Marcel Amont

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Marcel Amont
L ES
GRANDS FANTAISISTES
Le retour de Marcel Amont
« Dans la vie d’artiste, si 10 % de nos projets
se réalisent, on peut s’estimer heureux »
23 ans qu’il n’avait pas enregistré de nouvel album... Quelque
temps après la sortie de son
nouveau CD « Décalage horaire »,
Marcel Amont évoque les circonstances de son « retour ».
j’ignore la durée, nous, les survivants d’une certaine forme de
music-hall qui ne se fait plus
maintenant, faisons figure de
nouveauté.
Marcel Amont : Ma chance, c’est
qu’il y a des millions de personnes en
France aussi démodées que moi et qui
viennent voir le gars de leur génération.
Bien que je sois resté vingt-trois ans sans
enregistrer, j’ai tout de même écumé la
France de plus en plus profonde avec
mes trois musiciens, ou parfois sur
bande. Cela aurait été très dur pour moi
— malgré cette vie de famille très équilibrante —de ne plus travailler.
Mais c’est incroyable tout ce qu’on
peut faire en France ! Les gens n’attendent pas que des rockeurs ou des
rappeurs. Et les jeunes — qui ne sont pas
plus cons que nous l’étions à leur âge —
s’aperçoivent qu’il y a d’autres artistes
que ceux qu’on leur montre quotidiennement. Alors, gloire aux Souchon, Cabrel,
Pagny, Delerm, Bénabar, Sanseverino…
parce que les autres font tous la même
chose.
Et un jour, probablement parce que c’était le bon moment, un
gars qui avait été une immense vedette en France et à l’étranger,
Monsieur Henri Salvador, après s’être fait jeter de partout, a
rencontré des gens qui ont bien fait sa promotion, et paf ! un
million six cent mille « Jardin d’hiver ». Que vous soyez jeune ou
vieux, blanc, noir, rouge, vert, que vous vous appeliez Patrick Bruel
ou Dupont-Durand, les jeunes n’en ont rien à foutre du moment
que ça leur plaît. Et finalement, pendant un laps de temps dont
Vous n’aviez jamais enregistré de
chansons avec un tel swing...
Si, mais elles sont passées inaperçues.
Eddy Marnay m’en avait écrit quelquesunes qui balançaient pas mal. Par
exemple, Dis Marie, dont Nicolas Richard
n’a pas voulu : trop jazzy. J’ai chanté Le
jazz et la java, mais ça n’a pas été une
grande réussite. Étudiant, j’aimais le jazz,
je jouais du saxo mais j’ai vite laissé
tomber au profit de mon jeu scénique.
D’où sort la chanson de JeanClaude Darnal, Le gardien et le
prisonnier, que vous chantez en
duo avec Gérard Darmon ?
Lorsque Gérard Darmon a accepté de
faire ce duo, j’ai fouillé dans tout ce que
j’avais pour trouver une chanson et je suis
tombé sur un texte de Darnal que j’avais
mis de côté il y a plus de quarante ans...
J’ai appelé Darnal pour lui dire : « Ça va
t’amuser, j’exhume une de tes
chansons ! » Il m’a suggéré alors de la
Et pour vous, comment
les choses sont-elles arrivées ?
J’ai retrouvé le fils de mon
cher Jean Dréjac qui est devenu
éditeur. Et là, il m’a engueulé
carrément — « Regarde ce qu’a
fait Salvador ! » —, puis il m’a
fait rencontrer un jeune guitariste de jazz, Nicolas Richard qui
m’a proposé de revisiter mon
répertoire et de faire des
maquettes. Il voulait également
de nouvelles chansons, mais
nous n’avons pas trouvé de
jeunes paroliers.
En revanche, nous avons
rencontré un jeune compositeur,
Philippe Loffredo. C’est lui qui a
eu l’idée du duo avec Agnès
Jaoui. Je pensais sincèrement
qu’Agnès, pour qui j’ai une très
grande admiration, n’en aurait rien à foutre de Marcel Amont, mais
elle a répondu : « Aucune objection ! » Du coup ça m’a regonflé le
moral, je suis allé voir Gérard Darmon, Didier Lockwood et enfin
Nicolas Richard qui m’a suggéré de faire un duo avec ma fille. Ce
n’était pas son métier, mais on pouvait toujours essayer. J’ai donc
réécrit une chanson, Toi et moi, et je me suis retrouvé chez Francis
Dreyfus avec, en trois semaines, douze fois plus de promo que dans
les vingt-trois années qui ont précédé ! Et voilà !
J’ai fini. Je vous écoute ! (grand éclat de rire)
réécrire et nous l’avons déclarée sous le
titre Le gardien et le prisonnier.
Pour Démodé, je ne voulais pas écrire.
C’est Philippe Loffredo qui m’y a poussé :
« Trouve-moi une idée ! » Je lui dis : « Je
suis un chanteur démodé, j’ai pas l’swing,
j’ai pas l’feeling... ». Il s’écrie : « Voilà ! »
Pour quelqu’un qui ne voulait pas écrire...
il y a six textes de moi sur le disque !
D’où vient l’idée de Décalage
horaire, chantée en duo avec Agnès
Jaoui ?
Dans l’ordre chronologique, c’est la
première chanson dont j’ai donné l’idée,
mais je n’ai pas voulu l’écrire. C’est Zina
Tamiatto et Charlotte Grenat qui ont
trouvé le titre. Décalage horaire est l’histoire d’un gars, moi, qui veut séduire une
jeune femme. Il est trop vieux, mais il lui
plaît bien malgré tout, car il a du charme.
Ils se séparent et... on ne sait pas... Zina et
Charlotte sont deux jeunes filles qui écrivent pour des chanteurs beaucoup plus
JE CHANTE MAGAZINE N° 2 — 1ER TRIMESTRE 2008 — PAGE 44
jeunes, mais ça leur a fait plaisir d’écrire
pour moi. Je crois qu’elles ont fait partie
des élèves de Claude Lemesle, les
Stylomaniaques.
Avez-vous sollicité d’autres
personnes qui n’ont pas voulu ?
Personne n’a refusé. Mais il faut dire
aussi que je n’ai pas appelé Charlotte
Rampling ou Fanny Ardant... Agnès Jaoui
a accepté grâce à Philippe Loffredo qui est
un de ses copains.
Et Samba d’été ?
C’est la reprise d’une chanson enregistrée en 1967. À l’époque, Michel
Colombier m’en avait fait l’orchestration.
La valse du temps perdu ou Mon
cinéma, c’est votre veine mélancolique et nostalgique...
Encore Loffredo ! Il m’avait apporté
aussi la musique de Mon cinéma, et j’ai
écrit sur ses musiques.