Feu bactérien

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Feu bactérien
Feu bactérien
Fondements, problèmes et mesures nécessaires
Etat: 12 février 2008
En bref
Depuis l’année 2000 au moins, on sait qu’il n’est plus possible d’éradiquer le feu bactérien de
Suisse et que les agriculteurs, comme les propriétaires de vergers, doivent apprendre à faire
avec cette maladie. Le feu bactérien représente un danger supplémentaire pour la
préservation des vergers haute-tige. Il convient de mettre au point une stratégie permettant
d’enrayer la maladie, sans toutefois accélérer encore le déclin de ces arbres et provoquer une
réaffectation des terrains.
Un rôle clé revient à la recherche. Cependant, les efforts de recherche entrepris jusqu’ici ont
porté presque uniquement sur la virulence (capacité infectieuse) de la maladie et sur les
méthodes de lutte contre celle-ci. Les connaissances pratiques n’ont pas du tout été prises en
compte. De même, aucune étude de terrain de longue durée n’a été menée à ce jour. Il est donc
nécessaire et urgent de promouvoir une recherche axée sur l’expérience des praticiens.
Le présent dossier fait le tour de la question du feu bactérien et met en évidence des solutions
envisageables pour combattre cette maladie en tenant compte des connaissances de terrain et
en préservant les hautes tiges.
2
Groupe de travail «Feu bactérien»:
Pro Natura; ProSpecieRara; ASPO/BirdLife Suisse; Station ornithologique suisse; WWF
1. Contexte
Le feu bactérien est une maladie des plantes causée par la bactérie entérocoque Erwinia
amylovora, originaire d’Amérique du
Nord. L’agent pathogène s’attaque
à des rosacées, notamment à des
arbres fruitiers à pépins (pommier,
poirier, cognassier), ainsi qu’à
certaines plantes sauvages ou
ornementales. Les fruitiers à
noyau, en revanche, ne sont pas
touchés.
En
présence
de
conditions
d’environnement
favorables, la bactérie peut se
multiplier
et
se
propager
rapidement. Dans la culture fruitière
Source: Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW
pratiquée à titre professionnel, une
contamination peut entraîner des
pertes de rendement. L’impact du feu bactérien sur les vergers est un sujet de controverse
entre praticiens et scientifiques. En Suisse, le feu bactérien a été classé en 1962 parmi les
maladies représentant un danger général. La déclaration des plantes contaminées est dès lors
obligatoire. Le feu bactérien est apparu en Suisse pour la première fois en 1989. Depuis, la
maladie ne cesse de s’étendre. En 2007, année à forte activité de feu bactérien, la présence
de la bactérie a été détectée dans tous les cantons.
2. Chronologie des événements de 2007
2.1 Propagation
Au début du printemps 2007,
une
augmentation
sans
précédent en Suisse de la
fréquence du feu bactérien a été
constatée dans des cultures
fruitières basse-tige et sur des
arbres fruitiers haute-tige. Selon
toute
vraisemblance,
cette
intensification était due à des
conditions
météorologiques
exceptionnelles 1 . L’hiver 06/07
avait été marqué par un
excédent thermique, suivi d’un
temps extrêmement sec et chaud
Source: Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW
en avril. Le mois d’avril 2007 a
été, dans toute la Suisse, le plus chaud au moins depuis le début des mesures de
températures, en 1864. La sécheresse d’avril 2007 a sans doute affaibli les arbres et favorisé
ainsi la virulence du feu bactérien le mois suivant.
Mai 2007 a également été dans tout le pays beaucoup plus chaud que les années
antérieures, mais aussi très pluvieux. Cette humidité et cette chaleur ont sans doute créé des
1
Voir www.meteoschweiz.admin.ch/web/fr/climat/bulletins_actuels/retrospective.html
3
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conditions propices à une forte multiplication de la bactérie. De plus, presque toutes les
variétés de fruits ont fleuri en même temps.
En juin 2007, il était devenu évident que l’ampleur de la contamination dépassait celle de la
dernière grande attaque de feu bactérien, en 2000. Des symptômes de feu bactérien ont été
constatés dans tous les cantons jusqu’en septembre 2007 (la carte montre les communes
touchées).
