et valorisation de la recherche
Transcription
et valorisation de la recherche
Conception graphique - exécution : Valérie Foucault CAPITAL RISQUE ET VALORISATION DE LA RECHERCHE Frédéric MASCRÉ Geoffroy DUBUS Jean-Sébastien LANTZ Yvan-Michel EHKIRCH Philippe CROCHET Association Française des INVESTISSEURS EN CAPITAL 14, rue de Berri - 75008 Paris Tél : 01 47 20 99 09 - Fax : 01 47 20 97 48 Site web : www.afic.asso.fr E-mail : [email protected] Association Française des INVESTISSEURS EN CAPITAL Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 SOMMAIRE AVANT-PROPOS 2 CAPITAL RISQUE ET VALORISATION DE LA RECHERCHE 1. Constat 2. Quelques pistes pour une meilleure valorisation de la recherche 2.1 Le brevet : mécanisme indispensable de valorisation de la recherche 2.2 La valorisation par le brevet : nécessaire mais pas suffisante 3 3 3 3 4 LE FINANCEMENT D’ESSAIMAGES TECHNOLOGIQUES 1. Nature des essaimages 2. Intérêt pour le Capital Risque 3. Valorisation de l’apport technologique 4. Clés de succès CAPITAL RISQUE ET VALORISATION DE LA RECHERCHE 6 6 7 8 10 CAPITAL RISQUE ET VALORISATION FINANCIÈRE 11 1. Les leviers qualitatifs de valorisation des projets innovants 12 1.1 Evaluation de la rentabilité attendue d’un projet 13 1.2 Evaluation du risque d’un projet 14 2. Les méthodes de valorisation des projets innovants par les cash-flows 15 2.1 Modèle d’actualisation des cash-flows disponibles à la firme : " free cash-flow to the firm " 16 2.2 Modèle d’actualisation par les flux de trésorerie disponibles aux capitaux propres 17 3. Les méthodes de valorisation des projets innovants par les multiples 18 3.1 Les différents multiples de valorisation 19 3.2 Les sources d’erreurs d’évaluation par la méthode des multiples 21 RELATIONS ENTRE LES GRANDES ENTREPRISES ET LES PME INNOVANTES 1. Quelques chiffres 1.1 Les petites et moyennes entreprises en Europe (Union) 1.2 Du côté des grandes entreprises 2. Collaboration entre les PME en Europe (Union) 3. Innovation et quelques questions 4. La pratique 4.1 La pratique – se connaître 4.2 La pratique – l’engagement 4.3 La pratique – la vie en commun 4.4 La pratique - et l’investisseur ? 5. Les perspectives : que peut-on souhaiter ? 22 23 23 23 24 25 26 26 27 29 30 31 PRÉSENTATION DE L’AFIC ET DE LA SOUS-COMMISSION VALORISATION DE LA RECHERCHE 32 P1 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 AVANT-PROPOS Au cours de ces trois dernières années, nous avons rencontré des chercheurs au sein de laboratoires publics et privés, des enseignants chercheurs, des universitaires, des chargés de valorisation, des industriels, des financiers, des porteurs de projets qui nous ont réservé un accueil enthousiaste. Ces rencontres nous ont permis d’analyser les pratiques d’essaimage à partir des centres de recherche ou des grands groupes ainsi que le devenir des sociétés créées. Nous avons par ailleurs établi un état des lieux des mécanismes et techniques de valorisation des projets de recherche, et dressé une étude des relations entre les start-up et les grands groupes. Parallèlement à nos travaux, nous avons proposé au Sénat, dès septembre 2003, l’idée d’une manifestation destinée à réunir des chercheurs, des universitaires, des investisseurs, des entrepreneurs et des politiques afin d’améliorer la communication entre ces différents acteurs en vue d’une meilleure valorisation de la recherche française. Après plus d’une année de préparation, la première édition de cette manifestation, dénommée Tremplin Recherche, a eu lieu le 8 février 2005 au Sénat. PRÉSENTATION Cette journée a été articulée en particulier autour de six tables rondes et plusieurs chercheurs sont venus apporter leur témoignage sur la valorisation de leurs travaux selon différents modes : le dépôt de brevets, la cession ou la concession de brevets, la création d’entreprise innovantes, etc. Le succès a été au rendez-vous puisque cette manifestation a rassemblé plus de 700 personnes. Après ces trois années de travaux et de retours d’expérience, nous avons souhaité établir un rapport d’étape au travers du présent fascicule. Son seul objet est d’attirer l’attention des investisseurs en Capital Risque sur certaines des problématiques liées à la valorisation de la recherche. Bonne lecture. Frédéric Mascré Rapporteur de la Sous-commission Valorisation de la Recherche P2 Alain Caffi Président de la Commission Venture Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 CAPITAL RISQUE ET VALORISATION DE LA RECHERCHE 1. CONSTAT Comme l’a souligné Nicole Fontaine " la croissance de la France dépend, pour 50 %, de notre capacité à innover ". Il n’y a pas de croissance sans innovation. Toutefois, innover ne sert à rien, si l’innovation ne peut être valorisée à sa juste valeur. Or, aujourd’hui la France accuse des retards importants par rapport à ses concurrents au plan international que sont les Etats-Unis ou le Japon, concernant la valorisation de ses innovations. Innovation et valorisation sont devenues une priorité nationale. Il ne s’agit plus aujourd’hui de parler uniquement de l’excellence intellectuelle de la France. Les enjeux de l’innovation se situent en termes économiques, dans le cadre de la compétition internationale. Face à ce constat, un vaste plan en faveur de l’innovation a été mis en place par le gouvernement. La création d’une agence pour l’innovation industrielle, d’une agence pour la recherche, l’appel à candidature pour la mise en place de pôles de compétitivité, le lancement d’une politique d’aide aux PME sont autant de mesures destinées à favoriser la valorisation de la recherche. Ces mesures doivent cependant être complétées par une réflexion pragmatique sur d’autres pistes qui pourraient améliorer la valorisation de la recherche. 2. QUELQUES PISTES POUR UNE MEILLEURE VALORISATION DE LA RECHERCHE 2.1 Le brevet : mécanisme indispensable de valorisation de la recherche Pourquoi faut-il déposer des brevets ? " Le développement des brevets assure une indépendance scientifique et technologique à l’échelle de notre nation, indépendance qui est le garant de notre développement économique (…) Il permet de valoriser les résultats de la recherche, de transférer les connaissances produites par les chercheurs pour les transformer en applications et les mettre à la disposition de chacun " (Claudie Haigneré). Le brevet est un élément-clé de tout système de recherche et d’innovation. Plusieurs raisons peuvent être avancées. D’une part, le brevet accorde à l’inventeur une protection exclusive sur l’invention brevetée lui permettant de l’exploiter commercialement et d’en tirer profit, soit directement, soit indirectement par le biais des licences accordées. Le brevet permet ainsi de créer de la valeur. D’autre part, le brevet facilite la diffusion du progrès technique et le transfert de connaissances. En effet, la divulgation de l’invention permet de mettre à la disposition de la communauté scientifique, tant du domaine public que privé, l’information technique relative au brevet déposé. Cette information, largement accessible, assure une meilleure diffusion et un partage des connaissances. Enfin, le brevet constitue un fondement solide pour les partenariats technologiques publics/privés. P3 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 Quelques chiffres En tout état de cause, le brevet constitue un indicateur privilégié du niveau de performance des pays en matière de recherche-développement. C’est ainsi que l’on a constaté que la France a connu une large diminution de sa part de marché dans les dépôts de brevets. Avec moins de 7 % des brevets européens déposés, la France dépose deux fois moins de brevets que l’Allemagne. Aux Etats-Unis, la France ne représente que 2 % des brevets déposés, moins que l’Allemagne, le Royaume-Uni, Taiwan ou le Japon. Dans le cadre de ces chiffres, il convient de distinguer les dépôts de brevets effectués par les entreprises privées et ceux des centres de recherche publique qui sont nettement plus faibles. Les obstacles au dépôt de brevets ● Pour quelles raisons, n’existe-t-il pas en France de " réflexe brevet ", contrairement à d’autres pays tels que les Etats-Unis ou le Japon ? Certaines sont propres aux organismes de recherche publique et d’autres aux entreprises privées. Pour les centres de recherche publique, il n’est pas dans la culture des chercheurs de déposer des brevets, ce dépôt reste secondaire. Ceci est lié au fait que dans le monde de la recherche, l’évaluation des chercheurs s’effectue par référence aux publications effectuées, ce qui est incompatible avec le système juridique français du dépôt de brevet, fondé sur le caractère de nouveauté. Il est plus valorisant pour un chercheur de publier des articles que de déposer et de valoriser des brevets. Pour les entreprises et particulièrement les PME, déposer un brevet et entretenir ce dépôt s’avèrent être très onéreux. L’aspect financier constitue l’un des obstacles majeurs à l’utilisation des brevets par les entreprises françaises. Comment favoriser le dépôt et la licence de brevets ? Malgré les efforts de sensibilisation des chercheurs au dépôt de brevets, ceux-ci restent relativement faibles notamment pour les raisons précédemment évoquées. Le plan en faveur de l’innovation propose certaines mesures intéressantes afin de développer chez les chercheurs le fameux " réflexe brevet ". On peut citer la prime au brevet accordée à un ou plusieurs chercheurs du secteur public ayant d’une part déposé un brevet et d’autre part, valorisé ce brevet. En dehors des aides financières, beaucoup s’accordent sur le point que certaines modifications, plus profondes, du système français d’évaluation des chercheurs doivent être envisagées. D’une part, il conviendrait de modifier les critères d’évaluation des chercheurs actuellement fondés sur les publications effectuées et non sur leurs efforts en termes de valorisation de leur recherche. D’autre part, les dispositions relatives à la publication des recherches par les chercheurs ne doivent pas être un frein au dépôt de brevets comme c’est le cas actuellement. Ces dispositions doivent être compatibles avec le régime juridique du brevet comme c’est le cas aux Etats-Unis. 2.2 La valorisation par le brevet : nécessaire mais pas suffisante P4 Inciter les chercheurs à déposer plus de brevets est nécessaire mais pourtant pas suffisant, encore faut-il que ce brevet soit valorisé. Cette valorisation doit s’effectuer par le transfert de l’innovation vers le monde industriel composé des grands groupes mais aussi des PME qui doivent pouvoir accéder aux technologies développées dans les laboratoires. Dans ce cadre, il est nécessaire de faire appel à l’ensemble des acteurs intervenant dans le domaine de la recherche et de l’innovation, issus tant du domaine public (universitaires, chercheurs, chargés de valorisation, porteurs de projets) que du monde privé (entreprises privées – PME ou grandes entreprises- investisseurs, etc.). Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 A ce niveau, on a pu constater un manque d’information et de communication entre ces différents acteurs de l’innovation et de la valorisation. Or, ces échanges sont indispensables pour aboutir à une meilleure valorisation des projets et un transfert plus efficace des recherches dans le monde industriel. ● Comment peut s’effectuer ce transfert ? ● Comment valoriser un projet ? ● Comment favoriser le développement des petites entreprises par le biais de partenariats avec les grandes entreprises ? Essaimages technologiques : modalités du transfert de l’innovation Le transfert des projets de recherche vers le monde de l’industrie peut s’opérer par le biais de licences de brevets accordées aux entreprises ou par la création, par des chercheurs, à partir de leurs travaux de recherche, d’entreprises technologiques. L’essaimage pose plusieurs questions importantes relatives au transfert de la propriété intellectuelle, aux rapports entre l’entreprise essaimée et le centre de recherche essaimant, ou encore au financement de l’entreprise essaimée. Valorisation financière des projets : critères et contraintes La valorisation financière des projets innovants s’avère difficile en raison des nombreux impératifs qui doivent être pris en compte par les investisseurs. Plusieurs méthodes sont susceptibles de s’appliquer. Les avantages et les risques méritent d’être explicités. Partenariat PME et grandes entreprises : une coopération nécessaire Assurer le développement d’une jeune entreprise innovante nécessite bien plus qu’une technologie très aboutie. Une collaboration doit s’instaurer avec les grandes entreprises du monde industriel afin de lui assurer son essor. Cette collaboration peut s’avérer particulièrement difficile. Dans ce contexte, l’investisseur en Capital Risque peut jouer un rôle favorable non négligeable. Ce fascicule a été conçu pour donner aux membres de l’AFIC un aperçu des problématiques et des pistes à explorer relatives à la valorisation et au développement des projets innovants. Il a été préparé par un groupe de travail composé de professionnels de l’AFIC, qui se sont appuyés sur leurs propres expériences mais aussi sur les entretiens menés depuis plusieurs années auprès des différents acteurs du monde de la recherche et de l’innovation. P5 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 LE FINANCEMENT D’ESSAIMAGES TECHNOLOGIQUES Cambridge Silicon Radio, Gemplus, Ilog, Kelkoo ou Soitec sont autant d’entreprises reconnues comme de grands succès européens et parfois mondiaux. Leur point commun : être des essaimages technologiques financés par du Capital Risque. Ces réussites exemplaires nous poussent à nous interroger sur la nature des essaimages, les causes de leur performance et donc de l’intérêt qu’ils suscitent pour le Capital Risque. L’essaimage technologique suppose un apport technologique à la société en création. La valorisation de cet apport est déterminant pour le succès de l’entreprise essaimée. Nous étudierons les modes habituels de valorisation de cet apport et les clés de succès des essaimages. 