les gouverneurs de chypre

Transcription

les gouverneurs de chypre
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Virginie Mahé
Sous la direction de F. Hurlet
Université de Nantes
U.F.R. Histoire, Histoire de l’Art et Archéologie
LES GOUVERNEURS DE CHYPRE
(1er siècle a. C. -3ème siècle p. C.)
MEMOIRE
Année 2008/2009
1
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
INTRODUCTION
“In 22 B.C., Cyprus entered upon more than three centuries of a tranquil
obscurity, seemingly not unprosperous and apparently well governed”1: voilà comment
T. B. Mitford, qui fut l’un des plus grands spécialistes de l’histoire romaine de Chypre,
résume les premiers siècles de domination de l’Urbs sur l’île.
Dans la continuité de notre précédent mémoire, sur les proconsuls d’Achaïe
aux deux premiers siècles de notre ère, il nous a semblé pertinent et intéressant
d’appliquer la même étude à cette province sénatoriale mineure, qui, d’après M. Hurlet,
n’avait pas connu ce type de synthèse depuis longtemps. Effectivement, les principaux
travaux sur les gouverneurs romains de l’île remontaient à l’article de Mitford “Roman
Cyprus” (publié dans ANRW, II.7-2 en 1980 mais rédigé plusieurs années auparavant),
réactualisé notamment par M. Christol en 19862, qui s’était toutefois contenté de
reprendre certains cas seulement. Une nouvelle version s’imposait donc.
Quelles sont donc les sources à disposition lorsque l’on veut étudier la Chypre
romaine ?
C’est avant tout le manque de sources concernant cette période qui est
frappant. En effet, les inscriptions retrouvées ne sont pas si nombreuses, et sont très
souvent dans un mauvais état. Les sources littéraires sont particulièrement silencieuses
sur notre sujet3 : d’une grande aide pour reconstituer le déroulement du début de
l’occupation romaine, elles restent malgré tout lacunaires et fort imprécises pour les
années qui suivent, avant de se taire totalement pour les deux premiers siècles de notre
ère. C’est pourquoi les sources épigraphiques, archéologiques et numismatiques sont si
1
ANRW II 7.2, p. 1295.
2
« Proconsuls de Chypre », Chiron 16.
3
« Little can be gleaned from the historians of the period, and references to the island owe much to
chance and accident ; nor are the geographers and scientific writers informative outside the limits of their
trade. » (Mitford, ANRW II 7-2, p. 1297).
2
Les gouverneurs de Chypre
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importantes pour notre étude. Par exemple, nous connaissons deux proconsuls grâce à
des monnaies frappées à Chypre1.
L’un des problèmes que l’on rencontre dans l’épigraphie chypriote est qu’un
nombre important de fouilles ont été menées de manière plus ou moins anarchiques,
sans méthode scientifique : de nombreuses pierres sont ainsi perdues depuis le 18ème ou
le 19ème siècle, et bien souvent, l’on ignore le lieu précis de la découverte de
l’inscription ou encore les caractéristiques de la pierre (taille, parties manquantes…). De
plus, les Chypriotes eux-mêmes ont beaucoup pillé les tombes et les autres antiquités.
Ces fouilles furent surtout menées par les consuls français, britanniques et américains,
notamment à partir de 1878 lorsque le sultan céda l’île au Royaume-Uni. Dès lors, les
fouilles privées furent interdites.
Luigi Palma di Cesnola2, consul américain de 1865 à 1876, fut particulièrement
actif dans toute l’île, mais quasiment toutes ses trouvailles sont à prendre avec
précaution : si, en onze ans, il a amassé la plus grande collection d’antiquités chypriotes
au monde (conservée au Metropolitan Museum of Art de New York), il n’avait
auparavant aucune expérience archéologique ; il ne lui semblait donc pas très important
de noter précisément les détails de ses découvertes. Sa collection est par ailleurs
fortement critiquée pour ses restaurations abusives et erronées3.
1
2
A. Plautius et T. Cominius Proculus.
Myres ( Handbook of the Cesnola Collection of Antiquities from Cyprus, p. XIII sq.) développe sa
biographie : né en 1832, il part en 1860 aux Etats-Unis où il fonde une école militaire pour officiers et
participe à la guerre civile. De 1865 à 1876, il est consul à Chypre. Son frère continua par la suite
(Alessandro P. di Cesnola) mais sans faire de grandes découvertes ; toutefois, c’est lui qui publia en 1882
une bonne partie des découvertes dans Salaminia.
3
Voir la critique de Hogarth (JHS 9, p. 150) : “it is much to be regretted that his want of all
archaeological qualifications, coupled with his desire that that want should not be apparent to the world,
has introduced such confusion into his results. Had he not been so shy of confessing that he had little or
no hand in the actual discovery of the treasure, that the majority of the work was done by Beshbesh not
by himself, that many objects were purchased from villagers and not unearthed, that he hardly knew
where his foreman worked, what he spent, or what he found, and finally that he himself neither kept
accurate notes of the provenance of his treasures nor of the incidents of his journeys, he might have
written a plain narrative of inestimable value in place of the ambitious and turgid volume which has
worse confounded Cypriote archaeology.”
3
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Les fouilles menées par Tubbs et Munro en 1890 à Salamine1, dont les résultats
sont conservés pour la plupart au British Museum de Londres, furent conduites là
encore avec un certain amateurisme ; or, aucun carnet original ni archive qui aurait pu
nous aider ne nous est parvenu. Comme toutes les autres fouilles, elles ont avant tout
donné des résultats concernant les périodes archaïque et hellénistiques. Les recherches
menées par Hogarth en 1887/82 dans la zone de Paphos et financées par l’Université de
Cambridge furent les premières à suivre une véritable méthode archéologique3. L’année
1883 vit l’ouverture d’un « musée de Chypre » à Nicosie, sous l’impulsion de
Démétrios Piéridès, un amateur chypriote cultivé qui avait une importante collection ; il
reste aujourd’hui encore le plus important musée archéologique de Chypre.
Le début du 20ème siècle connaît fort peu de fouilles à Chypre, même si Mitford
commence à étudier les inscriptions sur place à partir de 1936. Le renouveau débute en
1959 avec la nomination de Vassos Karageorghis comme Directeur des Antiquités, une
fois les indépendantistes réprimés4. En revanche, depuis 1974 et l’invasion turque, qui
fut suivie de la partition de l’île, la situation pour les chercheurs est nettement plus
compliquée5, même si elle s’est incontestablement améliorée ces dernières années. Ceci
est à prendre en compte pour expliquer le retard des recherches concernant Chypre pris
ces trente dernières années.
A Salamine6 les fouilles furent menées entre 1963 et 1974 par Jean Pouilloux,
bien que le théâtre et les bains furent fouillés auparavant, entre 1952 et 1959, par
Dikigoropoulos et Karageorghis, sous la direction du Département des Antiquités de
Megaw. Elles révèlent un renouveau du site sous Auguste, comme quasiment partout
1
Cf. l’article à ce propos de V. Wilson, Colloque Salamine, p. 59-70. Fouilles publiées dans “Excavations
in Cyprus, 1890. Third Season's Work. Salamis”, JHS 12 (1891), pp. 59-198.
2
“Excavations in Cyprus, 1887-88. Paphos, Leontari, Amargetti”, JHS 9 (1888), pp. 147-271
3
Je renvoie à l’introduction de cet article pour la description des inconvénients des fouilles précédentes,
et celle des fouilles qu’ils menèrent près de Nicosie et à Paphos.
4
Cf. Avant-propos de Colloque Salamine par M. Yon.
5
Cf. le commentaire acerbe de Karageorghis sur l’abandon des fouilles de Salamine en 1974 : « Après 22
années de travail, fouilleurs et ouvriers durent tout abandonner aux hordes d’Attila l’envahisseur »
(Colloque Salamine, p. 14).
6
Cf. l’introduction de ISalamine.
4
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dans les autres cités chypriotes. Paphos1 fut quant à elle fouillée dès la fin du 19ème
siècle par l’équipe de Hogarth, et des fouilles régulières eurent lieu depuis. Kition2 est
fouillée depuis 1976 par l’Université de Lyon, qui a repris également les fouilles du
temple de Zeus à Salamine. Le site d’Amathonte3 fut fouillé en 1862 par une mission
menée par de Vogüé ; même si elle est assez mal connu car il n’y eut pas de publication
spécifique, l’épigraphiste présent, W. Waddington, publia quelques unes des trouvailles.
La cité fut également fouillée par les britanniques en 1893/4, puis par une mission
suédoise en 1930, est à nouveau étudiée par le Département des Antiquités de Chypre et
par l’Ecole Française d’Athènes depuis 1975. Kourion4 a commencé à être fouillée en
1934 sous la direction de Hill, puis de McFadden jusqu’à sa mort en 1951 ; il n’y eut
pas de publication finale. A la fin des années 50, les fouilles reprirent peu à peu avec
Megaw. Depuis, elles sont menées par le Département des Antiquités de Chypre, tandis
qu’une mission américaine s’est occupée de la nécropole est.
L’historiographie5 suit globalement les étapes archéologiques précédemment
développées, dans la mesure où il s’agit avant tout de rapports de fouilles.
On citera en sus le Kypros de Engel, publié en 1841, qui s’intéressait surtout aux
sources littéraires et restait très général. En 1850 paraît Inschriften von Cypern par L.
Ross, puis en 1854 le compte-rendu d’un voyage de près de quatre ans de Sakellarios
sur l’île6. En 1870 est publié celui du voyage de Waddington, où la moitié des
inscriptions concernant Chypre sont inédites, l’autre moitié étant constituée de reprises
de publications de Ross et Sakellarios.
Avant l’article de Mitford sur “Roman Cyprus”, il fallait consulter un court
article de Chapot7, trop succinct, ou bien un ouvrage de Hill, quasiment introuvable8.
Comme le regrette Mitford, “this neglect - for such, indeed, it seems - is indicative not
1
Pour Paphos et les autres cités, cf. Cayla et Hermary, « Chypre à l’époque hellénistique », p. 238 sq.
2
Cf. également l’introduction de IKition.
3
Cf. L’introduction de Amathonte, I, Testimonia.
4
Cf. Bagnall/Drew-Bear, Phoenix 27, p. 99 sq., qui commentent IKourion.
5
Cf. l’introduction de M. Yon à IKition.
6
Il faut se méfier de la seconde édition qu’il publie en 1890, où il n’a revu aucun des textes par lui-même,
mais faite une sorte de compilation des publications des 30 dernières années.
7
« Les Romains et Chypre », Mélanges Cagnat, 1912, p. 59-83.
8
A History of Cyprus, 1940 (non vidi).
5
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only of the quite literal insularity of this small and in general insignificant province, but
also of a long-standing and unwarranted indifference to Cypriot epigraphy”1.
Il n’existe pas de corpus réunissant toutes les inscriptions grecques et latines de
Chypre. Si Mitford eut bien ce projet à un moment, il l’abandonna vite au profit de
publications de corpus par cité : nous en avons ainsi à notre disposition pour les cités de
Salamine, Kourion, Kition (édité par M. Yon)2, et Paphos (édité par Cayla)3. Pouilloux
également eut à cœur d’éditer un corpus des inscriptions grecques de Chypre, mais dut y
renoncer. Il faut également prendre en compte la chronique annuelle d’Ino Nikolaou
(« Inscriptiones Cypriae alphabeticae » dans RDAC) , qui permet de mettre à jour nos
connaissances de l’épigraphie chypriote.
Dans l’ensemble, nous avons utilisé pour notre étude les publications de
spécialistes de Chypre (Hogarth, Hill, Mitford, Pouilloux, Nicolaou, Yon et Cayla) ou
de l’Orient romain, comme Bagnall, Drew-Bear, Christol, ou Corbier. Sur le sujet précis
qui nous intéresse, les proconsuls de Chypre, la première liste fut établie par Hogarth4,
corrigée par Hill en 1940, puis par Mitford dans ANRW II 7.2 (p. 1292-1305), qui
soulignait lui-même la fragilité de son travail5. Marcillet-Jaubert y apporta les premières
corrections en 19806 ; Thomasson poursuivit cette révision en 19847, et M. Christol
étudia de nouveau cette liste en 19868. Haensch également eut l’occasion de se pencher
sur le sujet à l’occasion de la publication de sa somme, recherchant les indices de
présence des gouverneurs province par province9. Toutefois, l’on se rend vite compte
qu’aucun des successeurs de Mitford n’a vraiment pris le temps de revoir chaque
inscription, et de toute manière, la liste n’a pas été actualisée depuis une vingtaine
d’années.
1
BSA 42, p. 201 sq.
2
Toutefois, la partie sur les inscriptions en grec alphabétique (celle qui nous intéresse donc) a été éditée
par T. Oziol.
3
Il ne s’agit pas pour l’instant d’un véritable corpus, mais d’une thèse, soutenue le 6 décembre 2003.
4
Devia Cypria, 1889 (ouvrage quasiment introuvable).
5
“It lays no claim to finality : it represents preliminary study, and a proper discussion of the fasti of
Cyprus has yet to be made.” (ANRW p. 1299, note 46).
6
Colloque Salamine, p. 289-92.
7
Laterculi Praesidum, qui donne la liste des magistrats romains en fonction province par province, avec
les sources utilisées.
8
« Proconsuls de Chypre », Chiron 16 p.1-14.
9
Capita Provinciarum, 1997.
6
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Au niveau méthodologique, j’ai choisi d’étudier toutes les inscriptions
indiquant clairement un proconsulat de Chypre au sein d’une carrière, ainsi que toutes
celles qui furent trouvées à Chypre et qui mentionnent un proconsul. Etant donné le
mauvais état général de conservation des inscriptions1, nous avons un nombre très
important d’inscriptions qui citent un proconsul de Chypre, mais où le nom de ce
dernier n’a pas été conservé (ou conservé seulement partiellement). De même, les
inscriptions où l’on hésite à conclure à un proconsulat de Chypre sont fréquentes. On
trouvera également une série d’inscriptions et d’extraits littéraires divers concernant de
près ou de loin les proconsuls de Chypre.
J’ai essayé de dresser cette nouvelle liste avec rigueur, car c’était exactement le
principal défaut de celle établie par Mitford : en effet, ce dernier avait une fâcheuse
tendance à restituer abusivement des inscriptions ou à en tirer des conclusions hâtives.
Je renvoie notamment à l’article de Bagnall et Drew-Bear qui critique le corpus
IKourion, mais dont les griefs pourraient s’appliquer à l’ensemble de l’œuvre de
Mitford2 : : “The traits of scholarship that underlie the book’s deficiencies are clear : the
failure to understand an editor’s responsibility for accurate and unbiased presentation of
the evidence ; an unsufficient knowledge of the work of others scholars and a persistent
tendency to cite it erroneously ; frequent absence of logic in the formulation of
hypotheses without foundation. One further salient characteristic must be noted :
Mitford shows no interest and little knowledge of evidence outside Cyprus”3. Mon
travail a donc avant tout consisté à actualiser avec plus de sérieux et de précautions la
liste établie par Mitford.
Mais avant de commencer cette étude en 58 a. C., date de l’annexion romaine, il
convient de faire un petit rappel sur l’histoire de Chypre, afin de bien comprendre le
contexte à ce moment crucial4.
1
Cela a notamment pour conséquence d’importantes différences entre les publications d’une même
inscription , plusieurs lectures étant donc proposées.
2
« Documents from Kourion : A Review article », Phoenix 27 (1973), p. 99 sq.
3
P. 117.
4
Cf. Cayla et Hermary, « Chypre à l’époque hellénistique », dans Identités croisées en un milieu
méditerranéen : le cas de Chypre (Antiquité-Moyen Age), 2006.
7
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Lors du ralliement à Alexandre le Grand en 332, Chypre était composée de petits
royaumes-cités, qui disparurent vers 3101. A l’époque ptolémaïque, les cités les plus
importantes étaient Salamine, Néa-Paphos (ville nouvelle fondée en à proximité du
sanctuaire d’Aphrodite, devenu Palaipaphos), Amathonte, Kition et Kourion, et ce sont
ces cités qui gardèrent leur importance à l’époque romaine (à l’exception d’Amathonte,
qui est à peine citée dans notre corpus). En dehors de Kourion, aucune ne semble avoir
eu les institutions démocratiques des cités grecques. De même, il n’y avait
probablement pas de koinon2 (ligue provinciale). Si la vie politique n’était pas très
développée, en revanche la vie sociale se manifestait avant tout dans les gymnases et les
théâtres. Avec la conquête lagide, on assiste à une importante acculturation (Chypre
avait conservé des traits phéniciens) : la koinè s’impose ; l’alphabet syllabaire est
abandonné. Au 2ème siècle avant notre ère, Chypre est une vraie forteresse et une base
arrière des Ptolémées, dont Paphos est le centre politique et administratif (elle le restera
sous les Romains) ; elle est dirigée par un stratège. Il existe une cour, avec une
hiérarchie des fonctions. Après les disputes entre les deux frères rivaux Ptolémée IX
Sôter et Ptolémée X, dans lesquelles Chypre joua un rôle d’importance, on sait que l’île
constitua un royaume autonome dans la première moitié du 1er siècle, mais cette période
reste très mal connue. Très peu de contacts furent noués avec Rome : Chypre fut admise
au sein des « amis et alliés de Rome » par un sénatus-consulte daté d’environ 100 a.C.
ou de peu après. Le but était d’éviter que les pirates n’y obtienne refuge3. A l’arrivée
des Romains, l’île était fertile, et son roi (Ptolémée Sôter II « Lathyrus », frère de
Ptolémée Aulète, roi d’Egypte) avait de grandes richesses. « Cyprus, in short, was selfsufficient ; lay on no important sea-routes – and accordingly, was without military
significance ; while Romans as individuals appear to have had little stake in the
island”4.
1
En voici la liste : Salamine, Kition, Amathonte, Kourion, Paphos, Marion (la future Arsinoé),
Lapéthonte, Soli, et Tamathonte (achetée par Kition entre 355 et 341) plus probablement que Kérynéia.
2
Note 4 p. 241 : « certains textes mentionnant le koinon des Chypriotes traditionnellement datés de la fin
de la période hellénistique [notamment par Mitford], doivent probablement être datés du début de la
période romaine. »
3
Cf. Mitford, ANRW II 7-2, p. 1289.
4
Cf. Mitford, ANRW II 7-2, p. 1297.
8
Les gouverneurs de Chypre
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Pour une question de cohérence, nous commencerons donc notre étude en 58 a.
C., date de l’annexion de l’île par Rome, et finirons à la fin du 3ème siècle de notre ère,
lorsque les réformes de Dioclétien bouleversèrent le système d’administration qui avait
eu cours jusque là à Chypre, à savoir une gestion confiée pour un an à un gouverneur de
rang prétorien tiré au sort. Nous chercherons donc à appréhender sur cette longue durée
(trois siècles et demi) les réalités du gouvernement de la province de Chypre : à quels
évènements durent-ils faire face ? Quels furent les statuts des gouverneurs de Chypre ?
Quels moyens étaient à leur disposition pour mener à bien cette administration ? Quels
rapports avaient-ils durant le gouvernement avec le pouvoir impérial, mais aussi avec
les Chypriotes ? Enfin, concrètement, en quoi consistait leur rôle de gouverneur ?
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I- CHYPRE (1er s. a C.-3ème s. p. C.), UNE PROVINCE
NOUVELLE, TRANQUILLE ET ISOLÉE
I-1 La constitution en province
Le premier siècle avant notre ère est une période très mal connue de l’histoire de
Chypre, et notamment la phase entre l’annexion de l’île par Rome et le retour au statut
de province publique en 22 a. C.
I-1-A Annexion en 58 a. C.1
•
Le rôle de Caton
Pour bien comprendre l’annexion de l’île par Rome, il faut éclaircir le contexte
politique.
Les guerres civiles déchirent alors la première moitié du premier siècle avant
notre ère, une opposition, politique (optimates/populares) mais aussi personnelle, entre
Cicéron et P. Clodius Pulcher fait rage. En mars 58 a. C., Clodius, alors tribun de la
plèbe et véritable maître de Rome, réussit à faire passer une loi contraignant Cicéron à
l’exil et lui confisquant ses biens, au motif de procédures illégales contre les partisans
de Catilina lors de la conjuration de 63 (conjuration qui avait échoué grâce à
l’intervention de Cicéron) . Un des problèmes pour étudier le sujet est que la principale
source en est Cicéron, et l’on aura compris que malgré ses qualités, il pouvait
difficilement être objectif sur son ennemi juré et ses motivations.
C’est à cette période que Clodius imposa la loi confisquant Chypre aux
Ptolémées, et notamment le trésor du roi de Chypre Ptolémée Sôter II « Lathyrus », le
frère de Ptolémée Aulète, alors sur le trône d’Egypte. Il s’agissait avant tout d’une
opération financière, d’une importance capitale pour Clodius, mais aussi pour César
dont il était l’allié : les richesses minières de Chypre et les biens du dernier roi étaient
un appât important. On ignore combien de temps après M. Porcius Cato (autrement
connu comme Caton d’Utique) fut envoyé pour mettre à exécution l’annexion ; Clodius
1
Cf. A. J. Marshall, “Cicero's Letter to Cyprus”, Phoenix 18, No. 3 (1964), p. 206-215 et E. Badian, “M.
Porcius Cato and the Annexation and Early Administration of Cyprus”, JRS 1 (1965), p. 110 sqq. Sur les
premières années de la Chypre romaine, cf. Mitford ANRW II 7-2, p. 1289-1291.
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le choisit probablement assez tardivement, pour sa probité, car comme le souligne
Marshall, vu le contexte de l’époque, tout autre se serait largement servi au passage. Il
était alors ancien tribun, et l’on connaît mal son statut à Chypre, mais Badian, à la suite
de Balsdon, a éclairci la question et pense qu’il fut un questeur, envoyé avec un
imperium prétorien, donc avec des pouvoirs supérieurs à son rang1. Il semble également
qu’il fut épaulé d’un questeur dans sa mission ; dans ce cas, seul l’imperium prétorien
lui aurait permis d’affirmer sa supériorité sur son assistant.
En 58 également, Clodius fit passer une loi permettant aux anciens consuls de
choisir leur province, dans l’objectif bien évidemment de les laisser prendre les plus
riches donc les plus rentables en matière de taxes plus ou moins officielles. C’est ainsi
que son allié dans l’exil de Cicéron, le consul Aulus Gabinius, put choisir la CilicieChypre en 58. On peut penser que la réunion de Chypre à la Cilicie était prévue dès le
départ, bien qu’une fois de plus les sources soient rares et peu claires2. Or, la Cilicie
n’était pas jusque là réputée comme une province intéressante ; c’est donc bien Chypre,
et ses mines, qui constitue l’argument déterminant. Cependant, lorsque c’est Caton qui
est envoyé finalement à Chypre (et que par conséquent l’île est temporairement retirée
de l’autorité du gouverneur de Cilicie), Gabinius se ravise et opte pour la province de
Syrie, tandis que la Cilicie est confiée à un ancien préteur.
On peut supposer que la décision de ce changement ne vint pas de Clodius
mais du premier triumvirat (César, Pompée et Crassus), qui était derrière lui : la raison
était d’éloigner Caton de Rome pour éviter qu’il ne dénonce les commissions
1
Sur le statut de Caton, Badian (p. 119 sq.) a étudié un précédent : l’envoi en 70 de P. Lentulus
Marcellinus en Cyrénaïque. Celui-ci avait la fonction de questeur mais détenait un imperium prétorien ; il
semble avoir seulement remis en ordre la province, alors dévastée par les luttes incessantes, avec un soin
particulier pour les anciennes possessions royales, dans un contexte là encore d’épuisement économique
de Rome. Inutile de souligner les ressemblances avec le cas de Chypre. On pourra remarquer que ce
Lentulus devait avoir un lien de parenté important avec le Lentulus Spinther qui dota probablement
Chypre de sa lex provinciae. Quant au statut de questorien envoyé par le peuple, il s’agirait d’une
nouveauté, bien que des questoriens eussent pû être nommés par des magistrats à imperium lorsqu’il n’y
avait plus de questeurs disponibles.
2
Cf. Marshall p. 117 : “ In and after 56 B.c.-i.e. as soon as Cato's mission was over-we find Cilicia and
Cyprus under a single governor. There is no reason to doubt that this arrangement was foreseen when
annexation was planned, and was not just an afterthought. We know that-despite Cicero's charges and
rhetoric, the annexation of Cyprus turned out to be a very orderly affair.”
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Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
extraordinaires et les lois de Clodius. De plus, de solides raisons économiques venaient
encore renforcer l’envoi de Caton à Chypre : si Gabinius y avait été envoyé, le Trésor
n’aurait probablement pas été très renfloué, alors que les besoins étaient criants, avec le
consulat de César et la loi frumentaire de Clodius (distributions gratuites de blé au
peuple). Et ce ne sont pas les 7000 talents rapportés par Caton (cf. Cicéron, dom. 25) qui
démontreront l’inverse.
Quant à la mission précise de Caton, on sait qu’elle était avant tout financière
et devait consister surtout à gérer la confiscation des biens des Ptolémées1 ; d’ailleurs le
roi de Chypre préféra se suicider plutôt que d’assister à ce pillage. Quoi qu’il en soit,
avant d’accomplir sa mission, Caton dût forcément s’occuper de l’annexion officielle.
On notera cependant que pour certains, et notamment pour Marshall, Caton eut
également à gérer l’organisation de la nouvelle province, et à créer la lex provinciae2. Il
semble en tout cas que sa mission se déroula sans heurt3.
Enfin, on a retrouvé à Palaipaphos une inscription honorant Marcia, cousine
d’Octave-Auguste et nièce de Marcia, l’épouse de Caton pendant sa mission à Chypre4 :
Szramkiewicz5 a ainsi supposé qu’il s’agissait pour les Chypriotes d’honorer la famille
de Caton (qui n’eut pas de descendance directe). Comme son mari, P. Fabius Maximus,
est mentionné à ses côtés, on a longtemps pensé qu’il fût gouverneur de Chypre6, mais
aucun indice ne vient conforter cette supposition7. Il doit s’agir d’une visite personnelle
au sanctuaire, alors à son apogée, comme le suppose Mitford8, ou bien, d’après M.
Corbier, d’un hommage rendu à l’initiative du proconsul Q. Marcius Hortensius, qui
serait son petit-fils ou arrière petit-fils.
1
Strabon, Géographie, XIV, 6 (corpus n° 83).
2
Cf. aussi dans ce sens Jones, the Cities, p. 373 sq.
3
Dion Cassius, Histoire Romaine 39, 22-23 sur le bilan positif de la mission de Caton (corpus n° 82).
4
IGR III 939 = ILS 8811 : Marki&a? Fili&ppou qugatri_, a)neyia=?
/ Kai&saroj qeou= Sebastou=,
gunaiki_/ Pau&lou Fabi&ou Maci&mou, Sebasth=j / Pa&fou h( boulh_ kai_ o( dh=moj.
5
Les gouverneurs des provinces à l’époque augustéenne, p. 185-186.
6
Ainsi Boeck, Dessau, Syme, Cagnat, Szramkiewicz, ou encore Thomasson (Laterculi 295 n°1).
7
Cf. Haensch, capita provinciarum, note 13 p. 579.
8
ANRW II 7-2 note 285 p. 1346.
12
Les gouverneurs de Chypre
•
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Le mystère du questeur C. Sextilius Rufus1
Il est connu par une lettre de Cicéron (Ad Fam. 13.48)2, dans laquelle l’ancien
gouverneur de Cilicie-Chypre lui recommande les Chypriotes et lui conseille de suivre
le règlement que lui-même a établi, ainsi que celui de P. Lentulus (probablement la lex
provinciae). Sextilius Rufus est donc envoyé en mission à Chypre peu après 50 a. C.3
(date de fin du gouvernement de Cicéron), et est qualifié par Cicéron de primus in eam
insulam quaestor. De lui, rien n’est connu en dehors de ce texte, si ce n’est qu’il faut
peut-être l’identifier avec le Sextilius Rufus qui a commandé une partie de la flotte
républicaine le long des côtes de Cilicie en 43 a. C.
C’est son statut qui pose problème, et qui a pu faire penser à certains qu’il joua
le rôle de gouverneur de l’île. En effet, il devait être suffisamment puissant pour
instaurer des règles à suivre par ses successeurs (ea te instituere quae sequantur alii), et
l’on ne peut pas, de toute façon, imaginer qu’il fût un simple questeur, le premier à se
rendre sur l’île4. Pour Marshall, il fut questeur de la province de Cilicie-Chypre, envoyé
pour une mission spéciale sur l’île. L’historien propose de rapprocher cette mission des
réformes de César concernant le système de taxation des provinces orientales. Datée de
48 ou 47 a. C., elle donne la charge de collecter le tribut non plus à l’administration
romaine mais aux publicains, le responsable romain au niveau provincial devant être le
questeur. Sextilius Rufus aurait donc été le premier questeur à mettre en place cette
réforme à Chypre. Le problème est que l’on date généralement de 48/47 le retour de
Chypre aux Ptolémées, et de toute façon on ignore si, outre l’Asie, cette réforme
concernait la Cilicie-Chypre.
Une autre solution proposée par Badian ferait de Sextilius Rufus un deuxième
questeur envoyé par le sénat pour régler les problèmes d’administration dus à
l’insularité ; ce serait étrange mais pas sans précédent. Il peut aussi s’agir d’un décret du
1
Notamment étudié par Marshall, dans “Cicero's Letter to Cyprus”, Phoenix 18, No. 3 (1964), p. 206-
215.
2
Cf.proconsul n°3.
3
Sur la date de sa mission à Chypre, Badian (p. 113 sq) propose l’année 49 : l’année 48 est peu probable
car Cicéron aurait forcément fait référence à l’actualité agitée de ce début d’année ; reste donc le début de
49 si l’on accepte 47 comme date du passage aux Ptolémées. Sextilius est donc l’un des derniers
questeurs élus avant la guerre civile.
4
Cf. l’argumentation de Marshall à ce sujet : “It harboured the usual contingent of Roman negotiatores,
contained valuable copper-mines owned by the Roman state, was liable to the tribute, and had at times
been subjected to the vectigal praetorium or payment against billeting”.
13
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
sénat demandant au gouverneur de Cilicie d’envoyer son questeur à Chypre pour une
période limitée afin d’y régler des questions judiciaires et administratives. En définitive,
on peut seulement dire que Sextilius Rufus a dû être envoyé à Chypre peu après 50 a. C.
pour y accomplir une mission particulière, probablement afin de parfaire l’organisation
de la province.
•
L’administration romaine des premières années
Le premier gouverneur connu est P. Cornelius Lentulus Spinther, proconsul de
Cilicie et de Chypre de 56 à 53 a. C. Or, l’on sait que la mission d’annexion de Caton
date de 58 : il y a donc un intervalle de deux ans sur lequel on ignore tout de
l’administration de l’île. Mitford avait ainsi imaginé un proconsul inconnu, en poste
pour deux ans1. Badian quant à lui a étudié un passage de Cicéron (Cicéron, Ad Fam. III
7.5 ) mentionnant le prédécesseur de Lentulus, mais sans parvenir à éclaircir le sujet2.
Comme successeur de Lentulus, on trouve Appius Claudius Pulcher,
gouverneur de la Cilicie-Chypre de 53 à 51 a. C.. C’est le frère du Clodius ennemi de
Cicéron ; il fit chanter la cité de Salamine. Puis Cicéron, de retour d’exil, assuma la
charge en 51/50 a. C. On ignore la suite, que ce soit le nom des gouverneurs ou même la
date exacte du retour de Chypre à la gestion ptolémaïque.
C’est ce qui a pu conduire Cayla à proposer qu’après la mission de Sextilius
Rufus, « les affaires insulaires [aient pu être] confiées à un vice-gouverneur chypriote
résidant à Paphos »3. Il se base sur la réinterprétation d’une base de statue4 où le koinon
des Chypriotes honore Potamôn, vice-stratège de l’île et surintendant des mines
(antistratègos tès nèsou kai épi tôn metallôn). Mitford la datait d’avant 105 a. C., en
fonction de sa théorie erronée sur les titres des technites chypriotes5 ; pour lui,
1
Le n°1 de sa liste dans ANRW, p. 1292.
