Catégorisation et conceptualisation: homogénéité ou

Transcription

Catégorisation et conceptualisation: homogénéité ou
Catégorisation et conceptualisation:
homogénéité ou hétérogénéité
des processus?
Elisabeth Pacherie
Plan de l'exposé
►
Préambules:
ƒ Terminologie
ƒ Fonctions des concepts
ƒ Desiderata pour une théorie des concepts
►
Approches philosophiques traditionnelles
ƒ Images
ƒ Définitions
►
La théorie des prototypes
ƒ
ƒ
ƒ
►
Effets de typicalité
Théorie des prototypes
Limitations
Approches maximalistes
ƒ Théories et domaines
►
Questions en débat
ƒ Les concepts forment-ils une classe homogène?
Terminologie
►
►
►
►
Concepts: entités cognitives, représentations ou structures
de connaissance, permettant de penser à des propriétés ou
catégories.
Catégorie: classes de choses ayant zéro membres ou plus;
par ex. la classe des cercles carrés ou la classe des chats.
Propriété: ce en vertu de quoi des choses forment une
classe cohésive; par ex. la félinité.
NB: Certains philosophes considèrent que les concepts
représentent des propriétés plutôt que des catégories
parce que l'on peut avoir des concepts distincts
correspondant à des propriétés distinctes de la même
classe; par exemple la classe des triangles est la même
que la classe des trilatéraux mais on peut les distinguer
conceptuellement.
Fonctions des concepts
Les concepts sont des entités théoriques censées remplir un
certain nombre de fonctions cognitives:
►Contenu intentionnel: Dénoter des catégories ou propriétés.
►Contenu cognitif: Stocker de l'information ou des
connaissances sur la catégorie qu'ils dénotent, en particulier
sur les propriétés possédées par les membres de la catégorie.
►Catégorisation: identification catégorielle (ex. je détermine
que Félix est un chat parce qu'il a les propriétés associées au
concept de chat) et production catégorielle (ex. les chats ontils des ailes?).
►Composition: pouvoir se combiner, ex. chat malicieux
►Inférence: Servir au raisonnement déductif (chat, donc
animal), probabiliste (oiseau, donc probablement capable de
voler) ou inductif (Ralph et Rex sont des Rottweiler, ils sont
vicieux, donc les Rottweiler sont vicieux).
► Langage et communication: pour qu'il y ait communication
réussie entre deux personnes, il faut qu'elles associent aux
mots qu'elles utilisent des concepts identiques ou similaires.
Théorie des concepts: desiderata
► Portée
- Une théorie doit avoir une portée suffisamment large pour
rendre compte de la grande diversité des concepts que nous pouvons
posséder:
ƒ Du sensoriel à l'abstrait (rouge, douleur, électron, nombre)
ƒ Espèces naturelles (cheval, fougère)
ƒ Artefacts (marteau, stylo, ordinateur)
ƒ Espèces sociales (démocratie, parrain).
► Fonctions - Elle doit permettre de rendre compte de l'ensemble des rôles
joués par les concepts:
ƒ Contenu intentionnel
ƒ Contenu cognitif
ƒ Catégorisation
ƒ Raisonnement
ƒ Langage et Communication
► Acquisition et partage - Elle doit permettre d'expliquer:
ƒ Acquisition ontogénétique: Comment les concepts peuvent être acquis
par un individu, lorsqu'ils ne sont pas innés.
ƒ Acquisition phylogénétique: comment des êtres peuvent avoir acquis
des capacités conceptuelles.
ƒ Comment les concepts peuvent être partagés par plusieurs individus.
Approches philosophiques
traditionnelles
Deux grandes approches:
► Images: les concepts sont des images mentales dérivées
de la perception (Hume, Berkeley)
► Définitions: les concepts représentent les catégories sous
la forme d'une définition qui énonce les conditions
nécessaires et suffisantes pour en être membre. Une
approche si répandue historiquement qu'on l'appelle
souvent l'approche classique (Platon, Descartes, Kant,
Frege, etc.)
►
Aujourd'hui, l'imagisme est largement considéré comme
une cause perdue. L'approche définitionnelle ou
descriptiviste garde une minorité de défenseurs, mais la
plupart des théories des concepts qui ont été développées
au cours des trente dernière année la récusent.
Imagisme: thèses
►
►
►
Les concepts (idées) sont dérivées d'états perceptifs
conscients (impressions). Ils en sont la trace mnésique qui,
quoi que moins vive que l'original, peut servir à représenter
l'objet qui a causé l'impression sensorielle ou bien la
catégorie à laquelle appartient cet objet.