1. NATURE DES ESSAIMAGES L’essaimage désigne la création d’une entreprise nouvelle par une ou plusieurs personnes avec ou sans la complicité de leur employeur ou de leur ex-employeur. Il implique ainsi la création d’une entité juridiquement et financièrement indépendante de la société d’origine. L'essaimage d'entreprises ou de laboratoires apparaît comme une solution porteuse d'avenir. Non seulement il permet de diversifier l'économie, mais aussi il favorise le développement du potentiel entrepreneurial et innovant tout en consolidant l'emploi. Selon l’APCE, 15 000 entreprises sont créées en France chaque année dans le cadre d’essaimages organisés par des groupes industriels, soit 7 % du total des sociétés créées. On distingue quatre types d’essaimages : P6 ➊ l’essaimage spontané correspond au départ d’un ou plusieurs salariés pour créer une entreprise indépendamment de toute politique d’essaimage menée par l’entreprise ou le centre de recherche d’origine. Un très grand nombre de PME sont créées par ce processus où les employés quittent délibérément leur groupe pour s’orienter vers un projet entrepreneurial prometteur. L’APCE estime que 57 % des créateurs d’entreprises en France sont des salariés ou d’anciens salariés ; ➋ l’essaimage industriel est à l’initiative du groupe d’origine et vise à externaliser une partie de ce groupe pour des raisons le plus souvent de restructurations sectorielles. Ces essaimages sont généralement complémentaires de l’entreprise essaimante et conservent un lien commercial avec celle-ci ; ➌ l’essaimage social répond à la volonté de l’entreprise d’origine d’ajuster ses effectifs. De la sorte, le groupe d’origine peut favoriser les départs volontaires en anticipant les restructurations. Il favorise la création d’activités nouvelles en offrant aux salariés l’opportunité de construire un parcours professionnel motivant lorsque l’évolution dans l’entreprise n’est pas envisageable. En fonction de l’activité de l’entreprise, on estime de 3 % à 20 % le nombre de salariés licenciés qui créent leur entreprise suite à un plan social. 75 % des essaimages structurés par des groupes industriels sont réalisés dans le cadre de gestion des sureffectifs ; ➍ l’essaimage technologique a pour objectif de développer des projets innovants à partir de technologies initiées dans le groupe d’origine. Il permet à l’essaimant de valoriser des technologies, brevets ou marques inexploités par l’organisation mère. Il peut être à l’initiative de l’entreprise ou du salarié et peut concerner tant les entreprises privées que les laboratoires publics. Il permet au groupe source de se développer en créant autour de lui un réseau de PME et de mieux valoriser ses technologies et sa propriété intellectuelle. Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 2. INTÉRÊT POUR LE CAPITAL RISQUE En recherche de projets innovants et à fort potentiel, les acteurs du financement en Capital Risque se concentrent surtout sur les essaimages spontanés et technologiques. Bien que l’essaimage industriel puisse faire l’objet de financements en Capital Investissement, il concerne rarement le Capital Risque car il porte sur des projets en développement couvrant des activités matures. Les essaimages sont généralement moins risqués et plus performants que les entreprises innovantes traditionnelles. Les salariés impliqués dans les essaimages spontanés ou technologiques sont le plus souvent à l’origine de la démarche entrepreneuriale et sont ainsi déterminés à faire de leur projet un succès. Fort de l’expérience acquise dans l’entreprise ou le laboratoire d’origine, ces salariés sont pleinement légitimes pour développer l’entreprise essaimée. Généralement, ils maîtrisent l’industrie, les marchés, les technologies et les processus industriels de l’écosystème dans lequel l’entreprise essaimée va évoluer. Bien que tout essaimage spontané sans apport de propriété intellectuelle de la société mère puisse se confondre avec toute création traditionnelle d’entreprise, l’expérience acquise par l’équipe dans la société mère est déterminante pour le succès du projet. A ce titre, l’essaimé est plus performant et ainsi plus attractif pour le Capital Risque. L’essaimage technologique présente l’intérêt supplémentaire d’intégrer des technologies du groupe d’origine qui sont généralement issues de programmes de recherche longs, coûteux et ayant pleinement bénéficié des infrastructures du groupe source. Ces technologies ont généralement fait l’objet de dépôts de brevets et ne sont donc exploitables que dans un cadre juridique très strict. Transférés à l’entreprise essaimée, ces brevets constituent une formidable barrière à l’entrée pour la start-up. De plus, développées et validées au sein du groupe d’origine, ces technologies sont presque immédiatement exploitables de façon commerciale par l’essaimé qui peut ainsi générer des cash-flows positifs plus rapidement que des start-up isolées. Ces projets ont fait l’objet de réflexions approfondies dans le cadre du processus d’essaimage. Ils sont supportés par l’entreprise mère qui s’engage à travers ses ressources et son apport technologique. Ils sont donc généralement moins risqués que des projets traditionnels. France Telecom, le CEA, l’INRIA, Aventis et bien d’autres centres de recherche ont mis en place des cellules spécialisées pour accompagner les employés entrepreneurs pour la préparation et la formalisation du dossier de création d’entreprise. Cette phase d’accompagnement est constituée de prestations de conseil et de mobilisation d’outils et d’expertises diverses. Certains laboratoires comme Philips, Siemens ou le CEA financent aussi la phase d’incubation du projet. Les chiffres sont éloquents : les essaimages technologiques issus du CEA, de France Télécom et de l’INRIA présentent un taux d’échec près de 1,6 fois inférieur au taux moyen des sociétés financées en Capital Investissement. Ces trois groupes ont en effet essaimé 69 sociétés technologiques qui ont été financées par des acteurs du Capital Risque. Parmi celles-ci, 11 ont abouti à un échec. Ce taux d’échec des essaimages de 15,94 % est à comparer au taux moyen d’échec du Capital Investissement européen de 24,85 % (en 2002 et 2003 – source EVCA). En pratique, les essaimages technologiques sont donc attractifs pour le Capital Risque car ils présentent un taux d’échec plus faible, des barrières à l’entrée plus élevées et une croissance supérieure à celle de sociétés innovantes traditionnelles. P7 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 3. VALORISATION DE L’APPORT TECHNOLOGIQUE Lorsque le laboratoire ou l’entreprise d’origine a validé l’opportunité d’exploiter en externe la technologie proposée par le salarié porteur du projet et donc d’accorder des droits sur cette technologie, se pose alors la question de la valorisation de cet apport technologique. Chaque entreprise ou organisme de recherche dispose de son organisation propre pour transférer et valoriser ses technologies dans le cadre de ces opérations. Toutefois, les modèles les plus aboutis font intervenir trois entités : ● l’entité de valorisation chargée de valoriser et de céder la technologie à la société essaimée ; ● l’entité de portage qui, en échange d’une participation dans la société essaimée, fournit des fonds au spin-off à hauteur du prix d’acquisition ou de concession de la technologie ; ● l’entité de financement qui dote en capital la société essaimée pour financer l’activité. Les entités de valorisation et de portage sont généralement parties intégrantes de l’organisme de recherche tandis que l’entité de financement peut être externe. Cette dernière peut être une société de Capital Risque indépendante du groupe d’origine. Ce modèle à trois entités présente l’avantage de bien dissocier les différentes phases du processus de création de l’essaimage et réduit ainsi les conflits d’intérêt. Les transferts de technologies peuvent se faire par la transmission de savoir-faire, d’informations ou de brevets. Dans le cas de brevets, deux modalités sont privilégiées : ● cession complète à l’entreprise essaimée des brevets déposés par le groupe d’origine ; ● concession de licences exclusives sur les brevets déposés. Dans ce cas, une faculté d’option d’achat est parfois prévue et permet à l’essaimage d’acquérir les brevets à un terme donné et sous réserve de la réalisation de certaines conditions. Dans tous les cas, l’apport technologique est valorisé soit en part du capital de la société essaimée, soit en cash avec ou sans royalties ou, selon une combinaison de cash et de capital. Certains laboratoires comme l’IMEC en Belgique, Siemens Technology en Allemagne ou Philips en Hollande ne valorisent la propriété intellectuelle qu’en parts de capital de la société essaimée. D’autres, comme les laboratoires de France Télécom, de Gemplus ou du CEA demandent en fonction des projets une simple prise de participation ou une combinaison de prise de participation, de versement numéraire et de royalties ou encore seulement des versements numéraires. Le plus souvent, les royalties sont payables par l’entreprise essaimée uniquement après plusieurs années d’existence et indexées sur le chiffre d’affaires réalisé par le spin-off. Lorsque le centre de recherche d’origine ne compte plus exploiter sur aucun marché les brevets de la technologie du spin-off, il est souhaitable qu’il les transfère intégralement à l’entreprise essaimée. Ainsi, l’essaimage dispose de la pleine liberté d’exploiter les brevets, de les faire évoluer et évite tout risque de conflit futur sur la technologie avec le groupe essaimant. Cette démarche accroît les chances de succès du projet. Elle est mise en œuvre par les laboratoires de Philips pour tous ses spin-offs et par l’IMEC lorsque celui-ci a décidé de ne plus développer la technologie sur d’autres secteurs d’applications. La concession au profit de l’essaimage d’une licence exclusive d’exploitation des brevets est une solution alternative, moins sécurisante pour l’essaimage. Elle assure généralement l’exclusivité d’usage de la technologie sur une durée longue et dans le cadre d’un périmètre prédéfini, des marchés et des applications donnés. Elle peut présenter l’avantage pour l’essaimage de bénéficier du soutien du groupe d’origine en cas de contentieux sur la propriété intellectuelle avec des tiers. P8 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 Toutefois, elle ne protège pas totalement l’essaimage des activités futures de l’organisme d’origine par rapport à cette technologie ce qui peut constituer une contrainte pour l’acquéreur potentiel du spin-off. La valorisation de sortie de l’essaimage en est donc potentiellement affectée. Afin d’éviter ces inconvénients, une licence avec option d’achat est un complément intéressant. Cependant, le prix de cette option n’est pas facile à déterminer à la création de la société. En pratique, l’octroi de licences exclusives d’exploitation des brevets est le mode de transfert technologique le plus utilisé dans le cas des essaimages. La valorisation de la technologie concédée est une question épineuse à laquelle le Capital Risqueur, le centre de recherche et l’entrepreneur ont chacun une réponse et des intérêts différents. Le centre de recherche est tenté de gonfler la valeur de cet apport afin d’en maximiser les revenus. L’entrepreneur est soucieux de détenir la part la plus importante du capital de la société et, afin de ne pas en obérer la croissance, cherche à réduire les versements numéraires dus au groupe d’origine. De la même façon, le Capital Risqueur est lui aussi très attaché à la valeur de la société et très sensible aux éléments susceptibles de nuire à sa croissance dont les montants à payer au groupe d’origine. En pratique, la valeur de la technologie est fixée par une discussion entre l’équipe fondatrice, le capital-risqueur et le laboratoire. Cette discussion peut être facilitée lorsque le groupe essaimant accepte de valoriser la propriété intellectuelle en capital car ainsi les intérêts convergent : le risque est partagé en cas d’échec du spin-off, le potentiel de gain est supérieur en cas de succès et par conséquent, tous ont un intérêt fort à l’accroissement de valeur. Dans ce cas, on peut constater la nécessité d’intéresser suffisamment les fondateurs clés au capital de l’essaimage afin qu’ils préservent la valeur du capital et demeurent motivés y compris après l’impact dilutif des tours de financements ultérieurs. A la création de l’entreprise technologique essaimée, on observe deux processus distincts pour la constitution de l’entité juridique : soit l’entreprise est créée par les employés fondateurs, soit elle l’est par le groupe source. Ainsi, les essaimages issus de groupes français tels que France Telecom, Gemplus, le CEA, EADS ou Thomson sont initialement constitués et détenus par les employés entrepreneur-fondateurs. La technologie du groupe source est ensuite transférée par contrat et peut être valorisée