aucun marché les brevets
de la technologie du spin-off, il est souhaitable qu’il les transfère intégralement à l’entreprise
essaimée. Ainsi, l’essaimage dispose de la pleine liberté d’exploiter les brevets, de les faire évoluer et évite tout risque de conflit futur sur la technologie avec le groupe essaimant. Cette
démarche accroît les chances de succès du projet. Elle est mise en œuvre par les laboratoires
de Philips pour tous ses spin-offs et par l’IMEC lorsque celui-ci a décidé de ne plus développer
la technologie sur d’autres secteurs d’applications.
La concession au profit de l’essaimage d’une licence exclusive d’exploitation des brevets est une
solution alternative, moins sécurisante pour l’essaimage. Elle assure généralement l’exclusivité
d’usage de la technologie sur une durée longue et dans le cadre d’un périmètre prédéfini, des marchés et des applications donnés. Elle peut présenter l’avantage pour l’essaimage de bénéficier du
soutien du groupe d’origine en cas de contentieux sur la propriété intellectuelle avec des tiers.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
Toutefois, elle ne protège pas totalement l’essaimage des activités futures de l’organisme d’origine par rapport à cette technologie ce qui peut constituer une contrainte pour l’acquéreur
potentiel du spin-off. La valorisation de sortie de l’essaimage en est donc potentiellement
affectée. Afin d’éviter ces inconvénients, une licence avec option d’achat est un complément
intéressant. Cependant, le prix de cette option n’est pas facile à déterminer à la création de la
société. En pratique, l’octroi de licences exclusives d’exploitation des brevets est le mode de
transfert technologique le plus utilisé dans le cas des essaimages.
La valorisation de la technologie concédée est une question épineuse à laquelle le Capital
Risqueur, le centre de recherche et l’entrepreneur ont chacun une réponse et des intérêts différents. Le centre de recherche est tenté de gonfler la valeur de cet apport afin d’en maximiser les
revenus. L’entrepreneur est soucieux de détenir la part la plus importante du capital de la société et, afin de ne pas en obérer la croissance, cherche à réduire les versements numéraires dus
au groupe d’origine. De la même façon, le Capital Risqueur est lui aussi très attaché à la valeur
de la société et très sensible aux éléments susceptibles de nuire à sa croissance dont les montants à payer au groupe d’origine.
En pratique, la valeur de la technologie est fixée par une discussion entre l’équipe fondatrice, le
capital-risqueur et le laboratoire. Cette discussion peut être facilitée lorsque le groupe essaimant accepte de valoriser la propriété intellectuelle en capital car ainsi les intérêts convergent :
le risque est partagé en cas d’échec du spin-off, le potentiel de gain est supérieur en cas de
succès et par conséquent, tous ont un intérêt fort à l’accroissement de valeur. Dans ce cas, on
peut constater la nécessité d’intéresser suffisamment les fondateurs clés au capital de l’essaimage afin qu’ils préservent la valeur du capital et demeurent motivés y compris après l’impact
dilutif des tours de financements ultérieurs.
A la création de l’entreprise technologique essaimée, on observe deux processus distincts pour
la constitution de l’entité juridique : soit l’entreprise est créée par les employés fondateurs, soit
elle l’est par le groupe source. Ainsi, les essaimages issus de groupes français tels que France
Telecom, Gemplus, le CEA, EADS ou Thomson sont initialement constitués et détenus par les
employés entrepreneur-fondateurs. La technologie du groupe source est ensuite transférée par
contrat et peut être valorisée dans le cadre d’un apport en nature ou en numéraire contre une
part du capital. Le financement en Capital Risque se positionne concomitamment à cette phase.
D’autres essaimages issus de laboratoires belges, allemands ou hollandais tels que l’ULB,
Siemens Technology, ou Philips sont juridiquement constitués par le groupe d’origine qui transfère la technologie. Ils sont ainsi détenus à 100 % par l’organisme essaimant qui finance la phase
d’incubation. Vers la fin du processus, les employés entrepreneurs sont invités à investir dans la
société pour prendre une place au capital. Après la phase d’incubation, le financement en Capital
Risque est sollicité.
En dépit de ces différences, la structure du capital de l’essaimage post-premier tour de financement (financement succédant à la phase d’incubation et qui varie typiquement de 1 à 3 M€) reste
homogène.
Le capital se décompose généralement comme suit :
●
10 à 30 % pour le laboratoire d’origine ;
●
25 à 45 % pour les employés-entrepreneurs ;
●
30 à 50 % pour le Capital Risque.
Il est à noter que la part de capital pour le laboratoire d’origine varie fortement en fonction de
l’implication et du financement de celui-ci dans la phase d’incubation.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
4. CLÉS DE SUCCÈS
Outre la qualité intrinsèque du projet, les conditions de réussite initiales d’un essaimage technologique résident dans les motifs de création du projet, le soutien apporté par l’organisme
d’origine et la mobilisation de compétences complémentaires autour du chercheur-entrepreneur. Le taux de réussite des essaimages, leur capacité d’innovation, leur valeur ajoutée et leur
taille augmentent lorsqu’ils sont créés en dehors de tout contexte de gestion des sureffectifs.
L’engagement du groupe d’origine est important à double titre. D’une part, pour les projets issus
de laboratoires portés par des chercheurs sans expérience de gestion d’entreprises, la mise
en place d’une politique d’essaimage structurée offrant temps, support et conseil au
chercheur est déterminante pour la réussite. Souvent, il faut mobiliser des compétences managériales, industrielles et marketing autour du chercheur-entrepreneur et l’accompagner dans la
durée (parfois y compris dans les phases ultérieures de développement de la société). D’autre
part, cet engagement de l’organisme essaimant offre à la start-up la possibilité de se prévaloir
de l’image de marque du groupe source et ainsi la crédibilise vis-à-vis de ses partenaires et
clients futurs.
Pour les projets ayant vocation à être financés en Capital Risque, il est nécessaire de les conformer au profil des start-up utilisant ce mode de financement. Ainsi, dès le début de la phase
d’incubation, les préoccupations du Capital Risque doivent être prises en compte. Les caractéristiques principales de la société (équipe, produit, marché, éléments financiers, structure du
capital…) doivent être projetées sur une période allant jusqu’à la sortie des investisseurs. Ces
projections ne peuvent pas dévier d’un standard qui mettrait en doute le succès du projet. A
l’instar de ce que font quelques centres de recherche, les " cellules d’essaimage " des groupes
peuvent privilégier certains acteurs du Capital Risque pour être secondés dans cette démarche.
Forts de leur expérience en financement de start-up innovantes, ces acteurs du Capital Risque
peuvent contribuer à tous les stades de l’incubation :
●
au niveau du comité d’essaimage, lors de la sélection des projets, pour en
estimer le potentiel et participer à la définition du soutien et des formations à apporter ;
●
au niveau de la sélection des technologies à transférer à la société, par
analyse du couple produit/marché ;
●
au niveau de la création de l’entité juridique et la signature des contrats
" congés création d’entreprise " des employés, par mobilisation de compétences managériales expérimentées autour de l’équipe fondatrice ;
●
au niveau de la rédaction du contrat de transfert de la technologie, pour en
estimer la valorisation ;
●
au niveau de l’amorçage, par leur investissement.
On constate ainsi que les interactions entre les cellules d’essaimage, les acteurs du Capital
Risque et les employés entrepreneurs sont importantes. Au delà des conflits d’intérêts qui
peuvent surgir à différents stades du processus, l’objectif final, à savoir le succès de l’essaimage, est partagé par tous. La mesure du succès n’étant possible qu’après plusieurs années, la
relation entre les différents intervenants ne peut s’envisager que dans la durée.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
CAPITAL RISQUE
ET VALORISATION FINANCIÈRE
Les investissements en R&D signalent le positionnement stratégique des grandes entreprises et
constituent le vecteur principal de création de " valeur client ". En effet, face à une concurrence
internationale, les clients achètent sur étagère et ne sont plus les commanditaires de projets
novateurs. La grande entreprise doit alors renouveler son offre à un taux supérieur à celui du
marché en supportant des investissements en R&D. Ces investissements se traduisent par des
charges apparaissant immédiatement pour des bénéfices incertains et éloignés dans le temps.
Les actionnaires anticipent par conséquent une dégradation de la rentabilité financière d’autant
plus importante que les charges de R&D sont élevées ou qu’elles viennent alourdir l’actif en cas
d’activation. En témoignent les entreprises technologiques cotées en bourse puisque la rentabilité financière de celles qui ont une faible politique de R&D était de 41,48 % pour 2004 alors
qu’elle était de moins de la moitié, soit 18,41 %, pour les entreprises qui ont une intense politique d’investissement en R&D.
A cela s’ajoute un risque perçu par le marché financier qui est deux fois plus élevé pour les
entreprises technologiques qui ont d’intenses investissements en R&D puisque leur bêta était de
2,01 contre 1,17 pour les autres entreprises. Ainsi, une politique d’intenses investissements en
R&D accroît significativement le coût du capital le faisant passer de 16 % à 27 %. Pour un projet
de R&D à 5 ans nécessitant un investissement de 10 millions d’euros, il en résulte un coût financier de 22 millions d’euros dans le cas où l’entreprise a une intense politique de R&D alors qu’il
est de 11 millions d’euros dans le cas contraire.
Dans ces conditions, il est évident que la rémunération attendue des investisseurs vient décourager les dirigeants dans leur velléité d’entreprendre des stratégies visant à générer des innovations pour deux principales raisons :
●
d’une part, la richesse créée est orientée vers les apporteurs de
capitaux au détriment d’une reconnaissance des dirigeants et des
porteurs de projets ;
●
d’autre part, cette rémunération vient se soustraire aux moyens
humains et matériels qui pourraient être mis au profit du projet rendant
les exploits encore plus difficiles à réaliser du fait du sous-équipement.
Seraient-ce les raisons pour lesquelles Microsoft, entreprise emblématique du secteur du logiciel, secteur qui lui-même est le plus dépensier en R&D (deux fois plus que les biotechnologies),
affiche des investissements en R&D extrêmement faibles ? Est-ce que les termes " Innovation "
et plus encore " R&D " sont devenus tabous entre industriels et actionnaires car ils sont synonymes d’une destruction de valeur massive ?
