101 LES AVANCES EN MATIERE D`IMPOT SUR LE REVENU DES

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101 LES AVANCES EN MATIERE D`IMPOT SUR LE REVENU DES
Les avances en matière d’IR et d’IS
LES AVANCES EN MATIERE D’IMPOT SUR
LE REVENU DES PERSONNES PHYSIQUES
ET D’IMPOT SUR LES SOCIETES
Monia SOUISSI∗
Enseignante à la Faculté
de Droit de Sfax
Sommaire
I- La multiplicité des avances
A-L’avance des sociétés soumises au régime de la transparence
fiscale
B-L’avance sur certaines importations de produits de
consommation
C-L’avance due par les sociétés exportatrices sur les ventes
locales de certains produits
D-L’avance au titre de l’impôt sur la plus-value immobilière
II- L’incertitude du régime des avances
A-L'interminable imputation des avances
B-L'hypothétique restitution des avances
C-L’hétérogénéité du régime contentieux des avances
*********
En droit fiscal tunisien, le paiement de l’impôt peut s’effectuer
par diverses modalités selon qu’il s’agisse d’une imposition directe ou
d’une imposition indirecte. La pluralité des techniques de paiement
peut permettre d’accroître la productivité de l’impôt, d’autant plus
qu’elle tend à combattre la fraude fiscale. En effet, avec la diversité
des modalités de paiement, l’impôt est facilement récupérable, sa
rentrée est rapide et sûre. En matière d’IR et d’IS, les avances
constituent l’une des modalités de paiement à côté des acomptes
provisionnels et des retenues à la source1.
∗
1
[email protected]
L’avance constitue aussi l’une des modalités de paiement en matière d’impôt
indirect. Il s’agit particulièrement de l’avance au titre de la TVA prévue par
l’article 15-4 du code de la TVA et de l’avance prévue par l’article 59 du code
de la fiscalité locale. L’avance se distingue aussi de la retenue à la source. Cette
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Les avances en matière d’IR et d’IS
Les vocables "avances" et "acomptes provisionnels" sont
communément utilisés comme s’ils étaient synonymes. Il s’agit de
fractions d’impôts payées par le contribuable à titre d’avance. En
réalité, dans sa conception large, le terme « avances » englobe les
acomptes provisionnels, les retenues à la source et les autres avances
prévues par les articles 51 bis et 51 ter du code de l’impôt sur le
revenu et de l’impôt sur les sociétés (CIR).
Dans un sens étroit, l’avance est une fraction d’impôt payée en
une seule échéance qui diffère des acomptes provisionnels constituant
des fractions d’impôt payées par le contribuable à titre d’avance en
trois échéances dont le montant de chacune est égal à 30% de l’impôt
dû au titre des revenus ou bénéfices de l’année précédente2.
Lorsqu’elles ne sont pas libératoires, les trois techniques de paiement
anticipé ouvrent droit à un crédit d’impôt d’égal montant imputable
sur l’IR ou l’IS et demeure susceptibles de remboursement lorsqu’il
excède l’impôt dû par le contribuable et dans les conditions légales de
la restitution3.
Les avances présentent un intérêt considérable sur le plan
financier dans la mesure où elles constituent un moyen d’accélération
des rentrées fiscales et permettent de faciliter le paiement de l’impôt
par les contribuables. D’un point de vue économique, les avances
permettent de « lier davantage les prélèvements à la conjoncture
économique et en même temps d’accroître la flexibilité de la politique
des pouvoirs publics »4.
Conçues dans le but d’améliorer le recouvrement de l’IR et de
l’IS, les avances, simples techniques de paiement anticipé, n’ont-elles
pas contribué à accentuer la complexité du système fiscal d’autant
plus qu’elles sont devenues de véritables ponctions autonomes par
rapport aux impôts auxquels elles sont rattachées ?
2
3
4
dernière constitue une technique de paiement qui est, à l’origine, une perception
anticipée opérée pour le compte de l’Etat par un tiers payeur, à valoir sur l’IR
ou l’IS dû par le bénéficiaire à raison des revenus.
Voir l’article 51 du CIR.
