Du vélo aux fourneaux - Insider Publications

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Du vélo aux fourneaux - Insider Publications
Du vélo aux fourneaux
Eric
Frechon, trois étoiles Michelin, chef emblématique de la
cuisine française, était à Athènes pour fêter les vingt ans du
restaurant Spondi, doublement étoilé depuis 2002. Frechon, qui
distille une cuisine néoclassique relevée de modernité, se
confie à Bonjour Athènes.
Quand avez-vous commencé à cuisiner ?
J’ai toujours aimé la cuisine étant petit, mais j’ai
réellement découvert cet univers lors d’un petit job l’année
de mes 13 ans dans un restaurant. Je souhaitais alors acheter
une bicyclette. Ce petit boulot m’a ouvert les yeux sur le
monde de la cuisine et j’en suis tombé amoureux, j’ai su que
je voudrais en faire mon métier plus tard.
Quelle est votre cuisine préférée ?
J’adore la cuisine française, elle m’inspire dans de nombreux
plats que je réalise tous les jours. Je suis un vrai défenseur
des classiques français et j’essaye de les développer dans ma
propre cuisine, pour créer de nouveaux plats délicieux et
authentiques à l’aide de bons produits. De nos jours, il y a
un respect du produit qui est incroyable.
Il est souvent difficile de former de nouveaux
classiques dans la cuisine française car il y a une
tradition assez forte, quelle est votre opinion sur les
évolutions et qu’est-ce que la création pour vous ?
Je vais vous donnez un exemple très concret, une fois j’avais
fait un plat, du ris de veau piqué avec des anchois. Donc
j’avais fait mon essai et il était pour moi extraordinaire,
cependant quelque temps après, peut-être 3
ou 6 mois, en
regardant des vieux livres je me suis dit « mais ils font déjà
des ris de veau piqués aux anchois ! »
La création est un perpétuel renouveau, il y a tellement de
choses qui ont été réalisées ; moi, je dis toujours que dans
la carrière d’un cuisinier si on crée deux à trois plats de
création pure, jamais vue dans une carrière, c’est déjà énorme
je pense.
Donc c’est la manière de cuisiner, la façon dont on les
prépare qui change ?
C’est une remise en scène, on revoit ses classiques avec nos
yeux d’aujourd’hui et peut être qu’on a envie de les manger.
Et la Grèce, qu’est-ce que vous en pensez ?
Moi, j’adore la Grèce. J’adore les produits grecs, je trouve
que dans le moindre petit bistrot, la moindre petite taverne,
les produits sont toujours très bons. Vous avez de beaux
produits ici mais après c’est difficile pour la Grèce, c’est
compliqué car il y a une vraie cuisine mais il n’y a pas de
vrais clients en face.
Malgré la crise, on a l’impression que la scène
gastronomique à Athènes est assez dynamique et s’est
revitalisée depuis 5 ans ; il y a une meilleure
recherche de la qualité.
Il y a quand même la réalité des choses, il faut payer le
personnel, la marchandise, il faut des clients, et cela reste
aujourd’hui très compliqué. On en discutait avec Apostolos (le
propriétaire du restaurant Spondi), quand la crise s’est
installée ça a été une catastrophe, il y a eu 40 à 50% de
clients en moins du jour au lendemain. Maintenant bien sûr
c’est mieux, mais c’est mieux par rapport à 50% de moins, donc
ce n’est pas mieux. Mais bon il faut y croire ; dès qu’il y a
une crise, les mauvais partent à la poubelle, seuls les bons
restent.
On a vu qu’il y a quelques boutiques de produits grecs
qui se sont ouvertes récemment à Paris, notamment dans
le 16e arrondissement.
Mavromatis, c’est le meilleur. Il est au Bon Marché, à
Lafayette Gourmet, sur l’avenue Paul Doumer, maintenant il a
des restaurants, enfin plutôt des boutiques partout. Moi je le
connais personnellement, c’est un ami mais c’est vraiment très
bien ce qu’il fait. Grâce à lui et aux autres, le goût grec
monte à Paris !
Est-ce que vous avez un ingrédient fétiche grec que vous
utilisez toujours dans votre cuisine ?
Je pense que le produit grec qui m’est peut-être le plus cher,
c’est le concombre ; il se trouve que c’est ici que l’on m’a
fait découvrir le vrai bon goût du concombre. En France, c’est
un peu de l’eau. Et puis il y a la feta bien sûr, frite,
poêlée, en salade… C’est du bon fromage.
Vous, vous utilisez de temps en temps des produits grecs
dans votre cuisine ?
C’est une cuisine française donc ce n’est pas facile, mais oui
ça peut arriver ; comme de l’huile d’olive, j’en ai tout le
temps dans ma cuisine, ou la feta qui est vraiment grecque,
alors que l’aubergine c’est un peu tout le monde qui la
consomme.
On parlait des créations tout à l’heure, qu’elle est la
plus belle création que vous avez faite pour la Grèce ?
Pour moi, ma plus belle création en Grèce, ça a été quand je
suis venu ici, on en parlait tout à l’heure avec Apostolos, un
agneau avec une moussaka. J’avais fait un rouleau d’aubergines
farci avec de la viande d’agneau confite et avec un agneau
rôti, comme une combinaison des deux. C’était vraiment très
parfumé, très bon.
Et en France, si vous aviez à citer une création qui
vous caractérise ça serait laquelle ?
Il y en a plusieurs, mais la plus connue je pense c’est le
macaroni farci artichauts poivrons, et bien sur le lièvre à la
royale, c’est « mon » lièvre à la royale. Je dis toujours que
mon lièvre à la royale j’ai mis 30 ans pour le mettre au
point, parce que j’ai pris un petit peu de chacun et après je
l’ai travaillé moi-même à ma manière et ça fait que depuis 3
ans que je suis très content de mon lièvre à la royale. Je ne
suis pas très rapide en fait mais ce n’est pas grave
maintenant il est bon.
Quel est le défi pour quelqu’un comme vous avec trois
étoiles Michelin, comment vous motivez-vous maintenant,
quelle est votre prochaine étape ?
Je ne me suis jamais posé cette question, mais tout simplement
j’aime mon métier. J’aime mon métier, j’aime les gens, j’aime
les équipes, je prends du plaisir tous les jours et c’est ça
la clé de la réussite, de se faire plaisir avec de belles
créations et de se faire plaisir dans son métier au quotidien,
à travers l’humain. A partir de là, on ne peut être que bon.
Avec toutes ces émissions de plus en plus populaires à
la télévision qui ont trait à la cuisine, c’est là où on
se rend compte finalement que derrière le travail ce
n’est pas juste le chef qui fait les créations, c’est
toute l’organisation de la cuisine, on n’imagine pas
toute la logistique qu’il y a derrière.
Comme je l’ai dit, on peut être le meilleur cuisinier, mais
tout seul on n’est rien. Dans n’importe quel restaurant tu ne
peux pas servir 30, 40, 50 personnes, c’est un travail
d’équipe, une cohésion d’équipe, comme dans l’équipe de
France, si on a un Zidane mais qu’il est tout seul, il ne
marquera jamais de buts. C’est pareil.
Spondi, Pyrronos 5, Pangrati, Athènes, Tél. 210.756.4021,
www.spondi.gr