LafargeHolcim : un mariage sous haute surveillance

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LafargeHolcim : un mariage sous haute surveillance
CONSTRUCTION – MATÉRIAUX
LJA MAGAZINE - NOVEMBRE / DÉCEMBRE 2015
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CONSTRUCTION – MATÉRIAUX
LafargeHolcim : un mariage sous haute
surveillance
C’est l’un des plus importants rapprochements
industriels de ces dernières années. La fusion
des géants des matériaux Lafarge et Holcim,
qui a donné naissance au numéro un mondial
du ciment, a fait beaucoup de bruit. Et le chemin
a été long et souvent semé d’embûches (LJA
n°1157, 1159, 1203 et 1220).
ce point. » Dès juin 2014, les équipes de Freshfields se sont
donc attelées à organiser la cession des actifs d’Holcim. «BCette
approche “upfront” assez innovante a eu deux intérêts majeurs :
elle a permis de ne pas ralentir le calendrier de la fusion car nous
nous y sommes pris suffisamment en amont, et elle a eu aussi
pour avantage de maximiser la valeur de ces actifs et de ne pas
avoir à faire face à une vente aux enchères contrainte qui se fait
souvent avec une perte de valeur », assure Olivier Rogivue, également associé en corporate chez Freshfields.
Bien qu’économiquement avantageux, le processus a nécessité
de longues heures d’analyse des multiples offres des nombreux
Sur la forme, rien de très original : l’opération est une offre
acheteurs, contexte international et géants du secteur oblipublique d’échange (OPE) du Suisse Holcim sur les actions du
gent… «B Les potentiels acheteurs couvraient le monde entier ;
Français Lafarge, avec une gouvernance égalitaire du nouvel
nous avons donc pris le parti de rédiger un contrat commun de
ensemble, baptisé LafargeHolcim. Mais le schéma final n’est
droit anglais, peu importent les actifs qui devaient être vendus »,
pas celui annoncé initialement, en avril 2014 :
poursuit Olivier Rogivue. «BCertains acteurs, tels
une OPE avec une parité d’échange d’une
que CRH [Cement Roadstone Holdings, ndlr],
action Holcim pour une action Lafarge, et la
ont fait une offre sur l’ensemble des actifs situés en
direction du groupe confiée au P-DG de APRÈS AVOIR UN TEMPS France, au Brésil, au Canada, en Hongrie, en SerLafarge, Bruno Lafont. Quelques mois plus
bie, en Slovaquie, en Allemagne, en Roumanie, au
MENACÉ LA FUSION,
tard, Holcim a en effet rebattu les cartes en
Royaume-Uni, aux États-Unis et aux Philippines,
exigeant une révision de la parité et de la gou- LA RENÉGOCIATION DES ajoute Alan Mason. D’autres ont préféré limiter
vernance, et même obtenu que le siège social
leurs offres à certaines régions. En définitive, c’est
TERMES DE L’OPÉRAde la nouvelle entité passe de la France à la
l’option globale qui a été privilégiée. » Entre innoTION A FINALEMENT
Suisse. Au point que certains ont estimé qu’il
vations contractuelles et heures au carré passées
ne s’agissait plus d’une fusion entre égaux
à sécuriser les transactions, les équipes de FreshÉTÉ ACCEPTÉE
mais bien d’un rachat de Lafarge par Holfields et de Cleary ont travaillé main dans la main
PAR LE CIMENTIER
cim… Après avoir un temps menacé la fusion,
– «Ben très bonne intelligence », ajoutent les deux
la renégociation des termes de l’opération a
associés – pour mener à bien les cessions d’actifs
FRANÇAIS
finalement été acceptée par le cimentier frande leurs clients respectifs.
çais en avril dernier.
Autre volet sensible de l’opérationB: la renégociaLafarge a été accompagné par le cabinet Cleary Gottlieb Steen
tion des termes de la fusion exigée par Holcim, en cours de
& Hamilton sur l’ensemble des aspects juridiques du dossier.
route. « La renégociation a principalement porté sur deux axes :
Du côté d’Holcim, l’opération a donné lieu à un ballet de
l’évolution des activités – les performances de Lafarge étaient
conseils juridiquesB: le cabinet suisse Homburger – son conseil
moins bonnes que prévu et Holcim s’interrogeait sur l’équité de
historique –, Linklaters pour la partie française du dossier,
l’opération vis-à-vis de ses actionnaires – et la gouvernance – il a
Freshfields Bruckhaus Deringer pour le volet concurrence, et
fallu trouver l’équilibre nécessaire à une fusion entre égaux –,
Darrois Villey Maillot Brochier, entré en cours d’opération,
raconte Bertrand Cardi, associé en charge du dossier chez Darpour la partie renégociation des termes de la fusion.
rois Villey Maillot Brochier. Pour cela, il nous a fallu faire une
analyse fine de la situation et des contraintes, étudier tous les
Point sensible de l’opérationB: le volet concurrence, et la nécesscénarios possibles avant d’aboutir à celui qui a été retenu, puis
sité pour les deux groupes de céder certains actifs avant la réaliaccompagner le client jusqu’au terme de l’opération. »
sation définitive de la fusion. «BDans la mesure où il s’agissait
Aujourd’hui, tout le monde se félicite de la réussite de ce deal
d’une cession imposée par les autorités de la concurrence, la cerde longue haleine. L’avenir dira si ce nouveau colosse duciment
titude d’exécution de l’opération était un objectif primordial pour
a des pieds d’argile... ou en béton.
les vendeurs, explique Alan Mason, associé en corporate chez
Chloé Enkaoua
Freshfields. Aussi les négociations ont-elles largement porté sur
Le magazine
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Alan Mason (au premier plan)
et Olivier Rogivue, associés
de Freshfields Bruckhaus
Deringer
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