Abderraouf YAICH, Les impôts en Tunisie, les éditions Abderraouf YAICH,
quatrième trimestre, 2003, p. 351.
Habib AYADI, Droit fiscal, l’impôt sur le revenu des personnes physiques et
l’impôt sur les sociétés, CERP, 1996, p. 61.
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Les avances en matière d’IR et d’IS
Dans le but d’assurer la collecte du maximum de recettes
fiscales dans les meilleurs délais, le législateur tunisien a prévu
plusieurs types d’avances. Dans un sens étroit, l’avance en matière
d’IR et d’IS se dénombre en quatre types. L’avance sur les ventes des
sociétés totalement exportatrices prévue par l’article 17 du code
d’incitations aux investissements, l’avance sur les bénéfices des
sociétés fiscalement transparentes instituée par l’article 44 de la loi de
finances pour la gestion 19945, l’avance de 10% sur certaines
importations de produits de consommation instituée par l’article 47 de
la loi de finances pour la gestion 19966 et l’avance au titre de l’impôt
sur la plus-value immobilière.
Les modifications successives du régime des avances
apportées par les différentes lois de finances des années quatre vingt
dix, ont abouti à la multiplicité des avances et l’extension de leur
domaine (I). La multiplicité des avances entraîne inévitablement une
complexité de leur régime, qui devient incertain (II).
I- LA MULTIPLICITE DES AVANCES
Modalité de paiement anticipé des impôts directs consacrée par
le législateur tunisien, les avances se caractérisent par leur multiplicité
croissante et par la diversité de leurs taux. En effet, sont soumises
à l’avance, les sociétés fiscalement transparentes (A), certaines
importations de produits de consommation (B), les ventes ou les
prestations de services des entreprises exportatrices sur le marché
local (C), et la plus-value de cession des immeubles (D).
A- L’avance due par les sociétés soumises au régime de la
transparence fiscale
En droit fiscal, les sociétés de personnes et entités assimilées
prévues par les dispositions de l’article 4 du CIR sont imposées non
pas en leur nom, mais au nom de chacun des associés en proportion de
leurs participations dans le capital ou leur apport. Ces sociétés dites
transparentes sont, « réputées, quelle que soit leur forme juridique, ne
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Voir la loi n°93-125 du 27 décembre 1993, portant loi de finances pour la
gestion 1994.
Voir la loi n° 95-109 du 25 décembre 1995 portant loi des finances pour la
gestion 1996.
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Les avances en matière d’IR et d’IS
pas avoir de personnalité distincte de celle de leurs membres pour
l’application des impôts directs »7.
En vertu des dispositions combinées des articles 4 et 45 du
CIR, les associés des sociétés en nom collectif, des sociétés de
fait, des sociétés en commandite simple, des sociétés en participation
et des sociétés civiles qui ne revêtent pas en fait les caractéristiques de
sociétés de capitaux sont soumis personnellement à l’IR ou à l’IS
pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits sociaux.
Quoique non soumises personnellement à l’IS, les entités visées par
l’article 4 du CIR ont été soumises, à partir de la loi de finances pour
la gestion 1994, au paiement d’une avance au titre de l’impôt dû par
leurs membres.
Cette modification, matérialisée par l’ajout de l’article 51 bis, a
été justifiée par la volonté de contrôler l’imposition des sociétés de
personnes, d’éviter la fraude et d’améliorer les procédures de
recouvrement de l’IR et de l’IS8. L’article 51 bis prévoit que « les
sociétés visées à l’article 4 du présent code sont soumises au paiement
d’une avance au titre de l’impôt sur le revenu des personnes
physiques ou de l’impôt sur les sociétés dû sur les revenus de leurs
associés ou membres ». L’avance était due au taux de 5% sur la base
des bénéfices réalisés au titre de l’année précédente. Quatre années
plus tard, le législateur est intervenu en vertu de la loi de finances pour
la gestion 1998 et a relevé le taux de l’avance prévue par l’article 51
bis de 5% à 15 %9. Une deuxième modification a été effectuée par la
loi de finances pour la gestion 2000 qui a, encore une fois, relevé le
taux de l’avance de 15% à 25% du bénéfice réalisé10, à valoir sur l’IR
ou l’IS dû par chacun des associés ou membres des sociétés visées.