2.2 Conséquences pour les cultures fruitières e t les arbres fruitiers haute-tige
En 2007, la présence du feu bactérien a été annoncée dans 869 communes – un nombre de
communes plus de deux fois supérieur à ce qu’il était en 2000, considérée comme la pire année
jusqu’alors (365 communes). La maladie a été détectée jusqu’à 1100 mètres d’altitude.
Près de 62'000 arbres basse-tige infectés dans des plantations ont été annoncés, et quelque
100 hectares de vergers de fruits à pépins ont été détruits sur ordre des autorités.
Une forte contamination a également été constatée du côté des arbres fruitiers haute-tige. Plus
de 48'000 pommiers, poiriers et cognassiers (2,3% des 2,1 millions de fruitiers haute-tige) ont
été annoncés infectés à la Station de recherche de Changins-Wädenswil, dont environ 10’000
ont été arrachés sur ordre des autorités.
3. Stratégies de lutte actuelles en Suisse
Pour la lutte contre le feu bactérien, la Confédération a découpé la Suisse en deux zones. 2 La
zone protégée (= zone indemne) englobe les cantons de Vaud, de Fribourg et du Valais, le
reste du territoire suisse constituant la zone non protégée (état à fin décembre 2007). Cette
séparation sert à empêcher la propagation du feu bactérien par le commerce de plantes
infectées.
La zone non protégée est elle-même subdivisée en deux: la zone de foyers isolés et la zone
contaminée. Dans la première, l’objectif est l’éradication de l’agent infectieux. Les mesures à
prendre sont l’élimination des arbres contaminés et l’intensification de la surveillance. Ces
mesures bénéficient d’un soutien de la Confédération (prise en charge de 50% des coûts
d’assainissement et de surveillance).
Dans la zone contaminée, qui se compose de différentes communes, la démarche suivie est
sélective. Le but n’est plus l’éradication de l’agent infectieux, et la Confédération ne participe
plus à la couverture des coûts engendrés par les mesures prises. Chaque canton peut
déposer auprès de la Confédération une demande d’inscription d’une ou de plusieurs
communes dans la zone contaminée.
Les cantons ont en outre la possibilité de définir des objets à protéger à l’intérieur de la zone
contaminée (peuplements dignes de protection, pépinières et leurs alentours dans un rayon
de 500 m). Dans ces objets à protéger, le feu bactérien est surveillé intensivement et
sévèrement combattu. La Confédération soutient ces mesures en prenant en charge 50% de
l’ensemble des coûts.
Les cantons procèdent de différentes manières pour lutter contre le feu bactérien, que ce soit
dans la zone contaminée ou dans le reste de la zone non protégée. Jusqu’à présent, les
cantons de Lucerne, Thurgovie, Saint-Gall (à l’exception de quelques communes), Argovie et
Berne ont en principe arraché systématiquement les cultures basse-tige et les arbres fruitiers
haute-tige contaminés. Dans le canton de Zurich, les fruitiers haute-tige font l’objet, dans toute
la mesure du possible, d’une taille phytosanitaire ayant pour but d’éliminer le foyer infectieux.
4. Méthodes de lutte connues
2
Voir carte sur: www.acw.admin.ch/themen/00576/00956/01113/01116/index.html?lang=fr
4
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4.1 Obtention de variétés résistantes
Toutes les variétés de pommiers, poiriers et cognassiers ne sont pas pareillement sensibles
au feu bactérien. Par contre, il ne semble pas y avoir de variétés absolument résistantes. La
sélection de variétés plus tolérantes peut néanmoins diminuer le risque d’infection par le feu
bactérien. Des listes indiquant la sensibilité de différentes variétés existent déjà. Elles sont
fondées sur des données empiriques. Des voix s’élèvent pour réclamer un recours ciblé au
génie génétique dans la recherche sur la résistance au feu bactérien3 . Le Groupe suisse de
travail sur le génie génétique (GTG) a publié une fiche sur la question de l’obtention de
variétés transgéniques au sein des espèces.4
4.2 Taille phytosanitaire et autoguérison
Des observations faites en Allemagne ont montré que de nombreux pommiers d’un certain âge
ont la capacité de circonscrire les infections par le feu bactérien et de se rétablir. On connaît
cela en Suisse également.5 Pour circonscrire une zone contaminée, les arbres peuvent former
un tissu de cloisonnement semblable à de l’écorce. D’après les observations, cette capacité
de cloisonnement dépend entre autres de la longueur des rameaux des pommiers. Plus les
jeunes rameaux sont courts, mieux les arbres fruitiers haute-tige semblent capables de se
défendre contre la pénétration de la bactérie. Cet aspect doit être désormais pris en compte
dans l’entretien des arbres et la lutte contre le feu bactérien. Les longues pousses (gourmands)
étant particulièrement vulnérables aux infections, il importe de laisser autant que possible les
arbres fruitiers «en l’état». Seules les mesures de taille absolument indispensables doivent
être effectuées. A cet égard, il est certainement nécessaire de remettre en question la pratique
jusqu’ici usuelle, avec une taille phytosanitaire souvent très invasive. Manifestement, cette
capacité de cloisonnement est moins développée chez les poiriers.6
En résumé: on manque d’études scientifiques de longue durée publiées sur la capacité de
cloisonnement et de régénération des arbres de manière générale et en fonction de la variété,
du porte-greffe et de l’âge, ainsi que sur l’influence de facteurs tels que la chaleur, la
sécheresse, l’apport nutritif et d’autres stress (produits ph ytosanitaires, compactage du sol,
etc.) sur la sensibilité des arbres au feu bactérien.