2
Badian, JRS 1965 p. 118 : le nom de ce prédécesseur, un certain Appius, fut corrigé par Klebs en
Ampius, ce qui ferait référence à T. Ampius Balbus, proconsul d’Asie en 57/6, donc en charge des
diocèses phrygiens (qui devaient être transférées de la province de Cilicie à l’Asie), d’où le terme de
successeur. Mais l’explication est peu convaincante, d’autant plus que l’on connaît le successeur de
Balbius en Asie. Une autre explication serait qu’il fût le préteur ayant reçu la Cilicie après le changement
de province de Gabinius ; le problème est que ce gouverneur prétorien fut forcément extra ordinem, donc
sans « succession » possible. On doit donc renoncer à toute correction.
3
Cayla, IPaphos, p. 47 et p. 231-235.
4
JHS 9 n°102 (= OGIS 165) ; Mitford, BSA 56 n°107.
5
Acteurs engagés pour les fêtes en l’honneur de Dionysos notamment.
14
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
l’antistratègos remplaçait le roi Ptolémée IX lors de ses absences. Cayla reprend dans
sa thèse l’examen très complexe de ces titres, et en conclut, appuyé par la paléographie
et le vocabulaire de l’inscription qu’elle date de la première moitié du 1er siècle a. C., et
propose même la date précise de 49/48 a. C. Ce Potamôn est originaire de Paphos et est
honoré dans une autre inscription comme prêtre du culte dynastique des Ptolémées.
Cayla suppose qu’il s’agirait d’un délégué du gouverneur de Cilicie, choisi parmi les
locaux pour administrer l’île. Le problème est qu’il se base sur une inscription honorant
L. Coelius Pamphilus, a)nqu&patoj kai_ strathgo&j (c’est-à-dire « proconsul et
préteur ») de Chypre pour affirmer qu’après l’annexion par Rome Chypre fut gouvernée
par des « stratèges ». Cependant, on ignore la date exacte du gouvernement de Coelius
Pamphilius (même si l’on est sûr qu’il date de la République) ; de plus, nous n’avons
aucune autre attestation d’une gestion confiée à des provinciaux si tôt après l’annexion.
Pour ma part, et comme Cayla le souligne lui-même, je pense qu’il s’agit d’une erreur
du lapicide1 : il a probablement voulu inscrire anthupatos pour le titre de proconsul, et
antistratègos pour l’imperium prétorien (puisque stratègos signifie aussi préteur). Il ne
faut pas non plus oublier que les Chypriotes, isolés à cause de leur situation
d’insularité2, ne devaient pas être habitués aux titres officiels romains, et rencontraient
en sus la difficulté de la traduction vers le grec3. Pour revenir au statut de Potamôn, il
me semble plus simple et plus cohérent de penser qu’il occupait le poste de délégué des
Ptolémées sur l’île pendant la période où elle retourna à l’autorité égyptienne, d’autant
plus que stratègos était le titre officiel du gouverneur de l’île avant l’annexion romaine.
Une des conclusions qu’en tire Cayla est que Chypre dut d’abord être
administrée séparément de la Cilicie4 avant d’être gérée depuis le continent, et ce au
1
Cayla a étudié cette expression (IPaphos, p. 317-320, n° 160) et en conclut qu’elle reprend l’appellation
officielle des consuls au 2ème s. a. C. (stratègos anthupatos), jamais attestée après 80 a. C. Il s’agirait
donc d’une formule employée avec une connotation ancienne « dans un but de flatterie » ; comme c’est
un titre dont on avait perdu l’habitude, le dédicant a pensé qu’il s’agissait de deux titres distincts et les a
donc séparés et intervertis.
2
Voir par exemple infra pour leur mauvais usage du latin. On soulignera aussi la mauvaise qualité
générale des inscriptions de Chypre, tant au niveau de la gravure que de la langue employée.
3
On soulignera par exemple que la traduction grecque de legatus pro praetore est presbeuth_j kai_
a)ntistra&thgoj : le kai n’induit pas forcément un cumul de fonctions.
4
Cela paraît éventuellement plausible pour la période inconnue couvrant 58 à 56 a.C. Mais l’on a déjà vu
que la principale raison du choix de Gabinius pour la province de Cilicie devait être qu’elle contenait
également Chypre ; par ailleurs, si Cicéron était le premier gouverneur à gérer Chypre avec la Cilicie, il y
15
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
moins à partir de Cicéron. Ce système administratif aurait été amélioré par les réformes
de Sextilius, avec la nomination d’un vice stratège chypriote. Même si cela reste très
mal connu, il me semble plus simple de voir ainsi les premières années de
l’administration de Chypre : l’annexion et la confiscation des biens royaux menées par
Caton en 58 a. C. ; deux années probablement sous la gestion de Caton (58-56 a. C.) ; le
gouverneur Lentulus qui donne également la lex provinciae (56-53 a. C.)1 ; le
gouverneur A. Claudius Pulcher (53-51 a. C.) ; Cicéron (51/50 a. C.) ; le questeur
Sextilius Rufus (49 a. C.). J’ignore pourquoi tous les historiens qui ont étudié la
question des proconsuls de Chypre s’arrêtent à Cicéron et ne prennent pas en compte
ses successeurs au proconsulat de Cilicie2 : de fait, Chypre ne fut pas séparée de la
Cilicie avant 47 (au plus tôt, lorsqu’elle est donnée aux Ptolémées).
I-1-B La restauration ptolémaïque et le retour à Rome3
Si l’on connaît mal l’histoire des premières années de Chypre sous la domination
romaine, c’est encore pire pour la période qui suit, et qui voit l’île retourner dans le
giron ptolémaïque.
•
Le retour de Chypre aux Ptolémées
P. Cornelius Lentulus Spinther fut chargé de régler l’affaire de Ptolémée
Aulète, qui s’était fait reconnaître roi d’Egypte par Rome en payant à César (pendant
son consulat) 6000 talents, qu’il avait obtenus en pressurant ses sujets, qui le chassèrent
d’Alexandrie en 584. Tandis que les Alexandrins envoyaient à Rome une ambassade
pour se justifier (elle fut en partie massacrée et en partie corrompue), Ptolémée achetait
aurait probablement fait référence. En définitive, il paraît plus probable de penser que dès le début Chypre
fut gouvernée avec la Cilicie.
1
Pour Sartre également (L’Orient romain, p. 22) la constitution de Chypre en province doit être datée de
56 ; il parle auparavant d’une « occupation » par Caton.
2
Comme P. Sestius, proconsul ( ?) en 49/8, ou encore Q. Marcius Philippus en 47 a.C., qui fut par
ailleurs l’oncle de Marcia, cousine d’Auguste, qui est honorée sous Tibère par la cité de Paphos, sur
initiative probable de son petit-fils ( ?) le proconsul de Chypre Q. Marcius Hortensinus (cf. proconsul 16).
3
Pour cette partie, je renvoie notamment à Bicknell, « Caesar, Antony, Cleopatra and Cyprus”, Latomus
36 (1977), p. 325 – 342, qui est le seul article sur le sujet que j’ai pu trouver.
4
Sur le contexte, je renvoie la note très bien faite de L. A. Constans dans l’édition du tome II de la
correspondance de Cicéron (p. 109-125).
16
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
des sénateurs grâce à des emprunts auprès de riches romains, qui soutenaient son
entreprise en espérant de grosses retombées. Or, Lentulus, lors de son consulat l’année
précédente (57/6), avait obtenu un sénatus-consulte confiant la restauration du roi
d’Egypte au proconsul de Cilicie. Après avoir lutté contre Pompée, qui convoyait aussi
ce poste, ce fut bien Lentulus qui l’obtint, mais le Sénat, sous la pression de Pompée et
ses alliés, lui interdit de procéder à la restauration de Ptolémée sur le trône. L’île resta
donc associée à la Cilicie lors des premières années.
Traditionnellement, on date de 47 la restitution de l’île par César aux enfants
de Ptolémée XII Aulète. Cependant, on peut douter de cette date, d’autant plus que les
sources sont lointaines, et que les plus proches parlent bien d’un retour aux Ptolémées
en 47, mais seulement pour l’Egypte, pas pour Chypre. Strabon affirme même que l’île
reste territoire romain jusqu’au don de l’île à Cléopâtre par Marc-Antoine1. Marshall2
quant à lui met en avant le manque de preuve de cette cession de l’île, en insistant
particulièrement sur le fait que Dion Cassius3 parle d’intention mais pas d’acte, ce qui a
pu faire dire à certains qu’il s’agissait surtout d’un effet d’annonce de la part de César
pour calmer les Alexandrins. Marshall reprend également l’argument des monnaies
émises à Chypre par Cléopâtre : l’une d’entre elles la montre en effet avec Césarion, le
fils qu’elle eut avec Jules César, mais comme l’on hésite entre 47 et 44 pour dater sa
naissance, cela ne nous avance guère. Sans aller jusqu’à remettre en doute le retour de
Chypre aux Ptolémées, il nous faut tout de même admettre que la date traditionnelle de
47 a. C. n’est absolument pas certaine ; il vaut mieux compter sur une fourchette allant
de 47 à 44 a. C.
Ce qui est sûr, c’est qu’en 43 l’île est sous la domination de Cléopâtre : il
semble que, peu après l’assassinat de César (15 mars 44), Marc-Antoine, puissant en
1
Strabon, XIV, 6 : « A partir de ce moment [annexion par Caton], Chypre devint ce qu'elle est encore
aujourd'hui, une province romaine administrée par un préteur. Il y eut seulement une courte période
pendant laquelle Antoine livra Chypre à Cléopâtre et à sa soeur Arsinoé ; mais il fut renversé et toutes les
dispositions qu'il avait prises se trouvèrent renversées du même coup. » (traduction Amédée Tardieu, cf.
corpus n°83). La date de ce don par Marc-Antoine est elle-même débattue (cf. infra).
2
Phoenix 18, p. 207.
3
Dion Cassius, Histoire Romaine 42, 35 : le verbe est xari&zomai.
17
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
tant que consul, ait donné à Chypre le statut de royaume subordonné à l’Egypte, et pour
reine Arsinoé IV, la sœur de Cléopâtre VII. Mais cette dernière, non contente de
posséder l’Egypte, envoya son lieutenant Sérapion prendre possession de l’île,
contraignant ainsi Arsinoé à se réfugier en Asie Mineure. L’on sait donc que de 43 à 41
a. C. c’est Sérapion, général de Cléopâtre, qui géra Chypre1. Puis, sous le règne de
Cléopâtre et d’Antoine, l’épigraphie nous apprend que l’île fut gouvernée par le stratège
Démétrios, affranchi de Jules César, probablement de 41 à 39, et en 38 par le stratège
Diogène, qui s’occupa également de la Cilicie2.
Une autre question reste en suspens : quelques années après ce premier don à
Arsinoé, probablement en 363, Marc-Antoine donna officiellement Chypre (ainsi que le
peu qui restait de la Cilicie) à Cléopâtre et ordonna l’assassinat d’Arsinoé4 : Bicknell en
déduit que la possession de Chypre a donc forcément dû être interrompue entre 43 et ce
don, sinon ce serait illogique. Une hypothèse, qui n’a pas été formulée (du moins à ma
connaissance), serait d’y voir tout simplement une confirmation de possession plutôt
qu’un véritable don, étant donné qu’en 43 Cléopâtre s’était emparée de l’île par la force.
De 36 (?) à 30, Cléopâtre seule règne sur Chypre ; l’on ignore si l’île est alors
indépendante de la Cilicie administrativement. Dans l’ensemble, on connaît très mal
cette période pendant laquelle il semble que Paphos garde un rôle prépondérant5. Cayla
suppose qu’à partir du moment où Antoine se joint à Cléopâtre (41/40), les institutions
des cités chypriotes auraient repris le modèle hellénistique, abandonnant les réformes
romaines6.
•
1
Chypre redevient romaine
Cela dit, là encore des doutes peuvent être émis : la principale source sur Sérapion est Appien (Guerre
Civile 4.61.262 et 5.9.35) mais peut-être se trompe-t-il puisque l’on sait qu’il y avait un questeur romain à
Chypre en 43 (C. Cassius Parmensis- cf. Cicéron Ad Fam. 12.13). Il se peut que Sérapion fut le
commandant de la flotte envoyée pour aider Cassius. Pour les dates suivantes, je reprends la note de
Cayla, IPaphos, p. 214 sq
2
ISalamine p. 47 n °97.
3
J’ai trouvé plusieurs propositions (40, 37, 36, 34), aucune n’étant plus justifiée qu’une autre (Mitford
lui-même avance la date de 40 puis de 36 – ANRW p. 1292).
4
Dion Cassius, Histoire Romaine, 49, 32 (cf. corpusn° 85).
5
Cayla IPaphos, p. 48.
6
Sur la réforme romaine des institutions civiques, cf. I-2-B.
18
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
On sait que Chypre revint à Auguste après Actium et la mort de Cléopâtre et
Césarion, mais on ne connaît pas la date exacte. On ignore si Chypre constitua dès 30
une province à part entière ou si, comme l’écrit Szramkiewicz, elle fut « réunie, comme
avant la seconde guerre civile, à la Cilicie, ou du moins à ce qui en restait, après
l’attribution de l’essentiel de cette dernière province à Amyntas, le nouveau roi de
Galatie »1. Tout d’abord rangée parmi les provinces impériales lors du partage de 27 a.
C.2, et donc gouvernée pendant un temps par des légats impériaux propréteurs, l’île
retourne à la gestion publique en 22, probablement parce qu’Auguste se rend alors
compte que la province n’est plus importante stratégiquement et militairement depuis
que l’Egypte est sous contrôle3. Dès lors, elle est dirigée par un proconsul à imperium
prétorien.
Il semble que cet ultime changement de statut fut célébré par une frappe de
monnaie, orchestrée par le proconsul de 21 a. C. ou peu après, A. Plautius4. On connaît
deux types de la monnaie qu’il a fait frapper : le premier, portant sur l’avers la mention
IMP. CAESAR DIVI F., et au revers celle de A. PLAUTIUS PROCOS, avec une
représentation du temple d’Aphrodite à Paphos. Le second présente les mêmes
inscriptions, mais porte l’image du Zeus de Salamine.
I-1-C Organisation de la province : lex provinciae et romanisation des
institutions civiques
•
La lex provinciae
On connaît grâce à la lettre de Cicéron à Sextilius Rufus une certaine lex
Lentulia5 ou pour reprendre les termes de Cicéron une P. Lentuli lex. Il la présente au
1
Les gouverneurs de province, II, p. 527-528.
2
Qui voit Auguste rendre au Sénat toutes les provinces, le Sénat lui confiant celles militarisées et se
gardant les autres. On connaît une émission de pièces de bronze chypriotes datée de 27 a. C. et célébrant
IM[P. CAESAR] DIVI F. AUGUSTUS / CO(n)S(ul) OCT[AV(us)] DESIGN(atus) (cf Hill, Coins, p.
CXIX-CXX).
3
Cf. Dion Cassius, Histoire romaine, 54, 4-1 (corpus n° 86).
4
M. Grant, From Imperium to Auctoritas, p. 143-5 n°5 = RPC 3906 et 3907. Cf. proconsul n° 8.
5
Ad Familiares XIII, 48 : « […] tu serviras aussi ta propre renommée, qui a ma faveur, si, après ton
arrivée dans cette île, où tu seras le premier questeur, tu institues des usages, que d’autres puissent
appliquer. Tu atteindras plus facilement ce but, je l’espère, si tu décides d’appliquer le règlement de P.
19
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
questeur comme un modèle à suivre (à côté des règlements qui lui-même a instaurés
lors de son gouvernement de Cilicie-Chypre) lors de sa mission à Chypre. Le débat
consiste à savoir s’il s’agit ou non de la lex provinciae de Chypre. Créée au moment de
la constitution en province, cette loi fixait les règlements fiscaux, les frontières et les
statuts des cités ; bref, elle constituait une véritable charte de fonctionnement.
Cependant, on ignore si toutes les provinces en avaient une, a fortiori dans le cas de
Chypre, si mal connu en général.
Ainsi, pour la majorité des historiens, la lex Lentulia constitue bien le premier
règlement de la province. Que peut-on savoir de son contenu ? Avant tout, qu’elle
n’était pas bien complète puisqu’elle fut enrichie par les règlements de Cicéron peu
après, et probablement par des réformes mises en pratique par le questeur Sextilius
Rufus. Elle devait sûrement comporter une révision des institutions des cités chypriotes
sur le modèle romain (cf. infra).
Ce manque d’information a pu conduire Marshall notamment à penser qu’elle
n’était pas la lex provinciae1. Il proposa donc pour auteur de cette mystérieuse charte
provinciale Caton lui-même, partant du fait qu’il avait l’imperium nécessaire pour le
faire. Mais Badian lui objecta que Cicéron aurait forcément cité Caton et sa loi dans sa
lettre à Sextilius si tel était le cas2.
Si la théorie de Marshall est erronée, elle a le mérite d’avoir cherché une autre
explication à la lex Lentulia : comme aucune loi qui pourrait concerner des questions
provinciales n’a été passée à notre connaissance sous le consulat de Lentulus (57/56 a.
C.), il pourrait donc s’agir d’une lex data. C’est un règlement passé pendant le
proconsulat, qui vient s’ajouter à la lex provinciae et la compléter dans un domaine
particulier. Il suggère qu’il puisse s’agir d’un ajout de type financier puisque Lentulus
est connu pour avoir été particulièrement ferme avec les publicains3.
En définitive, je serais encline à penser qu’il n’y a pas forcément eu de lex
provinciae pour Chypre, d’autant plus que l’île n’a pas eu le statut de province à part
dès le départ ; la lex Lentulia serait une sorte d’ébauche bien incomplète ; mais vu le
peu d’éléments que l’on possède sur le sujet, il faut rester très prudent.
Lentulus, à qui t’unissent des liens étroits, et les usages que j’ai établis […] ». Cf. corpus pour le texte
latin.
1
Phoenix 18, p. 211 sq.
2
JRS 1, p. 113.
3
Note 26 p. 212.
20
Les gouverneurs de Chypre
•
M2 Histoire
La réforme des institutions1
J.-B. Cayla a étudié dans sa thèse le cas de Paphos. La première mention de la
boulè kai dèmos, c’est-à-dire le sénat et le peuple, les deux institutions romaines, doit
être trouvée dans une inscription datant des années 50 avant notre ère2. Auparavant, l’on
a seulement le terme de polis : selon l’historien, cela montre donc une romanisation des
institutions, à imputer à l’annexion de l’île et aux réformes qui s’ensuivirent3.
Malheureusement pour nous, les autres cités sont loin d’être aussi bien connues, mais
l’on peut penser que, comme partout, leurs institutions devinrent moins démocratiques,
afin de mieux correspondre au modèle de Rome, qui pouvait ainsi mieux maîtriser les
nouveaux territoires en en contrôlant l’élite4.
Il faut donc concevoir à Chypre aussi une montée en puissance des conseils,
organisés hiérarchiquement en fonction des magistratures remplies, d’où l’existence de
censeurs dont le rôle était notamment de vérifier cette hiérarchie interne et ses
modifications. Une fois n’est pas coutume, Chypre est une des rares provinces de
l’Orient romain où cette magistrature civique est attestée, pour la cité de Soli : il s’agit
d’un piédestal du deuxième siècle honorant un certain Apollônios5. La fin de
l’inscription, gravée peu après la partie supérieure, le qualifie de timhteu&saj, th_n
boulh_n? [kata-]/le&caj (« ayant été censeur, il rédigea la liste du conseil »), ne laissant
aucun doute quant à l’interprétation de sa fonction. Il y a fort à parier que si la petite cité
de Soli avait son propre censeur, c’est que les autres cités avaient le leur.
Quant au koinon, ou assemblée provinciale, on débat encore de son existence dès
l’époque hellénistique, comme le soutient Mitford6, ou de sa création lors de l’annexion
romaine. Cayla7, qui défend cette dernière hypothèse, remet en cause le système de
datation de Mitford pour proposer la création du koinon comme fruit de la lex
provinciae de Lentulus ou des réformes de Sextilius Rufus. Le koinon des Chypriotes
1
Cf. aussi Mitford, ANRW II 7.2 p. 1342 sq.
2
Cayla, IPaphos n° 80 p. 238 sq (cf. BSA 56 n°98).
3
On aura désormais compris que l’on ignore qui a véritablement mené ces réformes, de Caton, Lentulus
ou Sextilius Rufus.
4
Cf. également Sartre, Le Haut-Empire, p. 129-130.
5
IGR III 930 = Mitford, BSA 42 (1947), p. 201-206, n°1. Cf proconsul n° 35.
6
Mettre les réf.
7
IPaphos, p. 231 sq
21
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
devait jouer avant tout un rôle dans l’organisation du culte impérial, et donc être en
contact régulièrement avec le proconsul.
Quoi qu’il en soit, il ne semble pas que les réformes romaines imposèrent un
changement important dans la vie quotidienne des Chypriotes : habitués à
l’omniprésence de l’administration lagide, la faible présence romaine sur l’île1 leur
accorda finalement peut-être plus de liberté dans la gestion des affaires civiques2. On
ignore si la province de Chypre reçut une charte d’organisation et, dans l’affirmative,
quand ; peut-être l’adaptation à l’administration romaine se fit-elle progressivement, y
compris au niveau des institutions civiques et provinciales, qui adoptèrent le modèle
romain (sénat puissant ; conventus ou koinon).
I-2 Réalités de la provincia de Chypre
Pour comprendre dans quelles conditions le proconsul de Chypre exerçait,
voyons de plus près les grands traits de sa province, du 1er siècle avant notre ère au 3ème
siècle.
I-2-A Situation générale
Comme l’écrit Jones, “ there is no mention of public land of the roman people in
the island”3, donc tout le territoire de l’île est divisé entre les 12 ou 13 cités, la plupart
étant situées sur la côte. Dans l’ensemble, Chypre est une île fertile, comme le note
1
Les seuls officiers romains sur l’île étaient le gouverneur et son équipe, fort réduite dans une petite
province comme Chypre.
2
Cf. Jones, the Cities, p. 373 : “ the annexation must by destroying the centralized administration of the
Ptolemies have given the cities a greater degree of autonomy”.
3
the Cities, p. 373. On notera l’hypothèse de Mitford : un procurator local honoré à Salamine pourrait
suggérer l’existence d’un ager publicus populi romani, qui serait constitué des terres de Nicocréon,
dernier roi de Salamine, confisquées par Ptolémée, et donc héritées par l’état romain. (ANRW, note 31 p.
1296). Cependant, comme le souligne Haensch, il n’est même pas sûr que ce procurateur, honoré par son
assistant, ait exercé sa fonction sur l’île.
22
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Strabon1. Les mines, gérées par les Lagides, sont reprises en main par Rome. On admet
généralement qu’elles étaient administrées par des procurateurs impériaux, bien que
cela reste incertain2. Pour avoir une liste officielle des cités, il faut attendre le règne de
Justinien au 6ème siècle, mais comme il y eut peu d’interventions de Rome auparavant,
cela constitue malgré tout une source utilisable. Les textes plus récents donnent des
noms de villes mais ne précisent pas si elles ont le statut de cité. On notera que l’on
connaît très mal les frontières de chacune des cités, même si Mitford a avancé une
première analyse du sujet3. Il n’y avait aucune colonie romaine et les cités étaient toutes
stipendiaires ; aucune d’entre elles n’avait le statut de cité libre ni même un avantage
quelconque concédé par Rome : cela s’expliquerait par une sorte de punition qui frappa
aussi les Egyptiens qui avaient soutenu Antoine contre Octave4.
Au début du 2ème siècle avant notre ère, Paphos5 remplace Salamine comme
capitale de Chypre, statut qui fut maintenu jusqu’en 346 lorsque Salamine prend le nom
de Constantia. Sous la domination romaine, Palaipaphos6 et Paphos7 ne forment qu’une
cité avec son sanctuaire. On connaît mal la chôra de la cité, mais on peut s’en faire une
idée grâce aux milliaires romains : il s’agissait d’une plaine entre Kourion et Arsinoé
(l’ancienne Marion) et de la zone montagneuse avoisinante. La cité disposait d’un port,
d’un odéon, d’un théâtre et d’un gymnase. A Palaipaphos, il y a avait deux sanctuaires :
celui au sud date de l’époque mycénienne et a été refait sous les Romains ; celui du nord
recouvre en partie le premier et a probablement été construit sous les Flaviens. En 15 a.
C., la cité reçoit d’Auguste le titre de Sébastè8. Sous les Sévères, son titre est complet et
fixe : Sébastè Claudia Flavia Paphos è hiéra mètropolis tôn kata Kypron
1
Strabon, Géographie, XIV, 6, 5 : κατ´ ἀρετὴν δ´ οὐδεμιᾶς τῶν νήσων λείπεται· καὶ γὰρ εὔοινός
ἐστι καὶ εὐέλαιος σίτῳ τε αὐτάρκει χρῆται· (« Disons maintenant que, sous le rapport de la fertilité,
Chypre n'est inférieure à aucune autre île »).
2
Cf. II-2-B sur les procurateurs.
3
A partir de l’étude du réseau routier (Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1332 sq).
4
Cf. Mitford ANRW II 7-2, p. 1296.
5
Sur cette cité, cf. Mitford ANRW p. 1309 sq. et Cayla IPaphos p. 10 sq.
6
C’est le nom de la ville qui entoure le sanctuaire d’Aphrodite. Aujourd’hui, elle s’appelle Kouklia.
7
Le nom moderne de cette ville est Kato Paphos ou Ktima ; elle est parfois désignée dans le texte sous le
terme de Néa Paphos, par opposition à Palaipaphos, puisqu’elle ne fut fondée qu’à la période
hellénistique.
8
Cf. Dion Cassius, Histoire Romaine, 54, 23, 7.
23
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
poleôn (Paphos Auguste Claudia Flavia, la métropole sacrée des cités de Chypre). Il est
étrange que l’on connaisse une inscription dans laquelle la cité de Salamine se qualifie
de Kuprou mètropolis (sous Hadrien)1 : pour Mitford, la cité se serait adjugé ce titre en
se sentant protégée par Hadrien (suite à la répression de la révolte juive), mais aurait
vite été calmée dans ses ardeurs par le pouvoir impérial.
Salamine2 est la cité chypriote la plus importante et la plus active. C’était une
cité fort peuplée et riche, à en juger par le nombre de bâtiments publics retrouvés :
bains, théâtre (15000 places), et gymnase. Un évergète de la seconde moitié du
deuxième siècle, Ser. Sulpicius Pancles Veranianus, fut particulièrement actif dans cette
cité puisqu’il finança l’agrandissement du théâtre, la construction d’un amphithéâtre et
de bains. Le temple de Zeus était particulièrement renommé
Kourion3 était une cité importante, qui possédait un stade et un théâtre d’une
capacité de 7000 spectateurs. Le sanctuaire d’Apollon Hylates était un des plus
importants de l’île ; on y associa le culte de Trajan (ou du moins d’Apollon César)
pendant le règne de ce dernier. Il était composé d’une porte magistrale ouvrant la voie
sacrée, menant à des bâtiments et à des bains. Il semble que la cité ait vécu un
renouveau sous les Sévères (multiplication des inscriptions, restaurations de
monuments...).
Amathonte4 est restée non fouillée jusqu’en 1975. La cité devait avoir son
propre port, et était entourée de murailles. Le culte de l’Aphrodite locale persista sous
les Romains, ainsi que celui d’Héra. On y connaît également un temple à colonnade
extérieure érigé en l’honneur de Titus par un proconsul5.
A Kition6, la culture sémitique devait encore être présente, du moins au niveau
local. Il devait exister un théâtre (au moins sous les Flaviens), mais on n’a pas encore
trouvé son emplacement. On notera que les seuls honneurs attribués à un empereur par
1
ISalamis p. 119-121, n° 92 = ISalamine n° 140 : cf proconsul n° 31.
2
Cf. l’introduction de Mitford et Nicolaou pour ISalamis et Mitford, ANRW II 7.2 p. 1321 sq.
3
Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1315 sq.
4
Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1317 sq.
5
Mitford, JHS 66 (1946), p. 40-42, n°16 = AE 1950 n°122 (cf. proconsul n° 26).
6
Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1318 sq.
24
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
cette cité furent pour Nerva, alors que l’on ne connaît aucune autre dédicace pour lui à
Chypre1.
Karpasia2 était une petite cité, jouissant d’un port naturel. Malheureusement, le
site n’a pas été fouillé, et reste donc encore mal connu. On sait toutefois qu’elle
conserva le statut de cité sous les Romains et un grand-prêtre du culte impérial y est
attesté. Le principal culte y était celui d’Aphrodite Akraia.
Le site de Kérynéia3 est recouvert par la ville moderne de Kyrénia, même si
l’ancien port est toujours utilisé ; il n’a pas encore été fouillé. On ignore si elle conserve
le statut de cité à la période qui nous intéresse.
Lapéthonte4, aujourd’hui Karavas, a conservé les vestiges du port et des
murailles ; la cité était célèbre pour ses sources. Le site a été très peu fouillé ; on a pas
trouvé de théâtre mais le gymnase était très important dans la vie de la cité : des Jeux y
furent organisés pour célébrer la victoire d’Auguste. Au milieu du 3ème siècle, les murs
de la cité furent restaurés (probablement en prévision d’éventuelles invasions goths) par
Cl. Leontichus Illyrius, qui, d’après Mitford, pourrait être originaire de la cité5.
Soli6 était constituée d’une acropole et d’une zone d’habitation en contrebas.
Elle était la cité la plus importante du nord-ouest de l’île, et sa prospérité était
notamment due aux mine de cuivre. Elle avait un théâtre d’une capacité de 3500
spectateurs et était traversée d’une grande rue pavée et entourée de colonnes. Elle
semble avoir connu son apogée sous les Antonins, mais est la seule cité dans ce cas.
Arsinoé7, fondée en 270 a. C. sur les ruines de Marion, n’a pas connu de fouilles
systématiques, mais rien n’a été trouvé datant de la période qui nous intéresse.
Kythréa8 est aujourd’hui un champ de ruines à l’est de la ville moderne, dont les
fouilles n’ont pas encore été menées à bien. Elle est une des rares cités chypriotes à ne
pas être située sur la côte. La cité était célèbre pour ses sources intarissables. ; on sait
1
Cf. M. Yon : « [il] semble avoir été un bienfaiteur particulièrement attentif de Citium, peut-être même
un ‘nouveau fondateur’ » (IKition p. 236).
2
Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1324.
3
Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1324 sq.
4
Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1325 sq.
5
Mitford, Byzantion 20 (1950), p. 136-139, n° 10. Cf. corpus n° 59.
6
Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1327 sq.
7
Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1329.
8
Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1329 sq.
25
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
qu’elle conserva le statut de cité sous les Romains. Il semble qu’elle ait été subordonnée
au moins économiquement à Salamine.
Le site de Tamathonte1 n’a pas été fouillé et est occupé en partie par la moderne
Politiko. Là aussi, d’importantes mines de cuivre assurait une certaine prospérité ; elle
devait notamment exporter par le port de Soli.
Quant à Trémithonte2, si elle n’avait probablement pas le statut de cité, sa
situation à la croisée des routes romaines lui assura un certain développement.
La société chypriote était très attachée à la vie de village et à la petite propriété.
L’esclavage devait être largement répandu dans l’île. La classe dirigeante a pu montrer
un zèle de romanisation au début de la domination romaine (contrairement à la majorité
de la population qui semble s’être satisfaite de l’ordre des choses) ; il n’y eut pas ou peu
de citoyens très riches (à l’exemple d’Hérode Atticus pour l’Achaïe), et les évergètes ne
furent pas nombreux, dévoilant une certaine homogénéité de richesse chez les
Chypriotes.
Quant au rôle du koinon3, on sait qu’il était responsable de l’émission de
monnaies de bronze. Il est surtout attesté à Palaipaphos (8 inscriptions sur 12) et à
l’époque impériale4, même s’il existe au moins depuis l’époque républicaine5. Haensch,
qui a étudié le système de conventus province par province, en arrive à la conclusion
qu’à Chypre il se réunissait probablement à Paphos, capitale de la province6. Comme le
résume Cayla, « cette institution se développe à l’époque impériale avec probablement,
comme ailleurs, une extension de son rôle et un recentrage autour du culte impérial ».
