Dossier de presse acquisition Carrière

Transcription

Dossier de presse acquisition Carrière
Douai, musée de la Chartreuse
26 janvier – 4 mars 2013
Eugène Carrière, La Lecture
Acquisition d’un ensemble de tableaux
d’Eugène Carrière (1849 – 1906)
Dossier de presse
Sommaire
Contacts presse………………………………………………………………………………………………….…..……p
p. 3
presse
Communiqué……………….……………..……………………….……………………………….……......................p
p. 4
Communiqué
Eugène Carrière
Carrière,
rrière, l’inclassable……………………………………..…………………………….......... p . 5
Visuels disponibles pour la presse………………….…………………………………………..……p
p. 6
presse
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Contacts presse
Anne LABOURDETTE
Conservatrice du musée de la Chartreuse
E-mail : [email protected]
MarieMarie-Paule BOTTE
Directrice des publics et de la communication
E-mail: [email protected]
Musée de la
la Chartreuse
130, rue des Chartreux
59500 Douai
Tél. : 33 (0)3 27 71 38 80
Fax : 33 (0)3 27 71 38 84
www.museedelachartreuse.fr
www.ville-douai.fr
www.musenor.com
3
Communiqué
Le musée de la Chartreuse de Douai vient d’acquérir, grâce à un généreux donateur,
Monsieur Philippe Denis, et par l’intermédiaire d’Étienne Bréton (Saint Honoré Art
Consulting, Paris), un ensemble de vingt tableaux, dont quatorze sont de la main
d’Eugène Carrière (Gournay-sur-Marne, 1849 – Paris, 1906). Le musée conserve déjà
trois œuvres de l’artiste, dont deux sont entrées dans les collections grâce au
collectionneur douaisien Henri Duhem (1860 - 1941). Cette acquisition importante va
ainsi permettre au musée de Douai d’étoffer ce fonds.
Cet ensemble, expertisé par les spécialistes de l’artiste, Alice Bourgoin-Lamarre et
Rodolphe Rapetti, permet en effet de montrer le travail de l’un des acteurs majeurs
de la peinture française des années 1875 à 1904, en présentant au public des thèmes
chers à l’artiste : portraits de proches, figures féminines et enfantines, maternités et
un rare paysage. Les tableaux de ses débuts, encore empreints de l’influence de la
peinture hollandaise, font progressivement place à une renonciation à la couleur
franche au cours de la décennie 1880 - 1890, évolution que montrent bien les œuvres
données à Douai. Six tableaux, réalisés dans le style de l’artiste et qui lui étaient
jusqu’alors attribués, témoignent également de l’importance acquise par les œuvres
d’Eugène Carrière sur le marché de l’art, de son décès aux années 1930.
Cette collection sera présentée en totalité au musée du 26 janvier au 4 mars 2013, et
sera ensuite accrochée par roulement, au sein des collections permanentes.
Le patrimoine de la Ville de Douai vient donc s’enrichir d’œuvres dues au talent d’un
artiste les plus originaux de la fin du 19ème siècle et tient à remercier le généreux
donateur pour le geste qu’il a consenti, ainsi qu’Étienne Bréton et Corinne
Hershkovitch, qui sont à l’origine de cette acquisition.
4
Eugène Carrière,
Carrière, l’inclassable1
(Gournay-sur-Marne, 1849 – Paris, 1906)
Eugène Carrière, Au
Autoportrait
toportrait avec Madame Carrière, huile sur
toile, vers 1901.
Acquis par le douaisien Henri Duhem, légué par la fille adoptive de
celui-ci au musée de Douai en 1965. Douai, musée de la Chartreuse,
inv. 2823.
Comme le souligne Rodolphe Rapetti2 « Eugène Carrière fait partie des artistes qui
déjouent les catégories stylistiques à travers lesquelles nous avons coutume d’appréhender le
XIXe siècle (…) ».
Après avoir étudié le dessin à l’École Municipale de Strasbourg, Carrière pratiqua d’abord
la lithographie pour des travaux commerciaux dès 1867, à Strasbourg puis Saint-Quentin3. Il
rentre ensuite à l’École des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier du peintre Alexandre Cabanel (1823 1889), alors au sommet de sa gloire. Ayant échoué au concours du Prix de Rome en 1876, il quitte
l’École des Beaux-Arts et bâtit peu à peu une trajectoire qui l’éloignera radicalement des leçons
académiques qu’il y a reçues. L’année suivante, il épouse Sophie Desmouceaux avec laquelle il
aura sept enfants. La représentation de sa vie de famille occupera dès lors une place essentielle
dans son œuvre. Cette dernière, marquée à ses débuts par l’influence de la peinture hollandaise
et du naturalisme, abandonne à partir des années 1880 la couleur franche. La palette du peintre
se réduit délibérément, se limitant volontairement à des camaïeux de bruns et/ou de gris, sans
doute sous l’influence conjuguée du peintre Jean-Jacques Henner (1829 - 1905), de sa formation
originelle de lithographe et du décès de son premier fils en 1885. Le décor se simplifie à l’extrême
et le peintre s’attache désormais à la retranscription des effets lumineux sur la toile, mettant en
évidence les contrastes de valeurs et de lumière et les zones de « passages » entre le sujet et le
fond sur lequel il apparaît, porteurs d’une vision symbolique4.