Si l’on en croît Bill Gates, lorsqu’il dit " our primary assets do not show up on the balance sheet
at all " (1) , on peut penser qu’il existe bien d’autres solutions pour valoriser stratégiquement et
financièrement les projets innovants afin qu’ils soient les instruments à la fois de " création de
valeur client " et de " création de valeur financière ".
L’innovation impose par conséquent un nouvel ordre organisationnel caractérisé par l’essaimage dont la flexibilité vise à transférer les risques directement sur les " filiales projets ", les
" spin-off ". Rappelons qu’en 1994 seuls 2 % des projets industriels aux Etats-Unis étaient développés de façon indépendante sous la forme de " spin-off " alors qu’en 2001 ils représentaient
21 % des projets. Les investissements des fonds d’entreprise, les " corporate funds ", sont ainsi
(1) Peut se traduire par : « nos actifs les plus importants ne figurent pas dans le bilan »
P 11
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
passés de 100 millions à 17 milliards de dollars dans la même période. De 1995 à 2000, le fonds
corporate de General Electric, GE Equity, a investi près de 4 milliards de dollars dans
300 projets d’entreprise indépendants, des " spin-off ". Cent-vingt d’entre eux étaient des " push
spin-off ", essaimés directement de l’entreprise mère. Les investissements de GE Equity n’ont
cessé de croître puisqu’ils ont été de 1,2 milliard de dollars en 2001, de 1,4 milliard de dollars en
2002 et plus encore aujourd’hui. Cette entreprise a par ailleurs constamment surperformé
l’indice de marché SP 500 de 1998 à nos jours et démontre sa performance à gérer l’innovation.
La gestion des " spin-off " se différencie d’une gestion administrée des projets car dans ces
jeunes pousses se succèdent des partenaires aux expertises différentes et complémentaires en
fonction des stades de croissance. Si la flexibilité est la véritable vertu de ce dispositif dynamique, la difficulté repose avant tout sur l’alignement d’intérêts entre actionnaires, dirigeants et
salariés. Les investisseurs en capital jouent alors un rôle essentiel d’accompagnement. Leaders
dans leurs participations, ils supportent le risque financier des opérations de développement,
mais surtout ils jouent un rôle modérateur entre les parties. Leur capacité à gérer les contrats
leur permet d’aligner les intérêts de chacun. Ils sont les architectes d’une ingénierie financière
dont ils détiennent le contrôle, ce qui leur confère la possibilité d’agir sur la géographie du
capital et de valoriser ou de sanctionner les intérêts de chacun des acteurs. De plus, le statut
des sociétés de Capital Investissement confère à leurs actionnaires le bénéfice d’exonération
fiscale ramenant le coût du capital à des niveaux acceptables.
C’est dans cette perspective de rentabilité et de risques encourus par les capital-risqueurs
que vient se poser la question de la valorisation financière dans les prises de décisions
d’investissement. Forger son jugement est un véritable art, tant les projections financières sont
délicates à définir et les instruments d’évaluation complexes. Ces derniers sont la source
d’interprétations car la valorisation repose sur des hypothèses intuitives qui définissent pourtant
la richesse potentielle des parties et surtout leur dilution immédiate. En effet, d’un côté, nous
avons une équipe dirigeante qui cherche à minimiser la dilution dans le but éventuellement de
garder le contrôle ou la minorité de blocage de l’entreprise, tout en tentant d’optimiser la valeur
des actions nouvellement émises. De l’autre côté, nous trouvons les capital-risqueurs dont l’objectif est de minimiser la valorisation financière de l’entreprise dans l’espoir de détenir la plus
grande part possible du capital au moindre coût sans pour autant démotiver l’équipe dirigeante.
Quelle valorisation donner à l’entreprise ? Quels sont les critères et les contraintes en jeu ?
C’est à ces questions que nous apportons des réponses.
1. LES LEVIERS
QUALITATIFS DE
VALORISATION DES
PROJETS INNOVANTS
➊
Nous exposerons les leviers de valorisation autour des critères constructifs de la décision d’investissements des capital-risqueurs.
➋
Nous présenterons les méthodes d’évaluation par les cash-flows en
présentant leurs intérêts et leur cadre d’application.
➌
Nous traiterons de l’évaluation par les comparables et des sources
d’erreurs.
Les capital-risqueurs se soucient principalement du prix dont ils doivent s’acquitter pour détenir une part du capital, du prix auquel ils pourront revendre leurs actions et du moment auquel
ils pourront les vendre. C’est autour de ces trois critères que se construit la valorisation et une
maîtrise superficielle des risques endogènes et exogènes au projet peut aboutir à une surestimation rendant l’investissement infructueux ou encore à une sous-évaluation. Cette dernière
apparaît lorsque l’investisseur cherche à se prévenir du risque lié au manque d’information.
Dans les projets technologiques, la sous-évaluation est souvent telle que les instigateurs de projets les plus prometteurs s’en trouvent démotivés.
Lorsque l’on interroge les capital-risqueurs sur la formation de leur décision d’investissement,
on discerne rapidement deux axes : la recherche de projet à fort potentiel de rentabilité pour un
risque contrôlé. Les critères composants ces axes sont représentés sur le graphique ci-dessous
et détaillés ci-après dans les tableaux (2).
(2) Source : " La Valo : Valorisation stratégique et financière ", JS Lantz, ed. Maxima
P 12
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
Les composants de l’évaluation de la rentabilité et du risque d’un projet par les Capital Investisseurs
ANALYSE DU PROJET
ÉVALUATION
DÉCISION
Attractivité du marché
Définition
Taille
Croissance
Parts de marché
Projections financières
Rentabilité
attendue
Cash-flow
Besoins de financement
Capacité d’endettement
Intensité capitalistique
Décision
d’investissement
Capacité managériale
Compétences à diriger
Expertise
Flexibilité
Track record
Risque
perçu
Avantages concurrentiels
Barrières à l’entrée
Time to market
Contrat d’exclusivité
Contrôle de la distribution
Contrôle des fournisseurs
1.1 Evaluation de la
rentabilité attendue
d’un projet
Elle est avant tout estimée par rapport à l'attractivité du marché sur lequel se positionne le projet
et, dans un deuxième temps, par les projections financières. Un projet est d’autant mieux valorisé
qu’il s’inscrit sur un marché en pleine croissance et que les projections financières sont maîtrisées.
Les tableaux ci-dessous récapitulent les critères de marchés et ceux relatifs aux projections financières auxquels les capital-risqueurs sont sensibles :
Critères d’évaluation du marché par les capital-risqueurs
CRITÈRES D’ÉVALUATION
FORT POTENTIEL
FAIBLE POTENTIEL
Vente
Leviers de commercialisation
Clients récurrents
Mal défini
Incertain
Client
Accessible
Pouvoir d’achat
Loyal à une marque
Valeur ajoutée
Forte valeur ajoutée
Paiement à l’avance
Faible valeur ajoutée
Pas de barrière à l’entrée
Taille
De € 100 millions à € 1 milliard
Moins de € 100 millions d’euros
Non extensible
Croissance
De 30 % à 50 % de croissance/an
De moins de 10 % de croissance
ou en déclin
Parts de marché
20 % ou plus en 5 ans
Leadership
Moins de 5 % dans les 5 ans
P 13
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
Critères d’évaluation des projections financières des capital-risqueurs
CRITÈRES D’ÉVALUATION
1.2 Evaluation du
risque d’un projet
FORT POTENTIEL
FAIBLE POTENTIEL
Valorisation
Intéressante
Cohérente
Non justifiée
Elevée
Break-even
Cash-flow positif à l’issue
de la deuxième année
En année 3 ou plus
Cash-flow
Prévisibles et stables
Cyclique ou volatile
Free cash-flow
20 % ou plus du chiffre d’affaires
Inférieur à 10 % du chiffre d’affaires
Marge brute
Stable et supérieure
à 40 % du chiffre d’affaires
Faible et inférieure
à 20 % du chiffre d’affaires
Résultat net
Supérieur à 10 % les années
suivant l’année 2
Toujours négatif après l’année 2
Besoins de financement
Bien calibrés
selon les objectifs
Mal identifiés
Trop élevés ou trop faibles
Intensité capitalistique
Chiffre d’affaires élevé
par rapport au total de l’actif
Chiffre d’affaires faible
par rapport au total de l’actif
Capacité d’endettement
Forte avant la sortie du
Capital Investisseur
Faible ou après la sortie du
Capital Investisseur
R&D
Faibles besoins immédiats
R&D à financer
Subventions
Capacité à obtenir des subventions
françaises et européennes
Sans aides publiques
Perçu parfois comme inquiétant
Les facteurs qui tiennent à l’évaluation des risques par les investisseurs en capital sont, d'une part,
la capacité managériale du chef de projet et de son équipe dirigeante, d'autre part, les avantages
concurrentiels offerts par le bien ou le service produit. Notons que le premier facteur domine le
deuxième et qu’ils sont indépendants.
Ainsi, la qualité de l’équipe dirigeante est le premier critère auquel les capital-risqueurs sont attentifs. Ils apprécient notamment une équipe qui a une stratégie claire et des tactiques opportunistes
en termes de marchés et de technologies. Le tableau suivant regroupe les caractéristiques
complémentaires que doit posséder l’équipe dirigeante pour qu’elle soit considérée comme étant à
haut potentiel.
Critères d’évaluation du management par les capital-risqueurs
CRITÈRES D’ÉVALUATION
P 14
FORT POTENTIEL
FAIBLE POTENTIEL
Equipe
Combinaison de personnes reconnues. Track record (expérience)
Entrepreneur solitaire
sans track record (expérience)
Expertise
Connue et reconnue
Clarté des objectifs
Nouveau dans le secteur
Surévaluation des objectifs
Travail en équipe
Organisé et encouragé
Résistance au stress
Performance individuelle
Individus surmenés
Attitude face à la technologie
Implémentation des nouvelles
technologies
Trop ambitieux
Implémentation trop large
Flexibilité
Capacité d’adaptation
d’investissement et
désinvestissement personnel
Attitude bornée
Prise d’opportunité
Toujours à la recherche de nouvelles
opportunités
Croyance centrée sur un marché ou
une technologie
Acceptation de l’erreur
Remise en cause aisée
Stratégie rigide
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
Bien que l’équipe dirigeante doive nécessairement être de grande qualité pour limiter les risques
d’échec d’un projet, le bien ou le service produit doit présenter une forte résistance aux menaces
principalement par ses avantages concurrentiels décrits ci-dessous.