On peut aussi former des concepts sur la base de nos états
mentaux (par exemple, on peut former le concept de
colère sur la base de l'état émotionnel éprouvé lorsque
nous sommes en colère).
On peut combiner les concepts en combinant leurs images.
Par ex., selon Hume, le concept de montagne d'or est
formé en combinant une image de montagne et une image
d'or.
Imagisme: avantages
►
Acquisition ontogénétique: Propose une théorie de
l'acquisition ontogénétique des concepts:
ƒ qui est économique puisqu'elle s'appuie sur deux types de
ressources cognitives que l'on des raisons indépendantes de
postuler (perception et mémoire)
ƒ qui évite un recours massif à l'innéisme puisque presque tous les
concepts sont acquis.
►
►
Acquisition phylogénétique: Propose pour les mêmes
raisons une explication parcimonieuse de l'acquisition
phylogénétique
Catégorisation: Peut être utilisée pour expliquer certaines
formes de catégorisation. L'identification catégorielle
implique souvent la reconnaissance d'objet rencontrés dans
la perception. L'imagisme simplifie cette tâche en
soutenant que les concepts sont qualitativement
semblables aux percepts et donc que la catégorisation peut
se faire par comparaison directe entre les deux.
Imagisme: Limitations
►
►
►
Portée restreinte: il est très improbable qu'il puisse y avoir
une image correspondant à chacun des concepts que nous
possédons, en particulier les concepts qui désignent des
entités non-perceptibles (vertu, nombre premier, vérité,
etc.)
Catégorisation: les théories imagistes prédisent des
performances optimales de catégorisation à un niveau
d'abstraction trop bas. Si on ne peut former une image
d'un triangle sans le représenter comme scalène, isocèle
ou équilatéral, il devrait être plus facile et plus rapide de
catégoriser une figure à ce niveau de spécificité plutôt que
simplement comme un triangle, ce qui n'est pas le cas.
Partage et communication: si mes concepts sont constitués
par les images des objets que j'ai rencontrés, il ne seront
pas les mêmes que les vôtres puisque vous n'avez pas eu
exactement les mêmes expériences.
Imagisme: Limitations
►
Contenu intentionnel: Selon l'imagisme un concept
représente un objet ou une catégorie en vertu d'une
relation de ressemblance.
ƒ Ambigüité: toute image ressemble à beaucoup de
choses. Une image qui ressemble à un chien ressemble
aussi à un loup et donc devrait référer à la fois aux
chiens et aux loups, mais le concept de chien n'est pas
le concept de loup.
ƒ Symétrie: si X ressemble à Y, Y ressemble à X, mais
alors qui dénote quoi?
ƒ Différence monde mental/ monde externe: le monde
mental et le monde externe pourraient être si
radicalement différent que parler de ressemblance entre
les deux soit dénué de sens (Descartes). Le même
problème peut être soulevé par un matérialiste: en quel
sens parler de ressemblance entre états cérébraux et
monde externe?
Imagisme: Limitations
►
Compositionalité: Il n'y a pas de manière systématique de
former des images complexes à partir d'images plus
simples ou de décomposer une image complexe en images
plus simples.
Carnivore
Plante
???
???
???
Plante carnivore
Approches définitionnelles
►
Les concepts représentent les catégories sous la forme
d'une définition qui énonce les conditions nécessaires et
suffisantes pour en être membre.
ƒ Mère: parent de sexe féminin.
ƒ Nombre pair: entier naturel divisible par deux sans reste.
ƒ Connaissance: croyance vraie justifiée.
►
Pour éviter la régression à l'infini ou la circularité, toutes
les définitions doivent être construites à partir d'une base
de concepts eux-mêmes non-définis ou primitifs. Deux
options:
ƒ Les concepts primitifs sont perceptifs (empirisme, positivisme
logique): sense-data; observables.
ƒ Les concepts primitifs ne sont pas nécessairement perceptifs
(sémantique lexicale): mort, cause.
Définitions: avantages
Contenu intentionnel: au lieu d'en appeler à la notion problématique de
ressemblance pour expliquer comment les concepts peuvent connoter
des catégories et les membres de ces catégories, l'approche
définitionnelle en appelle à la notion de satisfaction. Un concept
dénote les objets qui satisfont les conditions contenues dans sa
définition.
► Composition intentionnelle: les concepts composés héritent leur
dénotation de celle de leurs élements en fonction de certaines règles
de composition. Par ex. la dénotation de cygne noir est l'intersection
de la dénotation de cygne et de la dénotation de noir.