dans le cadre d’un apport en nature ou en numéraire contre une part du capital. Le financement en Capital Risque se positionne concomitamment à cette phase. D’autres essaimages issus de laboratoires belges, allemands ou hollandais tels que l’ULB, Siemens Technology, ou Philips sont juridiquement constitués par le groupe d’origine qui transfère la technologie. Ils sont ainsi détenus à 100 % par l’organisme essaimant qui finance la phase d’incubation. Vers la fin du processus, les employés entrepreneurs sont invités à investir dans la société pour prendre une place au capital. Après la phase d’incubation, le financement en Capital Risque est sollicité. En dépit de ces différences, la structure du capital de l’essaimage post-premier tour de financement (financement succédant à la phase d’incubation et qui varie typiquement de 1 à 3 M€) reste homogène. Le capital se décompose généralement comme suit : ● 10 à 30 % pour le laboratoire d’origine ; ● 25 à 45 % pour les employés-entrepreneurs ; ● 30 à 50 % pour le Capital Risque. Il est à noter que la part de capital pour le laboratoire d’origine varie fortement en fonction de l’implication et du financement de celui-ci dans la phase d’incubation. P9 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 4. CLÉS DE SUCCÈS Outre la qualité intrinsèque du projet, les conditions de réussite initiales d’un essaimage technologique résident dans les motifs de création du projet, le soutien apporté par l’organisme d’origine et la mobilisation de compétences complémentaires autour du chercheur-entrepreneur. Le taux de réussite des essaimages, leur capacité d’innovation, leur valeur ajoutée et leur taille augmentent lorsqu’ils sont créés en dehors de tout contexte de gestion des sureffectifs. L’engagement du groupe d’origine est important à double titre. D’une part, pour les projets issus de laboratoires portés par des chercheurs sans expérience de gestion d’entreprises, la mise en place d’une politique d’essaimage structurée offrant temps, support et conseil au chercheur est déterminante pour la réussite. Souvent, il faut mobiliser des compétences managériales, industrielles et marketing autour du chercheur-entrepreneur et l’accompagner dans la durée (parfois y compris dans les phases ultérieures de développement de la société). D’autre part, cet engagement de l’organisme essaimant offre à la start-up la possibilité de se prévaloir de l’image de marque du groupe source et ainsi la crédibilise vis-à-vis de ses partenaires et clients futurs. Pour les projets ayant vocation à être financés en Capital Risque, il est nécessaire de les conformer au profil des start-up utilisant ce mode de financement. Ainsi, dès le début de la phase d’incubation, les préoccupations du Capital Risque doivent être prises en compte. Les caractéristiques principales de la société (équipe, produit, marché, éléments financiers, structure du capital…) doivent être projetées sur une période allant jusqu’à la sortie des investisseurs. Ces projections ne peuvent pas dévier d’un standard qui mettrait en doute le succès du projet. A l’instar de ce que font quelques centres de recherche, les " cellules d’essaimage " des groupes peuvent privilégier certains acteurs du Capital Risque pour être secondés dans cette démarche. Forts de leur expérience en financement de start-up innovantes, ces acteurs du Capital Risque peuvent contribuer à tous les stades de l’incubation : ● au niveau du comité d’essaimage, lors de la sélection des projets, pour en estimer le potentiel et participer à la définition du soutien et des formations à apporter ; ● au niveau de la sélection des technologies à transférer à la société, par analyse du couple produit/marché ; ● au niveau de la création de l’entité juridique et la signature des contrats " congés création d’entreprise " des employés, par mobilisation de compétences managériales expérimentées autour de l’équipe fondatrice ; ● au niveau de la rédaction du contrat de transfert de la technologie, pour en estimer la valorisation ; ● au niveau de l’amorçage, par leur investissement. On constate ainsi que les interactions entre les cellules d’essaimage, les acteurs du Capital Risque et les employés entrepreneurs sont importantes. Au delà des conflits d’intérêts qui peuvent surgir à différents stades du processus, l’objectif final, à savoir le succès de l’essaimage, est partagé par tous. La mesure du succès n’étant possible qu’après plusieurs années, la relation entre les différents intervenants ne peut s’envisager que dans la durée. P 10 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 CAPITAL RISQUE ET VALORISATION FINANCIÈRE Les investissements en R&D signalent le positionnement stratégique des grandes entreprises et constituent le vecteur principal de création de " valeur client ". En effet, face à une concurrence internationale, les clients achètent sur étagère et ne sont plus les commanditaires de projets novateurs. La grande entreprise doit alors renouveler son offre à un taux supérieur à celui du marché en supportant des investissements en R&D. Ces investissements se traduisent par des charges apparaissant immédiatement pour des bénéfices incertains et éloignés dans le temps. Les actionnaires anticipent par conséquent une dégradation de la rentabilité financière d’autant plus importante que les charges de R&D sont élevées ou qu’elles viennent alourdir l’actif en cas d’activation. En témoignent les entreprises technologiques cotées en bourse puisque la rentabilité financière de celles qui ont une faible politique de R&D était de 41,48 % pour 2004 alors qu’elle était de moins de la moitié, soit 18,41 %, pour les entreprises qui ont une intense politique d’investissement en R&D. A cela s’ajoute un risque perçu par le marché financier qui est deux fois plus élevé pour les entreprises technologiques qui ont d’intenses investissements en R&D puisque leur bêta était de 2,01 contre 1,17 pour les autres entreprises. Ainsi, une politique d’intenses investissements en R&D accroît significativement le coût du capital le faisant passer de 16 % à 27 %. Pour un projet de R&D à 5 ans nécessitant un investissement de 10 millions d’euros, il en résulte un coût financier de 22 millions d’euros dans le cas où l’entreprise a une intense politique de R&D alors qu’il est de 11 millions d’euros dans le cas contraire. Dans ces conditions, il est évident que la rémunération attendue des investisseurs vient décourager les dirigeants dans leur velléité d’entreprendre des stratégies visant à générer des innovations pour deux principales raisons : ● d’une part, la richesse créée est orientée vers les apporteurs de capitaux au détriment d’une reconnaissance des dirigeants et des porteurs de projets ; ● d’autre part, cette rémunération vient se soustraire aux moyens humains et matériels qui pourraient être mis au profit du projet rendant les exploits encore plus difficiles à réaliser du fait du sous-équipement. Seraient-ce les raisons pour lesquelles Microsoft, entreprise emblématique du secteur du logiciel, secteur qui lui-même est le plus dépensier en R&D (deux fois plus que les biotechnologies), affiche des investissements en R&D extrêmement faibles ? Est-ce que les termes " Innovation " et plus encore " R&D " sont devenus tabous entre industriels et actionnaires car ils sont synonymes d’une destruction de valeur massive ? Si l’on en croît Bill Gates, lorsqu’il dit " our primary assets do not show up on the balance sheet at all " (1) , on peut penser qu’il existe bien d’autres solutions pour valoriser stratégiquement et financièrement les projets innovants afin qu’ils soient les instruments à la fois de " création de valeur client " et de " création de valeur financière ". L’innovation impose par conséquent un nouvel ordre organisationnel caractérisé par l’essaimage dont la flexibilité vise à transférer les risques directement sur les " filiales projets ", les " spin-off ". Rappelons qu’en 1994 seuls 2 % des projets industriels aux Etats-Unis étaient développés de façon indépendante sous la forme de " spin-off " alors qu’en 2001 ils représentaient 21 % des projets. Les investissements des fonds d’entreprise, les " corporate funds ", sont ainsi (1) Peut se traduire par : « nos actifs les plus importants ne figurent pas dans le bilan » P 11 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 passés de 100 millions à 17 milliards de dollars dans la même période. De 1995 à 2000, le fonds corporate de General Electric, GE Equity, a investi près de 4 milliards de dollars dans 300 projets d’entreprise indépendants, des " spin-off ". Cent-vingt d’entre eux étaient des " push spin-off ", essaimés directement de l’entreprise mère. Les investissements de GE Equity n’ont cessé de croître puisqu’ils ont été de 1,2 milliard de dollars en 2001, de 1,4 milliard de dollars en 2002 et plus encore aujourd’hui. Cette entreprise a par ailleurs constamment surperformé l’indice de marché SP 500 de 1998 à nos jours et démontre sa performance à gérer l’innovation. La gestion des " spin-off " se différencie d’une gestion administrée des projets car dans ces jeunes pousses se succèdent des partenaires aux expertises différentes et complémentaires en fonction des stades de croissance. Si la flexibilité est la véritable vertu de ce dispositif dynamique, la difficulté repose avant tout sur l’alignement d’intérêts entre actionnaires, dirigeants et salariés. Les investisseurs en capital jouent alors un rôle essentiel d’accompagnement. Leaders dans leurs participations, ils supportent le risque financier des opérations de développement, mais surtout ils jouent un rôle modérateur entre les parties. Leur capacité à gérer les contrats leur permet d’aligner les intérêts de chacun. Ils sont les architectes d’une ingénierie financière dont ils détiennent le contrôle, ce qui leur confère la possibilité d’agir sur la géographie du capital et de valoriser ou de sanctionner les intérêts de chacun des acteurs. De plus, le statut des sociétés de Capital Investissement confère à leurs actionnaires le bénéfice d’exonération fiscale ramenant le coût du capital à des niveaux acceptables. C’est dans cette perspective de rentabilité et de risques encourus par les capital-risqueurs que vient se poser la question de la valorisation financière dans les prises de décisions d’investissement. Forger son jugement est un véritable art, tant les projections financières sont délicates à définir et les instruments d’évaluation complexes. Ces derniers sont la source d’interprétations car la valorisation repose sur des hypothèses intuitives qui définissent pourtant la richesse potentielle des parties et surtout leur dilution immédiate. En effet, d’un côté, nous avons une équipe dirigeante qui cherche à minimiser la dilution dans le but éventuellement de garder le contrôle ou la minorité de blocage de l’entreprise, tout en tentant d’optimiser la valeur des actions nouvellement émises. De l’autre côté, nous trouvons les capital-risqueurs dont l’objectif est de minimiser la valorisation financière de l’entreprise dans l’espoir de détenir la plus grande part possible du capital au moindre coût sans pour autant démotiver l’équipe dirigeante. Quelle valorisation donner à l’entreprise ? Quels sont les critères et les contraintes en jeu ? C’est à ces questions que nous apportons des réponses. 1. LES LEVIERS QUALITATIFS DE VALORISATION DES PROJETS INNOVANTS ➊ Nous exposerons les leviers de valorisation autour des critères constructifs de la décision d’investissements des capital-risqueurs. ➋ Nous présenterons les méthodes d’évaluation par les cash-flows en présentant leurs intérêts et leur cadre d’application. ➌ Nous traiterons de l’évaluation par les comparables et des sources d’erreurs. Les capital-risqueurs se soucient principalement du prix dont ils doivent s’acquitter pour détenir une part du capital, du prix auquel ils pourront revendre leurs actions et du moment auquel ils pourront les vendre. C’est autour de ces trois critères que se construit la valorisation et une maîtrise superficielle des risques endogènes et exogènes au projet peut aboutir à une surestimation rendant l’investissement infructueux ou encore à une sous-évaluation. Cette dernière apparaît lorsque l’investisseur cherche à se prévenir du risque lié au manque d’information. Dans les projets technologiques, la sous-évaluation est souvent telle que les instigateurs de projets les plus prometteurs s’en trouvent démotivés. Lorsque l’on interroge les capital-risqueurs sur la formation de leur décision d’investissement, on discerne rapidement deux axes : la recherche de projet à fort potentiel de rentabilité pour un risque contrôlé. Les critères composants ces axes sont représentés sur le graphique ci-dessous et détaillés ci-après dans les tableaux (2). (2) Source : " La Valo : Valorisation stratégique et financière ", JS Lantz, ed. Maxima P 12 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 Les composants de l’évaluation de la rentabilité et du risque d’un projet par les Capital Investisseurs ANALYSE DU PROJET ÉVALUATION DÉCISION Attractivité du marché Définition Taille Croissance Parts de marché Projections financières Rentabilité attendue Cash-flow Besoins de financement Capacité d’endettement Intensité capitalistique Décision d’investissement Capacité managériale Compétences à diriger Expertise Flexibilité Track record Risque perçu Avantages concurrentiels Barrières à l’entrée Time to market Contrat d’exclusivité Contrôle de la distribution