Critères d’évaluation des avantages concurrentiels par les capital-risqueurs
FORT POTENTIEL
CRITÈRES D’ÉVALUATION
2. LES MÉTHODES DE
VALORISATION DES
PROJETS INNOVANTS
PAR LES CASH-FLOWS
FAIBLE POTENTIEL
Barrières à l’entrée
Propriété intellectuelle de qualité
Blindée
Pas de brevet ou de licence
Exclusivement du service
Time to market
En début de la fenêtre de marché
Trop tardif - Trop prématuré
Contrat
Prioritaire ou exclusivité
Sans contrat
Coûts
Faibles coûts de production
Communication facile vers le marché
Coûts de production élevés
Evangélisation du marché requise
Contrôle sur les prix
Fort
Faible
Contrôle de la distribution
Modéré à fort contrôle
Faible contrôle ou sans contrôle
Il est délicat d’estimer la valeur d’un projet dans la mesure où l’estimation dépend du marché et où
elle est propre à chaque personne. Néanmoins, dans un environnement qui place les capitalrisqueurs en concurrence, les modèles d’évaluation par actualisation des cash-flows attendus
apportent une première solution qu’il faudra ensuite croiser avec la méthode des multiples.
Les méthodes des cash-flows actualisés ou " discounted cash-flow ", sont adaptées aux projets
technologiques car elles sont centrées sur les flux de trésorerie disponible : les " free cash-flows ".
Plus précisément, on distingue les flux de trésorerie disponible à la firme de ceux qui sont disponibles aux capitaux propres. Dans le premier cas, il s’agit de flux libres de toute forme de rémunération ; le calcul de valorisation s’adresse aussi bien aux investisseurs en capitaux propres qu’aux
bailleurs de fonds. Dans le deuxième cas, il s’agit de flux nets du service de la dette ; ce calcul de
valorisation s’adresse donc aux investisseurs en fonds propres.
Le graphique ci-dessous résume l’ensemble des méthodes d’évaluation par actualisation des dividendes et des cash-flows (3).
Les méthodes d’évaluation par actualisation des dividendes et des cash-flows
INVESTISSEURS
EN CAPITAUX PROPRES
Cash-flows disponibles
aux capitaux propres
EBIT (1-impôt)
- (investissement - DAA)
- variation du BFR
= Cash-flows disponibles
aux capitaux propres
BAILLEURS
DE FONDS
Dividendes
Dividende attendu en année 1
(Coût des capitaux propres Taux de croissance annuel du
dividende)
Cash-flows disponibles
à la firme
EBIT (1-impôt)
- (investissement - DAA) (1-rd)
- (variation du BFR) (1-rd)
= Cash-flows disponibles
à la firme
Ratio d’endettement
La valeur des capitaux propres du
projet est égale à la somme des
CF disponibles aux capitaux propres actualisée au coût des capitaux propres.
La valeur des capitaux propres du
projet est le résultat de la fraction.
Coût des capitaux propres évalué à partir de comparables =
rf + Bêta (1 - (1 - Impôts) x (ratio d’endettement)) x (E (rm - rf)
rf : le taux sans risque
E(rm - rf) : la prime de risque
La valeur du projet est la somme
des CF disponibles à la firme
actualisés au coût moyen pondéré du capital.
CMPC =
ke (E / (D + E)) + kd (D / (D + E))
ke : le coût des capitaux propres
kd : le coût de la dette après impôts
E : capitaux propres
D : dette
(3) Source : " La Valo : Valorisation stratégique et financière ", JS Lantz, ed. Maxima
P 15
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
Les différents modèles d’actualisation et leurs applications
MODÈLE D’ACTUALISATION
2.1 Modèle d’actualisation des cash-flows
disponibles à la firme :
" free cash-flow to the
firm "
TAUX D’ACTUALISATION ET APPLICATION
Modèle d’actualisation des dividendes
Le taux d’actualisation est celui des capitaux propres.
Ce modèle ne s’applique pas pour les projets dont le résultat net est négatif
pendant une moyenne ou longue période de temps. En revanche, ce modèle est
approprié pour les projets d’extension de gamme de produits, de services ou de
marchés qui ont des besoins en fonds de roulement.
Modèle d’actualisation des cash-flows
disponibles à la firme
Le taux d’actualisation est le coût moyen pondéré du capital. Ce modèle
appelé également " free cash-flow to the firm " est adapté pour des projets qui ont :
• une volatilité modérée des cash-flows attendus ;
• un accès à l’endettement représentatif du secteur ;
• un bêta stable.
Modèle d’actualisation des cash-flows
disponibles aux capitaux propres
Ce modèle actualise les cash-flows disponibles au coût capitaux propres,
" free cash-flow to equity ". Il est particulièrement adapté aux entreprises des hautes technologies qui ont :
• un bêta élevé ;
• des investissements et des besoins en fonds de roulement élevés ;
• des bénéfices n’apparaissant qu’après une première période d’activité ;
• de faibles dividendes ou des dividendes non disponibles ;
• un accès à l’endettement qui n’est pas représentatif du secteur.
Les cash-flows disponibles sont les flux générés par l’ensemble des actifs d’un projet et libres
de toutes les formes de rémunérations financières. L’estimation des cash-flows disponibles nous
conduit dans un premier temps à calculer l’EBITDA (" earnings before interests, taxes, depreciation and amortization ", résultat sensiblement similaire à l’excédent brut d’exploitation) diminué des amortissements et des provisions pour obtenir l’EBIT (" earnings before interests,
taxes ", résultat sensiblement similaire au résultat d’exploitation). Précisons que le calcul des
free cash-flows prend son origine dans l’estimation des revenus diminués des coûts opérationnels pour obtenir l’EBITDA. C’est donc sur des hypothèses de marché, " market assumptions ",
que sont évalués les revenus attendus des ventes :
●
le revenu moyen par abonné appelé " ARPU " (Average Revenue Per User)
pour les services ;
●
le nombre d’unités vendues à un prix de marché pour un produit ;
●
le taux de pénétration ;
●
le taux de croissance attendu.
Pour valider ces hypothèses, il faut se livrer à une étude comparée d’entreprises, un " benchmark ", en comparant les projections du modèle de revenus des ventes attendus avec celles
réalisées par les concurrents. Si l’investisseur peut anticiper une croissance particulièrement
élevée des revenus des ventes lors du lancement d’un projet, il estime en général la valeur terminale de l’entreprise à partir des taux de croissance observés chez les concurrents.
L’estimation des revenus des ventes est ouverte à de larges interprétations si elles ne sont pas
argumentées. Des indications faibles seront synonymes de risques pour l’investisseur. La rémunération de l’investisseur étant croissante avec les risques d’un projet, il s’ensuivra inexorablement une dévalorisation du projet.
En revanche, lorsque l’on aborde l’estimation des coûts d’exploitation appelés " operational expenditure ", l’analyse devrait s’avérer plus fine car mieux maîtrisée. On distingue deux types de coûts :
●
les coûts directs liés à la vente ou " Cost of Sales " ;
●
et les frais généraux " Overhead Costs ".
Une sous-estimation des coûts signifie également une source de risque et entraînera une dévalorisation du projet. L’estimation des cash-flows disponibles à l’horizon prévisionnel explicite doit
être complétée de l’estimation de la valeur terminale. C’est en actualisant ces deux grandeurs
et en les additionnant que nous obtiendrons une valorisation financière totale du projet.
P 16
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
La valeur terminale
Dès lors, on comprend l’importance de la valeur terminale qui devra être estimée par la méthode de
croissance infinie des cash-flows disponibles ou par la méthode des multiples de sortie.
Méthode d’estimation de la valeur terminale par la croissance infinie des cash-flows disponibles.
Cette première approche est adaptée aux projets qui s’inscrivent dans le long terme et qui impliquent des investissements dans de lourds actifs amortis sur une longue période. De même, cette
approche est adaptée aux projets qui ont d’importantes barrières à l’entrée. Ce type de projets
est fréquent dans l’énergie, la construction ou encore le transport mais aussi dans les services
et les biotechnologies ou les autres méta-technologies. On considère alors un taux de croissance des cash-flows élevé car ces grands projets bénéficient du soutien de grandes organisations.
De plus, une croissance stable de ces cash-flows est attendue très rapidement après l’issue de
la période d’ingénierie ou de recherche ou après l’autorisation de mise sur le marché pour les
biotechnologies. La valeur terminale en t est :
VTt = (FCFt x (1+g)) / (wacc-g)
Avec :
VTt : Valeur terminale en t
FCFt : free cash-flow normatif en t
wacc : coût moyen pondéré du capital
g : taux de croissance constant des FCF
La valeur terminale de projet et les multiples de sortie.
Cette approche s’adresse plus particulièrement à des projets de petite dimension ou à ceux dont
l’estimation du taux de croissance présente de fortes incertitudes du fait d’un environnement
fortement concurrentiel ou de faibles barrières à l’entrée comme dans le secteur de l’Internet.
Le calcul de la valeur terminale avec les multiples de sortie repose sur l’hypothèse de la vente
du projet à l’issue de la période t à un horizon de cinq ans. La valeur terminale est alors généralement fondée sur un multiple qui peut être le chiffre d’affaires, l’EBITDA ou l’EBIT, méthode
qui est développée ci-après.
2.2 Modèle d’actualisation
par les flux de trésorerie
disponibles aux capitaux
propres
Cette méthode d’évaluation est particulièrement adaptée pour les projets de long terme au taux de
croissance très élevé au début de leur vie et qui passent par une période de transition avant de se
stabiliser. Ces projets laissent présager :
●
un très fort taux de croissance du chiffre d’affaires lors de la première
phase ;
●
l’expansion du chiffre d’affaires est due à l’impact de chaque client gagné
en début de période. Ceci signifie que le projet doit s’accompagner d’une
force commerciale et de coûts marketing élevés pour atteindre les objectifs de conquête d’un marché. Ces coûts grèvent significativement le
résultat d’exploitation (EBIT) ;
●
d’importants investissements sont mis en œuvre pour être en mesure de
produire le bien ou le service et donc de réaliser le chiffre d’affaires.