► Contenu cognitif: deux concepts peuvent avoir la même dénotation
mais un contenu cognitif différent correspondant à une définition
différente (triangle, trilatère)
► Partage et communication: pour que deux personnes partagent un
concept, il faut qu'elles connaissent toutes deux les propriétés qui
définissent la catégorie mais il n'est pas nécessaire qu'elles associent
les mêmes propriétés non-définitoires aux membres de la catégorie.
►
Définitions: limitations
►
Identification des primitives définitionnelles:
►
L'approche définitionnelle suppose la validité de la distinction
analytique/synthétique, distinction attaquée par Quine.
Portée:
►
►
ƒ Il n'est pas possible de définir tous les concepts en termes de
primitives perceptives (problème de l'imagisme).
ƒ Lorsque l'on cherche à décomposer les concepts en traits définitoires,
les traits qu'on obtient paraissent souvent au moins aussi complexes
que les concepts qu'ils sont censés définir.
ƒ Célibataire: adulte non marié
ƒ Marié: qui a contracté devant une autorité civile ou religieuse une
union avec une autre personne les engageant l'une envers l'autre à
des obligations de fidélité et d'assistance mutuelle.
ƒ Contrat, autorité, civil, religieux, obligation, assistance, fidélité ????
ƒ très difficile de trouver des concepts qui ont des définitions plausibles
ƒ Il n'y pas toujours de conditions qui doivent être nécessairement
satisfaites par tous les membres d'une catégorie (exemple des jeux de
Wittgenstein)
Catégorisation: l'approche définitionnelle ne rend pas compte
des effets de typicalité.
Théorie des prototypes
►
►
►
►
L'approche définitionnelle, qui garde des défenseurs parmi
les philosophes, a été très critiquée par les psychologues.
Toute une batterie de résultats expérimentaux ont conduit
psychologues du développement et psychologues cognitifs
à la conclusion que les définitions n'avaient pas de réalité
psychologique.
Des études sur la catégorisation ont montré que les sujets
groupent souvent les objets ensemble sur la base de
jugements de similitude.
Ces travaux ont conduit au développement dans les
années 1970 de la théorie des prototypes (Eleanor Rosch
et coll.)
Effets de typicalité: les couleurs
►
►
Les premiers travaux de Rosch ont porté sur la
classification des couleurs. Ils s'inspiraient des recherches
anthropologiques faites par Berlin et Kay sur les noms de
couleurs dans différentes cultures.
Berlin et Kay s'intéressaient aux noms de couleurs
élémentaires, définis par les principes suivants:
ƒ Le nom de couleur doit consister en un seul morphème, par
exemple "vert" ou "rouge", plutôt que plusieurs, "vert bouteille" ou
"rouge brique".
ƒ ll doit être commun et connu de tous, comme "jaune" par
opposition à "safran".
ƒ La couleur à laquelle le mot faire référence ne doit pas être
contenue dans une autre couleur: par exemple "écarlate" est
contenu dans "rouge".
Effets de typicalité: les couleurs
► L'étude
des noms de couleurs élémentaires dans
différentes langues et cultures a permis de
dégager les généralisations suivantes:
ƒ Les noms de couleurs élémentaires nomment les
catégories fondamentales de couleurs, dont les
membres centraux sont les mêmes universellement. Par
exemple, le rouge focal est toujours donné comme le
meilleur ou le plus pur exemplaire.
ƒ Quoique les humains puissent conceptuellement
différencier toutes ces catégories de couleurs, toutes les
langues ne font pas ces différences. De nombreuses
langues ont moins de noms de catégories de couleurs
élémentaires, ces noms recouvrent alors l'union de
plusieurs catégories de base, ex. bleu + vert.
ƒ Les catégories de couleurs auxquelles des noms de
couleurs élémentaires sont attachés sont équivalentes
au noir, blanc, rouge, jaune, vert, bleu, brun, violet,
rose, orange et gris du français.
Effets de typicalité: les couleurs
► Les
langues forment une hiérarchie en
fonction du nombres de noms de couleurs
qu'elles ont et cette hiérarchie respecte
certaines règles:
ƒ 2 noms: Noir (froid: noir, bleu, vert, gris), blanc
(chaud: blanc, jaune, orange, rouge).
ƒ 3 noms: rouge
ƒ 4 à 6 noms: jaune, vert, bleu
ƒ 7 noms brun
ƒ 8 à 11 noms: violet, rose, orange, gris.
•
Effets de typicalité: les couleurs
C'est la découverte des couleurs focales qui a permis de mettre en
évidence ces régularités.
► Si on demande simplement aux gens de découper le spectre des
couleurs en portions correspondant aux noms de couleurs
élémentaires, les frontières varient largement d'un individu et d'une
culture à l'autre.
► Mais si on leur demande de donner le meilleur exemple d'un nom de
couleur élémentaire à partir d'une palette d'échantillons, il y a une
convergence massive des individus et des cultures.