Le soutien de trois critiques influents dans le monde artistique de l’époque, Jean Dolent,
Roger Marx puis Gustave Geffroy fut déterminant pour Carrière au cours de cette même
décennie, son travail acquérant à partir de 1891 une reconnaissance publique et officielle qui le
rendit célèbre. Ami des plus grands artistes de l’époque, au premier rang desquels il faut citer
Auguste Rodin, Carrière est également l’un des créateurs avec ce dernier et Pierre Puvis de
Chavannes de la Société Nationale des Beaux-Arts en 1890. Artiste engagé dans les débats
politiques et sociaux de son époque, peintre lié au symbolisme, son enseignement à « l’Académie
Carrière » sera notamment suivi par Matisse, Derain et d’autres artistes liés au fauvisme entre
1898 et 1903.
À son décès en 1906, sa notoriété était importante. Elle décrut à partir des années 1950.
1
Camille Mauclair, « Eugène Carrière et la psychologie du mystère » in Idées vivantes, Paris, 1904, p. 89.
Rodolphe Rapetti, (dir.), Véronique Nora-Milin et Alice Lamarre, Eugène Carrière, 1849-1906, catalogue raisonné de
l’œuvre peint, Paris, Gallimard, 2008, p. 15.
3
Coll., Eugène Carrière, le peintre et son univers autour de 1900, catalogue de l’exposition du musée de SaintCloud, 5 octobre 1996 – 5 janvier 1997, p. 26.
4
Id., p. 15.
2
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Visuels disponibles pour la presse
Crédit photographique : Douai, Musée de la Chartreuse
Le monde de l’enfance
Portrait d’enfant en costume d’Alsacienne
Vers 1875 – 1880
Huile sur bois, 40,5 x 31,5 cm
Signé en bas à gauche : « EUGÈNE CARRIÈRE »
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, Eugène Carrière,
catalogue raisonné de l’œuvre peint 1849-1906, Paris,
Gallimard, 2008, n°25
Daté de 1875-1880, années au cours desquelles naît la première fille de l’artiste, Elise (Lisbeth), ce portrait
reflète l’intérêt que porte le peintre à l’étude individuelle et au monde de l’enfance. La petite fille se
présente en buste de profil, sur un fond monochrome brun sombre dans lequel sa coiffe noire à petit
nœud tend à se fondre. La lumière qui vient de la gauche laisse une partie de son visage dans l’ombre,
tandis que la partie éclairée peut être étudiée attentivement par le spectateur. La couleur bleue du
bouquet de fleurs qu’elle tient à la main et vers lequel elle baisse les yeux anime subtilement la
composition. Elle constitue en outre, avec le blanc de son costume et la cocarde rouge qu’elle porte sur le
cœur, les couleurs du drapeau français. Ce tableau a été réalisé quelques années après l’annexion de
l’Alsace à l’empire allemand. La représentation du costume strasbourgeois pourrait ici être, outre une
représentation patriotique, un rappel de l’attachement que Carrière avait pour cette région, qu’il
connaissait bien pour avoir longtemps vécu à Strasbourg.
Enfant à l’ombrelle et au shako
1877
Huile sur bois, 24 x 36 cm
Signé et daté en bas à gauche : « Eug. CARRIÈRE 1877. »
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°41
La scène est relativement peu courante sous le pinceau de Carrière : datée, elle se déroule en effet en
plein air et utilise une palette de tons plus large que celle qui sera usitée ensuite par l’artiste. Elle
représente un jeune enfant qui joue avec un shako, le détournant ainsi de sa fonction première, puisque
le terme, repris du hongrois, désigne en effet une coiffure militaire – vraisemblablement ici celle d’un
garde républicain. Cette présence masculine et militaire est également suggérée par la besace qui se
trouve à droite de l’enfant et par les petites bottes noires qu’il porte. Ces dernières sont cependant
disposées de telle manière qu’elles semblent allonger exagérément la silhouette de celui-ci. Les pelotes de
fils blancs, les aiguilles à tricoter l’ombrelle sous laquelle l’enfant s’abrite renvoient par opposition à
l’élément féminin et maternel.