On sait toutefois qu’il joua un rôle diplomatique, puisqu’un ambassadeur de l’île est
1
Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1331.
2
Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1332.
3
Cf. Cayla, « Livie, Aphrodite et une famille de prêtres du culte impérial à Paphos », l’Hellénisme
d’époque romaine, p. 239-241 et IPaphos, p. 57 sq . Pour les rapports du koinon avec les proconsuls, voir
la partie sur le culte impérial (III).
4
Deux inscriptions sont traditionnellement datées de l’époque hellénistique, mais d’après la révision de
Cayla dans sa thèse, elles ne sont pas antérieures à l’annexion de l’île en 58.
5
Cayla (IPaphos, p. 231 sq) s’oppose ici à Mitford, qui faisait remonter quant à lui la création du koinon
à la fin de la période hellénistique.
6
Il a également dressé la liste complète des références au koinon ou aux grands prêtres (Capita
provinciarum note 22 p. 266).
26
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
honoré sous les Julio-Claudiens à Kition et un autre à Athènes sous Hadrien1. Le koinon
honorait régulièrement les gymnasiarques, agonothètes et grands-prêtres car c’étaient
eux qui payaient pour les concours et autres cérémonies organisées pour les empereurs.
Il célébrait également ses patrons, comme dans le cas de ce [ ?] Vehilius, frère de deux
proconsuls de Chypre de la fin du premier siècle avant notre ère, Marcus et Lucius
Vehilius2. Peut-être avait-il accompagné son aîné lors de son proconsulat au sein de la
cohors amicorum, à moins que cet honneur ne s’explique par des liens anciens entre la
famille et le koinon.
I-2-B Une faible romanisation
A cause de sa situation insulaire et de son appartenance au royaume lagide,
Chypre est longtemps restée à l’écart de l’influence de Rome. Même en tant que
province romaine, l’emprise reste peu marquée.
On notera la présence de citoyens romains, des négociants, depuis la fin de la
période hellénistique, attestée épigraphiquement à Paphos et à Salamine3. Toutefois, il y
a débat sur la date de leur installation à Chypre : ainsi, Mitford la situe à la fin du 2ème
siècle a. C. alors que Cayla4, à la suite de Moretti, préfère une date plus tardive d’un
demi-siècle. Les citoyens romains étaient extrêmement peu nombreux : probablement se
trouvaient-ils seulement dans quelques colonies de commerçants établies depuis la
moitié du 1er siècle a. C. Même le premier grand-prêtre provincial, un certain Hyllos,
fils d’Hyllos, en fonction sous Auguste et que l’on imagine puissant pour avoir obtenu
cette charge, ne possédait pas la citoyenneté romaine. Mitford a cependant noté que la
1
Cayla, IPaphos p. 63. On pense aussi à celle qui obtint d’Auguste la confirmation du droit d’asylie de
trois temples chypriotes (Tacite, Annales III, 62-63 – cf. corpus n° 87).
2
I. Nicolaou, « Inscriptiones Cypriae alphabeticae IX (1969) », RDAC 1970, p.153 n°8 = M. Christol,
« Proconsuls de Chypre », Chiron 16 (1986), p.1-14. Inscription trouvée à Paphos et aujourd’hui
disparue. Voici la traduction de Cayla : « Le koinon des Chypriotes (fait une dédicace) à son patron
[…]us Vehilius, fils de Marcus, frère de [Marcus] Vehilius, l’ancien gouverneur de la province, et de
Lucius Vehilius, proconsul. » Cf. proconsul n°5.
3
H. Seyrig, « Inscriptions de Chypre », BCH 51 (1927), p. 143-4 n°4. On notera que Cicéron aussi parle
de cette communauté de commerçants romains : cives Romani pauci qui illic negotiantur (Ad Atticum, V,
21, 6, cf. proconsul 3).
4
IPaphos n° 136.
27
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
cité de Kition semble en avoir accueilli nettement plus que les autres1. Après 212, les
Chypriotes n’utilisèrent pas systématiquement leur tria nomina, comme si l’octroi de la
citoyenneté leur avait été égal.
Avec la domination romaine, on assiste également à une modification du
système de calendrier2, que cela vienne d’une initiative provinciale ou que le pouvoir
central en soit à l’origine3. Durant les quelques années où la province de Chypre
répondait à la République romaine, soit l’on devait dater par année consulaire, soit une
nouvelle ère fut créée, qui ne dut pas durer longtemps en tout cas. Lors du retour aux
Ptolémées, la datation est donnée selon l’année de règne des souverains égyptiens.
De nouveau en possession de Rome, un nouveau calendrier provincial fut créé.
On ignore la date exacte de sa création, mais l’on peut dire qu’elle se situe entre 21 a. C.
(date du mariage d’Agrippa avec Julie) et 12 a.C. (date de la mort d’Agrippa) ;
probablement est-ce en 15 a. C., à l’initiative de Paphos qui fut aidée par Auguste suite
à un important tremblement de terre. De même, on ne sait pas en quelle année le
calendrier débute : est-ce en 22, lorsque la province a un statut fixe, ou plus
probablement en 30 a. C., en continuité du calendrier égyptien réformé par Auguste (le
calendrier Alexandrin) ? Le nouveau calendrier, qui prenait des noms de mois à partir
des membres de la famille impériale, fut actualisé en 2 a.C. Désormais, il commençait
par le jour de la naissance d’Auguste, le 23 août. J’ai pu recenser deux noms de mois de
ce calendrier dans mon corpus : le troisième, Apogonikos4, et le neuvième,
Dèmarchèxousios5. Comme le résumait Waddington6, « les Chypriotes, comme les
Egyptiens, comptaient la seconde année du règne d’un princeps, non du premier
renouvellement de la puissance tribunicienne [donc le premier janvier], selon l’usage
1
Note 398 p. 1363.
2
Cf. Mitford, ANRW II 7. 2, p. 1357 sq.
3
Cf. Haensch, Capita provinciarum, p. 265 note 17 : „Ob die Stadt “avidly pro-Roman” war, ist unsicher.
Die Einführung eines solaren Kalenders römischen Typs muß keineswegs auf lokale Initiative
zurückgehen“.
4
IGR III 933. Cf. proconsul 17. Mitford donne la liste complète des mois p. 1360.
5
IGR III, 930 = Mitford, BSA 42 (1947), p. 201-206, n°1. Cf. proconsul 35.
6
LBW III 2806 = IGR III 967. Cf. proconsul 39.
28
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
romain, mais à partir du premier renouvellement de leur propre année civile [donc le 23
août]».
Le problème est qu’en parallèle le calendrier ptolémaïque continue à être
utilisé et qu’il débute la veille du 1er Thot, ce qui correspond au 29 août (ou parfois le
30). La région de Salamine a longtemps maintenu l’ancien système, contrairement à
l’ouest et au nord de l’île. Quant au sud, on ignore quelle ligne il suivit. Quoi qu’il en
soit, on sait qu’au début du 3ème siècle, le calendrier est unifié.
Cela dit, dans la majorité de nos inscriptions, la datation est donnée à partir des
années de règne des empereurs, du nombre de leur puissance tribunicienne ou de leurs
salutations impériales, ce qui nous permet de donner des dates avec précision. Le signe
L, qui signifie e1touj et est d’origine égyptienne, est utilisé systématiquement à Chypre
depuis le 3ème siècle a. C. jusqu’au 3ème siècle p. C. pour signifier l’année de règne (ou
plus rarement dans les inscriptions funéraires l’âge du défunt). On notera une inscription
publiée par H. Seyrig1, qui donne pour date une mystérieuse année 29, correspondant à
l’année qui va du 1er juillet 210 au 1er juillet 211 : l’origine de cette ère locale serait
donc l’année 182, mais l’on ne connaît aucun évènement concernant Chypre cette année
là. Une explication pourrait être la mauvaise lecture du chiffre kq’.
Par ailleurs, il est remarquable que la langue latine ait si peu pénétré l’île, et
cela est dû notamment au peu de citoyens romains présents sur l’île. A l’époque
concernée, on a donc une uniformité de la langue sur Chypre (le grec), même s’il a pu
subsister un dialecte d’origine phénicienne à Kition, à un niveau domestique et au début
de l’empire au plus tard2. En témoignent également le petit nombre d’inscriptions en
latin et les énormes fautes qui les émaillent parfois3. Cayla a ainsi pu définir trois étapes
dans l’usage du latin à Paphos comme à Chypre : une première période où le latin est
utilisé en langue privée seulement par les citoyens romains4 ; une seconde où la langue
1
« Inscriptions de Chypre », BCH 51 (1927), p. 139-143, n°3. Cf. proconsul 40.
2
Mitford, ANRW II 7-2 p. 1308. On rappellera que le peuplement de l’île est pour moitié grec pour moitié
phénicien.
3
Un exemple, quasi caricatural, en est la borne milliaire de IGR III 967 : tribouniciai po(testate) to VI,
patri patriai, et Imperator(i) Caisar(i)
L(uciou) Septimiou Severou [ …] Divi Nerouae [ …] per
Audioum Bassoum (sur Audius Bassus, proconsul en 198/9).
4
En témoignent l’inscription publiée par H. Seyrig (BCH 51 (1927), p. 143-4 n°4) faite par les cives
R(omani)Paphiae diocen(seos), mais aussi l’épitaphe d’un certain Centurio (Mitford, OA VI, p. 54-56,
29
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
est réservée à l’épigraphie monumentale ; enfin une troisième où elle est la langue de
tous les documents officiels (cf. les milliaires : d’abord bilingues, ils sont à partir du
4ème siècle exclusivement en latin).
Nous possédons tout de même quelques traces de contacts entre les
Chypriotes et Rome, comme par exemple une ambassade envoyée à Rome sous Tibère
pour maintenir le droit d’asylie des grands temples chypriotes1. Il peut subsister
également des vestiges de rescrits impériaux, qui constituent des réponses de l’empereur
à valeur jurisprudentielle à des questions écrites. Toutefois, les textes sont si
fragmentaires que les historiens ne s’accordent pas tous à leur accorder le statut de
rescrit. Ainsi, on a retrouvé à Salamine une inscription qui, pour Mitford et Nicolaou,
constitue assurément un rescrit impérial, peut-être pour interdire une corporation
d’artisans juifs. De leur côté, les derniers éditeurs (ISalamine), qui critiquent la
restitution abusive des premiers, parlent seulement d’une référence au local d’une
association, sans pouvoir en dire plus2. Dernièrement, on a trouvé au gymnase de
Salamine un fragment correspondant probablement à un rescrit impérial du 2ème ou du
3ème siècle, qui répondait peut-être à une pétition des provinciaux3.
I-2-C Chronologie des « évènements »
Nous avons dit dans notre introduction que la province de Chypre n’a pas
connu de grands bouleversements lors de la période qui nous intéresse. Voyons
n°29, étudiée également dans la partie sur le rôle militaire du proconsul). Il s’agit de la seule épitaphe
latine retrouvée à Chypre ; on doit la dater du 1er siècle avant ou après notre ère.
1
Tacite, Ann. III, 62 : Exim Cyprii tribus de delubris, quorum vetustissimum Paphiae Veneri Amathusiae
et Iovi Salaminio Teucer, Telamonis patris ira profugus, posuissent. « Puis vinrent les habitants de
Chypre qui parlèrent de trois temples bâtis, le plus ancien à Vénus de Paphos par Aérias, le second à
Vénus d’Amathonte par Amathus, fils d’Aérias, et le troisième à Jupiter Salaminien par Teucer fuyant la
colère de son père Télamon. » (Traduction H. Goelzer). Cf. corpus n° 87.
2
ISalamine p. 16-17, n° 24 (= ISalamis n° 91).
3
ISalamine n° 27 = AE 2001, 1949 = Feissel D., « Un rescrit impérial et une consécration d’après une
inscription du gymnase de Salamine » Cahiers du Centre d’Etudes Chypriotes 31 (2001), p. 189-207.
Texte très fragmentaire n’ayant concerné aucun nom ou titre d’empereur ou de fonctionnaires romains.
30
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
toutefois plus en détail les quelques petits évènements qui s’y sont produits sous le
gouvernement d’un proconsul romain1.
Le premier d’entre eux, le siège du conseil de Salamine par des agents de
Brutus, relève d’une problématique politico-financière complexe2. En effet, il semble
que depuis l’annexion de l’île, les Chypriotes aient dû payer au proconsul une somme
très importante afin d’éviter le stationnement de l’armée, avec les pillages et abus qui
s’ensuivent3. Pour pouvoir s’en acquitter, la cité de Salamine s’était endettée auprès de
riches Romains : elle avait notamment contracté une dette au taux d’intérêt de 48% ( !)
auprès de Iunius Brutus, par ailleurs gendre d’Appius Claudius Pulcher, alors proconsul
de Cilicie-Chypre (53-51 a. C.). C’est cet abus qui conduisit Cicéron l’année suivante à
produire un édit limitant les prêts à 12%, et à refuser personnellement les 200 talents.
C’est alors que Brutus envoya deux agents, M. Scaptius et P. Matinius, afin de
récupérer son argent avec le taux initial. Pour parvenir à leurs fins, les deux sbires firent
le blocus du conseil de la cité, condamnant ainsi cinq de ses membres à mourir de faim.
Par la suite, c’est Cicéron qui finit par régler l’affaire, tiraillé entre les pressions
politiques et son jugement personnel4.
Un autre évènement fut le tremblement de terre de 15 a. C., qui entraîna peutêtre le maintien en poste de P. Paquius Scaeva dans les années 10 a. C. pour aider les
cités à s’en relever5. Paphos dut alors recevoir une aide financière de la part d’Auguste,
1
Cf. Mitford, ANRW II 7-2 p. 1297.
2
Cf. Mitford, ANRW II 7-2, p. 1291 et la note explicative de Constans et Bayet dans Correspondance de
Cicéron IV, p. 11-25 et p. 99-112.
3
Cicéron, Ad Atticum, V, 21, 7 : Illud autem tempus quotannis ante me fuerat in hoc quaestu : civitates
locupletes, ne in hiberna milites reciperent, magnas pecunias dabant, Cyprii talenta Attica CC […] « Or,
chaque année avant moi, cette saison avait vu le trafic suivant : les cités riches, pour n’avoir pas à
recevoir des soldats en quartiers d’hiver, payaient des sommes considérables : les Chypriotes avaient
donné 200 talents attiques » (traduction par L.-A. Constans et J. Bayet). Cette somme s’appelle le vectigal
praetorium.
4
Pour les détails de ce règlement final, cf. Ad Atticum, V, 21, 10-13.
5
Il est en effet qualifié de procos iterum extra sortem auctoritate Aug. Caesaris, / et s(enatus) c(onsulto)
misso ad componendum statum in reliquum provinciae Cypri (CIL IX, 2845). On notera cependant que
rien ne nous dit dans cette titulature qu’il fut envoyé en lien avec ce tremblement de terre, comme le
remarque Mitford (ANRW II 7-2, note 47 p. 1299).
31
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
d’où le titre de Sébastè (ou Augusta) qu’elle porte à partir de 15 a. C. Cayla a aussi
relevé une inscription dans laquelle le dèmos de Paphos honore Hérode, roi de Judée1 :
c’est probablement à mettre en lien avec la location par Auguste de la moitié de la
production des mines de cuivre de Soli à Hérode contre 300 talents, en l’an 12 a. C. ;
comme le monarque était un grand évergète, peut-être a-t-il fait quelque chose pour
Paphos à l’occasion du tremblement de terre.
En 22 p. C., Paphos, Amathonte et Salamine, après examen du Sénat, sont
confirmées dans leur droit d’asylia, depuis longtemps détenu par leurs célèbres temples
(Aphrodite à Paphos et à Amathonte, et Zeus à Salamine). En 69 p. C., Titus, en route
pour la Syrie, fait escale à Chypre et reçoit de Sostratos, le grand-prêtre d’Aphrodite à
Paphos l’assurance de son grand destin2.
Entre 115 et 117, une révolte juive de grande ampleur secoue tout le ProcheOrient ; à Chypre, menée par Artémion, elle a infligé de terribles dégâts à Salamine.
Etudiée en profondeur par M. Pucci3, cette révolte présente des causes profondes, telles
qu’un mécontentement latent et un manque d’intégration à l’élément grec environnant
depuis la destruction du temple de Jérusalem. Malheureusement, si l’on sait qu’elle a
éclaté également à Chypre, on en ignore les détails, en partie à cause de la rareté et de la
date tardive des sources disponibles sur le sujet4. A Chypre, ce qui est étonnant est que
l’on n’a pas de témoignages de tensions entre Juifs et Grecs au siècle précédent,
contrairement à l’Egypte et la Cyrénaïque. Il semble que là aussi la révolte ait été
dirigée contre les Grecs. Comme à Cyrène, les Juifs détruisirent tout ce qu’ils trouvaient
sur leur passage. Les sources donnent l’impression d’un véritable massacre5 : s’il ne
1
IPaphos, n°235 p. 397 sq.
2
Tacite, Hist. II 4 et Suétone, Titus, 5 (cf corpus n° 88). On soulignera que Mitford est convaincu que
Trajan aussi est passé par Chypre en 113 pour rejoindre Antioche en Syrie, son base dans la guerre parthe,
mais sa théorie repose sur des bases plus que fragiles.
3
La rivolta ebraica al tempo di Traiano, Biblioteca di Studi Antichi n°33, Pise, 1981, surtout les pages
73 à 79 pour Chypre. Cf. aussi Sartre Le Haut-Empire romain, p. 404 sq.
4
Principalement Chronique de Jérôme (Chron. Hieron.) p. 196 et Chronique arménienne (Chron. Vers.
Arm.), d’où probablement les notices de Paul Orose et Georges Le Sincelle (348 A).
5
Cf. notamment Dion Cassius, qui parle de 240 000 morts : toutefois, l’on ignore si ce chiffre (de toute
manière probablement exagéré) correspond à celui pour Chypre, ou pour toute la révolte , et s’il ne prend
32
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
faut pas les prendre à la lettre, on doit tout de même en conclure que cela devait être fort
impressionnant.
On ignore si la révolte eut lieu dans toute l’île ou seulement à Salamine ; pour
Salamine, toutes les sources concordent à dépeindre une cité dévastée. Cependant, cela
vient probablement d’une interprétation exagérée des sources littéraires ; il est en effet
peu probable que la cité fut complètement détruite puisque quelque temps, après elle est
qualifiée de métropole dans une inscription. L’épigraphie atteste de nombreuses
reconstructions à cette époque1, mais sans en exprimer la cause ; de plus, l’on voit
apparaître l’épithète Sôter accolé au nom d’Hadrien par Salamine. Le chef de la révolte
est connu, un certain Artémion, qui n’apparaît pas dans d’autres documents juifs (tout
comme le chef de la révolte en Cyrénaïque). On ignore combien de temps les Juifs
tinrent la cité ; il est probable qu’après un certain temps, durant lequel les Grecs ne
parvinrent pas à reprendre la cité, Rome ait décidé d’intervenir militairement. A
l’époque, l’armée était en Orient pour la campagne parthe, et en 116, Q. Marcius Turbo
est chargé de mater la révolte2. Un détachement de légion (vexillum) fut envoyé à
Chypre pour mater la rébellion, probablement au printemps 1173, dirigé par un certain
C. Valerius Rufus. Comme ailleurs, la répression dut être terrible : mises à mort,
confiscations, disparition de communautés entières (mort ou exil).
Un autre tremblement de terre secoua l’île en 77/8, entraînant peut-être le
transfert de l’atelier de frappe de monnaie d’Antioche à Chypre pour quelques années.
En effet, on a pu remarquer la rareté de la frappe datée de la 10ème année de Vespasien,
ce qui s’explique sûrement à cause de ce tremblement de terre4 ; cela explique aussi que
l’émission suivante, celle de la 1ère année de règne de Titus, soit beaucoup plus grossière
en compte que les victimes des Juifs ou également les chiffres de la répression (Dion Cassius, Histoire
romaine 68, 32 –cf corpus n° 90).
1
Peut-être faut-il interpréter dans ce sens l’hommage de Salamine à Hadrien, datant de 123 : selon
Mitford, l’empereur aurait fortement contribué à la reconstruction de la cité après la révolte. Cf.
ISalamis n° 92 = ISalamine n° 140 (proconsul n° 31).
2
Mitford cite Lusius Quietus (Cf. ANRW II 7.2 p. 1345) : or, il fut chargé de mater la rébellion en Judée
seulement.
3
Cf. ILS 9491 (trouvée à Beyrouth) qui honore C. Valerius Rufus, miss[us] cum vexillo ab / Imp(ertaori)
Nerva Traiano Optumo Aug(usto) Ger(manico)/ Dacico Parth(ico) Cyprum in expeditionem.(voir
également III-5 sur le rôle militaire du proconsul). Cf corpus n° 76.
4
B. Helly, « Monnaies de Vespasien frappées à Chypre », dans Colloque Salamine, p. 293-311.
33
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
(ateliers atteints, manque de personnel...) ; enfin cela explique l’arrêt de la production et
le transfert à Antioche dans la 2ème année de Titus.
Probablement en 215, C. Iulius Avitus Alexianus, le mari de Julia Maesa, fut
envoyé par Caracalla de Mésopotamie à Chypre, et mourut sur l’île1. Cependant, le
texte est ambigu, et si l’on comprend qu’il a dû jouer un rôle dans le gouvernement de
Chypre, il paraît difficile d’y voir comme Thomasson un proconsul à part entière2 ;
mieux vaut penser à une mesure d’éloignement de la part de Caracalla qui l’envoya
rejoindre l’équipe du proconsul de Chypre alors en place. Enfin, en 269, les Goths
semblent avoir tenté d’aborder l’île mais sans succès3 : on notera que quelques années
auparavant, la cité de Lapéthonte avait fait appel à Claudius Leontichus Illyrius
(proconsul ?) pour renforcer les murs de défense de la cité ; sans doute se préparait-elle
déjà à une attaque4.
Les premières années de la domination romaine sont très mal connues, mais l’on
peut en esquisser la trame : l’annexion se passe assez tranquillement en 58 a. C., puis
Chypre rejoint la Cilicie et est gouvernée par son proconsul. Ensuite, l’île retourne à la
1
Dion Cassius, Histoire Romaine, 79, 30-4 (et non 78, 30 comme l’écrit Mitford dans ANRW note 44 p.
1298) :
o( ga_r )Aoui=toj para_ me_n tou= Karaka&llou e)j Ku&pron e)k th=j Mesopotami&aj
meta_ th_n th=j )Asi&aj a)rxh_n pemfqei_j klhrwtw=? tini_ su&nedroj u(po_ te gh&rwj kai_
u(p’ a)rrwsti&aj e1fqh sunairou&menoj:
« Quant à Avitus, envoyé par Caracalla de la Mésopotamie à Chypre après son gouvernement d’Asie
comme membre de l’assemblée du gouverneur tiré au sort, il devança [Julia Maesa dans la mort], emporté
à la fois par la vieillesse et par la maladie. ». Pflaum a étudié cet homme, et voici sa version du texte de
Dion (REL (1979) p. 298-314) :
met[a_ th_n th=j )A]si&aj a)rxh_n [pemfqei_j klh]rwtw=? tini_ s[- u(po_ te] gh&rwj k[ai_
u(p’ a)rrwsti&]aj w1fqh [sunairo&menoj]
Si l’historien ne trouve pas non plus d’explication à cet envoi à Chypre, il remarque toutefois ceci :
« comment expliquer la mission à Chypre autrement que par un acte de disgrâce ? ».
2
Thomasson, Laterculi Praesidum, col. 299, n°29
3
Trebellius Pollio, Vita Claudii XII, 1 : fuerunt per ea tempora et apud Cretam Scythae, et Cyprum
vastare tentarunt ; sed ubique morbo exercitu laborante, superati sunt.
4
Cf. corpus n° 59.
34
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
domination ptolémaïque, tout en restant plus ou moins sous contrôle de Rome, dans la
mesure où les souverains égyptiens eux-mêmes n’étaient pas parfaitement libres de
leurs choix. Chypre reste alors sous la coupe de Cléopâtre, peut-être avec un rapide
retour à Rome, et ne revient définitivement aux Romains qu’avec la chute de la reine.
Le statut de la province (et donc celui de son gouverneur) évolue encore au tout début
du Principat, et ne devient fixe qu’en 22 a. C.
On peut dire que le proconsul ne devait pas arriver trop préoccupé dans la
province dont il avait à s’occuper : en effet, ce qui ressort de ce tableau de Chypre sous
le Haut-Empire, c’est avant tout une impression d’homogénéité et de tranquillité. Les
cités avaient toutes le même statut, et même si Paphos et Salamine sortent du lot par
leur importance, elles ne semblent pas avoir écrasé les autres pour autant1. De même, on
ne voit pas surgir une élite au sein des cités qui aurait éclipsé les autres citoyens par sa
richesse et sa puissance2. Cette unité semble renforcée par le koinon, qui unit toutes les
cités de l’île et est actif notamment pour la frappe de monnaie ou le culte impérial3.
Un autre élément de cohésion est la civilisation grecque, partagée par l’écrasante
majorité4, et qui laisse peu pénétrer la culture romaine, comme en témoigne
l’épigraphie, qui utilise le latin seulement dans les documents officiels, et encore,
souvent doublé de la traduction grecque, et truffé de fautes. Toutefois, on note des
éléments de romanisation, tels qu’une réforme des institutions civiques ou du système
de calendrier ; mais il faut alors se demander dans quelle mesure ils furent imposés par
le pouvoir central ou choisis par les provinciaux. Dans l’ensemble, on n’observe que de
rares contacts avec Rome, voire avec le reste de l’empire, et cela est appuyé encore par
la très faible présence de citoyens romains sur l’île.
Enfin, peu d’incidents viennent perturber ce calme : outre les séismes récurrents,
on notera simplement des premiers contacts délicats avec les Romains (chantage à la
garnison de soldats ; siège du conseil de Salamine), et l’importante révolte juive de la
1
Voir également dans la partie sur le rôle judiciaire du proconsul : on ne connaît pas de conflit entre cités
à Chypre, ce qui est à l’exact opposé de la situation en Achaïe ou en Asie par exemple.
2
Même si l’on sait que quelques grandes familles ont pu monopoliser au premier siècle les grandes
prêtrises à Paphos et à Salamine. Cf notamment l’étude de la clientèle du proconsul C. Ummidius Durmus
Quadratus au II-3.
3
Sur ce dernier point, voir III-6 sur le rôle religieux du proconsul.
4
Si l’on excepte la communauté juive, très mal connue (sans même parler de la première communauté
chrétienne) et qui s’en prit justement à cette culture lors de la révolte de 115/7.
35
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
fin du règne de Trajan, qui reste malheureusement mal connue. Les proconsuls n’eurent
donc que rarement à gérer des situations extraordinaires. Comme le résume Mitford,
“after initial fluctuations, which reflected no change in the internal condition of the
island but merely the vicissitudes of the Roman Civil War, the history of Cyprus
assumes a uniformity, almost an anonymity, which is in itself significant”1.
1
ANRW II 7-2, p. 1290.
36
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
II- LES GOUVERNEURS : CONDITIONS D’EXERCICE
Nous avons vu que la province en elle-même ne devait pas poser de difficultés
au proconsul de Chypre. Toutefois, celui-ci devait trouver sa place dans un système où
il n’était pas le seul à administrer la province, et devait composer aussi bien avec les
provinciaux que le pouvoir impérial, qui pouvait notamment intervenir au moment de la
nomination.
II-1 Nomination et statut des gouverneurs de Chypre
Mais comment les gouverneurs de Chypre arrivaient-ils donc à ce poste ? En
théorie, cela dépendait uniquement du sort, mais dans la pratique, on se rend compte
que le pouvoir impérial se faisait toujours plus présent.
II-1-A Déroulement classique de la nomination du proconsul1
Entre la préture, pour laquelle il faut avoir 30 ans minimum, et le consulat,
toujours aussi prestigieux et auquel seule une minorité des sénateurs aura accès,
s’écoulent environ dix ans. C’est pendant cette période que sont remplies les charges
prétoriennes, qui se rattachent au domaine militaire ou à l’administration, comme dans
notre cas le gouvernement d’une province publique en tant que proconsul.
Malheureusement, nous n’avons aucun témoignage relatif à Chypre en particulier, c’est
pourquoi nous nous contenterons d’un résumé général.
Dans le cadre de la province de Chypre, comme pour les autres provinces
publiques prétoriennes, le proconsul est nommé par tirage au sort (la sortitio), régi par
des règles précises2. La durée du gouvernement provincial est fixée à un an, avec un
délai de cinq ans entre la préture et le droit de tirer au sort une province. Les futurs
proconsuls pouvaient plus ou moins s’arranger entre eux pour échanger les provinces
1
Je renvoie à la première partie du II de mon mémoire de l’an dernier pour plus de détails ainsi que les
renvois bibliographiques.
2
Voir à ce sujet Hurlet, Le proconsul et le prince, p. 24-82, notamment en ce qui concerne les évolutions
chronologiques de la sortitio et son organisation technique.
37
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
qui leur revenaient, en fonction du prestige de la province ou d’affinité personnelle avec
une région1. Mais si dans le cas de l’Achaïe on avait déjà pu relever que ce dernier
critère était particulièrement important, la province de Chypre semble avoir été subie
plus que choisie : on ne trouve pas ou peu de liens entre les proconsuls et l’île2, et son
absence de prestige ne saurait le compenser.
Quant au déroulement matériel de la sortitio, il nous reste en grande partie
inconnu. Le tirage au sort se déroulait à la fin de l’hiver ou au début du printemps, pour
permettre d’entrer en fonction au début de l’été au plus tard. Le Sénat intervenait par un
sénatus-consulte annuel invitant à tirer au sort les anciens préteurs et consuls ayant le
droit de s’y présenter ; peut-être une loi comitiale ratifiait-t-elle l’investiture.
Concrètement, on devait utiliser une urne pivotante avec des boules de même format ; le
tirage au sort des provinces prétoriennes devait intervenir avant celui de l’Afrique et de
l’Asie, et il se peut que les boules des candidats privilégiés étaient tirées en premier.
S’ensuivait la profectio, ou cérémonie de départ. Sous la République, la
cérémonie de départ de Rome consistait à prendre les auspices de départ, à se rendre au
Capitole pour prononcer les vœux traditionnels et prendre le paludamentum (l’habit de
guerre), avant de franchir le pomerium avec des troupes et des licteurs. Avec le
Principat, quelques changements à forte valeur symbolique ont lieu, tel que le point de
départ qui est transféré au temple de Mars Ultor sur le forum Auguste, tandis que le
droit de porter le paludamentum fut retiré au proconsul, montrant ainsi sa perte de
pouvoir militaire. C’est à l’occasion de cette cérémonie qu’étaient remis au proconsul
les mandata, des conseils généraux sur le gouvernement d’une province, accompagnés
de remarques morales et d’instructions particulières, qui adaptaient ainsi les consignes à
la province en question3.
Quant au voyage du proconsul vers sa province, il est progressivement
réglementé : Tibère a contraint en 15 les proconsuls à partir avant le premier juin, pour
1
Un autre critère entre en jeu dans ces échanges ; en effet, une sorte de hiérarchie assez mal connue se
met progressivement en place, selon laquelle les anciens préteurs mariés et pères de plusieurs enfants sont
prioritaires dans le choix des provinces, ceci étant proportionnel au nombre d’enfants.
2
Cf. II-3.
3
A l’origine, seul le sénat avait le pouvoir de donner ces mandata, mais progressivement ce sont les
empereurs qui monopolisent ce droit (évolution achevée au milieu du 1er siècle).
38
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
lutter contre la mauvaise habitude des gouverneurs de s’attarder à Rome ou en Italie. Le
trajet est le même d’une année sur l’autre et l’entrée dans la province constitue l’acte
fondateur du gouvernement. Il y a tout un cérémonial à suivre, qui varie selon les
provinces, et qui se répète plus ou moins à chaque nouvelle cité visitée par la suite par
le proconsul.
II-1-B L’intervention impériale dans la nomination
Le princeps pouvait jouer un rôle direct dans la nomination du gouverneur de
Chypre (nomination d’un légat impérial propréteur ou procédures extraordinaires telles
que la nomination extra sortem ou la prorogation), mais aussi de manière plus
officieuse, grâce à son auctoritas.
