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Conférences des Jeudis du livre
Jeudi du livre du 15 octobre 2015
Les bébés sont des poètes
Jeanne Ashbé
A la bibliothèque Kateb Yacine de Grenoble
Petit préambule : les bébés, ça s’apprend !
Dans l’expression maintenant bien connue « Les livres, c’est bon pour les bébés »1, il ne faut
pas oublier le mot « bébé ». Cela peut être l’amorce de la réponse à différentes questions : celle de
savoir que leur lire par exemple, ou comment réagir face à leur comportement parfois déroutant –
lorsqu’ils se lèvent, tapent sur le livre qu’on leur lit, s’asseyent dessus, le posent sur leur tête, le
mettent à l’envers, le déchirent…
On peut parfois être découragé ou chercher à lutter contre ces façons de faire (en allant jusqu’à priver
l’enfant de lecture par exemple), alors que ces réactions ne sont pas adéquates dès lors qu’on garde à
l’esprit qu’il s’agit du comportement d’un tout-petit. Celui-ci, par son attitude, ne signifie pas qu’il n’est
pas intéressé par l’histoire qu’on lui lit, mais bien plutôt qu’il est en train d’écouter, avec son état de
bébé.
On se trompe donc en pensant qu’une lecture a « marché » si et seulement si les enfants ont écouté
sans bouger (pour aller jusqu’au bout de la caricature : la bouche en cœur et les yeux arrondis !), alors
que cela ne concerne que les enfants qui ont, entre guillemets, la bonne étiquette. Il s’agit ici
d’approcher la rencontre sensible dont font montre les tout-petits avec les livres, mais qui passe par
des comportements particuliers et demandent de l’attention et de la compréhension de notre part.
Voir la brochure « Les livres, c’est bon pour les bébés » publiée par A.C.C.E.S. (Actions Culturelles Contre les
Exclusions et les Ségrégations), ou encore le site http://www.acces-lirabebe.fr/
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Clara Demolliens – BM de Grenoble
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La « fête à la syllabe »
On peut se demander pourquoi lire le texte d’un album à un enfant qui n’est pas encore en
mesure d’en saisir le sens. En réalité, la lecture du texte (et sa répétition, à chaque fois que l’histoire
est relue) produit une musique que l’enfant retient, avant le contenu sémantique auquel il correspond.
C’est en ce sens que les bébés sont des poètes et des musiciens : ils ont une attention, une mémoire
de la langue prosodique extraordinaire. Il existe d’ailleurs, dans toutes les cultures, un répertoire de
langue prosodique, musicale, avec des caractéristiques de rythmes et de rimes que l’on retrouve dans
les comptines et les berceuses. On y trouve à chaque fois cette façon particulière de s’adresser aux
bébés, avec une voix différente : une voix que l’on fait chanter.
Au sujet de l’impact de la langue prosodique, une expérience a été menée avec des bébés de six mois,
auxquels on a montré des séquences visuelles (des branches de pommiers en fleurs qui s’agitent, des
bulles de savon…), avec un accompagnement sonore différent selon les groupes d’enfants : sans aucun
commentaire ; avec une description donnée sur un ton monocorde ; accompagnées enfin d’un
commentaire « chantant ». L’expérience a été reproduite six mois plus tard avec les mêmes enfants,
afin de mesurer alors leur temps d’attention face aux séquences visuelles : celui-ci était tout à fait nul
si les séquences n’avaient pas été accompagnées de commentaires, léger pour les enfants qui avaient
vu les séquences avec un commentaire monocorde ; il s’est avéré beaucoup plus important pour ceux
qui avaient bénéficié du commentaire chantant.
Cette voix particulière fait finalement partie de notre équipement génétique : on se met en
concordance avec ce que c’est que d’entrer dans la langue2. Ces premiers échanges se font dans le face
à face (par exemple, lorsque l’on parle à son bébé au moment de le changer), avant le langage, dans
la mimique également. Si on tire la langue à un bébé de quelques heures, avec un peu de patience, on
le verra nous imiter... Selon Evelio Cabrejo-Parra, « c’est un cadeau formidable que fait l’adulte à
l’enfant quand il lui renvoie un écho de ses petits discours ». Il parle ainsi de « faire la fête à la syllabe » :
lorsque l’adulte imite le bébé en faisant « ta-ta-ta » à sa suite, il lui signifie : « ce que tu fais là, ça
m’intéresse, continue ! »
Un petit pas de côté…
Une petite histoire : une maman, au volant de sa voiture pour aller chercher son fils aîné à
l’école, veut consoler son bébé en pleurs dans le siège auto. N’arrivant pas à le rassurer en lui parlant
de façon rationnelle (« on va chercher Nicolas à l’école, on est presque arrivé, on est à la pompe à
essence ! »), elle a l’idée de changer de ton, et de reprendre la formule de l’album Ça va mieux : « Oh,
il pleure ce bébé-là ! ». Elle a souvent lu cet album à son bébé, l’histoire d’un bébé qui pleure et qui
est consolé à chaque fois. En entendant sa mère chanter cette petite phrase familière, le bébé s’arrête
de pleurer, comme par magie…
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Voir à ce sujet les travaux d’Evelio Cabrejo-Parra
Clara Demolliens – BM de Grenoble
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Ce que l’on peut voir à travers cette anecdote, c’est que le parent permet à l’enfant de faire un petit
pas de côté, un petit pas d’humanité puisé dans le souvenir d’un moment partagé en-dehors de l’ici et
maintenant, autour d’un livre dont il a emmagasiné la teneur musicale, affective et réconfortante. Il a
ainsi la possibilité de prendre de la hauteur, de maîtriser son émotion, ce qu’il ne parvenait pas à faire
sans cette ressource.