4.3 Antibiotiques contre le feu bactérien
Cette méthode consiste à tenter de tuer par des antibiotiques (streptomycine) la bactérie
responsable du feu bactérien. Dans les pays de l’Union européenne, la streptomycine n’est
plus autorisée depuis 2004 pour l’usage phytosanitaire. Seule une clause dérogatoire permet,
sous des conditions restrictives, d’utiliser malgré tout cet antibiotique. L’emploi de
streptomycine limité dans le temps, dans l’espace et dans la quantité pour lutter contre le feu
bactérien a été autorisé par l’OFAG le 29 janvier 2008.
Le recours à des antibiotiques contre l’agent causal du feu bactérien est problématique pour
les raisons suivantes:
1. La streptomycine a une efficacité de 70 à 90% en plein air. Par conséquent, elle ne permet
pas d’empêcher l’infection par le feu bactérien, mais seulement de la diminuer.
2. Les antibiotiques n’ont qu’une action préventive; ils n’ont aucun effet sur les arbres déjà
contaminés.
3
Voir www.parlament.ch/F/Suche/Pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20073362
Voir www.gentechnologie.ch/papiere/fs_cisgenetik07.pdf
5
Voir Klaus Gersbach im «Zürcher Bauer» du 15 juin 2007
6
Source: Bayerische Landesanstalt für Landwirtschaft (LfL), Freising-Weihenstephan; LfL-Information
Feuerbrand. www.oberallgaeu.org/se_data/_filebank/agrobe/natur/download_center/feuerbrand.pdf
4
5
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3. Pour les apiculteurs/apicultrices et les consommatrices/consommateurs, l’usage
d’antibiotiques en plein champ est un problème, car on ne peut exclure la présence de résidus
dans le miel.
4. La bactérie responsable du feu bactérien peut devenir résistante à la streptomycine. On ne
résoud donc pas le problème; on ne fait que le repousser.
5. La streptomycine tue non seulement la bactérie cible, mais toutes les bactéries utiles
présentes sur la parcelle pulvérisée. Or, ces bactéries utiles peuvent elles aussi développer
des résistances à la streptomycine.
6. Des gènes résistants peuvent être transmis à d’autres souches bactériennes (agents
pathogènes p. ex.). Même si, aujourd’hui, la streptomycine n’est plus que très peu utilisée en
médecine humaine, cela priverait néanmoins le corps médical de possibilités de traitement
contre les infections bactériennes.
7. On sait encore peu de choses au sujet des incidences des antibiotiques sur
l’environnement (sols, faune et flore) et sur l’influence des produits de dégradation
éventuellement générés par ces substances.
8. L’OMS estime que la formation et la transmission de résistances aux antibiotiques en
général est un problème grave et qu’il est urgent d’agir pour mettre fin à l’abus de ces
substances.
9. La Fédération des médecins suisses (FMH), la Société suisse d’infectiologie (SSInf) et les
Médecins en faveur de l’Environnement (MfE) considèrent que l’utilisation de streptomycine à
des fins phytosanitaires n’est pas sans danger.
