Activité 2 – La « culture d`entreprise » : un moyen d`assurer la

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Activité 2 – La « culture d`entreprise » : un moyen d`assurer la
Activité 2 – La « culture d’entreprise » : un
moyen d’assurer la cohésion dans les
organisations ?
Objectifs
- Montrer qu'une entreprise est d'abord un groupe humain doté de
valeurs et référents communs.
- Mettre en évidence le fait qu'une entreprise nécessite une certaine
coordination entre ses membres, mais implique également un
ensemble de tensions entre eux.
- Suggérer que les tensions naissent à la fois de l'existence d'une
hiérarchie, des contraintes concrètes de la production, et enfin du
partage de la valeur ajoutée.
Document 1 – Quand travailler, c'est adhérer
Dans le cadre de la première phase du processus d’adhésion, les
nouveaux employés recherchent activement la reconnaissance du
collectif de travail. « Tenir les cadences » constitue alors un défi à
relever. L’adhésion dont ils font preuve renvoie alors au sentiment
d’engagement vis-à-vis des pairs. Il s’agit de se conformer pour gagner
de n’être plus qu’un parmi les autres. Mais cette quête d’indifférenciation
est en réalité une défense […] [notamment] à l’encontre d’une fragilité
identitaire déjà présente chez nombre d’employés avant même qu’ils
n’intègrent l’entreprise. Une majorité d’entre eux sont des étudiants (60
%) dont la moyenne d’âge n’excède pas 22 ans. […]
L’intégration des employés au collectif passe ainsi nécessairement par
une période de mise à l’épreuve. Et dans la mesure où les nouveaux
employés se trouvent contraints d’apprendre en interne comment
procéder à leur poste, et qu’ils doivent s’adapter à un corpus de normes
et de pratiques particulièrement important et contraignant, ceux qui s’y
soumettent intègrent également l’Idéal du moi organisationnel.
L’organisation devient ainsi leur groupe d’appartenance privilégié, et
l’ensemble des normes, règles, valeurs et principes prescrits et prônés
en son sein devient un système de référence légitime et dominant pour
chacun d’eux.
Dès l’instant où un employé réalise son travail avec application et
diligence, il reçoit les marques de reconnaissance du système : «
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reconnaissance positive » de la part des supérieurs, admiration des
subordonnés, envie des pairs. […] Chez McDonald’s, l’individu est
reconnu, désiré et investi d’emblée. Le système organisationnel idéalise
les employés qui se conforment aux normes prescrites, c’est-à-dire «
leur prête une dimension, une valeur, une portée, un éclat qu’ils ne
possèdent pas intrinsèquement. Il les exalte en les faisant passer pour
ce qu’ils ne sont pas ». Et c’est justement cette image idéalisée d’euxmêmes qui leur est renvoyée qui va les faire basculer dans la « servitude
volontaire ».
Hélène Weber, « L'adhésion des employés à l'organisation chez
McDonald's », Nouvelle revue de psychosociologie, 2006,n°1, p.117-127
Questions :
1. Distinguer : D'après l'auteure, quels sont les facteurs qui favorisent
l'adhésion des salariés de McDonald's à leur entreprise ? Distinguez
en particulier les facteurs « internes » à ces derniers, et ceux qui sont
mis en œuvre par l'entreprise.
2. Expliquer et Discuter : Expliquez la dernière phrase puis discutez-la.
3. Expliquer : En quoi peut-on ici parler d'une véritable socialisation
(c'est-à-dire d'une intériorisation d'un rôle social) ?
Document 2 – Qu'est-ce que la culture d'entreprise ?
Personne n'a jamais obligé les cadres d'IBM, le géant américain de
l'informatique, à porter un costume bleu, une chemise blanche et une
cravate. Mais ne pas se plier à cette coutume vestimentaire aurait été de
mauvais goût chez Big Blue [Surnom d'IBM] il y a encore quelques
années. Dans de nombreuses entreprises, en entrant en réunion, on
serre la main à tous ceux qui sont déjà arrivés. Rejoindre directement sa
place sans saluer personne est considéré comme une marque
d'impolitesse, voire de mépris. Chaque organisation produit des règles
implicites de ce type. La "culture d'entreprise" est cet ensemble de
valeurs, de principes et de représentations partagé par tout le corps
social. Elle avait été définie il y a près de quarante ans par Elliot Jaques
comme "le mode de pensée et d'action habituel et traditionnel, plus ou
moins partagé par tous ses membres, qui doit être appris par chaque
nouvel arrivant pour être accepté dans l'entreprise". Le nouvel embauché
va baigner dans cette culture. Cela se manifeste de différentes façons. Il
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peut être accueilli avec soin, mis sous la protection d'un parrain, qui
facilitera son intégration en lui présentant les gens qui comptent dans et
hors de l'entreprise. Il peut aussi être "bizuté" pendant plusieurs
semaines, méthode désagréable, mais souvent considérée comme
efficace pour lui faire adopter les rites en peu de temps. En fait, même
sans rite de passage, il faudra peu de temps au nouvel arrivant pour
connaître les récits fondateurs : comment le président a créé la société
en empruntant 500 francs à son oncle après la Seconde Guerre
mondiale; comment l'actuel directeur commercial, lorsqu'il était simple
vendeur, a arraché un fabuleux marché à la barbe des concurrents
américains, etc.