Nous avons vu que pendant une courte période, de 30 a. C. à 22 a. C., Chypre
est une province impériale et est donc gouvernée de ce fait par un légat impérial
propréteur, nommé directement par Auguste. Un seul témoignage épigraphique a été
conservé de cette période, à Salamine, même si le nom du légat n’a pas eu la même
fortune1 : … leg(ato) Au]g(usti) pro pr[aetore…Si la majorité des historiens s’accorde à
situer cette inscription dans ce court laps de temps, on notera la proposition de datation
différente de Pucci2 : en effet, il y voit un légat impérial propréteur, qui aurait été
envoyé en mission à Chypre suite à la destructrice révolte juive de 115/7.
Par la suite, la politique de restitutio de la res publica menée par Auguste et ses
successeurs, feignant de maintenir en place le régime républicain, et le statut de
province publique empêchent le princeps d’intervenir ouvertement dans le choix des
proconsuls. Mais en tant que princeps senatus3, il oriente les débats au Sénat. De plus, il
peut écarter un candidat qui ne lui plaît pas par des arguments plus ou moins menaçants
afin d’obtenir une excusatio, c’est-à-dire une renonciation en bonne et due forme. Au
1
Tubbs, JHS 12 (1891), p. 179 n°12 = CIL III 12106 = ISalamine p. 21, n°37 (cf. corpus n°7).
2
Pucci, La rivolta ebraica, p. 75.
3
C’est à l’origine le premier sénateur inscrit sur la liste officielle (l’album) et qui prend la parole en
premier lors des réunions du sénat ; cette fonction est reprise automatiquement par les empereurs sous le
Principat.
39
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
contraire, il jouit d’une auctoritas qui donne aux candidats qu’il soutient un appui
extrêmement solide, ayant quasiment une valeur d’ordre.
Ce dernier point est particulièrement mis en valeur dans l’inscription funéraire
de P. Paquius Scaeva, deux fois gouverneur de Chypre au début du Principat. En effet,
il y est qualifié de proco(n)s(ul) iterum extra sortem auctoritate Aug(usti) Caesaris, et
s(enatus) c(onsulto) misso (sic) ad componendum statum in reliquum provinciae Cypri.
La procédure extra sortem, dont Scaeva présente la première occurrence, met en œuvre
un proconsul choisi directement par l’empereur et non tiré au sort, les circonstances
exceptionnelles de sa nomination le subordonnant au princeps1. Cette influence du
princeps est ici explicitement mise en valeur par la mention de l’auctoritas d’Auguste2,
mais on remarquera tout de même la mention du sénatus-consulte, impliquant le sénat
dans la procédure3.
La datation de la carrière de ce proconsul pose de gros problèmes : une
hypothèse, présentée par Mitford, est que Scaeva gouvernait l’île au moment du
transfert de l’île au sénat en 22, et que c’est son expérience, ainsi que sa maîtrise
financière, qui ont conduit Auguste à le choisir pour le renvoyer quelques années plus
tard pour réorganiser les finances de la province, peut-être suite au tremblement de terre
de 15 a. C. Une autre proposition du spécialiste de Chypre est qu’il fut envoyé de
nouveau sur l’île pour romaniser les institutions des cités.
Quoi qu’il en soit, on ne peut accepter la proposition de Szramkiewicz, à la
suite d’Hofmann, selon laquelle il était proconsul de Chypre en 15/14 a. C. lors du
tremblement de terre, et qu’il fut prolongé dans ses fonctions pour en gérer les
1
Remarquons que la procédure extra sortem n’est plus attestée après les Julio-Claudiens, notamment
parce que les provinces publiques ne sont plus importantes stratégiquement et que le princeps peut
exercer une pression plus directe, le régime étant désormais bien ancré.
2
Cf. Hurlet, Le proconsul et le prince p. 85 : « L’auctoritas Augusti apparaît sur l’inscription d’Histionum
avant tout comme une autorité morale qui trouvait avec les séances du sénat une des meilleures occasions
pour se manifester et pousser les sénateurs à nommer sans recours à la sortitio un proconsul qui devait
être un homme de confiance du princeps et possédait en même temps les qualités requises pour faire face
aux troubles de cette province ».
3
Cf. à ce propos Hurlet, l’Africa Romana, p. 1535-1536 et Les collègues du prince, p. 255-257. On notera
la formule senatus consulto et pas ex senatus consulto, « ce qui implique que la décision du sénat était
l’instrument direct de l’action et n’avait pas besoin d’être validée en fin de compte par l’assemblée
populaire », donc par une loi comitiale (p. 256).
40
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
conséquences ; en effet, le cursus présenté dans cette inscription indique qu’il effectua
la curatelle des voies pendant cinq ans entre les deux proconsulats, et il n’y a aucune
raison de remettre cela en doute1. Par ailleurs, cela correspondrait alors à une
prorogation et non à une nomination extra sortem.
Aujourd’hui, on tend à prendre pour date de son premier proconsulat l’année
17 a. C. au plus tôt, laissant les années 15 à 11 pour la curatelle des voies2. Quant à la
datation du second proconsulat, la solution serait la suivante3: Scaeva aurait été appelé
plusieurs fois (y compris pour le vigintivirat, qu’il accomplit trois fois) pour faire face à
la crise de recrutement dans les magistratures inférieures, à son apogée en 16-13. On
peut donc en déduire que le dernier proconsulat de Chypre eut lieu dans la première
décennie de notre ère.
Pour illustrer l’intervention impériale dans la nomination du proconsul, on citera
également le cas de T. Clodius Eprius Marcellus, qui bénéficia de la protection de
Claude (qui l’adlecta), puis de Vespasien, avec un ralentissement de sa carrière sous
Néron, sous le règne duquel il fut proconsul de Chypre puis, tout de même, consul.
Quant à L. Gabo Arunculeius P. Acilius Severus, il est qualifié de pro
co(n)s(uli) desig(nato) prov(inciae) Cypri dans une inscription datant d’après MarcAurèle4. Cela signifie qu’un empereur (Antonin ou Marc-Aurèle)5 a imposé sa
candidature ; on remarquera d’ailleurs que l’on ne parle plus de candidatus du prince.
On ignore pourquoi car l’on ne sait rien de ce proconsul .
1
On notera que pour le même historien, Scaeva dota probablement l’île de son calendrier (II p. 25), mais
je n’ai trouvé aucun autre élément pour corroborer cette thèse.
2
Ces dates sont valables si l’on admet que c’est en 27 que fut rétabli l’intervalle de 5 ans minimum entre
la magistrature à Rome et la promagistrature. Mais d’autres, à la suite de Girardet , envisage une date plus
tardive ; dans ce cas, il faudrait décaler les dates de la carrière de Scaeva de 5 ans plus tôt. Thomasson
(Laterculi Praesidum, 295 n°4) quant à lui se contente de dater son proconsulat du règne d’Auguste. W.
Eck (der Neue Pauly 9 (2000), col. 303-304) propose comme date de son second proconsulat les alentours
de 12 a. C
3
proposée par Chastagnol dans Le Sénat Romain à l’époque impériale, Paris, 1992, p.59 et p. 389-390.
4
CIL V 4332, cf proconsul n° 36.
5
Mitford date son proconsulat d’Antonin (ANRW II 7-2, n° 39 p. 1303), mais Thomasson écrit que ce
n’est pas possible avant Marc-Aurèle (Laterculi Praesidum, col. 300 n° 38).
41
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Une autre procédure extraordinaire consiste en la prorogation, qui prolonge la
mission d’un proconsul en fonction. On sait par Dion Cassius1 que tous les gouverneurs
de 6/7 p. C. furent maintenus en poste par Auguste pour un an en raison de l’agitation
dans tout l’empire. De même, Suétone2 nous apprend que les gouverneurs de 9/10 furent
prorogés pour un an à l’annonce du désastre de Varus. Toutefois, nous n’en avons pas
de trace précise pour Chypre.
Un cas particulier, et fort incertain, est constitué par le proconsulat de Q.
Seppius Celer, qui passa peut-être directement de légat du proconsul de Chypre à
proconsul de Chypre, sans passer par la préture, grâce à Trajan. En effet, il est qualifié
dans une inscription de Kourion3 de e)k presb[eu]t?o?u=? e)?p?[arx]e?i&aj (?) a)nq?u?p?[a&]twi.
On peut avancer quelques explications, telle que la mort du proconsul en charge
(comme le propose P. A. Brunt), mais dans ce cas il ne pourrait être qualifié de
proconsul (anthupatos)4. Mitford avance une autre hypothèse, liée au contexte : avec
l’approche de la guerre parthique, Chypre devient une zone potentiellement stratégique.
Peut-être Trajan, refusant d’imposer un légat impérial pour la province, préféra-t-il
promouvoir un officier qui avait sa confiance et surtout l’expérience de la province. On
pourra toutefois objecter qu’une telle promotion reste très rare et que d’habitude, on
insiste beaucoup dessus puisque c’est la marque de la faveur impériale : notre
inscription serait alors trop laconique5. On se gardera toutefois d’en conclure quoi que
ce soit de certain, car cette interprétation se base sur une lecture « extrêmement
suspecte », comme le soulignent les éditeurs de ISalamine n°1236.
1
Hist. romaine LV, 28, 2 cf proconsul n° 12.
2
Auguste, 23, 1-2. cf proconsul n° 13.
3
Mitford, IKourion p. 162-164, n°87 = ISalamine n°123 cf proconsul n° 30.
4
Un contre-argument serait que le lapicide n’aurait pas fait attention aux titres officiels, les chypriotes
étant peu connaisseurs et peu respectueux de ce genre de choses.
5
Cf. également Eck, RE Suppl. XIII, s. v. Seppius : „es ist jedoch sehr unwahrscheinlich, dass Traian
einen Senator, der noch nicht einmal zur Praetur gelangt war, zum Prokonsul gemacht haben sollte“.
6
Ils se contentent quant à eux de publier à l’endroit concerné : - - traces - - -
42
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
II-1-C Les réformes du 3ème siècle1
Nous avons vu que le princeps peut intervenir dans la nomination du proconsul
de manière plus ou moins officielle, et qu’il le fait de plus en plus au fil du temps. Cela
aboutit à la toute fin du 2ème siècle, probablement sous Septime Sévère, à une réforme
qui autorise le princeps à présélectionner les candidats admis au tirage au sort (il y eut
dès lors le même nombre de candidats que de provinces à pourvoir en gouverneurs).
Parmi les causes de cette modification, il faut compter la guerre civile qui suivit la mort
de Commode et incita à choisir des proconsuls fiables. Toutefois, la sortitio n’est pas
pour autant supprimée. Nous savons ainsi qu’il y avait à Chypre sous Caracalla un
proconsul tiré au sort2 ; une autre attestation est datée de Macrin où Dion rapporte que
le gouverneur de Chypre Ti. Claudius Attalus Paterclianus avait été tiré au sort3 ; une
autre encore, datée d’entre les années 230 et 250, qualifie Ti. Claudius Telemachus
d’anthupatos4.
La grande réforme de la nomination des gouverneurs de Chypre se passe sous la
Tétrarchie, à la toute fin du 3ème siècle (293-305), lorsque l’Orient romain est sous la
responsabilité de Dioclétien (associé rapidement à Galère). C’est probablement en 297
que sont créés les diocèses, qui regroupent les provinces en unités plus vastes, et sont
dirigées par un vice-préfet du prétoire, appartenant à l’ordre équestre. Désormais, les
gouverneurs sont tous choisis directement par l’empereur, parmi l’ordre équestre5. Cela
finalise un courant qui tendait à confier toujours plus de tâches administratives et
1
Cf. Christol, Essai sur l’évolution des carrières sénatoriales dans la 2ème moitié du 3ème siècle ap. J.-C,
p. 45-55 et L’empire romain du IIIème siècle, surtout à partir de la p. 195.
2
Dion Cassius, Histoire Romaine, 79, 30-4 : C. Iulius Avitus Alexianus est mis à l’écart par Caracalla qui
l’envoit à Chypre, une des provinces les moins prestigieuses, pour faire partie du conseil du gouverneur
?
tiré au sort (klhrwtw= tini_ su&nedroj) : le klèros désigne en grec le tirage au sort (cf proconsul n° 78).
3
?
?
Dion Cassius, Histoire Romaine, 80, 3-4 : Klau&dion 1Attalon […] to&te e)k tou= klh=rou th= Ku&prw
prostaxqe&nta (« Claudius Attalus […] à cette époque avait reçu au sort Chypre ») cf proconsul n° 42.
4
5
Christol et Drew-Bear, « Un sénateur de Xanthos », JS 1991, p. 195-226 (cf proconsul n° 43).
Cf Hurlet, Le proconsul et le prince, p. 313 : « En supprimant le tirage au sort au profit d’une
désignation directe par l’empereur, elle rendait caduque la distinction entre provinces publiques et
provinces impériales ; dans le même temps, elle mit définitivement fin à la conception selon laquelle le
princeps agissait à l’égard des sénateurs comme un primus inter pares. »
43
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
militaires aux chevaliers1, comme en témoigne la réforme de Gallien, datée
probablement de 262, qui voit confier à des praesides équestres les provinces impériales
prétoriennes. Dans les années qui suivirent cette réforme, plusieurs provinces publiques
prétoriennes passèrent, elles aussi, au contrôle d’un praeses, mais il semble que le
principe de tirage au sort fut maintenu2.
Pour Chypre, on pense que la transition ne s’effectua pas avant la réforme de
Dioclétien, tout comme pour la Crète ou l’Achaïe, même si on ne peut l’affirmer avec
certitude (peut-être le changement s’effectua-t-il dès la réforme de Gallien). L’île fut
désormais gouvernée par un consulaire (upatikos), également nommé praeses, sous
responsabilité du Préfet Prétorien d’Orient, qui résidait à Antioche en Syrie. On connaît
ainsi un Antistius Sabinus, qualifié de praeses prov(inciae) Cypri dans plusieurs
inscriptions trouvées à Salamine3, et dont il faut dater la fonction à Chypre du début de
la Tétrarchie : sans doute fut-il nommé directement par l’empereur ou un de ses
collègues, ce qui expliquerait son zèle à les honorer. Si dans les autres provinces cette
transition s’est faite progressivement, par exemple par l’envoi de correctores dans les
provinces4, dans notre cas, rien n’est attesté avant cet Antistius Sabinus. On note malgré
tout une évolution du titre du gouverneur au 3ème siècle : sous les Sévères, Ti. Claudius
Telemachus puis, au milieu de ce siècle, Claudius Leontichus Illyrius sont honorés en
tant que u(patikoi& (consulaires)5, mais ce terme est souvent utilisé dans le sens de
hégémôn (littéralement chef, donc gouverneur) ; à la fin du siècle, Théodoros est maudit
en tant que h(gemw_n [th=j e)parxei&aj]6.
1
Cf. Christol p. 209 : « cette mesure paracheva sans aucun doute le transfert des gouvernements
provinciaux des sénateurs aux membres de l’ordre équestre ».
2
3
4
Cf Hurlet, Le proconsul et le prince p. 312.
ISalamine p. 66, n° 151 = ISalamine p. 67, n° 152.
Il s’agit de légats propréteurs nommés par le princeps pour régler des questions financières et
administratives, notamment pour gérer les cités libres (comme dans le cas de l’Achaïe, où la charge de
corrector fut souvent cumulée au proconsulat).
5
Christol et Drew-Bear, JS, 1991, p. 195-226 (cf gouverneur n° 43) et Mitford, « New Inscriptions from
Early Christian Cyprus”, Byzantion 20 (1950), p. 136-139, n° 10 (cf gouverneur n° 59).
6
IKourion p. 253-255, n°130 (cf. proconsul n° 44).
44
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
On voit donc que dans la majorité des cas le gouverneur de Chypre a reçu la
province suite à un tirage au sort, au sein duquel une hiérarchie s’instaure entre les
futurs proconsuls mais aussi entre les provinces à se partager, et Chypre ne faisait pas
partie des provinces les plus convoitées : on ne remarque que très peu de carrières dans
lesquelles le princeps serait intervenu à un moment ou un autre. Le princeps pouvait
intervenir tout de même dans la nomination, censée dépendre seulement du sort, en
utilisant des procédures extraordinaires, telle que la nomination extra sortem ou par des
pressions extra-institutionnelles. Avec les réformes du 3ème siècle, cela n’est plus
nécessaire puisqu’elles officialisent cette intervention impériale. Cela transparaît
également dans l’évolution des titres du gouverneur : anthupatos ou proconsul,
upatikos, hègémôn, praeses. Enfin, au plus tard à la fin du 3ème siècle, Chypre finit par
recevoir comme les autres provinces un gouverneur directement nommé par le pouvoir
impérial, pour une durée indéterminée (en moyenne un ou deux ans) ; la principale
différence étant que le praeses était également chargé de collecter les taxes.
II-2 Pouvoirs et moyens du proconsul
II-2-A Les pouvoirs confiés au proconsul : définitions et restrictions1
L’imperium confié au proconsul par le sénat et le peuple (par l’intermédiaire
d’une loi comitiale) est la base de son pouvoir civil, judiciaire et militaire, même si dans
les faits cette dernière prérogative est fort réduite. Sous la République, il est de niveau
consulaire, que le proconsul ait effectué un consulat ou non, mais avec le Principat, il
devient proconsulaire (sous le règne d’Auguste ou de Tibère au plus tard). L’imperium
du proconsul est le plus haut dans sa province et ne peut être délégué aux légats ;
cependant, le princeps détenait un imperium maius lui permettant d’intervenir dans les
provinces publiques. Sous les Julio-Claudiens, les proconsuls voient leurs auspices2 se
subordonner progressivement à ceux de l’empereur, tandis qu’ils perdent l’occasion
1
Là encore, je renvoie à mon mémoire précédent (II-2) pour plus de précisions et plus de références
bibliographiques.
2
Le droit de prendre les auspices était très important : c’était un acte divinatoire préalable à toute affaire
publique, que ce soit par l’observation du ciel ou de la direction du vol des oiseaux ; il constituait depuis
la République l’un des attributs essentiels des magistrats romains. Une des conséquences de cette
subordination auspiciale est que l’empereur monopolisa les triomphes militaires.
45
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
d’exercer leur imperium militiae, notamment parce que le commandement des légions
est laissé aux légats impériaux.
Un autre pouvoir important est le ius edicendi, qui permet au proconsul de
promulguer des édits. Sous la République, un édit provincial est pris à l’entrée en
fonction pour définir les règles que le proconsul souhaite suivre lors de son
gouvernement ; il n’est valable que pour la gouvernement du proconsul. Avec le
Principat, il se codifie progressivement, en intégrant une éventuelle jurisprudence
impériale. C’est probablement dans ce cadre qu’il faut ranger les ea quae a me
constituta sunt de Cicéron1 : il faut ainsi inclure dans les règles qu’il a pu fixer la
limitation du taux d’intérêt des prêts à 12%2, et l’on peut supposer que cela s’insère
dans la lex provinciae de Chypre. En revanche, on ignore si les autres mesures de
Cicéron perdurèrent au-delà de son gouvernement : envoi d’un questeur sur l’île pour
éviter aux Chypriotes d’avoir à se déplacer sur le continent pour les affaires relevant de
la justice du gouverneur3 ; refus du vectigal praetorium (somme payée au proconsul
pour éviter d’héberger les quartiers d’hiver de l’armée)4.
On sait également que le proconsul pouvait produire un édit lors de son
gouvernement afin de régler une question précise. La seule attestation épigraphique que
nous ayons pour Chypre est constituée d’une inscription fragmentaire, trouvée à Kition,
présentant le début d’un édit promulgué par Tibérius Claudius Iuncus, proconsul de
1
Ad Familiares XIII, 48 ; lettre de recommandation au questeur Sextilius Rufus ; il lui conseille de suivre
lors de sa mission à Chypre la lex Lentulia ainsi que les règlements que lui-même a pu établir lors de son
proconsulat de Cilicie-Chypre (cf. proconsul n° 3).
2
Ad Att. 5.21.11 ; chercher le tx, pas sur internet
3
Ad Atticum, V, 21, 6 : « j’ai envoyé Q. Volusius, gendre de ton ami Tibérius, homme de confiance et qui
est de plus d’une admirable honnêteté dans l’île de Chypre, pour très peu de temps : c’est afin que les
quelques citoyens romains qui y font du commerce ne puissent dire qu’on ne leur a pas rendu la justice :
car d’appeler des habitants de Chypre devant un tribunal extérieur à l’île, cela n’est pas permis. »
(Traduction L.-A. Constans et J. Bayet) (cf. proconsul n° 3).
4
Ad Atticum, V, 21, 7 : « Or, chaque année avant moi, cette saison avait vu le trafic suivant : les cités
riches, pour n’avoir pas à recevoir des soldats en quartiers d’hiver, payaient des sommes considérables :
les Chypriotes avaient donné 200 talents attiques ; eh bien, (je n’exagère rien, je dis la stricte vérité) sous
mon gouvernement, on ne leur demandera pas un sou. »
46
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Chypre peut-être au milieu du deuxième siècle1. Introduit par le&gei, comme d’usage
dans le cas d’édit, ce règlement devait être en faveur d’un certain Philodôros, mais on
ne peut en dire plus vu l’état de conservation de la pierre.
Quant aux autres pouvoirs du proconsul, on citera la iurisdictio voluntaria,
qu’il possède dès son départ de Rome et qui lui permet de faire des affranchissements,
des émancipations et des adoptions. Le proconsul est également le seul dans la province
à bénéficier du ius gladii, qui lui donne le droit de condamner à la peine de mort, y
compris un citoyen romain.
Si aucun contrôle direct n’est exercé pendant le gouvernement, il existe toutefois
des limites au pouvoir du proconsul au sein de sa province. Premièrement, des lois
encadrent son action, telles que la lex provinciae. Par exemple, une fois dans sa
province, le gouverneur ne peut la quitter, sauf pour s’acquitter d’un vœu (mais il
dispose alors au maximum d’une journée). De plus, une correspondance entre le
proconsul et l’empereur pendant le gouvernement assurait le lien avec Rome, sans
compter les mandata remis ou envoyés par le princeps au départ du promagistrat.
Les provinciaux n’étaient pas non plus totalement désarmés face au proconsul,
puisqu’ils avaient la possibilité, au moins théorique2, de s’adresser directement à
l’empereur, par le biais d’ambassades et de pétitions, court-circuitant ainsi l’étape
intermédiaire du gouverneur. De surcroît, depuis 59 a. C., la lex Iulia repetundarum
permet aux provinciaux de poursuivre leur ancien gouverneur, ou même un membre de
son entourage, pour concussion ou atteinte aux droits des communes et des personnes3.
Par ailleurs, le comportement du proconsul lui-même doit être contrôlé : ainsi,
dans les cadeaux qu’il reçoit, le gouverneur doit se limiter à des objets de
consommation quotidienne, comme l’affirme Ulpien4. De même, les relations avec une
1
IGR III 979 ; aujourd’hui perdue. Certains (Mitford, ANRW II7-2 p. 1303 n°38 ; Eck, Chiron 1983, p.
193), à la suite de Waddington (LBW III, 2726), l’identifient avec le consul Iuncus cité par Juvénal dans
sa 15ème satire, qui fut consul suffect en 127 (cf. proconsul n° 33).
2
Avant tout pour les cités libres et pour les citoyens romains ; nous n’avons pas d’attestation pour
Chypre.
3
T. Clodius Eprius Marcellus fut ainsi accusé en 57 par les habitants de Lycie-Pamphilie, peu avant de
devenir proconsul de Chypre (cf. proconsul n° 21).
4
Ulpien, De officio proconsulis, 1 (Dig., 16, 6, 3).
47
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
femme originaire de la province lui sont interdites afin d’empêcher des abus de pouvoir
mais aussi une perte d’impartialité du gouverneur. Dans la même veine, un proconsul
n’a pas le droit de marier son fils dans la province qu’il gouverne.
II-2-B Les autres représentants du pouvoir central
Le proconsul n’est évidemment pas seul à assumer la tâche d’administrer
Chypre. Il est en effet entouré d’un consilium, composé de membres choisis par le
gouverneur qui peuvent le conseiller dans ses jugements et l’aider de manière plus
générale1. Parmi ces assistants, certains viennent de Rome avec le proconsul2 tandis que
d’autres assurent la même fonction d’un proconsul à l’autre, assurant ainsi le suivi des
affaires3.
•
Le légat du proconsul
Désigné par le proconsul avec l’accord de l’empereur, le légat est généralement
choisi au sein du cercle familial ou amical afin de s’assurer de sa fidélité. Il est de
niveau prétorien au maximum car il ne peut être d’un rang sénatorial supérieur à celui
du proconsul4. Il aide le proconsul dans toutes ses tâches, par exemple en le remplaçant
physiquement (surtout dans les provinces étendues géographiquement, ou en cas
1
Progressivement, sa composition doit obéir à des règles, notamment au IIème siècle : désormais, les
conseillers peuvent être sélectionnés uniquement parmi ceux qui ont accompagné le proconsul depuis
Rome, et parmi les appariteurs ; il n’y a donc plus de provinciaux spécialistes du droit local.
2
Ils peuvent être choisis directement par celui-ci, notamment parmi ses affranchis ; ou être nommés par
l’administration impériale si leurs postes sont plus importants.
3
Voici les principaux subordonnés du proconsul, en dehors des grans postes administratifs (cf. infra) :
l’accensus : souvent un affranchi du proconsul, il remplit des missions administratives variées et
notamment celle de secrétaire du gouverneur. Les scribes : normalement tirés au sort et rattachés au
questeur, ils sont chargés de la comptabilité de l’administration provinciale romaine, de tous les
documents écrits du gouverneur ainsi que de la conservation des registres. Les appariteurs : parmi ceuxci, on trouve les praecones (crieurs publics), les viatores, chargés de transmettre des messages, les licteurs
(six pour le proconsul de Chypre), qui symbolisent le pouvoir du proconsul et qui procèdent notamment
aux arrestations.
4
Par exemple, nous connaissons le légat du proconsul Titus [T ?]atienus Sabinus, qui est qualifié de
presbeuth_j kai_ [a)n]tistra&thgoj, c’est-à-dire « légat propréteur ». (Mitford, OA VI (1950), p. 17, n°9
- cf. proconsul n° 19).
48
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
d’absence du proconsul1) ou en préparant son travail (notamment pour les auditions
préliminaires des procès). Le gouverneur lui délègue le règlement de simples procès, ou
des tâches de moindre importance, comme la dédicace d’un monument.
Dans le cas de Chypre, la question du légat du proconsul, tout comme des autres
représentants du pouvoir central, reste encore quasiment terra incognita2. Ainsi, on
ignore si le légat du proconsul de Chypre résidait au même endroit que lui, Paphos, et le
suivait dans sa tournée des cités les plus importantes. Nous savons qu’il pouvait
intervenir sur des constructions auprès du proconsul, comme c’est le cas de T.
[T ?]atienus Sabinus, qui assiste T. Cominius Proculus, proconsul de Chypre en 43/44,
pour consacrer l’aqueduc de Kythréa3. Par ailleurs, une autre inscription cite un légat à
côté du proconsul : le questeur y est également cité, laissant penser que le proconsul et
son équipe sont passés par cette cité (Lapéthonte) dans le cadre de la tournée annuelle
des sièges de conventus4. Mitford a dressé la liste des légats du proconsul connus, mais
elle doit sûrement être remise à jour, à l’image de sa liste des proconsuls de Chypre5.
On soulignera le parcours de Q. Seppius Celer M. Titius Sassius Candidus, qui passa
1
Qu’il s’agisse d’une absence provisoire, si le proconsul doit se rendre à Rome par exemple, ou que le
proconsul en fonction soit décédé ; le légat le remplace alors jusqu’à l’arrivée du prochain proconsul.
2
Le livre majeur à ce sujet reste la somme de Haensch, Capita provinciarum, dans laquelle il étudie
province par province les indices épigraphiques et littéraires permettant d’en savoir plus sur le conventus
provincial (koinon dans notre cas), mais aussi sur les lieux d’exercice des fonctionnaires romains. Pour le
légat à Chypre, voir p. 266 et p. 580 sq.
3
Mitford, OA VI (1950), p. 17, n°9 ; cf. proconsul n° 19.
4
Il s’agit de M. Etrilius Lupercus, légat du proconsul L. Axius Naso, en charge en 29/30 (IGR III, 933, cf.
proconsul n° 17).
5
ANRW II 7-2, p. 1306. Voici sa liste :
a.
M. Etrilius Lupercus ; légat du proconsul en 29/30.
b.
T. Catienus (ou Tatienus) Sabinus ; légat en 43/44.
c.
M. Iulius Romulus ; fin du règne de Claude.
d.
L. Iulius Marinus Caecilius Simplex ; peut-être légat en 85/90.
e.
M. Calpurnius Rufus ; fin du 1er s.
f.
Q. Seppius Celer M. Titius Sassius Candidus (également proconsul de Chypre en 113/4 ou
114/5) ; légat en 112/3.
g.
T. Flavius Philinus ; milieu 2ème s.
h.
Ti. Claudius Gordianus (questeur puis légat du proconsul de Chypre) ; fin 2ème s.
49
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
peut-être directement de légat du proconsul de Chypre à proconsul1 : si cela s’avérait
juste, reste à y trouver une explication.
•
Le questeur de la province
Dans les provinces publiques, le questeur, désigné par tirage au sort, est chargé
des affaires financières. Il doit avant tout gérer les fonds publics. Là encore, nous ne
savons que très peu de choses dans le cas de Chypre : ainsi, Haensch écrit qu’aucun
témoignage n’est assez fiable pour étayer la thèse que le gouverneur et le questeur
exerçaient leurs fonctions dans la même cité2. Ils étaient aidés au niveau des cités par
les dékaprôtoi, un groupe de 10 personnes chargées de collecter les taxes, 3. Dans notre
corpus, nous rencontrons Sextilius Rufus, dont le statut a déjà été examiné4 ; C. Flavius
Figulus, cité aux côtés du proconsul L. Axius Naso, et de M. Etrilius Lupercus5 ; un
questeur dont le nom ne nous est pas parvenu, et qui fit construire l’aqueduc de Kythréa
en 416 ; enfin, Ti. Claude Flavianus Tinianus Q. Vilius Proculus L. Marcius Celer M.
Calpurnius Longus qui fut légat du proconsul de Chypre puis proconsul de Chypre sous
Antonin Le Pieux7. Pour terminer, prenons dans la liste dressée par Mitford8 le cas de
1
Cf. II-1-B. Mitford, OA 6 (1950) p. 68 n°37 = ISalamine p. 55-56, n°123.
2
Capita provinciarum p. 266-267.
3
IGR III, 930 = Mitford, BSA 42 (1947), p. 201-206, n°1 (cf corpus n° 35).
4
Cf. I-1-A.
5
IGR III, 933, cf. proconsul n° 17.
6
C’est cet aqueduc qui fut consacré deux ans plus tard par T. Cominius Proculus et son légat T.
[T ?]atienus Sabinus (Mitford, OA VI (1950), p. 17, n°9, cf. proconsul n° 19).
7
Kalinka, TAM II, 426 = IGR III, 667 (cf. proconsul n° 34).
8
Cf. Mitford, ANRW II 7-2, p. 1306/7 pour la liste des questeurs (là encore à mettre à jour) :
i.
L. Aquilius Florus Turcianus Gallus, proquaestor ; début du règne d’Auguste.
ii.
T. Apicatus Sabinus ; questeur en 2 p. C.
iii.
C. Flavius Figulus ; 29/30.
iv.
T. Manlius Sura Septicianus tami&aj kai_ a)ntistra&thgoj (questeur propréteur) ; entre 14 et
37.
v.
M. Firmius Secundus, en fonction à Chypre entre 37 et 41.
vi.
Inconnu, o( tamieu&wn ; 41.
vii.
L. Servenius Cornutus ; entre 54 et 68.
viii.
P. Baebius Italicus ; sous les Flaviens.
ix.
