Miss Massenez » naît de l`alambic Peureux

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Miss Massenez » naît de l`alambic Peureux
ECONOMIE
MARDI5NOVEMBRE2013 P
DÉVELOPPEMENT Soixante entrepreneurs qui font l’Alsace
L’AGENDA
ÉCONOMIE
« Miss Massenez »
naît de l’alambic Peureux
HAGUENAU
Réunion
d’information
juridique : le bail
commercial
Q JEUDI 7 NOVEMBRE. Le
service juridique de la CCI de
Strasbourg et du Bas-Rhin
organise une réunion d’information sur le thème du bail
commercial (à 17 h 30
au CAIRE, 84, route de Strasbourg à Haguenau). D’une
durée de 2 heures environ,
cette réunion a pour but
d’informer les locataires de la
réglementation et de leurs
droits au moment de la conclusion d’un tel contrat.
Seront également abordées
les questions liées au renouvellement du bail, à la répartition des charges et des frais
de travaux (notamment pour
la mise aux normes d’accessibilité aux personnes en
situation de handicap) ou de
réparation, ainsi que les
différentes hypothèses de
sortie du contrat. Renseignements et inscription préalable :✆0388752523,
[email protected]
STRASBOURG
Journée design
industriel
Q MARDI 12 NOVEMBRE.
Dans le cadre du Parcours
design Rhin supérieur organisé par les CCI d’Alsace et leur
homologue IHK de Fribourgen-Brisgau sera organisée
une conférence sur l’intégration du design dans l’entreprise (de 14 h à 18 h au Palais universitaire de
Strasbourg). Sont attendues
les interventions d’Anne-Marie Boutin, présidente de
l’APCI, Cornelia Dollacker,
directrice de Hessen Design,
et de Charlotte Schiffer,
designer industriel au sein de
l’agence Ladida. Informations et inscriptions : Eléonore Maechler, e.maechler@
alsace.cci.fr, Christine Richmann, chritine.
[email protected].
SAUSHEIM
3e Journée
de l’innovation
artisanale
Q VENDREDI 15 NOVEMBRE.
La Chambre de métiers d’Alsace invite à sa 3e Journée de
l’innovation artisanale sur le
thème « Pour innover : jouez
collectif » (de 14 h à 19 h,
dans les locaux de la Banque
Populaire d’Alsace, 9 rue
Konrad-Adenauer à
Sausheim). Renseignements
et inscription :
✆03 88 19 79 37. Inscriptions en ligne : http ://
www.cmatic.info/journee-del-innovation.
OBERNAI
Journées de
l’agriculture
biodynamique
Q DIMANCHE 24 NOVEMBRE.
À l’occasion du vingtième
anniversaire de la formation
biodynamique professionnelle en Alsace, le Mouvement
de l’agriculture biodynamique organise à partir de 9 h
une journée d’échanges au
lycée agricole d’Obernai. Au
programme figure notamment, à 11 h, une conférence
de Marc Desaule sur le thème
« Renouveau de l’agriculture,
renouveau de la société ».
Détails : www.biodynamie.org
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Le rachat d’une entreprise par une autre, plus grande, se traduit parfois par des dégâts sociaux et des
pertes pour le territoire. L’association de Bernard Baud, patron de la distillerie franc-comtoise Peureux,
avec Manou Massenez montre que ce n’est pas fatal. Portrait croisé et 43e volet de notre série.
D
ans le grand hall silencieux des cuves de la Distillerie Massenez, à Dieffenbach dans le Val de
Villé, une double rangée de fûts
oblongs, cerclés de fer, tannés par
l’usage, attire l’œil. Bizarre… Le
chêne n’entre guère dans la culture ancestrale de l’élaboration des
eaux-de-vie de fruits, grande spécialité de la maison avec les liqueurs aux délicats parfums.
« J’ai fait venir ces fûts du Portugal. Je veux faire des essais de
vieillissement d’eau-de-vie de
prune dans ces barriques qui ont
longtemps hébergé du porto »,
explique sans se faire prier Bernard Baud, président de la distillerie depuis son rachat en
2010.