Marc Mousli, « La culture d'entreprise: essentielle mais délicate à
manier », Alternatives économiques, n°79, décembre 2008
Questions :
1. Définir : Qu'est-ce qu'une culture d'entreprise, comment se construitelle ?
2. Expliquer : Quelles conséquences peut-elle avoir sur la vie en son
sein ?
3. Discuter : Ce type de phénomènes est-il propre aux seules
entreprises ?
Document 3 – Comment construit-on une culture d'entreprise ?
L'exemple du journal « Planète Sochaux »
A partir du numéro de décembre 2010 de cette publication répondez aux
questions suivantes :
Questions :
1. Décrire : Identifiez « Planète Sochaux » : en particulier, qui l'édite,
à qui est-il destiné et à combien d'exemplaires est-il tiré ?
2. Décrire : Quelles sont les principales rubriques ? Décrivez
brièvement le contenu de chacune.
3. Analyser : De quelle(s) manière(s) les salariés de l'établissement
sont-ils mis en scène ?
4. Analyser : Quels types de sujets concernant la vie de l'entreprise
vous paraissent au contraire absents ?
5. Expliquer : Quels peuvent être les principaux objectifs d'une telle
publication ?
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Document 4 – Une ou des cultures d'entreprise ?
Chez Renault Véhicules Industriels [Filiale du groupe Renault rebaptisée
aujourd'hui « Renault Trucks »], les travailleurs, comme les directions,
sont coincés dans une contradiction dramatique : le marché du poids
lourd sur lequel l’entreprise se situe ne connaît pas d’expansion
rapide. Les gains de productivité sont toujours largement supérieurs à la
croissance des ventes, ils servent donc soit à gagner des parts de
marché au détriment des autres entreprises, soit à ne pas trop en
perdre. Dans tous les cas, l’emploi total du secteur régresse. Cette
situation provoque une indécision idéologique qui touche aussi bien les
salariés « ordinaires » que les « spécialistes » de la production d’idées
dans l’entreprise, qu’ils soient cadres ou syndicalistes. Les cadres
tiennent un discours musclé sur la compétitivité mais s’empêtrent dans
des contradictions insolubles sur l’emploi, et les syndicalistes qui
répètent « qu’avec la lutte tout est possible » sont bien obligés de
constater l’inefficacité relative de leur action. L’entreprise connaît ainsi
une perturbation profonde des règles de l’échange qui entraîne une
anomie [Insuffisance ou absence de règles dans un groupe social
donné] croissante : le système de sanction et de récompense propre à
sa culture ne fonctionne plus de manière claire et efficace. Ce qui
précède nous permet d’affirmer sans conteste l’existence de cultures
d’entreprises. Qu’il faille en parler au pluriel semble aussi évident compte
tenu de l’extraordinaire diversité de configurations possibles entre
entreprises d’histoire, de taille, etc. différentes. Si ces cultures expriment
bien à leur manière le fonctionnement de ces systèmes d’échanges
inscrits dans la nature et l’histoire de la main d’œuvre, la nature des
productions et de la clientèle et les multiples formes d’organisation du
travail, on comprendra la nécessité d’aborder cette notion au pluriel.
Jean-Pierre Hierles, « Culture d'entreprise ou culture d'établissement ?
», DEES, n°106, décembre 1996
Questions :
1. Expliquer : Expliquez la phrase soulignée.
2. Expliquer : Pourquoi peut-on parler de cultures d'entreprise au sein
de Renault Véhicule Industriels?
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Document 5 – Choc des cultures en milieu pénitentiaire
Marie-Hélène Lechien [...] a réalisé une enquête de terrain (avec Marc
Bessin) dans des prisons pour hommes. Le conflit auquel elle
s'intéresse, entre surveillants de prison et infirmières, est conditionné par
la mise en place d'une réforme pénitentiaire : à partir de 1996, les soins
médicaux aux détenus sont confiés à des « unités de consultations et de
soins ambulatoires » (UCSA) qui font intervenir des infirmières
dépendant du ministère de la santé. Auparavant, les soins aux détenus
étaient assurés par des infirmières pénitentiaires secondées par les
surveillants de prison. Des infirmières formées à l'hôpital remplaçant les
infirmières pénitentiaires doivent désormais travailler avec des
surveillants de prison. Infirmières et surveillants sont obligées de
coopérer : les détenus doivent faire une demande auprès des
surveillants pour accéder aux UCSA. Les surveillants effectuent donc le
tri qui détermine en partie les conditions de travail des infirmières.
Réciproquement, les surveillants ont besoin de l'infirmière pour gérer la
discipline dans les cellules (pour calmer un détenu qui commence à
craquer, par exemple) [...].