4.4 Préparations fongiques
Le nouveau produit appelé «Blossom-Protect» de l’entreprise Bio-Protect a démontré une
très bonne efficacité contre le feu bactérien en Allemagne, et il est jugé beaucoup moins
problématique pour l’environnement que la streptomycine, antibiotique dont l’emploi est
controversé. Ce produit renferme le champignon Aureobasidium pullulans, qui agit comme
antagoniste naturel du feu bactérien. Il est une alternative à la streptomycine et exerce tout
comme elle une action uniquement préventive. Utilisable aussi dans l’agriculture et l’horticulture
biologiques, il présente un degré d’efficacité proche de 80%, voisin de celui de la
streptomycine. L’OFAG a homologué ce produit en février 2008.
Une préparation à base de levure baptisée «Candida sake», dont l’efficacité se rapproche de
celle des antibiotiques puisqu’elle est de 70% et plus, est en cours d’essai en Allemagne.
4.5 Préparations à base d’argile
Le Myco-Sin est une préparation à base de terre argileuse ayant une efficacité partielle contre
le feu bactérien. Ce produit est utilisé préventivement. D’une part, il protège les fleurs; d’autre
part, il renforce la plante. Il est homologué pour l’agriculture et l’horticulture biologiques.7
7
Lien vers la fiche: www.db-acw.admin.ch/pubs/wa_fb_06_des_1472_f.pdf
6
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4.6 Préparations bactériennes
Le Bacillus subtilis (nom commercial: Biopro et Serenade WP O) est un produit
phytosanitaire biologique aux propriétés bactéricides et fongicides, dont le principe actif est
Bacillus subtilis, une bactérie présente naturellement dans le sol. Celle-ci forme, sur la surface
végétale traitée, des colonies qui entrent en concurrence avec le ravageur pour s’accaparer les
sources de nourriture disponibles (hydrates de carbone). Ce produit exerce purement une
action de contact et doit être employé préventivement. Il est homologué pour l’agriculture et
l’horticulture biologiques.8
4.7 Chaux éteinte
L’hydroxide de calcium Ca(OH) 2, ou chaux éteinte, est une poudre blanche caustique. Elle
possède un pH de 12-13 et, de ce fait, exerce une action sur la plupart des champignons et
bactéries présents à la surface des feuilles ou des fleurs. Comme ce produit s’attaque aussi
aux organismes utiles, son emploi ne fait pas l’unanimité. Il est utilisé en Allemagne par des
producteurs de fruits. On ne dispose pas d’études scientifiques de longue durée sur l’efficacité
de ce produit, notamment par rapport à d’autres moyens de lutte.
5. Problèmes et solutions envisageables
Le feu bactérien accélère le déclin des arbres fruitiers haute-tige et compromet la sauvegarde
de précieuses haies d’épineux. Une analyse détaillée de cette question cruciale met en
évidence d’importants problèmes:
1. Des arbres fruitiers haute-tige sont infectés par le feu bactérien. Or, on manque de
connaissances au sujet de l’impact de la maladie sur les arbres, et l’on manque de moyens
de traitement préventif.
2. Les arbres fruitiers haute-tige infectés par le feu bactérien sont arrachés sur ordre des
autorités, car on craint que ces arbres ne contribuent à la dissémination de la maladie. Or,
on manque de connaissances fiables concernant le potentiel de guérison des arbres et
arbustes. L’expérience montre que des arbres présentant une année des symptômes de
contamination par le feu bactérien, peuvent ne plus présenter ces symptômes l’année
suivante.
3. Les arbres fruitiers haute-tige arrachés ne sont pas remplacés, car les incitations financières
à cet effet font défaut et parce que l’on manque de connaissances sur les variétés
tolérantes au feu bactérien.
4. En raison de l’arrachage des aubépiniers infectés, les haies d’épineux perdent de leur
valeur ou disparaissent.
Des solutions peuvent être envisagées pour chacun de ces problèmes:
1. On peut enrayer la dissémination du feu bactérien en éliminant toutes les plantes
ornementales non indigènes servant d’hôtes à la maladie sur le territoire urbanisé.
On pourra diminuer à l’avenir la contamination d’arbres fruitiers haute-tige en trouvant des
variétés et des porte-greffes tolérants et, le cas échéant, en utilisant des moyens
préventifs respectueux de l’environnement.