L’importance du texte
Le livre représente donc pour l’enfant un compagnon psychique, relevant de l’émotion et de
la sensibilité3, bien au-delà de la seule fonction d’apprentissage que l’on a longtemps attribuée aux
albums adressés aux bébés (imagiers qui permettent d’étendre son vocabulaire à travers la
désignation).
On prend ici la mesure du fait qu’en même temps que l’image (et parfois avant elle), la musicalité du
texte peut amener les tout-petits vers le livre. Dès lors, lorsque l’on choisit un livre pour un bébé, il est
essentiel de ne pas se contenter de regarder les images (comme si elles constituaient le seul élément
lui étant réellement accessible) : il s’agit aussi de lire le texte. Et donc peut-être, au moment de choisir
quel livre pour un tout-petit, de s’imaginer le lui lire, pour savoir si cela lui plaira. Car si le texte est
proposé aux adultes, c’est bien pour qu’il arrive jusqu’aux oreilles des tout-petits.
Dans la toute petite enfance, le bébé s’alimente de tout ce qui est proposé à ses sens pour tenter de
comprendre ce qu’il y a à comprendre autour de lui. Sa grande sensibilité à une abondance de stimuli
(qui s’appauvrira naturellement à partir du moment où il apprendra à parler) lui permet d’engager une
lecture du monde riche et plurielle. Entre autres éléments, les couleurs constituent ainsi un langage
puissant. Le noir, par exemple, est la préfiguration, la pré-personnification de ce que seront plus tard
les figures archétypales des peurs des tout-petits (loups, sorcières, fantômes…).
La sensibilité symbolique et elliptique des bébés poètes
Notons au passage que l’enfant entretient un rapport d’amour-haine avec certains livres, qui
lui font peur mais qu’il demande qu’on lui raconte encore et encore. Il s’agit d’accéder à cette
demande, car si ces livres confrontent l’enfant avec une émotion difficile, celle-ci peut être encadrée
par la possibilité d’une lecture sereine (qu’il peut d’ailleurs interrompre quand il le souhaite). Cette
lecture peut être bienfaisante, surtout si on suit le tout petit lecteur plutôt qu’on ne le précède, en lui
lisant les livres vers lesquels il va et non en prenant acte de ses peurs supposées pour chercher un livre
sur le sujet, en vue de résoudre le problème.
A propos des livres qui font peur : attention à ne pas confondre attention et sidération ! Lorsqu’un
enfant s’éloigne ou chahute pendant la lecture, souvent son comportement est interprété comme s’il
était dans la perturbation volontaire (voire la manipulation), là où il ne cherche à faire que ce qui est
Cela s’applique d’ailleurs également aux albums sans texte – on peut penser par exemple à Tout un monde : le
monde en vrac, de Katy Couprie et Antonin Louchard
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Clara Demolliens – BM de Grenoble
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bon pour lui (par exemple, mettre en place un moyen de se protéger, de prendre de la distance avec
l’image) ou à exprimer quelque chose.
La lecture individuelle en groupe
La lecture individuelle en groupe peut être mise en place en crèche, avec un petit groupe
d’enfants (3, 4, 5 ou 6). L’axe de cette façon de lire est le tour de rôle : chacun va être, à son tour, celui
qui choisit le livre lu par l’adulte, le petit chef d’orchestre de la lecture qui décidera aussi du rythme
auquel l’histoire sera racontée en tournant lui-même les pages, pendant que les autres enfants
écoutent.