►
ƒ Dans les cultures qui ont un nom pour la couleur bleu, c'est le même
échantillon de bleu qui est jugé le meilleur par tout le monde.
ƒ Quand une langue a un seul mot pour désigner le bleu et le vert, appelons
le "vleu", le meilleur exemple de vleu n'est pas le turquoise qui est
l'intermédiaire entre le bleu et le vert, ce sera soit le bleu focal soit le vert
focal.
ƒ L'existence de couleurs focales montre qu'une catégorie de couleur n'est
pas uniforme: il y a des verts qui sont considérés comme de meilleurs
exemplaires de la catégorie vert que d'autres.
Les catégories ont donc des membres centraux qui sont les mêmes
d'une culture à l'autre.
► En revanche, il n'y a pas de principe général qui fixe les limites d'une
catégorie.
►
Effets de typicalité: généralisation
Rosch ses études à d'autres catégories, où elle a retrouvé les mêmes
phénomènes de typicalité ou centralité. Ainsi les sujets jugent que:
ƒ Chien est un exemplaire plus typique de la catégorie animal que tortue;
ƒ Fusil est un exemplaire plus typique de la catégorie arme que couteau;
ƒ Chêne est un exemplaire plus typique d'arbre que figuier;
ƒ Eau est un exemplaire de boisson plus typique que grenadine.
► Ces phénomènes de typicalité peuvent être mis en évidence
expérimentalement de plusieurs façons:
ƒ Temps de catégorisation: il est plus court pour les exemplaires
jugés plus typiques.
ƒ Erreurs de catégorisation: elles sont moins nombreuses pour les
exemplaires jugés plus typiques
ƒ Ordre d'apprentissage: les noms des exemplaires les plus typiques
sont appris en premier.
ƒ Ordre de production: lorsque l'on demande à des sujets de citer
des noms d'exemplaires d'une catégorie, les exemplaires les plus
typiques sont cités en premier.
ƒ Points de référence cognitive: les exemplaires plus typiques sont
plus facilement choisis comme points de référence cognitive.
►
La théorie des prototypes
►
►
Pour rendre compte de ces données, Rosch a proposé que
la catégorisation était gouvernée par deux principes.
Principe d'économie cognitive: trouver un équilibre entre
deux tendances opposées.
ƒ Tendance à utiliser les catégories de manière à maximiser la
quantité d'informations qu'elles nous donnent: conduit a former le
plus grand nombre de catégories possibles, puisqu'une catégorie
plus spécifique contiendra plus d'informations sur ses membres.
ƒ Tendance à réduire la quantité d'information que nous avons à
traiter pour la rendre cognitivement utilisable: un organisme a
avantage à ne pas faire de différence entre des objets quand ces
différences sont sans pertinence pour ce qu'il veut faire.
ƒ Le degré de finesse de nos catégories est le résultat d'un
compromis entre ces deux tendances.
►
Principe d'exploitation de la structure du monde perçu:
Certaines combinaisons d'attributs ont tendance à être
rencontrées plus fréquemment dans le monde que d'autres
(ex., les créatures ailées ont aussi tendance à avoir des
plumes plutôt que de la fourrure). En formant nos
catégories nous exploitons cette structure corrélationnelle.
La théorie des prototypes
► Ces
principes nous conduisent à avoir des
concepts qui sont organisés selon deux
dimensions:
ƒ La dimension verticale faire référence au niveau
d'inclusion d'une catégorie, au degré de
généralité de celle-ci. (meuble est une catégorie
plus inclusive que chaise).
ƒ La dimension horizontale concerne la distinction
entre les concepts qui sont placés au même
niveau d'inclusion (ex chat et chien).
Dimension verticale
►Nos
catégories ordinaires sont généralement organisées selon trois niveaux
d'inclusion: le niveau surordonné, le niveau de base, et le niveau subordonné
(animal, chien, caniche; instrument de musique, guitare, guitare basse).
►Le niveau de base est le niveau cognitivement le plus important:
ƒ niveau le plus élevé auquel les membres d'une catégorie ont une forme
générale semblable;
ƒ niveau le plus élevé auquel une unique image mentale peut résumer la
catégorie;
ƒ niveau le plus élevé auquel des actions motrices semblables sont
utilisées par les sujets dans leurs interactions avec les membres de la
catégorie;
ƒ niveau où les gens identifient le plus rapidement l'appartenance
catégorielle;
ƒ correspondent à ce niveau de catégorisation les noms qui sont les plus
couramment utilisés pour désigner les membres de la catégorie;
ƒ premier niveau nommé et compris par les enfants;
ƒ premier niveau à entrer dans le lexique d'une langue;
ƒ niveau où les noms sont les plus courts;
ƒ niveau auquel les mots sont utilisés dans les contextes neutres;
ƒ niveau auquel la plus grande partie de nos connaissances sont
représentées et attachées.