Le relèvement du taux de l’avance au taux de 25% effectué
pour éviter la transformation des sociétés de capitaux en société de
personnes, ne risque-t-il pas, même s’il est justifié par les besoins
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C’est la définition prévue par l’article 1655 ter du CGI.
Note commune n° 6, texte de la DGI 7/1994.
Voir l’article 44 de la loi n° 97-88 du 29 décembre 1997, portant loi de finances
pour la gestion 1998.
Voir l’article 55 de la loi n°99-101 du 31 décembre 1999 portant loi des
finances pour la gestion 2000.
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Les avances en matière d’IR et d’IS
financiers de l’Etat, d’affecter la trésorerie des entités économiques
visées par l’article 4 du CIR ?11
Depuis 1994, le législateur a soumis les entités visées par
l’article 4 du CIR à une nouvelle obligation fiscale faisant d’elles des
sociétés redevables. Désormais, les sociétés transparentes deviennent
des redevables, et ce contrairement à ce que laisse penser l’article 4 du
même code qui impose uniquement les associés, mais jamais les
sociétés.
S’agit-il, alors, d’une reconnaissance fiscale des sociétés de
personnes et des sociétés civiles d’autant plus que le taux de l’avance
(25% des bénéfices) se rapproche du taux de l’IS de droit commun
(30% des bénéfices12)?
On peut penser que l’institution de l’avance complique
davantage notre système fiscal, et ce en créant une interférence entre
l’IR dû par les membres des entités visées à l’article 4 du CIR et un
début d’une imposition au titre de l’IS des dites sociétés.
B- L’avance dû sur certaines importations
Dans le but d’encourager la consommation de certains produits
locaux , l’article 47 de la loi de finances pour la gestion 1996 a
institué une avance sur les importations des produits de consommation
au taux de 10% de la valeur en douane14 desdits produits15. Cette loi a
13
11
12
13
14
15
Note commune n° 9, texte de la DGI 9/2000.
Voir également l’exposé des motifs de la loi de finances pour l’année 2000, p.
105.
Loi n° 1er de la loi n° 2006-80 du 18 Décembre 2006 relative à la réduction des
taux de l’impôt et à l’allègement de la pression fiscale sur les entreprises.
Note commune n° 18 texte de la DGI 1996/30.
La valeur en douane est la base de la taxation sur laquelle s’effectue la
perception des droits de douanes ad valorem et des autres impositions fiscales
intérieures.
Majorée des droits et taxes y afférents.
Soit un commerçant en gros de produits électroménagers qui a importé 20
réfrigérateurs d’une valeur en douane de 300.D l’unité. Dans ce cas, les impôts,
droits et taxes ainsi que l’avance sont fixés comme suit ;
Valeur en douane :
300.D x 20 = 6.000.D,000
Droits des douanes :
6.000.D x 43%= 2.580.D,000
TVA :
( 6.000.D + 20580.D) x 17%=1.458D,600
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Les avances en matière d’IR et d’IS
ajouté au CIR un article 51 ter qui prévoit que l’avance est due par
toute personne soumise à l’IR ou à l’IS au titre des produits importés
pour la mise à la consommation y compris les opérateurs économiques
bénéficiaires d’agrément de magasin de vente sous douane (freeshop).
A contrario, les personnes qui sont en dehors du champ
d’application de l’IR ou de l’IS ou qui en sont exonérées ne sont pas
soumises au paiement de l’avance de 10%. Par conséquent, l’avance
ne s’applique pas notamment aux importations effectuées par l’Etat,
les collectivités locales, les établissement publics à caractère
administratif (lycées, universités,…) les missions diplomatiques, les
associations régies par la loi n° 59-154 du 07 novembre 1959, les
entreprises totalement exportatrices régies par le chapitre premier du
code d’incitation aux investissements et les entreprises installées dans
les parcs d’activités économiques16.
Cette avance est-elle due pour les importations effectuées par
les particuliers ?
L’administration fiscale précise que l’avance de 10% est
applicable aux importations faites par les particuliers qui n’exercent
pas une activité commerciale à titre professionnel, et ce lorsque
l’opération d’importation revêt un caractère commercial au regard de
la législation douanière17.