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Les scènes de la vie de famille
La Lecture
1882 ou 1887 – 1888 ?
Huile sur papier, 39,5 x 33,5 cm
Signé et daté en bas à droite : « Eugène Carrière / à Rouveyre /
1882 »
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°113
Cette scène intimiste et la représentation d’une jeune femme lisant se retrouvent
souvent sous le pinceau de Carrière.
La date indiquée dans la dédicace, 1882, correspond toutefois à une époque où
l’artiste n’utilisait pas encore la déclinaison du brun en camaïeu, comme c’est
pourtant le cas ici.
Femme et enfant autour d’une table
Vers 1892
Huile sur toile, 35 x 44 cm
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°466
Influencé par la peinture hollandaise, Carrière a représenté de nombreuses scènes
d’intérieur décrivant les liens unissant les membres de sa famille les uns aux autres.
Cette description revêt à ses yeux un caractère allégorique : d’après lui, l’artiste, en
regardant, apprend à déchiffrer les règles du monde. À travers sa famille, c’est
l’humanité entière qu’il retrouve. C’est le cas ici, où l’apposition de la couleur en
camaïeu de gris donne à la scène une tonalité monochrome tandis que le modelé peu
réaliste, les contours flous et le trait imprécis créent une impression d’irréalité. La
technique utilisée rappelle les grisailles ou les ébauches, pratique tout à fait
nouvelle alors qui va rapidement le placer dans une position marginale au sein du
champ artistique. Le mouvement est rendu par l’emploi de coups de pinceau
circulaires.
7
Les portraits de famille
Femme à la fleur rouge (Madame Carrière)
Vers 1887
Huile sur toile, 35 x 27 cm
Signé en bas vers la gauche : « Eugène Carrière »
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°267
Née Sophie Desmouceaux, fille d’un tanneur parisien, Madame Carrière (1855 – 1922)
est représentée la tête tournée de trois-quarts vers le spectateur, dans un clairobscur marqué. La lumière venant de la droite frappe sa joue gauche tandis que le
reste du visage et la chevelure se fondent quasiment dans l’arrière-plan, sombre et
sans accessoire. Seules les deux roses rouges plantées dans sa chevelure permettent
au modèle de ne pas tout à fait disparaître du premier plan du tableau. Les traits
floutés volontairement par un effet de fondu évanescent laissent au spectateur une
impression d’étrangeté et de mystère, accentuée par les valeurs brunes et sombres
utilisées par l’artiste.
Mélancolie (Madame Carrière)
1888
Huile sur toile, 46 x 38 cm
Signée en bas à droite : « Eugène CARRIÈRE »
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°297
Plus que d’un portrait, il s’agit ici d’une apparition : les traits du visage sont encore
identifiables, modelés par la lumière, tandis que les yeux à peine visible fixent le
spectateur. La matière utilisée par le peintre s’amaigrit par endroits, le fond étant
légèrement frotté au chiffon pour faire apparaître les grains de la toile, par
opposition à la matière plus épaisse et brillante utilisée pour traduire les chairs. La
palette est restreinte aux tons de prédilection de l’artiste : camaïeu de bruns pour le
costume, la chevelure et l’arrière-plan ; blanc pour les manches de la jeune femme ;
blanc rosé pour la carnation.
Cette œuvre fut présentée lors de la première exposition personnelle de Carrière à la
galerie Boussod et Valadon en avril-mai 1891. Elle appartint ensuite à Jean Dolent
(1835 - 1909), écrivain, collectionneur, critique d’art et l’un des plus fervents soutiens
de l’artiste. Dolent avait notamment créé en 1874 les « Têtes de bois », société
d’artistes et de littérateurs dont les dîners mensuels réunirent jusqu’en 1894 toutes
les personnalités créatrices de l’époque.
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Tête de jeune fille (Élise Carrière)
Vers 1887 - 1888
Huile sur toile, 33,4 x 24 cm
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°399
Élise, née en 1878 et également appelée Lisbeth, est le premier enfant du couple
Carrière. Son père la représenta à de nombreuses reprises tout au long de sa vie. Elle
est peinte ici de face, son visage seul semblant émerger de manière évanescente et
mystérieuse d’une pénombre brun-ocre. La technique ici utilisée par l’artiste est
assez peu usitée chez lui : la toile est d’aspect très lisse, au rendu quasiment
« porcelainé » et la profondeur du regard est rendue grâce au grattage de la toile par
le manche du pinceau.