Ainsi, lors de la période de forte croissance, les investissements sont bien
plus élevés que les dotations aux amortissements. Cette différence tend à
s’estomper durant la seconde phase du projet pour finir à l’équilibre lors de
la phase de stabilisation ;
●
l’explosion du chiffre d’affaires s’accompagne inexorablement d’une envolée du besoin en fonds de roulement qui, s’il est mal géré, conduit à la mort
du projet. Les secteurs manufacturiers et de la distribution sont particulièrement sensibles à cet aspect et la construction de partenariats avec les
fournisseurs constitue bien souvent la clé du succès. A contrario, le BFR
tend à être laminé par la stabilisation de la croissance du chiffre d’affaires.
P 17
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
Il en résulte :
●
des cash-flows négatifs au début de la vie du projet ;
●
l’impossibilité de verser des dividendes pendant la première partie de la
vie du projet ;
●
un recours difficile à la dette, donc un faible ratio d’endettement ;
●
un marché peu diversifié et/ou émergeant, donc risqué lors de la phase
de croissance. Dans ces circonstances, le bêta est supérieur à celui du
marché. C’est avec la diversification des sources du chiffre d’affaires que le
bêta décroît dans le temps au même titre que le coût des capitaux propres.
La méthode des cash-flows actualisés implique une analyse rigoureuse des projections financières du projet. Elle force l’analyste à comprendre l’activité et à identifier les transactions créatrices de valeur. Les capital-risqueurs apprécient et utilisent la méthode d’actualisation des
cash-flows pour les entreprises qui sont sur des secteurs stabilisés et lorsque le projet est
soutenu par une entreprise-mère disposant déjà d’une certaine expérience. Cette méthode
prend particulièrement toute sa dimension dans les opérations de joint venture.
A l’opposé, cette méthode trouve ses limites dans le cas des start-up de par la difficulté à
évaluer les " free cash-flows ". Elle impose également de déterminer une valeur terminale de
l’entreprise par l’évaluation d’un " état stable ". Si cette valeur terminale représente en moyenne 50 % de la valeur des cash-flows actualisés, il n’est pas rare que la valeur terminale atteigne
plus de 100 % pour les start-up. Là encore, l’évaluation est empirique et subjective.
Les prévisions des cash-flows des premières années sont donc déterminantes car elles ont un
impact direct sur la valeur terminale. Si, pour les grands projets, la période d’évaluation de la
valeur terminale est de 11 à 15 années, elle est rarement supérieure à 10 années pour les projets de faible envergure, et l’on considérera même une période limitée à 5 ans pour les start-up.
Pour le calcul de la valeur terminale par l’actualisation des cash-flows, on attachera une attention
particulière aux hypothèses de croissance afin qu’elles soient en cohérence avec l’économie du secteur. Une alternative au calcul de la valeur terminale par la croissance infinie des cash-flows consiste à employer la méthode des multiples de valorisation qui est présentée dans la section suivante.
3. LES MÉTHODES DE
VALORISATION DES
PROJETS INNOVANTS
PAR LES MULTIPLES
Lorsque l’on applique la méthode des cash-flows actualisés aux entreprises de haute technologie, il est parfois difficile de produire une évaluation en raison de pertes récurrentes en début de
cycle et de la définition de la valeur terminale. Les capital-risqueurs tendent à utiliser dans la
grande majorité des cas la méthode des comparables pour déterminer les multiples de valorisation ou " comparable trading multiples ". Cette méthode consiste à déterminer la valeur
attendue de l’entreprise en appliquant un multiple de valorisation aux revenus générés. Le multiple le plus connu, mais sans doute le moins adapté aux entreprises de croissance, est le PER,
" price earnings ratio ".
Néanmoins, il existe autant de multiples de valorisation qu’il existe de définitions des revenus de
l’entreprise. Face à ce large choix, nous retiendrons les trois indicateurs suivants comme étant
les plus couramment utilisés :
●
le chiffre d’affaires ;
●
les profits avant intérêts, taxes, amortissements et provisions, appelés aussi
" EBITDA, Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization ";
●
les profits avant intérêts et taxes, appelés aussi " EBIT, earnings before
interest and taxes ".
On peut également calculer un multiple de valorisation en fonction d’autres indicateurs tels que
le total de l’actif ou à partir de statistiques (nombre de clients, nombre de pages vues pour un
site Internet, …), mais ces mesures tendent à être délaissées par les analystes au profit des indicateurs comptables. Le choix de la mesure se fera en fonction du secteur dans lequel l’entreprise exerce son activité, du risque et de la difficulté à prévoir les bénéfices.
P 18
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
Par essence, la méthode des multiples repose sur le choix d’entreprises comparables, le type de
revenus et de la période à considérer avant la sortie. Cette période correspond à la durée
pendant laquelle l’investisseur envisage son accompagnement. Elle est en moyenne de sept ans
en incluant les entreprises dans lesquelles les investisseurs sont " collés ". Les entreprises à
succès sont accompagnées pendant trois ou quatre années selon la réactivité du secteur. Par
exemple dans le domaine des logiciels, la période d’accompagnement sera de l’ordre de trois ans
alors que dans les biotechnologies elle pourra dépasser les dix ans. La période à considérer est
donc celle pour laquelle la date de sortie est planifiée.
Dans l’exemple suivant, l’investisseur détermine la valeur potentielle de l’entreprise quatre années
après son investissement, à partir des projections financières qui lui semblent raisonnables.
L’estimation de la valeur de l’entreprise est obtenue par le produit du multiple de valorisation et des
revenus attendus au moment de la sortie. Cette valeur est ensuite actualisée au CMPC. Lorsqu’il
s’agit d’une entreprise qui n’a pas accès à la dette, le CMPC sera le coût des capitaux propres.
Exemple de valorisation d’une entreprise par la méthode des multiples
Projections des EBIT
2004
2005
2006
2007
2008
-1,2
-0,3
0,6
1,7
4
Multiple de valorisation
10
Valeur de marché à la sortie
40
Valeur actualisée avec CMPC 35 %
-3
12
Ainsi, pour estimer la valeur des capitaux propres, la première étape consiste à calculer la valeur
de marché de l’entreprise au moment de la sortie qui, dans ce cas, est planifiée en 2008. Il faut
alors déterminer un multiple de valorisation (10 dans notre exemple) et l’affecter à l’EBIT projeté en 2008 pour obtenir la valeur de marché de l’entreprise, soit 4*10 = 40 millions d’euros. Cette
valorisation est également appelée " valorisation terminale de sortie par les multiples ". Le choix
du multiple de valorisation est primordial pour l’application de cette méthode et nous développons ultérieurement la manière dont il doit être calculé.
La deuxième étape consiste à actualiser la valeur de sortie obtenue. En actualisant au CMPC de
35 %, la valeur des actions post-money de l’entreprise fin 2004 est égale à 40/(1+0,35)4, soit
12 millions d’euros si la dette nette est nulle. Un investisseur qui intervient en haut de bilan à
hauteur de 3 millions d’euros fin 2004 devrait en contrepartie négocier 25 % du capital (3/12).
3.1 Les différents
multiples de valorisation
Au même titre que la valeur d’un appartement ayant une belle vue sur les jardins du Luxembourg
à Paris se négocierait à 10 000 euros le m2, une entreprise se négocie à X fois le montant de ses
revenus attendus. Le multiple de valorisation est fonction du secteur d’activité et s’évalue à partir d’un échantillon représentatif d’entreprises jumelles cotées sur le marché boursier. Pour
chaque entreprise jumelle il faut évaluer sa valeur de marché puis la rapporter aux revenus
générés afin d’en déduire son multiple de valorisation. C’est en faisant la moyenne des multiples
obtenus sur l’échantillon des entreprises jumelles que l’on définit le multiple à appliquer à
l’entreprise cible.
Valeur d’entreprise
Multiple de valorisation =
Revenus
Valeur de l’entreprise jumelle : Calculer la valeur d’une entreprise, " enterprise value " (EV),
consiste à estimer sa capacité à générer des profits en ignorant délibérément la manière dont
elle finance son actif. On cherche par conséquent à neutraliser les effets liés à la structure du
capital. Pour calculer l’EV d’une entreprise, on additionne la valeur de marché des capitaux propres à la valeur de marché de la dette et on retranche la trésorerie, le " cash ".
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
Ainsi, pour une entreprise cotée, on évaluera dans un premier temps sa capitalisation boursière. La capitalisation boursière est le produit du prix de l’action par le nombre total d’actions
cotées et non-cotées, " fully diluted shares ". Il faudra prendre garde aux plans de stock-options,
ce qui est le cas dans la plupart des entreprises technologiques. Lorsque les options sont " in the
money ", c’est-à-dire que le prix de l’action est supérieur au prix de l’exercice, on peut anticiper
l’exercice des stock-options ou d’autres dérivés. Il en résulte un encaissement qu’il faudra déduire de la dette nette car il est au bénéfice de la trésorerie. Les stock-options " out the money " ne
sont jamais exercées et un retraitement n’est pas nécessaire dans ce cas.
Dans un deuxième temps, on évalue la valeur de marché de la dette, " debt at market value ",
qui n’est pas la valeur comptable de la dette, " debt at book value ". En effet, pour une entreprise proche du dépôt de bilan, la valeur de marché de la dette tend vers zéro. A contrario, pour
une entreprise qui était risquée et qui a prouvé sa stabilité, la valeur de marché de la dette se
trouve augmentée. Les données de la valeur de marché de la dette restent cependant difficilement accessibles. On supposera alors que la valeur de marché de la dette d’entreprises cotées
est sensiblement équivalente à leur valeur comptable. L’incidence de cette hypothèse sur la
valeur d’une jeune entreprise est faible étant donné qu’elles sont peu endettées. En revanche,
les LBO sont fortement endettées et prendre la valeur comptable de la dette peut avoir un impact
significatif sur l’évaluation. Il faudra donc sortir de l’échantillon les entreprises qui sont en
difficultés.