C- L’avance due par les sociétés totalement exportatrices
sur les ventes locales de certains produits
L’article 16 du code d’incitation aux investissements (CII), tel
que modifié par les articles 31 et 32 de la loi de finances pour la
gestion 2005, prévoit que : « les entreprises exportatrices peuvent être
16
17
Redevances de prestations douanières : ( 2.580 D + 1.458.600) x 2%= 80 D,772
Total impôts, droits et taxes : 2.580D + 1.458.600 + 80D.772 2% = 4.119D ,372
Avance au taux de 10% : ( 6.000D + 4.119, 372) x 10%= 1.011D, 937
Note commune n° 18, texte DGI 1996/30. Toutefois, l’expression « zone
franche économique » utilisée par l’administration fiscale dans sa note
commune est remplacée par « parcs d’activité économiques » en vertu de
l’article premier la loi n°2001-76 du 17 juillet 2001, (JORT n° 58 du 20 juillet
2001).
Note commune n° 18, texte DGI 1996/30.
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Les avances en matière d’IR et d’IS
autorisées à effectuer des ventes ou des prestations de services sur le
marché local à un taux ne dépassant pas 30% de leur chiffre
d’affaires à l’exportation sur la base du prix départ usine réalisé
durant l’année civile précédente ».
Par ailleurs, les produits manufacturés et les prestations de
services dont l’écoulement sur le marché local est autorisé sont soumis
aux procédures et à la réglementation du commerce extérieur et au
paiement des droits de douane et autres taxes à l’importation18.
Ces opérations de ventes et de prestations de services
effectuées sur le marché local, donnent lieu au paiement d’une avance
au taux de 2,5% du chiffre d’affaires global au titre de l’impôt dû sur
les revenus ou bénéfices provenant de ces opérations19.
D- L’avance au titre de l’impôt sur la plus-value
immobilière
Etant donné que l’impôt au titre de la plus-value immobilière
soit libératoire de l’IR20, la plus-value immobilière, constituée par la
différence entre le prix de cession et le prix de revient de l’immeuble,
doit être déclarée dans des conditions autres que celles régissant le
revenu net global. En effet, l’article 60 II du CIR prévoit que la
déclaration de la plus-value visée aux paragraphes 2 et 3 de l’article
27 du CIR doit être déposée au plus tard, à la fin du troisième mois qui
suit celui de la réalisation effective de la cession. En cas de non
déclaration de l’impôt au titre de la plus-value visée au paragraphe 2
de l’article 27 du présent code21, les services de contrôle fiscal
peuvent, à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de la
mise en demeure de l’intéressé, appliquer une "avance d’office" au
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21
Ces ventes sont également soumises à la TVA, au droit de consommation et aux
autres taxes dues sur le chiffre d’affaires conformément à la législation fiscale
en vigueur.
Toutefois, l’écoulement de 30% des produits agricoles et de pêches destinés à
l’exportation n’est pas soumis à ladite avance en application des dispositions du
paragraphe 2 de l’article 17 du CII.
Abderraouf YAICH, Les impôts en Tunisie, op. cit, p. 123.
Il s’agit de la plus value de cession des droits sociaux dans les sociétés
immobilières.
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Les avances en matière d’IR et d’IS
titre de l’impôt précité liquidée au taux de 2,5% du prix de la cession
déclaré dans l’acte22.
S’agit-il d’une taxation d’office, surtout que l’administration
fiscale affirme dans sa note commune n° 10/2002 que conformément
aux dispositions de l’article 60 du CIR, en cas de défaut de
déclaration, l’administration établit une taxation d’office en matière
d’impôt sur le revenu au titre de la plus-value immobilière ?
Aux termes de l’article 60. II du CIR lorsque le contribuable
ne respecte pas ses obligations de déclaration l’administration doit le
mettre en demeure qu’il dispose d’un délai d’un mois pour accomplir
ses déclarations. Lorsque le délai de trente jours est écoulé et le
contribuable n’a pas répondu, l’administration fiscale procède à la
taxation d’office du contribuable.