Les figures féminines
Femmee assise ou Femme au bracelet
Femm
Vers 1892 – 1895
Huile sur toile, 35 x 27 cm
Cachet d’atelier en bas à gauche : « Eugène Carrière »
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°475
L’étude du corps féminin et la représentation de la femme occupent chez Carrière
une part importante de sa production : ici, la lumière frappant la jeune femme
depuis la gauche met en évidence son aspect sculptural.
Son visage aux traits esquissés, le mouvement de sa robe qui finit par se confondre
au fond sur lequel elle se détache et la distorsion volontaire de son anatomie
(élongation exagérée du bras gauche, position non réaliste des épaules) donnent au
spectateur l’impression d’une image étrange et irréelle, porteuse d’un sens
mystérieux qui lui échappe. Pour figurer les points de lumière, l’artiste a laissé la
toile en réserve, enchaînant des touches plus fondues de bistre pour rendre la
fluidité de l’étoffe de sa robe. Par opposition aux contours imprécis utilisés pour la
représenter, le bracelet qu’elle porte est orné d’un motif de libellule au rendu plus
net.
9
Profil de femme
Vers 1895 – 1900
Huile sur toile, 43 x 37 cm
Signé en bas à gauche : « Eugène Carrière »
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°651
Ce portrait de femme vue de profil joue sur l’opposition entre la partie gauche de
l’œuvre, où le visage est traité avec réalisme (front, nez, yeux, bouche et menton sont
très clairement individualisés) et la partie droite, où la chevelure se dissout
progressivement dans le fond. La limite entre premier et arrière-plan devient ainsi
de plus en plus imprécise au fur et à mesure de la lecture de l’œuvre, de gauche à
droite. La jeune femme semble regarder en elle-même, le spectateur demeurant
étranger à son monde intérieur.
Le tableau est réalisé entièrement « en jus », par une pâte colorée fortement diluée
avec une essence volatile : de ce fait, l’œuvre n’est construite que par le jeu des
valeurs. En écartant la couleur et la lumière naturelle, Carrière renonce à la
représentation d’un espace rationnel. D’autre part, l’artiste a, par endroits, essuyé
certaines zones au chiffon, laissant la matière de la toile apparente et signant dans
la matière avec le manche de son pinceau. De par ses démarches, il prend le contrepied de la technique académique, qui privilégiait les surfaces lisses et l’aspect
brillant des peintures.
Imploration
1896
Huile sur toile, 61 x 37,8 cm
Cachet d’atelier en haut à droite : « Eugène Carrière »
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°691
Dans les années 1894 – 1896, Eugène Carrière réalise une série d’études devant servir
à la réalisation d’un diptyque intitulé Une Femme. Ce tableau est très proche du
point de vue du style d’un grand nombre d’entre elles.
La monochromie utilisée ici pour reproduire l’attitude d’une femme en prière
produit un effet de dématérialisation et d’irréalité. L'indétermination du fond
sombre sur lequel surgissent le visage et les mains du modèle ont d’ailleurs permis à
l’époque des rapprochements stylistiques avec la sculpture contemporaine de
Medardo Rosso (1858 – 1928) et l’aspect « non fini » des œuvres d'Auguste Rodin. Le
refus d'une couleur réaliste chez Carrière se heurtera cependant à
l'incompréhension d'une grande partie de la critique tout en rapprochant ses
recherches de celles des artistes symbolistes.
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Les maternités
Maternité
Vers 1900
Huile sur toile, 55 x 46 cm
Cachet d’atelier en bas à gauche : « Eugène Carrière »
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°965
La scène très intimiste représentée ici montre une mère tenant à bout de bras son
bébé, tous les deux se regardant l’un l’autre, indifférents au spectateur. L’attention
de ce dernier est attirée vers la retranscription du mouvement des personnages : la
composition réduite à l’extrême joue sur la ligne serpentine constituée par le corps
de la mère, la dynamique circulaire de son mouvement étant retranscrite par celle,
tourbillonnante, de la brosse de l’artiste.
Cette représentation trahit l’influence de l’’Art nouveau sur Carrière : utilisation de
la ligne courbe, stylisation presque abstraite des personnages dont l’anatomie est
volontairement ignorée. Elle l’apparente également aux peintures des Nabis, en
particulier de Maurice Denis qu’il fréquente alors régulièrement.
Les scènes de maternités sont nombreuses chez l’artiste, qui a dessiné et peint sans
relâche sa vie intime : l’illustration des relations familiales constitue pour lui un
motif d’observation et de réflexion philosophique, l’harmonie qui s’en dégage étant
proche des valeurs d’harmonie universelle auxquelles il croit et qu’il défend.
