Histoire - memoria.dz
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Lettre de l'Editeur Pour une vive mémoire AMMAR KHELIFA [email protected] es nations se hissent par le savoir et se maintiennent par la mémoire. C’est cet ensemble d’événements qui se créent successivement aujourd’hui pour qu’un jour on ait à le nommer : Histoire. Sans cette mémoire, imbue de pédagogie et de ressourcement, l’espèce humaine serait tel un atome libre dans le tourbillon temporel et cosmique. L’homme a eu de tout temps ce pertinent besoin de vouloir s’amarrer à des référentiels et de se coller sans équivoque à son histoire. Se confondre à un passé, à une ancestralité. Cette pertinence va se confiner dans une résistance dépassionnée et continue contre l’amnésie et les affres de l’oubli. Se contenir dans un souvenir, c’est renaître un peu. L’intérioriser, c’est le revivre ; d’où cette ardeur permanente de redécouvrir, des instants durant, ses gloires et ses notoriétés. En tant que mouvement dynamique qui ne s’arrête pas à un fait, l’Histoire se perpétue bien au-delà. Elle est également un espace pour s’affirmer et un fondement essentiel dans les domaines de prééminence et de luttes. Transmettant le plus souvent une charge identitaire, elle est aussi et souvent la proie pitoyable à une éventualité faussaire ou à un oubli prédateur. Seule la mémoire collective, comme un fait vital et impératif, peut soutenir la vivacité des lueurs d’antan et se projeter dans un avenir stimulant et inspirateur. Elle doit assurer chez nous le maintien et la perpétuation des liens avec les valeurs nationales et le legs éternel de la glorieuse révolution de Novembre. Il est grand temps, cinquante ans après le recouvrement de l’indépendance nationale, de percevoir les fruits de l’interaction et de la complémentarité entre les générations. Dans ce contexte particulier et délicat, les moudjahidate et moudjahidine se doivent davantage de réaffirmer leur mobilisation et leur engagement dans le soutien du processus national tendant à éterniser et à sacraliser l’esprit chevaleresque de Novembre. Ceci n’est qu’un noble devoir envers les générations montantes, qui, en toute légitimité, se doivent aussi de le réclamer. A chaque disparition d’un acteur, l’on assiste à un effacement d’un pan de notre histoire. A chaque enterrement, l’on y ensevelit avec une source testimoniale. Le salut de la postérité passe donc par la nécessité impérieuse d’immortaliser le témoignage, le récit et le vécu. Une telle déposition de conscience serait, outre une initiative volontaire de conviction, un hommage à la mémoire de ceux et de celles qui ont eu à acter le fait ou l’événement. Le témoignage devrait être mobilisé par une approche productive d’enseignement et de fierté. Raviver la mémoire, la conserver n’est qu’une détermination citoyenne et nationaliste. Toute structure dépouillée d’histoire est une structure sans soubassement et toute Nation dépourvue de conscience historique est une nation dépourvue de potentiel de créativité et d’intégration dans le processus de développement. C’est dans cette optique de rendre accessibles l’information historique, son extraction et sa mise en valeur que l'idée de la création de cette nouvelle tribune au titre si approprié : Memoria, a germé. Instrument supplémentaire dédié au renforcement des capacités de collecte et d’études historiques, je l’exhorte, en termes de mémoire objective, à plus de recherche, d’authenticité et de constance. [email protected] LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE (3) www.memoria.dz Supplément offert, ne peut être vendu Supplément N°26. Juillet. 2014 P.06 P.51 Fondateur Président du Groupe AMMAR KHELIFA Direction de la rédaction Zoubir Khélaïfia Coordinatrices Meriem Khelifa Chahrazed KHELIFA Reporter - Photographe Abdessamed KHELIFA Collectif des avocats du fln l'indépendance de l'algérie Collectif des avocats du fln Rédaction Adel Fathi Boualem TOUARIGT Dr Boudjemâa HAICHOUR Djamel BELBEY Hassina AMROUNI Nora Sari Direction Artistique Halim BOUZID Salim KASMI Contacts : SARL COMESTA MEDIA N° 181 Bois des Cars 3 Dely-Ibrahim - Alger - Algérie Tél. : 00 213 (0) 661 929 726 / +213 (21) 360 915 Fax : +213 (21) 360 899 E-mail : [email protected] [email protected] P.06 Histoire LES MOUDJAHIDINE des prétoires P.09 P.09 Histoire MAITRE ZERTAL MEMBRE DU COLLECTIF DES AVOCATS DU FLN P.27 Histoire ahmed zabana "La mort pour la cause de Dieu est une vie qui n'a pas de fin, et la mort pour la patrie n'est qu'un devoir" P.35 Histoire PATRICIA TOURANCHEAU La main rouge contre le FLN P.41 Portrait ali haroun PARCOURS D’UN MILITANT P.45 Entretien entretien avec ali haroun mahmoud zertal P.23 gISELe halimi P.32 5 juillet 1962 P.51 Histoire L’autodétermination une revendication du mouvement national réalisée après une longue lutte LA GUILLOTINE www.memoria.dz P.27 P.29 P.41 Supplément du magazine ELDJAZAIR.COM Consacré à l’histoire de l'Algérie Edité par SARL COMESTA MÉDIA Dépôt légal : 235-2008 ISSN : 1112-8860 © COMESTA MÉDIA Ahmed Zabana ABDELKADER fERR ADJ P.63 ali HAROUN P.59 bouchafa, yacef et Fettal GUERRE DE LIBERATION P.59 Histoire Le 24 Septembre 1957 est arrêté Yacef Saâdi P.54 Localisé grâce à son réseau de courrier P.79 Histoire L'Emir Abdelkader et Hadj Ahmed Bey êTRE FIDèLE A LA VéRITé HISTORIQUE P.87 Histoire Kheira Bent Bendaoud La femme qui recueillit 45 orphelins P.91 Histoire L'Emir Khaled P.87 decès de lucette hadj ali safia r ejoin t bachir ... HISTOIRE D'UNE VILLE P.95 sour el-ghozlane, ou le rempart des gazelles Kheira Bent Bendaoud P.91 Lucette Hadj Ali sOUR eL-gHOZLANE SOMMAIRE les fidayate condamnées à mort COLLECTIF DES AVOCATS DU FLN LES MOUDJAHID DES PRéTOIRES Sept ans de guerre durant lesquels des soldats et des soldates d’une guerre qui n’a pas voulu dire son nom, côté français, ont été broyés par le rouleau compresseur de la machine judiciaire coloniale ! Que de Tribunaux, que de cours de justice, que de prétoires n’ont-ils pas favorisé le bras, censé être rectiligne et horizontal, de la balance, pour l’obliger à pencher, de manière injuste, illégale et ignominieuse d’un côté ou de l’autre ? Et les serviteurs de la justice, ces Robes noires si souvent décriées, elles aussi ont payé un lourd tribut ! Nombreux furent les avocats harcelés, incarcérés, assassinés, exilés, bannis, clandestins d’un autre âge, pour paiement de leur « forfaiture » : la quête de la justice et de la liberté. R E I S S DO ... Dossier élaboré par Nora Sari INE Guerre de libération Histoire ... Ce n’est qu’en 1999, soit plus d’un demi-siècle après les émeutes et la répression de Mai 1945, que la France a reconnu officiellement que ce qu’elle a toujours nommé par le doux euphémisme de « Evénements d’Algérie » ou de « Pacification », était bel et bien une guerre. Avec cette – tardive – reconnaissance, comment justifier alors que des soldats, arrêtés au cours d’une guerre, aient été incarcérés, condamnés à mort et guillotinés ? Exécuter un soldat au cours d’une guerre n’est-il pas considéré comme un crime d’Etat ? En janvier 1961, alors que les négociations pour le cessez-le-feu et l’autodétermination du peuple algérien avaient déjà commencé, Salah Dehine a été guillotiné. Ces quelques documents, glanés soit sur la Toile, soit chez Maître Mahmoud Zertal ou Maître Ali Haroun, ne sauraient constituer un travail de fond sur un sujet aussi sensible, aussi dense et aussi vaste que celui du collectif des avocats du FLN. Le témoignage de beaucoup d’entre eux vivant en Europe aurait été de bon aloi. Cependant, les témoignages recueillis auprès de Mes Zertal et Haroun, demeurent un atout majeur dans la compréhension des mécanismes qui ont présidé à la création de ce collectif et aux objectifs qu’il se devait d’atteindre, à savoir la défense de soldats d’un gouvernement reconnu par des dizaines de pays de par le monde et non de vulgaires bandits de grands chemins commettant des actes considérés par la loi comme relevant d’actes criminels. Pour le droit et l’équité, des Robes noires de tous bords, Algériens, Français, Belges, juifs, communistes, de gauche, démocrates, laïcs, chrétiens, convaincus de la justesse du combat de leurs clients, ont porté le message, au-delà des tribunaux, en Europe et en Afrique, à l’ONU et dans le monde, du droit de ces hommes à vivre libres de toute oppression coloniale. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . (8) Supplément N° 26 - Juillet 2014. MAITRE ZERTAL MEMBRE DU COLLECTIF Me Mahmoud Zertal DES AVOCATS DU FLN Par Nora Sari Le Collectif des Avocats du FLN Histoire M aître Mahmoud Zertal est né le 24 février 1924 à El Milia. Il fait ses études secondaires au lycée d’Aumale à Constantine avant de rejoindre la faculté de droit à Alger. Il est avocat en 1950 et rejoint dès le déclenchement de la lutte armée le collectif des avocats du FLN de 1954 à 1956, date à laquelle il est interné à Serkadji, puis à Berrouaghia pour activités subversives. A sa sortie de prison il est engagé dans la ZAA (Zone autonome d’Alger), qui lui a valu d’être repris, relâché, puis à nouveau d’être menacé d’arrestation, et ce, jusqu’en 1962. Il est le premier juge, en 1962, de l’Algérie indépendante, poste qu’il occupera jusqu’en 1970 lorsqu’il est nommé à la Cour suprême. De 1972 à ce jour, il continue à assumer sa vocation d’avocat. A un âge où beaucoup d’hommes de sa génération jouissent d’une retraite bien méritée, lui, monte allègrement les deux étages qui mènent à son cabinet, et lit des documents sans l’aide de lunettes. Nous supposons que sa santé (physique et mentale) est probablement due à un jeûne quotidien, auquel il s’astreint depuis plus d’une dizaine d’années ! Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 10 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire Photo de Serkadji (Bab-Jdid) en 1960-1961. De dr. à g. : Mahmoud Zertal, Farès Ahmed, Naïmi Kouider, Hadj Amar, inconnu, Barour Mohamed. LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 11 ) www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Histoire M e Zertal nous accueille dans son vaste bureau, situé dans un immeuble cossu du centre ville, à deux pas du tribunal d’Alger-Centre. Les bibliothèques murales, les tables chargées de dossiers, les montagnes de papier et de chemises classées, les photographies aux murs et sur la cheminée, attestent du nombre d’années durant lesquelles le Maître à blanchi sous le harnais. Que de vies, que de drames, que de sang, que de larmes, que de tragédies sont enfouis, classés, répertoriés à l’intérieur de ces dossiers ! Tant d’hommes, tant de femmes, tant de familles consignés sur des feuilles de papier, dont chacune porte le sceau de la justice et de son glaive impitoyable, durant la période coloniale, et durant la Révolution ; cette justice à laquelle furent confrontés Maître Zertal et tant d’autres parmi ses confrères, avocats comme lui, ayant eu le triste mais combien honorable privilège de plaider en faveur de combattants, de moudjahidine, dont le sort était déjà scellé par l’administration coloniale par la tristement célèbre « el finga » ! (la guillotine). Et c’est au prix de nombreuses années de prison, et au péril de leur vie pour certains d’entre-deux, que cette corporation a cependant continué à défendre ses clients, au nom d’une cause noble et juste, et au nom de la justice. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 12 ) GRACIé « Depuis l’exécution de Zabana, se souvient Maître Zertal, 58 longues années se sont écoulées, mais ce souvenir est resté et restera à jamais gravé dans ma mémoire, et il ne me quittera que lorsque j’aurai quitté ce monde. J’ai été membre du collectif des avocats qui ont défendu les moudjahidine, les fidaiyine, et les combattants, les agents de liaison et tous ceux qui ont œuvré et pris part aux réseaux du FLN-ALN. En fait, en défendant Zabana, c’était toute l’Algérie et les Algériens que je défendais, c’était moi, vous, nous…Le sort de cet homme m’a été confié par le collectif et je l’ai accepté. Il avait déjà fait l’objet d’une condamnation à mort par la cour d’Oran, et la Cour suprême de Paris avait annulé ce verdict après avoir constaté des irrégula- Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire PAR LA VOLONTE DE DIEU Témoignage de Me Zer tal sur l’exécution d’Ahmed Zabana rités. De ce fait, un second procès devait avoir lieu ; Zabana avait été le seul à avoir été condamné à mort parmi tant d’autres. Or, après l’annulation du verdict par Paris, on pouvait s’attendre de la part du tribunal qui allait rejuger l’affaire, à une mesure de clémence. Malheureusement, ce ne fut pas le cas, car les juges et la partie civile ont été influencés par les demandes émanant de la population française de Lamardeau qui exigeait la tête de Zabana, accusé de crime contre un garde-forestier, Français lui aussi. Le jour où l’affaire passa en justice, les débats furent houleux, bien que ma décision de prendre en charge la défense de Zabana fût irrévocable, quoi qu’il puisse arriver. La défense avait été bien conduite, et nous pensions même avoir sauvé Zabana de la condamnation à mort. Malheureusement, la veuve et la fille du garde-forestier ont fait irruption dans le tribunal, car elles ont été convoquées comme témoins à charge. Elles ont reconnu, parmi six suspects, l’auteur de la liquidation du garde-forestier, à un détail physique portant sur l’un des deux yeux. (Une légère infirmité). J’ai gardé l’espoir de ne pas en rester là, mais le 18 juin l’ordre des avocats m’appelle pour m’annon- LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE cer que je devais me préparer pour l’exécution du jugement. Une demande de grâce, dont j’ignore à ce jour qui l’a déposée et qui en a été l’auteur, a fait l’objet d’un rejet. Nous avons alors programmé une réunion du collectif. Nous avons saisi les autorités politiques, religieuses et le GG (Gouverneur général) à qui une demande d’audience fut transmise. La délégation d’avocats et moi-même fûmes reçus par le secrétaire général du Gouverneur ; aucune suite ne fut donnée à notre demande de sursoir à l’exécution ou de la commuer en détention à perpétuité. A l’aube du 19 juin 1956, je suis réveillé à 3 heures, et on me demande de venir assister à l’exécution. J’étais au comble de l’émotion, et j’ai pu constater le courage, la fermeté, l’abnégation du condamné, qui a demandé à aller vers le supplice libre de ses mouvements, refusant menottes et cagoule, son ultime demande fut celle de faire sa prière, qui lui fut refusée. Mes collègues et moi avions protesté énergiquement, arguant du fait que c’était la dernière volonté du condamné. Les bourreaux avaient alors justifié leur refus par le fait, ont-ils dit, que dans ( 13 ) pareilles circonstances l’accélération des faits était de rigueur. A la suite de notre protestation, la demande du condamné fut acceptée ; le directeur de la prison vint alors vers moi, pour me dire que la prière avait pris beaucoup de temps, mais Zabana termina sa prière sans aucune contrainte. Il a ensuite écrit une lettre à sa mère, puis a demandé à aller seul vers l’échafaud. Et le miracle eut lieu ! Nous ne pouvons appeler autrement que miracle, ce qui est arrivé les instants suivants ; en effet, le couteau d’acier qui pèse un quintal a été stoppé net, et à deux reprises, au niveau du cou du condamné ! J’ai immédiatement évoqué le principe de pitié pour le condamné face à de tels évènements, rien n’y fit, on me répondit qu’il fallait achever et renouveler l’opération jusqu’à ce que mort s’ensuive. On m’expliqua que cette obligation de laisser la vie sauve au condamné par pendaison existe, mais que la loi est muette face à un dysfonctionnement de la guillotine. Face à mes protestations, rien n’y fit, et on actionna à nouveau le couperet qui fonctionna à la troisième tentative. Le cou du supplicié fut tranché, mais la tête ne roula pas dans le panier placé www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Histoire Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 14 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire Photo du camp de Berrouaghia 1957-1958. Debout de g. à dr. : Amara, Bentoumi, Sator, Grange, Zertal. Assis de g. à dr. : Benmelha, Hammad et Guedj. là à cet effet, et fut projetée à plus de 20 mètres, comme ce fut le cas pour Ferradj. C’est avec beaucoup d’émotion, à ce moment-là, que j’ai pensé qu’un miracle était en train de s’accomplir sous nos yeux, une sorte de grâce divine, comme quelque chose d’inexplicable et d’inexpliqué. Et depuis ce jour, LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE j’ai décidé de continuer à mener ce combat en faveur des victimes de la justice coloniale, quel qu’en soit le prix à payer, et que j’ai fini par payer, à Berrouaghia et à Serkadji ! La lettre-testament du chahid, fut remise par mes soins à sa mère. Par la suite, des dizaines et des dizaines d’autres Algériens ont subi le sort ( 15 ) de Zabana malgré les protestations et les demandes de grâce exprimées par d’éminentes personnalités du monde de la politique, telles le Président américain Eisenhower et la reine Elisabeth, ente autres. L’administration coloniale restera sourde à toutes ces demandes de grâce. Sourde et surtout inflexible, www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Histoire Me Zertal Mahmoud à gauche aux côtés du Président Abdelaziz Bouteflika, lors d'un congrès des avocats en 2007 à Alger obligeant de ce fait le peuple algérien à poursuivre sa lutte jusqu’à la victoire. Et cette victoire, celle de l’indépendance arrachée au prix du sang de centaines de milliers de martyrs, je dirai, plusieurs décennies après ce témoignage, que les grands principes qui ont fait la gloire de notre révolution armée sont d’abord la foi, puis la dignité, la détermination, et enfin le courage, dont tous ces hommes et toutes ces femmes ont fait preuve, face à la soldatesque coloniale. » Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Entre 1956 et 1962, plus de 230 militants du FLN-ALN ont été exécutés ; selon une étude publiée le 5 septembre 2002 par l’hebdomadaire Le Point, François Mitterrand a approuvé plus de 30 exécutions capitales de militants du FLN entre 1956 et 1957, alors qu’il était garde des Sceaux dans le gouvernement du Guy Mollet. Cette enquête est basée sur des documents d’archives inédits. Le 19 juin 1956, Zabana fut le premier Algérien guillotiné sur ( 16 ) ordre de François Mitterrand, lequel en 1981 a aboli la peine de mort en France. Quant aux exécutions extrajudiciaires ordonnées par le biais du juge Bernard, aucun décompte n’a été fait (hormis les déclarations d’Aussarresses) jusqu’à aujourd’hui. Entretien réalisé par Nora Sari Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire EVOCATION A CARACTERE HISTORIQUE Par Maître ZERTAL. Le 18 juin 2002 Conférence débat au centre de Presse d’El Moudjahid organisée par le flambeau du Chahid à l’occasion du 46ème anniversaire de l’exécution du Chahid : Ahmed ZABANA Le Miracle par la force de la foi « C’est un moment de grande émotion que de venir exhumer de ses cendres le tison toujours ardent de notre glorieuse révolution. En ce mois de juin 2002, je ne peux m’empêcher de jeter un regard lointain sur un évènement à jamais gravé dans ma mémoire, de laquelle il ne partira qu’avec moi-même de ce monde, je veux dire de cet événement du 19 juin 1956, de ce moment où j’ai eu le devoir d’assister à l’exécution capitale d’un des meilleurs fils de l’Algérie en guerre pour le recouvrement de sa liberté, de son indépendance, j’ai nommé : Ahmed Zabana. Ahmed Zabana, militant de la cause nationale, avait été arrêté avec un certain nombre de militants engagés dans les rangs du FLN-ALN accusé d’avoir notamment assassiné un garde forestier dans la région de la mare d’eau (village à l’Ouest). Le tribunal criminel d’Oran a retenu la culpabilité de tout le groupe, mais il fut le seul condamné à mort. LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE Sur la base d’un pourvoi, la cour de cassation siégeant à Paris a relevé certaines illégalités dans l’arrêt qui lui était soumis et l’a annulé tout en renvoyant le dossier devant le tribunal criminel d’Alger pour recevoir un nouvel arrêt. En ma qualité de membre du collectif des avocats pour la défense des détenus politiques FLN-ALN je me suis constitué pour Ahmed Zabana. L’espace de cette conférence étant mesuré, il ne m’a pas été possible de vous faire connaitre ce collectif quant à ses membres et à son rôle, il serait donc souhaitable de lui réserver une occasion pour le développement qu’il mérite. Ceci dit, je reviens aux débats devant le tribunal. Ils furent houleux, face à l’acharnement d’un commissaire du gouvernement. Les réactions et les arguments très pertinents de la défense ont fini par tempérer son ardeur et ce fut l’espoir d’un bon verdict – mais pas pour longtemps. Par surprise, la veuve du garde forestier, appelée comme témoin a désigné Zabana comme auteur du meurtre en le reconnaissant soi- ( 17 ) disant à un tic qu’il avait à l’œil (un fait qu’elle n’avait jamais évoqué dans la procédure). La condamnation à mort de Zabana était requise à nouveau par le ministère public et prononcé par le tribunal – alors qu’il est de jurisprudence que ce tribunal, dans le respect de la hiérarchie, aurait dû aller dans le sens qui lui a été tracé par la cour de cassation qui a relevé des vices de forme importants dans l’arrêt qu’elle a annulé. La machine judiciaire devait donc suivre la politique de la répression qui s’était endurcie. Le principe de la présomption d’innocence de l’accusé est devenu un mensonge pur et simple et l’intime conviction du juge ne relevait plus du feu de sa conscience. Le pouvoir en cassation a été porté devant une cour de cassation militaire – avec siège à Alger – créée en la dotant de la faculté de juger plus vite, ce qui voulait dire plutôt de juger sans trop s’embarrasser des questions compliquées de la procédure, et ne pas trop contrarier le premier juge quand il estime que les charges sont insuffisantes. www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Histoire Le pourvoi de Zabana, dans ces circonstances, a été rejeté. Je n’ai pas été chargé d’introduire un recours en grâce et j’ignore à ce jour s’il y en a eu un. Des rumeurs avaient circulé laissant entendre que les condamnés à mort dont les jugements remontent à la période de 1954-1955 allaient bénéficier de la grâce. Zabana avait été condamné initialement par un jugement durant cette période – devant le tribunal d’Oran –, mais ce jugement de condamnation n’était pas définitif puisqu’il a fait l’objet d’une cassation. Les choses en étaient là lorsqu’à l’horizon du 18 juin 1956 vers seize heures, j’étais encore à mon cabinet, le bâtonnat par téléphone me demande de lui préciser l’adresse à laquelle on doit venir me chercher le lendemain à trois ou quatre heures du matin pour me conduire à la prison civile de Barberousse (Serkadji) et y assister à l’exécution de Zabana. J’ai immédiatement alerté les confrères membres du collectif des avocats. Au cours de notre réunion, maître Amara arrive et nous apprend qu’il a été invité par le bâtonnat à assister à l’exécution de son client Ferradj. Après concertation, nous avons décidé de porter la nouvelle à la connaissance de certaines autorités civiles et religieuses, et de certaines personnalités à l’échelle nationale et internationale. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . C’est ainsi que certains confrères ont pris contact avec les deux muphtis d’Alger et l’archevêque d’Alger, que des télégrammes ont été expédiés à l’adresse de personnalités politiques et au président de la République française même. Pendant ce temps, sur notre demande, Maitre Amara et moimême avons été reçus au Gouvernement général, par le Secrétaire général en personne. Notre entretien avec lui a duré une bonne demi-heure. Tous les arguments tendaient à voir ordonner sinon l’annulation du moins le sursis à l’exécution, compte tenu des conséquences irréparables auxquelles cette exécution pouvait donner lieu. Et nous l’avons quitté, en prenant acte de ce qu’il allait faire les diligences, rentrant dans les limites de son pouvoir. Le lendemain 19 juin à l’aube, Maître Amara et moi-même avons été conduits effectivement à la prison de Barberousse où se trouvaient déjà tous les membres du tribunal qui avaient participé au jugement de condamnation à mort. C’est Zabana qui, le premier, a été surpris dans sa cellule. Toute la prison s’éveilla comme un seul homme, et pendant qu’il était conduit jusqu’à la cour de la prison, des « Allah Akbar », cet hymne à la gloire de Dieu, s’élevaient de tous côtés dans le silence de l’aube. Il avait demandé, comme dernière volonté, à faire la prière, ce ( 18 ) qui lui fut refusé sous prétexte que l’opération devait se faire très vite pour éviter toute réflexion au condamné. Mais elle fut acceptée ensuite, sur mon intervention furieuse et celle de mon confrère, avec cette mention qu’ils dégagent leur responsabilité s’il leur oppose des difficultés (résistance) par la suite. Durant la prière, le directeur de la prison et les exécuteurs sont venus me voir pour me dire qu’ils trouvent sa prière trop longue, mais il la termina sans contrainte. Il a ensuite écrit une lettre destinée à sa mère qu’il me remit en mains propres, et après son adieu à tous les frères qui n’ont cessé de faire entendre « Allah Akbar ». C’est alors qu’il demanda à aller au supplice libre de tout mouvement. Sans l’aide d’aucune sorte, il alla vers la machine infernale avec un courage, une dignité et une foi inébranlable. Le bourreau déclenche le couperet, mais celui-ci arrive au cou et s’arrête. Il vient demander aux membres du tribunal ce qu’il y a lieu de faire. J’interviens pour faire suspendre toute exécution. Le tribunal y passe outre en donnant ordre de poursuivre ; le bourreau déclenche à nouveau le couperet mais celui-ci arrive au cou et s’arrête encore. Consternation de tous les assistants. J’interviens à nouveau en évoquant la grâce coutumière. Branle-bas, coups de fil dans tous les sens, notamment au procureur Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire général, et après une consultation qui a duré près d’une demi-heure, on vient me dire que « décision a été prise d’exécuter l’arrêt jusqu’à ce que mort s’ensuive ». A la troisième articulation du couperet, la tête fut tranchée mais elle ne tomba pas dans la caisse placée au-dessous de lui il a fallu la prendre pour l’y placer. Et dans son testament rédigé avant sa mort que j’ai transmis à sa mère il était dit notamment : « Dieu m’a choisi parmi ses fidèles qui doivent être sacrifiés. Je ne meurs pas en vain. Le peuple algérien sera victorieux et l’Algérie indépendante » « Je demande à Dieu de me recevoir en martyr et de m’admettre en son paradis ». Cet événement au cours duquel le couperet d’acier pesant le quintal, tombant d’une hauteur de plus de deux mètres, transgressant la loi physique de pesanteur en s’arrêtant à la limite du cou du chahid, a constitué à n’en pas douter, le miracle dont la foi est capable, cette foi dont on dit qu’elle soulève les montagnes. Mais le cœur des bourreaux était hermétiquement fermé à ce message d’amnistie à toute humanité, à toute loi de l’honneur, à la loi internationale même vis-à-vis des prisonniers de guerre. L’administration coloniale par la mise en œuvre de ses tribunaux d’exception a tenté, par l’exemple des exécutions de Zabana, Ferradj et autres chahid de porter atteinte au moral du peuple algérien et de LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE remonter par là-même celui des colons. Mais la réaction de notre peuple a mis en échec ce calcul. Devant une barbarie inflexible il s’est vu contraint de poursuivre le combat libérateur, et n’a pas lésiné sur les sacrifices de toutes sortes dont un million et demi de chouhada. C’est pourquoi je conclus en disant qu’il nous faut aujourd’hui revenir aux grands principes qui ont fait la gloire de notre Révolution et qui sont contenus dans la foi, la dignité et le courage. Sans oublier que la force d’un Etat et le degré de perfection d’une société se mesurent souvent à la sagesse de sa justice. » Sur certaines questions posées par un invité à la conférence : 1°/ Il a été précisé que le chahid Zabana était un ancien délégué syndicaliste, militant du PPAMTLD. Il a été arrêté en 1950 en tant que membre de l’Organisation Spéciale Il a fait au cours de sa détention, une grève de la faim de 37 jours. Libéré le 8 mai 1953, il a organisé en 1954 avec le chahid Ben Mhidi un groupe d’action à Tlelat. 