Dimension verticale
► Le
niveau de base est ainsi fondamental sous quatre
aspects:
► Perception: forme perçue générale, image mentale
unique, identification rapide;
► Fonction: programme moteur général;
► Communication: mots les plus courts les plus
couramment utilisés, les premiers appris;
► Organisation des connaissances: la plupart des
attributs des membres d'une catégorie sont stockés à
ce niveau.
► Il y a toutefois des différences selon les individus en
fonction de leur degré de connaissance d'un domaine.
Plus grande est notre expertise d'un domaine, plus
spécifique le niveau de base de catégorisation
Dimension horizontale
►
►
►
►
►
►
Quand on considère des catégories de même niveau, on constate que
certains membres d'une catégorie sont jugés plus typiques que d'autres.
Les membres les plus typiques ont plus d'attributs en commun avec les
autres membres de la catégorie que les membres moins typiques et
moins d'attributs en commun avec des membres d'autres catégories.
La théorie des prototypes fait donc l'hypothèse que les membres d'une
catégorie ne sont pas tous égaux et que les concepts possèdent une
structure interne qui favorise les membres typiques par rapport aux
moins typiques.
Les concepts ne seraient pas représentés mentalement par un ensemble
de propriétés nécessaires et suffisantes mais sous la forme d'un
prototype, entité abstraite qui combine les propriétés typiques de la
catégorie.
Parallèlement, la théorie des prototypes ne conçoit plus la
catégorisation comme un processus de vérification de conditions
nécessaires et suffisantes mais comme une procédure d'appariement:
on décide de ranger un objet dans une catégorie en fonction de son
degré de similitude avec le prototype.
On peut alors expliquer certains exemplaires sont jugés comme étant de
meilleurs représentants d'une catégorie que d'autres.
Théories des prototypes: avantages
►
►
►
►
Catégorisation: rend compte des effets de typicalité mis en
évidence dans les études sur la catégorisation
Portée: à la différence des images mentales et des
définitions, les prototypes sont faciles Toutes sortes de
catégories donnent lieu à des effets de typicalité (oiseau,
chaise, art, science, introverti, objets à sauver en cas
d'incendie, etc.)
Raisonnement inductif ou probabiliste
Acquisition: propose une explication plausible. Si
l'observation de membres d'une catégorie suffit rarement à
découvrir une définition de la catégorie, elle permet
d'abstraire un prototype qui exploite traits saillants et
fréquences statistiques.
Théories des prototypes: limitations
Contenu intentionnel: En concevant la catégorisation comme un
processus d'appariement, la théorie des prototypes est amenée à
assimiler appartenance catégorielle et représentativité et à faire de
l'appartenance une question de degré.
► Or, les deux notions doivent être distinguées. Même des catégories
aussi bien définies que celle des nombres impairs donnent lieu à des
phénomènes de typicalité. Mais ce n'est pas parce que 1261 est jugé
moins typique de la catégorie que 3 ou 7, que 1261 est moins impair
que 3 ou 7.
► Cela suggère que les phénomènes de typicalité ne sont pas sont le
reflet direct de la structure conceptuelle mais plutôt des effets
superficiels pouvant avoir des sources diverses.
► Compositionnalité cognitive: le contenu cognitif (prototype) d'un
concept complexe n'est pas toujours le résultat de la combinaison des
prototypes des concepts constituants. Les poissons de compagnie sont
typiquement des poissons aux couleurs vives vivant en aquarium, mais
ces propriétés ne font partie ni du prototype de poisson, ni de celui
d'animal de compagnie.
►
Théories des prototypes: limitations
►
►
►
►
►
Défaut de contraintes: la théorie des prototypes n'explique
pas ce qui fait qu'un trait est ou non pertinent et ne nous
dit pas comment définir la similitude.
Les relations de similitude entre un groupe d'entités
dépendent dans une large mesure de l'importance, du
poids, que l'on accorde aux attributs individuels. La
similitude entre deux entités peut donc apparaître
arbitrairement grande ou petite selon ce que l'on décide de
considérer comme des propriétés pertinentes.
Ainsi, si la propriété "être rayé" avait un poids suffisant, le
zèbre pourrait être jugé plus semblable à un tigre qu'à un
cheval.
En outre, la similitude varie avec les contextes et les
propriétés qui apparaissent pertinentes dans ces contextes.
