Expo R. Burri programme FR (5)
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Expo R. Burri programme FR (5)
Zürich. Le Corbusier. 1960 Le Corbusier - René Burri Dialogue Du 24 mars au 24 juin 2006 Fondation Le Corbusier - Paris René Burri, photographe suisse, né en 1933, étudie de 1950 à 1954 à la Kunstgewerbeschule de Zürich dans la fameuse classe de Hans Finsler et d’Alfred Willimann. Membre de Magnum depuis 1959, il vit à Paris et à Zürich. Premier reportage sur Le Corbusier en 1955 (Ronchamp), publie de nombreux portraits et articles dans de grandes revues internationales : numéros spéciaux du mensuel Du (Koh Samui, Picasso...), portfolios dans Camera ; publie entre autres Les Allemands en 1962, Les Gauchos en 1968, Che Guevara en 1997, 77 strange sensations en 1998 et Le Corbusier en 1999. Grandes rétrospectives et monographies en 1984 (René Burri. One World) et en 2004 (René Burri. Photographs). Auteur de plusieurs films (par ex. Two faces of China, 1968). Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, 1991, Dr. Erich Salomon-Preis 1998. Burri pratique aussi l’art du collage. R ené Burri, plasticien et reporter photographe, s’était intéressé, alors qu’il était encore étudiant, au personnage déjà mythique de Le Corbusier. Il eut souvent l’occasion de le photographier, dès 1955, en diverses occasions, dans l’intimité de sa vie privée et de son travail de peintre ou dans son atelier d’architecte, sur les chantiers de la Tourette ou lors de l’inauguration de Ronchamp. Jeune membre de la légendaire agence de photographes Magnum, il approcha avec beaucoup de sensibilité, en particulier dans les années 1959 et 1960, ce maître qui était alors devenu l’incarnation pure et simple du mythe de l’architecte. L’exposition présente une sélection des images issues de ce dialogue fructueux, témoignage de la relation amicale et forte qui s’est construite entre Le Corbusier et son chroniqueur, qui y a déployé toute sa patience et son art. Le choix privilégie l’approche plus intimiste de l’artiste-architecte ; elle illustre aussi le mode de travail de ce grand photographe discret, rapide et imprévisible qu’est René Burri. Les clichés réalisés permettent de découvrir des “instantanés biographiques“ peu ou pas du tout connus : Le Corbusier accepte en effet pour une fois de ne plus être totalement maître du jeu – tout en n‘étant pas dupe de ce qu’il donne à voir et à entendre – et se livre à ses activités quotidiennes dans son atelier d’artiste sous les toits de la rue Nungesser-et-Coli ; il fait visiter ses appartements privés dans une petite mise en scène dont il ne sait plus comment sortir... On le voit aussi dans son atelier d’architecte de la rue de Sèvres – espace magique d’où naîtront tant de chefs-d’œuvre d’architecture – discutant avec ses collaborateurs, le crayon à la main. Il se laisse même surprendre dans la solitude de ses voyages. Quelques unes de ces icônes accueillent le visiteur dans le hall de la maison La Roche, tandis que les instantanés pris dans l’intimité de l’appartement de la rue Nungesseret-Coli sont accrochés dans la salle à manger. Des objets provenant de sa “collection particulière“ et la peinture Vézelay (qui figure sur le grand portrait en couleur exposé dans le hall) viennent souligner l’évocation de son univers familier. Dans l’antichambre de la galerie, une série montre le peintre en pleine action. Dans la galerie, les images et le mobilier installé dans le petit bureau de Le Corbusier, illustrent le travail quotidien de l’agence. L’album plié en accordéon réalisé par René Burri en hommage à l’architecte est déployé sur la table de marbre. Dans la bibliothèque, au deuxième étage, quelques documents évoquent les nombreux voyages ; d’autres rappellent l’atmosphère de villégiature de RoquebruneCap-Martin. Ronchamp, Inauguration de la chapelle Notre-Dame du Haut, 1955 HALL D’ENTRÉE ICÔNES Dans le hall d’entrée, les images témoignent de l’originalité du regard de René Burri. Pour lui, l’architecture est toujours un prétexte pour raconter des histoires. La photo très célèbre réalisée le 25 juin 1955 lors de l’inauguration de la chapelle Notre-Dame-du-Haut de Ronchamp, ne montre du bâtiment lui-même que l’énorme coque construite