2°/ Certains avocats du collectif, dont moi-même, ont fait l’objet de mesures d’internement dans le camp de Berrouaghia puis transférés sur le camp de Bossuet. D’autres ont été internés au camp de Lodi. Ils furent libérés à des périodes différentes, certains ont quitté Alger ou l’Algérie. ( 19 ) Me concernant j’ai été libéré avec Maître Tayebi en 1959, et nous sommes restés à Alger et avons repris notre mission aux côtés des avocats du collectif de France. Mais l’atmosphère de haine était devenue irrespirable. Je fus victime de deux incidents graves. Et c’est ainsi qu’après les manifestations du 11 décembre 1960 auxquelles j’ai participé, je rentrai dans la clandestinité, en ma qualité de responsable politico-militaire dans la nouvelle zone d’Alger (désignation transmise par le commandant de la Wilaya IV, le chahid Si Mohamed Bounaama) aux côtés du frère Kalache, chargé du renseignement et des membres de l’ALN le capitaine Kheireddine et le lieutenant Djamel. Mission exercée jusqu’à mon arrestation en juillet 1961. Je ne fus libéré qu’en avril 1962. Gloire à nos Martyrs. Abdelkader Ferradj www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Histoire LES JUSTES D’ALGERIE. LE TRAVAIL DES AVOCATS ENGAGéS DURANT LA GUERRE D’ALGERIE Maître Nicole Dreyfus (1924-2010) Maître Nicole Dreyfus « La guerre d’Algérie a été la période la plus intense de ma vie, je faisais partie de l’un des collectifs d’avocats qui défendaient des militants algériens (proche du PC) et qui comprenait aussi Pierre Braun, Michel Bruguier, Henri Douzon et Marcel Manville. J’ai retrouvé dans la guerre d’Algérie, l’exaltation qu’ont dû connaître les Dreyfusards, en raison de notre certitude absolue d’être du côté du droit. Les Algériens luttaient pour leur indépendance, or ce combat était légitime Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . et devait être reconnu comme tel. Les moyens qu’ils employaient n’étaient pas toujours conformes à la morale, c’était vrai aussi, mais leur cause était juste, et pour moi, c’était le principal. Les moyens engagés contre eux étaient, eux aussi, contraires à la morale : torture, assassinats, « corvée de bois » (abattre un prisonnier au prétexte d’une tentative d’évasion) autant de méthodes employées systématiquement par l’armée à l’encontre d’Algériens engagés dans ce combat légitime ». « Il y avait plusieurs centaines, plusieurs milliers même de militants algériens détenus dans les diverses prisons, notamment à Alger, Oran, Constantine et Bône, et il fallait défendre en priorité ceux qui couraient un risque vital. Cela représentait souvent plusieurs personnes par jour qui comparaissaient devant des tribunaux militaires différents ». « Il y a eu quatre collectifs d’avocats différents : le premier a été créé par Yves Dechézelles, qui était un ami personnel de Messali ( 20 ) Yves Dechézelles Hadj et dont l’engagement datait du temps du MTLD, avant 1954. Puis Pierre Stibbe, qui a pris la responsabilité d’un deuxième collectif, avec sa femme Renée. Un troisième collectif s’est formé, composé d’avocats communistes auquel j’appartenais et le quatrième, créé par le FLN, a voulu éliminer les autres, mais le responsable du FLN à Barberousse Fétal s’y est opposé et ces avocats ont continué à plaider pour défendre les Algériens. Des avocats européens d’Algérie sont morts en raison de leur engagement ». Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire ALI HAROUN et MARIE-CLAUDE RADZIEWSKI AU FORUM DE LIBERTE I (JEUDI 30 AOUT 2012) ntervenant au Forum de Liberté consacré au collectif des avocats du FLN en France aux cotés de Marie-Claude Radziewski, Ali Haroun a présenté un historique sur la mission de ce collectif depuis 1920. Selon Ali Haroun, dès 1954, la tâche des avocats n’était plus la même. « Depuis le 1er novembre 1954, le FLN refuse d’emblée la législation française. » Pour lui, la lutte sur le plan judiciaire « est passée du procès de connivence, au procès de rupture » car les « militants algériens » arrêtés et traduits devant la justice française devaient se comporter en « belligérants », ce qui a occasionné un contexte nouveau pour la défense, car elle devait « reposer sur le reniement et la négation des lois françaises imposées aux Algériens détenus dans le cadre de leurs activités militantes ». De ce fait, les avocats devaient inscrire leur conduite « dans le cadre général du combat des clients et se conduire en défenseurs d’une cause qu’ils estimaient juste ». Activités qui, au regard du droit français, sont considérées comme son serment, ses règles déontologiques, a la légalité fran- LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE çaise ». Selon M. Haroun, « l’avocat méconnaitra la loi du moment, mais servira le droit et les valeurs permanentes d’honneur et de dignité humaine ». Selon Ali Haroun, « c’est en mai 1957 avec la désignation de Omar Boudaoud à la tête de la fédération de France du FLN, que la stratégie est devenue plus offensive ». « Le comite fédéral a créé une cellule d’avocats algériens déjà engagés dans la cause. Elle sera composée de Benabdellah-Oussedik, Ould Aoudia, Verges, Zavrian, Beauvillard, Bendimerad à Lyon et Boulbina à Marseille, la première réunion a eu lieu au 13 rue Guéguénaud, présidée par Kaddour Ladlani et dont le coordinateur était Bachir Boumaza. A la fin de la guerre, le collectif comptait une centaine d’avocats.» MARIE-CLAUDE RADZIEWSKI TEMOIGNE 50 ANS APRES L’INDEPENDANCE. A l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance, le Forum de Liberté a organisé une rencontre avec un nombre important d’avocats du collectif du FLN, ainsi que des détenus ( 21 ) que ces mêmes avocats ont défendus entre 1954 et 1962. L’avocate dira : « Je ne regrette pas ce que j’ai fait pour cette noble cause, au contraire, j’en suis très fière. » A 23 ans, elle assiste un militant du FLN, Mustapha Amor, en 1957. « En écoutant son plaidoyer, j’ai appris les actes inhumains que la police de mon pays, encouragée par le gouvernement, commettait contre les Algériens. Mustapha Amor, étudiant à la fac de droit, poursuivi pour son adhésion au FLN, avait exposé brillamment le sort des Algériens (sévices-tortures). C’est là que j’ai décidé de rejoindre le collectif des avocats du FLN ». Mme Radziewski ajoutera qu’elle s’est engagée à « dénoncer et à alerter contre les sévices que la police de mon pays pratiquait sur des Algériens ». Elle précisera que « ce fut plutôt un rapport de militant à militant plutôt que celui d’avocat à un détenu ». D’anciens détenus ont témoigné sur la façon dont « leurs avocats leur faisait parvenir de l’argent, des vivres, et même des armes ». L’avocate termine son témoignage par un symbole fort : « Après la guerre, au moment de la libération des détenus, de Gaulle a refusé de me serrer la main en me traitant de traitre à la France. » www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Histoire A COLLECTIF DES AVOCATS DU FLN li Haroun nous livre la généalogie de ce collectif composé d’avocats de différentes nationalités qui joua un rôle déterminant dans la prise en charge des militants algériens arrêtés, inculpés ou condamnés. Il note : « En 1958, pour ne pas mettre en position d’illégalité les avocats français (soumis aux règles déontologiques et à l’égalité française), le FLN décide de créer un collectif d’avocats un pour l’Algérie et un autre pour la France sous la direction d’avocats militants de la cause d’indépendance. Maître Mourad Oussedik dirigea ce collectif qui comprend à certains moments jusqu’à une centaine d’avocats qui consacrèrent leur temps à la défense des militants. (…) La désignation d’un collectif d’avocats par le FLN pour la défense des militants algériens, poursuivis, arrêtés ou condamnés, constitue en elle-même une remise en cause fondamentale du postulat colonial dans l’administration de la justice concernant les Algériens. » Les nationalistes algériens considèrent que « la loi conçue, discutée et votée par le Parlement français, promulguée par le chef de l’Etat français, n’est pas l’expression de la volonté générale, en tout cas pas celle du peuple algérien, qui n’a été en rien consulté…» Comme le remarque Ali Haroun dans son livre la 7e Wilaya : « Dans les premiers mois qui suivent le déclenchement de la lutte armée, les militants détenus font tout naturellement appel à leurs défenseurs traditionnels, les avo- Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . cats français de gauche et d’extrême gauche. Un fait nouveau : le militant de la cause algérienne ne réclame plus la protection de la loi française, qui par hypothèse fait de lui un délinquant. Il la refuse et la rejette. Contraint de l’expliquer devant un prétoire, il s’en servira comme une tribune pour faire connaître publiquement la cause qu’il défend. Mais le thème de défense de ces avocats ne correspond plus à celui défini par l’organisation. Ils répugnent à s’aligner sur les positions qu’exige le soutien de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie.»Des divergences dans l’acceptation du rôle de la défense entre la Fédération de France du FLN et les avocats traditionnels qui se chargeaient de la défense des militants FLN a vu le jour durant l’année 1957, quand Maître Stibbe refusa de sortir de la prison de la Santé un rapport rédigé par les Cinq sur l’opportunité de la constitution d’un gouvernement provisoire et d’autres affaires liées à la guerre livrée par le MNA au FLN. Le FLN décida alors de créer son propre collectif d‘avocats, Maître Oussedik a été désigné comme responsable de la défense et Benabdellah comme responsable de la structure de ce collectif. Outre les avocats algériens, Ali Haroun nous donne une répartition géographique de ces défenseurs : - Pour Paris : Beauvillard, Nahori, Glayman, Shulmasher, Lombrage, Pamier, Epelbaum, Viala, Souquière, Colombier, Likier, Lenoir, ainsi que six avocats du PSU. - A Lyon : Cohendy, Berger, Delay, Bouchet, Régine Bessou, André Bessou, Bonnard. ( 22 ) GENEALOGIE - A Grenoble : M. et Mme MathieuNantermoz. - A Marseille : Bernus, Gouin, Simon, Soineren. - A Avignon : Coupon et Serre. - En Belgique : Moureaux, de Kock, Draps, Merchies, Lallemand. Pour le Nord-est : Zavarian, TchangCharbonnier, Portalet, Bellanger, Warrot, Fennaux, Humbert, Roger, Netter. - A Versailles : Marie-Claude Radziewski, Nicole Rein et Bouchard. - En Algérie : Courrège, de Felice, Jeager, Moulet, Aaron, Pooulet, Routchewski, Allepot, Wallerand et beaucoup d’autres qui apportaient leur aide occasionnelle. Ali Haroun précisera que « les confrères qui acceptaient comme nous cette tâche, nous avons voulu, sans souci des menaces précises, réitérées, anonymes, officieuses ou officielles, malgré les préjugés, les intérêts et l’horreur de cette guerre, que les accusés quels que soient la qualification appliquée à leurs actes et le mépris dans lequel certains voudraient tenir leur idéal, qu’ils puissent trouver, en face d’eux, des visages qui ne soient pas seulement ceux des juges, des procureurs, des policiers, des soldats et des bourreaux.» Ces avocats ont payé de leur vie leur courage, tel Maître Aoudia, d’autres ont connu l’arrestation, l’internement au camp et d’autres la radiation ou l’expulsion. Source : Haroun Ali, La 7e Wilaya : La guerre du FLN en France 1954-1962, op.cit., pp.180-181 et p.169. In : « les amis des frères » de Rachid Khettab Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire LISTE ADDITIVE A CELLE DE ALI HAROUN COLLECTIF DES AVOCATS BELGES DU FLN Discours de Monsieur Serge MOUREAUX Membre du collectif des Avocats du FLN Bruxelles, sous la houlette de Zavrian, responsable pour le Nord et l’Est de la France : - Roland Dumas - Abed Mhamed - Vergès. Le Havre : Hedron Dijon : Berland Lyon : Bendimered Paris : Stull – Porodi – Ould Aoudia – Benabdellah Lyon : Soulié – La Phouang – Bouchet, qui ont harcelé les autorités pour faire cesser la torture à la caserne Vauban et à Fort Mont–lu. Bronstein – Bernusmier – Siannau. Grenoble : Boulbina – Abécassis. Strasbourg : Royer. Metz : Rodoziki Belfort : Neller et Formi. Avocats incarcérés. Torturés. Assassinés. Ali Boumendjel – Mahieddine Djender – Omar Bentoumi – Mahmoud Zertal – Amara Mokrane Chaoun Benmelha – Omar Menouer – Tayeb Hocine – Oussedik – Benabdellah – Abed Mhamed – Rezkallah. LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE Madame la Présidente, Excellences, Chers Collègues, Chers amis, Le 1er novembre 2004 a marqué le cinquantième anniversaire du commencement de la guerre de libération du peuple algérien. Un peuple qui avait subi pendant des décennies le joug colonial et la répression qui en était le corollaire naturel. Car le déclenchement de cette insurrection armée et violente n’a pas été le fruit du hasard, ni celui d’une rébellion absurde contre la modernité et la civilisation, ni l’expression d’une quelconque sauvagerie, ni la conséquence d’un complot international téléguidant de l’extérieur des naïfs ou des fantoches. Il a été le sursaut d’un peuple maltraité, privé de justice et de fraternité, en quête de cette même liberté pour laquelle tant des siens étaient venus combattre et mourir en Europe. Le système d’exploitation colonial, l’asservissement d’un peuple aux fantasmes racistes de l’Occident, l’aveuglement des pieds-noirs devant la revendication d’égalité de la population algérienne sont seuls responsables de cette révolution, de son cortège mortifère, des assassinats et des tortures. Le dire aujourd’hui est pour certains, banal. Ce ne l’était pas en 1954. Ils étaient peu nombreux ceux qui, de 1954 à 1962, ont osé tenir ce discours et agir en conséquence en se mettant à la disposition de la Fédération de France du FLN, fer de lance ( 23 ) en Europe de la guerre de libération. Avocats, porteurs de valises et d’espoir, passeurs de frontières, militants des comités d’aide ou pour la paix, ils furent certes peu nombreux mais leur action fut, je crois, déterminante et efficace. Et même si leur nombre était réduit, l’organisation de l’époque, le cloisonnement très strict, font qu’il est difficile, voire impossible, d’en dresser une liste exhaustive. Notre collectif d’avocats belges où figuraient comme permanents Marc De Kock, Cécile Draps et André Merchie, a œuvré aux côtés des Oussedik, Benabdallah, Verges, Courrege, Zavrian ou Beni Merad, du collectif établi en France, dans la défense des combattants et l’organisation des détentions. Pratiquant cette défense de rupture qui attaquait dans sa chair vive et son arrogance le système répressif colonial, elle a aussi sauvé de l’exécution, de l’internement ou des traitements inhumains et dégradants des dizaines de militants. Empêcher que Rabah Ouakli, Tahar Zaouche, Arezki Abdi ou Mohamed Arbaoui, ne soient guillotinés fut l’une des tâches accomplies par le collectif belge et les comités d’aide mobilisés. Sauver et assister dans leur calvaire les condamnés à mort de Douai parmi lesquels, aux côtés du colonel Ahmed Bencherif, figuraient des responsables et militants zonaux de l’organisation spéciale de la Fédération, comme Rahmouni, Ainouz, www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Histoire Skali ou Tazebint, fut une tâche prenante mais indispensable. C’est notamment en Belgique, à Etterbeek, à Uccle ou à Lustin que se décidaient la politique et l’action dans les prétoires et les prisons. Sous la houlette du responsable pour la Belgique de la Fédération de France, Abdelmadjid Titouche, (Marc Dujardin de son nom de guerre) se réunissaient clandestinement les avocats français et belges du Collectif avec Alain (Ali Haroun), Pedro (Omar Ladlani) et le responsable Omar (Omar Boudaoud) trois des cinq formant la direction de la Fédération de France, afin d’analyser les situations et de définir les objectifs : organisation des colloques juridiques internationaux de Bruxelles et de Rome, ou, en novembre 1961, le déclenchement dans toutes les prisons, le même jour à la même heure, d’une grève générale de la faim des détenus algériens contre le projet de partition de l’Algérie lancé par un des féaux de de Gaulle, le ministre Peyrefitte. Cette décision fut prise à Bruxelles et immédiatement relayée dans toutes détentions par le collectif. Mais ce type de réunion n’aurait pu se tenir sans les réseaux qui assuraient les transports des hommes et des documents, les passages de frontières ou les évasions. Des militants comme Luc Somerhausen (Alex pendant la guerre), Jacques Nagels, Maggy Rayet, Irénée Jacmain et son mari, Pierre Legreve, Jean Doneux, Jean Van Lierde, Lucien Pary et mon épouse Henriette ont accompli mille et une tâches indispensables et dangereuses, hébergé les responsables clandestins, assuré les passages de frontières. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Sans ces gens-là, qui sont pour moi l’honneur de la démocratie belge par leur courage et leur abnégation, leur sens de la justice qui a quelque peu racheté le racisme ambiant, l’action n’eût pas été ce qu’elle fut. Qu’on m’entende bien : ce ne sont pas les Belges ou les Français des collectifs ou des réseaux qui ont assuré la victoire finale des accords d’Evian. Ce sont les Algériens eux-mêmes, grâce à l’organisation efficace, montée comme une horloge par le peuple algérien tout entier, qui ont reconquis leur dignité confisquée. Nous avons été quelques-uns à reconnaître en temps utile la voix de la justice et à la répercuter, puis à servir comme militants en suivant, à la lettre, les directives du GPRA ou de la Fédération. Nous avons eu l’humilité d’écouter la voix des opprimés et de cesser de nous gargariser des grandes tirades sur la civilisation occidentale. Nous avons tenté alors de relayer l’intelligence et la sensibilité d’un peuple réduit absurdement en esclavage. En mai 1956, dans une revue universitaire de l’Université Libre de Bruxelles, je préconisais les négociations avec le FLN. Car je pouvais souligner que la Caisse algérienne de crédit agricole bénéficiait aux colons européens à raison de 99%. Qu’à l’Université d’Alger, sur 5000 étudiants, il y avait 500 musulmans. Que sur 9 millions d’habitants musulmans, seuls 19% des enfants étaient scolarisés, que le salaire des ouvriers algériens était dérisoire et qu’il y avait 1.500.000 chômeurs musulmans. Quand on glose aujourd’hui à propos de l’Algérie, on oublie de préciser que la scolarisation y atteint 80% ( 24 ) sur une population de 35 millions d’âmes. Assurément, le couplet sur l’action civilisation du colonialisme est et reste une véritable escroquerie intellectuelle. Et croyez-moi, aucun de ceux qui ont aidé l’Algérie à maitriser son destin n’en a de regrets. Je ne puis cependant passer sous silence le prix payé pour tout cela. Les ratissages, les bombardements, les camps de concentration, les exécutions sommaires ou ciblées, les disparitions organisées, la torture systématisée, les corvées de bois, les enfants et les femmes assassinés. Même ici, ce fut le cas. Ne parlons pas des sanctions prises contre nous, Cécile Draps et moi, par le tribunal militaire de Lille. Car, en fin de compte, c’est dérisoire. Mais Me Popie, assassiné à Alger, Me Ould Aoudia à Paris, le Professeur Laperches à Liège, et mon ami Akli Aissiou, étudiant en 7e année de médecine à l’Université Libre de Bruxelles, assassiné à Ixelles, rue Longue Vie par un tueur des services spéciaux français sur ordre du gouvernement du Général de Gaulle. Tous ces jeunes militants, battus, torturés, exécutés, c’est à eux qu’il faut dédier cette célébration du 1er novembre 1954. Alors, Madame la Présidente, je vous demanderai en conclusion deux choses. La première est de proposer à nos trois grandes universités de créer une bourse Akli Aissiou ouverte à un étudiant algérien en médecine. La seconde, de promouvoir la création d’une fondation pluraliste Professeur Laperches, dirigée par un conseil paritaire algéro-belge, dotée d’un secrétariat, d’archives et Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire de chercheurs universitaires qui rassemblerait les archives belges de l’aide au FLN, les classerait et les exploiterait autrement qu’en les confiant à la poussière des greniers ou des rayonnages. Mes pensées finales iront à trois Algériens qui ont profondément marqué mon esprit par leur intelligence, leur sensibilité et leur culture, au point qu’après les avoir rencontrés, la fréquentation de l’imbécillité méprisante et raciste de certains devient insupportable : Rahmoune Dekkar et Abdelkader Maachou d’abord, responsables syndicaux de l’UGTA, pendant la guerre de libération, hommes à la dialectique serrée, révolutionnaires conscients, mais surtout hommes à la pensée libre et militante. Et alors, comment esquiver le souvenir impérissable de ce gigantesque homme de culture qu’était Kateb Yacine, qui m’a fasciné par son œuvre comme par la poésie incommunicable de son discours, Kateb Yacine, l’imprécateur kabyle qui se posait des questions sur la coexistence fatale à Jérusalem des trois grandes religions monothéistes. Les islamistes ont profané sa tombe. Mais je suis convaincu qu’il repose en paix… C’est son Algérie, celle qu’il a rêvée, qui brûle dans mon cœur. Serge MOUREAUX 10 NOVEMBRE 2004. LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE L’APPORT DES AVOCATS A LA REVOLUTION MIS EN EXERGUE A ALGER L (COLLOQUE) APS : 06.03.2011 es participants au colloque international sur le thème « Des robes noires au Front : entre engagement et art judiciaire », ont mis en exergue à Alger l’apport des avocats au combat libérateur des Algériens contre la colonisation et la répression qu’ils ont subie durant ce combat. Intervenant au deuxième jour du colloque, organisé par l’association « Les Amis d’Abdelhamid Benzine », l’historienne Malika Rahal a retracé dans une conférence intitulée « Ali Boumendjel : un avocat aux mains des paras », les conditions de la disparition tragique du juriste algérien, maquillée en suicide par les autorités coloniales. Partant de la question posée par le journal France Observateur, qui avait titré, à l’époque, un article relatant la mort de cet avocat, ancien militant de l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA). « Qui a tué Boumendjel ? », Malika Rahal a affirmé qu’il s’agissait d’un « faux suicide », rappelant à ce propos les aveux du général Aussaresses. Elle a souligné que la mort de Me Boumendjel « a contribué à changer l’image du Front de libération nationale (FLN) dans les milieux métropolitains et mobi- ( 25 ) Feu Abdelhamid Benzine lisé les réseaux d’opposition à la guerre ». Mme Rahal a mis l’accord, en outre, sur son activité politique « débordante » et la relation avec son frère Ahmed son aîné de 10 ans, et qui avait « entièrement » adhéré, à Paris, au combat libérateur initié par le FLN. Elle a relevé, d’autre part, que Boumendjel avait fréquenté le lycée de Blida où il avait rencontré Abane Ramdane, Benyoucef Benkhdda, Saad Dahleb et où il avait eu comme maitre d’internat Lamine Debaghine. « Il figurait même parmi les Amis d’Alger Républicain », a-telle dit, ajoutant que « sa recherche de la négociation avec les autres courants du mouvement national, y compris le Parti du peuple algérien (PPA), irritait la direction de l’UDMA ». www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Histoire Ali Boumendjel Elle a conclu en indiquant que la disparition de Boumendjel avait donné naissance au premier scandale, en 1957, lié à la torture. Intervenant dans les débats, Me Ghaouti Benmelha, qui était membre du premier collectif des avocats du FLN à Alger, créé en février 1955, a précisé que durant cette période Ali Boumendjel avait quitté le barreau d’Alger et était chargé du contentieux à la société Shell à Alger. L’historienne française Sylvie Thenault, du CNRS de Paris, a, pour sa part, remis en question l’idée qu’il existait un seul collectif d’avocats du FLN. Selon elle, « il y avait des collectifs d’avocats », précisant que des « avocats historiques avaient plaidé pour les nationalistes algériens bien avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale » Pour cette historienne, qui a consacré sa thèse de doctorat au Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . thème de la justice pendant la guerre de Libération nationale, ces « avocats historiques », dont Me Stibbe et Dechezelles, « inscrivaient leur participation à la défense des résistants algériens, après le déclenchement de la Révolution, dans la continuité ». Mme Thenault a reconnu que l’engagement de ces « nombreux » avocats reste méconnu en dépit de leur engagement « entier » dans cette activité, surtout, a-telle noté, après l’internement des membres du collectif des avocats d’Alger. Elle a indiqué, à ce sujet, que le « seul » collectif qui est resté dans les mémoires demeure le collectif créé par la Fédération du FLN de France, dont faisaient partie Jacques Verges, Mourad Oussedik, Abdessamed Benabdellah et d’autres. L’historienne française a plaidé, dans ce cadre, pour une recherche historique susceptible de « restituer la mémoire de ces avocats anonymes » qui se sont impliqués dans la défense des résistants algériens. Evoquant la stratégie de défense connue sous l’appellation de « stratégie de rupture », considérée par Me Jacques Verges comme étant « d’essence révolutionnaire », elle a relevé qu’il y avait des avocats du collectif qui ne partageaient pas cette conception. Elle a cité, à ce titre, Me Giselle Halimi qui lui avait fait part de son « désaccord » avec Jacques Verges sur cette question, en expliquant ( 26 ) qu’elle ne pouvait pas « sacrifier » le détenu dans un contexte où la peine de mort était en vigueur. Sur cette question, Me Ali Haroun, membre du Comité fédéral de la Fédération FLN de France, a insisté