Contrôle des fournisseurs 1.1 Evaluation de la rentabilité attendue d’un projet Elle est avant tout estimée par rapport à l'attractivité du marché sur lequel se positionne le projet et, dans un deuxième temps, par les projections financières. Un projet est d’autant mieux valorisé qu’il s’inscrit sur un marché en pleine croissance et que les projections financières sont maîtrisées. Les tableaux ci-dessous récapitulent les critères de marchés et ceux relatifs aux projections financières auxquels les capital-risqueurs sont sensibles : Critères d’évaluation du marché par les capital-risqueurs CRITÈRES D’ÉVALUATION FORT POTENTIEL FAIBLE POTENTIEL Vente Leviers de commercialisation Clients récurrents Mal défini Incertain Client Accessible Pouvoir d’achat Loyal à une marque Valeur ajoutée Forte valeur ajoutée Paiement à l’avance Faible valeur ajoutée Pas de barrière à l’entrée Taille De € 100 millions à € 1 milliard Moins de € 100 millions d’euros Non extensible Croissance De 30 % à 50 % de croissance/an De moins de 10 % de croissance ou en déclin Parts de marché 20 % ou plus en 5 ans Leadership Moins de 5 % dans les 5 ans P 13 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 Critères d’évaluation des projections financières des capital-risqueurs CRITÈRES D’ÉVALUATION 1.2 Evaluation du risque d’un projet FORT POTENTIEL FAIBLE POTENTIEL Valorisation Intéressante Cohérente Non justifiée Elevée Break-even Cash-flow positif à l’issue de la deuxième année En année 3 ou plus Cash-flow Prévisibles et stables Cyclique ou volatile Free cash-flow 20 % ou plus du chiffre d’affaires Inférieur à 10 % du chiffre d’affaires Marge brute Stable et supérieure à 40 % du chiffre d’affaires Faible et inférieure à 20 % du chiffre d’affaires Résultat net Supérieur à 10 % les années suivant l’année 2 Toujours négatif après l’année 2 Besoins de financement Bien calibrés selon les objectifs Mal identifiés Trop élevés ou trop faibles Intensité capitalistique Chiffre d’affaires élevé par rapport au total de l’actif Chiffre d’affaires faible par rapport au total de l’actif Capacité d’endettement Forte avant la sortie du Capital Investisseur Faible ou après la sortie du Capital Investisseur R&D Faibles besoins immédiats R&D à financer Subventions Capacité à obtenir des subventions françaises et européennes Sans aides publiques Perçu parfois comme inquiétant Les facteurs qui tiennent à l’évaluation des risques par les investisseurs en capital sont, d'une part, la capacité managériale du chef de projet et de son équipe dirigeante, d'autre part, les avantages concurrentiels offerts par le bien ou le service produit. Notons que le premier facteur domine le deuxième et qu’ils sont indépendants. Ainsi, la qualité de l’équipe dirigeante est le premier critère auquel les capital-risqueurs sont attentifs. Ils apprécient notamment une équipe qui a une stratégie claire et des tactiques opportunistes en termes de marchés et de technologies. Le tableau suivant regroupe les caractéristiques complémentaires que doit posséder l’équipe dirigeante pour qu’elle soit considérée comme étant à haut potentiel. Critères d’évaluation du management par les capital-risqueurs CRITÈRES D’ÉVALUATION P 14 FORT POTENTIEL FAIBLE POTENTIEL Equipe Combinaison de personnes reconnues. Track record (expérience) Entrepreneur solitaire sans track record (expérience) Expertise Connue et reconnue Clarté des objectifs Nouveau dans le secteur Surévaluation des objectifs Travail en équipe Organisé et encouragé Résistance au stress Performance individuelle Individus surmenés Attitude face à la technologie Implémentation des nouvelles technologies Trop ambitieux Implémentation trop large Flexibilité Capacité d’adaptation d’investissement et désinvestissement personnel Attitude bornée Prise d’opportunité Toujours à la recherche de nouvelles opportunités Croyance centrée sur un marché ou une technologie Acceptation de l’erreur Remise en cause aisée Stratégie rigide Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 Bien que l’équipe dirigeante doive nécessairement être de grande qualité pour limiter les risques d’échec d’un projet, le bien ou le service produit doit présenter une forte résistance aux menaces principalement par ses avantages concurrentiels décrits ci-dessous. Critères d’évaluation des avantages concurrentiels par les capital-risqueurs FORT POTENTIEL CRITÈRES D’ÉVALUATION 2. LES MÉTHODES DE VALORISATION DES PROJETS INNOVANTS PAR LES CASH-FLOWS FAIBLE POTENTIEL Barrières à l’entrée Propriété intellectuelle de qualité Blindée Pas de brevet ou de licence Exclusivement du service Time to market En début de la fenêtre de marché Trop tardif - Trop prématuré Contrat Prioritaire ou exclusivité Sans contrat Coûts Faibles coûts de production Communication facile vers le marché Coûts de production élevés Evangélisation du marché requise Contrôle sur les prix Fort Faible Contrôle de la distribution Modéré à fort contrôle Faible contrôle ou sans contrôle Il est délicat d’estimer la valeur d’un projet dans la mesure où l’estimation dépend du marché et où elle est propre à chaque personne. Néanmoins, dans un environnement qui place les capitalrisqueurs en concurrence, les modèles d’évaluation par actualisation des cash-flows attendus apportent une première solution qu’il faudra ensuite croiser avec la méthode des multiples. Les méthodes des cash-flows actualisés ou " discounted cash-flow ", sont adaptées aux projets technologiques car elles sont centrées sur les flux de trésorerie disponible : les " free cash-flows ". Plus précisément, on distingue les flux de trésorerie disponible à la firme de ceux qui sont disponibles aux capitaux propres. Dans le premier cas, il s’agit de flux libres de toute forme de rémunération ; le calcul de valorisation s’adresse aussi bien aux investisseurs en capitaux propres qu’aux bailleurs de fonds. Dans le deuxième cas, il s’agit de flux nets du service de la dette ; ce calcul de valorisation s’adresse donc aux investisseurs en fonds propres. Le graphique ci-dessous résume l’ensemble des méthodes d’évaluation par actualisation des dividendes et des cash-flows (3). Les méthodes d’évaluation par actualisation des dividendes et des cash-flows INVESTISSEURS EN CAPITAUX PROPRES Cash-flows disponibles aux capitaux propres EBIT (1-impôt) - (investissement - DAA) - variation du BFR = Cash-flows disponibles aux capitaux propres BAILLEURS DE FONDS Dividendes Dividende attendu en année 1 (Coût des capitaux propres Taux de croissance annuel du dividende) Cash-flows disponibles à la firme EBIT (1-impôt) - (investissement - DAA) (1-rd) - (variation du BFR) (1-rd) = Cash-flows disponibles à la firme Ratio d’endettement La valeur des capitaux propres du projet est égale à la somme des CF disponibles aux capitaux propres actualisée au coût des capitaux propres. La valeur des capitaux propres du projet est le résultat de la fraction. Coût des capitaux propres évalué à partir de comparables = rf + Bêta (1 - (1 - Impôts) x (ratio d’endettement)) x (E (rm - rf) rf : le taux sans risque E(rm - rf) : la prime de risque La valeur du projet est la somme des CF disponibles à la firme actualisés au coût moyen pondéré du capital. CMPC = ke (E / (D + E)) + kd (D / (D + E)) ke : le coût des capitaux propres kd : le coût de la dette après impôts E : capitaux propres D : dette (3) Source : " La Valo : Valorisation stratégique et financière ", JS Lantz, ed. Maxima P 15 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 Les différents modèles d’actualisation et leurs applications MODÈLE D’ACTUALISATION 2.1 Modèle d’actualisation des cash-flows disponibles à la firme : " free cash-flow to the firm " TAUX D’ACTUALISATION ET APPLICATION Modèle d’actualisation des dividendes Le taux d’actualisation est celui des capitaux propres. Ce modèle ne s’applique pas pour les projets dont le résultat net est négatif pendant une moyenne ou longue période de temps. En revanche, ce modèle est approprié pour les projets d’extension de gamme de produits, de services ou de marchés qui ont des besoins en fonds de roulement. Modèle d’actualisation des cash-flows disponibles à la firme Le taux d’actualisation est le coût moyen pondéré du capital. Ce modèle appelé également " free cash-flow to the firm " est adapté pour des projets qui ont : • une volatilité modérée des cash-flows attendus ; • un accès à l’endettement représentatif du secteur ; • un bêta stable. Modèle d’actualisation des cash-flows disponibles aux capitaux propres Ce modèle actualise les cash-flows disponibles au coût capitaux propres, " free cash-flow to equity ". Il est particulièrement adapté aux entreprises des hautes technologies qui ont : • un bêta élevé ; • des investissements et des besoins en fonds de roulement élevés ; • des bénéfices n’apparaissant qu’après une première période d’activité ; • de faibles dividendes ou des dividendes non disponibles ; • un accès à l’endettement qui n’est pas représentatif du secteur. Les cash-flows disponibles sont les flux générés par l’ensemble des actifs d’un projet et libres de toutes les formes de rémunérations financières. L’estimation des cash-flows disponibles nous conduit dans un premier temps à calculer l’EBITDA (" earnings before interests, taxes, depreciation and amortization ", résultat sensiblement similaire à l’excédent brut d’exploitation) diminué des amortissements et des provisions pour obtenir l’EBIT (" earnings before interests, taxes ", résultat sensiblement similaire au résultat d’exploitation). Précisons que le calcul des free cash-flows prend son origine dans l’estimation des revenus diminués des coûts opérationnels pour obtenir l’EBITDA. C’est donc sur des hypothèses de marché, " market assumptions ", que sont évalués les revenus attendus des ventes : ● le revenu moyen par abonné appelé " ARPU " (Average Revenue Per User) pour les services ; ● le nombre d’unités vendues à un prix de marché pour un produit ; ● le taux de pénétration ; ● le taux de croissance attendu. Pour valider ces hypothèses, il faut se livrer à une étude comparée d’entreprises, un " benchmark ", en comparant les projections du modèle de revenus des ventes attendus avec celles réalisées par les concurrents. Si l’investisseur peut anticiper une croissance particulièrement élevée des revenus des ventes lors du lancement d’un projet, il estime en général la valeur terminale de l’entreprise à partir des taux de croissance observés chez les concurrents. L’estimation des revenus des ventes est ouverte à de larges interprétations si elles ne sont pas argumentées. Des indications faibles seront synonymes de risques pour l’investisseur. La rémunération de l’investisseur étant croissante avec les risques d’un projet, il s’ensuivra inexorablement une dévalorisation du projet. En revanche, lorsque l’on aborde l’estimation des coûts d’exploitation appelés " operational expenditure ", l’analyse devrait s’avérer plus fine car mieux maîtrisée. On distingue deux types de coûts : ● les coûts directs liés à la vente ou " Cost of Sales " ; ● et les frais généraux " Overhead Costs ". Une sous-estimation des coûts signifie également une source de risque et entraînera une dévalorisation du projet. L’estimation des cash-flows disponibles à l’horizon prévisionnel explicite doit être complétée de l’estimation de la valeur terminale. C’est en actualisant ces deux grandeurs et en les additionnant que nous obtiendrons une valorisation financière totale du projet. P 16 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 La valeur terminale Dès lors, on comprend l’importance de la valeur terminale qui devra être estimée par la méthode de croissance infinie des cash-flows disponibles ou par la méthode des multiples de sortie. Méthode d’estimation de la valeur terminale par la croissance infinie des cash-flows disponibles. Cette première approche est adaptée aux projets qui s’inscrivent dans le long terme et qui impliquent des investissements dans de lourds actifs amortis sur une longue période. De même, cette approche est adaptée aux projets qui ont d’importantes barrières à l’entrée. Ce type de projets est fréquent dans l’énergie, la construction ou encore le transport mais aussi dans les services et les biotechnologies ou les autres méta-technologies. On considère alors un taux de croissance des cash-flows élevé car ces grands projets bénéficient du soutien de grandes organisations. De plus, une croissance stable de ces cash-flows est attendue très rapidement après l’issue de la période d’ingénierie ou de recherche ou après l’autorisation de mise sur le marché pour les biotechnologies. La valeur terminale en t est : VTt = (FCFt x (1+g)) / (wacc-g) Avec : VTt : Valeur terminale en t FCFt : free cash-flow normatif en t wacc : coût moyen pondéré du capital g : taux de croissance constant des FCF La valeur terminale de projet et les multiples de sortie. Cette approche s’adresse plus particulièrement à des projets de petite dimension ou à ceux dont l’estimation du taux de croissance présente de fortes incertitudes du fait d’un environnement fortement concurrentiel ou de faibles barrières à l’entrée comme dans le secteur de l’Internet. Le calcul de la valeur terminale avec les multiples de sortie repose sur l’hypothèse de la vente du projet à l’issue de la période t à un horizon de cinq ans. La valeur terminale est alors généralement fondée sur un multiple qui peut être le chiffre d’affaires, l’EBITDA ou l’EBIT, méthode qui est développée ci-après. 