« Associer Peureux et
Massenez met en
résonance nos
potentiels en
préservant nos
savoir-faire »
À ses côtés, Manou HeitzmannMassenez sourit et approuve. Héritière de la maison familiale portée à bout de bras, inlassable
ambassadrice des eaux-de-vie
d’Alsace dans le monde, parfaitement informée des évolutions du
marché et des goûts du consommateur, la patronne de la distillerie a voulu donner une nouvelle
vie à la marque en choisissant
d’associer son destin à celui des
Grandes Distilleries Peureux, de
Fougerolles (Haute-Saône). Une
maison vouée au kirsch, notamment avec ses « Griottines », produit culte.
Dans l’univers nettement masculin des digestifs, Manou Massenez
incarnait depuis longtemps une
approche féminine du produit. Ce
sera le moteur du futur tandem.
« Associer les maisons Peureux et
Massenez avait un très grand
sens : mettre en résonance nos
potentiels en préservant nos savoir-faire. Peureux, c’était une
puissance d’appui financier. Massenez, une notoriété bien plus
forte que la nôtre. Nous le savions
dès le départ et c’était cela qui
nous intéressait », raconte Bernard Baud, devenu président des
deux entités. Et il insiste : « Cette
association n’est pas faite pour
déplacer la marque alsacienne.
On va réunir deux forces, notre
capacité d’investissement et la
notoriété de Massenez. » Avec
pour ambition de faire passer la
distillerie du Val de Villé de 2 à
3 millions d’euros à court terme.
C’est aussi l’union de deux maisons anciennes. Peureux aura
150 ans l’année prochaine. Massenez, créée en 1912, fête cette
année un siècle d’existence pour
l’eau-de-vie de framboise sauvage, lancée par Eugène Massenez
et toujours un must.
Bernard Baud et Manou Heitzmann-Massenez, un mariage de raison et de passions au sein d’un des géants du marché des
spiritueux. PHOTO DNA – JEAN-FRANÇOIS BADIAS
S’agissant de l’Alsace, la firme
franc-comtoise n’en était pas à
son coup d’essai. Dès 1960,
Claude Peureux avait racheté, à
Strasbourg, la distillerie La Cigogne, fermée dans la foulée, mais
restée une marque phare dans le
catalogue.
Rien de cet ordre n’est à craindre
pour le mariage Peureux-Massenez, au moins pour l’instant. Les
temps ont bien changé : contexte
réglementaire, habitudes de consommation et goût des amateurs
épris d’authenticité ont bouleversé la vision des producteurs d’alcools de fruits. « Dans les années
2006 s’est reposée à moi la problématique d’une marque d’eaude-vie de fruits forte, à rayonnement international », explique
Bernard Baud.
Au fil des salons internationaux,
les deux dirigeants échangent et
finissent par tomber d’accord :
« Nous sommes arrivés à un moment où il était devenu nécessaire de réinvestir. Il restait six salar i é s c h e z M as s e n e z . No u s
sommes remontés à quatorze. Depuis 2011, nous n’avons de cesse
d’investir dans l’entreprise. Nous
avons apporté 1,2 million d’euros
de capitaux en plus. »
Au seuil des années 90, Bernard
Baud, trompettiste à ses heures,
de formation scientifique, ne se
voyait pas un instant jouer un
rôle dans le monde des spiritueux. En 1992, le décès prématuré de Claude Peureux propulse à
la direction de la distillerie son
père Pierre Baud. Qui enrôle immédiatement son fils pour l’épauler.
Dix ans plus tard, il devient président de la première distillerie de
fruits du monde. Bernard Baud,
45 ans, s’est vraiment pris au jeu.
Au point d’avoir endossé le costume de président de la Fédération
française des eaux-de-vie de
fruits (FFEF).
« Ce n’est pas le gros
qui mange le petit,
mais le petit qui aide
le grand à devenir
meilleur »
Si attachant soit-il, le produit est
en réalité une goutte dans l’océan
du marché des spiritueux. Pour
se développer, il faut être inventif. Et Bernard Baud, en proposant l’eau-de-vie lyophilisée pour
les professionnels de la gastronomie, a prouvé son absence de préjugé.