2. On peut éviter l’abattage d’arbres fruitiers haute-tige en autorisant la taille/cassure
phytosanitaire ou, selon l’intensité de la contamination, en laissant se faire l’autoguérison
sans taille phytosanitaire. Cela suppose l’amélioration des connaissances sur les
8
Lien vers la fiche: www.db-acw.admin.ch/pubs/wa_fb_06_des_1497_f.pdf
7
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capacités autocuratives des arbres. Il importe également d’améliorer la valorisation des
arbres fruitiers haute-tige à travers la commercialisation de produits issus de ces cultures 9 .
3. On peut enrayer la régression de l’effectif d’arbres fruitiers haute-tige en général en
remplaçant sans attendre les arbres arrachés par des fruitiers à noyau, des variétés à
pépins tolérantes ou d’autres arbres champêtres.
4. On peut protéger les haies d’épineux en empêchant l’arrachage préventif d’aubépiniers
sains et en remplaçant les aubépiniers arrachés par d’autres buissons épineux non hôtes
du feu bactérien.
6. Objectifs
Depuis l’année 2000 au moins, on sait qu’il n’est plus possible d’éradiquer le feu bactérien de
Suisse et que les agriculteurs, comme les propriétaires de vergers, doivent apprendre à faire
avec cette maladie. Etant donné que le feu bactérien représente un danger supplémentaire
pour les arbres fruitiers haute-tige, il convient de mettre au point une stratégie permettant de
l’enrayer sans toutefois accélérer encore le déclin de ces arbres et provoquer une réaffectation
des terrains. La même réflexion s’applique aux haies présentant des aubépiniers atteints.
Les objectifs de toute stratégie de lutte doivent prendre en compte les aspects suivants:
A) Préserver et favoriser le paysage boisé
Les associations de protection de la nature, ainsi que ProSpecieRara et la Station
ornithologique de Sempach, considèrent que la sauvegarde de vergers à hautes tiges
traditionnels constitue un des principaux objectifs à atteindre pour le paysage rural suisse, y
compris en période de feu bactérien. Les arbres isolés et les vergers jouent un rôle important à
l’égard de la préservation de la biodiversité. De nombreuses espèces d’oiseaux sont
présentes quasi exclusivement dans les vergers à hautes tiges (huppe fasciée p. ex.). Mais
ces vergers offrent aussi des habitats à d’autres catégories d’animaux comme les chauvessouris, les hérissons et certains insectes notamment.
B) Préserver et favoriser la diversité variétale
Les associations de protection de la nature, ainsi que ProSpecieRara et la Station
ornithologique de Sempach, veulent préserver et favoriser la diversité variétale dans la culture
fruitière. Il s’agit là d’un préalable important à la lutte contre le feu bactérien, car seule la
diversité permet de trouver des variétés résistantes.
C) Préserver et favoriser les haies
Les haies contribuent pour beaucoup à la biodiversité dans le paysage rural. La démarche
engagée en cas de contamination d’aubépiniers par le feu bactérien ne doit pas provoquer un
déclin des haies d’épineux.
D) Encourager la recherche pratique
Les associations de protection de la nature, ainsi que ProSpecieRara et la Station
ornithologique de Sempach, demandent que la recherche tienne compte des connaissances
pratiques. La première priorité ne doit pas être la lutte antibactérienne, mais l’étude de la
question de savoir quels arbres fruitiers sont capables de se protéger du feu bactérien ou de
se rétablir après une telle infection, et de quelle façon ils y parviennent.
9
Voir www.hochstamm-suisse.ch
8
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7. Mesures proposées
1. La directive no 310 de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) doit être remplacée, cela
pour les raisons suivantes:
- Les expériences faites ces 7 dernières années ont montré qu’il n’est plus possible
d’éradiquer la bactérie de Suisse. C’est pourquoi les associations de protection de
la nature, ainsi que ProSpecieRara et la Station ornithologique de Sempach,
rejettent le principe d’une stratégie d’éradication pure et simple s’agissant des
arbres fruitiers haute-tige, jugeant qu’elle n’est plus réalisable. La question de
savoir s’il faut assainir les arbres en priorité par des tailles phytosanitaires ou si
l’on peut les laisser en l’état, sans taille phytosanitaire, doit être clarifiée par la
recherche pratique. Bien que ce postulat soit infirmé par les résultats de certains
travaux, la Confédération fonde sa stratégie de lutte sur l’hypothèse qu’une fois
contaminés, les arbres représentent de manière générale un risque de contagion
l’année suivante.