L. Flavius Septimius Aper Octavianus ; sous Hadrien.
50
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
M. Firmius Secundus, connu par une dédicace à Caracalla, et sur le statut duquel les
avis divergent. Ainsi, Mitford voyait en lui un questeur de Chypre1, mais certains, dont
Eck, soulignaient qu’il pouvait fort bien avoir été proconsul étant donné la lacune qui
suit son nom. Dernièrement Cayla a réexaminé la pierre, et en arrive à la conclusion
qu’il dut exercé la fonction d’intendant du trésor sacré2, une charge civique de Paphos.
• Les procurateurs
Dans les provinces publiques, les procurateurs ont pour rôle de gérer les
propriétés impériales. Toutefois, ils pouvaient participer aussi à la perception et à la
supervision des impôts publics, au même titre que les questeurs ; il semble même qu’en
vertu de leur imperium ils pouvaient être chargés de missions ponctuelles pas forcément
d’ordre financier afin d’aider le proconsul.
Dans le cas de Chypre, nous n’avons que très peu de connaissances : on pense
que les mines étaient gérées par un procurateur mais nous n’en avons aucune preuve3.
Par ailleurs, la liste de Mitford est bien peu étoffée4. On ne retiendra pas l’hypothèse de
Mitford selon laquelle T. Caesernius Statianus Quinctianus aurait été un procurateur
x.
Ti. Claudius Flavianus Titianus Q. Vilius Proculus L. Marcius Celer M. Calpurnius Longus ;
sous Antonin.
1
xi.
P. Flavonius Paulinus ; entre 140 et 181.
xii.
Q. Marcius Faustinianus : 2ème s. ?
xiii.
Ti. Claudius Gordianus (fut aussi légat du proconsul de Chypre) ; fin du 2ème s.
xiv.
Fulvianus Arrianus ; début du 3ème s.
Mitford, OA VI p. 56 n°30, qui reconstituait ainsi l’inscription : Ma&rkoj Fi&rmioj Seko?[u=ndoj tami&aj
kai_ a)ntistra&thgoj? dh&mou] / (Rwm[a]i&wn w[i ta?_ ME?Q?IKL?U? (cf. proconsul n° 73).
2
IPaphos, p. 308-310, n°153, qui propose : Ma&rkoj Fi&rmioj Seko[u=ndoj - - 15/20 - - tw=i i(e]-/rw=i?
a)rgu?r?i?&wi tamieu&?w[? n… Il explique le terme argurion comme une somme prélevée sur le trésor du
temple pour financer une statue ou un monument en l’honneur d’un empereur.
3
On a toutefois retrouvé une inscription où un procurateur est honoré par son assistant (bo&hqoj) mais on
n’est même pas sûr qu’il ait exercé sa fonction sur l’île : il s’agirait plutôt d’un honneur privé (cf.
Haensch p. 267). Il faut revoir l’interprétation de Mitford qui considèrait que le dédicant était le fils de
Bo&hqoj (ANRW II 7-2 note 31 p. 1296).
4
ANRW II 7-2 p. 1307.
i.
T. Statilius Apollinarius ; sous Hadrien.
ii.
M. Campanius Marcellus ; milieu ou fin du 2ème s.
iii.
L. Valerius Valerianus ; fin 2ème s.
iv.
Fl. Glaucus ; entre 180 et 220.
51
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
nommé par Caracalla pour diriger Chypre : la lecture de la pierre a été revue par Cayla,
il faut probablement y voir un simple proconsul1.
•
Les correctores, curateurs et autres légats impériaux extraordinaires
En général, les curateurs sont chargés des finances d’une seule cité (prêt
d’argent public, contrôle et location des terres publiques et des monuments, tenue des
promesses financières). Ils reprennent exactement les mêmes pouvoirs que les
proconsuls, mais leur rôle était limité géographiquement. Mitford en a listé trois
seulement, ce qui confirme la faible implication du proconsul de Chypre dans les
affaires des cités2. C. Iulius Helianus Polybianus, curateur de Paphos, est cité auprès du
proconsul Julius Fronto Tlepolemus pour avoir consacré une statue à Septime Sévère3.
Seyrig fit remarquer la « procédure tout-à-fait insolite » selon laquelle les frais de la
dédicace ne furent pas réglés par vote du conseil mais par simple décret des archontes,
ce qui s’expliquerait par l’intervention du curateur : celui-ci avait dû enlever au conseil
la gestion de l’argent public pour la confier aux archontes, qu’il pouvait plus facilement
contrôler. Par ailleurs, Seyrig souligne que « la rédaction même de la dédicace laisse
apercevoir, du reste, que le curateur avait absorbé presque toute l’autorité municipale :
c’est lui qui apparaît sur l’inscription et personne de la cité, même pas les archontes ».
On peut entrevoir dans ce cas l’évolution de la fonction de curateur, qui passera de
représentant impérial à premier magistrat de la ville.
Quant aux correctores, ce sont des légats propréteurs nommés par le princeps
pour régler des questions financières et administratives là où ils sont envoyés,
notamment dans les cités libres. Nous n’en connaissons pas pour Chypre.
II-2-C Le proconsul et sa famille
Parmi les personnes qui accompagnent le proconsul depuis Rome, non
seulement l’on trouve des subordonnés pour l’aider au quotidien ou dans ses fonctions
1
IGR III, 947 = Cayla, IPaphos, p. 311-313, n°156 (cf. corpus n° 56).
2
ANRW II 7-2, p. 1308 :
a.
C. Iulius Helianus Polybianus ; curateur de Paphos en 210 et entre 211/2 et 217.
b.
- - - us Appianus ; sous Sévère.
c. Fulvius Arrianus ; début du 3ème s. (il fut également questeur de Chypre).
3
H. Seyrig, « Inscriptions de Chypre », BCH 51 (1927), p. 139-143, n°3. Cf. proconsul n°40.
52
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
administratives, mais aussi des personnes avec qui il entretient des liens familiaux ou
amicaux. Ils peuvent ainsi apporter une aide au proconsul par la connaissance qu’ils
peuvent avoir acquise de la province, ou au contraire se former auprès du proconsul afin
d’assurer plus tard un autre gouvernement provincial (c’est le cas notamment du légat
du proconsul, avec qui la relation est quasi filiale). On ne connaît pas d’exemple à
Chypre de proconsul entouré d’amis ; en revanche, plusieurs témoignages ont subsisté
sur la famille du gouverneur.
Si les gouverneurs de l’époque impériale pouvaient se faire accompagner de leur
épouse, l’idéal restait celui de la République, à savoir de partir seul. On a retrouvé à
Palaipaphos une inscription où le conseil et le peuple de Paphos honorent Marcia,
cousine d’Octave-Auguste et nièce d’une autre Marcia célèbre, l’épouse de Caton lors
de sa mission à Chypre1. Son mari, Paulus Fabius Maximus, est mentionné à ses côtés ;
c’est pourquoi certains pensent qu’il fut gouverneur de Chypre2. Toutefois, on peut
aussi envisager que la cité ait célébré une visite prestigieuse au sanctuaire, alors à son
apogée, à moins qu’on ne suive l’hypothèse intéressante de Corbier. Selon celle-ci, ce
serait son petit-fils ou arrière-petit-fils, le proconsul Q. Marcius Hortensinus (peu après
25 p. C.), qui serait à l’origine de cet hommage : discrédité auprès de Tibère (comme en
témoigne le refus de l’empereur de lui accorder une aide financière), il aurait ainsi
cherché à mettre en valeur ses liens avec la famille impériale à travers son aïeule et
cousine d’Auguste. Cela aurait été d’autant plus accepté par la cité que cette Marcia
était une nièce de Caton, qui serait resté cher aux Chypriotes. A part ce cas assez
complexe, on ne connaît donc pas de proconsul de Chypre qui aurait été accompagné de
son épouse.
Quant aux enfants, à partir de 13 ou 14 ans, le fils du proconsul pouvait
accompagner son père, toujours dans cette optique d’apprentissage par l’expérience.
Ainsi, L. Pontius Alifanus, fils du proconsul L. Pontius, est honoré en tant que patron
par le conseil et le peuple de Paphos3. S’il est probable que le fils ait accompagné de
1
IGR III 939 = ILS 8811. Cf. I-1-A sur Caton et corpus n° 16 pour l’inscription.
2
Ainsi Cagnat (IGR), Szramkiewicz, ou encore Thomasson (Laterculi 295 n°1).
3
Il faut probablement identifier le fils du proconsul avec l’ami de Pline le Jeune (Lettres V, 14 ; VI, 28 ;
VII, 4), et donc situer le proconsulat de vers 76 (proposition de Thomasson - Laterculi Praesidum, col.
300, n°42 -, reprise par Cayla - IPaphos, p. 400, n° 237). Cf. proconsul n° 25.
53
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
son père lors de son proconsulat, pour Haensch toutefois cela pourrait simplement
relever d’une volonté d’honorer le père par l’intermédiaire du fils1. On a également
trouvé à Palaipaphos une base de statue pour Plautia Elpis, fille du proconsul D.
Plautius Felix Julianus (en charge sous Septime Sévère probablement)2. Là encore,
impossible de dire si elle a suivi son père à Chypre ou non. Toujours à Paphos, une base
de statue fut découverte, honorant sûrement le petit-fils d’un gouverneur dont le nom
n’a été que partiellement préservé3.
Quant aux parents masculins du proconsul (fils plus âgés, frères, neveux et
autres parents par alliance), ils sont souvent nombreux dans son entourage car cela leur
permet de débuter ou de continuer leur propre carrière. Ainsi, l’on sait grâce à Cicéron
que P. Cornelius Lentulus Spinther, proconsul de Cilicie-Chypre en 53-51 a. C.,
devaient avoir un lien de parenté avec Sextilius Rufus, questeur à Chypre probablement
en 474. Si l’on part du principe que le premier était aussi lié à P. Lentulus Marcellinus,
questeur en 74 à Cyrène pour organiser le nouveau territoire, on serait en présence
d’une famille quelque peu spécialisé dans la mise en ordre de provinces orientales
nouvellement annexées.
Nous avons aussi les trois frères Vehilius qui eurent d’importantes
responsabilités à Chypre : le frère benjamin, dont nous ignorons le prénom, était en effet
patron du koinon de Chypre, tandis que ses deux frères aînés, Marcus et Lucius,
exercèrent tous deux le proconsulat de Chypre5. La difficulté résidait à comprendre
qu’elle était la fonction de Marcus, qualifié de tou= strathgh&[s]antoj [th=j
Kupri&a]j e)parxei&aj : ainsi, Hogarth, suivi notamment par Mitford, avait compris que
1
„Der Sohn muß keineswegs in der Provinz gewesen sein“, Capita provinciarum p. 579.
2
IGR III, 956. Cf. proconsul n° 37.
3
JHS 9 (1888), p. 247 n° 91 = IGR III 957 = Cayla, IPaphos, p. 323-324, n° 164 (cf. proconsul n° 48).
Jusqu’à Cayla, la lecture de la pierre était ainsi : LANIONI / [a)n]qupa&tou … ; Cayla lit : [ )El]l?ani&?ou ?
Sh[- - - ] / [a)n]qupa&tou ui(w?[no&n]. ? L’inscription semble dater de l’époque augustéenne. Attention à
Mitford qui range à tort cette inscription pour le proconsul L. Coelius Pamphilus (ANRW II 7-2, n°5
p.1292).
4
Cf. Cicéron, Ad Familiares XIII, 48.
5
I. Nicolaou, « Inscriptiones Cypriae alphabeticae IX (1969) », RDAC 1970, p.153 n°8 = M. Christol,
« Proconsuls de Chypre », Chiron 16 (1986), p.1-14. Il faut dater les proconsulats de Marcus et Lucius
Vehilius d’après 22 a. C. (attention à la datation erronnée de Mitford, résultant d’une manipulation fort
douteuse du nom Marcus, qui devient Milionus, pour correspondre ainsi à un autre proconsul).
54
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Marcus avait été le légat de son frère Lucius lors de son proconsulat, et que le troisième
avait lui aussi été proconsul de Chypre1. Il faut en fait comprendre, comme le suggère
M. Christol, que Marcus fut proconsul avant son frère Lucius (remarquer le participe
aoriste, par opposition à la fonction de Lucius : Leuki&ou Ou)e[ili&]ou [tou= a)nqu]pa&tou.
Une explication pour la présence de cette fratrie au sein des fastes de Chypre serait que
les deux frères cadets aient accompagné l’aîné dans la cohors amicorum du proconsul et
obtenu avec lui un patronat sur l’île ; on peut aussi envisager des liens anciens entre le
koinon et la famille2.
On a trouvé dernièrement une inscription où le peuple de Paphos honore un
certain Ga&ioj Ou)ei&dioj (C. Vidius) en tant que frère du proconsul de Chypre (dont le
prénom n’a pas été conservé)3 : soit il faut y voir une nouvelle fratrie, soit il faut
envisager une erreur du lapicide (Ou)ei&dioj pour Ou)ei&lioj) et donc découvrir ici le
prénom du troisième frère Vehilius, le patron du koinon.
Un autre cas de fratrie est probablement présenté par les Sergii : en effet, un
certain Q. Ser[- - -] fut proconsul de Chypre sous Caligula4, et pour certains, il serait le
frère du Sergius Paullus cité par les Actes des Apôtres et qui dut être proconsul de
Chypre entre 46 et 485. On notera qu’on a également trouvé à Salamine la mention d’un
proconsul P.SERGE[- - -], mais il faut prendre cette information avec prudence dans la
mesure où elle fut éditée par Cesnola (les informations manquent donc) et que la
dernière lettre lisible du nom du proconsul est un E6.
Le proconsul de Chypre disposait donc de pouvoirs importants pour administrer
la province ; en revanche, ses moyens étaient limités, ce qui s’explique par la faible
importance de la province. Il était entouré d’un légat et d’un questeur, mais nous
ignorons l’exacte répartition des tâches entre eux, puisque les règles semblent avoir été
souples : ainsi, nous avons des attestations d’intervention du proconsul dans les finances
1
D’où le n° 25 de la liste de Mitford, que j’ai supprimé.
2
Cayla, IPaphos p. 399-400, n° 236 (cf. proconsul n° 5).
3
Cayla, IPaphos, p. 321-322, n° 162 (cf. cas n° 46).
4
Cf. proconsul n° 52. IGR III, 935 = Gabba, Iscrizioni greche e latine, 1958, p. 71-73 n° XXI.
5
Cf. proconsul n° 20. Actes des Apôtres, 13, 4-12.
6
Cf. proconsul n° 20. ISalamine p. 49, n° 105.
55
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
de cités chypriotes1, alors que cela reviendrait normalement plutôt au questeur ou à un
curateur. Par ailleurs, le proconsul de Chypre pouvait se faire accompagner de sa
famille, et nous en avons plusieurs exemples. Cela semble surtout vrai pour les enfants
du proconsul, y compris les filles, mais nous connaissons aussi deux cas intéressants de
fratrie ayant exercé à peu d’intervalle le proconsulat de Chypre. Il semble probable que
ces familles entretenaient un lien privilégié avec l’île, mais nous ignorons lequel.
II-3 Les rapports avec les chypriotes
Dans l’ensemble, les proconsuls de Chypre n’avaient pas de liens avec l’île
avant leur gouvernement, du fait de l’isolement relatif de l’île et de sa situation
secondaire au sein de l’empire2. En effet, la principale attraction de l’île reste ses grands
sanctuaires et notamment celui de Paphos ; cependant, cela reste d’une portée limitée,
notamment après les Julio-Claudiens lorsque le prestige du temple d’Aphrodite perd de
sa splendeur. On notera une consécration personnelle effectuée au sanctuaire
d’Aphrodite à Amathonte par un fonctionnaire romain (procurateur ou proconsul) au
2ème siècle3.
Contrairement à ce qu’on avait pu observer pour l’Achaïe, dans le cas de
Chypre, il n’y a pas de prestige culturel pour attirer les proconsuls ; de même, l’on
n’observe pas de liens ancestraux entre une famille et l’île, pouvant conduire un
proconsul à choisir Chypre, sauf peut-être pour les trois frères Vehilius déjà cités. On
pourra évoquer tout de même les parcours un peu particuliers que sont ceux de Q.
Seppius Celer M. Titius Sassius Candidus, qui passa peut-être de légat du proconsul de
Chypre à proconsul en 1144, de Ti. Claude Flavianus Tinianus Q. Vilius Proculus L.
Marcius Celer M. Calpurnius Longus, qui fut questeur de Chypre avant d’en être
1
Cf. III-2-B.
2
Cf. Szramkiewicz, Les gouverneurs de province, p. 184 : “Parmi les quelques sénateurs qui ont laissé
trace de leur gouvernement de cette province sous Auguste, aucun ne possède avec elles les liens étroits
qu’aurait pu créer le proconsulat précédent d’un père ou d’un ancêtre, ou simplement d’un parent,
phénomène assez fréquent comme nous l’avons vu pour d’autres provinces”.
3
Cf. Le Glay, Centre d’études chypriotes (Paris X-Nanterre) VI, 1986, p. 27-34 (= AE 1986, 692). On
ne peut savoir avec certitude s’il fut proconsul puisque l’on a seulement [ . Crep]ereius, pro[consul - - -]
: la restitution est loin d’être assurée, et l’on peut penser par exemple à un procurateur.
4
Cf. proconsul n° 30.
56
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
proconsul sous Antonin1, et de Ti. Claudius Gordianus, questeur puis légat du proconsul
de Chypre à la fin du 2ème siècle2 : tous trois ont effectué plusieurs fonctions à Chypre ;
peut-être avaient-ils des liens particuliers avec l’île.
On notera également que le proconsul C. Ummidius Durmus Quadratus3 a
accordé la citoyenneté à un grand-prêtre du culte impérial de Paphos, C. Ummidius
Quadratus, dont la descendance, étudiée par Cayla4, et qui monopolise cette grandeprêtrise pendant près d’un siècle, a pu constituer une clientèle importante pour la famille
du proconsul. On remarquera également que ce nouveau citoyen romain était marié à
Claudia Rhodokléia (elle-même fille de citoyen romain, comme l’atteste son nom), dont
un membre de la famille, Stasikratès, fut grand-prêtre provincial d’Auguste sous Tibère
et agonothète des Kaisarogermanikeia, jeux organisés en l’honneur de l’empereur pour
la première fois à Paphos par le koinon chypriote. Il devait donc avoir dans sa clientèle
deux grandes familles de l’élite chypriote, très liées au culte impérial.
Peut-être L. Vitellius, le père de l’empereur de 69, fut-il proconsul de Chypre
dans les années 30 car il aurait pu affranchir un certain L. Vitellius Callicinus, connu à
Amathonte, lui-même ancêtre d’un L. Vitellius Crispinus, connu cette fois à Paphos
sous Trajan5.
Etudions maintenant les honneurs décernés par les cités aux proconsuls : si
certains eurent droit à une statue, dans l’ensemble les hommages sont très formels et
peu enthousiastes, à l’encontre de ce que l’on avait pu étudier pour l’Achaïe.
•
La cité de Paphos honora ainsi d’une statue L. Coelius Pamphilus6, [L.
T]arius Rufus, son patron, honoré pour sons sens de la justice
1
Cf. proconsul n°34.
2
Cf. II-2-B sur les autres représentants du pouvoir impérial.
3
Cf. corpus au proconsul n° 18, qui fut en charge sous Tibère.
4
« Livie, Aphrodite et une famille de prêtres du culte impérial à Paphos », l’Hellénisme d’époque
romaine, p. 233-243. Cf. aussi Mitford, ANRW II 7-2 p. 1352 sq.
5
Cf. cas n° 51.
6
JHS 9 (1888), p. 243 n° 68 (=IGR III 953). Dédicant : h( po&lij ; date : sous la République. Cf. proconsul
n° 4.
57
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
(dikaiosu&nhj xa&rin )1, L. Pontius, dont le fils est le patron de la cité2, et
enfin D. Plautius Felix Iulianus honoré par un piédestal bichrome avec
statue du père et de sa fille3.
•
La cité de Kition honore quant à elle Q. Iulius Cordus pour sa probité
(a(gnei&aj xa&rin)4.
•
A Kourion, c’est Q. Caelius Honoratus qui est honoré5, D. Plautius Felix
Iulianus (sur souscription publique, qualifié de to_n lam]-/pro&taton
a)nq[u&p]aton –très illustre proconsul, il est honoré pour sa probité et sa
bonté)6 et peut-être aussi Q. Seppius Celer M. Titius Sassius Candidus7.
On a également retrouvé près du théâtre de Kourion un piédestal de statue
en l’honneur du proconsul P. Cassius Longinus, dont le dédicant reste
inconnu8. Soulignons aussi la statue de Priscus Publicola, qualifié de
« seigneur de la probité » (koi&ranon a(gnei&aj) par la cité sous les Sévères
; cette dernière qualité étant traditionnellement mise en valeur pour
honorer les proconsuls, peut-être administra-t-il Chypre9.
•
La cité de Salamine de son côté honore un proconsul de nom inconnu,
pour sa probité et son sens de la justice ([a(]gnei&aj kai_ dikaiosu&nhj)10,
mais elle offre aussi une statue à son patron C. Calpurnius Flaccus11.
1
ANRW, note 49 p. 300. Dédicant : [o( dh=]moj ; date : sous Auguste. Cf. proconsul n° 11. Il faut noter
l’honneur insigne qui lui fut fait d’avoir sa statue dans l’enceinte même du sanctuaire de Palaipaphos.
2
Mitford RDAC (1940-1948) p. 6, n°2 (=AE 1956, 187). Dédicant : h( boulh_ kai_ o( dh=moj ; date : sous
Vespasien. Cf. proconsul n° 25.
3
Mitford, AJA 65 (1961) p. 104 n° 1. Dédicant : h( boulh_ kai_ o( dh=moj de Palaipaphos ; date : sous
Septime Sévère. Cf. proconsul n° 37.
4
IGR III, 978 = IKition n° 2036, cf. proconsul n° 22. Dédicant : h( po&lij ; date : probablement en 64/5.
5
IGR III 970 = IKourion p. 159-162, n°86. Dédicant : h( boulh_ [kai_ o( dh=moj], par l’intermédiaire du
curateur Dionysos ; date : entre 101 et 104. Cf. proconsul n° 29.
6
IKourion p. 167-171, n° 90 (sous Septime Sévère ?).
7
Mitford, OA 6 (1950) p. 68 n°37. Dédicant : [o( Kouri]e&?[w]n? [dh=]mo?j ; date : 113/4 ou 114/5. Cf.
proconsul n° 30.
8
IKourion p. 164-5, n°88. Peut-être doit-on dater son proconsulat du premier 2ème siècle. Cf proconsul
n° 32.
9
IKourion p. 165-167, n° 89. Cf. proconsul n° 57 (à la fin du 2ème siècle ou au début du 3ème siècle).
10
IGR III, 992, datée de la fin du 1er siècle avant notre ère. Cf. proconsul n° 47.
11
IGR III, 991 = ISalamine p. 56-57, n° 125. Dédicant : h( po&lij ? h( Sa]lamini&wn ; date : 122/3. Cf.
proconsul n°31.
58
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
A l’inverse, l’on sait que Cicéron refusa les honneurs des Chypriotes, qui voulaient ainsi
le récompenser parce qu’il avait renoncé au vectigal praetorium, avait limité les taux
d’intérêts, et avait fait venir son questeur dans l’île pour leur éviter de se déplacer sur le
continent1.
Quant au koinon, il honora à Paphos son patron [ ?] Vehilius, frère de deux
proconsuls de Chypre2. C’est probablement lui qui honore aussi le consulaire Claudius
Leontichus au milieu du 3ème siècle à Lapéthonte3.
Les honneurs venant de particuliers sont encore plus rares. On notera celui des
négociants romains de Paphos à M. Vehilius4, celui d’Aristokl[- - -] à T. Clodius Eprius
Marcellus sous Néron5, et enfin celui d’ Isidôros, fils de Markos, à un mystérieux
Celsus, dont il n’est absolument pas dit qu’il fût proconsul de Chypre6.
Seul un petit nombre de proconsul semble avoir entretenu des liens privilégiés
avec l’île, et pour aucun d’entre eux nous n’avons d’explications à ce sujet et devons
nous contenter de constater qu’ils effectuèrent plusieurs fonctions à Chypre. De même,
nous n’avons prouvé que pour deux proconsuls seulement l’existence d’une clientèle
chypriote. Honorer un proconsul en lui érigeant une statue n’était pas rare pour les cités
chypriotes, et ce sont les cités de Paphos et de Kourion qui sont les plus promptes à le
faire (ou du moins c’est là que l’on en a retrouvé le plus de traces). Dans l’ensemble, les
hommages venant de la part de cités, de particuliers ou même du koinon restent
1
Ad Atticum, V, 21, 7 : Ob haec beneficia quibus illi obstupescunt nullos honores mihi nisi verborum
decerni sino, statuas, fana, te&qrippa prohibeo, nec sum in ulla re alia modestus civitatibus. « Pour de
pareil bienfaits, qui les laissent muets d’étonnement, je ne permets pas qu’on me décerne d’autres
honneurs que verbaux : statues, sanctuaires, quadriges, je les interdis, et il n’est rien où je n’évite
d’ennuyer les cités.» (Traduction L.-A. Constans et J. Bayet).
2
I. Nicolaou, « Inscriptiones Cypriae alphabeticae IX (1969) », RDAC 1970, p.153 n°8 = M. Christol,
« Proconsuls de Chypre », Chiron 16 (1986), p.1-14.
3
Mitford, « New Inscriptions from Early Christian Cyprus”, Byzantion 20 (1950), p. 136-139, n° 10. Cf.
proconsul n° 59.
4
H. Seyrig, « Inscriptions de Chypre », BCH 51 (1927), p. 143-4 n°4, dont la lecture du nom du
proconsul (M. Uphilius) doit être corrigée en M. Vehilius.
5
Mitford, RDAC 1940-48 p. 1 n°1 (= AE 1956, 186). Cf. proconsul n° 21.
6
CIG 2645 = IKition p. 271 n° 2059. Cf. Mitford ANRW II 7-2, n° 50 p. 1304. Cf. proconsul n° 60.
59
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
vraiment peu nombreux et sont peu zélés dans leur formulation ; de plus, on ne connaît
que fort peu de proconsuls à avoir reçu un patronat de cité à Chypre (Paphos l’octroie à
L. Tarius Rufus et au fils de L. Pontius, et Salamine à Calpurnius Flaccus), en contraste
avec la situation en Achaïe. On notera que les cités érigèrent des statues aux proconsuls
surtout sous les règnes d’Auguste, dans les années 60 (Néron et Vespasien), sous Trajan
et Hadrien, puis de nouveau sous les Sévères.
II-4 Le proconsul et le pouvoir impérial
Les besoins de correspondre avec l’administration impériale à Rome étaient
limités par le manque d’importance géopolitique et économique de la province, ce qui
explique sans doute le peu de traces que nous en ayons conservées. Toutefois, le
proconsul était aussi le représentant du pouvoir central à Chypre, et avait à ce titre un
certain nombre de tâches à accomplir.
•
La correspondance entre le princeps et le proconsul
En tant que représentant du princeps dans la province, le proconsul devait
mener des tâches en son nom et donc forcément correspondre avec lui à ces fins. Cette
correspondance prenait des formes codifiées : on trouve donc les édits, des
«prescriptions d’ordre général qui se fondaient à l’époque républicaine sur l’imperium
du magistrat ou du gouverneur et qui étaient prises à l’époque impériale à l’initiative du
princeps avec la particularité d’être applicables à l’ensemble de l’Empire »1, mais aussi
des rescrits, qui sont des réponses écrites à des requêtes d’individus ou de collectivités,
qui ont une valeur jurisprudentielle, et enfin des mandata, que nous avons déjà décrits
plus haut2. Dans ce dernier mode de correspondance, il ne faut pas voir un code fixe car
le princeps pouvait sûrement envoyer des instructions même une fois le proconsul dans
sa province. Ces modes de communication témoignent dans leur formulation d’un esprit
de collaboration entre le princeps et le proconsul, plus que de hiérarchie, même si le
rapport de force sous-jacent est évident pour tous. Par ailleurs, le proconsul devait aussi
1
Hurlet, Le proconsul et le prince, p. 203, pour les autres définitions également.
2
Cf. II-1-A sur le déroulement de la profectio.
60
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
se faire l’écho des évènements de la province, qui on l’a vu, ne sont guère nombreux ni
graves.
On peut imaginer que dans les cas où l’empereur est intervenu dans la
nomination du gouverneur de Chypre1, la communication entre Rome et Chypre ait été
plus abondante, le princeps voulant suivre de plus près la cause l’ayant conduit à faire
cette nomination extraordinaire. Notons un autre cas d’intervention impériale dans la
carrière d’un proconsul de Chypre : il s’agit d’un proconsul inconnu, connu par CIL X
3761, qui passa directement du proconsulat de Chypre au consulat dans la 2ème moitié
du 2ème siècle, sans que l’on sache pourquoi2. L’un des obstacles à cette communication
devait incontestablement être l’éloignement géographique : il n’était pas rare que les
nouvelles provenant de Rome missent plusieurs mois pour parvenir à Chypre. On
imagine alors sans problème les difficultés rencontrées par un gouverneur, en poste
seulement pour un an, s’il avait besoin de plusieurs échanges épistolaires avec Rome
pour décider d’une affaire. Cela dut conduire à des prises d’initiative de la part du
proconsul, comme peut-être dans le cas du jugement sur le territoire de Cos3.
•
Le proconsul, représentant du princeps à Chypre
Ainsi, lorsqu’il agit au nom de l’empereur, le proconsul est introduit dans les
inscriptions par dia& ou per, « par l’intermédiaire de ». On trouve ce cas dans notre
corpus pour Q. Ser[---]4 ; pour [-] Milionus [- - -] et l’aqueduc de Soli5 ; pour L. Plotius
1
P. Paquius Scaeva, extra sortem ; notre légat impérial propréteur inconnu ; L. Gabo Arunculeius P.
Acilius Severus, proconsul designatus ; peut-être aussi Q. Seppius Celer. Cf. II-1-B sur l’intervention
impériale.
2
Cf.. P.M.M. Leunissen, « Direct Promotions from Proconsul to Consul under the Principate », ZPE 89
(1991), p. 231. Voir proconsul n° 49. Dans le même article, Leunissen explorait le cas de T. Clodius
Eprius Marcellus (cf. proconsul n° 21), qui passa peut-être lui aussi directement du proconsulat de Chypre
(mené entre 58 et 61) au consulat (en décembre 62), ainsi que celui de C. Calpurnius Flaccus, mais là
encore rien n’est sûr car cela dépend d’une restitution, et de si l’on identifie notre proconsul avec
l’homonyme qui fut consul sous Hadrien.
3
Patriarca, SPQR 3 (1932), p. 6, n° 3 (cf. proconsul n° 14).
4
Procos 18. A revoir ac le corpus (date, nom, pq inscription ?).
5
Cette inscription a connu de nombreuses propositions de restaurations ; je reprends celle qui me paraît la
plus probable, celle de M. Christol (« Proconsuls de Chypre », Chiron 16 (1986), p.1-14): [διὰ c. a. 6-7 l.]
Μειλιωνίου / [c. a. 8-9 l. ἀ]νθυπάτου. Sur la justification de la restitution de dia_, cf. Hurlet, Le proconsul
61
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
P[- - - ] et la route de Salamine vers Karpasia1 ; pour Q. Caelius Honoratus qui
supervisa la restauration du sanctuaire d’Apollon à Kourion pour Trajan2; pour [Ti.?]
Claudius Subatianus [Proculus ?]3 sur une borne milliaire près de Paphos ; pour Audius
Bassus sur plusieurs bornes milliaires bilingues4 ; peut-être aussi pour Q. Julius Cordus
(restauration par Néron du théâtre de Kourion ?)5 et [- - - ]gius Pate[r- - -] (réparation
par Trajan du toit de la piscine du gymnase de Salamine)6.
