La dernière place par Albert
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La dernière place par Albert
1/1 Enseignement Groupe de Prière St. Damien (nov.-2015) : La dernière place par Albert-Marie BESNARD o.p. « Ce n'est pas à la première place, mais à la dernière que je m'élance ›› (Thérèse de Lisieux) 1 Ancien élève de l'École polytechnique, Albert-Marie Besnard est né en 1926. Entré chez les Dominicains en 1949, il est choisi comme prieur du couvent de Strasbourg en 1957. Après avoir exercé successivement les fonctions de maître des novices et de maître des étudiants, il devient directeur de La Vie Spirituelle. Ses nombreux articles et ouvrages témoignent d'une expérience humaine et d'une authentique profondeur spirituelle; avec une clarté pénétrante alliée d’une grande sympathie, il reprend les questions et les attentes des hommes d'aujourd'hui pour y répondre à la lumière de Jésus Christ. Mieux vaut le reconnaître franchement : cet évangile qui nous propose de rechercher la dernière place, nous fait faire la grimace. L'humi1ité est une vertu qui n'a plus guère cours, je ne dis pas seulement dans notre société en général, mais même aux yeux de nombreux chrétiens... Ici joue à fond la folie de l'Évangile. À celui qui veut devenir humble, elle demande de s'exercer à estimer les autres supérieurs à soi (cf. Phil. 2,3) ; elle demande de préférer paraître moins que plus, les situations basses aux plus hautes, la dernière à la première place : dans la mesure du possible, selon sa vocation - mais, toute légitime exception accordée, cette mesure est toujours grande pour celui qui la cherche vraiment ! On sait combien de saints ont cherché jalousement cette dernière place. Loin de les accuser de délire mystique, il faut y voir de leur part l'avidité d'un mystère dont ils comprenaient la dialectique, pour nous étrange : Quiconque s'élève sera abaissé, et qui s'abaisse sera élevé (Lc 14,11). Nous ne saisissons ce paradoxe qu'en le vivant ; mais impossible de le vivre par calcul, il faut le vivre avec vérité, c'est-à-dire en y mettant le prix et, pour tout dire, humblement. On ne peut décrire la variété d'attitudes quotidiennes auxquelles cette décision nous engage. Contentons-nous de quelques échantillons. Quand deux hommes se disputent le même avantage non partageable, chacun se justifie en disant : pourquoi lui plutôt que moi? L'homme humble est tenté de se dire: au fond, pourquoi moi plutôt que lui? Quand un échec survient, chacun des membres de l'équipe cherche un coupable : c'est évidemment la faute de tel ou de tel. L'homme humble s'interroge : pourquoi serait-ce davantage de leur faute que de la mienne? Quand notre génie ou nos talents se trouvent méconnus et inutilisés, chacun s'exclame avec dépit: quelle injustice ou: tant pis pour eux ! L'homme humble, lui, est tenté de se dire : après tout, suis-je tellement indispensable ? Et, avec le sourire, il fera profiter de ses richesses ceux qui accepteront de les recevoir... Il est héroïque de vouloir faire mourir en soi tout orgueil. Pour nous en dispenser, nous préférons nous récrier hypocritement contre les dangers que l'humilité chrétienne est censée faire courir à l'épanouissement de notre personnalité. Mais nous nous trompons, et si nous avions seulement un brin de loyauté, nous devrions convenir que si tant d'êtres, hélas, ne réussissent pas à être des hommes, ce n'est nullement parce qu'ils auraient assidûment cultivé l'humilité, c'est plutôt parce que les mille formes de la suffisance et de l'orgueil, en eux ou chez les autres, les empêchent de participer aux abaissements de Jésus Christ pour être, par lui et en lui, redressés et grandis. Oserait-on demander à ceux qui méprisent si haut les voies de l'humilité et qui en font si facilement le procès : les avez-vous vraiment essayées ? 1 Texte tiré de L'humilité à l'égard de nos semblables, dans «Assemblées du Seigneur première série, n° 70, p. 67 et 76-78. Groupe de prière Saint-Damien, Fraternité de Tibériade, 5580 Lavaux-Ste-Anne, Belgium Diffusion expressément encouragée.