2.2 Modèle d’actualisation par les flux de trésorerie disponibles aux capitaux propres Cette méthode d’évaluation est particulièrement adaptée pour les projets de long terme au taux de croissance très élevé au début de leur vie et qui passent par une période de transition avant de se stabiliser. Ces projets laissent présager : ● un très fort taux de croissance du chiffre d’affaires lors de la première phase ; ● l’expansion du chiffre d’affaires est due à l’impact de chaque client gagné en début de période. Ceci signifie que le projet doit s’accompagner d’une force commerciale et de coûts marketing élevés pour atteindre les objectifs de conquête d’un marché. Ces coûts grèvent significativement le résultat d’exploitation (EBIT) ; ● d’importants investissements sont mis en œuvre pour être en mesure de produire le bien ou le service et donc de réaliser le chiffre d’affaires. Ainsi, lors de la période de forte croissance, les investissements sont bien plus élevés que les dotations aux amortissements. Cette différence tend à s’estomper durant la seconde phase du projet pour finir à l’équilibre lors de la phase de stabilisation ; ● l’explosion du chiffre d’affaires s’accompagne inexorablement d’une envolée du besoin en fonds de roulement qui, s’il est mal géré, conduit à la mort du projet. Les secteurs manufacturiers et de la distribution sont particulièrement sensibles à cet aspect et la construction de partenariats avec les fournisseurs constitue bien souvent la clé du succès. A contrario, le BFR tend à être laminé par la stabilisation de la croissance du chiffre d’affaires. P 17 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 Il en résulte : ● des cash-flows négatifs au début de la vie du projet ; ● l’impossibilité de verser des dividendes pendant la première partie de la vie du projet ; ● un recours difficile à la dette, donc un faible ratio d’endettement ; ● un marché peu diversifié et/ou émergeant, donc risqué lors de la phase de croissance. Dans ces circonstances, le bêta est supérieur à celui du marché. C’est avec la diversification des sources du chiffre d’affaires que le bêta décroît dans le temps au même titre que le coût des capitaux propres. La méthode des cash-flows actualisés implique une analyse rigoureuse des projections financières du projet. Elle force l’analyste à comprendre l’activité et à identifier les transactions créatrices de valeur. Les capital-risqueurs apprécient et utilisent la méthode d’actualisation des cash-flows pour les entreprises qui sont sur des secteurs stabilisés et lorsque le projet est soutenu par une entreprise-mère disposant déjà d’une certaine expérience. Cette méthode prend particulièrement toute sa dimension dans les opérations de joint venture. A l’opposé, cette méthode trouve ses limites dans le cas des start-up de par la difficulté à évaluer les " free cash-flows ". Elle impose également de déterminer une valeur terminale de l’entreprise par l’évaluation d’un " état stable ". Si cette valeur terminale représente en moyenne 50 % de la valeur des cash-flows actualisés, il n’est pas rare que la valeur terminale atteigne plus de 100 % pour les start-up. Là encore, l’évaluation est empirique et subjective. Les prévisions des cash-flows des premières années sont donc déterminantes car elles ont un impact direct sur la valeur terminale. Si, pour les grands projets, la période d’évaluation de la valeur terminale est de 11 à 15 années, elle est rarement supérieure à 10 années pour les projets de faible envergure, et l’on considérera même une période limitée à 5 ans pour les start-up. Pour le calcul de la valeur terminale par l’actualisation des cash-flows, on attachera une attention particulière aux hypothèses de croissance afin qu’elles soient en cohérence avec l’économie du secteur. Une alternative au calcul de la valeur terminale par la croissance infinie des cash-flows consiste à employer la méthode des multiples de valorisation qui est présentée dans la section suivante. 3. LES MÉTHODES DE VALORISATION DES PROJETS INNOVANTS PAR LES MULTIPLES Lorsque l’on applique la méthode des cash-flows actualisés aux entreprises de haute technologie, il est parfois difficile de produire une évaluation en raison de pertes récurrentes en début de cycle et de la définition de la valeur terminale. Les capital-risqueurs tendent à utiliser dans la grande majorité des cas la méthode des comparables pour déterminer les multiples de valorisation ou " comparable trading multiples ". Cette méthode consiste à déterminer la valeur attendue de l’entreprise en appliquant un multiple de valorisation aux revenus générés. Le multiple le plus connu, mais sans doute le moins adapté aux entreprises de croissance, est le PER, " price earnings ratio ". Néanmoins, il existe autant de multiples de valorisation qu’il existe de définitions des revenus de l’entreprise. Face à ce large choix, nous retiendrons les trois indicateurs suivants comme étant les plus couramment utilisés : ● le chiffre d’affaires ; ● les profits avant intérêts, taxes, amortissements et provisions, appelés aussi " EBITDA, Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization "; ● les profits avant intérêts et taxes, appelés aussi " EBIT, earnings before interest and taxes ". On peut également calculer un multiple de valorisation en fonction d’autres indicateurs tels que le total de l’actif ou à partir de statistiques (nombre de clients, nombre de pages vues pour un site Internet, …), mais ces mesures tendent à être délaissées par les analystes au profit des indicateurs comptables. Le choix de la mesure se fera en fonction du secteur dans lequel l’entreprise exerce son activité, du risque et de la difficulté à prévoir les bénéfices. P 18 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 Par essence, la méthode des multiples repose sur le choix d’entreprises comparables, le type de revenus et de la période à considérer avant la sortie. Cette période correspond à la durée pendant laquelle l’investisseur envisage son accompagnement. Elle est en moyenne de sept ans en incluant les entreprises dans lesquelles les investisseurs sont " collés ". Les entreprises à succès sont accompagnées pendant trois ou quatre années selon la réactivité du secteur. Par exemple dans le domaine des logiciels, la période d’accompagnement sera de l’ordre de trois ans alors que dans les biotechnologies elle pourra dépasser les dix ans. La période à considérer est donc celle pour laquelle la date de sortie est planifiée. Dans l’exemple suivant, l’investisseur détermine la valeur potentielle de l’entreprise quatre années après son investissement, à partir des projections financières qui lui semblent raisonnables. L’estimation de la valeur de l’entreprise est obtenue par le produit du multiple de valorisation et des revenus attendus au moment de la sortie. Cette valeur est ensuite actualisée au CMPC. Lorsqu’il s’agit d’une entreprise qui n’a pas accès à la dette, le CMPC sera le coût des capitaux propres. Exemple de valorisation d’une entreprise par la méthode des multiples Projections des EBIT 2004 2005 2006 2007 2008 -1,2 -0,3 0,6 1,7 4 Multiple de valorisation 10 Valeur de marché à la sortie 40 Valeur actualisée avec CMPC 35 % -3 12 Ainsi, pour estimer la valeur des capitaux propres, la première étape consiste à calculer la valeur de marché de l’entreprise au moment de la sortie qui, dans ce cas, est planifiée en 2008. Il faut alors déterminer un multiple de valorisation (10 dans notre exemple) et l’affecter à l’EBIT projeté en 2008 pour obtenir la valeur de marché de l’entreprise, soit 4*10 = 40 millions d’euros. Cette valorisation est également appelée " valorisation terminale de sortie par les multiples ". Le choix du multiple de valorisation est primordial pour l’application de cette méthode et nous développons ultérieurement la manière dont il doit être calculé. La deuxième étape consiste à actualiser la valeur de sortie obtenue. En actualisant au CMPC de 35 %, la valeur des actions post-money de l’entreprise fin 2004 est égale à 40/(1+0,35)4, soit 12 millions d’euros si la dette nette est nulle. Un investisseur qui intervient en haut de bilan à hauteur de 3 millions d’euros fin 2004 devrait en contrepartie négocier 25 % du capital (3/12). 3.1 Les différents multiples de valorisation Au même titre que la valeur d’un appartement ayant une belle vue sur les jardins du Luxembourg à Paris se négocierait à 10 000 euros le m2, une entreprise se négocie à X fois le montant de ses revenus attendus. Le multiple de valorisation est fonction du secteur d’activité et s’évalue à partir d’un échantillon représentatif d’entreprises jumelles cotées sur le marché boursier. Pour chaque entreprise jumelle il faut évaluer sa valeur de marché puis la rapporter aux revenus générés afin d’en déduire son multiple de valorisation. C’est en faisant la moyenne des multiples obtenus sur l’échantillon des entreprises jumelles que l’on définit le multiple à appliquer à l’entreprise cible. Valeur d’entreprise Multiple de valorisation = Revenus Valeur de l’entreprise jumelle : Calculer la valeur d’une entreprise, " enterprise value " (EV), consiste à estimer sa capacité à générer des profits en ignorant délibérément la manière dont elle finance son actif. On cherche par conséquent à neutraliser les effets liés à la structure du capital. Pour calculer l’EV d’une entreprise, on additionne la valeur de marché des capitaux propres à la valeur de marché de la dette et on retranche la trésorerie, le " cash ". P 19 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 Ainsi, pour une entreprise cotée, on évaluera dans un premier temps sa capitalisation boursière. La capitalisation boursière est le produit du prix de l’action par le nombre total d’actions cotées et non-cotées, " fully diluted shares ". Il faudra prendre garde aux plans de stock-options, ce qui est le cas dans la plupart des entreprises technologiques. Lorsque les options sont " in the money ", c’est-à-dire que le prix de l’action est supérieur au prix de l’exercice, on peut anticiper l’exercice des stock-options ou d’autres dérivés. Il en résulte un encaissement qu’il faudra déduire de la dette nette car il est au bénéfice de la trésorerie. Les stock-options " out the money " ne sont jamais exercées et un retraitement n’est pas nécessaire dans ce cas. Dans un deuxième temps, on évalue la valeur de marché de la dette, " debt at market value ", qui n’est pas la valeur comptable de la dette, " debt at book value ". En effet, pour une entreprise proche du dépôt de bilan, la valeur de marché de la dette tend vers zéro. A contrario, pour une entreprise qui était risquée et qui a prouvé sa stabilité, la valeur de marché de la dette se trouve augmentée. Les données de la valeur de marché de la dette restent cependant difficilement accessibles. On supposera alors que la valeur de marché de la dette d’entreprises cotées est sensiblement équivalente à leur valeur comptable. L’incidence de cette hypothèse sur la valeur d’une jeune entreprise est faible étant donné qu’elles sont peu endettées. En revanche, les LBO sont fortement endettées et prendre la valeur comptable de la dette peut avoir un impact significatif sur l’évaluation. Il faudra donc sortir de l’échantillon les entreprises qui sont en difficultés. Après avoir obtenu la valeur de marché d’une entreprise, l’EV, ou la valeur de ses capitaux propres par sa capitalisation boursière, on la rapporte aux revenus afin de déterminer le multiple de valorisation le plus pertinent : Les multiples de valorisation et leurs applications MULTIPLE P 20 APPLICATION EV / CA C’est certainement l’indicateur le plus employé dans les secteurs traditionnels. Plus rarement utilisé dans les entreprises technologiques, ce multiple présente l’inconvénient de ne pas refléter la capacité de l’entreprise à générer des bénéfices. Cet indicateur est aussi employé dans des secteurs risqués où l’on est obligé de remonter jusqu’au chiffre d’affaires pour calculer un multiple (par exemple dans le secteur de la biotechnologie). En raison des risques liés à l’incertitude des résultats nets futurs, les valorisations faites avec ce multiple s’accompagnent d’un taux d’actualisation élevé. EV / EBITDA Cet indicateur est le plus employé aux Etats-Unis. La première raison est qu’il permet de remonter dans le compte de résultat pour les projets d’entreprises innovantes. La deuxième raison est que si les entreprises sont vraiment comparables avec l’entreprise ciblée, elles ont le même niveau de dotations aux amortissements car dans le cas contraire, il y aurait sur ou sousinvestissement. EV / EBIT Ce multiple est sans aucun doute le plus précis et le plus employé en Europe. L’EBIT est l’indicateur qui entretient la plus forte corrélation avec la valorisation des entreprises et la création de valeur. Capitaux propres / RN Bien qu’étant le plus employé sur les places financières, le ratio appelé communément PER est l’indicateur le moins pertinent pour les entreprises de haute technologie. En effet, les éléments financiers sous-jacents au financement de l’entreprise, tels que les dépenses exceptionnelles, ou encore les jeux d’écriture à but d’économie fiscale ont un fort impact sur le résultat net. Autres multiples D’autres multiples financiers et non financiers ont servi à la valorisation des entreprises entre 1995 et 2000. L’indicateur favori des banques et des compagnies d’assurances était le " market to book ratio ", l’EV rapportée à la valeur comptable. Dans le cadre des entreprises technologiques, on ne pourra pas retenir cet indicateur étant donné qu’il n’entretient pas de relation avec les valeurs de marché. D’autres ratios atypiques tels que le nombre de pages vues, de clients, etc., exposent également l’investisseur à des risques importants de sur-valorisation. Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 Le multiple retenu sera celui qui est le plus représentatif sur un échantillon d’au moins huit entreprises. Pour parfaire l’appréciation, il faudra au demeurant exclure de l’échantillon les entreprises aux multiples très élevés ou très faibles ainsi que les entreprises qui s’écartent du profil de la cible pour éviter les biais de valorisation. Les cas les plus fréquents sont les entreprises beaucoup plus grandes ou plus petites que la cible, n’ayant donc pas la même structure de coûts, celles qui sont déficitaires alors que toutes les autres sont bénéficiaires. 3.2 Les sources d’erreurs d’évaluation par la méthode des multiples Les limites de la méthode d’évaluation par les multiples est évidente et réside dans le choix des entreprises jumelles. Cette méthode expose l’analyste à d’importants écarts si les critères suivants ne sont pas respectés : CRITÈRES EXPLICATIONS Secteur On choisira des entreprises dans le même secteur industriel. Certaines entreprises sont classées volontairement ou par réorientation des activités dans des secteurs qui ne leur correspondent pas directement. Le chiffre d’affaires par activité est un indicateur qui permet de valider le positionnement industriel de l’entreprise. Lieu géographique Les entreprises doivent se situer dans le même pays ou dans une même zone géographique : Europe, Asie, Etats-Unis… Valoriser une entreprise européenne en la comparant à une entreprise sud-américaine vous amènera sans doute à une très forte sur-évaluation. Les différences des normes comptables entre les différents pays sont également des sources de problèmes dans l’évaluation. Taille Les entreprises de grande taille ont des activités diversifiées, il est donc préférable de choisir des " pure players " de taille petite ou moyenne. Rentabilité Les entreprises sélectionnées doivent être rentables. Taux de croissance Le pourcentage de croissance doit être similaire. On retiendra des entreprises qui ont des taux de croissance compris entre 4 et 15 %. Place de cotation Introduire dans la liste des entreprises cotées sur des marchés différents peut conduire à d‘importants écarts d’évaluation. Par leur taille, les entreprises cotées sur un premier marché ont des activités diversifiées en comparaison avec les entreprises cotées sur un marché de valeurs de croissances qui ont des activités ciblées et au taux de croissance plus important. On écartera les entreprises dont le chiffre d’affaires représente moins de 50 % de l’activité de l’entreprise cible. Structure du capital La structure du capital doit être sensiblement comparable. On constate par exemple que les entreprises des technologies de l’information cotées sur le Nouveau Marché ont un endettement à long terme pour ainsi dire inexistant. Les comparer avec des entreprises aux structures équilibrées est une source d’erreurs graves dans l’évaluation. Données Il faut accorder une attention particulière à la validité des données. Les bases de données ne sont pas exemptes d’erreurs et par expérience, sur dix entreprises, on peut s’attendre à deux erreurs ou à des informations incomplètes. Lorsque l’on s’apprête à investir plusieurs millions d’euros, il est préférable d’utiliser les documents originaux pour une évaluation définitive. Lorsqu’il s’agit d’entreprises très innovantes, on est parfois dans l’impossibilité de trouver une entreprise jumelle. On tentera alors un rapprochement avec des entreprises issues d’une autre industrie avec des structures de coûts similaires et dont on attend un développement identique. Dans ce cadre, on accepte une plus grande exposition au risque dont on tiendra compte dans l’actualisation de la valeur des capitaux propres. P 21 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 RELATIONS ENTRE LES GRANDES ENTREPRISES ET LES PME INNOVANTES En décembre 2004, George Colony, Président du cabinet d’analystes Forrester Research, interrogé par les Echos, déclarait que l’innovation, source indispensable du développement économique, ne pouvait plus être du ressort de la seule entreprise comprise comme une entité isolée. Il identifiait alors trois problèmes du modèle d’innovation " de l’intérieur " : ➊ sa relative stérilité due aux cloisonnements et à la mauvaise communication interne ; ➋ ➌ sa lenteur ; son extinction possible due à la fuite ou la disparition des cerveaux. Cette attestation est pour le moins inquiétante pour les entreprises qui n’ont pas mis en œuvre des liens fluides en interne et avec l’extérieur afin de s’approprier les innovations et les inventions disponibles pour optimiser la profitabilité de leurs produits et leurs services. Dans un monde économique à la recherche perpétuelle de création de valeurs, le temps est sans doute venu d’envisager un modèle plus collaboratif dans lequel interviennent des acteurs différenciés voire spécialisés à un moment donné : pour inventer, pour financer, pour transformer, pour sous-traiter, pour assembler, pour distribuer etc. On peut alors volontiers parler d’ " écosystème " qui organise, entre les acteurs pouvant jouer plusieurs rôles, un cycle de vie de produit ou de service (et qui inclut de plus en plus souvent les deux simultanément) adapté aux besoins économiques. De grandes entreprises dans différents secteurs ont ainsi particulièrement réussi à organiser strictement la chaîne de sous-traitance (ex. l’industrie automobile) ou bien à mutualiser certains coûts de développement notamment en collaborant avec d’autres grandes entreprises. On peut alors se poser les questions suivantes : ● les petites et moyennes entreprises et plus spécifiquement les petites et moyennes entreprises innovantes ont-elles une place dans de tels écosystèmes ? ● quels sont les moyens pour une jeune entreprise et une petite équipe d’attirer l’attention d’une grande entreprise ? ● quelles collaborations sont possibles ? ● est-ce que dans la pratique de grandes entreprises ont réussi à instaurer un modèle de coopération avec de plus petites sociétés ? Dans les paragraphes suivants, nous rappellerons quelques chiffres sur la démographie des entreprises en Europe dans laquelle le sujet de l’innovation est un enjeu crucial et mobilise une grande énergie. Nous évoquerons rapidement quelques questions lorsque l’on parle de relation entre petites et grandes entreprises. Puis, nous envisagerons le processus de collaboration entre grandes entreprises, les petites et moyennes entreprises innovantes et jeunes pousses. Enfin, nous envisagerons quelques perspectives pour un renforcement de la relation entre les grandes entreprises et les PME innovantes. P 22 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 1. QUELQUES CHIFFRES 1.1 Les petites et moyennes entreprises en Europe (Union) La charte européenne des petites entreprises, adoptée par les dirigeants de l’UE lors du Conseil Européen de Feira les 19 et 20 juin 2000, met en avant le rôle important des petites entreprises et des chefs d’entreprises pour la croissance et, la compétitivité au sein de l’Union. Entre juin 2003 et juin 2004, les PME (de tous secteurs) employaient environ 100 millions de personnes, soit les 2/3 des emplois du secteur privé dans l’Europe des 19. Les données de base sur les PME et sur les grandes entreprises dans l’Europe-19, 2003 ÉLÉMENTS DE COMPARAISON PME GRANDES ENTREPRISES TOTAL Nombre d’entreprises X (1 000) 19 270 40 19 310 Emplois X (1 000) 97 420 300 139 710 5 1 052 7 Million € 0,9 319,0 1,6 % 12 23 17 € 1 000 55 120 75 % 56 47 52 Nombre de personnes occupées par entreprise Chiffre d’affaires par entreprise Part des exportations dans le chiffre d’affaires Valeur ajoutée par personne occupée Part des coûts du travail dans la valeur ajoutée (Source " Points forts de l’Observatoire des PME ") Un rapport de l’Observatoire des PME européennes donne également une vue comparative avec la situation aux Etats-Unis et au Japon. Le rôle des PME est assez similaire et aux Etats-Unis, la part de l’emploi est plus faible dans les PME (le marché étant plus intégré avec de grandes entreprises dans un espace d’une taille comparable à l’Union). 1.2 Du côté des grandes entreprises Etablir une répartition simplifiée des grandes entreprises dans le monde permet d’évaluer la capacité géographique pour les petites et moyennes entreprises (incluant également les entreprises de technologies) d’établir des liens avec elles. Si l’on considère les 100 plus grandes entreprises (ou groupes) mondiales, 31 ont leur siège en Europe (principalement en France, UK et Allemagne), 23 aux Etats-Unis, 13 au Japon, 3 en Chine et 2 en Corée. Si l’on élargit l’échantillon aux 750 premiers groupes, 43 % sont Américains du Nord (Etats-Unis et Canada), 22 % Japonais, 24 % Européens (incluant la Suisse) et 2 % Australiens. Il apparaît sur les 2 échantillons qu’il existe une certaine répartition des grandes entreprises sur les 3 régions Europe, Etats-Unis et Japon (avec certainement une croissance programmée importante dans le reste du sud-est asiatique notamment en Chine). Cela permet d’envisager que les petites et moyennes entreprises puissent bénéficier d’un accès géographique plus immédiat à un nombre représentatif de grandes entreprises dans leurs régions respectives. Cette synthèse de quelques chiffres, illustre qu’il n’est pas impossible que des écosystèmes entre petites, moyennes et grandes entreprises naissent et se développent. Plus encore, ils doivent encourager les grandes entreprises à favoriser ces échanges et ces collaborations pour par exemple : réduire leurs coûts d’accès à de nouveaux marchés, introduire plus vite des produits adaptés aux usages, distribuer différemment leurs services ou assurer rapidement le respect d’obligations réglementaires. Cependant, d’autres ingrédients sont nécessaires à l’établissement naturel et fiable d’une collaboration entre grands et plus petits. P 23 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 2. COOPÉRATION ENTRE LES PME EN EUROPE (UNION) Le rapport de l’Observation des PME européennes intitulé " La coopération entre les PME ", montre une coopération active (50 %) des PME entre elles. La définition de coopération est assez proche de la notion d’écosystème évoquée dans le préambule de ce document : " interaction entre des PME indépendantes afin d’atteindre un objectif spécifique allant au-delà d’une simple tâche ". La coopération entre PME est généralement justifiée (par leurs dirigeants) par l’accès à de nouveaux marchés, l’extension d’une offre de produits, l’accès à du savoir-faire technologique et la réduction de coûts. De cette étude, il ressort également que les PME ont un nombre restreint de partenaires (1 à 7) avec lesquels elles ont une relation stable, reposant sur la confiance avec de fréquents échanges. Les dirigeants de 8 PME sur 10 précisent que la coopération renforce leur compétitivité. Ces PME indiquent que les avantages de la coopération l’emportent sur la perte d’autonomie. A l’extrémité de ces éléments, il est constaté que 80 % des entreprises qui coopèrent le font avec des partenaires nationaux car la proximité (de lieu, légale, commerciale et culturelle) rassure et apparaît moins coûteuse. Il apparaît aussi que la plus forte contrainte identifiée par les dirigeants d’entreprise comme ayant un impact négatif sur leur développement est le manque de pouvoir d’achat de leurs clients (dans une étude antérieure – datée de 2002 - c’est la pénurie de main d’œuvre qualifiée qui était la raison prépondérante). Cette contrainte, sans doute amplifiée avec la récession économique de l’époque 2001-2003, étant inversement proportionnelle à la taille de l’entreprise. On peut alors imaginer que lorsqu’il ne s’agit pas de clients consommateurs de masse (le grand public) les partenariats déjà en place et les tentatives de collaborations avec les grandes entreprises, dans le sens de l’écosystème de notre préambule, durant cette période, ont été assez difficiles. Certains indicateurs semblent enfin montrer que la croissance économique en Europe est associée à un rôle en croissance des PME et notamment lorsqu’il s’agit de PME à fort potentiel technologique. Il est noté trois impacts, non classés, qu’ont les PME sur l’économie : ➊ les PME sont un véhicule de diffusion des connaissances, qui deviennent accessibles et peuvent être commercialisées et déployées par les grandes entreprises au travers de transferts de technologies ou bien des acquisitions ; ➋ les PME augmentent la concurrence en termes de nouvelles idées ; ➌ les PME accroissent la diversité sur le marché. Ces trois impacts et les éléments relevés plus haut sont à mettre en avant dans le contexte des relations avec les grandes entreprises. Les petites et moyennes entreprises possèdent bien certaines dispositions " génétiques " à la collaboration et notamment au partenariat avec les grandes entreprises. P 24 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 3. INNOVATION ET QUELQUES QUESTIONS Si l’on s’en tient au fait que les PME sont de " bons conducteurs " de diffusion des connaissances, il paraît intéressant de mettre en avant la notion d’innovation. Il est possible de donner plusieurs définitions de l’innovation. Si on se place d’un point de vue économique, une