Dire qu'une catégorie regroupe des objets sur la base de
propriétés partagées revient à faire une pétition de principe,
si l'on n'a pas de critères indépendants pour décider quelles
propriétés sont pertinentes dans quels contextes.
Théories des prototypes: limitations
►
►
►
►
Défaut de structure: une représentation des concepts sous
forme d'une liste de traits ne permet pas de rendre compte
pleinement des relations intra-conceptuelles et interconceptuelles.
Les concepts ne sont pas simplement des sommes de
propriétés. Un oiseau n'est pas un assemblage quelconque
de plumes, d'ailes et de bec. Pour qu'une entité soit
véritablement un oiseau, il faut que ces propriétés
s'ordonnent en une "structure d'oiseau".
Pour définir ce qu'est une telle structure, il faut faire
intervenir des propriétés relationnelles et de ne pas se
cantonner à des listes d'attributs.
Les représentations conceptuelles invoquées par la théorie
des prototypes sont également trop appauvries pour rendre
compte des relations entre concepts. Ces relations ne se
réduisent pas à des relations hiérarchiques d'inclusion, elles
comprennent aussi des liens causaux ou explicatifs sur
lesquels la théorie des prototypes reste muette.
Maximalisme
►
►
►
Ces critiques de la théorie des prototypes ont conduit a
renverser la problématique et à considérer que les effets
de typicalité ne reflètent pas la structure profonde de
l'organisation des catégories (le prototype), mais sont des
effets superficiels pouvant avoir des sources différentes.
Depuis le milieu des années 1980, la recherche s'est donc
réorientée vers l'identification de ces sources et de
principes plus riches de structuration des concepts que la
simple notion de similitude. Plusieurs approches ont été
développées, qui ne sont pas nécessairement
incompatibles, mais qui éclairent des aspects différents de
ces structures sous-jacentes.
L'approche dite théorie de la théorie ou théorie des
domaines conceptuels conçoit les concepts comme des
mini-théories de la catégorie. Elle postule également que
les concepts se rangent dans un certain nombre de grands
domaines ontologiques qui ont des règles d'organisation
spécifique.
Maximalisme: thèses
►
►
Information relationnelle: les concepts encodent de
l'information sur les relations structurelles, causales,
fonctionnelles entre traits ou propriétés associées à un
concepts.
Nos croyances sur ces relations explicatives influent sur la
catégorisation.
ƒ Par exemple, les sujets jugent qu'être courbé est un trait également
typique des bananes et des boomerangs, pourtant ils n'accordent pas
le même poids à ce trait dans les deux cas et estiment qu'un objet
droit a beaucoup plus de chance d'être une banane qu'un boomerang.
ƒ Cet effet peut être expliqué par les croyances des sujets sur la
structure relationnelle. Ils pensent que la curvature explique une autre
propriété importante des boomerangs (le retour à l'envoyeur) et donc
qu'elle est obligatoire pour les boomerangs. En revanche, dans le cas
des bananes la curvature n'a pas de lien explicatif évident avec
d'autres traits.
►
Ces croyances expliquent aussi le choix des traits représentés
dans les concepts: parmi la myriade de propriétés que
possèdent les objets, nous choisissons celles qui sont rendues
saillantes par nos intérêts et connaissances et qui forment un
tout cohérent interdépendant.
Expériences de Keil
►
►
►
►
On présente à des enfants répartis en trois groupes d'âge (4 ans, 7 ans,
9 ans) des histoires mettant en scènes des transformations opérées par
des "docteurs" sur des artefacts, des animaux ou des plantes pour leur
donner l'apparence d'autres entités. On leur demande ensuite si à leurs
yeux, le changement d'apparence correspond à un changement
d'identité.
Tous les enfants considèrent qu'une opération effectuée sur un artefact
pour le transformer en un autre artefact constitue un changement
d'identité: une cafetière transformée en mangeoire à oiseaux n'est plus
une cafetière mais une mangeoire à oiseaux
Tous les enfants considèrent que l'identité n'est pas changée lorsque la
transformation proposée est celle d'un animal en plante ou artefact, ou
celle d'un artefact en animal: quelques transformations qu'ils subissent,
un jouet ne saurait devenir un chien véritable et un porc-épic ne sera
jamais un cactus.
Lorsqu'il s'agit de la transformation d'un animal en un autre animal ou
d'une plante en une autre plante, on observe d'importants changements
selon l'âge. Les plus jeunes considèrent que la transformation constitue
un changement d'identité (un cheval sur lequel on peint des rayures
n'est plus un cheval mais un zèbre) mais les enfants les plus âgés
refusent de considérer ces transformations comme des changements
d'identité.
