Crédits hypothécaires : qualification et indépendance - Vif

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Crédits hypothécaires : qualification et indépendance - Vif
L’ACTUALITÉ DU MÉTIER
Crédits hypothécaires : qualification et
indépendance, la parole est donnée aux experts
en évaluation immobilière !
Par Claude Galpin, MRICS, REV,
président de VIF Expertise –
membre titulaire de l’IFEI.
La directive 2014/7 sur les contrats de crédit aux
consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage
résidentiel du 4 février 2014 a été publiée au Journal Officiel
de l’Union Européenne. Cette dernière considère qu’il
est fondamental de développer, au sein de cet espace, un
marché du crédit plus performant et plus transparent, pour
promouvoir l’activité transfrontalière et créer un marché
intérieur des contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers
à usage résidentiel.
La crise financière que l’Europe traverse depuis de
2008 a été amplifiée dans certains pays de l’Union par un
certain « laxisme » des établissements financiers dans les
modalités de délivrance des crédits immobiliers résidentiels
notamment.
Pour l’Union Européenne, il est important de s’assurer que le
bien immobilier à usage résidentiel sera correctement évalué
avant la signature du contrat de crédit. Cette obligation
s’applique tant aux évaluateurs internes qu’externes. Cette
directive traite donc aussi bien de leur compétence que
de leur indépendance. Il conviendra de s’assurer que
l’indépendance soit suffisante pour leur permettre de
« fournir une évaluation impartiale et objective qui est
consignée sur un support durable et dont une trace est
conservée par le prêteur ».
Cette notion d’évaluateur externe, que l’on comprend
aisément dès lors que l’établissement prêteur fait appel à un
évaluateur qui n’est pas un de ses salariés, risque d’ajouter à la
confusion actuelle induite par cette même notion d’évaluateur
externe en évaluation immobilière, introduite par la directive
AIFM transposée l’été dernier en France, pour laquelle les
associations d’experts essayent de trouver une solution.
La bonne gestion des conflits d’intérêts sera au centre de cette
dichotomie entre l’expert interne et externe.
LES NORMES D’ÉVALUATION APPLICABLES
En son 1er alinéa, l’article 19 de la directive sur le crédit
hypothécaire précise que les Etats membres veillent à la mise
au point sur leur territoire de normes d’évaluations fiables des
biens immobiliers résidentiels aux fins de prêts hypothécaires.
XII
En France, la Charte de l’expertise en évaluation
immobilière, dont la 4ème édition a été publiée en octobre
2012, est le référentiel commun à tous les experts en
évaluation immobilière. En effet, 14 associations d’experts
en évaluation immobilière l’ont signée en octobre 2012. Les
pouvoirs publics vont donc s’appuyer sur ce référentiel pour
transposer la directive en droit français. Le rôle du Comité
d’application de la Charte, qui s’est doté d’une personnalité
morale, va donc être déterminant pour la mise en œuvre de
ce type d’évaluation.
Il ne s’agira donc pas pour la France d’une mise au point,
puisque la Charte de l’expertise en évaluation immobilière a
24 ans d’existence et qu’elle en est à sa 4ème édition cosignée
par la quasi totalité des associations d’experts en évaluation
immobilière, qu’elles soient d’experts judiciaires, agricoles
et fonciers, experts amiables, individuels ou évoluant en
société.
D’autant que la Charte de l’expertise a intégré, au fil des
éditions, les grands concepts internationaux d’évaluation
immobilière recommandés tant par l’International
Valuation Standards Council (IVSC) que ceux des European
Valuation Standards de TEGoVA ou encore du Red Book de
la RICS.
Cet effort de standardisation, au moyen d’un référentiel
commun à présent à la quasi totalité des associations
d’experts en évaluation immobilière, entrepris dès 1990 en
France, illustre la professionnalisation qui caractérise
aujourd’hui l’exercice du métier d’expert en évaluation
immobilière.
Cette professionnalisation a pu s’imposer en France grâce
à cet effort de standardisation des concepts d’évaluation,
des méthodes, du contenu et de la forme des documents
d’expertise. Les efforts en matière de contrat d’expertise ont
également porté leurs fruits car les experts en évaluation
immobilière s’attachent de plus en plus à définir avec
leurs clients la mission, son cadre, les méthodes mises en
œuvre, ou à régler d’éventuels conflits d’intérêts en toute
transparence.
Juin 2014 : hors-série Business Immo L’expertise en évaluation immobilière
L’ACTUALITÉ DU MÉTIER
Ce souci évite de plus en plus les conflits en cours de
réalisation des missions et protège tant l’expert en évaluation
immobilière que son client. On sait aujourd’hui que la
protection du consommateur est une préoccupation
constante du Législateur européen ou national.
Ce référentiel commun fournit également un cadre pour
le contrôle des évaluations rendues par les experts en
évaluation immobilière.