L’utilisation d’une couleur non réaliste et non mimétique symbolise l’intemporalité
de la scène.
Les Petits Pieds, scène maternelle
1900
Huile sur toile
33 x 41 cm
Cachet d’atelier en bas à gauche : « Eugène Carrière »
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°970
Le groupe constitué par l’enfant et sa mère se tient devant des fenêtres éclairées.
Pour autant ce décor d’arrière-plan n’en reste pas moins mystérieux et difficilement
identifiable. L’accent est mis ici, comme souvent chez Carrière, sur le corps du bébé,
porteur de lumière et donc de vie. La mère qui tient l’enfant sur ses genoux tout en
l’enveloppant de son corps est en train de lui frotter les pieds, mais la raison de son
geste demeure ignorée par le spectateur. Selon l’artiste, la mère est l’élément central
de la cellule familiale, insufflant vie et mouvement au bébé. L’année précédant la
réalisation de cette toile, la dernière fille de l’artiste, Arsène, est née.
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Le portrait
Étude pour le Portrait de Lucienne Bréval
Vers 1904
Huile sur toile, 65 x 54 cm
Cachet d’atelier en bas à droite : « Eugène Carrière »
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°1241
Lucienne Bréval (1869 – 1935) était une cantatrice suisse naturalisée française qui
s’illustra dans les grands rôles alors dévolus aux sopranos dramatiques, chez des
compositeurs aussi différents que Meyerbeer, Wagner, Berlioz ou Fauré. Après avoir
débuté à l’Opéra de Paris en 1892, elle partit pour une longue tournée internationale
et revint en France en 1903. C’est à ce moment-là que Carrière réalisa au moins deux
portraits d’elle, à sa demande semble-t-il.
Il s’agit ici d’une étude pour l’un d’entre eux.
Carrière se concentre ici exclusivement sur le visage et le regard de la jeune femme,
sans introduire d’indices ou d’éléments liés à sa profession. Le portrait est par
conséquent traité intégralement à l’aide de courbes, formant un mouvement
circulaire enveloppant autour de sa tête. À l’aide du pinceau et de la brosse, il utilise
également la ligne serpentine pour modeler les éléments de la physionomie de la
jeune femme, en particulier la bouche et les yeux. L’aspect vaporeux, le mouvement
circulaire presque tourbillonnant et l’alternance de touches claires et foncées
produisent un effet extraordinaire, teinté de charme et de mystère, sur le
spectateur.
Au cours des années 1890 – 1900, Carrière s’affirma comme un excellent portraitiste,
lui qui était considéré jusque-là comme un peintre de genre. Répondant à des
commandes mais également à une volonté personnelle d’exprimer son respect, son
admiration ou sa reconnaissance aux nombreuses personnalités qu’il fréquentait
alors, il s’attache à déchiffrer le secret et le mystère qu’il pressentait chez chacun de
ses modèles.
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Le paysage
Magny : la meule
Vers 1901 ?
Huile sur toile, 33 x 41 cm
R. Rapetti (dir.), V. Nora-Milin et A. Lamarre, op. cit., n°1121
Eugène Carrière et sa famille se rendaient souvent en été à Magny-les-Hameaux, près
de Paris, auprès de leur ami, le compositeur Raymond Bonheur (1856 – 1934) – neveu
du peintre Rosa Bonheur.
Adoptant une peintre monochrome, le peintre réussit à rendre ici le motif en
variant l’intensité des valeurs et en jouant sur les contrastes lumineux. La matière
très maigre laisse transparaître la toile, notamment dans l’étonnant premier plan,
vide, qui occupe la moitié inférieure de la composition. Le second plan constitué par
la colline vient s’opposer à la clarté de ce premier plan et à celle du ciel. La
composition est légèrement animée par la présence des arbres, rendue grâce au
mouvement tourbillonnant du pinceau.
La peinture de paysages est un aspect relativement méconnu de la production
d’Eugène Carrière. Au cours de la décennie 1890 – 1900, son œuvre étant de mieux en
mieux appréciée, il élargit son horizon en effectuant de nombreux voyages et publie
ses premiers textes sur sa conception de l’art et du monde. Il y précise qu’il
recherche, à travers la représentation des paysages qu’il traverse, une manière de
communier avec la nature. La figure humaine en est le plus souvent absente, mais
elle est suggérée, comme c’est le cas ici par la représentation des activités de
l’homme : les meules, rendues sur la toile avec une économie de moyens qui
témoignent du talent de l’artiste.
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