innovation sera sans doute jugée pertinente si au bon moment, se conjuguent une invention (par exemple sous la forme d’une offre technologique produit, ou bien sous la forme d’un procédé ou d’un service) et un processus économique né d’un besoin exprimé et mesurable. Une fois cette formule réalisée, il faudra développer puis déployer cette innovation pour qu’elle produise un effet important et durable sur la création de valeur. L’innovation n’est pas réservée à une grande entreprise (comme par exemple la mise sur le marché d’une nouvelle molécule dans un objectif thérapeutique à l’échelle de la population mondiale). Il est même sans doute plus facile à un petit groupe d’individus d’être le promoteur d’une innovation s’il n’est pas soumis aux exigences quotidiennes d’une plus grande structure avec un ou plusieurs processus complexes, comme par exemple celui de l’industrie automobile rythmé par un cycle de lancement de nouveaux produits de 32 mois sur lequel il faut introduire très graduellement une innovation pour ne pas le mettre en péril. Par contre, il se peut qu’il soit nécessaire, dans la phase de développement et ensuite de déploiement, de mettre en œuvre des partenariats ou collaborations nécessaires aux inventeurs de l’innovation pour atteindre leurs clients. La formation d’un groupe d’innovateurs peut être initiée de différentes manières pour ensuite donner naissance à une PME innovante, par exemple : ● de l’intérieur d’une grande entreprise et à partir d’un savoir-faire métier ou bien technologique ; ● à partir d’un laboratoire de recherche public, à la suite de travaux fondamentaux puis appliqués et souvent à partir des contrats entre le laboratoire et de grandes entreprises ; ● comme conjugaison d’individus d’horizons divers mais qui s’associent pour mieux concrétiser leur vision partagée ; ● directement à l’issue d’études (écoles d’ingénieurs, universités, cycle technologique, apprentissage etc.) et pour mettre en œuvre pratique l’enseignement. Dans chacun de ces cas, on peut dire qu’il se passe un phénomène de rupture à double titre. ● la première rupture se fait avec l’environnement d’origine. Par exemple un groupe de personnes dans une grande entreprise opérateur de telecom qui explore une nouvelle technologie de " social networking " pour la mobilité se met en marge des lignes de produits ou de services du moment. ● la deuxième rupture vient de l’innovation elle-même. Si cette innovation est suffisante au sens de la définition que nous avons donnée plus haut (forte combinaison invention/marché) alors elle doit être développée et déployée avec de nouveaux processus qui n’existent pas forcément dans l’environnement d’origine. Ce dernier cas est particulièrement vrai pour des innovateurs issus de laboratoires publics ou privés. On peut imaginer que la rupture avec l’environnement et avec des processus connus doit expliquer en partie la modification du crédit des innovateurs vis-à-vis de celui (grande entreprise, laboratoire, etc.) qui les a employés et qui pourrait être un bon partenaire ou client de démarrage lors de leur passage d’un milieu à un autre. Les investisseurs en capital dans des PME innovantes sont souvent les premiers à demander aux fondateurs et dirigeants de se retourner vers leurs anciens employeurs pour décrocher les premiers contrats commerciaux. On peut également se demander si, de manière plus générale, les intérêts entre les innovateurs et leur milieu d’origine ne divergent pas fortement dès la " rupture " entamée. Cette remarque ne vaut pas uniquement pour ce qui concerne la mise sur le marché d’une innovation qui pourrait être hors des plans de la grande entreprise mais aussi parce que l’invention n’est pas forcément intégrable tel que dans son processus. P 25 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 4. LA PRATIQUE Pour une PME innovante, établir une collaboration marketing, technique et commerciale durable avec une grande entreprise signifie souvent développer son activité ou tout simplement assurer sa survie à un moment critique pendant lequel l’innovation créée, parfois pendant plusieurs mois ou années, doit exister. Lorsque l’on évoque le mot de collaboration dans le cadre d’une relation entre une petite entreprise innovante et une grande entreprise, il faut rapidement aussi mettre en perspective les " métriques " relatives réelles entre ces " partenaires " comme par exemple le nombre d’employés pour servir une tâche, la part de budget interne allouée à la R&D, la solvabilité, la présence internationale, les processus de décision, de mise sur le marché, d’achat, etc. : les écarts sont évidemment énormes. C’est souvent sur ces critères que la relation peut poser problème et même ne jamais être enclenchée. Les dirigeants des petites entreprises innovantes sont donc confrontés à un problème d’accès à la grande entreprise si leur approche est limitée à se battre pour être compatible avec les métriques des grandes. De l’autre côté, les grandes entreprises doivent mettre en œuvre des processus qui sortent du champ de leur activité de fond si elles veulent intégrer au mieux des innovations qu’elles ne sont pas capables de produire elles-mêmes. 4.1 La pratique – se connaître La première question qui se pose est bien entendu celle de l’origine et de l’initiation de la relation entre la PME et une grande entreprise. Au delà des difficultés qui pourront exister au cours de la vie de cette relation, certains freins sont en effet présents dès la rencontre. Tout d’abord le manque de visibilité de la jeune société sur le marché qu’elle adresse, autant dû à sa jeunesse, et donc à son absence d’historique ou de base de produits installée, qu’à son manque de ressource et parfois son manque de politique de marketing opérationnel et de communication, ce qui peut rendre son identification difficile par les équipes du futur partenaire. En outre, un certain nombre d’a priori, fondés ou non, préexistants au sein du grand groupe, vont constituer autant de handicaps à la création d’une relation solide : ● la pérennité de la PME : " Pourquoi consacrer des ressources à l’établissement de cette relation si la PME peut disparaître dans un futur proche ? " ; ● l’aversion au risque présente dans un certain nombre de groupes (le célèbre syndrome : " Je ne me ferai pas renvoyer pour avoir travaillé avec Un Des Grands Fournisseurs Mondiaux de Solutions Informatiques ") ; ● la crainte du manque de ressources du côté de la PME pour soutenir l’effort ou supporter le futur client plus important, dans le cadre d’une relation commerciale ; ● la peur " d’essuyer les plâtres " de la technologie innovante ou de servir de banc de test à la PME ; ● la problématique de la non-conformité des processus de la PME aux processus préexistants dans le groupe. Bien entendu, la méconnaissance ou la peur, là encore parfois fondée, existe aussi du côté du plus petit : ● le manque de visibilité sur l’organisation du groupe et l’incapacité à trouver le bon interlocuteur ; ● le manque de réactivité de la grande entreprise après un premier contact ; ● la peur de voir sa propriété intellectuelle détournée ou pillée. Afin de faciliter la rencontre et la collaboration et de passer outre, ou de remédier à ces freins, un certain nombre de solutions existent, qu’elles soient internes à l’une des deux parties, ou résultant d’une initiative extérieure, politique par exemple. P 26 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 Certaines grandes entreprises ont, en effet, mis en place un ensemble de procédures facilitant l’identification et la relation avec des structures émergentes de plus petite taille. On peut citer les initiatives de veille et de collaboration mises en place par certaines équipes, pouvant déboucher par exemple dans un premier temps sur un JDA (Joint Development Agreement) avant d’entamer une collaboration commerciale ou de plus long terme. Ainsi, Jean Bolot (Directeur R&D Advanced Technology Labs de Sprint) invite régulièrement plusieurs dirigeants d’entreprises à rencontrer les managers de Sprint et ainsi créer le climat propice au partenariat. Les équipes de Corporate VCs (investisseur attaché à un industriel) peuvent également, en investissant en amont dans certains projets, être les initiateurs de la future relation avec les " business units ", au-delà de la simple perspective de rentabilité financière. Du côté de la PME, outre bien entendu les efforts afin de rassurer le grand compte sur sa pérennité et la viabilité de ses process, citons par exemple les Groupements de PME, permettant d’atteindre une taille critique facilitant l’interaction avec la Grande Entreprise. Nous évoquerons le rôle potentiel des investisseurs un peu plus bas. Enfin, citons les initiatives politiques, telles que les récents pôles de compétitivité et autres " clusters " tendant à créer un écosystème propre à la collaboration entre différents acteurs dans le cadre de stratégies de développement de territoires innovants en Europe. Une fois la relation initiée et les premiers doutes levés, le démarrage opérationnel de la collaboration entre grandes entreprises et PME innovantes est le résultat d’un véritable cycle de vente qui intègre la qualification des " acheteurs/vendeurs ", la qualification et la gestion de l’opportunité et la gestion du cycle de vente lui-même. 4.2 La pratique – l’engagement Du côté de la PME, c’est à ce stade qu’il faut avoir une approche professionnelle très précise pour déterminer son objectif (par exemple le type de solution technique qu’elle peut envisager apporter à la grande entreprise). Du côté de cette dernière, les acteurs-clefs doivent être prêts à s’engager dans un processus complet comprenant, entre autre, une séquence d’évènements, des validations et des décisions. Durant ce processus dans lequel la PME innovante est la plupart du temps sinon systématiquement en position de " vendeur " on distingue une chaîne de priorités, en " phases ", qui doivent être successivement levées afin d’aboutir au résultat : PHASE ➊ Une phase de développement des objectifs à la collaboration (on parle aussi de problèmes-clefs du côté de la grande entreprise) la priorité est d’identifier le BESOIN. Il s’agit par exemple du développement d’un nouveau marché, d’un service vers des clients inconnus, du lancement d’un nouveau produit, etc. A ce moment, les entrepreneurs ne devront pas négliger les bonnes pratiques du marketing produit et anticiper un argumentaire du type produit/positionnement/marché et " Go to Market " pour mieux convaincre du potentiel et constituer ainsi une accroche de collaboration encore plus forte. PHASE ➋ Une phase de preuve la priorité est de démontrer la capacité à apporter une SOLUTION. Par exemple : la digitalisation d’un processus manuel, le développement d’une brique logicielle d’infrastructure, la licence d’une propriété industrielle et/ou intellectuelle, la location d’un service, etc. PHASE ➌ Une phase de conséquences liées à la SOLUTION proposée la priorité est de réduire le RISQUE associé. A ce stade, plusieurs arguments pourront être utilisés pour rassurer comme par exemple : le soutien scientifique d’un laboratoire public ou privé, la présence de concours financiers (investisseurs, subventions ou autres aides locales, nationales ou européennes comme les aides OSEO/ANVAR), le fait d’avoir mis en œuvre la solution pour un autre, être issu d’un programme de valorisation industrielle etc. PHASE ➍ Une phase de mise en œuvre la priorité est de proposer un PROTOCOLE spécifique pour mettre en œuvre la SOLUTION. P 27 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 Cette dernière phase qui doit généralement faire l’objet d’un contrat (incluant les modalités financières) qui peut prendre différentes formes protocolaires, comme par exemple : ● un travail de prestation de service pour valider les capacités des 2 parties à résoudre un problème technique et pouvoir collaborer ensuite à plus grande échelle ; ● une prestation de service et de support depuis la mise en œuvre jusqu’à l’exploitation d’une solution ; ● une opération conjointe de Marketing pour proposer une offre sur le marché qui pourra par exemple combiner un produit et un service ; ● un programme du type JDA (tel que défini précédemment) ou bien aussi appelé " Early Adopter Program " qui permet de spécifier les fonctionnalités innovantes d’un produit correspondant à un véritable usage en offrant au partenaire industriel un usage exclusif pendant une période de temps avant mise sur le marché ; ● la vente de licences sous différentes formes (perpétuelles, sur une base de temps, en location etc.). Pour matérialiser et finaliser ces protocoles, les services achats et juridiques interviennent à la suite des interlocuteurs initiaux (entrepreneurs, sponsors, dirigeants de grands groupes, spécialistes techniques). Les processus d’achats des grandes entreprises peuvent s’avérer de nouveau des barrières fortes à la conclusion contractuelle. On peut citer par exemple : ● exigences bilancielles incompatibles avec une jeune société en démarrage et même qui vient d’être financée par un investisseur en capital ; ● longueur du circuit d’approbation ; ● risque pris par les Directions des Achats vis-à-vis de sa notation financière si se multiplient les contrats avec de petites entreprises. A cet égard, il faut, du côté des PME innovantes, avoir connaissance le plus tôt possible dans le processus des éléments favorables ou des inhibiteurs clefs qui vont apparaître lors de la clôture