Maximalisme: thèses
►
Propriétés cachées: les concepts encodent prioritairement les
informations sur les traits inobservables ou cachés.
ƒ Avoir l'apparence superficielle d'un animal ou une plante ne suffit pas pour en
être une, il y a une présomption d'essence cachée (essentialisme
psychologique).
►
Domaines ontologiques: Les concepts se répartissent en
domaines correspondant souvent à de grandes catégories
ontologiques. Chaque domaine est gouverné par un ensemble
propre de croyances centrales qui déterminent les modes de
structuration des concepts du domaine.
ƒ L'essence associée à un concept dépend de son domaine. Dans le cas des
espèces naturelles, les changement d'apparence n'altèrent pas l'appartenance
catégorielle qui dépend de propriétés cachées. Dans le cas des artefacts, ils
l'altèrent s'ils altèrent la fonction qui est souvent liée à des propriétés
observables.
►
Changements conceptuels: nos croyances centrales sur les
domaines évoluent avec le temps et nos concepts sont de
moins en moins fondés sur des propriétés observables
superficielles.
ƒ Les plus jeunes enfants ne sont encore sensibles qu'aux grandes distinctions
ontologiques entre plantes, animaux et artefacts, mais leurs distinctions
s'affinent avec le temps (différentes espèces animales).
Maximalisme: thèses
► Les
jugements de catégorisation de sont pas
uniformes à travers les domaines ontologiques
mais varient d'un domaine à l'autre et dépendent
des croyances sur les propriétés essentielles, qui
dépendent à leur tour des catégories ontologiques
et nos croyances, susceptibles d'évoluer, sur ces
catégories.
► Cela ne veut pas dire que les traits superficiels ne
jouent aucun rôle dans la catégorisation. En
l'absence d'information accessible sur les
propriétés cachées, ils peuvent servir de
procédures d'identification à valeur heuristique.
Maximalisme: avantages
► Catégorisation:
Les croyances sur les relations
explicatives et les essences cachées influent sur la
sélection des traits, leur corrélation et le poids qui
leur est accordé, ce qui influe à son tour sur la
catégorisation.
► Portée large: les connaissances d'arrière-plan sur
les domaines, les relations entre traits et les
essences peuvent influer sur n'importe quel
jugement conceptuel.
► Compositionalité: la théorie peut contribuer à une
théorie de la compositionalité en expliquant
comment certains traits émergent quand des
concepts sont combinés. Par ex., diplômé
d'Harvard et charpentier: non matérialiste.
Maximalisme: limitations
►
►
►
Contenu intentionnel: Comment une théorie fait-elle
référence à des catégories? Qu'est-ce qui fait qu'une
théorie des tigres porte sur les tigres. Ici, la relation de
référence ne peut être pensée comme une relation de
satisfaction. Les mini-théories associées à une catégorie ne
spécifient pas toujours les conditions nécessaires et
suffisantes pour l'appartenance à la catégorie et souvent
elles contiennent des informations fausses.
Compositionnalité cognitive : comment de larges
ensembles de connaissances se combinent-ils
compositionnellement?
Partage et communication: Il est très improbable que deux
personnes aient exactement les mêmes théories des
catégories qu'elles représentent. Si les concepts sont des
théories il est donc très improbable que deux personnes
partagent jamais les mêmes concepts. En outre, il est
difficile de trouver des principes permettant de distinguer
les croyances qui appartiennent à une théorie donnée de
celles qui n'y appartiennent pas.
Homogénéité ou hétérogénéité
des concepts?
► Chacune
des théories que nous venons de passer
en revue a certains avantages mais aucune n'a
une portée complètement générale et ne rend
compte de manière satisfaisante de l'ensemble des
fonctions associées aux concepts.
► Est-ce à dire qu'on n'a pas encore trouvé la bonne
théorie des concepts? Ou bien faut-il plutôt
renoncer à l'idée selon laquelle les concepts
forment une classe homogène et font tous
intervenir les mêmes structures
représentationnelles et les mêmes processus
d'acquisition et d'exploitation?
L'hypothèse d'homogénéité
Processus de
raisonnement déductif
Processus de
raisonnement inductif
Hypothèses par défaut,
conclusions hâtives, etc.
Structure de
connaissances
Processus de
combinaison
Processus de
catégorisation
Effets de typicalité
Accessibilité inférentielle, etc.
Processus
D'acquisition
Ordre, facilité d'acquisition, etc.
Héritage de propriétés
Trois formes d'hétérogénéité
►
►
►
Des concepts différents pour des types différents de
catégories, par ex. catégories biologiques ordinaires et
catégories d'artefacts.
