Oser déclarer sa flamme - Eglise protestante de Bruxelles

Transcription

Oser déclarer sa flamme - Eglise protestante de Bruxelles
Culte du 5 juin 2016
Oser déclarer sa flamme
Lectures bibliques
1 Corinthiens 14, 6-19
Romains 10, 9-18
Prédication
« Oser déclarer sa flamme », oser dire son amour. A qui n’a-t-il pas fallu un peu de
courage, voire un peu de toupet pour dire les sentiments qui l’animait ? Parce que tant
qu’on aime en silence, on ne prend pas de risque, on ne se met pas en danger…. Mais
prendre le parti, un beau jour, d’ouvrir la bouche pour énoncer la vérité de son cœur ;
s’exposer à la fois intrépide et terriblement vulnérable… c’est tout autre chose !
L’image de la flamme pour parler de l’amour, nous la comprenons immédiatement. La
flamme c’est ce qui réchauffe, ce qui redonne courage et espoir, ce qui illumine les yeux
de l’être aimé. Ne dit-on pas de l’amour qu’il embrase le coeur ? La puissance de ce
sentiment nous transporte, nous fait agir de manière différente, nous fait voir le monde
autrement. Alors oui, nous parlons, nous déclarons ce feu intérieur dont nous brûlons de
savoir s’il est partagé… parce qu’alors, c’est toute la vie qui en est illuminée, c’est le
monde qui en est transfiguré. Tout change, nous ne sommes plus seuls ; nous vivons
d’un amour partagé. Partagé parce que déclaré. Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai. C’est
ce que nous promettons.
C’est aussi ce que Dieu nous a promis. Avez-vous déjà songé au Dieu de la Bible comme
un Dieu passionné ? Passionné par cette vie qu’il ne cesse de vouloir créer en nous,
passionné par cette humanité et son devenir en dépit de nos éloignements, de nos
grognes, de nos indifférences ?
Un Dieu passionné au point de prendre le risque de s’exposer à travers le don d’un Fils
qui a partagé la même humanité que nous.
Un Dieu passionné au point de nous assurer que nous ne serons plus jamais seuls parce
qu’il nous a donné son Esprit depuis ce jour de Pentecôte où une flamme illumina
chaque disciple permettant à chacun de se comprendre et ainsi de fonder l’église ?
Dieu ne nous a–t-il pas pleinement déclaré sa flamme ? Et comme tout amour vrai
l’amour de Dieu est un amour empreint de respect, de considération pour nos fragilités
et nos lenteurs. Dieu ne s’impose pas.
Sa flamme n’est pas de celle qui détruit les hésitants, elle est de celle qui les encourage à
s’exposer à sa lumière pour venir y puiser la force et le courage d’une réponse qui ne
peut se dire que dans la liberté et la joie. « Oui, je t’aime aussi, mon Dieu, j’ai confiance en
toi pour guider mes pas. » C’est la première étape, celle qui se dit dans l’intimité du
cœur, dans le face à face de la prière.
Mais quand on aime, et que cet amour est partagé, il y a une seconde étape ; celle qui
consiste à crier cet amour au monde entier ! Les êtres humains s’engagent publiquement
au cours, par exemple, d’un culte de bénédiction ; et celles et ceux qui reconnaissent
Jésus Christ comme Seigneur osent se dire… chrétiens !
Mais suivant les contextes où nous nous trouvons, il n’est pas toujours facile de
« déclarer sa flamme » de dire que oui, c’est Jésus, le Christ, et nul autre à travers sa vie,
ses actes, ses paroles, sa mort et sa résurrection qui donne sens à ma propre vie ! Qui
ose aujourd’hui se dire chrétien dans une société sécularisée qui considère la religion au
mieux comme contraire à la raison et au pire comme un facteur de violence,
d’intolérance et d’obscurantisme ?
Et pourtant, comme le rappelle l’apôtre Paul, « si avec ta bouche tu reconnais en Jésus le
Seigneur, et si avec ton coeur, tu crois que Dieu l’a réveillé d’entre les morts, tu seras
sauvé » (Rm 10, 9). Avec ta bouche, c’est-à-dire par ta parole ; avec ton coeur, c’est-àdire avec tout ton être : ton intelligence, tes sentiments, ta raison, ton âme, ton intime
conviction. Etre chrétien ce n’est pas seulement croire ; c’est déclarer que l’on croit et
agir en conséquence.