en voiles de béton qui domine la partie supérieure de l’image. La masse caractéristique de la foule des pèlerins remplit la partie inférieure et la forme des chapeaux des femmes reprend la courbe de la toiture ; un grand parapluie lui répond en parfaite symétrie. En 1959, sur le toit-terrasse de la Cité radieuse de Marseille, Burri, fasciné par le mouvement incessant des enfants réussit à saisir le jeu de leurs déplacements dans cet univers de formes archétypiques composé d’espaces clos et ouverts, montant et descendant, en relief ou en creux, de plans horizontaux ou – dans le cas présent – inclinés. Burri n’est satisfait que lorsqu’il réussit “à saisir parfaitement la vibration de ce qui est animé“. La bannière en couleur représente un portrait de Le Corbusier pris en 1959 dans la salle à manger de son appartement de la rue Nungesseret-Coli. Paris 16e, 24 rue Nungesser-et-Coli, 1959 SALLE À MANGER LE CORBUSIER CHEZ LUI En 1934, Le Corbusier quitte SaintGermain-des-Prés pour aller vivre dans un quartier situé entre Paris et Boulogne-Billancourt, où il vient de réaliser l’un de ses premiers projets urbains, l’immeuble Molitor. L’atelierappartement en duplex qu’il a conçu pour lui “dans des conditions de Ville radieuse“, au dernier étage d’un immeuble de rapport typiquement parisien, est en fait – avec ses grandes façades vitrées et son plan libre – d’une conception résolument futuriste. René Burri pût pénétrer en 1959 et en 1960, près de deux ans après la mort d’Yvonne Le Corbusier, dans l’intimité de cet appartement jalousement préservée par le maître. On peut voir sur les clichés de cette séance Le Corbusier faire successivement découvrir au visiteur le vestibule, le salon et la salle à manger. Dans la salle à manger, figure la peinture Vézelay 1939, que Burri utilisera pour la composition du grand portrait en couleur. Le Corbusier prend appui sur la table de marbre blanc, avant de nous conduire ensuite vers la chambre à coucher, à laquelle on accède par une armoire pivotante. Tout au long du parcours, Le Corbusier désigne à notre attention les différents objets de sa “collection particulière“, soigneusement regroupés dans des niches créées à cet effet. Paris 16e, 24 rue Nungesser-et-Coli, 1960 ANTICHAMBRE GALERIE L’ATELIER DE LA RECHERCHE PATIENTE L’atelier-appartement de Le Corbusier, 24 rue Nungesser-et-Coli, a été conçu comme deux espaces distincts : d’un côté l’atelier, de l’autre le logement ; les deux volumes peuvent être isolés par de grandes portes pivotantes ; un escalier en colimaçon relie le vestibule au jardin aménagé sur le toit. Un jour, Burri qui avait rendez-vous avec Le Corbusier trouva l’appartement ouvert. Le Corbusier travaillait, comme presque tous les après-midi, dans son atelier voûté ; il ne se laissait pas distraire. Devant le mur mitoyen en pierres apparentes, on peut voir des tableaux de toutes époques en vrac ; sur le carrelage de grès blanc du matériel de peinture dans un apparent désordre, des plans de travail bricolés, deux vieux meubles à tiroirs et des sculptures en bois. Burri commença à prendre des clichés en se rapprochant doucement de cet homme de plus de soixante-dix ans, revêtu d’une chemise américaine en laine à carreaux noir et blanc... jusqu’à ce que Le Corbusier rompît le charme en s’exclamant “Ah! Vous êtes là!“. Neuf images retracent l‘approche discrète du photographe : Le Corbusier est en train de teinter du papier journal pour en insérer les morceaux dans un collage étalé sur une table improvisée. Cette suite d’images est peut-être le témoignage le plus vivant de la manière de travailler de Le Corbusier. Et s’il n’est pas dupe des ruses du reporter, il fait preuve de beaucoup de naturel et se livre en toute confiance. Paris 7e, 35 rue de Sèvres. “Atelier 35 S”, 1959 GALERIE ATELIER 35, RUE DE SÈVRES L’atelier d’architecte de Le Corbusier qu’il occupait depuis 1924, était installé sur toute la longueur d’un couloir de près de 41 mètres dans une partie désaffectée d’un couvent de jésuites, érigé derrière les immeubles du 33/35 rue de Sèvres. Situé au premier étage, il était adossé au mur de l’église Saint-Ignace et donnait sur une cour. Le Corbusier réalisa en 1948 une grande peinture murale sur