On notera une inscription de 217/8, où les noms de Macrin et Diaduménien sont
accompagnés par celui du proconsul Ti. Claudius Attalus Paterclianus sur un milliaire
près de Soli ; le nom du proconsul y est introduit par épi, comme pour une simple
datation, alors que pour tous les autres milliaires on trouve dia7. A l’inverse, on connaît
une inscription de Kérynéia de 43/4 où le nom de l’empereur est cette fois introduit par
épi (pour dater donc), tandis que le proconsul et son légat sont présentés comme les
auteurs de l’aqueduc de Kérynéia8. Par la suite, « on sait que dans le courant du 2ème
et le prince, note 281 p. 265 ; « [elle] ne fait aucun doute si l’on prend en compte que le nom du
proconsul est décliné au génitif et si l’on songe aux nombreux usages parallèles de cette préposition dans
les inscriptions sur lesquelles la mention du proconsul est associée au nom de l’empereur décliné au
nominatif ». Cf. proconsul n° 24, en fonction sous Néron.
1
per L(ucium) Plotium P[- - - - - - proco(n)s(ulem)] (CIL III 6732 = OA 6 (1950), p. 85-88 n°46 b). Cf.
proconsul n° 27.
2
IKourion p. 211-213, n°109 (cf. proconsul n° 29); cf. aussi Hurlet, Le proconsul et le prince, p. 266.
3
[per Tib(erum)] Cl(audium) Suḅatia(n)[um Proculum ? proco(n)s(ulem)] : même si la préposition est ici
restaurée, on peut en être sûr car l’on connaît de nombreuses autres bornes miliaires de la même époque.
Cf. proconsul n° 38.
4
IGR III, 967 ; Mitford, OA 6 (1950), p. 59-62 n°32 ; Mitford, JRS 29 (1939) n°1 ; JRS 29 (1939) n°5 ;
JRS 29 (1939) n°6 ; LBW 2806. Cf. proconsul n° 39.
5
Le problème est que dans la partie latine comme grecque de l’inscription la préposition est restituée. On
notera que là encore la restitution de Mitford est abusive : rien ne nous dit qu’il s’agisse d’une
restauration du théâtre de Kourion ; à vrai dire, rien ne prouve non plus qu’il s’agit véritablement de notre
proconsul, comme le souligne Haensch (Capita provinciraum, note 9 p. 579), puisque l’on a conservé de
son nom seulement [Q. I]ulium [Cordum]et [Iouli&ou K]o&rdou. Cf. proconsul n° 22. Peut-être IKourion
105 atteste cette restauration par le successeur de Julius Cordus, Annius Bassus.
6
ISalamine p. 21, n°38 : Là aussi la préposition est restituée. On ignore s’il était bien proconsul. Cf.
proconsul n° 53.
7
Mitford, JRS 29 (1939), p. 190/1, n°2. Cf. proconsul n° 42.
8
Mitford, OA VI (1950), p. 17, n°9. Ti&toj Komi&nioj Pro&kloj / [a)]nqu&patoj kai_ Ti&toj / [T]a?tih=noj
Sabei=noj / presbeuth_j kai_ / [a)n]tistra&thgoj / [ei)sh&ga]gan u3dwr...(“firent venir l’eau”). Cf.
proconsul n° 19.
62
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
siècle p. C., le pouvoir impérial finit par détenir dans ce domaine une compétence
directe qu’il déléguait aux proconsuls lorsque l’intervention avait pour cadre territorial
une province publique »1. Une inscription de Kourion détaille plus précisément le
partage des tâches entre le princeps et le proconsul2 : en effet, Trajan « a construit les
deux exèdres » du temple d’Apollon, tandis que le proconsul Q. Laberius Iustus
Cocceius Lepidus a géré les travaux et a assuré la consécration une fois ceux-ci
terminés (th=j kataskeuh=j e)pemelh&qh kai_ kaqie&rwsen).
On voit donc que le proconsul est présenté comme intermédiaire du princeps
dans le cas de bornes milliaires, d’aqueducs, ou de restauration de monuments publics :
en effet, le pouvoir impérial monopolise progressivement la capacité à intervenir sur les
routes et les aqueducs et finance de nombreuses restaurations.
•
Dédicaces du proconsul à l’empereur
Dans notre corpus, nous trouvons quelques inscriptions dans lesquelles le
proconsul honore le princeps ou la famille impériale. Un dossier fort complexe est ainsi
constitué par [Q. Mar]cius [Hor]tensinus, qui dut offrir une statue à Tibère à
Palaipaphos3 et faire une dédicace à Tibère et Livie dans le sanctuaire de Zeus à
Salamine4. M. Corbier, qui a analysé en détail ce cas5, explique cela par une volonté de
s’attirer la faveur de Tibère, qui pour une raison inconnue, semblait nourrir une inimitié
envers la famille de ce proconsul6. On notera aussi l’emphase de l’hommage rendu par
Antistius Sabinus aux Tétrarques7. On hésitera à classer dans cette partie la dédicace
bilingue à Tibère trouvée à Salamine8, car s’il est clair que le dédicant était un officier
romain du nom de L. Mar[- - -], rien ne nous dit avec certitude qu’il fut proconsul9.
1
Cf. Hurlet, Le proconsul et le prince, p. 285.
2
IKourion p. 207-211, n°108. Cf. proconsul n° 28 et aussi Hurlet, Le proconsul et le prince, p. 266.
3
IGR III 944. Cf. proconsul n° 16.
4
ISalamine 148.
5
Cf. notamment « Tibère, Livie et la divinité « invincible » », dans L’Afrique, la Gaule, la religion à
l’époque romaine, p. 687-709.
6
A revoir une fois corpus revu.
7
ISalamine, n° 151 et 152 ; ISalamis, n°130 et 131.
8
J. Marcillet-Jaubert, Colloque Salamine, p. 289-92 (= SEG 30 (1980), 1645). Cf. proconsul n° 11.
9
Une idée, émise par Marcillet-Jaubert, était de l’identifier au proconsul [L. T ?]arius Rufus de IGR III
952.
63
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Enfin, les proconsuls de Chypre pouvaient être amenés à consacrer pour les
cités des statues et autres honneurs aux empereurs. Ainsi, C. Lucretius Rufus, dont on
pense qu’il fut proconsul, consacra une statue de Salamine pour Tibère1. De même, on
sait que la cité de Kourion érigea une statue de Néron, dont l’argent fut donné par le
proconsul Julius Cordus (on ignore comment comprendre exactement ce point) mais
dont la dédicace fut effectuée par son successeur L. Annius Bassus2. Quant à L. Bruttius
Maximus, proconsul en 80/1, il fut amené à consacrer un temple doté d’un péristyle à
Aphrodite et à Titus3. En 210/1, le proconsul Julius Fronto Tlepolemus et le curateur de
Paphos Helianus Polybianus consacrèrent une statue de Caracalla, d’une valeur de 500
deniers4.
La communication entre le proconsul et le pouvoir impérial n’était donc pas
facile, ce qui devait amener le gouverneur à plus d’autonomie, lui laissant une
indépendance toutefois limitée dans la mesure où il n’y eut que fort rarement de grandes
décisions à prendre. Dans une bonne partie des inscriptions, le proconsul est présenté
comme l’intermédiaire entre provinciaux et pouvoir impérial, et c’est probablement
avant tout en tant que tel qu’il était perçu par les Chypriotes. Cela l’amenait donc à
consacrer des hommages des cités aux empereurs. Dans les rares cas de dédicaces
personnelles du proconsul, il s’agissait toujours de se faire bien voir par le princeps, soit
parce que ce dernier tenait le gouverneur en mauvaise considération (Q. Marcius
Hortensinus), soit parce qu’il s’agissait de témoigner de sa fidélité envers celui (ou
ceux) qui décidait désormais pleinement de l’avenir du gouverneur (Antistius Sabinus).
Le proconsul de Chypre n’était donc pas laissé à lui-même pour remplir sa
mission : il était accompagné d’autres fonctionnaires romains, peu nombreux, et pouvait
également s’entourer de quelques membres de sa famille, pour son confort personnel,
1
CIL III, 12104. Cf. proconsul n° 15.
2
IKourion, p. 153-7, n° 84. Cf. proconsuls 22 et 23.
3
Mitford, “Religious documents from Roman Cyprus”, JHS 66 (1946), p. 40-42, n°16. Cf. proconsul n°
26. Il est étonnant qu’aucune institution civique ne soit mentionnée dans cette inscription, par ailleurs
bien conservée : doit-on y voir une initiative personnelle du proconsul ?
4
Seyrig, BCH 51 (1927), p. 139 n°3.
64
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
ou pour contribuer à former à la carrière sénatoriale ses parents. Par ailleurs, le pouvoir
impérial, théoriquement sans possibilité d’intervention (puisqu’il s’agit d’une province
sénatoriale), a pu prendre part à l’administration de l’île, que ce soit au niveau de la
nomination ou même pendant le proconsulat par l’entremise d’une communication avec
le gouverneur ; dans l’ensemble, cela ne se produisait que rarement, et le proconsul de
Chypre restait assez libre. Le contraste le plus frappant avec les proconsuls d’Achaïe est
peut-être l’absence de liens entre les proconsuls et Chypre : nous n’avons ici que de
rares cas de familles ayant peut-être des liens de clientélisme avec les Chypriotes, ou
qui semblent avoir tenu à effectuer des promagistratures sur l’île. Cette distance est
également valable dans l’autre sens car les Chypriotes semblent avoir honoré les
proconsuls presque par obligation1, et non par véritable enthousiasme. En effet, il y a
peu de formules honorifiques (dans la majorité, il y a seulement le nom du proconsul),
et celles-ci sont surtout pour remercier de la bienveillance (eunoia) ou de la probité du
proconsul (agnéia) : on est loin des formules enflammées des cités d’Achaïe. Dernier
point, en tant qu’intermédiaire entre les provinciaux et Rome, le proconsul était amené à
consacrer les dédicaces des cités aux empereurs.
1
Attention, il ne s’agit pas de croire que des proconsuls auraient obligé des cités à leur rendre hommage ;
il faut plutôt envisager que les cités voulaient bénéficier d’une aur positive auprès de la personne honorée
(cela peut-être entre autres dans l’espoir d’un jugement favorable, oubien en remerciement d’une attitude
respectueuse…). D’ailleurs, les remplois de statues sont légion.
65
Les gouverneurs de Chypre
III-
TYPOLOGIE
M2 Histoire
DES
INTERVENTIONS
DU
GOUVERNEUR
Examinons maintenant les cas connus d’interventions du proconsul de Chypre,
afin de cerner au mieux en quoi consistait son activité.
III-1 Le proconsul, premier juge de la province
III-1-A Le système judiciaire à Chypre
On considère que l’exercice de la justice constituait l’essentiel de la tâche des
proconsuls : en effet, la cour de justice du gouverneur était l’instance d’appel des
tribunaux civiques. Mais comme les tribunaux locaux avaient en général mauvaise
réputation, on préférait recourir directement au proconsul, a fortiori les citoyens
romains et les notables qui avaient plus de chances d’accéder à la justice engorgée de
proconsul grâce à leur statut. C’est justement à cause de cette surcharge des assises
provinciales que le gouverneur pouvait renvoyer l’affaire à un juge qu’il désignait ou à
un jury provincial au lieu de la juger lui-même.
•
Une justice mobile
Une grande particularité de la justice proconsulaire est qu’elle se déplaçait. En
effet, le gouverneur traversait sa province et s’arrêtait dans les principales cités (les
conventus)1 afin d’y rendre la justice. Les conventus avaient également pour fonction
d’afficher les décisions du proconsul (ou celles de l’empereur) ainsi que probablement
celle de les archiver. On pense qu’ils avaient encore une importance financière (levée
des taxes), et peut-être aussi jouaient-ils un rôle particulier dans le recrutement des
soldats ou la frappe de monnaie.
1
Le terme de conventus peut désigner la cour de justice mais aussi le district. Dans cette dernière
acception, il est traduit en grec le plus souvent par h( dioi&khsij (mais cela représente alors non seulement
la zone géographique et administrative, mais aussi la population qui y vit). Quoi qu’il en soit, seul
l’empereur pouvait attribuer le statut prestigieux de conventus à une cité.
66
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Le but de ce système de justice mobile était de permettre au gouverneur et à son
équipe de mieux maîtriser la province dont ils avaient la charge1, mais aussi de rendre la
justice du gouverneur plus accessible à tous, et donc d’imposer dans les faits la justice
de Rome sur la justice locale. C’est dans cette dernière visée que Cicéron avait envoyé
son questeur sur l’île : comme il l’écrit lui-même, il faut éviter aux provinciaux d’avoir
à se déplacer sur le continent pour recevoir la justice proconsulaire2. Chypre était alors
un conventus de la province de Cilicie3. Enfin, on remarquera que dans ce cas précis,
Cicéron ne parle pas vraiment des Chypriotes dans leur ensemble mais plutôt des
citoyens romains présents sur l’île. Cela montre que si, en théorie, la justice du
proconsul est accessible à tous les provinciaux, dans la pratique, cela reste avant tout
réservé aux quelques citoyens romains et à l’élite locale.
•
Le conventus de Paphos
Haensch, qui a étudié les indices permettant d’en savoir plus sur le système de
conventus à Chypre4, pense que dès le proconsulat de M. Vehilius5 Chypre était divisée
en conventus. De fait, on a retrouvé une inscription honorant ce gouverneur dont le
dédicant est cives R(omani) / Paphiae diocen(seos)6 : dans ce dernier terme, il faut
reconnaître h( dioi&khsij (génitif
dioikh&sewj), l’équivalent grec de conventus. Il
s’agirait donc d’une preuve que Paphos constituait un district administratif de la
province de Chypre, même si pour Mitford il faudrait plutôt comprendre dans ce terme
une association des négociants romains de Paphos.
1
De fait, l’administration des provinces de l’empire se faisait à partir d’un petit nombre d’hommes, d’où
le besoin de « ratisser » ce territoire.
2
Cicéron, Ad Atticum, V, 21, 6 : « j’ai envoyé Q. Volusius, gendre de ton ami Tibérius, homme de
confiance et qui est de plus d’une admirable honnêteté dans l’île de Chypre, pour très peu de temps : c’est
afin que les quelques citoyens romains qui y font du commerce ne puissent dire qu’on ne leur a pas rendu
la justice : car d’appeler des habitants de Chypre devant un tribunal extérieur à l’île, cela n’est pas
permis. » (Traduction L.-A. Constans et J. Bayet).
3
Cf Sartre, Le Haut-Empire romain, p. 262 et Haensch, Capita Provinciarum, p. 577.
4
Haensch, Capita Provinciarum, p. 263/7 et p. 577-582.
5
Que l’on hésite à dater de l’époque républicaine ou de peu après 22 a. C. Cf. proconsul n°5.
6
H. Seyrig, « Inscriptions de Chypre », BCH 51 (1927), p. 143-4 n°4. Cf. Haensch p. 577, qui justifie
l’emploi d’un terme grec latinisé : dans un contexte où la très grande majorté de la population utilise un
terme grec pour désigner une institution, il est normal que les citoyens romains présents utilisent le même
terme.
67
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Haensch considère que l’indice le plus important concernant le lieu de résidence
à Chypre du proconsul est l’extrait des Actes des Apôtres dans lequel St Paul rencontre
le proconsul L. Sergius Paullus à Paphos1 ; toutefois, cela ne prouve pas formellement
que Paphos était un siège de conventus, mais simplement que l’on pouvait y rencontrer
le gouverneur. Quant aux titres de Paphos, ils ne nous aident guère : en effet, l’on sait
que la cité adopte le titre de Sébastè suite au tremblement de terre de 15 a. C., mais l’on
ne connaît son titre complet (« la métropole sacrée des cités de Chypre ») que sous les
Sévères2 : on ignore donc quand le titre de métropole lui fut octroyé. Curieusement,
Salamine semble avoir porté le même titre, du moins sous Hadrien, mais nous ne
pouvons pas expliquer cela en l’état actuel des sources3. Le problème est aussi de savoir
ce que l’on entend par métropolis : sûrement n’est-ce là qu’un titre honorifique général,
sans véritable sens administratif, mais l’on ne saurait l’affirmer avec certitude4.
S’il n’y a pas particulièrement plus d’inscriptions à Paphos qu’à Salamine ou
qu’à Kourion, nous avons d’autres indices. Tout d’abord, c’est tout de même de là que
provient la seule inscription de notre corpus dont le dédicant est le koinon de Chypre5.
On a également trouvé à Paphos une inscription mal conservée, qui est probablement
une dédicace à Tibère et Livie de la part du proconsul Q. Marcius Hortensinus6. C’est ce
même proconsul qui sert à dater une autre inscription de Palaipaphos, sûrement une
dédicace de la cité à Tibère7. Sans-doute est-ce dans le même but que Titus Caesernius
1
Actes des Apôtres, 13, 4-12. Voir Haensch, p. 263 sq. Cf. proconsul n° 20.
2
Sebasth_ Kl(audi&a) Fl(aui&a) Pa&foj h( i(era_ mhtro&polij tw=n kata_ Ku&pron po&lewn ; titre attesté
par plusieurs bornes milliaires : IGR III, 967 (cf. proconsul n° 39) ; Seyrig, BCH 51 (1927), p. 139 n°3 (cf.
proconsul n° 40) ; IGR III, 947 (cf. proconsul n°56).
3
Il faut prendre avec des pincettes l’explication de Mitford, qui voyait la preuve d’une rivalité qu’il
voulait vive entre Salamine, cité soi-disant restée hostile aux romains, ancienne capitale déchue, et
Paphos, la privilégiée du nouveau pouvoir. Cependant, ses arguments sont toujours discutables, comme le
souligne Haensch p. 264.
4
Pour Haensch, il faudrait plutôt y voir une explication liée au prestige local des grands sanctuaires :
Aphrodite à Paphos et Zeus à Salamine.
5
6
I. Nicolaou, « Inscriptiones Cypriae alphabeticae IX (1969) », RDAC 1970, p.153 n°8, cf. proconsul n°5.
CIL III 12105 + fragment découvert en 1974 et publié dans ISalamine 148. Cf proconsul n° 16.
Toutefois cela reste très incertain, comme le souligne Haensch (Capita provinciarum, p. 577, note 1) :
„Daß CIL III 12105 = ISalamine 148, cf AE 1991, 1570 von einem Statthalter gestiftet wurde, bleibt ganz
unsicher“.
7
IGR III 944 = AE 1991, 1568. Cf proconsul n° 16.
68
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Statianus Quinctianus est cité dans une dédicace de la cité à Caracalla1. Un autre indice
est constitué de l’hommage de la cité à son patron, Lucius Pontius Alifanus, fils du
proconsul2. De plus, Iulius Fronto Tlepolemus a consacré avec le curateur de Paphos
une statue de Caracalla élevée par la cité3.
Sans élément décisif, on se contentera donc d’écrire que Paphos était très
probablement la capitale de la province, siège du koinon provincial et résidence du
proconsul lorsqu’il n’était pas en tournée des autres conventus.
•
Les autres sièges de conventus4
A l’époque ptolémaïque, les quatre chefs-lieux des divisions administratives de
Chypre étaient Salamine, Paphos, Amathonte et Lapéthonte5 ; cette division s’est
probablement maintenue lors de l’annexion romaine6.
On a retrouvé à Lapéthonte une inscription dans laquelle tous les représentants
du pouvoir impérial à Chypre sont nommés (« sous Lucius Axius Naso, proconsul,
Marcus Etrilius Lupercus, son légat, et Caius Flavius Figulus, questeur »)7 : cela
suggère donc que Lapéthonte fut une étape dans la tournée des conventus du proconsul
et de son équipe.
Pour Amathonte, c’est plus délicat puisque l’on a retrouvé une dédicace d’un
proconsul (ou procurateur, du nom de Crepereius) à Aphrodite, mais il pourrait fort bien
s’agir d’une initiative personnelle, vu la célébrité du sanctuaire8. L’on sait aussi que L.
Bruttius Maximus y consacra un temple à Titus : on peut penser que ce fut à l’occasion
du passage à Amathonte9, mais là aussi il pourrait être question d’une initiative
personnelle puisqu’aucune institution civiques n’est nommée.
1
IGR III, 947. Cf proconsul n° 56.
2
Mitford RDAC (1940-1948) p. 6, n°2 (cf proconsul n° 25).
3
H. Seyrig, « Inscriptions de Chypre », BCH 51 (1927), p. 139-143, n°3 (cf proconsul n° 40).
4
Je reprends là aussi l’étude de Haensch (Capita Provinciarum, p. 577 sq), avec les mêmes critères que
pour Paphos.
5
Ptolémée, Géographie, V, 13, 5.
6
Mitford, ANRW II 7-2, note 24 p. 1294. Le seul historien à ne pas être d’accord avec cette supposition
est Jones (The Cities of the Eastern Roman Provinces, Oxford, 1971, p. 488 note 9).
7
IGR III 933. Cf. Haensch p. 266.
8
Le Glay, Centre d’études chypriotes VI, 1986, p. 27-34 (= AE 1986, 692).
9
Mitford, “Religious documents from Roman Cyprus”, JHS 66 (1946), p. 40-42, n°16. Cf. proconsul n°
26.
69
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Quant à Salamine, un légat impérial propréteur procéda peut-être à un ajout ou
à une restauration sur le forum1. Par ailleurs, C. Lucretius Rufus y honora Tibère, mais
il n’est pas sûr qu’il fut proconsul2. De même, on y connaît une dédicace à Tibère d’un
certain L. Mar[- - - ]3. Enfin, c’est ici que furent gravées les nombreux hommages aux
Tétrarques par Antistius Sabinus, à la fin du 3ème siècle4. C’est peut-être un proconsul,
dont le nom est mal conservé, qui se chargea de réparer le toit de la piscine du gymnase
de la cité5. Un proconsul, C. Calpurnius Flaccus, est également cité pour dater, dans une
dédicace de la cité à Hadrien6
A Kérynéia, un proconsul a consacré un aqueduc7, tout comme à Soli8. A
Kition, un proconsul est cité pour dater une dédicace du curateur à Julia Domna9.
De nombreuses inscriptions mentionnant le proconsul furent trouvées à Kourion.
Mais elles concernent des interventions sur des monuments publics10 ou des honneurs
décernés aux empereurs11 : ce sont des conditions normales d’intervention du proconsul,
et cela ne suffit pas à déduire que Kourion fut un conventus, d’autant plus que la cité
était tout de même réputée grâce à son sanctuaire d’Apollon Hylates, incitant donc le
gouverneur à y intervenir plus facilement. Il y a également une inscription autorisant
une dépense de la cité pour paver la route, mais cela n’est pas plus probant12, tout
1
ISalamine p. 21, n°37.
2
CIL III, 12104, cf. proconsul n° 15.
3
J. Marcillet-Jaubert, Colloque Salamine, p. 289-92
4
Cf. proconsul n° 45.
5 ISalamine p. 21, n°38 (cf proconsul n° 53).
6 ISalamine p. 62-63, n° 140. Cf proconsul n° 31.
7
Mitford, OA VI (1950), p. 17, n°9 (cf proconsul n° 19).
8
M. Christol, « Proconsuls de Chypre », Chiron 16 (1986), p.1-14 (cf proconsul n° 24).
9
IGR III 977. Cf proconsul n° 41.
10
Dans ce cas, le proconsul joue le rôle de représentant du princeps à Chypre (cf aussi Hurlet, Le
proconsul et le prince p. 266 sq). Ainsi, les deux exèdres du sanctuaire restaurées par Q. Laberius Iustus
Cocceius Lepidus (IKourion 108, cf proconsul n° 28) ; la supervision de la construction des bains par Q.
Caelius Honoratus (IKourion p. 214-215, n°110 ; cf proconsul n° 29) ; le pavement de la route du
sanctuaire par Q. Seppius Celer M. Titius Sassius Candidus (IKourion 111, cf proconsul n° 30) ;
11
IKourion 84 (cf. proconsuls n° 22 et 23). En revanche, il est beaucoup plus incertain que Q. Caelius
Honoratus soit intervenu dans la restauration de la porte de la cité (IKourion 109).
12
IKourion 111, cf. proconsul n° 30.
70
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
comme le fait de citer le proconsul pour dater1. Toutefois, il me semble qu’un indice
important est celui de la malédiction portée contre le gouverneur Théodoros à la fin du
3ème siècle, et trouvée à Kourion2 : comme la raison en est que le jugement que
Théodoros n’a pas plu à son auteur, on pourrait penser que le verdict a été rendu dans la
cité de Kourion. Cela reste à l’état d’hypothèse dans la mesure où l’on pourrait tout
aussi bien envisager qu’Alexandros, celui qui jeta le sort, habitait à Kourion, mais
s’était déplacé pour rencontrer le gouverneur et son tribunal au conventus le plus
proche. Je soulignerais quand même la probabilité qu’à l’époque romaine Kourion ait
supplanté Amathonte comme siège de conventus, d’autant plus que la proximité
géographique des deux cités n’aurait pas bouleversé le reste de l’organisation : Paphos à
l’ouest, Lapéthonte au nord, Salamine à l’est, Kourion au sud.
III-1-B Une tâche peu importante à Chypre, province tranquille
A Chypre, les témoignages de l’activité judiciaire du gouverneur sont
extrêmement rares, contrairement à ce que l’on avait pu observer pour l’Achaïe.
•
Conflits de frontières : le règlement d’A. Didius Postumus en faveur de Cos
Ainsi, nous n’entendons parler d’aucun conflit entre cités, si ce n’est celui
impliquant la cité égéenne de Cos. Le proconsul Aulus Didius Postumus (en charge
sous les premiers Julio-Claudiens, peut-être sous Claude) est en effet remercié par la
cité pour avoir assuré une restauration de son territoire à Chypre et préservé ainsi ses
droits3. Il semble que le territoire « sacré et public » de Cos à Chypre ait été accaparé
par des individus, et que le proconsul aurait rendu ses terres à la cité par un jugement.
Ce qui est le plus étonnant dans cette inscription, c’est que Cos ait pu posséder des
terres à Chypre : il s’agissait probablement d’un téménos, mais difficile d’en dire plus,
1
Comme dans le cas d’Annius Bassus et de l’entrée du sanctuaire (IKourion p. 199-200, n° 105, cf
proconsul n° 23).
2
IKourion p. 253-255, n°130 (cf gouverneur n° 44).
3
G. Patriarca, “Iscrizioni dell’Asclepieo di Coo’, Bullettino del Museo dell’Impero Romano, dans SPQR
3 (1932), p. 6, n° 3. Au]lon Di&dion Po&stomon a)nqu&paton / Ku&prou, a)ntilabo&menon ta=j i(era=j kai_
/
damosi&aj a(mw=n e)n Ku&prwi xw&raj kai_ pr[o]-/no(a)qe&nta tw=n ta=j po&lioj dikai&wn. (« A Aulus
Didius Postumus, proconsul de Chypre, qui s’est occupé de nos terres sacrées et publiques à Chypre, et
qui a rendu justice à la cité »).
71
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
que ce soit sur la localisation à Chypre ou sur les raisons de cette possession1. Il est
remarquable que la seule attestation que nous ayons d’un conflit de frontières à Chypre
implique une cité étrangère à l’île. On peut penser qu’à l’occasion de ce procès le
proconsul ait dû en référer au princeps, dans la mesure où deux provinces différentes
étaient concernées ; il est pourtant étonnant qu’aucune mention ne soit faite du
princeps ; peut-être cela s’explique-t-il par une datation haute, dans laquelle le pouvoir
impérial ne se serait pas encore imposé partout, surtout dans le cas d’affaires mineures
comme celles-ci, à moins que ce ne soit les difficultés à communiquer avec Rome qui
aient amené le proconsul à prendre l’initiative de régler seul ce conflit.
•
Conflits entre particuliers : le gouverneur Théodoros, maudit par
Alexandros
A Kourion vers 1890 furent trouvées dans un puits abandonné, en compagnie
d’os humains, de nombreuses tablettes de défixion en plomb contenant des imprécations
d’individus contre leurs ennemis devant la justice, datées de la fin du 3ème siècle. Parmi
elles, on trouve la malédiction d’un certain Alexandros Mazomachos, dit Makedonios,
envers Théodoros, qualifié plusieurs fois de o( h(gemw_n2, et envers Timôn, qui devait être
son adversaire au procès. Notre gouverneur a dû rendre un verdict contraire aux intérêts
d’Alexandros, qui le maudit avec son adversaire.
Cette tablette de défixion s’inscrit dans une multiplication de ce type de
pratiques à l’échelle de l’Empire, et qui fleuriront notamment au 4ème siècle : « un texte
magique était gravé sur un papyrus, sur une plaquette de bois ou de métal, de plomb
surtout, lors de cérémonies mystérieuses, puis déposé dans une tombe ou dans un puits.
On voit alors ce que recherchaient les mentalités populaires. »3
1
Cette inscription a notamment été étudiée par S. M. Sherwin-White (“A Coan Domain in Cyprus”, JHS
95 (1975), p. 182-184). Il souligne que c’est d’autant plus difficile à comprendre que l’on ne connaît
aucun contact entre les deux îles auparavant. Quant à la nature de la possession de Cos, elle devait être de
statut double, sacrée et publique (“The unnecessary repetition of the article in this phrase suggests that the
land was technically of two different kinds”). L’historien explique cette possession loin des terres
habituelles de Cos par un don de Rome, pour des raisons inconnues, peu après l’annexion de Chypre.
2
Ce terme signifie littéralement le « seigneur », mais aussi terme utilisé au 3ème siècle pour désigner les
gouverneurs de province. Cf. L. Macdonald, « Inscriptions relating to Sorcery in Cyprus », Proceedings
of the Society of Biblical Archaeology, 13, p. 160-190 = IKourion p. 253-255, n°130.
3
Le Glay et alii, Histoire romaine, p. 509.
72
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Le faible nombre de documents que nous ayons sur le proconsul comme premier
juge de la province est en lui-même significatif de sa faiblesse : cela atteste d’une part la
tranquillité de la province, d’autre part, l’efficacité et l’importance de la justice locale
(au niveau des cités). Il faut voir une trace indirecte de l’activité judiciaire des
proconsuls dans IGR III 952, où le peuple de Paphos honore, entre 22 et 16 a. C., le
proconsul Lucius Tarius Rufus pour son sens de la justice (dikaiosu&nhj xa&rin)1 et
dans IGR III, 992, où un proconsul dont le nom n’a pas été conservé est honoré par le
conseil de Salamine pour son intégrité et sa justice ([a(]gnei&aj kai_ dikaiosu&nhj
xa&[rin])2. Il est remarquable que les seules attestations que nous ayons concernent le
tout début du Principat ou au contraire la fin du 3ème siècle. Quelles conclusions faut-il
en tirer ? Difficile de répondre à cette question, car cela pourrait être simplement une
fausse impression, due à l’état lacunaire des sources.
III-2 Le rôle financier du proconsul
III-2-A Au niveau provincial
Les finances de la province étaient gérées par plusieurs personnes : le questeur,
désigné par le sénat pour s’occuper de la gestion financière globale3, et le procurateur
qui s’occupait de l’assiette de l’impôt, en plus de la gestion des mines, principale
richesse de l’île. Les impôts qui touchaient Chypre étaient directs et indirects. Parmi les
premiers, on trouve le tributum soli (impôt foncier), le tributum capitis (impôt par
personne) ainsi que l’or coronaire (sorte d’impôt irrégulier versé à l’empereur). Les
seconds comprenaient notamment les taxes sur la vente d’esclaves et sur les héritages,
ainsi que les douanes et d’autres impôts variés. Il ne semble pas que les cités chypriotes
1
Cf. proconsul n° 11.
2
Cf. corpus n° 47.
3
On rappellera ici la mission particulière du questeur Sextilius Rufus, qui fut envoyé peu de temps après
l’annexion de l’île pour mener à bien des réformes. Pour Marshall (“Cicero's Letter to Cyprus”, Phoenix
18, No. 3 (1964), pp. 214/5), il fut envoyé par le proconsul de Cilicie pour appliquer les réformes de
César au système de taxation à Chypre. Cette réforme, datée de 48 ou 47 BC, donne la charge de collecter
le tribut non plus à l’administration romaine mais aux publicains ; le respoinsable romain au niveau
provincial devait alors être le questeur. Elle fut appliquée à coup sûr en Asie, mais on ignore si elle le fut
aussi dans d’autres provinces orientales. Si l’on accepte la datation classique de 47 a. C. pour la questure
de Sextilius, il aurait donc été le 1er questeur chargé de cela.