Après avoir obtenu la valeur de marché d’une entreprise, l’EV, ou la valeur de ses capitaux
propres par sa capitalisation boursière, on la rapporte aux revenus afin de déterminer le multiple de valorisation le plus pertinent :
Les multiples de valorisation et leurs applications
MULTIPLE
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APPLICATION
EV / CA
C’est certainement l’indicateur le plus employé dans les secteurs traditionnels.
Plus rarement utilisé dans les entreprises technologiques, ce multiple présente l’inconvénient de ne pas refléter la capacité de l’entreprise à générer des bénéfices. Cet indicateur
est aussi employé dans des secteurs risqués où l’on est obligé de remonter jusqu’au
chiffre d’affaires pour calculer un multiple (par exemple dans le secteur de la biotechnologie). En raison des risques liés à l’incertitude des résultats nets futurs, les valorisations
faites avec ce multiple s’accompagnent d’un taux d’actualisation élevé.
EV / EBITDA
Cet indicateur est le plus employé aux Etats-Unis. La première raison est qu’il permet de remonter dans le compte de résultat pour les projets d’entreprises innovantes. La deuxième raison est
que si les entreprises sont vraiment comparables avec l’entreprise ciblée, elles ont le même
niveau de dotations aux amortissements car dans le cas contraire, il y aurait sur ou sousinvestissement.
EV / EBIT
Ce multiple est sans aucun doute le plus précis et le plus employé en Europe. L’EBIT est
l’indicateur qui entretient la plus forte corrélation avec la valorisation des entreprises et
la création de valeur.
Capitaux propres / RN
Bien qu’étant le plus employé sur les places financières, le ratio appelé communément PER
est l’indicateur le moins pertinent pour les entreprises de haute technologie. En effet, les
éléments financiers sous-jacents au financement de l’entreprise, tels que les dépenses
exceptionnelles, ou encore les jeux d’écriture à but d’économie fiscale ont un fort impact
sur le résultat net.
Autres multiples
D’autres multiples financiers et non financiers ont servi à la valorisation des entreprises
entre 1995 et 2000. L’indicateur favori des banques et des compagnies d’assurances était
le " market to book ratio ", l’EV rapportée à la valeur comptable. Dans le cadre des entreprises
technologiques, on ne pourra pas retenir cet indicateur étant donné qu’il n’entretient pas de
relation avec les valeurs de marché. D’autres ratios atypiques tels que le nombre de pages vues,
de clients, etc., exposent également l’investisseur à des risques importants de sur-valorisation.
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
Le multiple retenu sera celui qui est le plus représentatif sur un échantillon d’au moins huit entreprises. Pour parfaire l’appréciation, il faudra au demeurant exclure de l’échantillon les entreprises
aux multiples très élevés ou très faibles ainsi que les entreprises qui s’écartent du profil de la cible
pour éviter les biais de valorisation. Les cas les plus fréquents sont les entreprises beaucoup plus
grandes ou plus petites que la cible, n’ayant donc pas la même structure de coûts, celles qui sont
déficitaires alors que toutes les autres sont bénéficiaires.
3.2 Les sources d’erreurs
d’évaluation par la
méthode des multiples
Les limites de la méthode d’évaluation par les multiples est évidente et réside dans le choix des
entreprises jumelles. Cette méthode expose l’analyste à d’importants écarts si les critères suivants
ne sont pas respectés :
CRITÈRES
EXPLICATIONS
Secteur
On choisira des entreprises dans le même secteur industriel. Certaines entreprises sont
classées volontairement ou par réorientation des activités dans des secteurs qui ne leur
correspondent pas directement. Le chiffre d’affaires par activité est un indicateur qui
permet de valider le positionnement industriel de l’entreprise.
Lieu géographique
Les entreprises doivent se situer dans le même pays ou dans une même zone géographique : Europe, Asie, Etats-Unis… Valoriser une entreprise européenne en la comparant à
une entreprise sud-américaine vous amènera sans doute à une très forte sur-évaluation.
Les différences des normes comptables entre les différents pays sont également des sources de problèmes dans l’évaluation.
Taille
Les entreprises de grande taille ont des activités diversifiées, il est donc préférable de
choisir des " pure players " de taille petite ou moyenne.
Rentabilité
Les entreprises sélectionnées doivent être rentables.
Taux de croissance
Le pourcentage de croissance doit être similaire. On retiendra des entreprises qui ont des
taux de croissance compris entre 4 et 15 %.
Place de cotation
Introduire dans la liste des entreprises cotées sur des marchés différents peut conduire à
d‘importants écarts d’évaluation. Par leur taille, les entreprises cotées sur un premier marché ont des activités diversifiées en comparaison avec les entreprises cotées sur un
marché de valeurs de croissances qui ont des activités ciblées et au taux de croissance plus
important. On écartera les entreprises dont le chiffre d’affaires représente moins de 50 %
de l’activité de l’entreprise cible.
Structure du capital
La structure du capital doit être sensiblement comparable. On constate par exemple que les
entreprises des technologies de l’information cotées sur le Nouveau Marché ont un endettement à long terme pour ainsi dire inexistant. Les comparer avec des entreprises aux
structures équilibrées est une source d’erreurs graves dans l’évaluation.
Données
Il faut accorder une attention particulière à la validité des données. Les bases de données
ne sont pas exemptes d’erreurs et par expérience, sur dix entreprises, on peut s’attendre à
deux erreurs ou à des informations incomplètes. Lorsque l’on s’apprête à investir plusieurs
millions d’euros, il est préférable d’utiliser les documents originaux pour une évaluation
définitive.
Lorsqu’il s’agit d’entreprises très innovantes, on est parfois dans l’impossibilité de trouver une
entreprise jumelle. On tentera alors un rapprochement avec des entreprises issues d’une autre
industrie avec des structures de coûts similaires et dont on attend un développement identique.
Dans ce cadre, on accepte une plus grande exposition au risque dont on tiendra compte dans
l’actualisation de la valeur des capitaux propres.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
RELATIONS ENTRE
LES GRANDES ENTREPRISES
ET LES PME INNOVANTES
En décembre 2004, George Colony, Président du cabinet d’analystes Forrester Research, interrogé
par les Echos, déclarait que l’innovation, source indispensable du développement économique, ne
pouvait plus être du ressort de la seule entreprise comprise comme une entité isolée. Il identifiait
alors trois problèmes du modèle d’innovation " de l’intérieur " :
➊
sa relative stérilité due aux cloisonnements et à la mauvaise communication interne ;
➋
➌
sa lenteur ;
son extinction possible due à la fuite ou la disparition des cerveaux.
Cette attestation est pour le moins inquiétante pour les entreprises qui n’ont pas mis en œuvre des
liens fluides en interne et avec l’extérieur afin de s’approprier les innovations et les inventions
disponibles pour optimiser la profitabilité de leurs produits et leurs services.
Dans un monde économique à la recherche perpétuelle de création de valeurs, le temps est sans
doute venu d’envisager un modèle plus collaboratif dans lequel interviennent des acteurs différenciés voire spécialisés à un moment donné : pour inventer, pour financer, pour transformer, pour
sous-traiter, pour assembler, pour distribuer etc. On peut alors volontiers parler d’ " écosystème "
qui organise, entre les acteurs pouvant jouer plusieurs rôles, un cycle de vie de produit ou de
service (et qui inclut de plus en plus souvent les deux simultanément) adapté aux besoins
économiques.
De grandes entreprises dans différents secteurs ont ainsi particulièrement réussi à organiser
strictement la chaîne de sous-traitance (ex. l’industrie automobile) ou bien à mutualiser certains
coûts de développement notamment en collaborant avec d’autres grandes entreprises.
On peut alors se poser les questions suivantes :
●
les petites et moyennes entreprises et plus spécifiquement les petites
et moyennes entreprises innovantes ont-elles une place dans de tels écosystèmes ?
●
quels sont les moyens pour une jeune entreprise et une petite équipe
d’attirer l’attention d’une grande entreprise ?
●
quelles collaborations sont possibles ?
●
est-ce que dans la pratique de grandes entreprises ont réussi à instaurer
un modèle de coopération avec de plus petites sociétés ?
Dans les paragraphes suivants, nous rappellerons quelques chiffres sur la démographie des entreprises en Europe dans laquelle le sujet de l’innovation est un enjeu crucial et mobilise une grande
énergie. Nous évoquerons rapidement quelques questions lorsque l’on parle de relation entre petites et grandes entreprises. Puis, nous envisagerons le processus de collaboration entre grandes
entreprises, les petites et moyennes entreprises innovantes et jeunes pousses. Enfin, nous envisagerons quelques perspectives pour un renforcement de la relation entre les grandes entreprises et
les PME innovantes.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
1. QUELQUES CHIFFRES
1.1 Les petites et
moyennes entreprises
en Europe (Union)
La charte européenne des petites entreprises, adoptée par les dirigeants de l’UE lors du Conseil
Européen de Feira les 19 et 20 juin 2000, met en avant le rôle important des petites entreprises
et des chefs d’entreprises pour la croissance et, la compétitivité au sein de l’Union.
Entre juin 2003 et juin 2004, les PME (de tous secteurs) employaient environ 100 millions de
personnes, soit les 2/3 des emplois du secteur privé dans l’Europe des 19.
Les données de base sur les PME et sur les grandes entreprises dans l’Europe-19, 2003
ÉLÉMENTS DE COMPARAISON
PME
GRANDES
ENTREPRISES
TOTAL
Nombre d’entreprises
X (1 000)
19 270
40
19 310
Emplois
X (1 000)
97 420
300
139 710
5
1 052
7
Million €
0,9
319,0
1,6
%
12
23
17
€ 1 000
55
120
75
%
56
47
52
Nombre de personnes occupées par entreprise
Chiffre d’affaires par entreprise
Part des exportations dans le chiffre d’affaires
Valeur ajoutée par personne occupée
Part des coûts du travail dans la valeur ajoutée
(Source " Points forts de l’Observatoire des PME ")
Un rapport de l’Observatoire des PME européennes donne également une vue comparative avec
la situation aux Etats-Unis et au Japon. Le rôle des PME est assez similaire et aux Etats-Unis, la
part de l’emploi est plus faible dans les PME (le marché étant plus intégré avec de grandes
entreprises dans un espace d’une taille comparable à l’Union).