- Cette directive donne de mauvaises incitations. En raison du financement par la
Confédération, les cantons ont intérêt, soit à ne pas être classés dans la zone
contaminée, soit à protéger des objets aussi vastes que possible dans la zone
contaminée, afin que la Confédération participe à la couverture des dommages
économiques ou des pertes financières. Cela fait que, dans le canton de Saint-Gall
par exemple, toute la région de plaine et la zone de montagne I sont classées
comme objet à protéger.
- La stratégie suivie jusqu’ici n’a pas permis d’empêcher la propagation de la bactérie
responsable du feu bactérien, tout au plus l’a-t-elle retardée.
- La directive n o 3 n’encourage pas les cantons à mettre en œuvre une stratégie
différenciée entre vergers à haute tige et vergers à basse tige. De même, elle
néglige complètement l’importance de préserver les arbres fruitiers haute-tige de
l’arrachage.
- La directive n o 3 est interprétée de manière variable d’un canton à l’autre, si bien
qu’il n’est pas rare que les stratégies de lutte mises en œuvre soient totalement
différentes d’un côté et de l’autre des frontières cantonales. Dans ces conditions, il
est très difficile de communiquer les mesures appliquées. La population et les
agriculteurs concernés sont déconcertés et ne parviennent pas à discerner une
stratégie cohérente.
A l’avenir, les associations de protection de la nature, ainsi que ProSpecieRara et la
Station ornithologique de Sempach, entendent être associées à l’élaboration de directives
dans le domaine de la protection des plantes.
2. L’arrachage d’arbres fruitiers haute-tige ne peut être envisagé qu’à titre de mesure
d’urgence et doit être dûment justifié. En principe, les arbres doivent être laissés en l’état
ou débarrassés du feu bactérien par des tailles phytosanitaires. Les arbres haute-tige
abattus doivent être remplacés rapidement par de nouvelles plantations, pour lesquelles
seront privilégiés des arbres fruitiers à pépins ou à noyau tolérants à cette maladie. A la
rigueur et faute de mieux, on procédera à une plantation éparse d’essences indigènes
adaptées à la station (tilleul, chêne, érable, noyer, etc.).
3. Les indemnisations pour l’arrachage obligatoire d’arbres fruitiers haute-tige ne doivent
être versées qu’une fois la replantation compensatoire intervenue.
4. De manière générale, les arbres indigènes situés sur la SAU doivent donner droit aux
contributions selon l’OPD. Les associations de protection de la nature, ainsi que
10
Voir http://www.db-acw.admin.ch/pubs/wa_fb_06_div_2207_f.pdf
9
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ProSpecieRara et la Station ornithologique de Sempach, appuient la motion 07.371411 de
la CN Maya Graf «Paiements directs pour les arbres isolés adaptés au site».
5. Des contributions de soutien (contributions à l’entretien de jeunes arbres p. ex.)
doivent être octroyées aux nouvelles plantations d’arbres fruitiers haute-tige (arbres isolés
et arbres champêtres).
6. Les associations de protection de la nature, ainsi que ProSpecieRara et la Station
ornithologique de Sempach, préconisent la mise sur pied d’une organisation de contrôle
dotée de contrôleurs régionaux indépendants et bien formés. Ces contrôleurs
doivent être formés au contact de personnes concernées et communiquer en toute
transparence.
7. Le soutien aux cultivateurs d’arbres fruitiers haute-tige par les cantons doit être
développé, notamment par des offres de formation continue, un appui technique (machines
et matériel) et des conseils (variétés tolérantes au feu bactérien).
8. Des méthodes de substitution pour combattre le feu bactérien doivent être expérimentées
dans le cadre d’études scientifiques de longue durée. En particulier, les alternatives
"Blossom-Protect“ et "Candida sake“ doivent être examinées à bref délai et, le cas
échéant, encouragées. La recherche dans le domaine de la culture fruitière haute-tige est
importante et doit être soutenue financièrement par la Confédération. L'hypothèse émise
par la Station de recherche de Changins-Wädenswil selon laquelle la contamination
ancienne d’arbres fruitiers haute-tige entraînerait la contamination nouvelle de cultures ou
d’autres arbres fruitiers haute-tige, doit être étudiée afin d’être confirmée ou infirmée.