sur le fait que « le FLN n’a jamais sacrifié ses détenus, dans la mesure, a-t-il précisé, où les avocats pouvaient plaider dans le fond un dossier, sans recourir à la stratégie de rupture ». Abordant le sujet du collectif des avocats belges au service de la Révolution algérienne, Linda Amiri, de la Faculté des sciences humaines de Strasbourg (France), a indiqué que ce collectif était rattaché à la Fédération de France du FLN. La constitution du collectif d’avocats belges autour de Serge Moureaux, Marc de Kock, Cécille Draps et André Merchie, a-t-elle expliqué, rentrait dans le cadre de l’internationalisation de la question algérienne. Elle a rappelé aussi, dans ce contexte, la formation par des intellectuels belges d’un comité de paix en Algérie, estimant que les deux structures (comité et collectif) œuvraient à porter la voix du combat algérien en Europe. Mme Amiri a ajouté que le collectif des avocats belges avait été derrière l’organisation de deux colloques, le premier à Bruxelles, en 1961, et le deuxième à Rome en 1962, sur le thème « Le droit international et la question algérienne ». Supplément N° 26 - Juillet 2014. "La mort pour la cause de Dieu est une vie qui n'a pas de fin, et la mort pour la patrie n'est qu'un devoir" AHMED ZABANA Par Nora Sari Le Collectif des Avocats du FLN Histoire Ahmed Zabana, connu sous le nom de Zabana, est un indépendantiste algérien ayant participé au déclenchement de la guerre de libération du 1er novembre 1954 dans la région d’Oran. Condamné à mort à la suite de l’assassinat dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954 du garde forestier François Braun, il est le premier indépendantiste algérien guillotiné, le 19 juin 1956, dans la prison de Barberousse à Alger. Considéré en Algérie comme un héros, sa ville natale et plusieurs lieux dans la ville d’Oran ont été renommés à son nom. I l naît en 1926 dans le quartier d’ElHamri dans la banlieue oranaise. Il y fit ses études primaires, obtint son certificat d’études et s’inscrit dans un centre de formation professionnelle, l’école de formation des métiers de chaudronnerie, électricité et soudure, située au sous-sol du marché Garguenta (centre-ville d’Oran, aujourd’hui place Zeddour-Mohamed-Brahim-Kacem) où il apprend le métier de soudeur. Il a travaillé à la cimenterie de la Cado à Saint-Lucien. Par ailleurs, on saura qu’Ahmed Zabana a joué à l’ASM Oran en équipe réserve. En 1949, Ahmed Zabana adhère au Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD). Son dynamisme ne tarde pas à attirer sur lui l’attention de la police française qui l’arrête le 2 mars 1950. Il est condamné par la justice coloniale à trois ans de prison et trois ans d’interdiction de séjour. Dès sa libération, il reprend ses activités politiques avec autant d’ardeur que par le passé et participe aux préparatifs du déclenchement de la guerre de libération nationale. Dans la nuit du 1er novembre 1954, il organise avec un groupe d’insurgés l’attaque Ahmed Zabana Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 28 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire Larbi Ben M'hidi contre le poste des gardes forestiers d’Oran. Après la dissolution du Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action le 5 juillet 1954, Zabana est désigné par Larbi Ben M’hidi en tant que responsable de la zone de Saint Lucien (Zahana) banlieue d’Oran (actuellement daïra de Zahana), chargé de préparer la Révolution avec tout le nécessaire en munitions et hommes. En application des ordres reçus, il organise la réunion de Saint- Lucien (Zahana) à laquelle assiste le martyr Abdelmalek Ramdane et à l’issue de laquelle Ahmed Zabana se voit attribuer les missions suivantes : 1954 : Ahmed Zabana a tenu une réunion avec son groupe de combattants au cours de laquelle furent réparties les missions et définis les objectifs ainsi que le point de ralliement à Djebel El Gaâda : structuration et entrainement des groupes, choix des éléments adéquats aptes au commandement des hommes et inspection des positions straté- LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE Abdelmalek Ramdane giques en vue de choisir les endroits susceptibles de constituer des bases pour la Révolution. Ahmed Zabana réussit ainsi à constituer des groupes à Saint-Lucien (Zahana), Oran, Ain Temouchent, Hammam Bouhadjar, Hassi el Ghalla, Chaabet et Sig. Il chargea ces groupes de collecter les cotisations pour l’acquisition d’armes et de munitions. Avec Abdelmalek Ramdane, il dirigea les opérations d’entrainement militaire ainsi que les techniques pour tendre des embuscades, lancer des incursions et fabriquer des bombes. Ghar Boudjelida (grotte de la chauve-souris) qui se trouve à El Gaâda dans la banlieue d’Oran était le PC (poste de commandement) du secteur de Saint-Lucien au début de la révolution algérienne (Zone 4 Wilaya V). Au cours de la réunion présidée par Larbi Ben M’hidi le 30 octobre 1954, la date du déclenchement de la Révolution, les objectifs à attaquer la veille du premier novembre furent définis avec précision. ( 29 ) Abdelkader Ferradj 1954 : la bataille de Ghar Boudjelida à El Gaâda, le 8 novembre 1954 au cours de laquelle Ahmed Zabana fut capturé par les troupes françaises après avoir été atteint de deux balles. Il fut prisonnier et conduit d’abord à l’école communale d’El Gaâda en attendant de l’acheminer vers l’hôpital. L’instituteur piednoir, Monsieur Casé, montrera le blessé et ses compagnons déposés devant la porte du garage de l’école (fondée en 1905) à ses élèves, en leur disant : « Voilà ce qui vous arrivera si vous suivez les rebelles. » Ensuite, Ahmed Zabana fut incarcéré à la prison d’Oran le 3 mai 1955, le 19 juin il fut transféré vers la prison Barberousse (Serkadji) pour y être guillotiné. Jugé sommairement et condamné à mort, il fut le premier condamné depuis le déclenchement de la guerre de libération nationale à monter sur l’échafaud dans l’enceinte de la prison de Barberousse, sur les hauteurs d’Alger. www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Histoire L'ancienne prison civile dite Serkadji ou Barberousse Les enjeux de son exécution Son exécution ainsi que celle de Ferradj avaient été réclamées par les milieux colonialistes dits « ultras », qui en firent un motif de satisfaction. Mais l’évènement provoqua dans l’opinion algérienne un mouvement de colère si puissant qu’il ne tarda pas à se traduire par une série Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . d’actions anticolonialistes. C’est ce climat d’effervescence qui prépara la bataille d’Alger. La guillotine avec laquelle fut exécuté Ahmed Zabana se trouve au musée central de l’armée. Il est enterré dans le village de sa région natale à Zahana. ( 30 ) Ayant participé à l’assassinat du garde forestier François Braun dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, à la maison forestière de la Mare d’Eau (entre Zahana et Oggaz), il est pris le 8 novembre, jugé et condamné à mort. L’exécution de la sentence est l’enjeu d’un bras de fer entre les élus d’Algérie, les responsables du FLN à Alger et les autorités françaises. Des élus d’Algérie réclament l’exécution des condamnés à mort, et le chef de la zone algéroise du FLN Abane Ramdane menace : « Si le gouvernement français faisait guillotiner les condamnés à mort, des représailles terribles s’abattront sur la population civile européenne. » Khalfa Mameri, biographe d’Abane Ramdane, attribue à son héros une stratégie d’« accélération voulue de la répression », Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire La prison de Serkadji aujourd'hui pour unifier le peuple algérien autour du FLN. Le ministre résident Robert Lacoste laisse finalement guillotiner à la prison de Barberousse, le 19 juin 1956, deux condamnés à mort, dont Ahmed Zabana. Aussitôt, Ramdane Abane et Larbi Ben M’hidi arrivés depuis peu à Alger, rédigent un tract menaçant : « Pour chaque maquisard guillotiné, cent Français seront abattus sans distinction. » C’est l’enclenchement de la bataille d’Alger. Nora Sari La dernière lettre du condamné à mort « Mes chers parents, ma chère mère ». Je vous écris sans savoir si cette lettre sera la dernière et cela, Dieu seul le sait. Si je subis un malheur quel qui soit, ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu car la mort pour la cause de Dieu est une vie qui n’a pas de fin et la mort pour la patrie n’est qu’un devoir. Vous avez accompli votre devoir puisque vous avez sacrifié l’être le plus cher pour vous. Ne me pleurez pas et soyez fiers de moi. Enfin, recevez les salutations d’un fils et d’un frère qui vous a toujours aimés et que vous avez toujours aimé. Ce sont peut-être là les plus belles salutations que vous recevez de ma part, à toi ma mère et à toi mon père ainsi qu’à Nora, El Houari, Halima, El Habib, Fatma, Kheira, Salah et Dinya et à toi mon cher frère Abdelkader ainsi qu’à tous ceux qui partageront votre peine. Allah est le Plus-Grand et il est le Seul à être équitable. Votre fils et frère qui vous aime de tout son cœur H’mida . » Références Ce document provient de « http://fr.wikipedia.org/windex.php?title=AhmedZabana&oldid=103227577 ». LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 31 ) www.memoria.dz La guillotine avec laquelle a été exécuté Ahmed Zabana, exposée au Musée du Moudjahid d'Alger Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 32 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire 7 AVOCATS DU FLN ASSASSINES DURANT La Guerre de Libération Nationale Entre 1957 et 1962, 7 avocats du FLN ont été assassinés par des organisations rattachées aux services spéciaux français, ou aux milieux extrémistes dont la Main rouge et l’OAS (ultras, affiliés aux colonialistes français). Le premier avocat assassiné fut : - Ali Boumendjel, premier avocat assassiné. Arrêté à Belcourt le 8 février 1957 par les paras, à son bureau. Frère du célèbre avocat du FLN Ahmed Boumendjel, ce militant de l’UDMA (Union démocratique du Manifeste algérien) a collaboré au journal l’Egalité, et a fait partie des Amis d’Alger républicain. Il a été par ailleurs militant du Conseil mondial de la paix. Torturé durant les 43 jours de sa détention, il est défenestré le 23 mars 1957, sur ordre de Massu par Aussarresses. Sa mort a été maquillée en suicide. - Améziane Ait Ahcene : (Constantine). Il fut au service du FLN dès 1955, et délégué du GPRA. Il est assassiné le 5 novembre 1958 à Bonn (Allemagne) par les services spéciaux français. - Amokrane Ould Aoudia : Il fut l’un des premiers membres du collectif des avocats défenseurs LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE des militants de la Fédération de France. Il est assassiné le 23 mai 1959 devant son cabinet à Paris, par balles, par la Main rouge. Il était âgé de 34 ans. - Alphonse Auguste Thuveny (Oran) : il est tué dans l’explosion de sa voiture à Rabat (Maroc) le 28 novembre 1958. Il fut membre du collectif des avocats ayant défendu un grand nombre parmi le groupe des 47 militants de l’OS, dont le procès a eu lieu à Oran les 12 et 13 février 1951. - Pierre Popie (Alger) : Il est arrêté le 13 mai 1958 à Alger pour son soutien à la révolution algérienne. Il a fondé avec le professeur André Mandouze l’Association de la jeunesse algérienne pour l’action sociale (AJAAS). Il est assassiné dans son cabinet le 25 janvier 1961 par l’OAS. Son successeur est Pierre Guarrigues, qui subira le même sort. - Pierre Guarrigues (Alger) il est assassiné dans son cabinet par l’OAS en janvier 1962. - M’hamed Abed (Oran) : le 4 décembre 1961, il est assassiné par l’OAS. Son cabinet a été plastiqué à quatre reprises, ainsi que son domicile. ( 33 ) www.memoria.dz Histoire Badji Mohamed à Serkadji devant la guillotine en 1970 En médaillon, Badji Mohamed juste après sa libération de prison en mars 1962, avec les moudjahidine. Rue des Mimosas - la Redoute, dans un local des Scouts musulmans. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 34 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. La main rouge contre le FLN PATRICIA TOURANCHEAU En 1959, sur ordre de l'Etat, les services spéciaux français abattent à Paris l'un des avocats des Algériens du Front de libération nationale. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire Les taupes se complaisent dans l'obscurité et détestent la lumière. Elles deviennent vulnérables si leurs agissements souterrains apparaissent au grand jour. Libération a pénétré ce milieu des agents qui infiltrent des groupes, des filières ou des pays pour renseigner les services secrets. Les ressorts psychologiques de ces hommes - (diplomate, routier, avocat...) oscillent entre l'orgueil, l'argent, l'idéologie, le patriotisme ou le sexe. Au fil de la semaine, six histoires d'espions aux petits ou aux grands pieds. C Les autres opérations anti-FLN e 21 mai 1959, à Paris, Me Mourad Oussedik, 33 ans, doit se rendre avec son confrère Ould Aoudia à 20 heures à une réunion des avocats du Collectif de défense du FLN (Front de libération nationale), afin de préparer le procès pour «atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat» des étudiants algériens. Il est 19 h 10. «On sonne à mon bureau rue Guénégaud. C'est un responsable du FLN, Abderrahmane Bara, qui, dans tous ses états, me dit : "Il y a un bonhomme qui fait les cent pas sur le trottoir d'en face, les mains dans la gabardine. J'ai déjà eu une perquis' chez moi ce matin. Mais les flics n'ont pas trouvé les 75 000 F du comité de soutien aux détenus et les direc- Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . tives envoyées par la fédération du FLN. C'est au-dessus de la chasse d'eau. Faut à tout prix que tu les dégages"», rapporte Me Oussedik, qui flaire alors le guet-apens : «T'as été suivi.» «Non, dit Bara, le mec était déjà là quand je suis arrivé.» Voilà une semaine, huit avocats du collectif (1) ont reçu des menaces, «TU VAS MOURIR» en lettres capitales et frappées d'une empreinte de main. Il y a quatre jours, un agent de renseignement FLN a signalé à Oussedik «un Français qui arpentait le couloir de l'immeuble d'Ould Aoudia au 10, rue Saint-Marc» : «Son bureau était surveillé. J'y ai fait récupérer des documents, listes et éléments comptables du collectif que je lui avais confiés. Mais Ould, toujours distrait, m'a traité de paranoïaque : "T'as mis l'alerte rouge, là !"» Oussedik ne tient pas ( 36 ) Feu Abderrahmane Bara à suivre Bara ce soir-là, inquiet de cet homme-là, sous ses fenêtres, qui peut être un «Algérie française» ou un «flic de Papon» (préfet de police) : «On va se faire coxer tous les deux, et puis j'ai la réunion du collectif...» Bara insiste : «Priorité Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire Mes Mourad Oussedik et Jacques Vergès à l'organisation, tu annules.» C'est un ordre. Oussedik téléphone à Ould Aoudia : «Vas-y tout seul, j'ai un cousin, là, qui a besoin de moi.» Meurtre de professionnel. Oussedik et Bara partent récupérer les documents au 10, rue Guisarde, en essayant de semer l'homme en imper qui les suit, des quais de Seine à la rue Saint-Sulpice, «toujours là derrière, j'ai pensé à un policier». «Arrivés au niveau de l'église, le gars s'arrête pile, fait demi-tour et reprend le chemin inverse. Avec Bara, on en profite. Je monte chez lui quatre à quatre, j'enfourne tout dans ma serviette, je rentre chez moi boulevard SaintGermain. J'ai une mission le lendemain : je dois dégager un militant du FLN caché chez Jean-Paul LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE Sartre pour l'envoyer par la filière.» Au lever, Mme Aoudia l'appelle, inquiète : «Mon mari n'est pas rentré cette nuit.» Oussedik fonce au cabinet d'Ould Aoudia, tombe sur la police : «Votre confrère a été victime d'un infarctus.» A la morgue, le légiste lui annonce : «M. Aoudia a été tué d'une balle en plein cœur.» Un meurtre de professionnel. Le 26 mai, les sept autres avocats reçoivent des lettres numérotées de 2 à 8 : «TOI AUSSI». Me Jacques Vergès a été destinataire de la n° 2 : «Il n'y avait pas de n° 1.» Le collectif ignore à l'époque que le premier, Ould Aoudia, a été victime d'un crime d'Etat. Et que Mourad Oussedik et Ben Abdallah ont été aussi programmés, ce soir-là, par le service Action du Sdece (Service ( 37 ) de documentation extérieur et de contre-espionnage). «Huit courriers annonciateurs de décès étaient partis du service», affirme aujourd'hui à Libération Raymond Muelle, ex-capitaine au service Action : «Mais la liste n'était pas close, tous les avocats du FLN étaient ciblés. Ils étaient 20 ou 22 à l'époque dans le collectif de soutien au FLN.» «L'opération Homo (pour homicide) contre Ould Aoudia a été exécutée sur ordre de Matignon», sous le Premier ministre Michel Debré, et «avec le feu vert de l'Elysée», car «le vrai patron du Sdece était Jacques Foccart», l'éminence grise du général de Gaulle à la présidence de la République. «Réserviste du 11e choc», le conseiller Foccart avait www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Histoire Jacque Foccart Michel Debré une autorité politico-militaire sur ces ex-parachutistes du 11e choc passés au service Action. A Matignon, Michel Debré pestait contre ce collectif d'avocats engagés avec le FLN, bientôt désigné comme l'ennemi à abattre. Selon son conseiller aux questions de «renseignement et sécurité» de l'époque, Constantin Melnik, «les RG, la DST et le Sdece signalaient les services rendus par ces avocats aux combattants d'une même cause. Des armes étaient introduites dans les parloirs des prisons. Des instructions étaient recueillies auprès des chefs emprisonnés (Ben Bella, Aït Ahmed et Khider à l'île d'Aix) pour continuer la lutte». Et les enquêtes internes au FLN déclenchées après chaque arrestation, via les confidences des interpellés aux avocats, «menaçaient les agents doubles manipulés par le contre-espionnage (2)». Me Oussedik ne cache pas qu'il se renseignait auprès d'«un haut fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, nom de code Anjou 08.20, et de deux policiers d'origine algérienne à la préfecture» pour débusquer les traîtres au sein du FLN : «C'était la guerre.» Liste noire. Au nom de la «guerre», Jacques Foccart accorde alors une «dérogation» au Sdece pour tuer des avocats du FLN sur le sol français. D'ordinaire, les opérations du service Action obéissent à deux règles : des «cibles» étran- gères ¬ jamais des citoyens français ¬ et des lieux toujours extérieurs au territoire. En tout cas, le patron du Sdece, le général Grossin, établit une liste noire d'avocats du collectif du FLN à tuer en métropole. Selon Melnik, «trois noms sont désignés : Aoudia, Oussedik et Ben Abdallah». Auxquels Foccart ajoute «Mes Jacques Vergès (3) et Jacques Mercier» afin de «neutraliser en une seule frappe défi- Ahmed Ben Bella Hocine Ait Ahmed Mohamed Khider Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 38 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Histoire nitive» les avocats du FLN. C'est commandant Muelle, «nos opérale socialiste et franc-maçon Paul tions "Arma" contre des bateaux, à Grossin qui refuse tout net d'exé- Hambourg, à Tanger, ont systémacuter ces deux «citoyens français». tiquement été revendiquées par la N'empêche, une triple opération Main rouge, une couverture pour «Homo» a été montée. Le com- nos opérations». Il y a deux «Main mandant Muelle, bien placé au rouge», précise le militaire : «La service Action, révèle aujourd'hui vraie et la fausse.» L'authentique à Libération que «les reconnais«Main rouge», c'est un «groupe sances ont eu lieu pour ces trois objectifs donGeorg Puchert à droite nés par la hiérarchie», Aoudia, Oussedik, Ben Abdallah, «emplois du temps, adresses, identification» : «Tout était prêt pour ce soir-là. Le jour même, les trois projets d'exécution ont été soumis aux autorités politiques qui, sans doute effrayées par les conséquences possibles, n'ont donné qu'un seul feu vert. Pour le service, trois opérations, ç'aurait été un coup formidable. Pas pour les politiques. Deux opérations ont donc été repoussées, puis annulées.» Avant de s'attaquer aux diri- contre-terroriste monté par des geants du FLN en Europe puis colons européens en Afrique du aux avocats du FLN en métropole, Nord» qui ont détourné la «main de Fatma», porte-bonheur des mule service Action avait commencé sulmans, pour liquider le grand dien 1956 par viser les trafiquants d'armes qui reçurent eux aussi des rigeant syndical arabe Fehrat Ha«mots d'avertissements prépara- ched à Tunis en 1952. La «fausse Main rouge», appellation récupérée toires». Les obstinés de la trempe par le Sdece français, sert à «coude Georg Puchert qui continuent vrir des opérations inavouables à à approvisionner les «fellaghas» du l'étranger». Par exemple, l'assassiFLN s'exposent à la destruction de leurs cargos (lire encadré). Selon le nat à Genève en 1957 du négociant LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 39 ) en armes Marcel Léopold. Une «pompe à vélo» a été «oubliée» à côté du corps, se souvient le commandant Muelle : «L'agent avait essayé une première fois mais avait dû abandonner, car, quand Léopold avait ouvert sa porte, quelqu'un se trouvait derrière. La deuxième fois, l'agent d'exécution qui s'était présenté chez Léopold a été surpris par quelqu'un dans l'escalier et a laissé sur le paillasson sa pompe à vélo. Certains se sont demandé qui pouvait se servir d'un tel engin équipé d'un ressort pour percuter une fléchette empoisonnée au curare.» Manipulation. Afin d'accréditer l'idée d'une organisation indépendante «contre-terroriste», les cerveaux du Sdece fabriquent des communiqués de revendication et des interviews de prétendus «membres actifs» de la «Main rouge». Selon le commandant Muelle, «ces conférences de presse étaient montées par l'échelon de commandement du Sdece», le général Grossin. Et d'«honorables correspondants» relaient ces boniments auprès des journalistes. Dans le Daily Mail britannique puis le Spiegel allemand, Christian Durieux, jeune Corse et prof de maths, téléguidé par le Sdece, se plaint même d'un manque de reconnaissance de son www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Histoire organisation la «Main rouge» par les autorités ¬ «aucun officiel français n'a osé admettre notre existence»¬ et se vante de ses «exploits contre-terroristes» qui ont «mis fin à l'activité de certains trafiquants d'armes». Le Sdece pousse l'intox jusqu'à publier en 1960 un livre intitulé la Main rouge aux éditions Nord-Sud (4), montées pour l'occasion par «l'honorable correspondant» Jacques Latour. «Ce bouquin a été rédigé par des gens du service pour camoufler les actions du moment», raconte Muelle. Une fiction, un leurre. Qui a berné tout le monde. Même les avocats du collectif. Selon Jacques Vergès, «la Main rouge désignait pour nous les ultras, soldats perdus ou extrémistes pieds-noirs». «On a toujours pensé à des barbouzes de droite, confirme Me Oussedik, jamais à un service de renseignement organisé et dissimulé derrière ce sigle.» Un bon camarade. Pour tuer Me Ould Aoudia, le service Action n'a «pas osé utiliser la couverture de la Main rouge» qui, jusqu'à présent, a servi pour les opérations perpétrées à l'étranger. Là, «c'est un gros morceau et ça se passe à Paris, souligne Muelle, c'est donc un officier traitant qui fait l'affaire». Qui tue. D'habitude, «c'est un agent d'exécution qui se charge de ces corvées de nettoyage», écrit Raymond Muelle dans son livre passé inaperçu sur les sept ans de guerre du FLN en France (5). Ces professionnels de la mort qui «exécutent les ordres» sans états d'âme se sont «posé des questions pour Aoudia», selon l'ancien du service Action, «quand nous avons appris, après coup, son pedigree, nationalité française et marié à une Française». Pour relater de l'intérieur l'opération «Homo» contre Aoudia, Muelle, qui dit se trouver «alors à Alger, et non pas à Paris», a «beaucoup questionné le tireur, un lieutenant de l'armée française parlant parfaitement arabe, un bon camarade». Ce 21 mai 1959, à 19 h 30, «une Chambord bleu foncé» dépose donc le «bon camarade» officier en «gabardine bleue» non loin du 10, rue Saint-Marc, dans le IIe arrondissement de Paris. Le tueur «serre sous son bras droit un porte-documents noir de bazar», monte au «3e étage, bureau n° 180. Le nom est sur la porte : Me Moktar Ould Aoudia, avocat. Au-dessus, une ampoule tubulaire est allumée lorsque le "client"» est là. Sur le palier, des WC toujours ouverts. L'avocat quitte son bureau entre 19h30 et 20h». L'homme se planque dans les WC, «engage l'index droit dans un trou de la serviette de Skaï», le doigt sur la détente d'un «Beretta équipé d'un silencieux maintenu par un léger bâti en bois dans le porte-documents» (une façon de récupérer les douilles). Il attend. «L'ampoule s'éteint. L'avocat va quitter son bureau. Sa porte s'ouvre, il est seul. Il est jeune, séduisant (...). Il y a deux détonations étouffées.» Le tueur retourne sa gabardine, désormais marron avec une ceinture, met une casquette, ôte ses lunettes, s'engouffre dans une «203 grise immatriculée en Seine-et-Oise». «Il est pile 19 h 40 (5).» «Tout est OK, l'affaire est faite, le client était à l'heure au rendez-vous.» Patricia Tourancheau (1) Le noyau dur du collectif : Mes Ould Aoudia, Michèle Bauvillard, Abdessamad ben Abdallah, Maurice et Janine Courrégé. Mourad Oussedik. Jacques Vergès. Michel Zavrian. (2) Un espion dans le siècle. Constantin Melnik. Editions Plon 1994. Puis La mort était leur mission, le service Action pendant la guerre d'Algérie. Plon 1996. (3) Les Secrets de l'espionnage français de 1870 à nos jours. Pascal Krop. Editions Jean-Claude Lattès, 1993. L'auteur y dévoile la volonté de Michel Debré de «supprimer Jacques Vergès». (4) In la Piscine : les services secrets français 1944-1984. Editions Seuil. Par Roger Faligot et Pascal Krop qui, les premiers, en 1985, ont révélé la supercherie, «la Main rouge est uniquement une création du Sdece», avec le témoignage inédit du général Grossin. (5) Sept Ans de guerre en France. Raymond Muelle. Editions Grancher. Publié en 1994, réédité en 2001. Tourancheau Patricia. Un espion dans le siècle. Constantin Melnik. Editions Plon 1994. La mort était leur mission, le service Action pendant la guerre d'Algérie. Plon 1996. Les Secrets de l'espionnage français de 1870 à nos jours. Pascal Krop. Editions Jean-Claude Lattès, 1993. la Piscine : les services secrets français 1944-1984. Editions Seuil. Sept Ans de guerre en France. Raymond Muelle. Editions Grancher. Publié en 1994, réédité en 2001. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 40 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. ALI HAROUN PARCOURS D’UN MILITANT Après des études primaires et secondaires à Alger, Ali Haroun poursuit ses études supérieures à Paris, où il obtient la licence en Droit puis le doctorat d’Etat auprès de la Faculté de Panthéon-Sorbonne. Militant de la cause nationale en France, il rejoint par la suite l’Algérie pour exercer la profession d’avocat. Par Nora Sari Le Collectif des Avocats du FLN Portrait La guerre d’Algérie. Dès les débuts de l’insurrection, Ali Haroun rejoint le FLN. En 1956 il est chargé par Mohamed Boudiaf de la direction du journal « Résistance Algérienne », édité alors à Tétouan et qui disparaîtra au profit d’un autre journal « El Moudjahid ». En 1957, Abane Ramdane transfère toute l’équipe de Tétouan à Tunis. En 1958, Ali Haroun est muté par le CCE à la Fédération de France du FLN. Au sein du Comité fédéral, il est chargé de l’information et de la presse ainsi que du contrôle des détentions (prisons et camps) par le biais du collectif des avocats. Il exercera cette responsabilité jusqu’à l’indépendance. De 1960 à 1962, il est membre du CNRA (Conseil national de la Révolution algérienne) qui se réunira deux fois à Tripoli. La période post-indépendance. Elu député d’Alger à l’Assemblée Constituante en septembre 1962, il ne s’y sent pas à l’aise et se trouve parmi les 21 qui n’ont voté ni l’investiture de Ben Bella et ni la Constitution de 1963. Il se retire de toute activité politique et fin 1963, reprend sa profession d’avocat. Il plaide en cette qualité plusieurs procès politiques durant les décennies 1960, 1970 et 1980. Après l’instauration du pluralisme en 1989, Ali Haroun participe à la création de l’« Association des Moudjahidine de la Fédéra- Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Photo prise à Tétouan en 1957. Debout de g. à dr : Amar Haddad, Ali Haroun, Mahdi Mabed. Assis : Mansour Boudaoud. tion de France du FLN » dont il devient Président jusqu’en 1992 et celle de la « Conférence Nationale des Démocrates » dont il est le Secrétaire Général aux côtés de Si Abdallah Bentobal, Président. Le 18 juin 1991, Ali Haroun est appelé au Gouvernement de Sid ( 42 ) Ahmed Ghozali, comme ministre des Droits de l’Homme. Interruption du processus électoral et appel à Boudiaf. Aux législatives du 26 décembre 1991, le FIS remporte dès le pre- Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Portrait Photo prise à Tunis en route vers Tripoli en 1962 De g.à dr. debout : Mourad Terbouche, Kaddour Ladlani, Mahieddine Moussaoui, Ali Haroun, Rabah Bouaziz, Nordine Bensalem. Assis de g. à dr. : Abdelkrim Souici, Messaoud Kesrani. mier tour, 188 sièges à l’Assemblée populaire nationale. Le 31 décembre 1991, celle-ci termine sa législature et le 9 janvier 1992 le Président Chadli démissionne. Après refus du Président du Conseil constitutionnel d’assurer la mission de Président par intérim durant 45 jours pour la préparation de l’élection d’un nouveau président de la République comme le prévoit la Constitution, le Haut Conseil de Sécurité constate l’impossibilité de poursuivre les élec- LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE tions législatives et de procéder à l’élection présidentielle. Après plusieurs tentatives pour trouver une solution à la crise, Ali Haroun est chargé par le Haut Conseil de Sécurité (HCS) de prendre contact avec Mohamed Boudiaf, figure historique et emblématique de la guerre de libération nationale, exilé au Maroc, afin d’assurer la direction d’un collège de Cinq membres chargé de terminer le mandat du Président Chadli démissionnaire. Ce sera le Haut Co- ( 43 ) mité d’Etat, dont Ali Haroun est l’un des membres. Le 29 juin 1992, Boudiaf est assassiné par Boumarafi, un soldat chargé de sa protection rapprochée. Le meurtre de ce grand homme se traduira par une perte énorme pour l’Algérie, qui reprenait confiance en elle après le retour de « Si Tayeb El Watani » absent depuis plus de 25 ans. En 1995, Ali Haroun est, aux côtés de Réda Malek, Mostefa Lacheraf, Mohamed Saïd Mazouzi et d’autres, l’un des membres fonda- www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Portrait De g. à dr. : Benyounes (Daniel), Omar Boudaoud, Abdelkrim Souici, Kaddour Ladlani, Mohamed Flici, Said Bouaziz, Ali Haroun, au 1er plan : Ahmed Doum. teurs de l’Alliance nationale républicaine (ANR), un parti qui milite pour la démocratie, la tolérance et le progrès. En 2010, ces membres quittent les rangs de l’ANR et Ali Haroun n’exerce plus aucune activité politique. Œuvres La 7ème Wilaya : la guerre du FLN en France (1954 – 1962). Seuil. Paris. 1986. L’Eté de la discorde. Casbah Editions. Alger.2000. Le Rempart : la suspension des élections législatives de janvier 1992, face à la terreur djihadiste. Casbah Editions. Alger. 2014. De g. à dr. : Abdelkrim Souici, Omar Boudaoud, Ali Haroun en 1959 Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 44 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Ali Haroun nous reçoit dans son bureau d’avocat. Bibliothèques garnie de livres et d’encyclopédies rangées au cordeau. Sur un meuble bas, au centre, un portrait de Hadj M’Hamed El Anka (jeune) trône, tel un aïeul vénéré. Aux murs, diplômes et photos attestent d’un parcours professionnel jalonné de pierres blanches qui ponctuent un périple riche, dense, important, au service de la justice où qu’elle soit et d’où qu’elle vienne. Dans ce lieu calme et serein, l’action, la réflexion et le don de soi semblent être les maîtres des lieux… Entretien Entretien réalisé Par Nora Sari Le Collectif des Avocats du FLN Entretien MEMORIA : Vous avez fait partie de la cellule des avocats du FLN ? Parleznous de sa création, sa stratégie, sa composition par régions et éventuellement du nombre de ses avocats. ALI HAROUN : Non ! (rires) je n’ai jamais fait partie d’une cellule d’avocats. Je travaillais dans la clandestinité et non au grand jour ! Ma participation était tout autre ! C’est en mai 1957 que le Comité Fédéral, avec à sa tête Omar Boudaoud, a créé une cellule d’avocats engagés dans la cause, parmi eux, Benabdallah, Oussedik, Ould Aoudia, Vergès, Zavrian, Beauvillard, Bendimered à Lyon et Boulbina à Marseille. La première réunion a eu lieu 13 rue Guénégaud à Paris et fut présidée par Kaddour Ladlani. Bachir Boumaza en fut le coordinateur politique chargé de la liaison avec le Comité Fédéral. En mars 59, sur ordre du GPRA, le collectif a été algérianisé, c’està-dire que sa direction au sommet était constituée d’avocats algériens mobilisés dans les rangs du FLN. Le découpage a été décidé après l’assassinat de Maître Ould Aoudia par la « Main Rouge » en réalité les services spéciaux français. Durant les années 1957-1958 une douzaine d’avocats ont plaidé pour nos militants. Mais devant une tâche immense le Collectif va faire appel à ses confrères dans toute la France et leur nombre avoisinera la centaine. Ainsi ont plaidé : Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . - A Paris. Beauvillard, Nahori, Glayman, Schulmacher, Lombrage, Pamier (surtout à Caen), Eppelbaum, Viala, Souquière, Colombier, Likier, Lenoir, ainsi que six avocats du PSU. - A Versailles : Marie-Claude Radziewski, Nicole Rein et Bouchard. - A Lyon : Cohendy, Berger, Delay, Bouchet, Régine Bessou, André Bessou, Bonnard. - A Grenoble : Mr et Mme Mathieu-Nantermoz. - A Marseille : Bernus, Gouin, Simon, Soigneren (à Grasse). - A Avignon : Coupon et Serre. - Dans le Nord-Est de la France : Zavrian, Tchang-Charbonnier, Portalet, Bellanger, Warot, Fenaux, Humbert, Roger, Netter. - En Belgique : Moureaux, de Kock, Draps, Merchies, Lallemand. - En Algérie : Courrègé, Mme Courrègé, de Felice, Jeager, Moutet, Aaron, Poulet, Routchewski, Allepot, Wallerand et bien d’autres encore qui apportaient leur aide occasionnelle. MEMORIA : Comment assurer la défense des militants du FLN qui ne reconnaissent pas les lois françaises alors que parallèlement, l’avocat lui, doit plaider au nom de ces ( 46 ) mêmes lois auxquelles il est soumis ? Paradoxe ou dilemme ? ALI HAROUN : Jusqu’en 1958, les avocats ont défendu selon le dossier : c’est alors ce que l’on appellera « le procès de connivence ». Ainsi ont plaidé maîtres Stribbe, Braun, Matarasso, et autres. La défense s’appuyait sur des arguments du genre : « l’accusation ne tient pas…, on a obligé l’inculpé à le faire…, il a commis cet attentat par peur des représailles…, il a donné de l’argent sous la contrainte…, il a eu une enfance difficile, maltraité par un père ivrogne… etc.etc. ». Le FLN n’entend plus développer ces arguments ! Et c’est la raison principale de la création du collectif des avocats du FLN ; qui choisiront chaque fois que possible une autre ligne de défense. Désormais, nous revendiquons la légitimité de nos actions ! Après le 1er Novembre 1954, le FLN ne reconnaît plus la loi française et refuse d’emblée la donne qui le place en situation de hors-la-loi. Il ne jouera plus avec les cartes françaises. Il considèrera que cette loi conçue, discutée et votée par le Parlement français, promulguée par le Chef de l’Etat français, n’est pas l’expression de la volonté générale, en tout cas pas celle du peuple algérien, qui n’a été en rien consulté. D’ailleurs les moyens purement politiques n’ont jamais permis au peuple algérien de revendiquer, et encore moins d’obtenir, l’exécution de sa réelle Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Collectif des Avocats du FLN Entretien volonté d’indépendance. Aussi prend-il délibérément les armes et se considère-t-il en guerre contre l’occupant de son pays. Pour être logique avec luimême, chaque militant algérien, arrêté et traduit devant les tribunaux français, devait se comporter en « belligérant ». C’est bien cette ligne de conduite que la Fédération de France du FLN tente de faire suivre aux inculpés chaque fois que les circonstances le permettent. Quel sera dès lors le rôle de l’avocat ? Peut-il mener sa défense dans ce contexte ? La position du détenu algérien est légitime et pourtant « illégale » au regard du droit que les autorités veulent lui appliquer. Or, l’avocat français est soumis par la loi, son serment, ses règles déontologiques, à la légalité française. S’il estime que, dans la vie d’un homme, il est des moments où la loi, expression momentanée et contingente d’une majorité de circonstance, lui paraît illégitime, alors il optera pour la thèse de son client. Il inscrira sa conduite dans le cadre général de la lutte à laquelle il participe à sa manière, et se conduira en défenseur d’une cause qu’il estime juste. Ce faisant, il méconnaîtra certes la loi du moment, mais servira le droit et, en fin de compte, les valeurs permanentes d’honneur et de dignité humaine. Il était donc nécessaire de considérer tous les avocats du FLN comme militants d’une cause dont les principes sont universellement admis. Pour les Algériens, LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE déjà engagés au sein du Front, le problème était simple. Ils furent mobilisés sur place. Quant aux avocats français, qui, dans l’intérêt futur de leur pays, ont oeuvré au sein du Collectif, ils ont eux-mêmes choisi entre la loi de l’époque et le droit permanent, la légalité coloniale et la justice intrinsèque. Dès lors, la défense des militants du FLN sera basée sur cet argument politique, à une exception près : lorsque l’accusé encourt la peine de mort. Pour le sauver, on peut plaider le dossier, c’est-àdire accepter un procès de connivence. Mais à partir de 1957-1958, les procès des militants FLN ont constitué dans leur majorité des procès de rupture. Quant aux rapports du Collectif avec la Fédération, ils se caractérisaient par un bureau à Paris, dirigé par un coordinateur, responsable politique, qui n’est pas avocat, mais chargé d’assister aux réunions et de faire un rapport au Comité Fédéral. Parmi les coordinateurs qui ont assuré cette fonction citons : Bachir Boumaza, Abderrahmane Bara, Maître Oussedik (qui a assuré un intérim), puis Aboubakr Belkaïd, et après son arrestation, Hocine Mehdaoui. C’est ainsi que tous les 3 mois, un état de la situation des 83 prisons et des 4 camps d’internement était transmis par le collectif à l’autorité du FLN en France. Pour répondre à votre deuxième question. Dilemme pour les avocats français mais pas pour les Algériens ! En effet, si le FLN ( 47 ) rejette les lois françaises et ne les reconnait plus, il ne se comporte plus en justiciable auprès de la justice française, mais en belligérant. Il s’agit dès lors d’un nouveau contexte pour la défense, basé sur les exigences politiques de la lutte menée par le FLN. Il n’y a aucun paradoxe lorsque l’avocat soutient que l’inculpé est le soldat sans uniforme d’un gouvernement en guerre contre le colonialisme français ! Or, les présidents de tribunaux refusaient que l’on prononce le mot « guerre » le conflit algérien n’étant qu’une « pacification » !... Les inculpés étaient considérés comme saboteurs, meurtriers, et toujours délinquants de droit commun. La qualification des faits qu’on leur reprochait était l’association de malfaiteurs, l’atteinte à l’ordre public, l’assassinat, le racket, etc. C’est plutôt là que se situe le paradoxe que plus personne ne contestera… 45 ans plus tard en 1999 quand la « pacification » est officiellement reconnue comme « guerre d’Algérie » par le Parlement français. MEMORIA : Combien de détenus en France, combien de condamnés à mort et combien d’exécutés ? ALI HAROUN : Tout au cours des 7 années et demie de lutte l’on peut évaluer à plus de 20.000 les Algériens qui sont passés par les 83 prisons et les 4 camps d’internement. Quant aux condamnées www.memoria.dz Le Collectif des Avocats du FLN Entretien à mort, le Collectif en dénombre 43 au 31 octobre 1961 malgré les grâces et les exécutions antérieures. Il y eut une trentaine de patriotes guillotinés en France et environ 300 en Algérie. MEMORIA : Les causes de ces militants étaientelles médiatisées ? Si, en France, la presse est considérée comme le 4ème pouvoir, de quelle manière et par quels organes de presse des causes ont-elles pu être défendues, ou des partispris prononcés ? ALI HAROUN : Comme nous l’avons vu, il a été demandé à nos avocats d’arriver au procès de rupture. Cela fait scandale, les incidents se succèdent au prétoire, l’audience est suspendue, les avocats quittent la salle, cela donne du blé à moudre aux journalistes de droite comme de gauche, et le procès est médiatisé ! Seul point positif : faire connaitre la position du FLN au peuple de France, attaché au prix de sa baguette de pain et à son pouvoir d’achat pour assurer son confort quotidien ! En fait le Français moyen ne sait pas encore grand-chose de ce qui se passe en Algérie. Pour lui, « on pacifie » et c’est tout ! Ainsi, on intéresse le petit peuple de France, avec ces petits faits divers. Par contre, les intellectuels, et ils sont nombreux, les communistes, des gens du monde des arts et du spectacle, des prêtres, des Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . écrivains célèbres (Sartre, Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, des Prix Goncourt entre autres,) ont porté haut et fort leur engagement en faveur de la juste cause du peuple algérien. Suffit-il de signaler que des hommes de science tels des chercheurs au CNRS, ont été arrêtés, et se sont retrouvés incarcérés aux côtés de leurs amis Algériens, et qui ont profité de cette détention en commun pour les alphabétiser, les instruire et les préparer aux examens. MEMORIA : 7 avocats ont payé de leur vie le fait d’avoir assuré la défense des militants du FLN. Ces assassinats étaient signés de « La Main Rouge ». Qui est derrière cette appellation ? ALI HAROUN : La « Main Rouge », n’est qu’un paravent derrière lequel se camouflaient les services spéciaux français, pour commettre des crimes condamnés par le droit international. Ils se sont servis de ce vocable commode, pour pratiquer des assassinats extra-judiciaires, c’est-à-dire des crimes d’Etat. Un responsable du service spécial, attaché à Michel Debré, Premier Ministre de l’époque, l’écrit avec détails dans son livre intitulé « La mort était leur mission ». ( 48 ) MEMORIA : Des avocats ont payé de leur vie et d’autres ont été emprisonnés pour avoir défendu la cause de militants nationalistes. Qui a assuré leur défense ? ALI HAROUN : D’après ce que j’en sais la grande majorité des avocats « musulmans » du barreau d’Alger ont été soit emprisonnés, soit contraints à l’exil, ou à la clandestinité. Benmelha, Hammad, Sator, Slama, et j’en oublie :…Des communistes, des juifs furent emprisonnés ou internés. Par contre en France où j’étais responsable, je circulais avec des faux papiers. Il était évident que recherché, je ne plaidais pas. Certains avocats européens du barreau d’Alger ont été corrects avec leurs confrères musulmans, mais la majorité d’entre eux ont été favorables à la répression de leurs confrères ! « Ils ne l’ont pas volé » ! disaient-ils ! En France, lorsque Oussedik, Benabdallah, Vergès, Zavrian, Courrégés, ont été inculpés, une pétition a circulé au barreau de Paris pour demander leur radiation, leur reprochant de « violer leur serment et de porter atteinte à la considération du barreau, en menant une action anti-française ». Ils n’ont plus leur place parmi nous ! » affirmaient leurs accusateurs. La pétition fut signée par un grand nombre d’avocats parisiens. Il est à noter toutefois que deux avocats célèbres ont refusé d’apposer leur signature ; Maître Tixier Vignancourt et Maître Isorni, qui fut l’avo- Supplément N° 26 - Juillet 2014. Guerre de libération Entretien cat du maréchal Pétain. « Nous ne sommes certes pas d’accord avec les positions politiques des avocats du collectif FLN, mais nous les respectons pour leur courage, dans la défense des intérêts qui leur paraissent justes, selon leurs conceptions ». Nous ne voulons pas hurler avec les loups », diront-ils. MEMORIA : En consultant sur la toile, les publications concernant le collectif des avocats du FLN, on remarque, dans les commentaires d’internautes, que des noms d’avocats auraient été occultés, tels que MM. Arezki Bouzida, Hocine Tayebi, ou Bentoumi, entre autres ? ALI HAROUN : D’après ce que m’a dit Bouzida lui-même, il a plaidé la 1ère année pour les détenus du FLN. À cette époque, le responsable du groupe d’avocats du FLN était Mohamed Hadj Hamou, il est encore vivant et personne ne parle de lui. Bouzida avait appris, lors d’un déplacement à Paris pour soutenir le recours en grâce d’un condamné à mort auprès du président Coty, qu’il était recherché à Alger par la police française ! Il a rejoint aussitôt Le Caire, puis Tunis, où il a assuré le Secrétariat de la base FLN de Tunis comme adjoint du commandant Kaci. Rebbani a plaidé pour les militants du Front. Poursuivi, il a rejoint le maquis. Bentoumi a plaidé pour LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE les Nationalistes avant même le 1er Novembre, durant les années 1946, 47 et 48. Durant la guerre il a été interné mais avant son internement il avait plaidé pour de nombreux militants et responsables. MEMORIA : Vous avez écrit 3 ouvrages majeurs qui sont une référence pour les historiens ou les journalistes. Le suivant est-il en chantier ? ALI HAROUN : Vous sa- vez, les idées ne manquent pas de traverser l’esprit. Lorsque je lis un document ou une feuille, je les conserve. Un paragraphe intéressant je le découpe. J’amoncelle, et garde toutes les idées et informations qui me semblent présenter quelqu’ intérêt. Un jour, je sais que je les utiliserai ! Voilà pourquoi ma réponse sera oui, et non ! J’ai une quantité de notes qui feront je l’espère l’objet d’un ouvrage. En ce qui concerne les 2 derniers (L’Eclaircie et Le Rempart), ils ont été rédigés à partir de notes prises au cours de nos travaux du HCE, le secrétariat me donnait les projets de textes, j’ai gardé ces notes et mes observations de l’époque. MEMORIA : Quel serait le mot de la fin ? ALI HAROUN : Il est évi- dent que les circonstances qui prévalaient au moment de l’indé- ( 49 ) pendance de l’Algérie et la prise de pouvoir par la force des armes et non par un consensus national a fait que les avocats d’une manière générale n’ont pas joué dans l’Algérie indépendante le rôle que l’on pouvait en attendre Mais au-delà des avocats, la plupart des cadres du FLN en France - et je parle d’eux parce que je connais mieux cette situation - furent marginalisés. La raison en est que les dirigeants de la Fédération ne se sont pas trouvés, au Congrès de Tripoli, sur la même ligne que ceux qui, deux mois plus tard, allaient s’emparer du pouvoir. La Fédération de France ou 7ème Wilaya, au même titre que les six autres devait, disposer de 16 sièges au sein de l’Assemblée Constituante. M. Ben Bella en refaisant la liste des candidatures (tous les candidats devaient nécessairement être élus), il l’a totalement éliminée comme si cette wilaya n’avait jamais existé ! C’est pourquoi les militants du FLN en France, moudjahidine, moussebiline, fidaïyne au coeur même du pays oppresseur, ont-ils le sentiment d’avoir, comme parents pauvres de la Révolution, été mis sur la touche et frustrés malgré le sacrifice des dizaines de milliers de détenus, la trentaine de guillotinés, sans compter les milliards de Francs de l’époque, le nerf de la guerre, qui permirent au GPRA de terminer victorieusement sa mission par la proclamation de l’Indépendance. Entretien réalisé par Nora Sari www.memoria.dz Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 50 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Mohamed Boudiaf, Tedjini Haddam, Ali Kafi, Khaled Nezzar, Ali Haroun. : Haut Comité d' Etat, le 16 janvier 1992. L’autodétermination une revendication du mouvement national réalisée après une longue lutte Par Boualem Touarigt Guerre de libération L e 19 mars 1962, les représentants du gouvernement français signaient avec les délégués du FLN les accords d’Evian qui mettaient fin à une guerre engagée le 1er novembre 1954. Le gouvernement français reconnaissait le droit des Algériens à l’indépendance. En application de ces accords, un référendum d’autodétermination est organisé le 1er juillet 1962. Une majorité écrasante des habitants de l’Algérie se prononce pour l’indépendance. Le général de Gaulle, qui avait refusé de céder directement l’administration de l’Algérie aux représentants du GPRA, fait remettre par Fouché, son nouveau haut commissaire en Algérie, une lettre par laquelle il prend acte des résultats du référendum et reconnaît officiellement l’indépendance de l’Algérie. Plus de quarante années auparavant, à l’initiative de l’Emir Khaled, petit-fils de l’Emir Abdelkader, un groupe d’Algériens avaient remis le 23 mai 1919 à George B. Noble, représentant du président des EtatsUnis, Woodrow Wilson un mémoire réclamant le droit à l’autodétermination du peuple algérien et l’intervention de la Société des nations pour organiser son accession à l’indépendance. Le président américain avait acquis une grande renommée internationale après son fameux programme en quatorze points présenté au congrès des Etats-Unis le 8 janvier 1918, destiné à asseoir la domination d’une nouvelle puissance mondiale pour s’imposer face à des Etats européens fortement touchés par la guerre. Afin d’affaiblir les Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Histoire La grande salle qui abrita les négociation d'Evian de mars 1962 grandes puissances multinationales et les Etats coloniaux, il y affirmait notamment le droit de tous les peuples à disposer librement de leur sort. Des personnalités algériennes saisirent l’occasion de la tenue du congrès de Versailles pour affirmer le désir d’indépendance de leur pays. C’était la première revendication d’un droit à l’indépendance du peuple algérien par le recours à sa libre expression. Ce droit avait été affirmé en 1916 à la conférence des nationalités de Lausanne où un délégué tunisien représentait l’Algérie et la Tunisie. Les signataires du Manifeste du peuple algérien du 10 février 1943 firent référence à la charte de l’Atlantique adoptée le 10 août 1941 par Churchill et Roosevelt où les signataires « respectaient le droit qu'a chaque peuple de choisir la forme de gouvernement sous laquelle il doit vivre, et qu'ils désiraient que soient rendus les droits souverains et le livre exercice du gouvernement à ceux qui en ont été privés par la force ». ( 52 ) Cette revendication mit du temps pour prendre forme et être partagée par une majorité des forces politiques algériennes. Elle fut imposée par la force au gouvernement après une longue guerre de libération. Dans sa longue marche vers l’indépendance, le peuple algérien franchit plusieurs étapes dont on peut relever les points forts. 