73
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
connaissaient la même situation d’endettement que de nombreuses autres cités du
monde grec ; le seul témoignage que l’on ait en ce sens est celui de l’endettement de
Salamine auprès de riches romains, au tout début de la domination romaine, qui
conduisit au siège tragique du conseil civique1. Cet épisode montre également que le
gouverneur pouvait prendre des mesures financières à un niveau provincial : Cicéron
fixa ainsi le taux d’intérêt des prêts à 12% maximum, suite à la dette à 48% contractée
par Salamine auprès du gendre d’Appius Claudius Pulcher, prédécesseur de Cicéron au
proconsulat de Cilicie-Chypre (53-51 a. C.)2.
Une des tâches financières les plus importantes que le proconsul de
Chypre avait à accomplir au niveau provincial se situe dans la frappe de monnaie3. Les
dernières frappes à Chypre (Salamis et Paphos), avaient cessé en 91/90 a. C. A Paphos,
elle avait déjà repris dans les années 40 avant notre ère, avec une frappe de bronze
représentant Cléopâtre et son fils Ptolémée XV Césarion. Sous Auguste, la frappe
reprend à nouveau et l’on connaît quelques émissions lancées par des gouverneurs de
Chypre. Ainsi, Aulus Plautius, proconsul en 21 a. C. ou peu après, a probablement émis
des monnaies pour célébrer le passage de Chypre au statut de province publique4. Il y en
a deux types : le premier représente le temple d’Aphrodite à Paphos5 ; la déesse est
placée entre deux candélabres dans le temple, et au bas de celui-ci on voit un bassin
demi-circulaire. Ce type a connu une production beaucoup plus large que le second type
puisque l’on connaît au moins 8 coins (pour 44 pièces). Le second montre la statue de
Zeus à Salamine6, représenté debout et de face, portant un chiton et un himation, un
phiale dans la main droite, et son sceptre dans la gauche, avec un aigle perché sur son
poignet ; on ne connaît que 2 coins pour 15 pièces. Ces deux types se maintiennent au
fil du temps. Dans les deux cas, sur l’avers on trouve un portrait d’Auguste avec la
1
Cf. I-2-C.
2
Mettre réf de Cicéron.
3
Cf. Hill, Catalogue of the Greek Coins of Cyprus in the british museum (1964) et Burnett, Amandry et
Ripollès, Roman provincial coinage (1992), p. 576-580.
4
5
Cf. M. Grant, From Imperium to Auctoritas, p. 143-5 n°5.
H. Cohen, Description historique des monnaies frappées sous l’Empire Romain I2 (1880), p. 163
n°784 = RPC n° 3906. Cf. proconsul n° 8. Pour l’analyse détaillée de la représentation du sanctuaire de
Paphos, cf Hill, Coins, p. CXXVII-CXXXIV.
6
Borghesi, Œuvres complètes de Bartolomeo Borghesi, 2 (1864) p. 21-22 = RPC n° 3907.
74
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
légende IMP(erator) CAESAR DIVI F(ilius), tandis que le revers comporte la légende
A(ulus)PLAUTIUS PROCO(n) S(ul). Ces deux types pourraient indiquer, selon Grant,
l’existence de deux ateliers de frappe sur l’île ; si tel était le cas, ils furent réunis de
toute façon sous Tibère. Par la suite, on ignore où était situé l’atelier, même si ce serait
logique à Paphos.
Un nombre assez important de pièces d’époque impériale fut trouvé à Chypre,
mais dans l’ensemble elles ne nous apprennent pas grand-chose sur les gouverneurs de
l’île, d’autant plus que des erreurs de lecture ont souvent été commises, nous conduisant
à revoir à la baisse le bilan de l’apport numismatique pour notre sujet1. Sous Claude,
apparaît la frappe du koinon ; à la même époque, un proconsul bat monnaie. On a en
effet trouvé des monnaies (probablement un as) associant T. Cominius Proculus
(proconsul en 43/4) et le koinon chypriote2 : sur l’avers, on trouve la légende: TI(berius)
CLAUDIUS CAESAR AUG(ustus) P(ontifex) M(aximus)TR(ibunicia) P(otestate).
En 76/7, sous Vespasien, la frappe d’Antioche fut transférée à Chypre, sans que
l’on sache vraiment pourquoi. On sait qu’en 77/8 Chypre fut dévastée par un autre
tremblement de terre. Hill avait imaginé de déplacer cette date d’un an pour la faire
correspondre au début de la frappe de Vespasien, qui aurait transféré l’atelier à Chypre
afin d’aider l’île par les retombées que cela pouvait apporter3. Bruno Helly, qui a étudié
en détail ce transfert de la frappe, propose une autre explication : on n’a aucune raison
de douter de la date du séisme ; celui-ci expliquerait la rareté de la frappe datée de la
10ème année de Vespasien (78/9), ainsi que la grossièreté de l’émission suivante (ateliers
atteints, manque de personnel...) ; enfin ce serait aussi la raison de l’arrêt de la
production et du retour à Antioche en 80/814. Si l’on ignore toujours la cause exacte du
1
On citera ainsi un pseudo proconsul M. Verg. (= n° 13 de la liste de Mitford dans ANRW II 7-2, p.
1300 ; cf. corpus n° 70), qui provient d’un faux publié par Borghesi ou d’une erreur de lecture (cf. RPC p.
577 n°1). Même chose pour Q. Am[---] Quinti[---] (= n° 12 de la liste de Mitford dans ANRW II 7-2, p.
1300, cf. corpus n° 69) : il s’agit d’une mauvaise lecture de Grant (From Imperium to Auctoritas, p. 1434), qu’il corrigea lui-même en 1949.
2
= RPC n° 3932 et 3933. Cf. proconsul n° 19.
3
Hill, Coins, p. CXXIII.
4
Cela a été étudié en détail par Bruno Helly (« Monnaies de Vespasien frappées à Chypre », dans
Colloque Salamine, p. 293-311), qui s’est basé notamment sur la découverte en 1974 de 26 monnaies de
Vespasien à Salamine.
75
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
déménagement de 761, il n’en reste pas moins que ce devait être pour favoriser
économiquement Chypre2. On notera qu’il semble probable que Salamine ait participé à
la frappe d’argent à cette époque, même si Paphos devait avoir conservé son atelier.
Sous les Sévères, le type du Zeus de Salamine disparaît pour être remplacé par
une couronne portant le nom de Julia Domna ou encore Caracalla sur un cheval. C’est
sous le règne de Caracalla et Géta que sont attestées les dernières frappes impériales à
Chypre.
III-2-B Intervention dans les cités
Chargé de l’état des lieux complet des finances des cités dont il était
responsable, le proconsul pouvait intervenir directement, même si cela ne semble pas
avoir été très courant à Chypre. Cela pouvait s’effectuer à la demande du princeps, de la
cité elle-même ou d’une partie intéressée, comme sur sa propre initiative. Pour rétablir
l’équilibre, il pouvait interdire des dépenses somptuaires ou au contraire chercher des
revenus pour la cité. Tout cela s’inscrit dans une volonté d’éviter l’endettement excessif
et chronique des cités, qui n’était pas dans l’intérêt de Rome, ne serait-ce que pour
permettre le paiement des taxes.
Ainsi, le proconsul Q. Iulius Cordus (en charge en 64/5 très probablement)
réunit l’argent nécessaire pour ériger une statue de Néron pour la cité de Kourion, statue
qui fut consacrée par son successeur L. Annius Bassus3. On ignore exactement
comment il trouva les fonds nécessaires car le texte grec reste flou : Kourie&wn h( po&lij
1
Pour B. Helly, il est très probable que les monnaies frappées à Chypre étaient destinées à tout l’Orient
romain : « Il semble que l’intention du pouvoir central, créer à Chypre un grand atelier pour tout l’Orient
méditerranéen, ne pouvait pas aboutir. Il était difficile en effet de mettre fin à un pluralisme monétaire
trop enraciné, depuis des siècles, dans les habitudes des populations [...]. Il était tout aussi difficile de
compter sur la situation géographique et économique de Chypre » (p. 310).
2
A mettre en lien avec une certaine faveur de Vespasien et Titus envers l’île (on rappellera que c’est
l’oracle du sanctuaire d’Aphrodite à Paphos qui est censé avoir révélé son grand destin à Titus, alors en
route vers Jérusalem – cf. Suétone, Titus, V.).
3
IGR III 971 = IKourion, p. 153-7, n° 84. Cf. proconsuls n° 22 et 23.
76
Les gouverneurs de Chypre
/ a)po_ tw=n proskekrime&nwn u(po_
M2 Histoire
)Iouli&ou / Ko&rdou a)nqupa&tou, « la cité de
Kourion, grâce à l’argent réuni par le proconsul Julius Cordus ».
Sous Trajan, on sait que le proconsul Q. Seppius Celer M. Titius Sassius
Candidus a autorisé une dépense exceptionnelle de la cité de Kourion. En effet, afin de
poursuivre le pavement de la voie qui menait du sanctuaire à la route de Paphos (un des
grands axes de l’île), la cité recherchait un financement, qu’elle a fini par trouver dans
les bouleutika_ diado&mata1 : elle a utilisé les sommes normalement réservées aux
membres du conseil lors des fêtes publiques. L’autorisation du proconsul fut ici rendue
nécessaire car il s’agissait de détourner des fond prévus dans un but précis (et souvent
provenant de fondations) pour une toute autre dépense, même publique. La cité couvrait
ainsi juridiquement ses arrières.
La statue élevée en l’honneur de Caracalla par la cité de Paphos et consacrée par
le proconsul I. Fronto Tlepolemus (en charge en 210/1) et par le curateur Helianus
Polybianus coûta à la cité 500 deniers2. Si cette somme devait avoir été contrôlée par le
curateur, envoyé justement pour surveiller les finances de Paphos, le proconsul a dû
forcément donner son accord, au moins tacitement.
On notera, dans le cas de la construction par Trajan de deux exèdres du temple
d’Apollon à Kourion, l’hypothèse de Mitford selon laquelle la cité n’aurait pas eu les
ressources nécessaires pour construire les cinq exèdres prévues et que ce serait Trajan
qui serait intervenu (à travers le proconsul Q. Laberius Justus Cocceius Lepidus, en
charge en 100/1) pour apporter les fonds nécessaires à la fin des travaux3. Toutefois,
cette supposition ne repose sur aucun élément sérieux4 et n’a pas été suivie5.
1
Voici la définition qu’en donnent Bagnall et Drew-Bear, après examen des définitions du LSJ ou de L.
Robert (Hellenica XI-XII, p. 471 sq.), ainsi que des occurrences de ce mot : “ the bouleutika_
diado&mata were monies given by benefactors, […] to be divided among the members of the local senate
upon occasions of public rejoicing. Such gifts were often made in the form of a foundation, by which a
benefactor would leave a sum of capital from which the interest was to be spent in such periodic
distributions”.
2
H. Seyrig, « Inscriptions de Chypre », BCH 51 (1927), p. 139-143, n°3. Cf. proconsul n° 40.
3
IKourion p. 207-211, n°108. Cf. proconsul n° 28.
4
Elle est même contredite par l’archéologie puisque pour M. Scranton, l’archéologue, les cinq exèdres
ont été construites en même temps. Cela dit, cela n’explique pas le ta_j leipou&saj / e)ce&draj du&o de
l’inscription (« les deux exèdres restantes »).
5
Voir notamment la critique par Bagnall et Drew-Bear dans Phoenix 27 (1973), p. 231-2, n°108.
77
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
On le voit, le proconsul de Chypre n’intervenait que fort rarement dans les
finances des cités. De plus, lorsqu’il était amené à le faire (attesté seulement à Kourion
d’après notre corpus), c’était à la demande de la cité, qui, voulant honorer l’empereur,
se trouvait à court de ressources, ou lorsqu’elle souhaitait utiliser des fonds spéciaux à
d’autres fins. Cette très faible intervention des autorités romaines dans les finances des
cités chypriotes est aussi soulignée par le petit nombre de curateurs connus sur l’île
(trois), tous en fonction au début du 3ème siècle1.
III-3 L’aménagement du territoire provincial et civique
III-3-A Les infrastructures provinciales et le gouverneur
Le proconsul est aussi chargé de toutes les infrastructures à l’échelle de la
province, notamment les routes et les constructions liées à l’eau.
•
Le réseau routier
En tant que représentant du princeps, le proconsul doit assurer les travaux de
création ou de rénovation des voies, qui constituent un monopole impérial depuis le
début du Principat. En effet, le réseau routier devait non seulement faciliter les échanges
à travers la province, mais aussi permettre une meilleure circulation des informations.
A Chypre, 26 bornes milliaires ont été retrouvées (dont trois sans inscriptions),
attestant plusieurs interventions impériales2. La plupart furent trouvées à l’ouest de l’île,
peut-être parce que c’est une zone plus sismique et accidentée, nécessitant donc plus
souvent des travaux. Dans l’ensemble, on peut dire que quand une borne était située à
un endroit crucial, elle était alors un vrai monument à la gloire de l’empereur, sur lequel
le proconsul apparaissait comme son représentant ; sinon, il s’agit de simples balises
portant un chiffre.
1
Cf. II-2-B sur les autres représentants du pouvoir impérial.
2
Mitford, ANRW II 7-2, p. 1332-1341 (liste des milliaires : note 213 p. 1333) et Cayla, IPaphos, p. 463
sq.
78
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Un milliaire daté d’Auguste (après 12 a. C.) et deux bornes datées du règne de
Tibère furent trouvés à proximité de Paphos1, mais ils ne mentionnent pas de proconsul.
En 81/2, sous le proconsulat de L. Plotius P[…], on sait grâce à un milliaire que le
réseau routier fut agrandi, notamment entre Salamine et la pointe orientale de l’île : de
fait, l’inscription parle de [via]s novas2. Ce pluriel atteste selon Mitford une opération
de grande envergure réalisée sous les Flaviens à Chypre3. Le proconsul Audius Bassus,
en fonction en 198/9, érigea une borne sur la route d’Arsinoé à Paphos4, deux autres sur
la route entre Kourion et Paphos5, une autre près de Paphos6, une autre entre Soli et
Arsinoé7. Comme son prédécesseur, [Ti.?] Claudius Subatianus [Proculus ?], a
également laissé une borne près de Paphos8, on peut dire qu’en 198/9 un vaste
mouvement de restauration du réseau routier de l’ouest de l’île fut entrepris, mené par le
proconsul. Enfin, la dernière borne milliaire connue à l’époque qui nous intéresse fut
trouvée sur une route près de Soli : la cité fait une dédicace à l’empereur Macrin et à
son fils Diaduménien, tandis que le proconsul Ti. Claudius Attalus Paterclianus est cité
pour dater (217/8).
Dans l’ensemble, on voit donc émerger trois phases de développement du réseau
routier romain à Chypre : la première, sous Auguste et Tibère, voit la mise en place du
système, dans lequel le proconsul n’est même pas cité (peut-être la gestion des travaux
fut-elle confiée à une autre autorité provinciale). Ce premier plan est parachevé sous les
Flaviens, peut-être à cause du tremblement de terre de 77/8. Enfin, une dernière et
importante remise en état du réseau eut lieu sous les Sévères, notamment à l’ouest de
1
Cayla, IPaphos, n° 302, 303 et 304.
2
CIL III 6732 = Mitford, OA 6 (1950), p. 85-88 n°46 b). Cf. proconsul n° 27.
3
Hypothèse confortée par une autre inscription (OA 6 (1950), p. 85-88 n°46 a). Cependant, celle-ci est
très lacunaires : τὰς ὁδ]οὺς / [ἐπεσκεύασεν τῆς ἐπαρχε]ίας / [Κύπρου, ἐπιµεληθέντος Λ]ουκίου /
[Πλωτίου Π- - - - - - - ἀνθυπά]του·(« [Titus] a construit les routes de la province de Chypre], Lucius
[Plotius P…, proconsul, s’en étant occupé »).
4
Milliaire XV = JRS 29 n°5. Cf. proconsul n° 39. En grec, mais il manque sûrement la partie latine.
5
Milliaire XV = IGR III, 967. Inscription bilingue. Egalement le milliaire XIII (JRS 29 (1939) n°6).
Inscription bilingue.
6
Milliaire XII = Mitford, OA 6 (1950), p. 59-62 n°32. En grec, mais il manque sûrement la partie latine.
7
JRS 29 (1939) n°1 (complété par la note 2 p. 60 de OA 6). Inscription latine, mais il manque sûrement la
partie grecque.
8
Mitford, AJA 70, p. 89-96, n°1. Inscription latine, mais il manque sûrement la partie grecque.
79
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
l’île. Dans les deux dernières périodes, le proconsul est présenté comme agent du
princeps1 : son rôle devait être de superviser les travaux, effectués au nom de
l’empereur.
•
Les aqueducs
Le proconsul devait non seulement veiller à l’entretien du réseau routier mais
aussi à celui des aqueducs et autres canaux, très importants dans des régions sèches
comme Chypre, mais aussi parce que les bains publics jouaient un rôle social
fondamental.
Ainsi, T. Cominius Proculus, proconsul en 43/4, accompagné de son légat, T.
[T ?]atienus Sabinus, inaugurèrent un aqueduc fournissant en eau Kérynéia2. Les
travaux de construction de l’aqueduc avaient commencé deux ans auparavant, et avaient
été menés par le questeur d’alors, dont le nom n’a pas été conservé. Un autre proconsul,
[ ?] Milionus […], intervint sur un aqueduc près de Soli, sous le règne de Néron3.
Dans le premier cas, ce sont le proconsul et son légat qui sont présentés comme
les auteurs de l’aqueduc ([ei)sh&ga]gan u3dwr « qui firent venir l’eau »), tandis que
l’empereur est nommé pour dater (
)Epi_ au)tokra&toroj / Tiberi&ou Klaudi&ou /
Kai&saroj Sebastou= / Germanikou= / e1touj tri&tou « Sous la troisième année (de
règne) de l’empereur Tibère Claude César Auguste Germanicus »). Pour le second
aqueduc en revanche, c’est Néron qui est, semble-t-il, à l’origine de la construction
([Νέρων Κλαύ]διος Καῖ-/[σαρ Σεβαστ]ὸς Γερµανι-/[κὸς τὸ ὕδωρ] εἰσήγαγε) ; le
proconsul est quant à lui probablement décrit comme représentant du princeps4.
On a retrouvé près de Kythréa les vestiges d’un aqueduc construit, là encore, par
Néron5: cette fois, le proconsul n’est pas nommé, mais comme il manque le bas de la
pierre, on peut supposer que son nom a été perdu. Cette construction approvisionnait la
1
Mis à part la dernière borne, datée de 217/8, où le nom du proconsul est introduit par épi, comme pour
une simple datation.
2
Mitford, OA VI (1950), p. 17, n°9.
3
Mitford, OA 6 (1950), p. 28-31 n°15 = AE (1953) 166. Cf proconsul n° 24.
4
introduit par dia, mais cela n’est pas absolument certain dans la mesure où l’état de la pierre ne permet
pas de le confirmer de visu. Cf. II-4.
5
Nikolaou, “Inscriptiones Cypriae alphabeticae 2 (1962)”, RDAC 1963, p. 48-49, n°12 = SEG 23 (1968),
675.
80
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
grande cité de Salamine ; on ignore si la cité de Kythréa recevait des indemnités de
compensation.
Dans un court laps de temps, on voit donc s’affirmer l’autorité impériale,
d’abord citée pour dater, puis évoquée comme véritable auteur des aqueducs. On
remarquera également que toutes ces constructions datent de Claude ou Néron, qui
poursuivirent donc l’aménagement de la nouvelle province.
III-3-B Contrôle du gouverneur sur les constructions publiques des cités
Le proconsul était également censé faire une tournée d’examen des édifices
sacrés et des monuments publics des cités qu’il traversait afin de voir si des travaux
étaient nécessaires. Normalement, à partir de Marc-Aurèle, tout gouverneur consulté à
propos d’un projet de nouvelle construction doit d’abord l’examiner avec l’empereur.
En dehors des autorisations, voire parfois de la supervision du chantier, le gouverneur
pouvaient nommer des curateurs de travaux locaux. Toutefois, cela ne se produisait que
si les cités ne pouvaient se permettre financièrement de poursuivre les travaux, y
compris grâce à des évergètes locaux. Mais ceux-ci étaient peu actifs à Chypre, où la
marge entre l’élite provinciale et le reste de la population est peu marquée.
Ainsi, Q. Laberius Iustus Cocceius Lepidus (proconsul en 100/1) supervisa les
travaux de deux exèdres du sanctuaire de Kourion au nom de Trajan1. Q. Caelius
Honoratus (proconsul entre 101 et 104) est nommé sur une inscription qui devait
surmonter la porte donnant accès à la cité de Kourion par la grande rue et au temple,
attestant là encore d’une restauration par Trajan du sanctuaire, mais aussi d’un bâtiment
adjacent2. Il a probablement dû superviser ces travaux, tout comme ceux des bains
publics construits sur souscription, même si dans ce dernier cas la lecture de son nom
reste fort incertaine3. On rappellera aussi que Q. Seppius Celer M. Titius Sassius
1
IKourion p. 207-211, n°108. Cf. proconsul n° 28.
2
to_ prosparakei&[menon] = peut-être le complexe est. IKourion p. 211-213, n°109. Cf. proconsul n° 29.
3
[Koi&ntou] / Kail?[i&ou (Onhra&tou]. IKourion p. 214-215, n°110 .
81
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Candidus, proconsul en 113/4 ou l’année suivante, a autorisé la cité de Kourion à
utiliser les bouleutika diadomata pour financer le pavement de la route du sanctuaire1.
Au milieu du 3ème siècle, Cl. Leontichus Illyrius est honoré par la cité de Lapéthonte
pour avoir rebâti ses murailles2 ; cette fois, aucun empereur n’est associé à l’honneur,
probablement à cause de la faiblesse du pouvoir impérial en cette période de troubles.
Cet homme avait déjà une grande expérience en la matière puisqu’il était déjà
constructeur des remparts de Valérien à Athènes contre les invasions gothiques de 253.
Dans les cas incertains, il y a le légat impérial propréteur du début du
Principat, qui a peut-être procédé à un ajout ou une restauration sur le forum de
Salamine3. En 64.5, Q. Iulius Cordus fit peut-être restaurer le théâtre de Kourion au
nom de Néron4. Selon E. Lane, il se peut que son successeur, L. Annius Bassus, ait
quant à lui supervisé une réparation du sanctuaire d’Apollon de Kourion, toujours sous
Néron5. Un certain [- - -]gius Pate[r- - -], en fonction en 116/7 (mais pas forcément un
proconsul), s’est chargé pour Trajan des travaux de réparation du toit des bains du
gymnase de Salamine6.
Il est remarquable que la grande majorité des attestations d’intervention du
proconsul de Chypre sur les bâtiments publics d’une cité concernent Kourion. On peut y
voir deux périodes : la première, sous Néron, voit la restauration du théâtre et du
sanctuaire d’Apollon. La seconde, datée de Trajan, concerne avant tout le sanctuaire :
c’est à mettre en lien avec le renouveau qu’il connaît sous cet empereur, lorsque la cité
1
IKourion p. 215-219, n° 111.
2
Mitford, « New Inscriptions from Early Christian Cyprus”, Byzantion 20 (1950), p. 136-139, n° 10. Cf.
gouverneur n°59.
3
CIL III 12106 = ISalamine p. 21, n°37 : … leg. Au]g. pro pr[aetore… / …Salaminioru]m for[um… ? ;
Tubbs proposait quant à lui comme restitution (suivi par les éditeurs de CIL et par Mitford :
…Salaminioru]m for[um dilapsum] / [restituit]. Cf. gouverneur n° 7.
4
IKourion p. 204-207, n°107 (inscription bilingue). Cf. proconsul n° 22.
5
IKourion p. 199-200, n° 105, revu par E. Lane ( « A new fragment of the dedicatory inscription of the
temple of Apollo Hylates », RDAC 1983, p. 242-254). Il faut cependant prendre son hypothèse avec
précaution car elle repose seulement sur la découverte de trois lettres (NIO).
6
ISalamis p. 26, n°12 = ISalamine 38. Cf. proconsul n° 53.
82
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
décide d’associer au culte d’Apollon Hylates celui d’Apollon César1. Nous avons aussi
probablement deux interventions du gouverneur à Salamine (forum et gymnase), au
début du Principat et sous Trajan. Enfin, un autre document montre une intervention du
gouverneur sur les murs de Lapéthonte, ce qui est sûrement à mettre en lien avec la
multiplication à cette époque des raids pirates2. On sait qu’un évergète privé (un certain
Sôdamos) finança à la fin du 1er siècle la restauration du théâtre de Kition ; cette fois,
aucune autorité romaine n’est citée, pas même pour la dater3.
III-4 Affranchissements et don de la civitas romana
On ne connaît aucun cas de promotion de cités (toutes les cités chypriotes ont
le même statut, le plus bas, celui de cités stipendiaires), ni d’octroi ou de maintien de
privilèges accordés à des communautés, qui auraient normalement amené le proconsul à
intervenir en tant que représentant du princeps4.
L’octroi individuel de la citoyenneté romaine demandait de nombreux
échanges épistolaires au préalable entre Rome et la province, mais ce n’est pas attesté
pour les provinces publiques. Mitford a étudié, à travers l’onomastique, la citoyenneté
romaine, notamment à Salamine5. Ainsi, dans cette cité, on trouve des C. Iulii d’origine
servile, descendants d’une colonie commerciale romaine attestée au moins à partir de
l’époque républicaine ; puis, après une brève interruption, des Ti. Claudii, membres de
deux familles très liées, “but it is clear that civitas in Salamis was never the reward of
civic office or indeed of leadership in the Imperial cult”. Au début du 2ème siècle, on
assiste à la disparition de ces familles et donc à la raréfaction de la citoyenneté romaine
à Salamine. A Paphos, on retrouve le même schéma : les C. Iulii provenant de la colonie
de négociants, puis deux familles qui semblent monopoliser la civitas romaine et les
fonctions civiques (cependant, une génération plus tôt qu’à Salamine), et enfin à partir
1
Certes les bains ne faisaient pas partie du sanctuaire mais la cité a dû profiter de l’intérêt impérial pour
rénover ceux-ci également.
2
3
Rappellons la tentative avortée des Goths en 269 (cf. I-2-C).
LBW III, 2735 = IKition n°2044. A ce jour, on n’a pas pu localiser le théâtre de Kition.
4
Cf. Hurlet, le proconsul et le prince, p. 283 sq.
5
“Roman civitas in Salamis”, Salamine de Chypre, p. 275-288.
83
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
du 2ème siècle, on note une raréfaction. Cela montre que, contrairement à l’Achaïe par
exemple, il n’existe pas vraiment d’élite chypriote intimement liée à Rome.
Dès le trajet entre Rome et Chypre, le proconsul bénéficie d’une iurisdictio
voluntaria, lui permettant notamment de faire affranchissements et adoptions,
capacité qu’il garde une fois dans sa province. En effet, ce type d’actes administratifs
était si courants qu’ils étaient effectués en dehors de tout cadre officiel1. On connaît au
moins un affranchissement : c’est celui fait par Ummidius Quadratus, qui a affranchi le
père de la famille de grands-prêtres de Paphos2, se constituant ainsi une clientèle. Un
second cas est peut-être constitué de deux fragments de manumissio trouvés à la pointe
est de l’île3. Toutefois, l’inscription est si fragmentaire que l’on ne peut être certain de
son interprétation par Mitford ; par ailleurs, aucune autorité provinciale n’y est citée.
Quoi qu’il en soit de cette inscription, ce ne semble pas avoir été une activité très
importante du proconsul de Chypre.
S’occuper des affranchissements, adoptions et autres changements de statuts a
donc dû constituer une activité particulièrement rare pour les proconsuls de Chypre,
dans la mesure où les cités avaient toutes le même statut et n’en changèrent pas, et où
les citoyens romains furent toujours en nombre extrêmement restreint à Chypre (du
moins jusqu’à la constitution antonine bien sûr).
III-5 Le proconsul et le maintien de l’ordre
Bien que Chypre soit une province démilitarisée, le proconsul avait tout de
même un rôle militaire à jouer.
•
1
Les pouvoirs militaires du proconsul
La procédure de plano permettait également de procéder hors tribunal à une sanction immédiate,
notamment en ce qui concerne les affaires d’irrespect de l’autorité parentale ou patronale.
2
Cf. proconsul n°36 et II-3 sur les rapports avec les chypriotes.
3
Mitford, OA 6, p. 10-11, n°5 : Mitford base son interprétation sur la phrase [ei)]j?? to_n th=j zw[h=j
au)tou=? xro&non], rappelant les formules utilisées à Delphes, lorsque l’esclave libéré conserve des
obligations envers son ancien maître. Cf corpus n° 80.
84
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Le proconsul est le seul au sein de sa province à posséder le ius gladii, qui lui
permet de faire exécuter un civil ou un soldat. Ce droit n’était pas délégable et son
application en était restreinte pour les notables des cités (notamment les décurions,
membres du conseil civique). Le proconsul garde son imperium militiae, mais est
progressivement privé par le princeps des occasions de l’exercer (notamment parce que
dans les provinces publiques il ne commande pas de légion)1. La conséquence en est
que, peut-être, il continuait à prendre les auspices au départ de Rome et pendant son
gouvernement de province, mais en tout cas cela ne lui donnait plus le droit au
triomphe et à la salutation impériale.
•
Une province peu importante militairement
On peut supposer qu’immédiatement après l’annexion, des soldats restèrent en
garnison sur l’île afin de s’en assurer la maîtrise. Cependant, rapidement cette présence
armée dut s’avérer superflue : en effet, on sait que sous le proconsulat de Cicéron, en
51/50 a. C., c’est-à-dire peu après l’annexion, une habitude avait déjà été prise par les
Chypriotes, celle de payer une somme de 200 talents attiques au proconsul de Cilicie
afin de ne pas avoir à subir la présence de soldats romains2.
Si, au début du Principat, Auguste considéra avec méfiance Chypre, car elle fut
associée à l’ennemi égyptien, rapidement la province passa au contrôle du sénat. En
effet, l’île se révéla calme, et à l’abri des troubles grâce à son insularité : pas besoin
dans ces conditions de laisser des troupes, nécessaires ailleurs. On ne connaît rien du
brigandage à Chypre, si problématique dans d’autres provinces ; toutefois un hipparque
est connu à Soli au temps d’Hadrien : il semble avoir rempli des fonctions de police
locale, un poste apparemment important3.
On notera l’existence d’une 4ème cohorte Cypria c(ivium) R(omanorum), attestée
notamment dans le Pont-Euxin4, dans la région du Bosphore5, et en Hongrie1, qui dut
1
Le signe significatif de cette perte de facto du pouvoir militaire est l’abandon du paludamentum pour la
toge (cf. Hurlet, Le proconsul et le prince, II-1).
2
Cicéron, Ad Atticum, V, 21, 6-7. C’est ce qui conduisit la cité de Salamine notamment à s’endetter
auprès de riches romains.
3
Cf. Mitford, ANRW II 7.2 p. 1344 et IGR III, 930 = Mitford, BSA 42 (1947), p. 201-206, n°1 (cf corpus
n° 35).
4
ILS 8874
5
ILS 9161
85
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
recevoir la citoyenneté romaine en récompense de son comportement lors de la guerre
dacique2 : toutefois, ces cohortes militaires composées de citoyens originaires de
contrées plus éloignées de l’Empire ne servaient que rarement dans la région dont ils
étaient originaires. De plus, le faible nombre d’épitaphes à caractère militaire trouvé à
Chypre indique que peu de ces soldats chypriotes retournaient sur l’île à leur retraite.
•
La présence militaire à Chypre
On considère Chypre comme une province démilitarisée3. Or, l’on sait que
dans certaines provinces publiques existait un service administratif sous les ordres du
proconsul (l’officium), composé de soldats. Son rôle devait être d’assurer l’ordre et
d’escorter le proconsul, et si besoin de procéder à de plus grandes opérations, en
l’absence de légion. Nous n’avons pas d’attestation précise de cet officium dans le cas
de Chypre, mais il est fort probable que le proconsul ait été entouré de quelques soldats
au moins. L’épigraphie est-elle plus riche sur ce sujet ?