la paroi du fond. Presqu’en même temps, il créa dans le premier tiers de l’atelier des espaces réservés au secrétariat et au chef d’agence, et se réserva pour lui-même, un petit bureau dépourvu de fenêtre. Lorsque Burri photographia l’atelier en 1959 et 1960, Le Corbusier avait également investi l’espace du chef d’agence, surmonté d’une fenêtre ouvrant jusqu’au plafond. La table de Le Corbusier conçue par Jean Prouvé en 1948, était alors placée contre la paroi donnant sur le corridor. Le Corbusier travaille avec José Oubrerie, penché sur une planche à dessin. Burri cherchait à capter l’instant créateur, ce qui ne semblait pas aller de soi, même pour cet architecte de génie. Aéroport de Kloten, Zürich, 1960 BIBLIOTHÈQUE EN VOYAGE MEZZANINE GALERIE Au deuxième étage de la maison, dans la bibliothèque de Raoul la Roche, quelques images évoquent le voyageur infatigable. En 1959, Le Corbusier consulte son agenda à la gare de Lyon, avant de partir avec René Burri pour le chantier de La Tourette. Pendant le trajet dans le Train bleu, il note ses idées dans l’un de ses innombrables carnets. Sur une autre photographie, le maître, un rouleau de papiers sous le bras, est entouré de jeunes admirateurs. Il est au pied de la colline de Ronchamp ; c’est le 25 juin 1955, jour de l’inauguration de la chapelle Notre-Dame-du-Haut. Deux clichés montrent Le Corbusier en 1960, à Zürich. Après 29 heures de vol, dans un Superconstellation d’Air India en provenance de Dans son atelier de peintre, Le Corbusier créait des natures mortes en trois dimensions à l’aide d’objets de toutes origines. Les plans de travail dispersés dans tout l’atelier ressemblent aussi à des collages ou des installations. C‘est certainement le cas avec l’assemblage d‘une caisse en bois surmontée d’une sculpture, immortalisée par une photo de René Burri : Le Corbusier avait fixé des peintures de chaque côté de la caisse, et utilisé ce socle improvisé pour exposer la sculpture Ozon II qu’il avait créée avec Joseph Savina en 1957. Burri ne pouvait qu’être sensible au charme de cet univers chaotique. Burri nous fait ainsi découvrir le bric à brac du travail en cours sur l’une l’Himalaya, il vient d’atterrir à l’aérogare de Kloten. Il y est attendu par Heidi Weber et par Willy Boesiger. Sur la photo – qui orne l’affiche de l’exposition – on le retrouve à table, jovial, dans un restaurant des alentours de Zürich. Le Corbusier vient inspecter le site où sera construit sa dernière œuvre puis il ira fêter l’édition par Girsberger de l’ouvrage Le Corbusier 1910-60. Enfin, Roquebrune-Cap-Martin – autre lieu magique où Le Corbusier passait ses vacances au bord de la Méditerranée, et où il trouva la mort en 1965. Burri photographie la guinguette L’étoile de mer de Thomas Rebutato, et le Cabanon. On voit aussi la tombe dessinée par Le Corbusier, dans le cimetière du vieux village de Roquebrune. de ces tables improvisées de l’atelier de la recherche patiente : lunettes du maître, deux loupes, mais aussi une sélection d’esquisses puristes qu’il venait de lui montrer ; à droite, les crayons attachés par des élastiques – instruments de travail qui accompagnaient Le Corbusier partout – avec, au premier plan, une feuille de papier à en-tête de Le Corbusier, architecte de la capitale du Penjab, Chandigarh. Ces quelques documents témoignent à la fois de la manière de travailler de Le Corbusier et de la vision du photographe ; cette même vision de l’art concourrait à enrichir en permanence le dialogue entre les deux hommes. Nature morte, 1965 L’exposition “Le Corbusier - René Burri, Dialogue” a bénéficié de la complicité de René Burri et de la collaboration de Magnum Photos - Réalisation Fondation Le Corbusier Jean-Pierre Duport, Président - Michel Richard, Directeur Conception et textes : Arthur Rüegg - Documentation : Isabelle Godineau Communication : Christine Mongin, Paula de Sa Couto - Cadres et vitrines : Eric Galliache Graphisme : Bernard Artal - Copyright FLC-ADAGP / René Burri-Magnum Photos FONDATION LE CORBUSIER 8-10 square du Docteur Blanche - 75016 Paris Tél. : 01 42 88 41 53 - Fax : 01 42 88 33 17 www.fondationlecorbusier.fr Souvenir d’Egypte Paris 7e, 35 rue de Sèvres, 1959 SOUVENIRS INOUBLIABLES Les relations de Le Corbusier avec ses photographes n’étaient pas toujours faciles. Le maître devenu encore plus méfiant avec l’âge, défendait son domaine privé avec la même intransigeance que l’image de sa personne. Le jeune Burri le provoquait avec ses interprétations narratives sur l’architecture, habitées d’êtres vivants, et qui ressemblaient si peu aux sobres compositions de “volumes assemblés sous la lumière“ qu’on était en droit d’attendre de la part d’un photographe professionnel. Le Corbusier agacé réagit en s’exclamant “est-ce qu’il se moque de moi ?