1900 : une société algérienne brisée Les révoltes populaires rurales prirent fin au XIXe siècle avec celles d’El Amri (1876), de l’Aurès (1879), des Ouled Sidi Cheikh (1881). La révolte des Righas de Marguerite (Aïn Torki) d’avril 1901 fut le dernier grand soulèvement paysan. Au début du XXe siècle, après plusieurs décennies de révoltes essentiellement paysannes, toutes très violemment réprimées, le peuple algérien s’engageait dans la lutte politique. Cette lutte était dirigée contre la situation imposée par le système colonial. Un ensemble de lois privait Supplément N° 26 - Juillet 2014. Guerre de libération Histoire les Algériens de droits élémentaires et les soumettait à une politique de soumission et de répression. Le droit de vote n’était accordé qu’à une infime partie de la population algérienne qui ne jouissait pas de la citoyenneté ; la représentation était volontairement inégalitaire ; des juridictions spéciales s’appliquaient aux Algériens qui étaient soumis à une législation particulière, le code de l’indigénat, et à des mesures de privations de liberté et de saisie. La politique d’assimilation avait amené le pouvoir colonial à imposer un clergé musulman qui lui était totalement soumis et à interdire l’enseignement libre de la langue arabe. Des lois ont organisé la dislocation de la propriété collective des terres, détruisant ainsi le lien communautaire qui formait la base de la société algérienne et permettant la saisie des meilleures terres qui furent confisquées au profit des colons. On imposa par la force une colonie de paysans européens sur des terres arrachées aux paysans algériens. La colonisation accapara 1,5 million d’hectares de 1871 à 1898. En 1917, les Européens disposaient de 2,3 millions d’hectares. En 1882, on comptait quelque 200 nouveaux villages de la colonisation. Au début du XXe siècle, la société algérienne avait été profondément brisée. Les élites traditionnelles citadines avaient disparu. Elles se reconstituèrent très lentement sous des formes nouvelles. La paysannerie algérienne avait été dépossédée : la superficie des propriétés agricoles avait été réduite de près du tiers entre 1880 et 1900. Elle était passée de 8,2 millions d’hectares LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE Cheikh Mohamed Ben Rahal à moins de 5,8 millions. Le cheptel ovin était passé de 8 millions à un peu plus de 6 millions entre 1865 et 1900. Les paysans algériens étaient en majorité pauvres : 70% possédaient moins de 4 hectares en moyenne. La grande propriété était marginale : 20% des terres appartenaient à des paysans possédant des parcelles d’une superficie de plus de 200 hectares. La lutte des élites algériennes contre les inégalités Dès le début du XXe siècle, les représentants d’une élite algérienne, dont une partie était instruite et francisée se manifestèrent en réclamant l’égalité des droits pour l’ensemble des populations d’Algérie. Pratiquement jusqu’en 1945, le mouvement national a été marqué par cette lutte des élites tentant de réclamer des droits et d’imposer des réformes par le recours à la lutte légale, croyant en une possibilité de transformation du système colonial par l’action des gouvernements ( 53 ) français. Ces élites algériennes réclamaient l’égalité dans le cadre de la République française. Quelques rares personnalités issues des milieux traditionnalistes lettrés étaient apparues, revendiquant des droits au profit des Algériens. On peut citer Mohammed Ben Rahal (1858-1928), ancien caïd qui démissionna pour se consacrer à l’activité politique dès 1884, militant pour l’instruction des Algériens en arabe et en français, et l’élargissement de leur représentation au sein des instituions coloniales. Mohammed Ben Mouhoub de Constantine mena le même combat à la même période. Au début du XXe siècle, on vit apparaître un certain nombre de cercles, de sociétés instruites et de cercles regroupant des Algériens instruits se regroupant pour réclamer la levée des mesures répressives et l’élargissement des droits au sein du système colonial : Rachidia d’Alger, Salah Bey de Constantine, Akhaouia de Mascara, le Cercle des Jeunes Algériens de Tlemcen, le Cercle du Progrès de Bône. On les appela le mouvement Jeune turc, puis les Jeunes Algériens. Ce mouvement disposa de journaux qui apparurent très tôt : El Misbah à Oran en 1904, El Hilal à Alger en 1906, Le Musulman à Constantine en 1909. L’Islam qui parut à Bône a été l’organe principal de ce mouvement et il présenta en avril 1911 les principales revendications qui ne remettaient pas en cause la souveraineté française. Cependant, le rappel de la grandeur de la civilisation arabo-islamique et la glorification du message du Coran étaient dans les discours de bien de délégués de ce mouvement. Pétris de www.memoria.dz Guerre de libération Histoire culture arabe, tels que les conseillers Taleb Abdeslam et Mohamed Ben Rahal, certains érudits algériens avaient très tôt combattu l’assimilation en rappelant la personnalité du peuple algérien marquée par son histoire arabo- islamique. Mais il restait encore un long chemin à faire pour inculquer l’idée nationale au sein des populations en faisant de l’Islam un élément fort de cette appartenance nationale. Après la participation des Algériens à la Première Guerre mondiale (173.000 militaires enrôlés et 25.000 morts sur les champs de bataille, 120.000 travailleurs dans les usines), le gouvernement entreprit quelques réformes réduites en 1919 par un léger élargissement de la participation des Algériens à la vie politique. Mais leurs représentants restaient très minoritaires face à ceux de la minorité européenne. L’émir Khaled porte les revendications populaires C’est l’émir Khaled qui fut le porte-parole et l’inspirateur des revendications populaires même si ses premières revendications étaient relativement modestes se contentant de réclamer une égalité des droits entre tous les habitants de l’Algérie. Il se rapprocha du mouvement Jeune Algérien dont beaucoup de membres furent influencés par ses idées. Il esquissa même un programme politique tout en restant extrêmement prudent dans la dénonciation de la domination coloniale. Son action permit d’amener un grand nombre d’élus représentants de l’élite algérienne à des positions radicales dans la dénonciation du système colonial. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . L'Emir Khaled Ainsi furent élus Kaïd Hamoud à Blida, Ben Rahal à Oran, Moussa à Constantine. En 1920, il fonda le journal L’Ikdam qui prit une place importante dans la dénonciation du système colonial et des personnalités algériennes qui lui étaient alliées. Ainsi, apparurent sur la scène politique un grand nombre d’élus algériens rejetant ouvertement l’assimilation. En 1924, l’émir Khaled donne deux conférences en France dans les milieux des travailleurs maghrébins proches du Parti communiste. Il inspira la naissance de la revendication nationale. L’Etoile Nord-Africaine se met en place dès la fin de 1924et apparaît au grand jour en 1926. L’émir en est le président d’honneur. Les travailleurs algériens s’engagent dans la lutte politique nationale, parallèlement aux cercles initiés par des représentants de l’élite. La direction du mouvement comporta des Algériens de différentes régions parmi lesquels Messali, Hadj Ali, Chebila, Djilani, Banoune. Sa spécificité résidait dans ( 54 ) son programme qui se fixait l’indépendance et l’attachement à la personnalité arabo-islamique. L’ENA publia un journal qui reprit le titre de celui de l’émir Khaled, L’Ikdam. Dans son appel du 22 avril 1927, elle réclama « le droit pour l’Algérie, comme pour tous les autres peuples, de disposer d’elle-même ». Sous la direction de Messali Hadj qui en assuma la présidence dès 1926, l’ENA exprima la revendication nationale algérienne portée par des militants des couches populaires. La minorité européenne d’Algérie Les gouvernements français avaient décidé dès le milieu du XIXe siècle d’implanter une population européenne sur les terres enlevées par la force aux paysans algériens. On fit appel à des agriculteurs venus de France mais aussi d’Espagne, d’Italie, de Malte, d’Allemagne et de Suisse. Les superficies de terres agricoles possédées par des Européens augmentèrent régulièrement : en 1917 elles atteignaient 2,4 millions d’hectares. Dès le début, la part des Français dans la population de colons était minoritaire. La loi du 26 juin 1889 accorda la nationalité française aux enfants d’étrangers européens nés en Algérie. Deux faits importants sont à souligner : la concentration de la propriété agricole européenne s’accentua et en 1930 il n’y avait plus que 26.000 propriétaires pour 2,5 millions d’hectares et 74% des terres étaient détenus par 20% des propriétaires. La colonisation rurale changea de nature et devint dominée par la grande exploitation intensive tour- Supplément N° 26 - Juillet 2014. Guerre de libération Histoire née vers l’exportation. Par ailleurs, la population européenne devint dans sa majorité urbaine (à 60% en 1872 et à 72% en 1926). Cette population majoritairement urbaine et composée surtout d’employés de l’industrie (29%) et du secteur tertiaire (60%), l’agriculture n’occupant plus que 10% de la population en 1954 chercha très tôt à s’autonomiser de la France et à avoir des prérogatives renforcées. Elle s’opposa avec force à toute tentative du gouvernement métropolitain de modifier la situation qui lui donnait tous les pouvoirs face à la population algérienne pourtant largement majoritaire. Elle refusa l’extension des pouvoirs politiques. Elle perpétua les politiques de répression engagées par les armées du début de la colonisation, affirmant que toute concession même minime entraînerait son élimination. Elle croyait en une seule politique : la répression la plus brutale pour terroriser les populations algériennes et leur enlever, LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE d’après elle, toute idée de révolte. Elle fut suivie à chaque fois par les gouvernements métropolitains à qui elle imposa ses points de vue. Cette minorité européenne fut installée en Algérie dans des conditions particulières. La loi française refusa aux Algériens l’accès à la citoyenneté en raison de leur appartenance à la confession musulmane. Elle les soumit à une législation répressive exceptionnelle. Les autorités coloniales accordèrent aux populations européennes tout le pouvoir de s’imposer y compris par l’utilisation de la force la plus brutale en faisant d’eux des auxiliaires de l’armée dans le maintien de l’ordre même à titre préventif. Dès 1898, les émeutes antijuives déclenchées par des extrémistes européens réussirent à imposer une autonomie financière par la création des délégations financières et la loi du 29 décembre 1900 confirma formellement la personnalité civile de l’Algérie qui renforçait ainsi son autonomie. Les réformes limitées de 1919 qui augmentèrent le nombre des électeurs algériens furent violemment combattues, même si la loi avait maintenu la supériorité des élus européens dans toutes les circonstances. Ceux-ci obtinrent le rétablissement des lois sur l’indigénat en 1920 et la suspension de l’émigration vers la France qui influait sur Les reculs des gouverne- le marché de la main d’œuvre locale (1924). Le gouverneur Violette qui ments français A différentes reprises, les projets avait préconisé une plus grande rede réformes initiées par les gouver- présentation des Algériens fut rapnements français rencontrèrent les pelé en 1927. En 1936, la victoire du Front Pooppositions violentes des représenpulaire redonna l’espoir aux élites tants de la minorité européenne. ( 55 ) www.memoria.dz Guerre de libération Histoire Familles d'indigènes sous la colonisation française algériennes engagées dans l’assimilation, c'est-à-dire l’octroi des mêmes droits à tous les habitants de l’Algérie. Le nouveau chef du gouvernement français Léon Blum rejeta la plate-forme présentée par le Congrès Musulman en juin 1936 qui se contentait d’avancer des revendications limitées : suppression de la législation d’exception, instauration du suffrage universel, octroi de la citoyenneté avec le maintien du statut personnel musulman. Il se contenta d’avancer un projet bien limité, le projet Blum Violette qui visait l’extension des droits politiques à l’élite algérienne. Le texte suscita une hostilité violente des représentants de la minorité européenne. Le projet ne fut même pas examiné par le Parlement français. En décembre 1943, le général de Gaulle annonçait son intention Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . d’accorder la nationalité française à plusieurs dizaines de milliers d’Algériens qui conserveraient leur statut personnel. Il signa l’ordonnance du 7 mars 1944 qui accordait le droit de vote à tous les Algériens, mais, précision importante, dans deux collèges différents. Les représentations aux assemblées locales maintenaient l’infériorité des délégués algériens dont le nombre ne devait pas excéder les 2/5s. Des lois d'exception sont appliquées pour les indigènes ( 56 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Guerre de libération Histoire Le Parlement français adopta le 20 septembre 1947 un statut de l’Algérie qui maintenait la supériorité politique des Européens dans les instances élues. Le gouvernement nomma des gouverneurs généraux (Naegelen et Léonard) qui se soumirent aux injonctions des représentants de la minorité européenne et fermèrent, en truquant à large échelle les élections, toute possibilité d’une évolution légale des Algériens. L’évolution de la population algérienne La paysannerie algérienne connut une forte régression à partir des années 1910, marquée essentiellement par la baisse des superficies cultivées, le morcellement, la faiblesse des rendements. La production céréalière de 1954 était identique à celle de 1900 pour une population qui avait presque doublé pendant la période. On estimait au début des années 1950 à un million le nombre de chômeurs ruraux, pour à peine plus de 100.00 ouvriers permanents (travaillant plus de 180 jours par an). On comptait dans l’industrie et les services 130.000 chômeurs et 250.000 manœuvres. L’analphabétisme touchait 90% de la population. Au XXe siècle, la population algérienne connaît un important exode rural. En 1936, 11% des Algériens résidaient dans les villes. Ils sont près de 20% en 1954. En 1926, les Algériens étaient 64 à l'université soit 3,85% des étudiants. Trente années plus tard, en 19551956, la situation avait à peine changé puisque les statistiques officielles de la colonisation don- LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE naient 260 étudiants algériens sur 4700 (5,5%) et 79 Algériens avaient réussi au baccalauréat soit 6% de l’ensemble des admis. En 1954 les Algériens représentaient 89.5% de la population totale. Le mouvement national se radicalise L’Etoile Nord-Africaine qui a été le premier mouvement algérien regroupant les catégories populaires, liant revendications sociales et revendications nationales et réclamant l’indépendance de l’Algérie est interdite définitivement en janvier 1937, sous le gouvernement du Front Populaire. Le Parti du peuple algérien lui succède en mars 1937 reprenant le même programme et toujours sous la direction de Messali Hadj. Très vite, il s’implante en Algérie. Il sera fortement présent dans les quartiers des villes algériennes accueillant une population pauvre d’origine rurale. Il sera renforcé par l’apport de jeunes intellectuels et de représentants des couches moyennes urbaines. En 1931 est créée l’Association des oulémas algériens qui se refuse à devenir un parti politique. Elle jouera un rôle important dans la lutte contre les tentatives d’assimilation et renforcera l’adhésion des Algériens à un sentiment national où la dimension religieuse occupe une place prépondérante. Elle sera aussi très active pour rapprocher les différentes forces politiques du mouvement national autour de la revendication d’indépendance devant l’échec des tentatives de réformer le système colonial par la voie légale. ( 57 ) Les élites algériennes regroupées au début du siècle dans le mouvement dit Jeune Algérien connaissent une lente évolution. En 1927 est constituée la Fédération des élus indigènes sous la direction de Mohamed Salah Bendjelloul et Ferhat Abbas. Les efforts de ses élus dans les assemblées rencontreront l’opposition du gouvernement français à des réformes qui ne remettent pas en cause l’appartenance de l’Algérie à la France et réclament l’égalité pour les populations algériennes. Le Parti communiste eut une réelle influence sur le mouvement national à ses débuts. Certains de ses militants furent à la direction de l’Etoile Nord-Africaine dont le premier président (jusqu’en 1928) Abdelkader Hadj Ali, et aussi Djillali Chebila, Mohamed Marouf, Aït Toudert et Boutouil. Messali Hadj s’en détacha après y avoir milité. Son influence sur les immigrés maghrébins se réduisit. En 1928, les militants communistes algériens, en majorité européens, repoussèrent la politique assimilationniste mais sous-estimèrent la revendication nationale qu’ils ne soutinrent pas, considérant que le salut ne pouvait venir que de la lutte sociale menée par les travailleurs de France. Leur condamnation des fêtes du centenaire en 1930 n’eut aucun effet. Leurs positions furent tranchées dès 1932. Ils dénoncèrent la politique assimilationniste du gouvernement et les éléments réformistes qui la soutenaient. En septembre 1933, ils réclamèrent l’indépendance des pays du Maghreb. L’importance accordée à la revendication nationale ne fut pas suivie www.memoria.dz Guerre de libération Histoire par les militants. Les communistes algériens s’organisèrent en force politique distincte du PCF en 1936. Les militants algériens de ce parti furent très sensibles à la revendication nationale et certains d’entre eux s’engagèrent directement. Ces différentes composantes du mouvement national algérien réussiront à se rapprocher à des moments cruciaux. La Fédération des élus, l’Association des oulémas et les communistes se regroupèrent dans le Congrès musulman de juin 1936 qui réclama le rattachement de l’Algérie à la France et l’octroi de la citoyenneté à tous les Algériens. La plate-forme fut rejetée par le gouvernement socialiste de Léon Blum. A l’initiative de Ferhat Abbas, des personnalités algériennes adressent le 20 décembre 1942 un message aux autorités responsables, aux autorités alliées et aux représentants du gouvernement français de la Résistance. Il sera suivi d’un texte politique, le Manifeste du Peuple Algérien. Le 26 mai, Ferhat Abbas, qui s’était concerté avec les oulémas et Messali Hadj, présente un projet de programme plus précis qui prévoit que « l’Algérie sera érigée en Etat algérien doté d’une constitution propre qui sera élaborée par une assemblée algérienne constituante élue au suffrage universel par tous les habitants de l’Algérie ». Ce texte est rejeté par le gouvernement du général de Gaulle. Cette démarche unitaire est poursuivie par la création, le 14 mars 1944, des Amis du Manifeste de la liberté (AML). Les thèses du PPA rencontrent un grand écho et le congrès des AML Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Manifestations du 8 mai 1945tt de mars 1945 se prononce pour un Etat algérien indépendant. La répression des manifestations de mai 1945 à laquelle les populations européennes participèrent activement isola les partisans de la transformation pacifique graduelle du système colonial. Les bases d’une union du mouvement natio- ( 58 ) nal avaient été jetées. Le sentiment national en sortit renforcé, et pour de larges couches d’Algériens, il n’y avait pas de voie possible en dehors de l’indépendance et cet objectif ne pouvait venir de la lutte politique dans le cadre du maintien du système colonial. Boualem Touarigt Supplément N° 26 - Juillet 2014. Localisé grâce à son réseau de courrier Le 24 septembre 1957 est arrêté Yacef Saâdi, chef de la ZAA Par Djamel Belbey Guerre de libération Histoire P Yacef Saâdi, chef militaire des réseaux FLN de la Zone autonome d'Alger, a été arrêté en même temps que son adjointe Zohra Drif, le 24 septembre 1957 our mettre fin à la révolution, notamment dans la Zone autonome d’Alger, les autorités coloniales ont mis en œuvre des méthodes aussi machiavéliques que perfides, en recourant d’abord à la torture puis à la « guerre psychologique », notamment à la manipulation et à la terrible « bleuite », à l’origine des conflits internes dans les rangs des combattants algériens et des exécutions au sein du FLN/ALN. L’infiltration a été, dans ce cadre, un des moyens utilisés par l’ennemi, dans son action. Résultat : les principaux commandements de la révolution ont été soit contraints à l’exil, ou ont fait l’objet d’arrestation. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . L’histoire nous raconte ainsi que Yacef Saâdi, le chef politico-militaire dans la ZAA, né dans la Casbah à Alger le 20 janvier 1928, et de nombreux autres fidayines, qui constituaient le réseau des poseurs de bombes, ont été arrêtés, à la suite d’une action d’infiltration et de retournement d’anciens militants du FLN, opérée par le Groupe de renseignements et d'exploitation (GRE). Un service spécial chargé du renseignement, créé par les services secrets français en 1957, mis en place par le capitaine Léger, un agent du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), avec l’accord du colonel Godard. L’arrestation de Yacef Saâdi a été le résultat de l’exploitation des ren- ( 60 ) Capitaine Paul-Alain Léger seignements extorqués à la suite de la torture dont ont fait l’objet des militants nationalistes et fidayines par l’armée coloniale. Les interrogatoires ont permis de mettre la main sur des éléments clés de l’organisation et de remonter la chaîne pyramidale jusqu’aux élites de l’organi- Supplément N° 26 - Juillet 2014. Guerre de libération Histoire sation politico-militaire du FLN de la Zone autonome d'Alger. Tout a commencé en juillet, lorsque le capitaine parachutiste Paul-Alain Léger, sous le commandement du colonel Yves Godard d'Alger Sahel, intercepte des livraisons d'armes, mais surtout, met la main sur Alilou, principal agent de liaison de Yacef Saâdi. Alilou est « retourné » et ensuite incorporé au Groupe de renseignements et d'exploitation (GRE). Ce fut le tour de Guandriche Hacène, plus connu sous le pseudonyme de Zerrouk, le chef de la région 3 de la zone d’Alger, de tomber aux mains des mêmes services du GRE. Ils l'incorporent dans l'équipe des « bleus-de-chauffe », qui sont des anciens combattants FLN faits prisonniers et « retournés ». La nouvelle du retournement de Guandriche, alias Zerrouk, est gardée sécrète, même auprès de sa femme. Car le capitaine Léger comptait en user pour arriver à localiser Yacef Saâdi, notamment à travers l'infiltration du réseau de courriers de ce dernier. Ce faisant, le capitaine Léger envoie Houria, qu’il présente comme sa collaboratrice, se cacher dans la maison de Zerrouk, afin d’observer les gens qui s’y présentent. Un jour, elle transmet un message à Léger, en décrivant un homme qui venait très souvent sonner chez son hôte. Il se promène toujours en tenant une petite fille par la main. Grâce à ce renseignement, l’homme est rapidement identifié et son domicile repéré n° 4 rue Caton dans la Casbah. Deuxième indice. Le 23 septembre, les gendarmes d’Alger arrêtent un homme nommé Djamel, LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE Le 24 septembre 1957, les légionnaires du 1er REP accompagnés par la Gendarmerie arrêtent Yacef Saâdi Conférence de presse du colonel Yves Godard, après l’arrestation de Yacef Saâdi et de sa compagne Zohra Drif le 24 septembre 1957 ( 61 ) www.memoria.dz Guerre de libération Histoire A droite : Yacef Saâdi, Colonel Bencherif, Ould Hocine Chérif, officier de l'ALN, Mustapha Blidi, Salah El-Houaoui. Assis à gauche : Moussaoui Mohamed et Berkani Mohamed. lequel, interrogé par le GRE, avoue connaître Yacef Saâdi et ajoute qu’il l’a rencontré rue Caton. Ces deux renseignements, qui se recoupent, donnent la conviction que Yacef Saâdi loge bien dans cette rue. Le lendemain, mardi 24 septembre, à 2 h 30, une opération est lancée ; les paras du 1er Régiment étranger de parachutistes (REP) sous le commandement du colonel Jean Pierre et les « bleus » du capitaine Léger bouclent la rue Caton. Les hommes pénètrent dans la maison au n° 3. La propriétaire proteste énergiquement contre cette intrusion. C’était Fatiha Bouhired, veuve du chahid Mustapha Bouhired, un des responsables du FLN. Etant reconnue par les « retournés », comme faisant partie des réseaux de soutien au FLN dans Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . la ZAA, la femme qui a fait preuve d’un courage exemplaire est arrêtée et horriblement torturée par les paras. La fouille de la maison a permis de découvrir que Yacef Saâdi était présent dans l’immeuble avec sa collaboratrice Zohra Drif. Ils se cachent dans un petit réduit au fond d’une salle de bain. Repéré, Yacef Saâdi lance une grenade dans le couloir, dont les éclats blessent le colonel Jean-Pierre. Sous la menace de faire exploser l’immeuble, et après de longues heures de négociation, Yacef Saâdi et Zohra Drif, qui partage la cachette, se rendent à 6 heures du matin, au colonel Godard qui dirige l’opération et sortent de la cachette, non sans avoir brulé des documents ( 62 ) de la Zone autonome d'Alger. Ils jettent leurs armes par la lucarne, avant de se rendre. Son arrestation a servi l’alibi de l’action psychologique des services coloniaux, qui prétendaient que ses aveux auraient permis l’arrestation de plusieurs membres du FLN. Mais, Yacef et Drif sont condamnés à mort. Yacef doit sa survie à l'ancienne résistante Germaine Tillion, déportée à Ravensbrück, ethnologue, ancien membre du cabinet de Jacques Soustelle, qui se battra pour le sortir des mains des parachutistes. Elle témoignera en sa faveur lors d'un de ses trois procès – où il sera par trois fois condamné à mort –, puis interviendra pour obtenir qu'il ait la vie sauve. Djamel Belbey Supplément N° 26 - Juillet 2014. La cache qui a servi de refuge, rue des Abderrames Arrêtée en compagnie de Yacef dans la cache de la rue Caton Zohra Drif… victime des bleus Par Djamel Belbey Guerre de libération Histoire S on arrestation marque la fin de la bataille d’Alger. Elle avait été arrêtée dans les mêmes circonstances que Yacef Saadi, dans le refuge de la rue Caton de la Casbah d'Alger. Elle c’est Zohra Drif qui, à coté de Hassiba Ben Bouali, de Djamila Bouhired, de Yacef Saâdi, de Ali la Pointe, de Samia Lakhdari, …, est l’une des icones de la bataille d’Alger. Née en 1934 à Tiaret dans une famille bourgeoise, elle passe toute son enfance à Vialar (actuellement Tissemsilt). Son père cadi à Vialar l'envoie terminer ses études à Alger, au lycée Fromentin et par la suite à la faculté de droit d'Alger. Avec la littérature, elle découvre le Siècle des Lumières, la Révolution française de 1789 et les libertés individuelles, ce qui l'amène à réfléchir à la situation en Algérie, révoltée par la colonisation et par la différence de traitement entre colons, indigènes juifs et indigènes musulmans. Le 30 septembre 1956, la cellule dont elle fait partie est chargée de Ali la Pointe Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Debout de g. à dr. : Djamila Bouhired, Yacef Saâdi et Hassiba Ben Bouali Assis : Samia Lakhdari, P’tit Omar, Ali la Pointe et Zohra Drif placer trois bombes dont celle du Maurétania qui n'explosera pas, celle du bar de la cafétéria de la rue Michelet, et celle qu'elle dépose ellemême dans un café-bar, le « Milk Bar », fréquenté par des pieds-noirs : l'attentat tue trois jeunes femmes et fait une douzaine de blessés, dont de nombreux enfants. L’arrestation d’un élément du réseau FLN à la Casbah d’Alger, puis son retournement par les services spéciaux français ont permis sa localisation puis son arrestation le 24 septembre 1957, par les légionnaires du 1er REP dans son repaire au n°3 de la rue Caton, maison qui faisait face à celle où se trouvaient Hassiba Ben Bouali et Ali la Pointe. Dans son témoignage à l’occasion d’une conférence, Zohra Drif reviendra sur les circonstances, ( 64 ) Hassiba Ben Bouali Supplément N° 26 - Juillet 2014. Guerre de libération Histoire Fatiha Bouhired mais aussi les enseignements de son arrestation : « Nous étions un petit groupe avec peu de moyens. Le grand problème était de trouver un lieu d’hébergement. Non pas que le peuple de la Casbah nous rejetait, mais toutes les maisons étaient quotidiennement visitées et fichées par l’armée française. Nous avons alors été recueillis par Fatiha Bouhired, de son nom de jeune fille Attali qui venait de perdre son mari assassiné par les parachutistes. Nous avons décidé que cet abri ne devait être connu que par la maîtresse de maison. Nous y allions de temps en temps, Ali la Pointe, Hassiba Ben Bouali, P’tit Omar, Yacef Saâdi et moi-même. Quand Athmane et Si Mourad sont morts, c’étaient les adjoints directs de Yacef, ce dernier reprit contact avec Zerrouk qui était l’adjoint de Si Athmane et Mourad. Or, nous l’apprendrons malheureusement plus tard, Zerrouk avait été arrêté quelque temps auparavant par les Français qui l’avaient retourné. Il travaillait donc avec eux. » Pour elle, c’était la première erreur fatale. La deuxième erreur fut de ramener Hadj Smail dans le refuge, alors qu’« il n’était pas sur la liste des gens qui pouvaient passer la nuit dans le quartier ». La troisième erreur de Yacef fut « celle d’écrire, de ses propres mains la lettre que nous devions envoyer à Tunis et que Hadj Smail a laissée chez lui pour aller travailler ». Or, raconte-t-elle, « un concours de circonstances a fait que les paras ont fait une descente chez lui et ont trouvé la lettre posée sur un meuble. C’était un rapport détaillé de la situation de la Zone autonome d’Alger, écrit donc et signé de la main de Yacef ». Et enfin, « nous avions l’habitude de recevoir le courrier tout les jours à 5 heures, c’était très important parce que si le courrier n’arrivait pas