1.2 Du côté des grandes
entreprises
Etablir une répartition simplifiée des grandes entreprises dans le monde permet d’évaluer la
capacité géographique pour les petites et moyennes entreprises (incluant également les entreprises de technologies) d’établir des liens avec elles.
Si l’on considère les 100 plus grandes entreprises (ou groupes) mondiales, 31 ont leur siège en
Europe (principalement en France, UK et Allemagne), 23 aux Etats-Unis, 13 au Japon, 3 en Chine
et 2 en Corée.
Si l’on élargit l’échantillon aux 750 premiers groupes, 43 % sont Américains du Nord (Etats-Unis
et Canada), 22 % Japonais, 24 % Européens (incluant la Suisse) et 2 % Australiens.
Il apparaît sur les 2 échantillons qu’il existe une certaine répartition des grandes entreprises sur
les 3 régions Europe, Etats-Unis et Japon (avec certainement une croissance programmée
importante dans le reste du sud-est asiatique notamment en Chine). Cela permet d’envisager
que les petites et moyennes entreprises puissent bénéficier d’un accès géographique plus
immédiat à un nombre représentatif de grandes entreprises dans leurs régions respectives.
Cette synthèse de quelques chiffres, illustre qu’il n’est pas impossible que des écosystèmes
entre petites, moyennes et grandes entreprises naissent et se développent.
Plus encore, ils doivent encourager les grandes entreprises à favoriser ces échanges et ces collaborations pour par exemple : réduire leurs coûts d’accès à de nouveaux marchés, introduire
plus vite des produits adaptés aux usages, distribuer différemment leurs services ou assurer
rapidement le respect d’obligations réglementaires.
Cependant, d’autres ingrédients sont nécessaires à l’établissement naturel et fiable d’une collaboration entre grands et plus petits.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
2. COOPÉRATION ENTRE
LES PME EN EUROPE
(UNION)
Le rapport de l’Observation des PME européennes intitulé " La coopération entre les PME ",
montre une coopération active (50 %) des PME entre elles. La définition de coopération est assez
proche de la notion d’écosystème évoquée dans le préambule de ce document : " interaction
entre des PME indépendantes afin d’atteindre un objectif spécifique allant au-delà d’une simple
tâche ". La coopération entre PME est généralement justifiée (par leurs dirigeants) par l’accès à
de nouveaux marchés, l’extension d’une offre de produits, l’accès à du savoir-faire technologique
et la réduction de coûts.
De cette étude, il ressort également que les PME ont un nombre restreint de partenaires (1 à 7)
avec lesquels elles ont une relation stable, reposant sur la confiance avec de fréquents échanges. Les dirigeants de 8 PME sur 10 précisent que la coopération renforce leur compétitivité. Ces
PME indiquent que les avantages de la coopération l’emportent sur la perte d’autonomie. A
l’extrémité de ces éléments, il est constaté que 80 % des entreprises qui coopèrent le font avec
des partenaires nationaux car la proximité (de lieu, légale, commerciale et culturelle) rassure et
apparaît moins coûteuse.
Il apparaît aussi que la plus forte contrainte identifiée par les dirigeants d’entreprise comme
ayant un impact négatif sur leur développement est le manque de pouvoir d’achat de leurs
clients (dans une étude antérieure – datée de 2002 - c’est la pénurie de main d’œuvre qualifiée
qui était la raison prépondérante). Cette contrainte, sans doute amplifiée avec la récession
économique de l’époque 2001-2003, étant inversement proportionnelle à la taille de l’entreprise.
On peut alors imaginer que lorsqu’il ne s’agit pas de clients consommateurs de masse (le grand
public) les partenariats déjà en place et les tentatives de collaborations avec les grandes entreprises, dans le sens de l’écosystème de notre préambule, durant cette période, ont été assez
difficiles.
Certains indicateurs semblent enfin montrer que la croissance économique en Europe est
associée à un rôle en croissance des PME et notamment lorsqu’il s’agit de PME à fort potentiel
technologique. Il est noté trois impacts, non classés, qu’ont les PME sur l’économie :
➊
les PME sont un véhicule de diffusion des connaissances, qui deviennent
accessibles et peuvent être commercialisées et déployées par les grandes entreprises au travers de transferts de technologies ou bien des
acquisitions ;
➋
les PME augmentent la concurrence en termes de nouvelles idées ;
➌
les PME accroissent la diversité sur le marché.
Ces trois impacts et les éléments relevés plus haut sont à mettre en avant dans le contexte des
relations avec les grandes entreprises. Les petites et moyennes entreprises possèdent bien
certaines dispositions " génétiques " à la collaboration et notamment au partenariat avec les
grandes entreprises.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
3. INNOVATION ET
QUELQUES QUESTIONS
Si l’on s’en tient au fait que les PME sont de " bons conducteurs " de diffusion des connaissances, il paraît intéressant de mettre en avant la notion d’innovation. Il est possible de donner plusieurs définitions de l’innovation.
Si on se place d’un point de vue économique, une innovation sera sans doute jugée pertinente si
au bon moment, se conjuguent une invention (par exemple sous la forme d’une offre technologique produit, ou bien sous la forme d’un procédé ou d’un service) et un processus économique
né d’un besoin exprimé et mesurable. Une fois cette formule réalisée, il faudra développer puis
déployer cette innovation pour qu’elle produise un effet important et durable sur la création de
valeur.
L’innovation n’est pas réservée à une grande entreprise (comme par exemple la mise sur le marché d’une nouvelle molécule dans un objectif thérapeutique à l’échelle de la population mondiale). Il est même sans doute plus facile à un petit groupe d’individus d’être le promoteur d’une
innovation s’il n’est pas soumis aux exigences quotidiennes d’une plus grande structure avec un
ou plusieurs processus complexes, comme par exemple celui de l’industrie automobile rythmé
par un cycle de lancement de nouveaux produits de 32 mois sur lequel il faut introduire très graduellement une innovation pour ne pas le mettre en péril. Par contre, il se peut qu’il soit nécessaire, dans la phase de développement et ensuite de déploiement, de mettre en œuvre des partenariats ou collaborations nécessaires aux inventeurs de l’innovation pour atteindre leurs clients.
La formation d’un groupe d’innovateurs peut être initiée de différentes manières pour ensuite donner naissance à une PME innovante, par exemple :
●
de l’intérieur d’une grande entreprise et à partir d’un savoir-faire métier
ou bien technologique ;
●
à partir d’un laboratoire de recherche public, à la suite de travaux fondamentaux puis appliqués et souvent à partir des contrats entre le laboratoire
et de grandes entreprises ;
●
comme conjugaison d’individus d’horizons divers mais qui s’associent
pour mieux concrétiser leur vision partagée ;
●
directement à l’issue d’études (écoles d’ingénieurs, universités, cycle
technologique, apprentissage etc.) et pour mettre en œuvre pratique
l’enseignement.
Dans chacun de ces cas, on peut dire qu’il se passe un phénomène de rupture à double titre.
●
la première rupture se fait avec l’environnement d’origine.
Par exemple un groupe de personnes dans une grande entreprise opérateur de
telecom qui explore une nouvelle technologie de " social networking " pour la mobilité se met en marge des lignes de produits ou de services du moment.
●
la deuxième rupture vient de l’innovation elle-même.
Si cette innovation est suffisante au sens de la définition que nous avons donnée plus
haut (forte combinaison invention/marché) alors elle doit être développée et
déployée avec de nouveaux processus qui n’existent pas forcément dans l’environnement d’origine. Ce dernier cas est particulièrement vrai pour des innovateurs
issus de laboratoires publics ou privés.
On peut imaginer que la rupture avec l’environnement et avec des processus connus doit expliquer en partie la modification du crédit des innovateurs vis-à-vis de celui (grande entreprise,
laboratoire, etc.) qui les a employés et qui pourrait être un bon partenaire ou client de démarrage lors de leur passage d’un milieu à un autre. Les investisseurs en capital dans des PME innovantes sont souvent les premiers à demander aux fondateurs et dirigeants de se retourner vers
leurs anciens employeurs pour décrocher les premiers contrats commerciaux.
On peut également se demander si, de manière plus générale, les intérêts entre les innovateurs
et leur milieu d’origine ne divergent pas fortement dès la " rupture " entamée. Cette remarque
ne vaut pas uniquement pour ce qui concerne la mise sur le marché d’une innovation qui pourrait être hors des plans de la grande entreprise mais aussi parce que l’invention n’est pas forcément intégrable tel que dans son processus.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
4. LA PRATIQUE
Pour une PME innovante, établir une collaboration marketing, technique et commerciale durable avec une grande entreprise signifie souvent développer son activité ou tout simplement assurer sa survie à un moment critique pendant lequel l’innovation créée, parfois pendant plusieurs
mois ou années, doit exister.
Lorsque l’on évoque le mot de collaboration dans le cadre d’une relation entre une petite entreprise innovante et une grande entreprise, il faut rapidement aussi mettre en perspective les
" métriques " relatives réelles entre ces " partenaires " comme par exemple le nombre d’employés pour servir une tâche, la part de budget interne allouée à la R&D, la solvabilité, la présence internationale, les processus de décision, de mise sur le marché, d’achat, etc. : les écarts
sont évidemment énormes. C’est souvent sur ces critères que la relation peut poser problème et
même ne jamais être enclenchée.
Les dirigeants des petites entreprises innovantes sont donc confrontés à un problème d’accès à
la grande entreprise si leur approche est limitée à se battre pour être compatible avec les
métriques des grandes. De l’autre côté, les grandes entreprises doivent mettre en œuvre des
processus qui sortent du champ de leur activité de fond si elles veulent intégrer au mieux des
innovations qu’elles ne sont pas capables de produire elles-mêmes.
4.1 La pratique –
se connaître
La première question qui se pose est bien entendu celle de l’origine et de l’initiation de la relation entre la PME et une grande entreprise. Au delà des difficultés qui pourront exister au cours
de la vie de cette relation, certains freins sont en effet présents dès la rencontre.