Cette règle du tour de rôle peut être difficile à mettre en place au début, mais les enfants sont tout à
fait capables de la comprendre et de la respecter. Il s’agit cependant de rester sur son « tapis volant »
pendant le temps de la lecture, d’éviter tout atterrissage forcé en cas d’interruption. Par exemple, si
un autre enfant veut tourner les pages, on peut écarter doucement sa main en lui rappelant la règle :
« maintenant c’est à lui, après ce sera à toi ». Si l’enfant dont c’est le tour de choisir tourne les pages
très vite jusqu’à refermer le livre presque immédiatement, on peut lui proposer de relire l’histoire,
plutôt que d’en choisir une autre, afin de respecter la consigne : une histoire chacun.
La lecture individuelle en groupe soutient une rencontre personnelle de l’enfant avec le livre. Il est
important que l’enfant choisisse lui-même un livre parmi des livres connus de l’adulte qui lui en fera la
lecture. On peut remarquer que si l’adulte est attiré par la nouveauté, l’enfant veut souvent qu’on lui
raconte les mêmes histoires, ce qui est aisément compréhensible : là où la vie du tout-petit n’est que
surprise, la lecture répétée de certaines histoires est susceptible de lui apporter un élément précieux
de stabilité.
Le contact du livre
Il s’agit de mettre des livres (que l’on connaît, que l’on raconte) à disposition des bébés afin
qu’ils se familiarisent avec ceux-ci, en les manipulant, en explorant et en recherchant ce que l’on peut
faire avec – même si cela passe par une phase de mise en bouche ! Certains professionnels de la petite
enfance sont parfois tentés de proposer aux bébés des catalogues commerciaux, des calendriers,
« pour que les bébés puissent les déchirer » ; mais cette solution, confondant lecture et exercice de
psychomotricité fine, ne fait que ralentir le processus de découverte de cet objet particulier, le livre.
Il vaut mieux donc préférer de vrais livres (livres en tissu ou livres cartonnés pour commencer) ; si
possible des livres où il y a un texte, même sous forme d’onomatopées. C’est en effet par
l’intermédiaire de l’adulte que le bébé pourra découvrir le livre et comprendre qu’il s’agit là de quelque
chose différant tout à fait d’une brique de lego : un adulte vient près moi pour me chanter la langue,
faire de la musique avec ce livre… Le tout-petit va ainsi entendre, pour un livre donné, la même
séquence de langage énoncée par différentes personnes (parents, grands-parents), mais jamais sur le
même ton, et pouvoir ainsi exercer sa capacité de critique littéraire d’une grande finesse, avant même
de maîtriser le langage.
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Quoi qu’il en soit, la rencontre, la proximité physique tant avec l’objet livre qu’avec le corps de l’adulte
qui raconte (qui se perd par exemple lorsqu’un livre est proposé sous forme de PDF) permet à l’enfant,
à la faveur de notre intervention, de découvrir le monde par le biais des albums – découverte qu’il va
essayer de mettre dans sa petite besace, avec cette ouverture d’esprit, cette tolérance exceptionnelle
qui lui est propre.
La conception d’un livre
La conception d’un livre demande bien sûr du temps, même si cela peut varier d’un auteur à
l’autre. L’idée d’un livre peut ainsi germer pendant des années avant que l’on trouve les moyens de sa
réalisation ; il faut parfois se perdre dans des chemins, sans savoir où l’on va, avant de trouver quelque
chose à un moment donné… Ce temps de conception s’articule autour du rassemblement de choses
de plus en plus larges ; en ce sens, faire un livre c’est un peu comme préparer un feu : on froisse du
papier bien sec, on place de petites brindilles, puis du bois un peu plus gros… On rassemble des petites
choses, qui vont prendre feu à la faveur d’une étincelle dont je ne peux pas décider.
Par exemple, si l’envie de réaliser un album sur les araignées existait depuis un certain temps, l’écriture
de Fil à fil n’a pu prendre naissance qu’au détour d’une découverte fascinante sur le fonctionnement
des araignées, qui a permis de trouver un fil conducteur autour duquel bâtir l’histoire. Cette
découverte fut celle du lien tout particulier entre la maman araignée et ses petits : chez certaines
espèces, la maman transporte ses petits dans un cocon (qu’elle peut déposer si nécessaire pour les
mettre à l’abri), puis reste en communication vibratoire avec eux après leur naissance ; cela peut durer
quelques heures ou quelques jours, l’équivalent des trois ou quatre premières années d’une vie
humaine… Ce fil de cheminement permet de prévenir le bébé du danger, s’apparentant étrangement
à ces liens préverbaux qui relient le tout-petit à ses figures d’attachement : sa mère, son père…
Pour revenir à la réalisation des albums en général, il s’agit également d’apporter un grand soin à la
ponctuation (la place d’une virgule, la présence ou l’absence d’un point d’exclamation), car elle fait
partie de l’écriture, au même titre que le positionnement spatial du texte (à gauche ou à droite) sur la
double page. A ne pas négliger non plus : la conception matérielle de l’album ! La charnière de Fil à fil
a ainsi fait l’objet d’une recherche particulière, en vue de permettre à l’enfant de tourner facilement
les pages et de pouvoir regarder l’histoire tout seul : la page suivante se décolle quand on appuie sur
une page.