Or, en son 2ème alinéa, la directive sur le crédit
hypothécaire demande à ce que les Etats membres
veillent à ce que les évaluateurs internes et externes, qui
procèdent à des évaluations de biens immobiliers, soient
professionnellement compétents...
L’Europe voit fleurir depuis quelques années des processus
destinés à contrôler les qualifications professionnelles des
experts en évaluation immobilière.
Le premier processus a été mis en place au début des années
2000 par les sociétés membres de l’AFREXIM afin de s’assurer,
par un contrôle annuel, que ses membres délivrent bien leurs
rapports d’expertise conformément à la Charte de l’expertise
en évaluation immobilière. Ce contrôle annuel s’applique sur
plusieurs dossiers choisis au hasard et porte sur 70 points
visant tant le contrat d’expertise que les documents d’expertise
eux-mêmes.
Pour les experts judiciaires, les pouvoirs publics ont modifié
le système d’inscription sur des listes en obligeant un
renouvellement de cette inscription tous les 5 ans et d’assortir
notamment la réinscription des experts judiciaires d’une
obligation de formation de 20 heures par an.
En 2008, TEGoVA a proposé aux associations membres de
mettre en place le processus de qualification européenne
Recognised European Valuer (REV). Cette qualification se
généralise de façon importante en Europe puisqu’elle compte
plus de 2 000 experts REV by TEGoVA. L’Institut Français de
l’Expertise Immobilière (IFEI) a été une des deux associations
pilotes en Europe pour développer ce système.
En France les experts REV sont aujourd’hui presque 250.
Cette qualification va permettre de veiller à ce que les
évaluateurs qui procèdent à ce type d’évaluation immobilière
soient bien compétents. En effet, ce processus de qualification
professionnelle est acquis après une étude sur dossiers et
l’examen de rapports d’expertise en évaluation immobilière
s’assurant de leur conformité à la Charte. Cette qualification
a une durée limitée à 5 années. Au terme de cette période,
l’expert en évaluation immobilière doit représenter un
dossier complet. Pendant la période de cinq années, il doit
suivre chaque année 20 heures de formation spécialisée en
évaluation immobilière. L’association certificatrice fait l’objet
d’audits réguliers afin de s’assurer du respect du processus.
En 2011, la RICS a mis également en place un système de
reconnaissance qui concerne tant les sociétés (Regulated
by RICS - RBR) que les évaluateurs individuels (Valuation
Registration System - VRS). Ce système est fondé sur les
recommandations du Red Book. Cette reconnaissance est
obtenue parmi les membres qui en font la demande et fait
l’objet d’audits aléatoires.
C’est pour cette raison que l’Union Européenne a clairement
mentionné dans les considérants de la directive que les
normes de l’IVSC, celles de TEGoVA ou de la RICS sont
considérées comme fiables. La Charte de l’expertise en
évaluation immobilière, qui en est la synthèse, sera donc le
référentiel incontournable pour les consommateurs et les
établissements prêteurs.
Enfin, l’Union Européenne considère que des dispositions
juridiques ou l’autorégulation peuvent permettre de se
conformer aux dispositions de la directive.
La France s’est engagée dans la voie de l’autorégulation avec
une Charte et des systèmes de contrôle des qualifications.
La transposition en droit français pour la partie relative aux
experts en évaluation immobilière pourra donc s’appuyer
sur ce vaste effort de professionnalisation engagé depuis
25 ans par une profession dont l’utilité est de plus en plus
mise en exergue par les pouvoirs publics.
Au-delà du caractère opérationnel des normes d’évaluation
et de la vérification des compétences des experts en
évaluation immobilière en charge de ces missions
d’évaluation dans le cadre de la délivrance de crédits
hypothécaires aux consommateurs souhaitant acquérir un
logement, certains aspects directement liés aux évaluations
devront être précisés à l’occasion de la transposition en
droit français de cette directive :
- Formalisation des procédures de gestion des conflits
d’intérêt tant pour les experts externes qu’internes,
- Modalités de visites des biens immobiliers objets de ces
crédits,
- Format des rapports qui sont en Europe souvent en cette
matière très (voir trop) synthétiques,
- Modalités d’actualisation régulière ou non de
ces estimations : certaines banques européennes
recommandent tous les 3 ans pour certains crédits
hypothécaires,
- L’obligation d’assurance en responsabilité civile
professionnelle des évaluateurs qui interviendront dans ce
type d’évaluation,
- Si les surfaces ne poseront pas de problème pour les
appartements en copropriété en raison de l’existence des
superficies privatives, il n’en sera pas de même pour les
maisons où il n’existe actuellement pas d’obligation de
mesurage.
Cette nouvelle directive va donc redonner la parole aux
experts en évaluation immobilière et aux associations les
représentant afin de transposer aux mieux des pratiques et
des normes en vigueur en France.
Juin 2014 : hors-série Business Immo L’expertise en évaluation immobilière
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