Cette réforme suscite donc « de nombreux conflits entre personnels
pénitentiaires et personnels hospitaliers, placés en situation de
concurrence pour la définition du mode légitime de gestion de la
population pénale ». Les infirmières ont en effet leurs propres critères
médicaux de définition de la population à soigner et n'entendent pas
partager cette compétence avec les surveillants. Or ces derniers ont
aussi leurs critères, qui sont issus des années où ils ont participé au
travail de soin et qui relèvent notamment de leur connaissance
approfondie des détenus avec lesquels ils sont en contact quotidien. Le
« choc » entre ces deux cultures professionnelles peut donc être saisi à
deux niveaux : [...] surveillants et infirmières sont réciproquement
heurtés par les manières de se comporter, de bouger, de parler de
l'autre groupe. Par exemple les infirmières sont choquées sur la façon
dont les surveillants entrent dans le service médical avec une «
démarche de cows-boys », par leur façon de stationner dans le couloir et
de parler fort ou encore de s'adresser avec familiarité aux détenus. En
retour, les surveillants supportent mal de voir les infirmières leur fermer
la porte du service médical au nez, de donner du « Monsieur » aux
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détenus ou encore de refuser la poignée de main comme mode de
saluer de respect entre professionnels.
[Au niveau verbal] chaque groupe entretient [...] des rumeurs qui mettent
en doute la morale professionnelle de l'autre groupe, et [...sa] vocation
professionnelle [...]. Plus ou moins feutrés, les désaccords au travail
peuvent prendre des formes variées, être saisi de façon privilégiée dans
les moments de face-à-face au contraire dans les propos et les actes
tenus à distance de l'autre groupe. Ils peuvent aussi avoir un objet
détourné, comme si le traitement légitime d'un troisième groupe, à savoir
les détenus.
Christelle Avril, Marie Cartier, Delphine Serre, Enquêter sur le travail,
coll. Grands Repères, La Découverte, 2011, p.86-87
Questions :
1. Expliquer : Pourquoi la réforme pénitentiaire de 1966 a-t-elle
provoqué ce conflit entre infirmières hospitalières et surveillants
pénitentiaires ?
2. Expliquer : Quel est le « fond » de l'opposition entre ces deux
catégories d'après les chercheur-e-s ?
3. Analyser : Comment celle-ci se manifeste-t-elle dans la pratique ?
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Document 6 – Qui exerce le pouvoir dans une organisation ?
Selon [le sociologue Michel Crozier], l’exercice concret du pouvoir dans
une organisation, qu’il s’agisse d’une entité administrative ou d’une
entreprise, ne correspond pas à l’application d’un ordre hiérarchique figé.
Le pouvoir ne vient pas essentiellement d’en haut, de la direction et des
règles d’organisation qu’elle instaure, mais résulte des mécanismes
quotidiens de coopération et d’affrontement entre les individus qui
composent l’organisation. Le modèle du « jeu » prédomine : à tous les
échelons, les différents acteurs cherchent à améliorer leur situation et
font dans cette perspective des « coups » s’appuyant sur leurs atouts
spécifiques. Dans Le Phénomène bureaucratique (1963), M. Crozier
analyse le fonctionnement d’une manufacture de tabacs et montre que
les personnels d’entretien disposent d’un réel pouvoir, lié à leur maîtrise
de l’incertitude : leur compétence pour réparer les machines en panne
leur permet de peser aussi bien sur les travailleurs payés à l’heure que
sur la direction soucieuse du rendement global de l’activité. Ils possèdent
un savoir technique indispensable dans l’optique de la gestion des
risques, un savoir qu’ils peuvent valoriser afin de défendre leurs intérêts
et éventuellement de contester les injonctions des cadres. Pour prendre
un autre exemple, les secrétaires ont parfois accès à des informations
confidentielles dont elles peuvent se servir pour déstabiliser leur
hiérarchie et obtenir des gains de position. Dans ces deux cas, les
« subordonnés » mobilisent des ressources propres afin de résister ou
de faire pression sur leurs « supérieurs ». De manière générale, le
pouvoir dans une organisation est éclaté, et sa trame est constituée par
les conflits d’objectifs entre des individus et des groupes de niveaux
hiérarchiques opposés ou rapprochés. Il renvoie donc à des rapports de
force mouvants et non à des formes irréversibles de domination.
Martin Duru, « Au cœur des rapports de force », Les Grands dossiers de
Sciences humaines n°10, mars-avril-mai 2008
Questions :
1. Expliquer : A quelle conception courante du pouvoir s'oppose
Michel Crozier ?
2. Expliquer : Sur quelle ressource s'appuient en particulier les
salariés selon lui pour conserver des marges de manœuvre ?
3. Expliquer : Expliquez la dernière phrase.
4. Discuter : Ce modèle peut-il s'appliquer pour décrire les relations
entre les enseignants et les élèves ?
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SYNTHESE :
Rédigez un paragraphe d'une dizaine de lignes qui montrera en quoi les
entreprises représentent des lieux de socialisation importants, mais qu'il
est difficile de parler d'une unique "culture d'entreprise".

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