“ ; puis un beau jour, ce type de lecture commença à l’intéresser. Burri réussit à établir une relation privilégiée avec l’architecte qui lui permit de réaliser ces prises de vues originales ; cette relation demeurait cependant fragile et pouvait être constamment remise en question. Burri arriva un jour à l’atelier 35 rue de Sèvres avec une belle pierre ronde qui ressemblait à un œil de pharaon et qu’il avait rapportée de la Vallée des Rois en Egypte. Il s’attendait à être accueilli avec enthousiasme par l’architecte qui collectionnait ce type d’objets “à réaction poétique“ depuis des années. Le Corbusier accepta le cadeau avec un grognement et le posa négligemment de côté. Peu de temps après, Burri reçut un message l’invitant à passer à l’atelier. Quand il franchit la porte du légendaire cabinet du maître, l’objet trônait au centre de la table. Aucune parole ne fut échangée mais ils s’étaient compris. Le jeune photographe conserva un souvenir inoubliable de cet événement, comme de tant d’autres au cours de leur longue relation. En 1959, Burri accompagnait Le Corbusier dans le Train bleu de Paris à Lyon, à destination du chantier de La Tourette. Il en profita pour l’observer tandis qu’il discutait, réfléchissait ou écrivait dans son carnet qui ne le quittait jamais. Dans le wagon-restaurant, l’architecte fit un dessin sur une assiette de la petite maison au bord du lac qu’il avait construite pour ses parents à Corseaux. Burri avait emporté ce trophée, et le gardait précieusement dans sa bibliothèque à Zürich. Un jour, rentrant de voyage, il découvrit une assiette immaculée à sa place ; il pensa qu’il s’agissait d’un deuxième exemplaire. Le dessin n’avait pu malheureusement résister aux assauts de la femme de ménage... L’histoire la plus intéressante se déroula à la suite d’un reportage que Burri avait réussi à faire dans l’atelier-appartement de Le Corbusier en 1959/1960. Les images furent utilisées une première fois dans un très bel article de Silvia Kugler publié en juin 1961 dans le mensuel suisse Du. Le Corbusier ne manifesta aucune réaction particulière lorsqu’il reçut son exemplaire. Quand à la fin de l’année 1961, Burri lui envoya une carte de vœux dont le recto montrait un moine méditant dans un jardin Zen à Kyoto, Le Corbusier se souvint alors d’une des photographies publiées dans Du En voyage, 1959 Assiette wagon-lit, 1959 Glorification de la vierge, 24 rue Nungesser et Coli, 1959 où on le voyait dans sa chambre à coucher devant un tableau d’André Bauchant, Glorification de la Vierge. Le Corbusier nota au verso de la carte : “lui écrire la photo LC Bauchant équivoque”. Plus tard, le 6 février 1962, la réaction officielle fusa : “Mon cher Burri, Merci de votre carte avec bonze et jardin japonais. / J’ai à vous faire un sérieux reproche. Vous avez donné dans Du, article sur Le Corbusier, une photo tout à fait tendancieuse dans laquelle j’ai l’air de prier la Sainte Vierge devant une glorification de Bauchant, alors que je suis en train de tourner la lampe pour que le tableau soit éclairé. Vous auriez pu vous passer de ce faux témoignage.“ Tout de suite après cependant, Le Corbusier lui passe commande de photos de maquettes dont il a besoin pour son exposition au Musée des Arts Décoratifs, ainsi que de quelques portraits, non sans ajouter : “Ceci est pour votre publicité et non la mienne” ! Voir aussi : • Arthur Rüegg (éd.), Le Corbusier Photographs by René Burri/Magnum. Moments in the Life of a Great Architect, traduction française Catherine Courtiau, Bâle, Berlin, Boston : Birkhäuser, 1999. • Arthur Rüegg (éd.), René Burri. Pour Le Corbusier, juin 1962 (dépliant), Baden : Edition Lars Müller, 2006.