Par ailleurs, l’impôt dû au titre de la plus-value de cession
immobilière23 visée au paragraphe 3 de l’article 27 du même code est
payé au vu d’une déclaration initiale à déposer au cours du mois qui
suit la date de la notification de la valeur fixée par l’expert du domaine
de l’Etat24. L’impôt perçu sur cette base constitue une avance
déductible de l’impôt dû lors de la cession effective de tout ou partie
du terrain. Cette avance constitue un minimum d’impôt dû au titre de
la plus-value réalisée lors de la cession. N’y a-t-il pas dans ce cas une
dénaturation de l’avance, en principe modalité de paiement, en un
impôt proprement dit ?
II- L’INCERTITUDE DU REGIME DES AVANCES
La multiplicité des avances et les modifications successives de
leurs taux a causé certaines difficultés au niveau de leur mise en
œuvre qui apparaissent à travers l’imputation des avances (A)
l’incertitude de leur restitution (B), et l’hétérogénéité de leur régime
contentieux (C).
22
23
24
Voir l’article 60. II du CIR et NC n°10/2002 Texte DGI n°2002/23.
Il s’agit de la plus value de cession de lots ou partie de lots dont l’origine de
propriété provient de cession autre que par voie d'échange, de terres domaniales
à vocation agricole et qui ont perdu cette vocation.
Voir l’article 60. II du CIR.
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Les avances en matière d’IR et d’IS
A- L’imputation des avances
Les avances au titre de l’IR et de l’IS sont imputables sur
« l’IR ou l’IS dû à raison des revenus ou bénéfices réalisés par
l’intéressé ou lui revenant pendant ce même exercice. L’excédent non
imputé est reportable sur les acomptes provisionnels ou sur l’impôt
annuel exigible ultérieurement. Il peut faire l’objet d’une restitution
s’il provient de l’avance... »25.
L’avance au taux de 25% due par les entités visées à l’article 4
du CIR est déductible, dans les mêmes conditions que la retenue à la
source ou les acomptes provisionnels dus au titre de l’année de son
paiement. Elle est déductible de l’IR ou de l’IS dû par les membres,
chacun au prorata de ses droits dans la société26. Les sociétés soumises
à cette avance imputent les retenues à la source au titre des sommes
leur revenant ainsi que l’avance qu’elles ont payé au titre de
l’importation des produits de consommation sur l’avance dont elles
sont redevables au taux de 25%.
L’avance au taux de 10% due sur les produits de
consommation importés est déductible dans les mêmes conditions que
la retenue à la source et les acomptes provisionnels dus au titre de
l’année de son paiement. En cas d’excédent non imputé sur le premier
acompte, il est reportable successivement sur les deuxième et
troisième acomptes et éventuellement sur l’IR ou l’IS dû au titre de
l’année de son paiement. La loi de finances pour la gestion 2003 a
prévu que la retenue à la source et l’avance payée au titre des produits
de consommation sont imputables sur l’avance au taux de 25% due au
titre du bénéfice fiscal réalisé par les sociétés transparentes.
Concernant l’avance au taux de 2,5% due par les entreprises
exportatrices, elle est imputable sur l’IR ou l’IS dû au titre des
bénéfices réalisés sur le marché local. En cas de non imputation de
toute l’avance au titre de l’importation des produits de consommation,
l’excédent de cette avance est imputable sur les avances dues sur les
bénéfices ultérieurs.
25
26
L’article 54 du CIR.
Mabrouk MAALAOUI, Mémento impôts directs en Tunisie, PRICESWATER
HOUSECOOPERS, 2005, p.419. Cf. également : Abderraouf YAICH, Les
impôts en Tunisie, p. 97 et s.
109
Les avances en matière d’IR et d’IS
Néanmoins, pour les associés dans les sociétés transparentes
l’imputation se limite à l’avance, au taux de 25% au titre des bénéfices
réalisés, payée par les sociétés et groupements chacun à raison de ses
droits dans la société.
B- L’hypothétique restitution des avances
Lorsque le contribuable constate l’existence d’un excédent
d’impôt non imputé, il peut demander la restitution conformément à la
législation en vigueur27.