9. Les associations de protection de la nature, ainsi que ProSpecieRara et la Station
ornithologique de Sempach, rejettent l’idée d’une dissociation entre cultures basse-tige et
arbres fruitiers haute-tige, aussi longtemps que la faisabilité de cette démarche et ses
conséquences sur la physionomie du paysage n’auront pas été évaluées dans le cadre
d’un projet spécifique. Si des arbres fruitiers haute-tige sont éliminés de cultures bassetige, ils doivent être remplacés par des arbres isolés indigènes adaptés au site (fruitiers à
noyau, tilleul, chêne, érable, noyer, entre autres).
10. Les plantes ornementales non indigènes vulnérables au feu bactérien ( Cotoneaster
sp., Chaenomeles sp., Pyracantha coccinea, notamment) doivent être rigoureusement
bannies, y compris dans le milieu bâti, et remplacées par des plantes indigènes qui ne
sont pas hôtes de cette maladie. Les propriétaires fonciers doivent être informés sur les
effets du feu bactérien. Les végétaux interdits doivent être mentionnés dans les
règlements sur les constructions. Une liste de plantes de substitution possibles et
attractives est disponible auprès de Pro Natura, de l’Association suisse pour la protection
des oiseaux et de la Station ornithologique de Sempach.
11. Toute utilisation d’antibiotiques contre le feu bactérien est proscrite (les raisons en
sont exposées au chap. 4.3).
12. Les associations de protection de la nature, ainsi que ProSpecieRara et la Station
ornithologique de Sempach, sont opposées à tout arrachage préventif d’aubépiniers non
contaminés ou peu contaminés, ou de haies entières comportant ici et là des aubépiniers
contaminés. Tout arrachage d’aubépiniers doit être remplacé par la plantation de prunelliers
ou d’autres arbustes épineux indigènes. Le schéma décisionnel du canton de Zurich12 (Pro
Natura Zurich, Association zurichoise pour la protection des oiseaux, Service zurichois de
protection de la nature) peut servir d’exemple pour une stratégie nationale. Il faut veiller à
ce que les prunelliers soient à bonne distance des ruchers.
11
12
Voir http://www.parlament.ch/E/Suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20073714
Voir sur: www.strickhof.ch/fileadmin/strickhof_files/ Fachwissen/feuerbrand/weissdorn_konsenszh.pdf
10
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13. Il faut impérativement veiller à une sélection des variétés et des emplacements qui
soit adaptée, ainsi qu’à un entretien des arbres fruitiers haute-tige.
14. Aucune méthode de manipulation génétique ne doit être utilisée pour développer des
variétés fruitières résistantes ou peu vulnérables au feu bactérien.
Pro Natura: Marcel Liner, responsable de projets en politique agricole, tél. 061 317 92 40;
[email protected]
Association suisse pour la protection des oiseaux ASP O/BirdLife Suisse: Michael
Schaad, responsable de projets en agriculture; tél. 044 457 70 26; [email protected]
Station ornithologique suisse de Sempach: Petra Horch, directrice de projets dans la
promotion des espèces, les conflits oiseaux-humains, la préservation et la revalorisation
d’habitats; tél. 041 462 97 00; [email protected]
ProSpecieRara: Gertrud Burger, responsable du domaine végétal, Pfrundweg 14, 5000
Aarau; tél. 062 832 08 26; [email protected]
WWF: Roland Peter, secrétaire régional WWF Lac de Constance/Thurgovie; tél. 071 223 29
30; [email protected]
11
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Département fédéral de l'économie DFE
Office fédéral de l'agriculture OFAG
Division principale Services spéciaux et moyens de production
Directive n° 3
Date:
Référence du dossier:
30 juin 2006
2006-06-23/83 / kly
Lutte contre le feu bactérien (Erwinia amylovora [Burr.] Winsl. et al.)
1.
Destinataires
La présente directive s’adresse aux services phytosanitaires cantonaux.
2.
Base légale
Art. 28, art. 29, al. 1, 3 et 5, et art. 37 de l’ordonnance du 28 février 2001 sur la protection des végétaux (RS 916.20).
3.
Définitions
Commune indemne:
Commune dans laquelle le feu bactérien n'a encore jamais été décelé.
Commune avec foyers isolés:
Commune où le feu bactérien a été constaté au moins une, voire
plusieurs fois déjà, mais de façon limitée.