Faire du sens
A noter que l’enfant qui ne parle pas peut signifier avec des gestes qu’il souhaite qu’on lui
relise l’histoire (exemple d’une petite vidéo autour de la lecture individuelle de Pas de loup, où le toutpetit retourne l’album à la fin, pour se retrouver à nouveau au début). Pour l’enfant, recommencer la
même histoire permet de faire des chemins multiples, et tant qu’il demande à ce qu’on la lui relise,
c’est qu’il éprouve avec ce livre-là un compagnonnage bienfaisant, même si nous ne le comprenons
pas.
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L’objectif de départ de Pas de loup était de réaliser un livre dans lequel le texte était inévitable, avec à
chaque fois quelque chose à découvrir, une petite histoire à raconter que l’enfant pourrait nourrir
grâce à la richesse de son attention. Il est arrivé plusieurs fois par exemple que les enfants aperçoivent
le loup dans le ciel, simplement à partir du point blanc en début d’album – ou des deux points blancs
à la fin (« na lou là ! »)
Si lire, c’est faire du sens, on voit ici que cela peut commencer par des « petits » sens. On dit souvent
que les bébés voient des détails dans les albums, que l’adulte n’avait pas forcément aperçus et qui
constituent les portes par lesquelles ils vont ouvrir l’histoire qu’on leur raconte sans notion de
hiérarchie. L’enfant peut, de cette manière, faire son chemin dans le livre à notre insu en donnant du
sens à ces détails, et ainsi faire l’expérience de la lecture. Si l’on sait l’histoire que l’on raconte aux
bébés, on ignore par contre l’histoire qu’ils se racontent !
Des histoires autour de la vie quotidienne des petits
Dans les albums de Lou et Mouf, l’idée est de proposer des livres sur la vie quotidienne des
petits. Ainsi, chaque titre se veut un coup de projecteur sur l’un des multiples aspects de la découverte
du monde que fait le bébé à chaque instant. A la faveur de cette intense énergie exploratoire, le toutpetit tente de comprendre comment tout cela fonctionne et acquiert à force d’expérience les
différents principes (qui nous semblent, à tort, presque innés) que sont les lois physiques, la linéarité
du temps, etc.
Dans Boum ! bam ! boum !, Lou fait l’expérience du silence et du bruit, non pour casser les oreilles de
son entourage, mais bien dans ce processus de découverte. Il fait ainsi son « petit travail de bébé »,
activité d’intense réflexion souvent pris pour un jeu par les adultes. Tous les albums de Lou et Mouf
s’ouvrent et se ferment par un petit rituel de salutation (« Bonjour, Lou ! » / « Au revoir, Lou ! »), qui
permet de signifier au tout-petit : voilà de quoi on va parler, voilà ce qu’on va faire ensemble et
maintenant est venu le temps de se quitter.
Histoires d’éléphants… ou de bébés
Les histoires de Petit éléphant s’adressent à des enfants un peu plus grands ; en effet, à la
différence de Lou, le personnage de Petit éléphant parle. Il tente lui aussi de comprendre comment les
choses fonctionnent, cette fois avec le langage. C’est un échange de langue, parfois entre générations
(dans Attends, petit éléphant, où Petit éléphant s’approprie l’injonction « Attends » formulée par
Grand éléphant), parfois entre pairs (dans Petit éléphant a un ami ! : « c’est quoi au safari ? »). Dans
La sucette de Petit éléphant, Petit éléphant a très envie d’une sucette que lui refuse Grand éléphant ;
il cherche à comprendre la signification et les raisons de ce « non ».
Dans les albums de Petit Eléphant, le fait que les personnages soient représentés sous la forme
d’animaux plutôt que d’êtres humains permet à l’enfant de choisir, par exemple, si Grand éléphant est
« papa » ou « maman ». Cela est aussi possible dans Lou et Mouf, lorsque les personnages
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n’apparaissent que partiellement (on ne voit par exemple qu’une main adulte, qui elle aussi peut être
celle du père ou de la mère).
Dans les albums de Lou et Mouf, comme dans d’autres livres mettant en scène des humains, c’est une
aventure graphique émouvante de dessiner des bébés, des « petits hommes » avec leurs proportions
particulières, notamment au niveau du visage. Le fait que les yeux soient plus grands chez les petits
qu’à l’âge adulte déclenche d’ailleurs des comportements de maternage, de protection chez tous les
mammifères (hommes et animaux), rendant possible cette traversée extraordinaire qu’implique le
partage de sa vie, de son sommeil, de son énergie avec ces émouvantes miniatures de nous-mêmes.
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