Avant l’adoption du CDPF, il n’existait pas de texte général et
précis qui exige la présentation d’une demande de restitution28. Le
législateur s’est contenté de préciser que l’excédent non imputé peut
faire l’objet d’une restitution sur demande sans, toutefois, déterminer
l’autorité compétente pour examiner ces demandes ni les procédures à
suivre. Ce n’est qu’avec l’adoption du CDPF que le régime de la
restitution est relativement clarifié. La restitution des sommes perçues
en trop est soumise aux règles et procédures visées par les articles 28 à
35 du CDPF. En cas de demande de restitution, les services de
l’administration fiscale instruisent le dossier du contribuable concerné
suivant les modalités dont la détermination a été attribuée au ministre
des finances29.
Ainsi, le contribuable est tenu de présenter une demande écrite
qui doit comporter certaines mentions obligatoires. De son côté,
l’administration ayant reçu la demande en restitution doit l’enregistrer
27
28
29
Texte DGI n° 2003/14- Note commune n° 07/2003.
Voir EMNA KAKHFAKH, La restitution de l’impôt, mémoire pour l’obtention
d’un DEA en droit public et financier, 1999-2000. p. 53. et s.
Le législateur se contentait d’affirmer, dans l’ancien article 86 du CIR, le
principe de la restitution sans déterminer les modalités de la restitution ni les
procédures à suivre.
En application de l’article 30 du CDPF, le ministre des finances a pris l’arrêté
du 8 janvier 2002. Il s’agit de l’arrêté du 8 janvier 2002 fixant les modalités de
statuer sur les demandes de restitution des sommes perçues en trop, JORT n°4
du 11 janvier 2002, p. 70 et 71. A travers cet arrêté, le ministre des finances a
déterminé les différentes procédures à suivre aussi bien par le contribuable
auteur de la demande en restitution, que par les services de l’administration
chargés de répondre à cette demande.
110
Les avances en matière d’IR et d’IS
et vérifier sa régularité quant à la forme et quant au fond30. L’étude de
la demande en restitution est faite par une commission régionale créée
« sans fondement légal »31. Cette commission présidée par le chef du
centre régional du contrôle fiscal se réunit au moins une fois tous les
15 jours pour examiner les demandes en restitution présentées32. La
création de la commission régionale de restitution est de nature à
remettre en cause le principe de la légalité fiscale puisque constituant
un prolongement de l’opération d’imposition, les règles et les
procédures relatives à la restitution doivent être déterminées par la
loi33.
Toutefois, étant conditionnée par la non imputation du trop
perçu, la restitution paraît hypothétique en raison du déclenchement
quasi-automatique d’une vérification approfondie pour toute demande
de restitution.
C- L’hétérogénéité du régime contentieux des avances
Le régime contentieux des avances n’est pas uniforme. Ce
régime diffère selon qu’il s’agisse de l’avance due par les entités
visées par l’article 51 bis du CIR ou de l’avance visée par l’article 51
ter du même code.
Hormis l’avance due sur les importations des produits de
consommation, les autres avances au titre de l’IR et de l’IS sont
soumises au régime contentieux applicable à l’IR et à l’IS. Ainsi, le
juge de première instance demeure compétent pour statuer en premier
ressort. Ses jugements sont susceptibles d’appel devant la cour
d’appel, ce qui offre plus de garanties aux contribuables34. En effet,
les contribuables soumis à cette avance peuvent présenter leurs
affaires à un juge de second degré pour les réexaminer et même
reformuler les jugements prononcés en première instance.
Concernant les contestations relatives à l’avance sur les
importations des produits de consommation, elles relèvent de la
30
31
32
33
34
Voir les articles 3 et 4 de l’arrêté du 6 janvier 2002.
Voir Sami KRAIEM, Chronique de la législation fiscale, RTF n°1, 2004, p. 122
et s.
Voir l’article 7 de l’arrêté du 8 janvier 2002 précité.
Voir l’article 34 al. 7 de la constitution tunisienne.
Voir l’article 67 du CDPF.
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Les avances en matière d’IR et d’IS
compétence du juge compétent dans le contentieux des droits de
douanes. L’article 51 ter du CIR prévoit que « le recouvrement de
l’avance, le contrôle, la constatation des infractions et le contentieux
s’effectuent comme en matière des droits de douane ». Le juge saisi
des affaires douanières sera donc compétent pour examiner les affaires
relatives à l’avance sur les importations des produits de
consommation35.