Tout d’abord le manque de visibilité de la jeune société sur le marché qu’elle adresse, autant dû
à sa jeunesse, et donc à son absence d’historique ou de base de produits installée, qu’à son
manque de ressource et parfois son manque de politique de marketing opérationnel et de communication, ce qui peut rendre son identification difficile par les équipes du futur partenaire.
En outre, un certain nombre d’a priori, fondés ou non, préexistants au sein du grand groupe, vont
constituer autant de handicaps à la création d’une relation solide :
●
la pérennité de la PME : " Pourquoi consacrer des ressources à l’établissement de cette relation si la PME peut disparaître dans un futur proche ? " ;
●
l’aversion au risque présente dans un certain nombre de groupes (le célèbre syndrome : " Je ne me ferai pas renvoyer pour avoir travaillé avec Un
Des Grands Fournisseurs Mondiaux de Solutions Informatiques ") ;
●
la crainte du manque de ressources du côté de la PME pour soutenir
l’effort ou supporter le futur client plus important, dans le cadre d’une
relation commerciale ;
●
la peur " d’essuyer les plâtres " de la technologie innovante ou de servir
de banc de test à la PME ;
●
la problématique de la non-conformité des processus de la PME aux processus préexistants dans le groupe.
Bien entendu, la méconnaissance ou la peur, là encore parfois fondée, existe aussi du côté du
plus petit :
●
le manque de visibilité sur l’organisation du groupe et l’incapacité à
trouver le bon interlocuteur ;
●
le manque de réactivité de la grande entreprise après un premier contact ;
●
la peur de voir sa propriété intellectuelle détournée ou pillée.
Afin de faciliter la rencontre et la collaboration et de passer outre, ou de remédier à ces freins,
un certain nombre de solutions existent, qu’elles soient internes à l’une des deux parties, ou
résultant d’une initiative extérieure, politique par exemple.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
Certaines grandes entreprises ont, en effet, mis en place un ensemble de procédures facilitant
l’identification et la relation avec des structures émergentes de plus petite taille. On peut citer
les initiatives de veille et de collaboration mises en place par certaines équipes, pouvant déboucher par exemple dans un premier temps sur un JDA (Joint Development Agreement) avant d’entamer une collaboration commerciale ou de plus long terme. Ainsi, Jean Bolot (Directeur R&D
Advanced Technology Labs de Sprint) invite régulièrement plusieurs dirigeants d’entreprises à
rencontrer les managers de Sprint et ainsi créer le climat propice au partenariat. Les équipes de
Corporate VCs (investisseur attaché à un industriel) peuvent également, en investissant en
amont dans certains projets, être les initiateurs de la future relation avec les " business units ",
au-delà de la simple perspective de rentabilité financière.
Du côté de la PME, outre bien entendu les efforts afin de rassurer le grand compte sur sa pérennité et la viabilité de ses process, citons par exemple les Groupements de PME, permettant d’atteindre une taille critique facilitant l’interaction avec la Grande Entreprise. Nous évoquerons le
rôle potentiel des investisseurs un peu plus bas.
Enfin, citons les initiatives politiques, telles que les récents pôles de compétitivité et autres
" clusters " tendant à créer un écosystème propre à la collaboration entre différents acteurs
dans le cadre de stratégies de développement de territoires innovants en Europe.
Une fois la relation initiée et les premiers doutes levés, le démarrage opérationnel de la collaboration entre grandes entreprises et PME innovantes est le résultat d’un véritable cycle de
vente qui intègre la qualification des " acheteurs/vendeurs ", la qualification et la gestion de
l’opportunité et la gestion du cycle de vente lui-même.
4.2 La pratique –
l’engagement
Du côté de la PME, c’est à ce stade qu’il faut avoir une approche professionnelle très précise
pour déterminer son objectif (par exemple le type de solution technique qu’elle peut envisager
apporter à la grande entreprise). Du côté de cette dernière, les acteurs-clefs doivent être prêts
à s’engager dans un processus complet comprenant, entre autre, une séquence d’évènements,
des validations et des décisions.
Durant ce processus dans lequel la PME innovante est la plupart du temps sinon systématiquement en position de " vendeur " on distingue une chaîne de priorités, en " phases ", qui doivent
être successivement levées afin d’aboutir au résultat :
PHASE
➊
Une phase de développement des objectifs à la collaboration
(on parle aussi de problèmes-clefs du côté de la grande entreprise)
la priorité est d’identifier le BESOIN.
Il s’agit par exemple du développement d’un nouveau marché, d’un service vers des clients inconnus, du
lancement d’un nouveau produit, etc. A ce moment, les entrepreneurs ne devront pas négliger les bonnes
pratiques du marketing produit et anticiper un argumentaire du type produit/positionnement/marché
et " Go to Market " pour mieux convaincre du potentiel et constituer ainsi une accroche de collaboration
encore plus forte.
PHASE
➋
Une phase de preuve
la priorité est de démontrer la capacité à apporter une SOLUTION.
Par exemple : la digitalisation d’un processus manuel, le développement d’une brique logicielle d’infrastructure, la licence d’une propriété industrielle et/ou intellectuelle, la location d’un service, etc.
PHASE
➌
Une phase de conséquences liées à la SOLUTION proposée
la priorité est de réduire le RISQUE associé.
A ce stade, plusieurs arguments pourront être utilisés pour rassurer comme par exemple : le soutien
scientifique d’un laboratoire public ou privé, la présence de concours financiers (investisseurs, subventions ou autres aides locales, nationales ou européennes comme les aides OSEO/ANVAR), le fait d’avoir
mis en œuvre la solution pour un autre, être issu d’un programme de valorisation industrielle etc.
PHASE
➍
Une phase de mise en œuvre
la priorité est de proposer un PROTOCOLE spécifique pour mettre en œuvre la SOLUTION.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
Cette dernière phase qui doit généralement faire l’objet d’un contrat (incluant les modalités
financières) qui peut prendre différentes formes protocolaires, comme par exemple :
●
un travail de prestation de service pour valider les capacités des 2 parties
à résoudre un problème technique et pouvoir collaborer ensuite à plus
grande échelle ;
●
une prestation de service et de support depuis la mise en œuvre jusqu’à
l’exploitation d’une solution ;
●
une opération conjointe de Marketing pour proposer une offre sur le marché qui pourra par exemple combiner un produit et un service ;
●
un programme du type JDA (tel que défini précédemment) ou bien aussi
appelé " Early Adopter Program " qui permet de spécifier les fonctionnalités innovantes d’un produit correspondant à un véritable usage en offrant
au partenaire industriel un usage exclusif pendant une période de temps
avant mise sur le marché ;
●
la vente de licences sous différentes formes (perpétuelles, sur une base
de temps, en location etc.).
Pour matérialiser et finaliser ces protocoles, les services achats et juridiques interviennent à
la suite des interlocuteurs initiaux (entrepreneurs, sponsors, dirigeants de grands groupes,
spécialistes techniques).
Les processus d’achats des grandes entreprises peuvent s’avérer de nouveau des barrières
fortes à la conclusion contractuelle. On peut citer par exemple :
●
exigences bilancielles incompatibles avec une jeune société en démarrage
et même qui vient d’être financée par un investisseur en capital ;
●
longueur du circuit d’approbation ;
●
risque pris par les Directions des Achats vis-à-vis de sa notation financière si se multiplient les contrats avec de petites entreprises.
A cet égard, il faut, du côté des PME innovantes, avoir connaissance le plus tôt possible dans le
processus des éléments favorables ou des inhibiteurs clefs qui vont apparaître lors de la clôture contractuelle et donc si possible faire garantir en amont, par ses sponsors au sein de la grande entreprise, la capacité de conclure.
Cependant, même pour les entrepreneurs les plus chevronnés, le parcours en quatre phases cidessus peut laisser un goût amer, comme l’explique le fondateur et Directeur des Opérations
d’une jeune entreprise lyonnaise d’édition de logiciel (non financée par le Capital Risque) : " Il y
a un problème d’engagement de l’encadrement dans les grandes entreprises en France. Nos
interlocuteurs ne possèdent plus de pouvoir direct de décision et cette capacité est diluée dans
l’entreprise. Il s’agit plus de naviguer dans une organisation qui va émettre un avis ou un besoin
à l’échelon supérieur. "
Enfin, si les grandes entreprises sont pourvues de services juridiques rompus aux pratiques
contractuelles, il est important que la PME innovante puisse être également assistée dans la
rédaction et la négociation des ces protocoles et engagements. L’avocat, le conseil spécialisé et
l’expert en propriété intellectuelle et industrielle sont à partir de ce stade des partenaires
critiques de la PME innovante et doivent s’assurer du bon équilibre des contrats. Ce point est par
ailleurs un élément-clef pour un investisseur en capital lorsqu’il envisage d’investir dans une
PME innovante.
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4.3 La pratique –
la vie en commun
Le démarrage opérationnel, décrit précédemment comme l’aboutissement contractuel ou non d’un
cycle d’évaluations et de négociations, doit alors donner suite à la collaboration proprement dite.
C’est généralement un temps que l’on peut classer dans la catégorie " projet " avec des groupes
d’interlocuteurs constitués entre chaque partie. La notion de projet est importante dans la vie en
commun parce qu’elle fixe à tous un objectif, un début, une fin et aussi comporte des variables
clefs que sont : le temps, les coûts, les ressources (moyens financiers, matériels et humains) et
les chemins critiques.
Il peut s’agir d’un projet purement commercial et marketing comme dans le cas de la vente de
licences. Dans ce cas, le bon déroulement de la collaboration passera par exemple par le développement de l’usage des produits licenciés dans la grande entreprise et éventuellement ses
sous-traitants et équipementiers (depuis les utilisateurs initiaux jusqu’au déploiement dans
l’entreprise étendu par exemple à l’export). La pérennité sera ensuite assurée par l’usage récurrent de nouveaux produits (donc de nouvelles licences) et de nouvelles fonctionnalités.
Dans un projet plus " collaboratif " (comme par exemple un projet de services, de recherche et
développement ou bien un " Early Adopter Program " tel que décrit plus haut), il se peut que les
équipes travaillent sur un même plateau ou centre de compétence (même lieu physique ou
virtuel). L’intégration des équipes peut conduire à renforcer la confiance réciproque et à aboutir
par exemple à une acquisition par la grande entreprise.
