Quand j`ai commencé mon blog A Girl Called Jack en février 2012, il

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Quand j`ai commencé mon blog A Girl Called Jack en février 2012, il
Quand j'ai commencé mon blog A Girl
Called Jack en février 2012, il
s'agissait d'un blog de commentaires
sur la politique locale, sur lequel je
publiais les comptes rendus des
réunions du conseil municipal de
Southend et parlais d'événements
locaux. Je n'avais pas l'intention de
faire un blog sur la nourriture, ni un
guide sur l'art de vivre. Et bien que le
vieil adage dise que "chacun porte un
livre en soi" je n'ai pas imaginé un
instant que c'était mon cas, ni qu'on
pourrait être intéressé par ce que
j'avais à dire.
Quand j'ai commencé à publier des
recettes sur le Net, il s'agissait d'un àcôté, d'un assemblage d'ingrédients
1er Prix achetés au supermarché du
coin et cuisinés dans une cuisine si
exiguë que, debout au milieu, mes
bras en touchaient les deux murs.
Je me suis rendue compte que je
pouvais faire une soupe de tomates et
haricots blancs, pleine de protéines,
et pour moins cher que la moins
chère des soupes douteuses du
supermarché. Et je voulais que les
gens le sachent pour que, peut-être,
ils puissent manger un peu mieux
pour un peu moins cher.
Ayant une petite cuisine, un petit
budget, et un petit garçon à nourrir
tous les jours, j'ai cultivé des fines
herbes sur le rebord de ma fenêtre.
J'ai semé de la coriandre, du romarin,
du persil, du thym et de la menthe,
coincés dans des moules à gâteaux
rouillés – souvent ils se renversaient
quand j'ouvrais le robinet de l'évier
pour faire la vaisselle.
À l'école, j'ai eu des professeurs
d'Économie Familiale super.
Mme Farquhar, Mlle Saville,
Mme Kadic et Sheila, je vous salue de
tout cœur. J'ai quitté le collège sans
avoir tout à fait le brevet, mais avec
cette assurance tranquille de m'y
connaître en boîte de tomates pelées.
Quand je suis partie de chez mes
parents, il y a sept ans, j'ai commencé
à expérimenter, à créer, à pétrir, à
goûter, à assaisonner et à congeler.
Et à farfouiller au fond du buffet, une
semaine avant la fin du mois, pour
essayer de trouver un sachet de
lentilles - car il fallait bien que je
trouve quelque chose à préparer
pour le dîner. Mes recettes, je les
conservais dans des cahiers
griffonnés, objets de constante
plaisanterie de la part de mes amis –
quand quelque chose est apprécié ils
me disent de "noter dans le cahier",
alors que les ingrédients sont encore
éparpillés dans la cuisine.
En 2011-2012 j'ai été au chômage
pendant un an, et je ne disposais que
d'environ £10 (12€) pour manger et
donner à manger à mon petit garçon.
Pendant que les expressions comme
"retour dans la récession", "austérité"
et "mur fiscal" faisaient la une, et
frappaient les finances des états, moi,
j'ai arrêté d'acheter sur le Net les
beaux fruits et légumes bio livrés
dans un carton recyclable, et je me
suis rabattue sur les produits de la
gamme 1er Prix du supermarché du
coin. Pour moi qui adorais bien
manger, c'était affreux. Les plats
préparés bas de gamme et le manque
de fruits et de légumes, entraînèrent
des perturbations dans mon rythme
de sommeil, et mon petit garçon avait
toujours faim. Et pour la première fois
de ma vie de gros boutons rouges
apparurent sur ma peau. Puisque de
la cochonnerie entrait en moi, rien de
bon ne pouvait en sortir.
Il fallait que ça change. Je n'avais plus
la cuisine pleine de provisions ni les
plaques de cuisson haut de gamme
de mon ancien logement, ni le luxe de
l'open-space de l'appartement huppé.
J'avais une cuisine dans laquelle je
n'aurais même pas pu m'allonger,
avec un four, un réchaud électrique et
deux casseroles, mais je décidai de
ressortir mon tablier et de cuisiner à
partir de rien, et pour aussi bon
marché que possible. Par obligation je
limitai la viande et les produits
laitiers, et je retrouvai le plaisir de la
cuisine maison.
Les résultats furent, et sont encore,
surprenants. Je me suis rendu compte
que mon budget hebdomadaire de
£10 (12€) me permettait des petits
pains maison pour le petit-déjeuner,
des soupes épaisses et bonnes pour
la santé, bourrées de protéines, des
ragoûts, des daubes, des plats au
curry pour se réchauffer en hiver, des
burgers maison, ainsi que beaucoup
de fruits et de légumes. Mon petit
garçon et moi sommes en meilleure
santé et plus heureux et nous avons
encore quelques rondeurs. Nous
faisons trois repas par jour plus un
peu de pain et un en-cas quand nous
le voulons. Avant, cuisiner pour une
personne et demie paraissait inutile
et fastidieux, maintenant c'est rapide
et c'est un plaisir, sans beaucoup de
préparation et avec peu de vaisselle à
faire. Toutes mes recettes se font très
bien pour un adulte affamé, pour un
adulte et un enfant, ou pour plus, et
peuvent être congelés comme plats
préparés maison.
Élevant seule mon petit garçon, je ne
peux pas passer des heures dans la
cuisine, mes recettes sont donc
simples et rapides. Pas de
tergiversations, pas d'ingrédients
originaux qui coûtent cher. Pourtant
quand je contacte mes amis pour les
inviter à dîner, je m'arrange toujours
pour que ma table soit bien garnie, et
eux, ne laissent jamais rien dans leurs
assiettes. Satisfaits ils me
complimentent et se demandent
comment je fais avec si peu d'argent.
J'ai commencé à rédiger mes recettes
et à les poster sur mon blog
http://agirlcalledjack.com/ et très vite,
chaque jour, différentes personnes
me demandèrent de les publier dans
un livre de cuisine. Les visiteurs du
blog m'envoyaient des emails pour
me dire les économies qu'ils faisaient
chaque semaine, et leur surprise de
voir leurs enfants manger de la soupe
épicée à la tomate et aux haricots
blancs et des champignons sauce
chasseur accompagnés d'énormes
quantités de purée.
Je n'ai pas la prétention d'être la
meilleure cuisinière au monde mais je
sais faire suer un oignon ou faire
sauter des champignons aussi bien
que les meilleurs cuisiniers. À une
époque où l'on avale des plats tout
prêts en regardant des pubs de
nourriture de luxe à la télé, il est
décourageant de voir ce décalage
qu'il semble y avoir entre une
nourriture nourrissante et très
goûteuse et ce mythe qui veut que
l'on ait besoin d'une cuisine luxueuse
et plusieurs dizaines d'indispensables
pour cuisiner. Ce n'est pas vrai. La
cuisine peut être facile. Je crois que si
on veut s'attaquer à la pauvreté et à
cette culture des repas aux
ingrédients suspects, réchauffés au
micro-onde, il faut présenter la
cuisine familiale de façon moins
luxueuse, moins affriolante, moins
intimidante, plus accessible, une
cuisine "du placard", qui coûte moins
cher, qui diminue les déchets, une
cuisine capable de préparer un repas
en dix minutes en rentrant du travail,
ou avec un gamin dans les jambes.