au moment prévu, ça voulait dire que quelque chose n’allait pas. Nous devions recevoir une lettre de Hadj Smail qui devait prendre un avion pour Paris et Tunis ensuite. La lettre n’est pas arrivée, alors je suis allée voir Yacef. La bombe du Milk Bar à Alger, le 30 septembre 1956 LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 65 ) www.memoria.dz Guerre de libération Histoire Arrestation de Zohra Drif Au lieu de partir immédiatement, il nous a dit d’attendre. » C’était sa quatrième erreur. « Et dans la nuit du 24 au 25 septembre, les paras sont venus directement à la cache et nous ont arrêtés… » Les détails de son arrestation Le quartier de la rue Caton fut encerclé très tôt le matin vers 5 heures, le 24 septembre. Alertés par la propriétaire de la maison, Fathia Bouhired, de son nom de jeune fille Attali, Yacef et Zohra se précipitèrent dans la cache qui se trouvait dans la salle de bains et qui ouvrait de l'autre côté sur l'escalier de l'immeuble. Yacef avait une mitraillette, un pistolet et une grenade. Zohra, qui était en sous-vêtements pris les archives dans sa cache. Le colonel Jean-Pierre, le capitaine Chabanne entrèrent les premiers. Le colonel Jean-Pierre lança à Yacef : « Yacef, rends-toi. Sors de là. On sait que tu es là. Que tu es malade... tu as la grippe. » Zohra avait vite compris Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Zohra Drif, jeune étudiante en droit qu’elle avait été balancée par Ghandriche plus connu sous le pseudonyme Zerrouk, auquel elle avait écrit le dernier message , expliquant que Yacef avait la grippe et que la fièvre l'empêchait de tenir lui-même le stylo. Yacef avait bien tenté de résister en lançant d’abord une grenade qui explosa à quelques mètres du colonel Jean-Pierre. Il vida aussi un des cinq chargeurs qu'il avait sur lui. Deux paras s'écroulèrent foudroyés, un troisième fut blessé. Zohra, quant à elle, prit le soin de mettre le feu à tous les documents qui étaient dans sa cache. Après avoir reçu les assurances du colonel Godard d’être traités en prisonnier de guerre, Yacef Saâdi et Zohra Drif se rendirent aux parachutistes français, qui menaçaient de plastiquer l’immeuble. Ils durent ensuite mis au secret à la villa Nador d’El Biar, « en sachant que Hassiba et Ali allaient changer d’abri comme l’exigeaient nos règles strictes de clandestinité », précisera-t-elle dans ( 66 ) ses Mémoires d’une combattante de l’ALN, Zone autonome d’Alger (Chiheb Editions, 607 pages). Zohra Drif et Yacef Saâdi, chef FLN de la Zone autonome d’Alger sont présentés à la presse, lors d’une Conférence de presse du colonel Yves Godard, adjoint opérationnel du général Massu, commandant de la 10e DP (division parachutiste), suite à leur arrestation le 24 septembre 1957, qui avait été présentée comme une victoire. Zohra Drif est alors condamnée, en août 1958, à vingt ans de travaux forcés par le tribunal militaire d'Alger. Enfermée alors au quartier des femmes de la prison de Barberousse, elle est transférée ensuite dans diverses prisons françaises. En 1960, toujours en prison, elle écrit son témoignage intitulé la Mort de mes frères. Zohra Drif est finalement graciée par le général de Gaulle lors de l'indépendance de l'Algérie en 1962. Djamel Belbey Supplément N° 26 - Juillet 2014. Djamila Bouhired Arrêtée lors d’un accrochage à la casbah Par Djamel Belbey Guerre de libération D jamila Bouhired, qui s’est engagée dans les rangs de la révolution à la fleur de l’âge, dans les années 1950 alors qu’elle était étudiante, faisait partie du « réseau bombes » du FLN. Agent de liaison du Comité de coordination et d'exécution (CCE) et assistante personnelle de Yacef Saadi, chef de la Zone autonome d'Alger pendant la bataille d'Alger, Djamila Bouhired dépose, le 30 septembre 1956, une bombe qui n'explose pas dans le hall du Maurétania. Elle recruta Djamila Bouazza qui, elle, déposa le 26 janvier suivant une bombe très meurtrière au CoqHardi. Le 9 avril 1957, au cours d'un accrochage dans une ruelle de la Casbah d'Alger, Djamila Bouhired, est blessée. Une balle transperce son dos, lui fracasse la clavicule et lui perfore le sein gauche. Elle ne peut fuir et est donc arrêtée par les parachutistes de la 4e compagnie du 9e régiment des zouaves. Arrestation et condamnation Transportée à l'hôpital, elle est interrogée quatre heures plus tard environ, puis conduite dans une maison inconnue, non loin de la capitale, où elle est atrocement torturée. Dès son arrestation, les paras des services spéciaux, ayant trouvé sur elle des papiers qui prouvent qu'elle est en relation constante avec Yacef Saadi, le chef de l’organisation ALN/FLN à Alger, la torturent sur la table d'opération du 9 au 26 avril. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Histoire Les fidayate. De g. à dr. : Samia Lakhdari, Zohra Drif, Djamila Bouhired et Hassiba Ben Bouali. Photo prise par Ali la Pointe, en 1957 Les paras viennent, tous les quarts d'heure, vriller un couteau dans sa plaie. La torture qu’elle subit est destinée à lui faire avouer l’endroit où Yasef Saadi se cache, mais elle ne dit rien. Elle tente bien de faire cesser la torture en donnant quelques adresses sans importance et des renseignements contenus dans les papiers saisis. Lors de sa détention, la jeune fille de vingt et un ans subira les pires atrocités, elle est suppliciée à l'électricité. Elle témoigne : « Les trois capitaines, qui m'avaient emmenée de l'hôpital vers 21 heures, et les deux parachutistes me mirent nue et l'on me banda les yeux. On m'attacha sur un banc en prenant soin de disposer sous les liens des chiffons humides aux poignets, aux bras, sur le ventre, aux cuisses, aux ( 68 ) chevilles et aux jambes et l'on me plaça des électrodes dans le sexe, dans les mains, les oreilles, sur le front, dans la bouche, au bout des seins. Vers trois heures du matin, je m'évanouis, puis délirai. » Le 21 avril 1957, elle est dirigée à El Biar (Alger) dans un autre centre de torture et jusqu’au 25 avril 1957 elle est encore battue, même si l'administration coloniale l’a nié durant des années même après l'indépendance de l'Algérie. Les sévices ont été constatés par le médecin du FLN Janine Belkhodja. Le médecin légiste Godard, quant à lui, ne reconnaitra pas de traces de violences. Le diagnostic officiel évoque une fistule tuberculeuse ancienne. Djamila Bouhired est condamnée à mort par le Tribunal perma- Supplément N° 26 - Juillet 2014. Guerre de libération Histoire Arrestation et interrogatoire de Djamila Bouhired nent des Forces armées, le 15 juillet 1957. Elle éclate de rire à l'annonce de cette condamnation. Cependant, son exécution est stoppée par une campagne médiatique menée par Jacques Vergès et Georges Arnaud. Ils écrivent un manifeste, publié la même année aux Editions de Minuit, Pour Djamila Bouhired. C'est avec le livre d'Henri Alleg La Question, l'un des manifestes qui alerteront l'opinion publique sur les mauvais traitements et les tortures infligés par l'armée aux combattants algériens. Devant le tollé international soulevé par sa condamnation, elle est finalement graciée et libérée en 1962. L’Intox des services spéciaux Les services spéciaux français, relayés par une campagne d’intoxication qui avait touché tous les révolutionnaires, ont bien tenté de jeter le trouble sur les circonstances de son arrestation, d’abord en avançant la thèse, qu’elle l’avait été suite à une dénonciation, sans pour autant donner le nom de l’auteur, et ensuite, prétendus qu’elle avait été blessée par une balle tirée par Yacef Saâdi. Il s’en trouvait même ceux qui – révisionnisme quand tu nous tiens – avaient distillé des allégations qu’elle n’aurait jamais été torturée. Zohra Drif, qui était présente lors de l’accrochage, témoigne ainsi que « Djamila a été blessée par balle et elle a été arrêtée, seule. À partir de ce moment, plus aucun combattant n’a eu accès à elle jusqu’à son incarcération. Elle était seule, entre les mains des tortionnaires de la 10e Division parachutiste du LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE général Massu dont tous les Algérois connaissaient les méthodes d’interrogatoire ». Selon elle, « nos ennemis savaient à l’époque qui était Djamila Bouhired, à quel niveau de l’organisation elle se trouvait, ce qu’elle faisait et avec quelles per- ( 69 ) sonnes elle était en relation permanente, c’est-à-dire Larbi Ben M’hidi, Yacef Saâdi et Ali La Pointe, qui étaient encore en vie et en activité à l’époque. Les parachutistes savaient qu’ils venaient de faire « une prise » de première importance ». « Aussi, www.memoria.dz Guerre de libération Histoire De g. à dr. : Baya Hocine, Djamila Bouhired et Zohra Drif raconte-t-elle, dès son arrestation, le travail « psychologique » de l’armée en direction du peuple algérien a commencé. Tout de suite, Djamila, comme tous les militants arrêtés, a été salie et dénigrée pour démoraliser la population et la couper des militants. » Cela étant, même l’ennemi le reconnaît, Djamila Bouhired aura été un exemple de courage. A telle enseigne qu’elle a inspiré pas mal d'écrivain et de cinéastes, de ce monde. Djamel.Belbey Djamila Bouhired et Zohra Drif au Caire en 1972 Djamila Bouhired en voyage officiel au pays du Golfe Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Djamila Bouhired entourée par les artistes égyptiens : Abdelhalim Hafez, à droite, et Mohamed Abdel Wahab, à gauche de la photo. ( 70 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Djamila Bouazza L’auteure de l’attentat du « coq hardi » torturée par le capitaine Graziani Par Djamel Belbey Guerre de libération Histoire L e 25 avril 1957, Djamila Bouazza, l’agent de liaison et membre du « réseau bombes » de Yacef Saadi, avait été arrêtée. Transférée à El Biar, elle est interrogée par l'OPJ Fernand le 9 mai 1957 et torturée par le capitaine Graziani. Djamila Bouazza, est née en 1938. Elle est employée au Centre des chèques postaux à Alger, quand elle recrutée par Djamila Bouhired par l’intermédiaire de Habib Réda (Mohamed Hattab) et de son frère Madjid. Djamila Bouazza était fiancée à Madjid, ils devaient se marier en aout 1957. Elle à 19 ans, quand Djamila Bouazza avait reçu pour tâche de poser le 26 janvier 1957 une bombe à la terrasse du « Coq Hardi » brasserie située rue Charles Peguy. La bombe réglée pour exploser à 17heures, a fait 4 morts et 60 blessés. Pour cette mission, Djamila Bouazza, cette jeune fille charmante, aux longs cheveux noirs, aux yeux marron clair, surnommée « Miss cha cha cha. », s’était fait teindre en blonde pour passer inaperçue. Dans un récit publié par une revue historia magazine en 1972, Francis Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Attard, retrace les détails de cet attentat. « Il est 17 h 10 lorsque Djamila Bouazza fait volontairement tomber son mouchoir à la terrasse, vitrée en hiver, de la brasserie du Coq-Hardi, située rue Charles Péguy, près du plateau des Glières. En se baissant pour le ramasser, la jeune fille glisse rapidement son « truc » sous le pied en fonte du guéridon sur lequel un garçon en veste blanche a déposé un coca-cola. (…) Après avoir ramassé sa monnaie, Djamila Bouazza se lève, sort et va se mêler aux passants de la rue Michelet ». Les forces spéciales, rompues à l’art de la désinformation ont laissé croire, tantôt que, c’était Djamila Bouazza, qui avait dénoncé Bouhired en avouant aux enquêteurs avoir déposé les bombes de la rue Michelet, le 9 novembre 1956, et du Coq Hardi, que Djamila Bouhired qu’elle lui avait remises, et tantôt qu’elle avait été dénoncée par Djamila Bouhired. Pour donner du crédit à cette thèse, l’on fait appel au sinistrement célèbre tortionnaire le capitaine Graziani, celui là même qui avait été accusé par Djamila Bouhired de tortures. Dans un entretien recueillis par Jean Larteguy , dans l’écho d’Alger, du 11/04/1958, le capitaine Graziani, n’a pas trouvé mieux pour se défendre, que de narrer ses « exploits » à l’encontre d’une faible dame, en affirmant avoir interrogé Djamila Bouhired le 17 avril 1957, « deux gifles étaient à même de lui arracher l’aveu. Elle aurait dévoile alors trois caches où se trouvent 13 bombes et dénoncé Djamila Bouazza ». Elle est incarcérée à la prison de maison-carré (El Harrach) où elle retrouve Djemila Bouhired, Jacque- ( 72 ) line Guerroudj et Zora Drif. Au cours de sa détention, « les avocats demandent un examen psychiatrique de Djamila Bouazza, qui donne des signes d'aliénation mentale. Ils estiment invraisemblable qu'un agent de liaison ait été chargé de poser des bombes. Ils démentent que Djamila Bouhired ait signé des aveux. Le président Roinard refuse examen psychiatrique et graphologique ». Maitre Vergès qui prend sa défense, a beau clamer que « cette militante a accompli, sous l’ordre de ses chefs, une action de guerre», Djamila Bouazza est condamnée le 15 juillet 1957 à la peine de mort par le Tribunal Permanent des Forces Armées d'Alger, présidé par M. Roinard. Le procès s’est terminé tard dans la nuit. Mais, devant la campagne menée par jacques verges, et Georges Arnaud qui signent un manifeste, publié aux Editions de Minuit, suivi de l’ouvrage d’Henri Alleg, qui ont alerté l’opinion internationale, sa peine fut commuée en travaux forcés à perpétuité. Elle est graciée le 8 mars1962. Djamel.Belbey Supplément N° 26 - Juillet 2014. Djamila Boupacha Arrêtée chez elle, et abominablement torturée Par Djamel Belbey Guerre de libération Histoire Djamila Boupacha par Picasso I mmortalisée par Picasso, défendue par Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi, Djamila Boupacha est cette « inoubliable héroïne de la Guerre d’Algérie », arrêtée à 22 ans, par l’armée française, en compagnie de sa famille, puis abominablement torturée, en 1960. Djamila, née à Saint-Eugène (Bologhine, Alger) le 9 février 1938, s’est engagée dans la politique, à 15 ans déjà, en adhérant à l’Union des femmes de l’UDMA (Union démocratique pour le Manifeste algérien), un parti créé par Ferhat Abbas en mai 1946. Grâce à sa volonté et à son courage, elle deviendra aide-soignante à l’hôpital de Beni-Messous (Alger) où elle se procurait des médicaments au profit du maquis de la Wilaya IV. Elle est accusée d'avoir posé un obus piégé à la Brasserie des Facultés, à Alger, le 27 septembre 1959. Pourtant, elle n'avait commis aucun attentat. « Elle était sur le point d’en commettre un, mais elle ne l'a pas fait », d’après Gisèle Halimi. Malgré cela, Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Djamila Boupacha est arrêtée chez Gisèle Halimi prend en elle par l'armée française, en compa- charge l’affaire gnie de son père (71 ans) et de son Djamila Boupacha est torturée beau-frère. par des parachutistes français pendant 33 jours avant d'être présentée Arrêtée en compagnie de sa à la justice. C’est à ce moment-là que famille à son domicile Gisèle Halimi décide de prendre en Dans la nuit du 10 au 11 février charge sa défense. « Djamila Boupa1960, une cinquantaine des harkis, cha, militante du FLN, n’a que 21 des policiers, des gardes mobiles dé- ans, musulmane, très croyante (…) barquent au domicile de ses parents Elle a été arrêtée puis abominableoù elle demeure à Alger, Dely Ibra- ment torturée par des parachutistes, him. jour et nuit. Elle a été violée avec Djamila est malmenée, insultée et une bouteille d'abord, elle qui était sauvagement battue devant son père vierge et musulmane ; elle m'écrivait Abdelaziz Boupacha et son beau- des lettres : Je ne sers plus à rien, je frère Ahmed Asbdelli, qui subissent suis à jeter», raconte-t-elle. Et d’ajoupresque aussitôt le même sort. Puis, ter : « Quand je l'ai vue, j'ai été absotous les trois sont emmenés au centre lument… enfin comme n'importe de tri d'El Biar. qui l'aurait été, bouleversée. Elle Dès l'arrivée, Djamila Boupa- avait encore les seins brûlés, pleins cha est à nouveau battue. Coups de de trous de cigarettes, les liens, ici poing, de pied se succèdent, la font (elle montre ses poignets), tellement vaciller et tomber à terre. De leurs forts qu'il y avait des sillons noirs. talons, plusieurs militaires, dont un Elle avait des côtes cassées... Elle ne capitaine parachutiste, lui écrasent voulait rien dire, et puis elle a comles côtes. Quatre mois après, la jeune mencé à sangloter et à raconter un fille souffre toujours d'une déviation petit peu. » Gisèle Halimi rentre à costale. l'hôtel pour préparer le procès du Quatre ou cinq jours après, Djami- lendemain. Le soir même la police la Boupacha est transféré à Hussein l’arrête et l’expulse. Elle ne peut plus Dey, pour y subir la gégène. Mais les plaider le procès. électrodes placés au bout des seins En rentrant, Gisèle Halimi déne tenant pas, un des tortionnaires clenche un énorme élan de soliles colle sur la peau avec du ruban darité. Elle rencontre Simone de adhésif. De la même manière, les Beauvoir, avec laquelle elle crée un jambes, l'aine, le visage, le sexe sont comité de défense pour Djamila atrocement brulés. Pour obtenir les Boupacha qui a été le plus imporaveux souhaités, les parachutistes lui tant pendant la guerre d'Algérie, Il administrent toutes sortes de tortures comprenait Aragon, Sartre, Gene; brûlures de cigarettes et baignoire et viève de Gaulle, Germaine Tillion. la bouteille. A soixante-dix ans, son Djamila Boupacha est amnistiée père n’est pas épargné non plus. Aben 1962, en application des accords delaziz Boupacha subit les tortures de d'Évian. l'eau, de l'électricité, les coups. Djamel.Belbey ( 74 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Mustapha Fettal Il était à la tête de la ZAA d’octobre 1955 à mai 1956 De g. à dr. : Aït El Hocine, Ben Hamida, Hadj Ben Alla, Mustapha Fettal (en médaillon) et Belamane, après l'indépendance. Le « fennec » condamné à la peine capitale Par Djamel Belbey Guerre de libération M ustapha Fettal, surnommé affectueusement « le Fennec », est l’un des dirigeants de la branche militaire de la ZAA d’octobre octobre 1955 à mai 1956, qui ont réussi a réactiver la lutte armée à Alger, dans le prolongement des premières actions armées perpétrées par les « novembristes », mais qui finirent presque tous par être arrêtés par la police française. Interpellé en mai 1956, il a été condamné à mort par l'administration française. Avec son copain de quartier Mokhtar Bouchafa, ils étaient déjà prêts à se lancer dans l’action directe, dès septembre 1954, c'est-à-dire près de deux mois avant le déclenchement de la lutte. Mais, il a dû attendre, l’année suivante, soit 1955, pour voir l’organisation réactivée par Arezki Bouzrina, Krim Belkacem et Amar Ouamrane. Ces derniers réussissent à implanter des groupes armés, les uns sous la responsabilité de Mustapha Fettal et de Bouchafa Mokhtar, les autres sous celle de Hadj Otmane Ramel. Ils organisent Alger en trois régions, et ce, dès 1956. Bien avant l’instauration de la Zone autonome d’Alger en 1957. En mars 1956, alors que l’Assemblée venait de voter « les pouvoirs spéciaux » au gouverneur d’Alger, Mustapha Fettal «le Fennec » – un sobriquet affectueux dont il a été affublé par Zohra Drif et Samia Lakhdari – et ses compagnons organisent une série d’attentats synchronisés à Alger. Mustapha Fettal devait incendier les garages de la Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Histoire SFRA, mais cette action a échoué. Ses camarades de lutte retiennent, toutefois, que ces groupes ont tout de même instauré un climat de peur chez les colons européens et l’administration coloniale à Alger. Et c'était là l'objectif recherché, note-t-on. Hadj Othmane Ramel Son arrestation Mustapha dut se cacher d’abord chez Fatiha Bouhired, dite « oukhiti », elle-même, femme d’un militant nationaliste, arrêté et tué par l’armée française. « Un responsable était caché dans ma chambre, je lui apportais à manger. Mon mari travaillait avec lui », racontait-elle, dans le livre Des femmes dans la guerre d'Algérie : entretiens, de Djamila Amrane. Mais à la découverte de sa cache par l’armée coloniale, Mustapha est monté au maquis, « mais sans laisser passer. Les maquisards n’ont pas voulu l’accepter, il y avait au maquis son cousin, il a été envoyé à Ain Bessam pour le retrouver. Il est tombé dans un ratissage, il a été blessé et arrêté et ils l’ont ramené à Alger», ajoute-t-elle. « Chez lui, ils avaient trouvé la cache, l’acide et les bombes. Et lorsqu’ils ont arrêté Mustapha, ils l’ont torturé pour qu’il leur montre d’autres caches. Il leur a dit qu’il en connaissait pour qu’ils l’amènent rue Akacha, et pendant qu’ils creusaient pour chercher une autre cache dans la maison d’Abderrazak, il s’est sauvé avec les menottes en main. Il avait frappé un gardien avec les menottes. Les militaires qui étaient sur la terrasse l’ont vu, et les autres qui étaient en bas ne l’ont pas vu ». ( 76 ) Pensionnaire du couloir de la mort A la prison de Serkadji, Mustapha Fettal était le plus grand pensionnaire du couloir de la mort. Il avait passé 22 mois à attendre, chaque jour, qu’on le conduise (enfin) à la guillotine, selon Anne-Marie Steiner. Mme Steiner témoigne de cette image des condamnés : « Ils (les militants condamnés) partaient à la guillotine avec un courage extraordinaire, et je ne sais pas d’où ils puisaient ce courage. Peut-être si, ils lançaient des Allahou Akbar et des chants patriotiques et on sait ce que cela veut dire », lance-t-elle, pleine d’admiration. Mais, en définitive, grâce à l’action de Germaine Tillion, de Gaulle a fini par gracier 181 condamnés à mort, parmi eux Mustapha Fettal et Yacef Saâdi. Djamel Belbey Supplément N° 26 - Juillet 2014. Mokhtar Bouchafa dit « Si Mokhtar »…« L’indiscipliné » L’un des premiers responsables de l'action directe à Alger Par Djamel Belbey Guerre de libération I l est, de juin 1955, jusqu'à son arrestation en août 1956, le chef des commandos armés de la branche militaire de la Zone autonome d’Alger, sous les ordres d’Amar Ouamrane. Il venait de succéder à son compagnon de lutte Mustapha Fettal, qui avait été arrêté en mai 1956. Il dirige en 1956 l’intégration des groupes armés des combattants de la liberté au sein du FLN. Né le 16 avril 1927 à Rekkada (Texenna, wilaya de Jijel), il habitait le quartier de Belcourt. Mokhtar Bouchafa, mécanicien de son état, avait même envisagé avec Fettal de se lancer dans l'action directe dès septembre 1954, c'est-à-dire près de deux mois avant le déclenchement de la lutte à l'échelle nationale. Son impatience à passer à l’action à être utile à la révolution lui valut une prévention de la part de Abane, qui, contrairement à lui, avancent certaines historiens, aurait cherché à faire de la capitale une base arrière, ou comme sanctuaire pour fortifier les maquis. Le malentendu est né de sa vivacité patriotique qui l’aurait conduit à malmener au café de Tanger d’Alger Amara Rachid qui était à l’époque le logeur et l’intermédiaire d’Abane Ramdane. Bouchafa avait été alors convoqué dans les maquis d’Ouamrane à Palestro sur ordre d’Abane Ramdane, pour y être entendu. Sa rencontre avec Ouamrane, qu’il connaissait auparavant, l’aurait ainsi sauvé d’une liquidation qu’il croyait certaine. Cette méfiance d’Abane à l’égard de Bouchafa et de Yacef Saâdi, au Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Histoire Colonel Ouamrane à droite point de demander au premier de liquider physiquement le deuxième, qu’Ouamrane accusait de trahison, a marqué les deux hommes. Abane lui aurait reproché, en fait, d’avoir failli à deux reprises à sa mission, qui consistait à descendre l'inspecteur Abane. « Une fois, la cartouche était mouillée, la seconde, M. Bouchafa aurait hésité », témoigne-t-on. Mais l’échec de ses actions, certains historiens l’expliquent par l’absence de stratégie adaptée à la guérilla urbaine, auprès de la direction. Pour ses compagnons de lutte, ce militant hors-pair jouissait du total respect de ses chefs, et de leur respect sans faille malgré une certaine « indiscipline » dont il faisait preuve dans certaines missions. Pis encore, ( 78 ) face à l’ennemi, il était fier et intransigeant. Ainsi, face aux gendarmes, qui l’encadraient au Palais de justice, au lendemain du détournement d’avion des cinq dirigeants du FLN, effectué par l’armée coloniale qui lui disaient : «C’est fini pour vous, Ben Bella a été arrêté», selon un de ses compagnons, qui relate l’événement, il lancera : «Il y a des milliers d´autres Ben Bella au maquis.» Notre héros est arrêté au mois d’août, 1956, trois mois environ après sa prise de responsabilité, et emprisonné à Serkadji (Alger) avant de s’évader le 29 janvier 1961 de l´hôpital Mustapha-Bacha d´Alger où il était hospitalisé. Il rejoint aussitôt le maquis pour ne le quitter qu’à la fin de la Révolution. Djamel Belbey Supplément N° 26 - Juillet 2014. Résistance anti coloniale. Insurréctions populaires Une double stature d'hommes d'Etat L'Emir Abdelkader et Hadj Ahmed Bey êTRE FIDèLE A LA VéRITé HISTORIQUE Par Dr Boudjemaa Haichour Guerre de libération L ’Algérie célèbre le 52e anniversaire de son Independence. 