Zone contaminée:
Commune qui, en raison de l'étendue et/ou de la fréquence de foyers de
feu bactérien, a été déclarée zone contaminée par l'Office fédéral de
l'agriculture OFAG.
Objet protégé:
(dans une zone contaminée)
Peuplements de plantes-hôtes sous la forme de vergers haute-tige, de
vergers commerciaux et de pépinières, dans et autour desquels dans un
rayon de 500 m des contrôles visuels plus intensifs et des mesures
d’assainissement plus rigoureuses que dans les autres parties des
zones contaminées sont réalisés et dont les coûts sont reconnus par la
Confédération.
4.
Mesures
4.1
1
Surveillance
But:
Section Certification, protection des végétaux et des variétés
Mattenhofstrasse 5, CH-3003 Berne
Tél. +41 31 322 25 50, Fax + 41 31 322 26 34
[email protected]
www.blw.admin.ch
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a) dans les communes indemnes: vérifier l'absence de feu bactérien et assurer une détection précoce du premier foyer de contamination;
b) dans les communes avec foyers isolés: évaluation de la situation phytosanitaire et des mesures
d’éradication;
c) en zone contaminée: évaluation de la situation phytosanitaire et des mesures d’enrayement.
2
Réalisation:
Les instructions pour réaliser la surveillance, y compris des objets protégés, sont données au point 1
de l’annexe; les modalités de recensement d’objets protégés sont fixées par le canton.
4.2
1
Lutte
But:
a) dans les communes avec foyers isolés: élimination de l’agent causal de la maladie (stratégie
d’éradication);
b) en zone contaminée:
2
-
réduction du potentiel infectieux et prévention de la propagation de la maladie (stratégie
d’enrayement);
-
maintien de conditions cadre acceptables pour la production d’essences de fruits à pépins, la production de fruits à pépins et l’entretien de peuplements d’arbres haute-tige de
fruits à pépins par la création d'objets protégés.
Réalisation:
a) Les instructions pour la lutte, y compris dans les objets protégés, sont données au point 2 de
l’annexe;
b) Dans toute zone candidate au statut de zone de sécurité selon la Notice N° 9 de l'OFAG « Zones de sécurité par rapport au feu bactérien » prévaut la stratégie d’éradication, même s’il s’y
trouve des communes (ou des parties de communes) ayant le statut de zone contaminée;
c) Dans les parcelles de pépinières agréées pour le passeport, les mesures de lutte sont ordonnées par la Confédération.
5.
Contributions fédérales
1
Les coûts des contrôles rendus nécessaires pour la délimitation de foyers dans les communes où le
feu bactérien apparaît pour la première fois sont remboursés à 75% par la Confédération. Dans tous
les autres cas, les frais que les cantons ou les communes engagent dans la surveillance visée respectivement au point 4.1 et au point 1 de l'annexe dans les communes indemnes, les communes avec
foyers isolés et les zones contaminées (y compris les objets protégés) sont remboursés à 50% par la
Confédération.
2
Le canton peut mettre à la charge des exploitants tout ou partie des coûts liés à la surveillance des
objets protégés.
3
Les frais générés par les mesures de lutte visées respectivement au point 4.2 et au point 2 de
l’annexe sont remboursés par la Confédération comme suit:
a) communes où le feu bactérien apparaît pour la première fois: 75%;
b) autres communes avec foyers isolés: 50%;
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c) objets protégés en zone contaminée et communes (ou parties de communes) déclarées zone
contaminée, mais qui font parties d’une zone de sécurité candidate: 50%;
d) zone contaminée, à l’exception des cas visés sous c): pas de contribution.
4
Les dispositions selon l’ordonnance du DFE du 22 janvier 2001 sur les contributions fédérales aux
indemnités versées à la suite de l’application de mesures phytosanitaires officielles à l’intérieur du
pays (RS 916.225) sont réservées.
6.
Entrée en vigueur
La présente directive entre en vigueur le 1er juillet 2006.
7.
Dispositions transitoires
Concernant les mesures de lutte en zone contaminée prises avant le 31 octobre 2006 pour des objets
protégés définis selon d’autres critères cantonaux, des contributions fédérales peuvent être requises,
conformément au point 5, al. 3, let. c, de la présente directive.
Office fédéral de l'agriculture
sig. Jacques Morel
Sous-directeur
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