Nous avons une inscription, en provenance de Salamine, qui mentionne des
statiw=naj4 (stationes) : dans son acception classique, cela désigne des postes
militaires. Or, l’on sait que Chypre n’était pas une province militarisée : il vaut mieux
comprendre ici, selon L. Robert5, un « local d’une corporation », d’autant plus que l’on
a [tou= e1]-/qnouj peu après ; Mitford et Nicolaou avaient même supposé qu’il s’agissait
de l’interdiction de réunion pour la communauté juive. Toutefois, la présence de tou=
kuri&ou h(m[w=n] dans l’inscription empêche d’éliminer le sens militaire.
Mitford avait cru détecter un autre indice à verser dans ce dossier dans une
épitaphe trouvée entre Arsinoé et Paphos6. De fait, celle-ci nomme un certain Centurio :
Mitford avait donc pensé à un soldat qui aurait été enterré à Chypre. Il supposait qu’il
avait pu servir dans la cohors Cypria c(ivium) R(omanorum)7, et se serait installé dans
1
ILS 2004
2
Mitford, ANRW II 7.2 p. 1346.
3
Cf Sartre Le Haut-Empire, p. 74.
4
Mitford et Nicolaou, ISalamis n° 91, p. 117-118 = Pouilloux et alii, ISalamine n° 24, p. 16-17. Peut-être
s’agit-il d’un rescrit impérial. Cf. corpus n° 79.
5
BCH 101 (1977), p. 93.
6
OA VI (1950), p. 54-56, n°29, cf. corpus n° 74.
7
Attestée notamment par ILS 8874, ILS 9161, ILS 2004.
86
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
l’île à sa retraite, à moins qu’il n’ait participé à l’expédition punitive de la fin du règne
de Trajan contre la révolte juive d’Artémion. Mais Moretti a proposé une autre
interprétation, plus solide : Centurio est tout simplement le cognomen de ce citoyen
romain enterré, dont l’épitaphe est la seule en langue latine connue à Chypre1. Par
ailleurs, il avance une autre datation, celle du 1er siècle a. C. (et non 2ème siècle p. C.)2.
Un tribun militaire du nom de Gaius Rutilius Rufus fut honoré d’une statue par
le dèmos de Paphos entre 31/30 et 15 a. C.3, mais il s’agit probablement d’un séjour
personnel effectué sur l’île. On ne retiendra pas l’hypothèse de Cayla selon laquelle « il
est possible qu’il ait eu une fonction officielle sur l’île, faisant peut-être office de
gouverneur avant la mise en place du système que l’on connaît par la suite. » : en effet,
si la datation est juste, les seuls gouverneurs possibles étaient des légats impériaux
propréteurs ou des proconsuls, sûrement pas de simples tribuns militaires.
La seule attestation certaine que l’on ait est celle d’un détachement de légion
envoyé pour réprimer la révolte juive en 117. En effet, Trajan envoya des troupes mater
un important soulèvement de la communauté juive en Egypte, Cyrénaïque et Chypre4.
On a trouvé à Beyrouth l’épitaphe d’un certain C. Valerius Rufus, ayant participé en
tant que tribun militaire à cette répression à Chypre5 : il y est qualifié de tr(ibuno)
mil(itari) leg(ionis) VII Cl(laudiae) p(iae) f(idelis) misso cum vexillo ab / Imp(eratore)
Nerva Traiano Optumo Aug(usto) Ger(manico) / Dacico Parth(ico) Cyprum in
expeditionem (« tribun militaire de la légion 7 Claudia pia fidelis, envoyé par
l’empereur Nerva Trajan Optimus Auguste Germanicus Dacicus Parthicus avec un
détachement en expédition à Chypre »). On ignore si ce Valerius Rufus et son vexillum
furent les seuls à être envoyés sur l’île ou non.
D’après Mitford, une cohorte serait restée un certain temps à Chypre, assez pour
installer un autel au genius de ses montagnes. On connaît de fait une inscription trouvée
entre Kythréa et Salamine dont le dédicant est la 7ème cohorte Breucorum, normalement
stationnée en Pannonie6: sa présence à Chypre indiquerait donc une situation critique.
1
Moretti, « Due documenti d’età romana da Cipro », Rivista di Filologia, 109 (1981), p. 260/2.
2
Cayla propose quant à lui de dater entre le 1er siècle a. C. et le 1er siècle p. C. (IPaphos, n°340 p. 501/2).
3
IGR III 964 = Cayla, IPaphos n°161 p. 320/1. Cf. corpus n° 75.
4
Cf. I-2-C sur cette révolte.
5
ILS 9491 ; cf. corpus n° 76.
6
CIL III 215 ; cf. corpus n° 77.
87
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Malheureusement, cette inscription est assez mal conservée et on ne peut la dater avec
précision.
Comme les autres proconsuls, le gouverneur de Chypre jouissait de pouvoirs
militaires, mais n’avait pas l’occasion de les exercer car la province était dépourvue de
soldats ; nous n’avons même pas d’attestation de la petite garde qui devait pourtant
accompagner le proconsul. La situation pacifique de la province n’exigeait pas une
présence particulière, et même les cités semblent avoir été tranquilles en l’absence
probable de brigandage, et grâce à la situation isolée de l’île. Cela changea quelque peu
avec la révolte juive, qui amena l’envoi d’un vexillum depuis le Moyen-Orient pour
assurer la répression, et probablement aussi le stationnement d’une cohorte
habituellement en Panonnie.
III-6 Le rôle religieux du proconsul
C’est également en tant que plus haut représentant du pouvoir impérial à Chypre
que le proconsul présidait au culte impérial.
III-6-A Le culte impérial à Chypre1
Chypre passa facilement du culte séculaire des Ptolémées au culte d’Auguste,
d’autant plus, que comme l’écrit Mitford, “the difference between the Princeps and
their former rulers may not have been immediately obvious to the cities of the island”2.
Il est fort probable que le culte impérial s’instaura d’autant plus facilement qu’il dut être
encouragé par la présence de colonies de commerçants romains à Salamine, Kition et
Paphos. De plus, les forts liens de la gens Julia avec Aphrodite favorisèrent au moins le
sanctuaire d’Aphrodite Paphienne à Paphos, qui connut son floruit sous les JulioClaudiens : on y connaît des statues d’Auguste, mais aussi d’Agrippa, Julie, Tibère,
Livie et Marcia. En effet, le sanctuaire permettait à la dynastie de rappeler ses origines
1
Mitford, ANRW II 18.3, “the emperor cult” p. 2194-2202 et Cayla, IPaphos, p. 48 sq., p. 290- 316 et p.
328-352.
2
Mitford, ANRW II 7.2, p. 1294.
88
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
divines tout en se rattachant aux traditions chypriotes ; par ailleurs, il était important
d’occuper la place laissée vacante par les Lagides.
Contrairement à l’Asie, Chypre a maintenu jusque tard dans le 1er siècle le culte
de Roma, étroitement associé à celui de l’empereur ; il en va de même pour le culte du
« saint sénat » (iéra sugklètos). En général, l’empereur (ou le membre de la famille
impériale) ne reçoit pas l’adjectif théos avant sa mort, mise à part pour Auguste et peutêtre aussi pour Tibère. Il semble qu’à chaque changement de dynastie, l’ancienne soit
complètement abandonnée au profit de la nouvelle. Le culte de Trajan à Kourion a pu
prendre une forme particulière : “Curium had the wit or the luck seemingly in A.D. 101
to associate [Trajan] as Apollo Caesar with her own Apollo Hylates”1. A partir du règne
d’Hadrien, on a beaucoup moins d’informations ; selon Mitford, il faut y voir un retour
des oligarchies civiques à un patriotisme local, déçues du manque de reconnaissance par
Rome de leurs efforts. Il y eut toutefois probablement un regain d’activité du culte
impérial avec les Sévères, qui ont favorisé l’île, mais après, on ne connaît plus rien.
Quoi qu’il en soit, ce déclin est à mettre en parallèle avec celui des cultes traditionnels
(comme celui d’Aphrodite Paphienne) qui se manifeste dès la fin du 2ème siècle.
Le culte impérial dut être organisé à Chypre au plus tard en 12 a. C., qui est la
date ante quem de la réforme du calendrier chypriote afin d’honorer Auguste2. Le
koinon, probablement créé à l’arrivée des Romains, correspondait à l’ensemble de la
province, à l’instar d’autres provinces comme la Macédoine, et son siège était à
Paphos3. On sait qu’il était responsable de l’émission de monnaies de bronze, et avait un
rôle central dans le culte impérial4. Le koinon des Chypriotes ne semble pas avoir été
très actif, à en juger par le peu d’inscriptions où il est cité.
1
Mitford, ANRW II 18.3, p. 2184.
2
Sartre, Le Haut-Empire Romain, p. 109.
3
Il est en effet surtout attesté à Palaipaphos (8 inscriptions sur 12 d’après Cayla) et à l’époque impériale.
Par ailleurs, il note que deux inscriptions sont traditionnellement datées de l’époque hellénistique, mais
que d’après sa révision, elles ne sont pas antérieures à l’annexion de l’île en 58. Cf. Cayla, IPaphos, p.
239-240.
4
Pour plus de détails sur le rôle du koinon chypriote, cf. I-2-A.
89
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Il semble que les grands-prêtres du culte impérial des cités étaient nommés à vie
et présidaient le culte dans la cité à leurs frais ; l’un d’entre eux devait être choisi tous
les ans pour être le grand-prêtre de la province (on notera qu’il ne portait le titre de
cypriarque comme on pourrait s’y attendre par analogie avec d’autres provinces). Ce
grand-prêtre provincial devait présider le koinon, et superviser le culte impérial dans
l’île, notamment au sanctuaire provincial, qui devait être à Palaipaphos. Si dans
l’ensemble, cette grande prêtrise provinciale est peu attestée (à Kition à la moitié du 1er
siècle, à Salamine vers 70 et sous les Flaviens), on notera cependant qu’elle apparaît
très tôt, dès le règne d’Auguste1.
Il est probable que le grand-prêtre provincial devait prononcer un serment
d’allégeance tous les ans au proconsul. En effet, on a trouvé un serment d’allégeance à
la dynastie Julio-Claudienne, datant de Tibère et probablement émanant de la boulè
paphienne2. Si Mitford pensait qu’il provenait du koinon, à cause de la mention de dieux
communs à l’île, il faut plutôt voir dans la longue liste des dieux pris à témoin une
invocation des dieux des Paphiens, puis de ceux de tous les Chypriotes.
Dans la première moitié du 1er siècle, les charges du culte impérial sont
multiples, mais par la suite, une seule famille semble monopoliser toutes les fonctions
du culte impérial à Paphos. La question est de savoir s’ils monopolisèrent aussi la
grande-prêtrise provinciale3. Il semble que oui, au moins pendant une bonne partie du
premier siècle : le grand-prêtre de Paphos devait aussi être le président du koinon car le
1
Cf. JHS 12 n°53 = IGR III 994 = BSA 42 (1947) p. 208 n°3 = ISalamine p. 48, n° 101, sur un Hyllos, fils
d’Hyllos.
2
Karageorghis, BCH 83 (1959) p. 273-275 = JRS 1 (1960 )p. 75 sq = IPaphos, p. 300-306 n°151. Voici
la traduction qu’en donne Mitford (ANRW II 7. 2, p. 1348) : “By our own Aphrodite of the Headland, our
own Maiden, our own Apollo of Hyle, our own Apollo of Ceryneia, our own Saving Dioscouri, the
Common Hearth of Cyprus within the Council House, the Gods and the Goddesses of our fathers that are
common to this Island, the Offspring of Aophrodite who is the God Caesar Augustus, Rome the
Everlasting and all other Gods and Goddesses : we, ourselves an dour children, [swear] : to harken unto
and to obey alike by land and sea, to regard with loyalty and to worship Tiberius Caesar Augustus son of
Augustus, with all his house, to have the same friends and the same foes as they, to propose the voting of
[divine honours] to Rome and to Tiberius Caesar Augustus, son of Augustus, and to the sons of his blood,
to these only, together with the other gods, and none other at all. If we keep this oath, may prosperity be
ours ; if we break it, may the opposite befall us.”
3
Cayla, « Livie, Aphrodite et une famille de prêtres du culte impérial à Paphos », l’Hellénisme d’époque
romaine, p. 238 sq.
90
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
centre du culte provincial est Palaipaphos. On peut aussi remarquer les liens importants
de Rhodoklès, l’ancêtre de cette grande famille paphienne, avec le koinon (il est honoré
par le koinon et organise les jeux du koinon). Il est difficile d’étudier cette question à
Chypre car on ignore si le titre de archiereus désigne forcément le grand-prêtre
provincial ou non. En tout cas, il n’y a sans doute plus de grands-prêtres provinciaux
paphiens après 70/2, où l’on trouve un Diodoros archiereus à Salamine.
Quelles étaient les manifestations du culte impérial provincial ? On notera
l’organisation de jeux en l’honneur de Germanicus1, et d’autres pour Néron, qui ne
durèrent guère longtemps à cause de la damnatio memoriae que l’empereur subit2. Par
ailleurs, les cités ne se montraient pas avares pour ériger des statues aux empereurs, ou
des sanctuaires. Il existait également des manifestations personnelles du culte impérial,
ce qui montre une véritable volonté de la part des élites de s’attirer les bonnes grâces
des nouveaux dirigeants. Ainsi, nous connaissons par exemple un certain Adrastos, fils
d’Adrastos, évergète de Lapéthonte, qui éleva un sanctuaire à Tibère et y créa une
prêtrise héréditaire3. La vision d’ensemble de Mitford, considérant que le culte impérial
connut un certain déclin au 2ème siècle, avec un léger renouveau sous les Sévères,
correspond à nos propres impressions.
III-6-B Les tâches du gouverneur
Mais quel était vraiment le rôle du proconsul dans ce culte impérial ?
L’un de ses tous premiers actes devait être de faire faire le serment
d’allégeance, comme le note Mitford : “[the proconsul] was the provincial fountainhead of loyalty to the Emperor ; and it may be assumed that he administered at the
outset of each new reign the island’s oath of allegiance to the High Priest and priests of
the Imperial cult, for these in their turn to administer to their cities”4.
Le proconsul était particulièrement présent lorsqu’il s’agissait de consacrer une
statue à un empereur, et les exemples ne manquent pas, à l’instar de Julius Cordus, qui
1
Cf. Mitford, ANRW II 7. 2, p. 1368.
2
Mitford, “Roman civitas in Salamis”, Colloque Salamine, note 46 p. 282.
3
LBW III 2773 = Dittenberg, OGIS II 583 = IGR III, 933 (cf. Proconsul n° 17).
4
ANRW II 7. 2, p. 1343/4.
91
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
réunit les fonds nécessaires à l’élévation d’une statue de Néron par la cité de Kourion
(statue qui fut consacrée par son successeur L. Annius Bassus)1, ou encore de Julius
Fronto Tlepolemus qui consacre une statue de Caracalla pour la cité de Paphos2. On
notera toutefois que l’on connaît plusieurs exemples de consécration de statues
impériales par les cités dans lesquelles le proconsul n’est même pas cité : son
intervention ne devait donc pas être systématique3. Il en allait de même pour consacrer
un sanctuaire à un empereur, comme en témoigne Q. Caelius Honoratus, qui a
probablement supervisé et consacré la restauration du sanctuaire d’Apollon à Kourion4.
Le cas de L. Bruttius Maximus, qui éleva un temple à Aphrodite et à Titus, est un peu
particulier, dans la mesure où l’on ignore s’il le fit sur une initiative personnelle ou
non5.
De manière générale, le proconsul devait probablement intervenir dans tout
évènement ou toute décision d’importance concernant le culte impérial. Ainsi, le
proconsul L. Axius Naso a très sûrement dû donner son accord pour la création de la
prêtrise de Tibère à Lapéthonte par Adrastos6.
Le rôle religieux du proconsul de Chypre reste assez mal connu : si l’on
accepte les attestations de consécrations de statues ou de sanctuaires aux empereurs,
l’on ignore à peu près tout de son rôle précis.
1
CIG II 2632 = IGR III 971= Mitford, BSA 42 (1947) 210 n°31 = IKourion, p. 153-7, n° 84 (cf.
proconsuls n° 22 et 23).
2
Seyrig, BCH 51 (1927), p. 139 n°3 = Cayla, IPaphos, p. 394-395, n° 232 (cf. proconsul n° 40).
3
Ainsi par exemple JHS 12, 1891, p. 172 n°5 = IGR III, 985 ou encore IGR III, 997.
4
IKourion p. 211-213, n°109 (cf. proconsul n° 29).
5
Mitford, “Religious documents from Roman Cyprus”, JHS 66 (1946), p. 40-42, n°16 (cf.
proconsul n° 26).
6
Cf. proconsul n° 17.
92
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
CONCLUSION
Etudier les proconsuls de Chypre, c’est aussi appréhender la Chypre romaine.
Après une période mouvementée au cours de laquelle l’île est annexée par Rome, puis
rendue aux Ptolémées d’Egypte, tout en restant plus ou moins sous la coupe des
Romains, Chypre fit définitivement partie de l’imperium romanum en 30 a. C., et à
partir de 22 a. C., elle connaît une histoire sans soubresauts. Il faut cependant excepter
la révolte juive de 115/7, encore mal connue, qui entraîna l’intervention de forces
militaires extérieures. La population elle-même présente une certaine unité, et les cités
ne se déchirent pas entre elles. Chypre reste une province peu romanisée et quasiment
sans contacts avec Rome, si ce n’est pas l’intermédiaire des magistrats qui
l’administrent.
Les gouverneurs de Chypre suivent cette évolution : d’abord de statuts divers, ils
restent ensuite pendant
plus de trois siècles tirés au sort pour un an. S’ils sont
accompagnés d’une équipe, celle-ci est réduite au minimum à en juger par l’absence
d’inscriptions la concernant. Le pouvoir impérial a pu intervenir plusieurs fois au
moment de la nomination d’un gouverneur de Chypre, afin d’imposer un candidat de
son choix, comme P. Paquius Scaeva. Il s’agissait alors pour le gouverneur de répondre
à une mission bien précise, que nous sommes malheureusement bien incapables de
préciser pour la majorité de ces cas particuliers. Pendant les proconsulats normaux,
dirons-nous, il pouvait y avoir des échanges entre Rome et le gouverneur ; toutefois cela
n’est pas attesté et devait, de toutes manières, être compliqué dans les faits. Une tâche
importante était de représenter le pouvoir impérial, notamment dans le cadre du culte
impérial : les consécrations de statues et monuments publics semblent avoir été la
majeure partie de l’activité du proconsul de Chypre, sans nécessiter pour autant une
véritable intervention impériale.
Tout laisse donc penser que les proconsuls de Chypre devaient pouvoir
gouverner de manière assez autonome. Ce n’est pas pour autant qu’il faudrait en déduire
93
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
que ceux-ci abusèrent de leur province : si leur présence ne semble pas avoir été
marquée, ils furent souvent honorés par les cités ; même sans enthousiasme, cela reste
un signe de bonnes relations. De fait, les gouverneurs de Chypre semblent avoir
entretenu des rapports sains avec les Chypriotes, s’efforçant d’intervenir lorsqu’on le
leur demandait, sans pour autant y mettre plus d’efforts (y compris financiers) que
nécessaires. Ainsi, le seul domaine où les proconsuls de Chypre semblent avoir été
particulièrement actifs est l’installation ou l’entretien d’infrastructures provinciales,
telles que les aqueducs ou les routes. Cela s’explique probablement par un manque
d’équipement dans ce domaine avant l’arrivée des Romains, et cela démontre par
ailleurs le travail consciencieux menés par les proconsuls : contrairement à l’Achaïe, ils
étaient loin d’être débordés par les plaintes en appel, et pouvaient donc se consacrer
pleinement au reste de leur rôle. On note donc une intervention plus marquée du
gouverneur au niveau provincial (également dans la frappe de monnaie), tandis qu’à
l’échelle des cités cela reste plus rare ; elles devaient avoir l’habitude de fonctionner
seules, et les proconsuls laissaient faire tant qu’il n’y avait pas de problème et qu’on ne
leur demandait pas d’intervenir.
Cette faible intervention du gouverneur dans la vie des cités chypriotes
s’explique probablement aussi par l’absence globale de liens entre Chypre et ses
dirigeants : tout au plus avons-nous deux fratries qui ont gouverné l’île ; quant aux
éventuelles clientèles sur l’île, elles naquirent probablement lors du proconsulat et non
avant. Que pouvons nous dire, après cette étude, de l’image traditionnelle d’une
province qu’on ne choisit pas, étape ultime pour les sénateurs en manque d’ambition ou
erreur de parcours pour les autres ? Dans l’ensemble, les proconsuls de Chypre
semblent avoir été peu actifs. Contrairement à ceux exerçant en Achaïe qui avaient
tendance à s’immiscer partout, ceux-là nous paraissent avoir exercé leurs fonctions avec
recul, si ce n’est avec paresse. Ainsi, leurs interventions ne sont jamais systématiques :
par exemple, si beaucoup de statues impériales sont consacrées par un proconsul, il en
existe où aucune autorité romaine n’est intervenue. En vérité, dans la très grande
majorité des inscriptions composant notre corpus, les proconsuls sont cités pour donner
la date ou en tant que représentant du pouvoir impérial. A part D. Plautius Felix
Julianus, particulièrement honoré à Paphos et Kourion, aucun proconsul ne semble avoir
marqué la province.
Cependant, gardons-nous d’en conclure que la province était confiée à des
incompétents sans ambition : treize proconsuls sur les 50 certains que nous avons listés
94
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
sont ainsi parvenus au consulat1, ce qui constitue une bonne proportion, surtout quand
on songe que tous n’atteignaient pas l’âge d’un consulat. S’il est vrai que Chypre a pu
servir d’exil forcé à un homme de la domus impériale comme C. Iulius Avitus
Alexianus, deux proconsuls semblent, au contraire, être passés directement du
proconsulat de Chypre au consulat2, sans compter les autres hommes compétents qui
passèrent par Chypre.
En définitive, je dirais qu’il faut se garder de considérer cette liste comme
définitive : en effet, l’état des sources est tel qu’un nouvel examen des pierres pourrait
tout-à-fait bouleverser l’interprétation de certaines inscriptions, sans même compter que
l’on continue régulièrement à faire des découvertes qui demanderaient de mettre ces
fastes de Chypre à jour. Comme a pu l’écrire H. G. Pflaum3, « l’espoir de jamais
connaître à fond ces affaires compliquées est extrêmement mince, mais l’Histoire n’a
rien de la science mathématique. C’est précisément cette glorieuse incertitude, ce
sentiment de ne pas venir à bout de mainte énigme, qui nous fait agir, chercher,
interroger les documents. Voilà l’attrait d’un métier fascinant, auquel nous nous
sommes donnés et abandonnés corps et âme ».
1
Les proconsuls n° 1, 2, 3, 8, 11, 18, 21, 22, 23, 29, 31, 43, et l’inconnu n°49. Mitford n’en comptait de
son côté que 9 (ANRW II 7. 2, p. 1305) : lui manquent les n° 8, 22, 29, e 43.
2
3
C. Calpurnius Flaccus et l’inconnu n°49.
« Principes de l’administration romaine impériale », Bulletin de la Faculté des Lettres, Strasbourg,
1958, p.195.
95
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
INDEX
Dioclétien ..............................................8, 42, 43
A
Dion Cassius..... 11, 16, 17, 18, 23, 32, 33, 41, 42
Amathonte ...........4, 7, 23, 29, 31, 56, 57, 70, 72
G
Annius Bassus ................... 62, 64, 72, 78, 84, 94
Antistius Sabinus ........................... 43, 63, 65, 71
Gabo Arunculeius P. Acilius Severus ........ 40, 61
Antonin ......................................... 40, 49, 50, 56
Gallien ............................................................ 43
Audius Bassus ..................................... 29, 62, 80
H
Auguste . 3, 11, 15, 18, 23, 24, 26, 27, 28, 31, 37,
Hadrien 23, 26, 32, 50, 51, 60, 61, 69, 71, 87, 91
38, 39, 40, 41, 44, 50, 52, 55, 57, 59, 76, 80,
81, 82, 87, 90, 91, 92
I
Axius Naso..................................... 48, 49, 70, 95
Iulius Cordus ........................................57, 78, 84
B
Iulius Fronto Tlepolemus ................................ 70
Bruttius Maximus ................................ 64, 71, 94
K
C
Kérynéia..................................... 7, 24, 62, 71, 82
Kition .. 4, 5, 7, 24, 26, 27, 29, 46, 57, 71, 85, 91,
Caelius Honoratus ................... 57, 62, 72, 83, 94
92
Caligula............................................................ 55
Kourion . 4, 5, 6, 7, 23, 41, 57, 59, 62, 63, 64, 69,
Calpurnius Flaccus................... 58, 59, 61, 71, 98
71, 74, 78, 79, 81, 83, 84, 91, 94, 97
Caracalla...........33, 42, 50, 51, 64, 70, 77, 79, 94
Kythréa .................................... 25, 48, 49, 82, 90
Cassius Longinus ............................................. 58
Cicéron .. 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 19, 27, 30,
L
45, 53, 54, 58, 68, 75, 87
Laberius Iustus Cocceius Lepidus ........63, 71, 83
Claude ......................... 40, 49, 56, 73, 76, 82, 83
Lapéthonte . 7, 24, 34, 48, 59, 70, 72, 84, 85, 93,
Claudius Attalus Paterclianus.............. 42, 62, 81
95
Claudius Flavianus Titianus Q. Vilius Proculus L.
Leontichus Illyrius ..........................24, 34, 43, 84
Marcius Celer M. Calpurnius Longus .......... 50
Lucretius Rufus ......................................... 64, 71
Claudius Iuncus ............................................... 46
M
Claudius Pulcher ........................... 13, 15, 30, 75
Claudius Subatianus [Proculus ?] .............. 62, 81
Macrin .................................................42, 62, 81
Claudius Telemachus ................................ 42, 43
Marc-Aurèle ............................................. 40, 83
Clodius Eprius Marcellus ............... 40, 47, 59, 61
Marcius Hortensinus .....................15, 53, 65, 69
Cominius Proculus .................... 1, 48, 49, 77, 82
Milionus ...............................................54, 61, 82
Commode ....................................................... 42
N
D
Néron... 40, 59, 60, 62, 64, 78, 82, 83, 84, 93, 94
Nerva ...................................................24, 33, 89
Didius Postumus ............................................. 73
96
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Septime Sévère........................ 42, 51, 53, 57, 58
P
Sergius Paullus .......................................... 55, 69
P. Cornelius Lentulus Spinther ............ 13, 16, 54
Soli ......... 7, 20, 24, 25, 31, 61, 62, 71, 81, 82, 87
Palaipaphos . 7, 11, 22, 25, 52, 53, 57, 63, 70, 92,
Strabon ................................................11, 16, 22
93
Paphos 3, 5, 7, 13, 15, 18, 20, 22, 25, 26, 27, 29,
T
31, 34, 35, 48, 50, 51, 52, 53, 54, 56, 57, 59,
T ?]arius Rufus ................................................ 64
62, 64, 68, 69, 70, 72, 74, 76, 77, 78, 79, 80,
Tacite ...................................................26, 29, 31
86, 89, 91, 92, 93, 94, 97
Théodoros .....................................44, 72, 73, 74
Paquius Scaeva.............................. 31, 39, 61, 96
Tibère . 15, 29, 37, 44, 53, 56, 57, 63, 64, 69, 71,
Plautius ..................................................... 18, 76
76, 80, 81, 82, 91, 92, 93, 95
Plautius Felix Julianus ............................... 53, 97
Titus ........... 24, 31, 33, 48, 64, 70, 71, 77, 80, 95
Plotius P[…] ..................................................... 80
Trajan.. 23, 31, 35, 41, 57, 60, 62, 63, 78, 79, 83,
Pontius .......................................... 53, 57, 59, 70
84, 89, 91
S
U
Salamine 2, 3, 5, 7, 13, 18, 22, 23, 25, 27, 28, 29,
Ummidius Durmus Quadratus .................. 35, 56
30, 31, 32, 33, 34, 35, 38, 43, 55, 58, 59, 61,
V
63, 64, 69, 70, 71, 72, 74, 75, 76, 77, 80, 82,
Vehilius .............................. 26, 54, 55, 56, 59, 68
84, 85, 87, 88, 90, 91, 92, 93
Vespasien ................................ 33, 40, 57, 60, 77
Seppius Celer M. Titius Sassius Candidus 49, 56,
Vitellius ........................................................... 57
58, 72, 78, 83
97
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IV - SITES INTERNET
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Ph. Remacle (traductions de sources) : http://remacle.org/
PHI Greek Inscriptions : http://epigraphy.packhum.org/inscriptions/main (pour Chypre)
Claros (actualisation des publications) : http://www.dge.filol.csic.es/claros/3claros.htm
Perseus (articles en ligne) : http://www.perseus.tufts.edu/hopper/
Jstor (articles en ligne) : http://www.jstor.org/
Méditerranées (sources en ligne) :
http://www.mediterranees.net/litterature_antique.html
Cartes de Chypre : http://www.mlahanas.de/Cyprus/Geo/MapOfCyprus.html
106
Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
Table des matières
INTRODUCTION .......................................................................................................... 1
I- CHYPRE (1er s. a C.-3ème s. p. C.), UNE PROVINCE NOUVELLE,
TRANQUILLE ET ISOLÉE ....................................................................................... 10
I-1 La constitution en province ....................................................................................... 10
I-1-A Annexion en 58 a. C.............................................................................................. 10
I-1-B La restauration ptolémaïque et le retour à Rome .................................................. 16
I-1-C Organisation de la province : lex provinciae et romanisation des institutions
civiques ........................................................................................................................... 19
I-2 Réalités de la provincia de Chypre ........................................................................... 22
I-2-A Situation générale.................................................................................................. 22
I-2-B Une faible romanisation ........................................................................................ 27
I-2-C Chronologie des « évènements »........................................................................... 30
II- LES GOUVERNEURS : CONDITIONS D’EXERCICE .................................... 37
II-1 Nomination et statut des gouverneurs de Chypre .................................................... 37
II-1-A Déroulement classique de la nomination du proconsul ....................................... 37
II-1-B L’intervention impériale dans la nomination ....................................................... 39
II-1-C Les réformes du 3ème siècle .................................................................................. 43
II-2 Pouvoirs et moyens du proconsul ............................................................................ 45
II-2-A Les pouvoirs confiés au proconsul : définitions et restrictions ........................... 45
II-2-B Les autres représentants du pouvoir central ......................................................... 48
II-2-C Le proconsul et sa famille .................................................................................... 52
II-3 Les rapports avec les chypriotes .............................................................................. 56
II-4 Le proconsul et le pouvoir impérial ......................................................................... 60
III- TYPOLOGIE DES INTERVENTIONS DU GOUVERNEUR ......................... 66
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Les gouverneurs de Chypre
M2 Histoire
III-1 Le proconsul, premier juge de la province ............................................................. 66
III-1-A Le système judiciaire à Chypre .......................................................................... 66
III-1-B Une tâche peu importante à Chypre, province tranquille ................................... 71
III-2 Le rôle financier du proconsul ............................................................................... 73
III-2-A Au niveau provincial .......................................................................................... 73
III-2-B Intervention dans les cités .................................................................................. 76
III-3 L’aménagement du territoire provincial et civique ................................................ 78
III-3-A Les infrastructures provinciales et le gouverneur .............................................. 78
III-3-B Contrôle du gouverneur sur les constructions publiques des cités ..................... 81
III-4 Affranchissements et don de la civitas romana....................................................... 83
III-5 Le proconsul et le maintien de l’ordre ................................................................... 85
III-6 Le rôle religieux du proconsul ............................................................................... 88
III-6-A Le culte impérial à Chypre ................................................................................. 89
III-6-B Les tâches du gouverneur ................................................................................... 92
CONCLUSION ............................................................................................................. 94
INDEX............................................................................................................................ 97
BIBLIOGRAPHIE........................................................................................................ 99
I - CORPUS, REVUES ET REFERENCES ............................................................... 99
II - SOURCES LITTERAIRES ................................................................................ 100
III - BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................ 101
IV - SITES INTERNET ............................................................................................ 107
Table des matières ...................................................................................................... 108
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