Par contre, certains facteurs du projet sont déterminants pour l’engagement de la PME innovante. La longueur du projet est, par exemple avec un industriel du domaine aéronautique, à
considérer dès le démarrage pour s’assurer de sa capacité financière et commerciale sur le
moyen ou long terme. Cela pose évidemment des questions de fonds propres qui doivent être
calibrés en fonction des futurs projets de collaboration.
La mise en œuvre des premiers projets est, évidemment, clef pour la PME innovante. Il s’agit
d’un premier accès au marché et la constitution de références avec des " grands noms ". Depuis
le début des années 90, la notion " d’Early Adopter " est au centre de stratégies de développement de jeunes sociétés de technologies. On peut citer la méthode, issue du célèbre livre de
Geoffrey A. Moore, Crossing The Chasm (le titre est évocateur : Marketing and Selling High-Tech
Products to Mainstream Customers) et qui décrit la route à suivre pour atteindre un statut de
leader depuis ses premiers clients, en fait partenaires des premiers jours.
Il n’y a pas, à ce stade, de véritable recette du succès de projets entre PME innovantes et grandes entreprises, mais plutôt des équipes d’entrepreneurs à succès qui ont de la méthode. La
réussite est d’ailleurs celle des 2 parties avec un fort bonus pour la PME innovante qui constate
son développement et assure sa pérennité. C’est autant le fait de la PME innovante qui a introduit une innovation à la base de la collaboration à succès que celui de la grande entreprise qui
a su mettre en œuvre en interne ou bien industrialiser pour ses clients cette innovation et lui
permettre d’être une solution pour un marché.
Dans la vie en commun, la PME innovante constatera une certaine récurrence des efforts à considérer pour lui permettre de continuer à collaborer avec son partenaire :
●
modélisation de la prochaine offre ;
●
approche marketing ;
●
communication ;
●
adaptation aux méthodes de travail ;
●
relations contractuelles et financières.
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Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
De son côté, la grande entreprise, même si elle a la capacité de lancer plusieurs dizaines de
projets avec plusieurs jeunes entreprises et aussi éventuellement d’instaurer une compétition
avec des développements internes, peut choisir de développer sa capacité collaborative dans la
perspective positive de cultiver son propre écosystème. Elle peut, par exemple, proposer à ses
partenaires de s’inscrire dans le cadre d’un programme marketing effectif (club, partenaires de
référence, etc.) ou bien de brancher leurs offres sur sa plate-forme et avoir accès à ses propres
clients.
De manière très brutale, on peut dire que le principal " frottement " à l’exécution et au développement de la collaboration est le partage du potentiel de revenus qui en sera le résultat. S’il peut
être stipulé dans les premiers temps, il évolue de manière continue, et la vie en commun des
partenaires peut s’interrompre parce que la jeune entreprise innovante à fait son chemin commercial et que ses revendications financières ne sont plus compatible avec le contrat de base.
De l’autre coté, et par exemple dans le cas d’une relation commerciale basée sur des contrats de
licences logiciels, la grande entreprise peut rompre avec sa politique d’achat initiale en considérant que le produit fourni est passé du stade d’unique à celui de commodité.
4.4 La pratique –
et l’investisseur ?
Nous allons à présent tâcher de déterminer le rôle que peut jouer un investisseur en capital dans
la relation entre Grande Entreprise et PME, et ceci dans le cas particulier de la start-up innovante et de son ou ses investisseurs en Capital Risque.
En premier lieu, l’investisseur en capital a, bien entendu, un rôle qui n’est pas opérationnel dans
les sociétés dans lesquelles il a investi. Il sera par exemple présent et " actif " dans les organes
sociaux tels que le Conseil de Surveillance ou bien le Conseil d’Administration ou bien se limitera à son rôle d’actionnaire en étant plus " passif ". Il rassure tout d’abord la Grande Entreprise
sur la pérennité de la PME, non seulement par les ressources financières immédiates dont elle
dispose grâce à lui, mais aussi parce que les investisseurs en Capital Risque ont l’habitude de
s’engager au capital pour plusieurs années. Ensuite, la présence active d’un ou de plusieurs
investisseurs de référence peut être la caution qu’une partie du travail de validation de l’offre a
été réalisée, aussi bien sur le point technique, de la propriété intellectuelle ou du marché. Enfin,
elle peut rassurer sur la bonne gestion de l’entreprise, dont le management doit rendre régulièrement compte à des actionnaires professionnels et avisés.
Mais l’investisseur en capital peut également offrir à la PME un soutien beaucoup plus étendu.
Cela commence bien entendu par l’introduction auprès de personnes-clés de la grande société
à travers son réseau (dans le cas d’un investisseur attaché à un industriel ou Corporate VC, le
mécanisme est encore plus direct), ou l’assistance lors un processus commercial en donnant
accès aux décideurs. De manière plus indirecte, l’investisseur en capital peut aider à amener au
Conseil d’Administration, au Conseil de Surveillance, ou à tout autre organisme consultatif
des personnes connaissant particulièrement les grandes entreprises du domaine de la PME
innovante, ce qui sera évidemment un facilitateur pour établir, développer et maintenir la future
relation.
Enfin, l’investisseur en capital, par son expérience construite au cours de ses investissements
passés, représente bien entendu un conseil précieux dans la manière de gérer cette relation.
P 30
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
5. LES PERSPECTIVES QUE PEUT-ON
SOUHAITER ?
La conclusion directe de notre exposé est que la situation topologique et les processus d’initialisation et d’exécution ne sont pas absents pour faire collaborer de jeunes entreprises innovantes avec des grandes entreprises.
La capacité collaborative d’aujourd’hui est le résultat des expériences réussies et avortées des
entrepreneurs, des grands groupes et des investisseurs en capital depuis déjà quelques années.
Elle est aussi à l’image (naturelle) des pratiques politiques et organisationnelles qui dominent en
France et en Europe comme la culture industrielle de groupe. Elle évolue également en mettant
en avant et au centre des décisions de nouveaux organes comme les directions achats et juridiques. C’est donc un environnement façonné par son histoire et qui évolue en fonction d’exigences économiques ou de management particulières.
Il serait dommage de borner ici la notion d’innovation aux entreprises (petites et grandes). Pour
l’investisseur en capital, l’innovation doit être partout : dans les processus qui vont permettre aux
jeunes entreprises qu’il finance de collaborer avec une grande pour déployer son offre ou saisir
un marché, dans les organes et fonctions des grandes entreprises pour " industrialiser le recrutement " de partenaires innovateurs, dans les initiatives et mesures politiques pour motiver et
accélérer les partenariats économiques entre grandes entreprises et PME innovantes.
Nous devons donc souhaiter, encourager et collaborer aux innovations qui visent à dynamiser les
relations entre grandes entreprises et PME innovantes. En tant qu’investisseurs de PME innovantes, notre attention se portera bien sûr :
●
à maximiser les actions en faveur de ces entreprises et mettre en valeur
l’entrepreneur auprès des dirigeants des grands groupes ;
●
à développer nos métiers pour permettre de concourir à des PME innovantes de qualité ;
●
à désirer que les moyens financiers d’accompagnement (aides, subventions, crédit d’impôts etc.) soient renforcés ;
●
à envisager que ces mêmes moyens financiers en faveur des grandes
entreprises soient liés à leurs capacités collaboratives avec de plus petites ;
●
et plus généralement à promouvoir une plus grande représentativité de
ces jeunes entreprises auprès des institutions et du public.
Enfin, les écosystèmes qui font collaborer naturellement PME innovantes et grandes entreprises
doivent être appréciés au moins au niveau Européen, d’abord pour connaître une taille critique
comparable aux deux autres grandes régions mondiales (Amérique du Nord et Asie) mais aussi
parce que les grandes entreprises qui vivent déjà à l’échelle internationale le demandent.
P 31
Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005
PRÉSENTATION DE L’AFIC
ET DE LA SOUS-COMMISSION
VALORISATION DE LA RECHERCHE
AFIC
Association Française des Investisseurs en Capital
L’AFIC regroupe la quasi-totalité des professionnels du Capital Investissement en France. Elle
accompagne et facilite la croissance rapide du Capital Investissement par son action dans les
domaines suivants :
●
la mise au point et la diffusion de règles déontologiques qui encadrent l’exercice du métier ;
●
la promotion du Capital Investissement auprès des investisseurs institutionnels français
et étrangers, et des investisseurs privés ;
●
le dialogue avec les pouvoirs publics, afin d’améliorer le cadre réglementaire dans lequel
s’exerce l’activité ;
●
le recueil, l’analyse et la publication des statistiques de référence de la profession ;
●
la formation des professionnels, qui a concerné en 2004 plus de 600 personnes.
L’AFIC compte actuellement 212 membres actifs – investisseurs en capital – et 123 membres
associés – professionnels des métiers liés au Capital Investissement : avocats, experts-comptables, auditeurs, conseils en stratégie…
Pour toute information complémentaire, vous pouvez utilement consulter notre site :
www.afic.asso.fr
SOUS-COMMISSION VALORISATION DE LA RECHERCHE
RAPPORTEUR
●
Frédéric MASCRÉ, Mascré Heguy Associés
MEMBRES
P 32
●
Jean-Claude LEVEQUE, LC Capital
●
Jean-Sébastien LANTZ, Telecom Paris
●
Lison CHOURAKI, Constantin Associés
●
Karen LALO, Mascré Heguy Associés
●
Philippe CROCHET, Partech International
●
Paule DROUAULT-GARDRAT, Bird & Bird
●
Yvan-Michel EHKIRCH, I-Source Gestion
●
Bernard DEGORRE, Tykya
●
Geoffroy DUBUS, Innovacom
Conception graphique - exécution : Valérie Foucault
CAPITAL RISQUE
ET VALORISATION
DE LA RECHERCHE
Frédéric MASCRÉ
Geoffroy DUBUS
Jean-Sébastien LANTZ
Yvan-Michel EHKIRCH
Philippe CROCHET
Association Française des
INVESTISSEURS
EN CAPITAL
14, rue de Berri - 75008 Paris
Tél : 01 47 20 99 09 - Fax : 01 47 20 97 48
Site web : www.afic.asso.fr
E-mail : [email protected]
Association Française des
INVESTISSEURS
EN CAPITAL