Il va faire de la distillerie alsacienne un véritable cas d’école.
« Massenez est largement exportatrice mais il fallait d’abord la
réinstaller dans son territoire,
l’Alsace. Depuis deux ans, une
grande partie de nos efforts se
porte sur la région et la France. La
marque était un partenaire des
Étoilés d’Alsace depuis toujours.
On retravaille avec eux et on veut
être un partenaire actif. On commence à voir réapparaître de bons
signes, la reprise de clients », explique Bernard Baud. Mais il sait
mieux que personne que le digestif souffre dans les cafés, hôtels et
restaurants, notamment du fait
des légitimes contraintes de sécurité routière. Et dans la filière
DU VAL DE VILLÉ À LA MARTINIQUAISE
Massenez réalise 2 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont 60 %
obtenus à l’exportation. En volume, sa production est de 250000
équivalents 70 cl, le conditionnement « standard » des eaux-de-vie
de fruit. C’est grosso modo le dixième de ce que produisent les Grandes Distilleries Peureux à Fougerolles (Haute-Saône). Elles-mêmes
sont un élément de la galaxie beaucoup plus vaste des marques du
groupe familial La Martiniquaise (900 millions d’euros de chiffre
d’affaires), numéro 2 français des spiritueux, auquel Peureux appartient depuis 2007.
fruits, le traditionnel triptyque
des débouchés (table, conservation, distillation) ne fonctionne
plus aussi bien qu’autrefois : « Il
y avait un équilibre entre les trois
qui permettait aux arboriculteurs
de vivre correctement. Ce n’est
plus le cas. Le premier marché a
commencé à souffrir, avec un effet de report de marges sur les
autres. La matière première est
devenue difficile à trouver en Alsace. Nous devons travailler ce
sujet », dit Bernard Baud. Déjà
heureux que la Route des eauxde-vie, lancée avec ses confrères
Meyer et Nusbaumer, ait bien démarré.
Au-delà du régional, Peureux
veut entretenir et développer la
faveur mondiale de Massenez. Il
pense y parvenir en féminisant
radicalement le produit, passant
du pousse-café au cocktail : c’est
la naissance de « Miss Massenez », une gamme de cocktails
incorporant eaux-de-vie, liqueurs
et griottines. Le patron de Peureux crayonne lui-même une silhouette vintage qui devient l’emblème de la nouvelle marque.
Assez curieusement, elle donne
l’impression d’avoir toujours
existé. Un cahier de recettes est
construit, avec un cocktail pour
chaque grande ville du monde,
Paris, New York, Londres. « Pas
question de toucher aux bouteilles. Nous devions à tout prix
garder le consommateur actuel,
le rassurer, tout en en séduisant
de nouveaux. Nous avions trois
points forts : la framboise, un
fruit éminemment féminin, Manou elle-même et le cocktail. On a
décidé d’assumer cette part de
féminité. Et c’est magique ! En
créant un univers féminin, ce
n’est pas une rupture mais une
nouvelle fenêtre pour nous », explique Bernard Baud. Il soigne les
détails en faisant appel à un barman professionnel, Pierre Boueri,
tout en présentant neuf recettes
très simples, associées au voyage : « À Bangkok, lorsque notre
distributeur nous a apporté la recette du cocktail Miss Orchid,
composé avec nos produits, j’ai
compris que c’était gagné. »
Bousculée par son nouveau président, Massenez fait des « coups »
inimaginables avant. Par exemple sa présence dans l’espace VIP
du Rallye de France, il y a quelques semaines à Strasbourg :
« Personne ne s’y attendait ! C’est
intéressant », souligne Manou
Massenez, qui juge aussi qu’avec
l’association Peureux-Massenez,
ce n’est pas « le gros qui mange le
petit, mais le petit qui aide le
grand à devenir meilleur ». Une
leçon à méditer.
ANTOINE LATHAM
R
Q Dernière parution dans cette série
créée à l’occasion des soixante ans
de l’Adira, Michel Munzenhuter le
6 juillet.
RTE 06