132 ans d’occupation coloniale marquée par une des plus inhumaines colonisations du XIXe-XXe siècle. Des deux rives de la Méditerranée, les charges passionnelles continuent de peser lourdement sur une réconciliation bloquée par le refus d’admettre une repentance. L’été 1962 fut celui de la discorde entre frères de combat. L’Algérie avait besoin d’être construite par tous ses enfants loin des ressentiments et des déchirures au regard des souffrances d’un peuple meurtri par une colonisation féroce. Sur cette terre qui nous a vu naitre, il faut cultiver la mémoire et laisser aux générations montantes les plus belles pages de gloire d’une histoire plusieurs fois millénaire. Le message ne doit pas être affecté de falsification des hauts faits de notre résistance depuis la Numidie jusqu’à notre temps. Depuis le jour où la France coloniale conquit l’Algérie, les soulèvements et les insurrections n’ont cessé sur l’ensemble du territoire. Les grandes batailles ont commencé avec l’Emir Abdelkader à l’Ouest et Hadj Ahmed Bey à l’Est. Nous reviendrons à ces deux grands hommes à la double stature d’hommes d’Etat, je veux parler de l’Emir Abdelkader et de Hadj Ahmed Bey. Une problématique d’un combat multiforme contre le colonialisme va sceller le destin d’un dessein commun de deux stratèges mili- Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Histoire taires contre une armée encadrée par les plus valeureux des guerres napoléoniennes. LES GRANDES INSURRECTIONS POPULAIRES Plusieurs insurrections populaires verront le jour telles celles des Ouled Sidi Cheikh, de Cheikh Bouamama, d’El Mokrani, du cheikh Haddad, cheikh Bouziane des Zaatcha, de Sidi Lazreg, des Ouled Aidoun à El Milia, dans la vallée du Mzab, Tiaret, de Mascara à Chlef, du Touat à Bechar, des confins de Tamanrasset à Illizi, d’Oran à Tlemcen, des Aurès au Nord-Constantinois, toute l’Algérie se mobilise pour combattre les forces coloniales. REVEIL D’UNE NATION OU LA NAISSANCE D’UN ETAT L’EMIR ABDELKADER-CHEVALIER DE LA FOI ET ILLUSTRE HOMME D’ETAT Beaucoup d’ouvrages lui ont été consacrés qui témoignent de l’intensité de ce personnage. Louis Massignon dira de lui que la courbe de sa vie est érigée en quête d’absolu. « L’âme subit le choc de l’événement réalisant son vœu par les segments mêmes qui brisent le secret, l’interprétant comme l’intersigne du thème de son destin. » Il s’agit de l’Emir Abdelkader, homme d’épée éduqué dans la plus pure tradition confrérique de la Qadiryia dont le père était ( 80 ) le Mokkadem dans la zaouïa de Guetna à l’ouest de Mascara, né en 1808 dans la tribu des Beni Hachem d’une famille de chorfa et mort en exil à Damas le 26 mai 1883. Il portait un grand attachement aux siens et vénérait sa mère Lalla Zohra. D’esprit indépendant, l’Emir accompagnera son père Mahieddine dès 1827 à la Mecque pour le pèlerinage. Ce voyage lui permettra durant deux ans d’entamer une recherche de la généalogie, en quête d’une parenté avec les descendants d’Abdelkader El Djilani en visitant Bagdad et en séjournant en Egypte pour s’acquérir des réformes de Med Ali avant de rejoindre son pays natal. L’Emir Abdelkader est un gentleman d’une sobriété vestimentaire digne d’un grand commandeur, un homme fier qui dirigera la résistance coloniale de 1832 à 1847. Le dur combat qu’il mena contre l’oppresseur lui impose un respect par sa tolérance et son humanisme à toutes épreuves. Par les traités de 1834 signés avec le général Desmichels et 1837 avec le maréchal Bugeaud, la France coloniale reconnaissait l’autorité de l’Emir sur tout le beylicat d’Oran et une partie sur celui d’Alger. A partir de cette position, l’Emir a tenté d’organiser l’Etat algérien. La tâche semblait difficile mais pas impossible. Investi par la Moubayaa – sorte d’allégeance comme chef de la guerre sainte – le 22 novembre 1832, c’est à dire commandant des croyants (Amir el Mouminine), il laissera cette citation : « Je gouvernerai en tant qu’homme de Supplément N° 26 - Juillet 2014. Guerre de libération Histoire L'Emir Abdelkader en Egypte,1863 Coran et de Tradition, la loi à la main et si la loi ordonne, je ferai moi-même de mes deux mains une saignée derrière le coup de mon frère. » LE SENS DE LA JUSTICE CHEZ L’EMIR ABDELKADER Dans cet esprit, le titre de sultan lui importait peu et il pouvait s’en déchoir. Plus qu’un commandeur des croyants, il se présentait comme un véritable chef d’Etat au sens démocratique et moderne du terme. Il s’attachera à ce que la justice civile soit rendue selon les exigences de la religion par des cadis, recrutés parmi les lettrés renouvelables chaque année et appointés. FONDATION D’UNE NATION ARABE INDEPENDANTE Chez l’Emir Abdelkader, l’idéal patriotique et l’idéal religieux se confondent, puisque le premier tirant sa justification du second et le soutinrent au cours de toute la résistance anticoloniale qu’il a menée. Son programme est soumis à l’assentiment des tribus qui lui apportèrent tout le concours matériel, financier et humain. Par son action patiente et énergique, l’Emir Abdelkader réussit à faire entrer plus des deux tiers du pays sous son autorité. LES FONDEMEMTS JURIDIQUES D’UN ETAT DE DROIT En unifiant l’intérieur, l’Emir Abdelkader avait l’ambition de LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE fonder une nation arabe indépendante, un véritable Etat avec ses fondements juridiques, son territoire, sa souveraineté, son armée, son administration, son économie et sa diplomatie. Intelligent et sans reproche, l’Emir Abdelkader exerce sur son peuple le prestige que lui ont donné son génie et la grandeur de la cause qu’il défend. Le maréchal Bugeaud, son ennemi potentiel, disait de lui qu’« il était très remarquable que l’histoire doit le placer à côté de Jugurtha. C’est un homme de génie, certainement l’une des grandes figures historiques de notre époque ». La justification historique de l’Emir en tant que chef politique réside dans l’accord intime qu’il a su maintenir avec le passé et l’espérance de son peuple dont il est resté le fidèle interprète. Quelles que soient les définitions que nous donnerons au concept d’Etat, nous retrouverons que l’Emir Abdelka- ( 81 ) der en a traduit au sens large du terme ses contours. Il a remis l’Algérie dans ses fondements historiques en tant que Nation ayant un Etat dans lequel un ordre social, politique, économique, juridique et diplomatique, orienté vers le bien commun, est établi et maintenu par son autorité munie de tous les pouvoirs démocratiques dans le sens de la Moubayaà. HADJ AHMED BEY, UN GOUVERNEUR BEYLICAL Un homme illustre que fut hadj Ahmed Bey de Constantine. Né en 1787 et mort le 30 août 1850 enterré à Sidi Abderahmane Thaalibi à Alger, il a combattu farouchement les conquérants français durant dix-huit ans alors que l’Emir se déployait à l’ouest contre les troupes coloniales, en dépit de ses origines turques par son père, sa mère hadja Ghania fille des Bengana grand www.memoria.dz Guerre de libération Histoire Salle du trône des anciens Beys de Constantine seigneur du sud-est du pays. Son père Mohamed Chérif était turc et a gouverné pendant seize ans la province de Constantine. De la même manière que l’Emir Abdelkader, Hadj Ahmed Bey après l’instruction de la medersa et sa nomination comme caïd el Aoussi en 1809, fera le pèlerinage à la Mecque et rencontrera le viceroi réformateur Mohamed Ali d’Egypte. De retour en 1815, il sera envoyé à Constantine comme khalifa durant quatre ans. En voulant prendre le pouvoir par la force, il échouera et se refugie à Alger, pour être choisi comme bey de Constantine par le dey en raison de ses hautes qualités. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Ce qui caractérise le personnage Hadj Ahmed Bey, c’est qu’il refuse, du moins intérieurement, de dépendre de la Sublime Porte, même s’il est resté attaché à la conception turque du pouvoir, au lieu de se poser en chef d’une résistance nationale purement algérienne, il refuse d’ailleurs que son beylik soit une colonie de janissaires. Comme l’Emir Abdelkader, il se hâte de réprimer les abus et de protéger les habitants contre les brutalités des Turcs, châtiant tous ceux qui créent le désordre et la corruption. Après la prise d’Alger par les Français et l’exil du dey, il s’est considéré comme le seul représentant légal du sultan de Constantinople. Cette fidélité qu’il affecte à ( 82 ) l’égard du souverain ottoman, n’est pour lui qu’un moyen d’obtenir des secours en temps de guerre. En fait, Hadj Ahmed Bey est désormais un souverain algérien ayant son propre Diwan, composé de hauts dignitaires qu’il consulte et tient compte de leurs avis dans les grandes occasions. Cet homme, né vers 1783, aux yeux noirs, avec une allure fulgurante, au visage bruni par le soleil barré de très grandes moustaches à la mode turque, est d’une propreté méticuleuse vêtu de soie brodée, qui lui donne une apparence juvénile et séduisante, il a le gout des belles choses qu’il a essayé de communiquer à son peuple. Supplément N° 26 - Juillet 2014. Guerre de libération Histoire BEYLICAT ET KHALIFAT OU L’ETAT THEOCRATIQUE Le beylicat de l’Est a toujours joui d’une parfaite autonomie. Bien sûr, Hadj Ahmed comme les beys qui l’avaient précédé, a toujours fourni au dey d’Alger le Dennouch en argent et en nature. Ce territoire qui va de Bordj Bou-Arreridj à Tébessa, comprend les Hannancha, les Medjana dirigés par la famille El Mokrani et le sud gouverné par Cheikh el Arab, chacune est divisée en grandes tribus et en caïdats dont les chefs sont pris dans l’aristocratie traditionnelle. Cet ensemble est peuplé d’environ 1,2 millions d’habitants selon les estimations de l’époque dont la ville de Constantine pouvait vraisemblablement avoir une population de 49.000 habitants. Ce beylical donne l’impression d’une organisation de forme étatique si l’on considère la forme de Gouvernance avec comme toile de fond, une administration, une activité économique et des relations extérieures. Son gouvernement était juste et équitable, il rendait ses jugements suivant la Loi coranique et la sunna. Ahmed Bey abolira le système ottoman, réorganisa son administration en concentrant ses efforts sur la modernisation selon l’époque de son armée. Il créera de nouveaux postes selon les besoins de l’administration et nommera les fonctionnaires aux emplois supérieurs. Il entreprendra une transformation radicale de la concep- LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE tion du pouvoir dans le beylik de Constantine. Il gouvernera le pays avec l’élite sage de la population en constituant un Majliss (sorte de Conseil). Ainsi l’autorité législative et exécutive dans le Constantinois relève du Diwan, qui rassemblait en plus de deux muphtis et deux cadis, les aâduls (notaires) et le nader el awqaf, les hauts fonctionnaires de l’Etat, les grands cheikhs des tribus ainsi que les hauts dignitaires du pays. DEMOCRATIE EST REFORME FISCALE CHEZ HADJ AHMED BEY Dans l’esprit d’une démocratie vue de l’Occident, Hadj Ahmed Bey ne prit jamais de décisions importantes sans en consulter son diwan et laissant la liberté de s’exprimer à toute son assistance. Hadj Ahmed Bey, écrit le Duc de Rovigo, « a bien l’air d’être un homme dominé par son diwan et ne pouvait agir librement et comme le lui conseilleraient ses intérêts bien entendu », c’est là une réforme originale qui marquera l’administration de Hadj Ahmed Bey. Il entreprendra une réforme fiscale telle qu’héritée par le système ottoman qui était très oppressif et lourd. Il supprimera tous les impôts non coraniques, ainsi la gharama, impôts personnels en argent, est remplacée par le hakkor, considéré comme le loyer de la terre et se payant après la vente du blé. Wadifat dennouch est un impôt pour l’achat des présents au pacha chaque six mois ; il y a des ( 83 ) impôts à l’occasion de la nomination de cheikh, caïd dans ce qui est appelé à l’époque (Haq el burnous). Il y a l’impôt sur la tribu imposé sur les tribus, le djabli, imposé sur les propriétés du beylik, la bischara qui est une contribution offerte au bey lors d’investiture de beylik, de son renouvellement ou tout avènement qui lui est personnel etc. Il remplacera ces impôts par ce qui est décrété par Dieu et le Coran. Ainsi, l’achour devient base essentiel de l’impôt dans le Constantinois qui consiste à payer la dixième des revenus de la sorte. Il renouvellera tous les cadres de son administration, nommant les principaux fonctionnaires tels que Bach Hambal, qui fut le plus haut personnage appelé par le bey. Elle fut confiée à Benaissa. C’est en quelque sorte le Premier Ministre qui supplée le Bey dans toutes les affaires. Il est aussi le Khaznadji, c'est-a-dire l’argentier, le chef de l’administration des douanes, commandant de fantassins dans les expéditions, il préside aux arrestations politiques, aux exécutions secrètes et aux confiscations. Il frappe la monnaie en tant que directeur général. Il nomme le khalif qui le remplaçait durant son absence pour gouverner l’administration des tribus – ordinairement cette fonction est accordée à des proches. Cette charge a été donnée à Mostapha Balahwan qui a épousé sa nièce. Il y a le caïd el Aoussi charge assimilée à celle de dauphin. Caïd Eddar, l’intendant du palais, confié à Belebdjaoui représentant l’autori- www.memoria.dz Guerre de libération Histoire té municipale, caïd l’Achour, kateb es-Ser ou secrétaire confidentiel, et djeich el agha al asker, nader el awkaf. C’est une véritable République qu’institua Hadj Ahmed Bey. Il en frappa la monnaie, élevant le drapeau qui donneront de par une administration rigoureuse, le sentiment d’un Etat national. Le commerce, évalué à l’époque à cinq millions de francs sous Ahmed Bey, reflète l’état d’organisation financière de la province de Constantine. Cette monnaie de bonne facture qui a été frappée en or, argent bronze et cuivre portait le nom du sultan Mahfoud, Dar el bey et d’autre revers. Ainsi le Mahboub valait trois boudjoux et 1/3, puis cinq boudjoux à la prise de Constantine par les Français. Le drapeau est de couleur rouge orné par un sabre à double lame ou bride d’Ali oul fikar. Il symbolise Dar el Djihad. De son époque, Hadj Ahmed Bey signa des traités et entreprendra des relations diplomatiques notamment avec le gouvernement français (duc de Rovigo), Tunis, la Tripolitaine, à la Porte sublime. L’EMIR ABDELKADER ET HADJ AHMED BEY OU LE DESTIN DES GRANDS HOMMES Le maréchal Clauzel se trouvait nommé par Thiers ministre de l’Intérieur, gouverneur général d’Alger. Partisan ardent de la colonisation, il a échoué dans son entreprise à l’ouest contre l’armée de l’Emir Abdelkader et s’entêta pour l’exécution de son projet Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . pour l’occupation de Constantine et la destruction du pouvoir de Hadj Ahmed Bey. Clauzel échouera dans la bataille de Constantine avec honte et déshonneur devant la vaillance des combattants de Constantine. L’échec de l’expédition de Constantine eut un retentissement important en France où la presse s’acharna contre le maréchal Clauzel. Et c’est Danrémont en tant que gouverneur général d’Alger de poursuivre une certaine politique de la pacification à l’Est et l’Ouest du pays. Il était favorable à une occupation restreinte progressive et passive en amenant Hadj Ahmed Bey soit à faire la paix soit à composer. A l’Ouest, l’Emir Abdelkader représentait une force dont il fallait tenir compte. Sa victoire sur l’armée française de juin 1835 à Mactâa a permis à l’Emir de respirer et de réfléchir sur une possible union des forces algérienne à l’Est et l’Ouest pour venir à bout de l’occupation française et faire cause commune avec Hadj Ahmed Bey, qui était un adversaire redoutable pour les Français. Cette vision n’a pas pu se réaliser et Bugeaud réussit à signer avec l’Emir le traité de la Tafna le 20 mai 1837. Les deux hommes ont résisté héroïquement aux troupes françaises tout au long de leurs combats. Ils n’avaient jamais essayé de s’allier. Alors que le sort de l’Algérie était entre leurs mains, un climat de défiance et de méfiance regrettable, dira l’historien tunisien Abdeljalil Temimi, régnait entre l’Emir Abdelkader et Hadj Ahmed Bey, bien ( 84 ) que les hommes aient remporté des succès militaires et politiques à Mactâa et dans la première bataille de Constantine de 1836. La prise de Constantine, le 13 octobre 1837, a eu un retentissement plus considérable en France que la prise d’Alger. L’EMIR ABDELKADER OU LE SENS D’UNE MEILLEURE GOUVERNANCE L’Emir Abdelkader a su mettre les fondements d’un Etat avec son armée, son administration, son économie, pour qu’un gouvernement gère le pays. Contrairement à Hadj Ahmed bey, l’Etat dans la conception de l’Emir est celui d’une organisation territoriale plus vaste et étendue qui va de l’Ouest à l’Est A la place des quatre grandes divisions de la régence turque, Dar Sultane et les trois Beylik du Titterie, de l’Ouest et l’Est, divisées en awtan ou canions, il institua des circonscriptions territoriales, les khalifalik qui, en 1839, s’élevaient à huit, ils sont partagés en aghalik et chaque aghalik en caidal et chaque tribu en cheikhals. Les khalifa étaient nommés sans limitation de temps et les aghas pour deux ans renouvelables. Sa volonté de construire l’Etat algérien s’affirma dans la réforme financière où l’Emir Abdelkader proclama l’égalité fiscale des musulmans en supprimant les impôts imposés par les Turcs tels que le kharadj (impôt payé par force sur les terres conquises). Il exigea comme Supplément N° 26 - Juillet 2014. Guerre de libération Histoire Hadj Ahmed bey la dime sur les récoltes (achour) et l’impôt sur les troupeaux (zakat). L’Emir avait le sens de l’économie de guerre puisque de son temps il avait l’approvisionnement en stocks de sécurité pour deux années. Il avait son industrie de l’armement pour parer aux importations d’armes. A l’extérieur, l’Emir entretenait des relations avec des Etats et des personnalités du monde musulman et chrétien. On ne peut terminer cette contribution sur la leçon dont l’Emir Abdelkader et Hadj Ahmed Bey ont cru devoir édifier un Etat dans toute l’acceptation du terme juridique tels que les constitutionnalistes l’envisagent. Au demeurant le problème se posait autrement de leur temps en terre d’islam. L’ETAT AU SENS DU DROIT OCCIDENTAL Les sociétés occidentales avaient une toute autre conception dans le processus de formation d’un Etat. Est-ce ce contrat social cher à Rousseau dont le pacte devient le fondement du pouvoir de l’Etat, c'est-a-dire de la souveraineté et des libertés individuelles ? Ou celle de Locke qui est davantage liée à la réalité historique sous forme de contrat politique ? Estce que la naissance de l’Etat intéresse le droit tel que soutenu par l’allemand Jelinek dans son livre LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE traduit en français l’Etat moderne et son droit ? Ou celle en France par Carre de Malburg dans sa Contribution à la théorie générale de l’Etat. Le fondement juridique d’un Etat réside en dernier ressort dans son projet de fondation. Sa personnalité juridique lui permet d’organiser son patrimoine propre. Ce qui caractérise l’Etat c’est qu’il a la disposition de ces pouvoirs de gouvernement de ces droits réguliers essentiels. Ainsi on peut dire que cette doctrine a la même origine historique que celle de la souveraineté-indépendance qu’avaient entreprise l’Emir Abdelkader et Hadj Ahmed Bey dont les notions de l’Etat et du droit ne font qu’un. C’est ce qu’envisageait le professeur autrichien Hans Kaiser en 1825 dans son aperçu d’une théorie générale de l’Etat (Allgemeine staatlehre). Identifier le droit de l’ordre étatique, c’est vouloir mutiler arbitrairement ce concept. Ce qui est vrai c’est lorsque l’Etat est bien organisé, il peut exercer une action très profonde sur les règles juridiques. Khalifat ou beylical, l’œuvre de Fondation de l’Etat chez l’Emir Abdelkader et Hadj Ahmed Bey présente une typologie propre à nos coutumes, aux structures tribales et confrériques où se superposent aux traditions communautaires des structure féodales, créant parfois une hiérarchie héréditaire de l’époque et des éléments ( 85 ) sociologiques et religieux, source de gouvernance dans le droit coutumier. Il reste que l’Emir Abdelkader est un homme de grande culture et de tolérance religieuse aimant les livres et collectionnant les manuscrits. Il imposait respect à tous ses interlocuteurs en fin négociateur. Il était poète et encourageait les écrivains dont les chants épiques entretenaient la loi des combattants. La mémoire collective retiendra que l’histoire de l’Etat algérien depuis l’Emir Abdelkader reste à écrire en explorant toutes les archives nationales de notre pays, et celles de la France, l’Angleterre, la Turquie et du monde musulman. A l’occasion de la fête nationale de l’indépendance, la jeunesse doit s’imprégner des hauts faits de l’Histoire, et des personnalités brillantes et mémorables qui ont marqué leurs époques, le combat des deux grands hommes, l’Emir Abdelkader qui a duré dixsept ans en plus de l’exil, et Hadj Ahmed Bey durant dix-huit ans , les deux batailles de la Province de Constantine révèlent la stature de ces deux grands hommes dans leur résistance anticoloniale, afin de lutter contre la culture de l’oubli. Voilà deux grands exemples de la résistance et de la bravoure qu’a connus notre pays. Dr Boudjemâa Haichour Chercheur Universitaire-Ancien Ministre www.memoria.dz Guerre de libération Histoire Une lettre de l'Emir Abdelkader. (don du bâtonnier de Fez Kaid Hamou à M. Jacques Chevalier, Député-Maire d'Alger) Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 86 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Kheira Bent Bendaoud t i ll i e u c e r i u L a fe m m e q 45 Par Hassina Amrouni s n i l e h p r o ire es t p eu to is h n so s, y a p u d e st re le Da n s in te. sa e d re gu fi it fa le el , n ra con nue mais à O E t p ou r cau se. Guerre de libération Histoire L Manifestations du 8 mai 1945, tortures et exécutions sommaires ors des massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Kheira Bent Bendaoud a recueilli 45 orphelins. Mais ce que beaucoup considéraient comme un acte courageux, pour elle, cela coulait de source. Les Algériens devaient se serrer les coudes pour faire face aux actes criminels perpétrés par les colonisateurs. Engagement militant Kheira Belgaïd plus connue sous le nom de Kheira Bent Bendaoud est née à Oran en 1911. Bien qu’elle vécût dans le confort d’une famille aristocratique, cela ne l’empêcha pas de rejoindre les rangs du Parti du peuple algérien dont elle fut une militante très active. Au mois de mai 1945, alors qu’elle se trouvait dans le Constantinois, éclatent les événements sanglants qui vont ébranler les trois villes de Sétif, Guelma et Kherrata. Les victimes sont nombreuses et beaucoup d’enfants se retrouveront sans famille, Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 88 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Guerre de libération Histoire leurs parents ayant été tués lors des massacres perpétrés par l’armée coloniale. Ayant été avertie de la situation délétère dans laquelle se trouvent les enfants, elle décide de prendre à bras-le-corps le problème, refusant de les laisser sans défense. Elle entreprend alors de les transférer vers Oran, la ville où elle réside et où elle connaît des gens aisés, pouvant les recueillir. Sur place, elle rassemble 45 enfants en bas âge et, avec l’aide et le concours de la Medersa d’Oran, ils font le voyage à bord d’un train en partance pour Alger, avant de prendre un autre à destination d’Oran. Bien sûr, Kheira était elle aussi du voyage car, pour elle, il n’était pas question de laisser ces enfants partir seuls. Arrivée des enfants à Oran Une fois arrivés à Oran, les enfants sont accueillis dans une véritable liesse populaire par un comité dirigé par cheikh Saïd Zemouchi, sous l’impulsion de la médersa de la rue Belamri Lahouari, ex-Emile Delors, à Medina Djedida (Ville nouvelle). LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 89 ) www.memoria.dz Guerre de libération Histoire Cheikh Saïd Zemmouchi Malgré la joie de ce moment, il y avait aussi une grande émotion, perceptible dans le regard de tous ces enfants qui débarquaient en territoire inconnu. Ils sont directement conduits à la médersa où les familles d’accueil les attendent déjà. Plus tard, beaucoup parmi ces enfants s’engageront dans la guerre de libération nationale, certains tomberont au champ d’honneur, d’autres sont encore en vie, comme c’est le cas de Amar Sebia, originaire de la région de Beni Aziz, dans la wilaya de Sétif qui a, en de nombreuses occasions, rendu hommage à cette bienfaitrice au grand cœur, Kheira Bent Bendaoud. Amar Sebia ne peut également, en aucun cas, oublier ses petits compagnons, dont plusieurs sont tombés au champ d’honneur. M. Sebia dira que «cet acte de bravoure confortera ses convictions en ralliant dans un premier temps l’association des oulémas, avant de s’engager corps et âme pendant la guerre de libération». Il ne sera pas le seul à louer son esprit altruiste, les défunts Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Kahloul, Cherfaoui, Hadj Ahmed Metahri et l’une des figures emblématiques d’Oran, Ould Kadi Setti, la fille de la célèbre Caïda Halima n’en diront que le plus grand bien. Les actions de Kheira Bent Bendaoud ne passeront pas inaperçues. Loin de là. Elle sera très vite dans le viseur de l’administration coloniale qui n’hésitera pas à l’accuser d’actes subversifs avant de la mettre en prison. Elle sera vite exilée vers la capitale. Placée en résidence surveillée dans le quartier de la Casbah, sous l’autorité du gouverneur d’Alger, elle prendra malgré tout le risque de maintenir les contacts avec quelques-uns de ses compagnons dont Mohamed Achouri, un des orphelins de Sétif qu’elle a recueilli et qui, dévoué à cette dame, lui rendait visite quotidiennement afin de la tenir au courant de tout ce qui se passait à Oran. Kheira Bent Bendaoud acceptera, néanmoins, très difficilement le fait d’être éloignée de ses proches, de ses amis et de sa ville, ce qui se répercutera négativement sur sa santé qui déclinera progressivement. Inquiets pour son état, ses amis prendront contact avec un haut officier de l’armée française lui demandant de la transférer à Oran pour des raisons humanitaires. Elle sera donc renvoyée à Oran où sa résidence surveillée sera maintenue. Elle ne ( 90 ) Caïda Halima sera libérée qu’après plusieurs années de détention. Regagnant son domicile au quartier de Saint-Antoine, elle décède seule, chez elle en 1961 et son cops ne sera découvert que deux jours plus tard. Elle avait 50 ans. Elle repose, depuis, au petit cimetière de Sidi-El-Hasni. Aujourd’hui, beaucoup d’Oranais se souviennent encore de cette dame au grand cœur qui n’a pas hésité à sacrifier sa vie douillette pour venir en aide à des enfants, victimes collatérales de la barbarie coloniale. Ils espèrent néanmoins que les pouvoirs publics pérennisent son souvenir en donnant le nom de Kheira Belgaïd dite Bent Bendaoud à un édifice public ou une rue. Hassina Amrouni Source Oranais.com Supplément N° 26 - Juillet 2014. Décès de Lucette Hadj-Ali Safia rejoint Bachir… « Bienvenue au malheur s’il est venu seul », dit l’adage populaire. Ces derniers jours, en l’occurrence, il ne l’était puisqu’il s’est abattu sur nous à trois reprises, sans crier gare. Par Hassina Amrouni Guerre de libération Histoire Lucette Hadj Ali A près nous avoir arraché la grande militante nationaliste Evelyne Safir-Lavalette, décédée le 25 avril dernier, à Médéa à l’âge de 87 ans, voilà qu’une autre mort s’annonce, tout aussi douloureuse, celle de Jean-Louis Hurst, parti, lui aussi, une poignée de jours plus tard, le 13 mai, plus exactement. Et on n’aura pas bouclé le mois de mai, avant de faire nos adieux à une troisième militante, la moudjahida Lucette Safia Hadj Ali, qui s’est éteinte le 27 mai, près de Toulon, en France. Elle avait 94 ans. C’est le départ d’une juste. Une moudjahida de grande envergure qui aura consacré sa vie au combat contre l’injustice, sans jamais rien attendre en retour. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Bachir Hadj Ali Naissance à Oran dans une famille de médecins Lucette Larribère voit le jour en 1920 à Oran. C’est dans une famille de médecins et surtout de militants – son père Jean-Marie et son oncle Camille sont militants du Parti communiste algériens (PCA) – que Lucette grandit mais la prise de conscience ne sera pas immédiate. Il lui faudra débarquer à Alger, à l’âge de 22 ans, pour y poursuivre ses études d’histoire et géographie, pour être directement confrontées aux iniquités sociales dont est victime la population algérienne. C’est là qu’elle rencontre son premier mari Robert Manarranche et dont elle aura deux garçons Pierre et Jean. Elle décide alors, à l’issue de ses études, de se lancer dans une carrière de journaliste au sein de l’AFP, puis à Liberté, hebdomadaire du ( 92 ) PCA. Elle y apprend les bases du métier aux côtés d’une chevronnée, Henriette Neveu. Le journalisme lui permettra de prendre toute la mesure de la situation délétère dans laquelle vit le peuple algérien et se rendre compte également de toutes les injustices endurées au quotidien. « Liberté effectua, entre autres, des reportages poignants sur la terrible famine qui sévissait dans le pays, en particulier dans le Constantinois, en soulignant la situation épouvantable des paysans qui subissaient en outre une répression forcenée. En s’élevant régulièrement contre l’exploitation, la misère généralisée que vivaient les Algériens, le journal se plaçait résolument en dénonciateur du système colonial lui-même», témoigne-t-elle dans son livre.