L’Eglise Protestante Unie de France est actuellement engagée dans la démarche de
rédiger une nouvelle Déclaration de foi, c’est-à-dire un texte bref qui témoigne de l’unité
de l’église tout en la renforçant ; un texte qui permette de dire l’essentiel de ce que l’on
croit, donc de se présenter -un peu- à la manière d’une carte de visite ; un texte qui
encourage au témoignage et à une lecture renouvelée de l’Ecriture. Ce texte, nous en
avons discuté pendant 2 jours à Paris cette semaine car l’EPUdF a lancé un processus de
consultation auprès des Eglises sœurs donc, notamment, de l’EPUB.
Une démarche d’ouverture et de dialogue qui a permis à la vingtaine de représentants
présents de partager ensemble des défis, des joies, des interrogations. S’atteler à écrire
ce que l’on croit et faire en sorte que ce texte soit à la fois profond -parce qu’il doit
rendre justice à nos convictions- et compréhensible par tous laïcs et pasteurs, membres
d’église ou non est un exercice essentiel et existentiel.
Pourquoi ? Parce qu’il permet de se poser au moins 3 questions qui mettent en jeu notre
bouche et notre coeur pour le dire avec l’apôtre Paul : quel est ce Dieu auquel je crois ?
Qui suis-je en tant que chrétien et qu’ai-je à dire dans ce monde aujourd’hui ?
« Qu’ils sont beaux les pas de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles » (Rm 10, 15) dit
l’apôtre Paul avec enthousiasme ! Littéralement, « qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui
annoncent l’Evangile ! » Curieux compliment … en amour on parle parfois du « détail qui
tue », ce tic, cette habitude, cet aspect de la personne qui nous devient soudain
insupportable ; l’apôtre Paul, après la bouche et le coeur, souligne le rôle de nos pieds,
qui pourraient sembler être un détail, mais qui sont importants, eux aussi, pour
annoncer ce qui fait vivre. C’est bien toute notre personne qui est convoquée pour
déclarer l’évangile de Jésus-Christ !
Pour parler de ce que nous croyons, pour transmettre ce qui nous anime, nous n’avons
pas besoin d’une foi hors sol qui serait répétition sans habitation des mêmes vieilles
formules éthérées ; nous avons besoin d’être solidement ancré dans la réalité, porté par
une espérance qui tout à la fois la prend en compte et la dépasse ; porté aussi par ces
pieds qui nous emmènent à la rencontre de notre prochain là où il est et tel qu’il est.
« En Jésus le Christ, Dieu se révèle comme Parole bouleversante et fondatrice. »
« Qui témoigne de l’Evangile participe à la réconciliation du monde, œuvre de la grâce
divine ».
« L’Eglise partage une vérité qu’elle ne possède pas, et qu’elle recherche avec passion ».
Trois phrases tirées de ce projet de Déclaration de foi de l’EPUdF. Trois phrases qui
soulignent combien la foi change notre vie, comment elle fait de nous des hommes et des
femmes en marche à la rencontre du prochain, des chercheurs de sens qui utilisent leur
bouche, leur coeur, leurs pieds non pas pour posséder mais pour partager.
Comment croire si l’on n’a entendu personne proclamer ? Comment entendre, s’il n’y a
personne pour proclamer ? L’apôtre Paul nous rappelle que nous sommes envoyés. Voilà
qui doit nous donner le courage de témoigner, d’oser déclarer notre flamme avec
passion ! Notre horizon, c’est le monde, pas les 4 murs de notre Eglise !
Déclarer ensemble notre foi en nous mettant d’accord sur un texte commun est un défi
intéressant pour nous protestants au moins à deux niveaux. D’une part, pour notre
individualisme proverbial qui tend à oublier que l’on n’est pas chrétien tout seul mais
que la communauté a son rôle à jouer ; d’autre part pour notre discrétion, notre pudeur
de minorité qui ne tient ni à se mettre en avant, ni à faire du prosélytisme.
Et puisque nous sommes habitués à produire des textes sérieux mais un tantinet
austères, -avec beaucoup de mots et sans image - j’ajoute qu’une Déclaration de foi
contemporaine qui fasse consensus, soit accessible et stimulante pour tous est un vrai
défi de communication !
Pour toutes ces raisons, les lignes de l’apôtre Paul adressées à l’enthousiaste et
turbulente communauté de Corinthe nous donnent quelques indications précieuses.