Par conséquent, le contentieux de l’avance au taux de 10%
n’est pas régi par le CDPF mais par le code de douane. La compétence
appartient alors, au juge de première instance pour statuer en premier
et dernier ressort36.
Or, est-il cohérent de soumettre une partie de l’IR ou de l’IS,
l’avance de 10%, à un régime contentieux différent de celui régissant
ces impositions alors que le contentieux de l’avance de 25% est aligné
sur celui de l’IR et de l’IS ?
Le contentieux de la restitution des sommes perçues en trop
par voie d’avance se caractérise, aussi, par l’imprécision. En effet, s’il
est vrai que le CDPF a attribué la compétence au juge de première
instance pour statuer dans le contentieux de la restitution37,
l’imprécision des textes juridiques régissant la restitution règne
encore. Alors que la simplification exige l’unification des délais de
présentation des demandes de restitution, le régime introduit par le
CDPF se caractérise par la mise en place de délais généraux pour le
dépôt d’une demande de restitution38. Les délais de présentation d’une
demande de restitution sont assez courts par rapport aux délais de
reprise reconnus à l’administration fiscale. En effet, l’administration
35
36
37
38
Voir dans ce cadre Sami KRAIEM, Le juge compétent en matière fiscale, thèse
de doctorat en droit, Faculté de droit de Sfax, 2006.
Voir les articles 227 et 229 du code des douanes.
Voir l’article 54 du CDPF.
Aux termes de l’article 28 du CDPF, « l’action en restitution des sommes
perçues en trop doit intervenir dans un délai maximum de trois ans à compter
de la date à laquelle l’impôt est devenu restituable conformément à la
législation fiscale et au plus tard, dans le délai de cinq ans à compter de la
date de recouvrement. Toutefois, le délai de cinq ans n’est pas applicable
lorsque l’impôt est devenu restituable en vertu d’un jugement ou d’un arrêt de
justice ».
112
Les avances en matière d’IR et d’IS
fiscale bénéficie d’un délai maximum de dix ans pour exercer son
droit de reprise, cependant, le contribuable ne bénéficie que d’un délai
maximum de cinq ans à compter de la date du recouvrement pour
demander la restitution39.
Conclusion
Complexité, hétérogénéité et instabilité des taux sont les
caractéristiques du régime des avances en matière d’IR et d’IS en droit
tunisien. L’augmentation des taux des avances, l’interférence crée
entre l’IR et l’IS par l’institution d’une avance due par les sociétés de
personnes et la répartition des règles régissant le contentieux des
avances entre le CDPF et le code de douane ne compliquent-elles pas
davantage notre système fiscal ? D’ailleurs, concernant certaines
impositions indirectes, le taux de l’avance a subi une augmentation. Il
en est le cas en matière de TVA40 et de la contribution des
propriétaires riverains aux dépenses de premier établissement et aux
grandes réparations des voies, trottoirs et conduites d’évacuation des
matières liquides41.
Le régime juridique des avances dénote-t-il la « gourmandise »
du fisc qui utilise cette technique pour la collecte rapide des impôts
même si c’est au détriment de la cohérence et la simplicité du système.
En revanche, le fisc se montre avare lorsqu’il s’agit de la restitution
puisque, un contribuable ne peut obtenir les montants indûment payés
que s’il passe par des procédures jugées lourdes et complexes.
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Voir l’article 28 du CDPF.
Le taux des avances a atteint 35%. Voir dans ce cadre l’article 31 de la loi
n°2005-106 du 19 décembre 2005, portant loi de finances pour l’année 2006,
JORT n° 101, p. 3600.
Voir l’article 15. I-4 du CTVA. Il en est de même pour les sociétés dont les
comptes sont légalement certifiés par un commissaire au compte. Voir
également la loi de finances pour la gestion 2007.
Le taux varie entre 10% et 30% de la contribution. Le législateur a laissé au
président de la collectivité locale de le déterminer dans ces limites. Voir l’article
59 du CFL.
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