* Supplément N° 26 - Juillet 2014. Guerre de libération Histoire Lucette Hadj Ali Prise de conscience et militantisme Nommée rédactrice en chef du mensuel de l’Union des femmes d’Algérie (UFA), créée en 1944, par le Parti communiste algérien, elle collabore, par ailleurs, à Alger Républicain. Elle écrit encore : «Les locaux du journal étaient situés boulevard La Ferrière (aujourd’hui, le boulevard Khemisti), à l'emplacement de ceux de la Dépêche Quotidienne… Aux côtés de Henri Alleg, directeur du journal, et de Jacques Salort, son administrateur, la rédaction était dirigée par Boualem Khalfa et Issac Nahori… auxquels se joignit plus tard Hamid Benzine.» Au lendemain du déclenchement de la guerre de libération, elle fera partie du premier noyau des Combattants de la libération (CDL) créé en 1955 et sera agent de liaison entre le FLN et le PCA. Débute alors la vie clandestine pour Lucette qui prend le prénom de Safia. Elle rencontre Bachir Hadj Ali, premier secrétaire du Parti communiste algérien avec lequel elle se marie plus tard. Le 5 juillet 1962 restera un souvenir impérissable pour la militante Lucette Safia Hadj Ali. Elle en raconte quelques bribes dans son ouvrage : «Les événements se précipitaient, quelques jours avant le 5 juillet, du haut de notre 4e étage, c’est avec une vive émotion que nous avons vu les premiers maquisards de la Wilaya IV qui des- cendaient calmement le boulevard sur le trottoir d'en face et entraient dans Alger : maigres et épuisés dans leurs uniformes délavés et usés, témoins de leurs derniers combats. En me penchant davantage sur le balcon, j’aperçus, spectacle réjouissant, le policier français qui réglait la circulation au carrefour en bas du boulevard (Bougara) descendre de son podium et de s’enfuir à toutes jambes ». Dessin et manuscrit extraits des Lettres à Lucette de Bachir Hadj Ali LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 93 ) www.memoria.dz Guerre de libération Histoire Lucette et Bachir Hadj Ali Même après l’indépendance, Lucette continue à être de tous les combats. Soutenant d’abord son mari, incarcéré en 1965, elle s’engage également contre l’intégrisme durant la décennie noire, en faisant partie du RAFD (Rassemblement algérien des femmes démocrates). Enseignante d’Histoire au lycée El Idrissi, elle est contrainte de quitter son quartier d’Hussein Dey lorsqu’elle reçoit des menaces de mort des groupes islamistes. Elle s’installe à la Seyne-sur-Mer auprès de sa famille où elle est demeurée jusqu’à sa mort. Hassina Amrouni * Itinéraire d’une militante algérienne de Lucette Hadj Ali, éditions du Tell, 2011 Lucette Hadj Ali Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 94 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Sour El Ghozlane ou le rempa rt des ga zelles Sour El Ghozlane Histoire d'une ville L’empereur Auguste Si la fondation de Sour El Ghozlane remonte à plusieurs siècles avant J.-C., il n’en demeure pas moins que la région a connu, depuis des millénaires, une présence humaine. Un outil préhistorique (biface) a, en effet, été retrouvé à l’ouest de la ville, confirmant la thèse selon laquelle l’homme préhistorique y aurait vécu. E n revanche, pour la fondation de la ville, les avis des historiens divergent. Certains l’attribuent aux Phéniciens, environ seize siècles av. J.-C., d’autres affirment que c’est Ithobaal 1er (887 - 856 av. J.-C.), roi de Tyr (au sud de l'actuel Liban) qui en est le fondateur, environ huit siècles et demi av. J.-C. Une certitude cependant, c’est que du temps de l’empereur Auguste (Gaius Julius Caesar Octavianus, connu aussi sous le nom d'Octave, 63 av. J.-C.-14 ap. J.-C.), Auzia – c’est le nom romain de Sour El Ghozlane – existait déjà et c’est Orelli qui en rapporte l’information dans ses Inscriptionum Latinarum (inscriptions latines gravées sur la pierre et collectées notamment lors de fouilles françaises). A l’origine numide, la ville deviendra donc en 33 av. J.-C. province romaine sous l’empereur Auguste. Aux origines d’Auzia Selon l’historien Tacite, connu pour être l’un des grands érudits de la Rome antique, Auzia a été construite sur un plateau de 800 mètres de long sur 350 mètres de large, et était cernée de bois et de rochers. A partir d’inscriptions latines, découvertes dans les environs, l’on apprit que les habitants adoraient à cette époque le dieu Auzius. Biface trouvé à Sour El-Ghozlane (22 cm) Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Une stèle romaine ( 96 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Histoire d'une ville Carte de l'Algérie Romaine montrant aussi le réseau des voies de communications Auzia envahie par les Vandales La ville comptait alors quelque 3500 habitants. Il faisait bon y vivre dans un climat pur et sain. Avec Rusguniæ, l’actuelle Bordj El Bahri et Equizétum, ville probablement construite à proximité du village actuel de Mansourah, près de Bordj-Bou-Arréridj, Auzia formait une confédération. Au 2e siècle, elle portait le titre de Municipe avant de devenir Colonia Septima Aurelia Auziense, colonie sous l'empereur Romain Septime Sévère. Si Tacite mentionne le Casetellum Auziense, indiquant que c’est le quartier général d’un commandant de frontière, l’historien grec d’expression latine, Ammien Marcellin, mentionnera lui aussi dans « Res Gestæ », sorte de suite de l'histoire de Rome écrite par Tacite, Castellum Auziense, indiquant que c’était le point de rencontre à Auzia. D’ailleurs, une borne militaire retrouvée par des colons français, durant l’époque coloniale, à environ une dizaine de kilomètres au nord-est de Sour El Ghozlane, au lieu dit El Abia porte l’inscription : « Limes Provinciæ Africæ » (Limites de la province Africaine). Après avoir semé le chaos dans une grande partie de l’Europe – la Gaule, Rome... –, les Vandales, jusque-là invincibles, sont battus par les Wisigoths. Ils sont alors contraints de quitter le vieux continent en quête d’autres refuges et d’autres points d’ancrage pour se retrouver, se réunifier et surtout rebâtir leurs forces. C’est fort de quelque 80 000 hommes que le roi Genséric traverse le détroit de Gibraltar avant de débarquer en Tripolitaine (actuelle Libye, dénommée, à partir du IIIe siècle par les Romain, Regio Tripolitana). Ces nouveaux envahisseurs conquièrent la Numidie (Est de l’actuelle Algérie), la Bysacène (sud de la Tunisie) et la Proconsulaire (nord de la Tunisie). Hippone et Cirta résistent à leurs assauts dévastateurs, les obligeant à signer une trêve de trois ans, mais sitôt celle-ci arrivée à son terme, ils s’emparent des deux cités ainsi que de Carthage dont ils font la capitale de leurs territoires africains. L’empereur Honorius envoie à la même époque le comte Boniface, général du Bas-Empire pour gouverner l'Afrique. Victime de manigances Sour El Ghozlane Une stèle romaine roche romaine Auzia LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 97 ) www.memoria.dz Sour El Ghozlane Histoire d'une ville Mausolée de Takfarinas fomentées contre lui par Aétius, Boniface décide de se venger à sa manière. Refusant d’abord de quitter son gouvernement d'Afrique, il bloque ensuite les livraisons de blé africain à Rome, avant de s’allier à Genséric contre les Romains. Mais mal lui prit car les Vandales étaient un peuple de Barbares qui n’avaient ni foi ni loi. En effet, Genséric se retourne contre son allié qui se verra obligé de lui céder les trois Maurétanie, Sétifienne, Césarienne (dont la ville principale est Césarée, actuelle Cherchell), Tingitane (Tingis, actuelle Tanger) avant de prendre la fuite vers l’Italie où il trouve la mort lors d'un combat avec Aétius en 432. Durant cette période, la ville d’Auzia n’échappera guère à la violence vandale qu’elle subira pendant plus d’un siècle. Et bien que ses habitant aient tenté à plusieurs reprises de se soulever voire de se révolter contre le joug des Vandales, ils ne parviendront, malheureusement, pas à s’en libérer, essuyant à chaque fois une cuisante défaite. Arrivée des Byzantins puis des Arabes Ce sont finalement les Byzantins qui parviendront à les chasser de toute l’Afrique du Nord. Le règne de ces derniers s’étalera de 534 à 647, soit plus de 100 ans, ils seront chassés à leur tour par les Arabes lors des foutouhate islamiques. Les troupes de Okba Ibnou Nafi Al Fihri font leur entrée par le côté oriental dans la seconde moitié Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 98 ) du VIIe siècle (vers 697). Toutefois, aucun fait marquant ne viendra, à cette époque, perturber le cours de l’histoire d’Auzia qui sera administrée par les Berbères. Avec l’invasion des Maures, Auzia sera encore une fois appelée à se défendre contre cette nouvelle occupation de ses terres par des étrangers. Mais les Maures parviendront à exercer leur hégémonie sur l’Afrique. La religion musulmane remplace le christianisme et la ville d’Auzia cède au nouveau mode de vie imposé par les Maures. C’est là que le nom de la ville change, Auzia devenant « Sour El Ghozlane » (rempart des gazelles). A leur arrivée dans la région, les Turcs y construisent un fort (bordj) près de Souk El Had. Ce poste militaire est destiné à surveiller les tribus environnantes ainsi que le marché qui était fréquenté par les Arabes de la région. Pour la construction de ce fort, les Turcs ont eu recours à des pierres prises sur le site de la ville antique. A l’arrivée des troupes françaises après 1830, le bordj sera presque entièrement détruit, n’ayant pas pu résister à l’érosion du temps. La colonisation française Après la conquête de plusieurs régions d’Algérie, les troupes françaises occupent militairement le site d’Aumale – désignation française de Sour El-Ghozlane. L’endroit est considéré comme stratégique car il permet la Supplément N° 26 - Juillet 2014. Le Duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe ordonnance royale fera de ce camp un centre de colonisation portant le nom d’Aumale. Devenu district le 31 janvier 1848, Aumale est désormais une commune à partir du 5 septembre 1859. Au lendemain de l’indépendance, Aumale reprend son nom arabe. Hassina Amrouni Sour El Ghozlane protection de la voie du Constantinois, l’accès aux Kabylies et aux tribus nomades du sud. Le premier poste militaire est installé en 1840 puis, le 27 mai 1843, la première pierre servant à la construction d’un camp retranché est posée par le duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe. Trois ans plus tard, le 15 novembre 1846, une Histoire d'une ville La maison du Duc d’Aumale Sources : www.sourelghozlane.com www.encyclopedie-afn.org LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 99 ) www.memoria.dz Sour El Ghozlane Histoire d'une ville Patrimoine archéologique de Sour El Ghozlane CES PIERRES QUI RACONTENT NOTRE PASSÉ L’Aqueduc de Sour El-Ghozlane A l’instar de toutes les autres régions du pays qui ont connu la présence de différentes occupations étrangères, Sour El Ghozlane a, elle aussi, été habitée depuis l’aube des temps, héritant, de chaque présence humaine et de chaque civilisation, des vestiges qui font partie, aujourd’hui, de la richesse patrimoniale de la région.t Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 100 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. C L’énigmatique mausolée d’El Hakimia L’Aqueduc de Sour El Ghozlane Situé à quelque 2 kilomètres à l’ouest de la ville, l’aqueduc a permis l’approvisionnement en eau potable de toute la population locale mais desservait aussi toutes les terres agricoles qui s’en trouvaient ainsi irriguées. Cet immense aqueduc composé à l’origine de 7 arcs a, au fil du temps, fini par tomber en ruines. Aujourd’hui, il n’en subsiste qu’une seule arcade, seule témoin de son existence passée. Le mur d’enceinte de la ville Si vous êtes de passage à Sour El Ghozlane, vous ne pouvez rater le mausolée d’El Hakimia. Ce monument funéraire également appelé mausolée de Tacfarinas, Observatoire romain ou Ghorfat Ouled Slama et classé site historique le 17 décembre 2007, est entouré d’un grand mystère. Faute de recherches poussées autour de ses origines, on ne connaît pas, aujourd’hui, avec exactitude qui en est le réel bâtisseur. En effet, si certains évoquent le nom de Tacfarinas, le dernier chef de guerre numide, qu’on dit enterré là, d’autres attribuent ce monument au chef militaire romain Quintus Gargilius Martialis, également auteur d’ouvrages sur l’horticulture. Ce dernier aurait bâti ce mausolée en l’honneur de ses parents. Cette version est attestée par deux inscriptions retrouvées à l’intérieur de cette structure semi-circulaire. Sur la première pierre est inscrite une dédicace faite par Quintus Gargilius Martialis à ses parents en l’an 260 après J.-C., la seconde, une pierre retrouvée à l’intérieur du mausolée, est datée de 439 après J.-C. Quoi qu’il en soit, en attendant de livrer tous ses secrets, le mausolée culminant à 1000 mètres d’altitude, constitué au premier niveau de deux chambres funéraires vides et au second niveau d’une chambre ouverte, est en voie d’être réhabilité. Parmi tous les sites historiques ou archéologiques rescapés de l’histoire millénaire de la région, le mur d’enceinte de la ville de Sour El Ghozlane est sans doute celui qui a le plus réussi à défier le temps et... la main destructrice de l’homme. D’une longueur d’environ 3 kilomètres, ce rempart perché sur le point culminant de l’antique ville d’Auzia a été construit au XIXe siècle par l’occupant français, entourant une caserne d’une superficie Sour El Ghozlane ependant, il ne reste plus que des monuments épars, rescapés de l’époque antique. Tout le reste a disparu, suite au débarquement des Français dans la région. En construisant la nouvelle ville sur les vestiges de l’antique Auzia, ces derniers ont défiguré le site. Aujourd’hui, les quelques monuments historiques de la ville sont livrés, malheureusement, à l’érosion du temps. Histoire d'une ville Le mur d’enceinte de la ville LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 101 ) www.memoria.dz Sour El Ghozlane Histoire d'une ville « Bab Dzayer (Porte d’Alger) « Bab Boussaâda » (Porte de Boussaâda) « Bab El Gort » (Porte du foin) « Bab M'dia » (Porte de Média) Vue aérienne, Centre ville Vue aérienne, la cité el kadi, Mosquée El Atiq ... de 7 hectares et construite en 1850. La muraille est percée de quatre portes « Bab Dzayer (Porte d’Alger), « Bab S’tif » (Porte de Sétif), « Bab Bou Saâda » (Porte de Boussaâda) et « Bab El Gort » (Porte du foin). A noter que selon d’autres sources (presse nationale, ndlr), on ne parle que de trois portes, la porte du foin n’étant pas évoquée. Lors du très fort séisme de 1954, de nombreuses habitations de la région ont été endommagées par la secousse tellurique et ce mur d’enceinte a lui aussi subi de gros dommages. Réfectionné dans l’urgence, il a été par endroits renforcé par des ceintures en béton, ce qui lui a enlevé tout son attrait. Plus tard, des pans de remparts ont été démolis pour être remplacés par des boulevards. D’autres richesses archéologiques à découvrir Si ces quelques sites archéologiques ou historiques figurent parmi les plus connus à Sour El Ghozlane, il n’en demeure pas moins que de nombreux autres attendent d’être reconnus comme tels, à l’image de la mosquée El Atiq dont la construction remonterait à l’époque ottomane Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 102 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Histoire d'une ville la mosquée El Atiq Sour El Ghozlane Anciens châteaux d'eau qui alimentaient la ville à sour el-ghozlane et bien d’autres encore. Quoi qu’il en soit, des découvertes fortuites ont souvent lieu, la dernière en date étant la mise au jour en février dernier des ruines d’une maison romaine et des restes d’un long tunnel remontant à la même époque. Sur le site, ont été également trouvés des remparts encore debout des colonnes décorées de jolies mosaïques, des silos, des tombeaux taillés dans la pierre et des inscriptions multiples qui révèlent que jadis le site était l’emplacement d’une ville romaine. A noter que les habitants de la région font souvent ce genre de découverte, notamment lors de travaux de construction. Aux pouvoirs publics de prendre le relais, en mettant en valeur ces richesses qui racontent notre passé millénaire. Hassina Amrouni LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE Sources : Divers articles de la presse nationale Une stèle romaine ( 103 ) www.memoria.dz Sour El Ghozlane Histoire d'une ville Personnalités de Sour El-Ghozlane Berceau d’hommes de Lettres Figures de renoms de la littérature algérienne, Arezki Metref, Djamal Amrani, Messaour Boulanouar et Kadour M’Hamsadji ont pour point commun Sour El Ghozlane, la ville qui les a vu naître. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . Supplément N° 26 - Juillet 2014. ( 104 ) Histoire d'une ville Djamel Amrani recevant la médaille présidentielle « Pablo Neruda » des mains de l'ambassadeur du Chili à Alger, Ariel Uloa, le 12 juillet 2004. LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE Arezki Metref Metref, le journaliste-écrivain Né deux ans avant le déclenchement de la guerre de libération nationale, Arezki Metref a grandi dans une Algérie en guerre. Bien qu’originaire de Beni Yenni, il voit le jour à Sour El Ghozlane avant que sa famille s’installe à Bouira, à Laghouat puis, à partir de 1956, à Alger. Brillant étudiant, il s’inscrit à l’Institut d’études politiques d’Alger. Mais sa passion pour l’écriture l’amènera à rejoindre le monde de la presse en 1972, signant des articles, notamment, dans les colonnes de L’Unité, Révolution africaine, El Moudjahid ou Algérie Actualités. Avec l’ouverture du champ médiatique, il créé en 1993 avec le regretté Tahar Djaout et Abdelkrim Djaâd l’hebdomadaire Ruptures au sein duquel il occupera la fonction de rédacteur en chef. Lorsque son ami et collègue Tahar Djaout est assassiné en cette même année 1993, il quitte l’Algérie pour la France. Il y vivra jusqu’en 2001, date de son retour au pays. Collaborant avec le journal londonien The Guardian ainsi qu’avec Autrement, Maghreb-Machrek, Panoramique et Politis, il anime par ailleurs des conférences sur l’Algérie en France et à l’étranger. Auteur prolixe, il publie plusieurs recueils de poésie (Mourir à vingt ans, Éditions Caractères, Abat-jour, préface ( 105 ) Sour El Ghozlane A lors qu’il nous a quittés en 2005, Djamal Amrani reste la voix de l’âme de toute une génération de poètes qui, comme lui, se sont enivrés aux doux murmures des muses. Amrani, l’enfant de Sour El Ghozlane, y est né le 29 août 1935. Scolarisé en 1952 à l’école communale de Bir Mourad Raïs, il interrompt ses études en 1955, en pleine guerre d’Algérie. Le 19 mai 1956, il prend part à la grève des étudiants. Participant activement à la guerre de libération nationale, il est arrêté par l’armée coloniale en 1957, à Sidi Yahia. Dans les geôles de la Villa Susini, il connaîtra les pires tortures et les plus abjects sévices. Relâché en 1958, il est expulsé vers la France. A Paris, il côtoie de nombreux artistes et écrivains avec lesquels il se lie d’amitié. Il part ensuite s’installer en Suisse où il s’inscrit à l’Ecole d’interprétariat de Genève, avant de rallier le Maroc. Après sa rencontre avec Houari Boumediene, Abdelaziz Bouteflika et Kaid Ahmed, il décide de rejoindre l’état-major de l’ALN. Il devient ensuite l’un des membres fondateurs de la revue El Djeich. En 1960, il publie son premier ouvrage Le Témoin aux éditions de Minuit. La même année, il rencontre Pablo Neruda et crée, dans la foulée, le journal Echaâb. Six ans plus tard, il intègre l’ORTF où il devient producteur d’une émission maghrébine. C’est le début d’une longue et riche carrière, au sein de la radio algérienne aux côtés de Leïla Boutaleb. En 2004, il se voit décerner la médaille Pablo Neruda, haute distinction internationale de la poésie. Il s’éteint un an plus tard, le 2 mars 2005 à son domicile. Djamal Amrani laisse derrière lui une œuvre poétique prolixe et de qualité. Parmi les titres de référence, il y a lieu de citer Chants pour le Premier Novembre (1964), Bivouac des certitudes (1968), Entre la dent et la mémoire (1981), Déminer la mémoire (1986), Alger (2000), Alger, un regard intérieur (2001)… www.memoria.dz Sour El Ghozlane Histoire d'une ville de Jean Pélegri…). Il obtient également de bonnes critiques pour ses romans (Quartiers consignés, Algérie Littérature / Action, n° 2, Marsa éditions, Roman de Kabylie ou le livre des ancêtres, Éditions Sefraber…), ses pièces de théâtre (Priorité au basilic, La Nuit du doute, préface de Noureddine Saâdi, …) et ses essais (Algérie, Chroniques d'un pays blessé, Algérie, la vérité mais pas toute la vérité, chroniques 1997-2002 et Kabylie Story, Casbah Éditions). Le poète aux 7000 vers 7000 vers débuté en 1956 et terminé en 1960. A ce propos, le regretté Tahar Djaout écrira dans les colonnes d’Algérie-Actualités « Parue en 1963, cette œuvre poétique [La Meilleure force] a peu d'équivalent dans la littérature algérienne. C'est un très long poème de quelque 7000 vers commencé en 1956. L'incarcération de Boulanouar en septembre de cette même année n'a provoqué aucune rupture et aucun réajustement dans le cours du poème qui, terminé en 1960, forme une sorte de cosmogonie de la souffrance et de la revendication, (…) le reflet de l'univers concentrationnaire et de l'horreur quotidienne où tout un peuple vivait. » Malheureusement, seule une petite partie de son œuvre foisonnante sera publiée. Kaddour M’Hamsadji, l’érudit Né le 11 février 1933, Messaour Boulanouar est également poète. A l’âge de 17 ans, il est contraint d’abandonner ses études sur recommandation médicale. Engagé dans le mouvement militant, il connaîtra les geôles de la prison de Serkadji où il sera emprisonné avec d’autres nationalistes, entre 1956 et 1957. Messaour Boulanouar sera plus particulièrement remarqué par ce long poème de Kaddour M’Hamsadji est né le 8 août 1933. Effectuant ses études primaires dans sa ville natale, il la quittera très jeune pour aller à Boufarik où il poursuit sa scolarité, ceci, avant de déposer ses malles à Alger, la ville de ses aïeux. Devenu inspecteur de l’éducation nationale, il sera ensuite sous-directeur de l’audio-visuel avant d’occuper la fonction de directeur du Centre national d’enseignement généralisé (CNEG). Il sera ensuite nommé conseiller au cabinet du ministère de l’Education nationale, dans le domaine de la communication éducative. Il fonde la revue L’Ecole demain. Kaddour M’Hamsadji sera, par ailleurs, membre fondateur de la première Union des écrivains algériens qui a vu le jour le 28 octobre 1963. Cette instance aura, d’ailleurs, à sa création Mouloud Mammeri comme président, Tahar Djaout, Messaoud Boulanouar et M' hamed Aoune dans une exposition de littérature, 1980 Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 106 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. Histoire d'une ville Kaddour M'Hamsadji avec Moufdi Zakaria et Ahmed Sefta (29 mai 1964) Jean Sénac pour secrétaire général et Kaddour M’Hamsadji occupera les fonctions de secrétaire général adjoint, Mourad Bourboune et Ahmed Sefta en étaient les assesseurs. Tout au long de son parcours très riche, M’Hamsadji côtoiera les plus grands écrivains et intellectuels de son époque, avec lesquels il se liera d’amitié. On citera Moufdi Zakaria, Tewfik El Madani, Kateb Yacine, Malek Haddad, Laâdi Flici, Ahmed Azzegagh, Cheikh Mohamed Laïd Al Khalifa… Se lançant dans l’écriture, il publie La dévoilée, son premier roman en 1959. Depuis, il pratiquera tous les genres littéraires du roman, à la poésie, en passant par le théâtre, le conte, la nouvelle ou l’essai. Il marquera également le paysage audiovisuel avec des œuvres de grande référence. Parmi ses œuvres marquantes, notons Le silence des cendres qui sera adapté au cinéma LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE par A. Sahraoui, Le rêve derrière soi, Le jeu de la bouqala, La jeunesse de l’Emir Abd El Kader, Le petit café de mon père… M’Hamsadji est traduit dans plusieurs langues. Hassina Amrouni Sour El Ghozlane Union des écrivains algériens en 1963. Assis de gauche à droite : Kaddour M'Hamsadji, Mourad Bourboune, Mouloud Mammeri (président), Jean Sénac (secrétaire) Kaddour M'Hamsadji avec Kateb Yacine ( 107 ) www.memoria.dz Sour El Ghozlane Histoire d'une ville Siège de la daïra de Sour El-Ghozlane Jean-Claude Brialy, acteur, réalisateur, scénariste et écrivain français, né le 30 mars 1933 à Aumale (Sour El-Ghozlane), et mort le 30 mai 2007 à Montyon (Seine-et-Marne). Rue principale Ecole Ben Badis (Victor Hugo) Grande rue BDL Cour intérieur de l'Hopital Rue de l'ancienne caserne Lycée El Ghazali Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 108 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014. El Hachemi Guerouabi, d'un père originaire de Sour El-Ghozlane wilaya de Bouira et d'une mère originaire de Chlef, grandit dans le quartier populaire de Belouizdad (Belcourt) L'ancienne gare d'Aumale La troupe musicale de Sour El-Ghozlane des années 1960 : Bouzid Aissa (guitare), Yousfi (accordéon), Sayah Abderrahmane, Nedir El-Hadj (flûte), Kamdoudi (tar), Saïb Aissa (guitare), Lazib et Dr Saidj Nourredine (derbouka). Sour El Ghozlane Armoirie Histoire d'une ville Vue générale LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 109 ) www.memoria.dz Histoire d'une ville Lamouri Ben Kadda Djediat : est un footballeur international, né le 20 janvier 1981 à Sour El-Ghozlane. Il évolue actuellement au poste de milieu de terrain à l'USM Alger. La coupe d'Algérie entre les mains de Djediat Equipe de l'ESG des années 1990 ERRATA Quelques erreurs ont été relevées par Mme Bekaddour dans l'entretien accordé à Mémoria N° 25 de Juin 2014, pages 87 et 88 : L' équipe de l'Entente sportive de Sour El-Ghozlane (ESG) des années 1980 - Zoulikha Bekaddour est née à Oued Lili : lire : à Tiaret - R. Barrat a rencontré le CCE composé de Amara Rachid (...) : lire: Abane Ramdane Les sections de l'UGEMA se réunissent à Paris, Lyon, Montpellier: ajouter: Strasbourg. - La mère de Zoulikha a rendu visite à la mère de Zabana: lire : l'a accueillie chez elle. Equipe MSG des années 1970 Equipe de l'ESG des années 1980 Equipe d'Aumale 1962 Equipe d'Aumale 1949 - Smaïn Aït Amar est le neveu et non le fils de Brahim Aït Amar - Dans la citerne étaient cachés, Hadj Ben Alla, un parent et Smaïn, et non Habib Djellouli qui s'est jeté par la fenêtre, s'est blessé et a été arrêté. Le 17 novembre 1956 je fus condamnée: lire : le 23 mars 1957. Mémoria présente ses excuses à Mme Bekaddour ainsi qu'aux personnes concernées. Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA . ( 110 ) Supplément N° 26 - Juillet 2014.