Dans cette Eglise, les chrétiens étaient très engagés et faisaient valoir qu’ils étaient au
bénéfice de divers dons de Dieu. Certains « parlaient en langue » comme dit le texte.
Cette pratique n’était pas spécifique au christianisme, elle consiste à avoir soudain la
capacité soit de parler dans une langue étrangère à la sienne que l’on ne connaît pas par
ailleurs, soit de parler sous forme de sons ou de mots inintelligibles pour l’assemblée.
L’individu est comme saisi par la divinité ; dans le christianisme, par l’Esprit Saint.
« Je veux bien que vous parliez tous en langues, mais je préfère encore que vous parliez
tous en prophètes » (1 Co 14, 5) dit l’apôtre Paul. Et parler en prophète ne signifie pas
dévoiler de manière mystérieuse l’avenir ou la fin du monde. La prophétie n’est pas
l’astrologie ! « Parler en prophète » signifie discerner avec sagesse et intelligence les
signes du temps. Observer ce qui se passe autour de moi, m’informer, avoir recours à
toutes les ressources de l’intelligence humaine et demander l’aide de l’Esprit Saint, dans
la prière et la lecture de l’Ecriture, pour imaginer les conduites à tenir, les actions à
mener.
Paul essaie ici de canaliser certaines ardeurs ! De flammes, il n’en manquait pas dans la
communauté de Corinthe. Mais pour déclarer sa foi, son amour, encore faut-il être
intelligible, encore faut-il chercher à rejoindre l’autre, à construire avec lui et non à se
vanter de nos talents comme s’ils étaient des performances au service de notre gloire
personnelle.
« Puisque vous aspirez aux manifestations de l’Esprit, cherchez à y exceller, mais pour la
construction de l’église » (1 Co 14, 12) conseille l’apôtre. Voilà donc le critère décisif :
construire ensemble, édifier la communauté en étant au service les uns des autres.
Chacun a sa place, chacun a sa fonction à l’image de ces instruments de musique dont on
discerne les différentes contributions dans un orchestre. Nul ne peut être laissé dehors
sans que l’ensemble n’en soit affecté et chacun doit jouer sa partition. La trompette, par
exemple, annonçait le combat : si l’on entend qu’une cacophonie d’instruments
cherchant à se surpasser les uns les autres, comment se préparer ?
Aux Corinthiens qui se livraient à une course à la performance spirituelle, Paul avait déjà
dit « vous aurez beau parler la langue des humains et des anges, avoir la science de tous
les mystères et toute la connaissances, vous aurez beau distribuer tous vos biens, si vous
n’avez pas l’amour tout cela ne sert à rien ». (1 Co 13, 1-3). L’amour est le premier
critère pour construire une communauté chrétienne.
Paul continue ici dans la même direction : vous avez la capacité de parler en langues ?
Très bien, mais toutes vos performances, tous vos talents, ne servent à rien si vous
n’êtes pas compris. Parce que le but de tout cela est d’annoncer l’Evangile !
Oser se dire chrétien, en témoigner, partager ce témoignage. Si votre langage est
compliqué, abscond, spectaculaire mais incompréhensible, tout cela est vain ! Vous
n’avez pas déclaré votre flamme. En rien vous n’avez témoigné de l’amour de JésusChrist pour le monde, amour qui vous permet de l’aimer à votre tour et de vous aimez
les uns les autres.
Alors, posons-nous une seule question : est-ce que les paroles que je prononce au nom
de ma foi peuvent servir par leur clarté, leur simplicité inspirée à créer du lien entre les
gens ? Une parole source d’unité et non d’incompréhension donc de division, de
destruction. « Si par la langue vous ne produisez pas une parole significative, comment
saura-t-on ce qui est dit ? Vous parlerez en l’air ! » dit encore l’apôtre. Parler « en l’air »,
« hors sol », c’est prononcer des paroles inutiles parce qu’elles ne rejoignent personne,
ni Dieu, ni mon prochain. Alors, dans l’Eglise, mieux vaut « cinq paroles avec mon
intelligence, pour instruire les autres, plutôt que dix mille paroles en langue ». (1 Co 15,
19).
Seul le langage intelligible se prête à un dialogue : la communauté peut être le lieu où
nous nous construisons les uns les autres ; le lieu aussi où, refusant tout langage pour
seul initié, nous écoutons et accueillons toute personne qui vient à nous ; le lieu, enfin, à
partir duquel nous sortons pour aller à la rencontre des autres et leur déclarer notre
flamme !
Amen