Des concepts différents pour différents types de processus:
les structures de connaissances utilisées pour la
catégorisation n'ont pas grand-chose en commun avec
celles qui sont utilisées pour l'induction ou pour la
combinaison des concepts.
Plusieurs concepts par catégorie: par exemple, nous avons
plusieurs concepts de chiens (prototypes, exemplaires,
mini-théories) qui peuvent tous être exploités par les
processus cognitifs supérieurs.
Hétérogénéité 1
Processus de
Raisonnement
Inductif
Processus de
Raisonnement
Déductif
Processus de
Raisonnement
Inductif
Structure de
connaissance
Processus de
Raisonnement
Déductif
Structure de
connaissance
Processus
Processus de
combinatoires catégorisation
Processus de
catégorisation
Processus
d'acquisition
Espèces naturelles
Processus
combinatoires
Processus
d'acquisition
Artefacts
Hétérogénéité 2
Processus de
raisonnement
inductif
Processus de
raisonnement
déductif
Structures de
Connaissances
Processus de
catégorisation
Processus
combinatoires
Processus
d'acquisition
Hétérogénéité 3
Processus de
Processus de
raisonnement
raisonnement
Processus de
Processus de
déductif
inductif
raisonnement
raisonnement
Processus de
Processus de
déductif
inductif
raisonnement
raisonnement
déductif
inductif
Structure de
connaissances
Structure de
connaissances
Structure de
connaissances Processus
Processus de
combinatoires
catégorisation
Processus
Processus de
combinatoires
catégorisation
Processus
Processus de Processus
combinatoires
catégorisation d'acquisition
Processus
d'acquisition
Processus
d'acquisition
Concepts de chien
Pourquoi vouloir l'homogénéïté?
► La
tâche centrale de la psychologie cognitive et
des sciences cognitives est de formuler des
généralisations inductives sur les structures de
connaissance utilisées par défaut par nos
processus cognitifs supérieurs.
► Les concepts ne sont des entités théoriques utiles
que s'ils permettent la formulation de ces
généralisations inductives, ce qui ne peut être le
cas que s'ils forment une classe homogène
► Présupposé contestable: qu'il existe des modes
d'utilisation par défaut dans nos systèmes cognitifs
supérieurs.
La pensée conceptuelle est située
La pensée conceptuelle n'est pas moins située que le reste de nos
activités cognitives. Les facteurs situationnels sont source
d'hétérogénéité.
► Contraintes écologiques: les contraintes que l'environnement impose à
tout agent fini qui interagit avec lui.
► Dépendance vis-à-vis de la tâche et du but: les contraintes liés au but
que l'agent poursuit.
► Contraintes sociales: les contraintes imposées par le fait que nous
sommes des êtres sociaux qui ont besoin de communiquer et de
partager de l'information.
►
Accepter l'hétérogénéité ne veut pas dire renoncer à une théorie
des concepts, mais concevoir autrement sa tâche.
► Une théorie des concepts n'aurait pas pour but d'identifier et de
caractériser les structures de connaissances utilisées par défaut
dans la cognition supérieure mais de nous permettre de
comprendre comment, dans une situation donnée, les
contraintes écologiques, les contraintes liées à la tâche et les
contraintes sociales déterminent quelles structures de
connaissances sont utilisées par nos processus cognitifs
supérieurs.
►
Contraintes
écologiques
Processus de
Processus de
raisonnement
raisonnement
Processus de
Processus de
déductif
inductif
raisonnement
raisonnement
Processus de
Processus de
déductif
inductif
raisonnement
raisonnement
déductif
inductif
Contraintes
Structure de
Contraintes
liées à la tâche
connaissances
sociales
Structure de
et au but
connaissances
Structure de
connaissances Processus
Processus de
combinatoires
catégorisation
Processus
Processus de
combinatoires
catégorisation
Processus
Processus de Processus
combinatoires
catégorisation d'acquisition
Processus
d'acquisition
Processus
d'acquisition
Quelques références
►
►
►
►
►
►
►
Jesse Prinz, 2004. Furnishing the Mind. MIT Press.
Gregory Murphy, 2002. The Big Book of Concepts. MIT
Press.
Eric Margolis & Stephen Laurence (Eds.), 1999. Concepts:
Core Readings. MIT Press.
Christopher Peacocke, 1995. A Study of Concepts. MIT
Press.
Jerry Fodor, 1998. Concepts: Where Cognitive Science
Went Wrong. MIT Press.
Danièle Dubois (Ed.), 1997. Catégorisation et cognition.
Paris, Kimé.
Thèses et articles d'Edouard Machery et de Benjamin
Sylvand dans les Archives de l'Institut Jean Nicod:
http://jeannicod.ccsd.cnrs.fr/