contractuelle et donc si possible faire garantir en amont, par ses sponsors au sein de la grande entreprise, la capacité de conclure. Cependant, même pour les entrepreneurs les plus chevronnés, le parcours en quatre phases cidessus peut laisser un goût amer, comme l’explique le fondateur et Directeur des Opérations d’une jeune entreprise lyonnaise d’édition de logiciel (non financée par le Capital Risque) : " Il y a un problème d’engagement de l’encadrement dans les grandes entreprises en France. Nos interlocuteurs ne possèdent plus de pouvoir direct de décision et cette capacité est diluée dans l’entreprise. Il s’agit plus de naviguer dans une organisation qui va émettre un avis ou un besoin à l’échelon supérieur. " Enfin, si les grandes entreprises sont pourvues de services juridiques rompus aux pratiques contractuelles, il est important que la PME innovante puisse être également assistée dans la rédaction et la négociation des ces protocoles et engagements. L’avocat, le conseil spécialisé et l’expert en propriété intellectuelle et industrielle sont à partir de ce stade des partenaires critiques de la PME innovante et doivent s’assurer du bon équilibre des contrats. Ce point est par ailleurs un élément-clef pour un investisseur en capital lorsqu’il envisage d’investir dans une PME innovante. P 28 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 4.3 La pratique – la vie en commun Le démarrage opérationnel, décrit précédemment comme l’aboutissement contractuel ou non d’un cycle d’évaluations et de négociations, doit alors donner suite à la collaboration proprement dite. C’est généralement un temps que l’on peut classer dans la catégorie " projet " avec des groupes d’interlocuteurs constitués entre chaque partie. La notion de projet est importante dans la vie en commun parce qu’elle fixe à tous un objectif, un début, une fin et aussi comporte des variables clefs que sont : le temps, les coûts, les ressources (moyens financiers, matériels et humains) et les chemins critiques. Il peut s’agir d’un projet purement commercial et marketing comme dans le cas de la vente de licences. Dans ce cas, le bon déroulement de la collaboration passera par exemple par le développement de l’usage des produits licenciés dans la grande entreprise et éventuellement ses sous-traitants et équipementiers (depuis les utilisateurs initiaux jusqu’au déploiement dans l’entreprise étendu par exemple à l’export). La pérennité sera ensuite assurée par l’usage récurrent de nouveaux produits (donc de nouvelles licences) et de nouvelles fonctionnalités. Dans un projet plus " collaboratif " (comme par exemple un projet de services, de recherche et développement ou bien un " Early Adopter Program " tel que décrit plus haut), il se peut que les équipes travaillent sur un même plateau ou centre de compétence (même lieu physique ou virtuel). L’intégration des équipes peut conduire à renforcer la confiance réciproque et à aboutir par exemple à une acquisition par la grande entreprise. Par contre, certains facteurs du projet sont déterminants pour l’engagement de la PME innovante. La longueur du projet est, par exemple avec un industriel du domaine aéronautique, à considérer dès le démarrage pour s’assurer de sa capacité financière et commerciale sur le moyen ou long terme. Cela pose évidemment des questions de fonds propres qui doivent être calibrés en fonction des futurs projets de collaboration. La mise en œuvre des premiers projets est, évidemment, clef pour la PME innovante. Il s’agit d’un premier accès au marché et la constitution de références avec des " grands noms ". Depuis le début des années 90, la notion " d’Early Adopter " est au centre de stratégies de développement de jeunes sociétés de technologies. On peut citer la méthode, issue du célèbre livre de Geoffrey A. Moore, Crossing The Chasm (le titre est évocateur : Marketing and Selling High-Tech Products to Mainstream Customers) et qui décrit la route à suivre pour atteindre un statut de leader depuis ses premiers clients, en fait partenaires des premiers jours. Il n’y a pas, à ce stade, de véritable recette du succès de projets entre PME innovantes et grandes entreprises, mais plutôt des équipes d’entrepreneurs à succès qui ont de la méthode. La réussite est d’ailleurs celle des 2 parties avec un fort bonus pour la PME innovante qui constate son développement et assure sa pérennité. C’est autant le fait de la PME innovante qui a introduit une innovation à la base de la collaboration à succès que celui de la grande entreprise qui a su mettre en œuvre en interne ou bien industrialiser pour ses clients cette innovation et lui permettre d’être une solution pour un marché. Dans la vie en commun, la PME innovante constatera une certaine récurrence des efforts à considérer pour lui permettre de continuer à collaborer avec son partenaire : ● modélisation de la prochaine offre ; ● approche marketing ; ● communication ; ● adaptation aux méthodes de travail ; ● relations contractuelles et financières. P 29 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 De son côté, la grande entreprise, même si elle a la capacité de lancer plusieurs dizaines de projets avec plusieurs jeunes entreprises et aussi éventuellement d’instaurer une compétition avec des développements internes, peut choisir de développer sa capacité collaborative dans la perspective positive de cultiver son propre écosystème. Elle peut, par exemple, proposer à ses partenaires de s’inscrire dans le cadre d’un programme marketing effectif (club, partenaires de référence, etc.) ou bien de brancher leurs offres sur sa plate-forme et avoir accès à ses propres clients. De manière très brutale, on peut dire que le principal " frottement " à l’exécution et au développement de la collaboration est le partage du potentiel de revenus qui en sera le résultat. S’il peut être stipulé dans les premiers temps, il évolue de manière continue, et la vie en commun des partenaires peut s’interrompre parce que la jeune entreprise innovante à fait son chemin commercial et que ses revendications financières ne sont plus compatible avec le contrat de base. De l’autre coté, et par exemple dans le cas d’une relation commerciale basée sur des contrats de licences logiciels, la grande entreprise peut rompre avec sa politique d’achat initiale en considérant que le produit fourni est passé du stade d’unique à celui de commodité. 4.4 La pratique – et l’investisseur ? Nous allons à présent tâcher de déterminer le rôle que peut jouer un investisseur en capital dans la relation entre Grande Entreprise et PME, et ceci dans le cas particulier de la start-up innovante et de son ou ses investisseurs en Capital Risque. En premier lieu, l’investisseur en capital a, bien entendu, un rôle qui n’est pas opérationnel dans les sociétés dans lesquelles il a investi. Il sera par exemple présent et " actif " dans les organes sociaux tels que le Conseil de Surveillance ou bien le Conseil d’Administration ou bien se limitera à son rôle d’actionnaire en étant plus " passif ". Il rassure tout d’abord la Grande Entreprise sur la pérennité de la PME, non seulement par les ressources financières immédiates dont elle dispose grâce à lui, mais aussi parce que les investisseurs en Capital Risque ont l’habitude de s’engager au capital pour plusieurs années. Ensuite, la présence active d’un ou de plusieurs investisseurs de référence peut être la caution qu’une partie du travail de validation de l’offre a été réalisée, aussi bien sur le point technique, de la propriété intellectuelle ou du marché. Enfin, elle peut rassurer sur la bonne gestion de l’entreprise, dont le management doit rendre régulièrement compte à des actionnaires professionnels et avisés. Mais l’investisseur en capital peut également offrir à la PME un soutien beaucoup plus étendu. Cela commence bien entendu par l’introduction auprès de personnes-clés de la grande société à travers son réseau (dans le cas d’un investisseur attaché à un industriel ou Corporate VC, le mécanisme est encore plus direct), ou l’assistance lors un processus commercial en donnant accès aux décideurs. De manière plus indirecte, l’investisseur en capital peut aider à amener au Conseil d’Administration, au Conseil de Surveillance, ou à tout autre organisme consultatif des personnes connaissant particulièrement les grandes entreprises du domaine de la PME innovante, ce qui sera évidemment un facilitateur pour établir, développer et maintenir la future relation. Enfin, l’investisseur en capital, par son expérience construite au cours de ses investissements passés, représente bien entendu un conseil précieux dans la manière de gérer cette relation. P 30 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 5. LES PERSPECTIVES QUE PEUT-ON SOUHAITER ? La conclusion directe de notre exposé est que la situation topologique et les processus d’initialisation et d’exécution ne sont pas absents pour faire collaborer de jeunes entreprises innovantes avec des grandes entreprises. La capacité collaborative d’aujourd’hui est le résultat des expériences réussies et avortées des entrepreneurs, des grands groupes et des investisseurs en capital depuis déjà quelques années. Elle est aussi à l’image (naturelle) des pratiques politiques et organisationnelles qui dominent en France et en Europe comme la culture industrielle de groupe. Elle évolue également en mettant en avant et au centre des décisions de nouveaux organes comme les directions achats et juridiques. C’est donc un environnement façonné par son histoire et qui évolue en fonction d’exigences économiques ou de management particulières. Il serait dommage de borner ici la notion d’innovation aux entreprises (petites et grandes). Pour l’investisseur en capital, l’innovation doit être partout : dans les processus qui vont permettre aux jeunes entreprises qu’il finance de collaborer avec une grande pour déployer son offre ou saisir un marché, dans les organes et fonctions des grandes entreprises pour " industrialiser le recrutement " de partenaires innovateurs, dans les initiatives et mesures politiques pour motiver et accélérer les partenariats économiques entre grandes entreprises et PME innovantes. Nous devons donc souhaiter, encourager et collaborer aux innovations qui visent à dynamiser les relations entre grandes entreprises et PME innovantes. En tant qu’investisseurs de PME innovantes, notre attention se portera bien sûr : ● à maximiser les actions en faveur de ces entreprises et mettre en valeur l’entrepreneur auprès des dirigeants des grands groupes ; ● à développer nos métiers pour permettre de concourir à des PME innovantes de qualité ; ● à désirer que les moyens financiers d’accompagnement (aides, subventions, crédit d’impôts etc.) soient renforcés ; ● à envisager que ces mêmes moyens financiers en faveur des grandes entreprises soient liés à leurs capacités collaboratives avec de plus petites ; ● et plus généralement à promouvoir une plus grande représentativité de ces jeunes entreprises auprès des institutions et du public. Enfin, les écosystèmes qui font collaborer naturellement PME innovantes et grandes entreprises doivent être appréciés au moins au niveau Européen, d’abord pour connaître une taille critique comparable aux deux autres grandes régions mondiales (Amérique du Nord et Asie) mais aussi parce que les grandes entreprises qui vivent déjà à l’échelle internationale le demandent. P 31 Capital Risque et Valorisation de la Recherche - AFIC - 2005 PRÉSENTATION DE L’AFIC ET DE LA SOUS-COMMISSION VALORISATION DE LA RECHERCHE AFIC Association Française des Investisseurs en Capital L’AFIC regroupe la quasi-totalité des professionnels du Capital Investissement en France. Elle accompagne et facilite la croissance rapide du Capital Investissement par son action dans les domaines suivants : ● la mise au point et la diffusion de règles déontologiques qui encadrent l’exercice du métier ; ● la promotion du Capital Investissement auprès des investisseurs institutionnels français et étrangers, et des investisseurs privés ; ● le dialogue avec les pouvoirs publics, afin d’améliorer le cadre réglementaire dans lequel s’exerce l’activité ; ● le recueil, l’analyse et la publication des statistiques de référence de la profession ; ● la formation des professionnels, qui a concerné en 2004 plus de 600 personnes. L’AFIC compte actuellement 212 membres actifs – investisseurs en capital – et 123 membres associés – professionnels des métiers liés au Capital Investissement : avocats, experts-comptables, auditeurs, conseils en stratégie… Pour toute information complémentaire, vous pouvez utilement consulter notre site : www.afic.asso.fr SOUS-COMMISSION VALORISATION DE LA RECHERCHE RAPPORTEUR ● Frédéric MASCRÉ, Mascré Heguy Associés MEMBRES P 32 ● Jean-Claude LEVEQUE, LC Capital ● Jean-Sébastien LANTZ, Telecom Paris ● Lison CHOURAKI, Constantin Associés ● Karen LALO, Mascré Heguy Associés ● Philippe CROCHET, Partech International ● Paule DROUAULT-GARDRAT, Bird & Bird ● Yvan-Michel EHKIRCH, I-Source Gestion ● Bernard DEGORRE, Tykya ● Geoffroy DUBUS, Innovacom Conception graphique - exécution : Valérie Foucault CAPITAL RISQUE ET VALORISATION DE LA RECHERCHE Frédéric MASCRÉ Geoffroy DUBUS Jean-Sébastien LANTZ Yvan-Michel EHKIRCH Philippe CROCHET Association Française des INVESTISSEURS EN CAPITAL 14, rue de Berri - 75008 Paris Tél : 01 47 20 99 09 - Fax : 01 47 20 97 48 Site web : www.afic.asso.fr E-mail : [email protected] Association Française des INVESTISSEURS EN CAPITAL