Antigone de Sophocle
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Antigone de Sophocle
446 450 455 520 525 Κρέων (...) ᾔδησθα κηρυχθέντα μὴ πράσσειν τάδε; Ἀντιγόνη ᾔδη· τί δ᾽ οὐκ ἔμελλον; ἐμφανῆ γὰρ ἦν. Κρέων καὶ δῆτ᾽ ἐτόλμας τούσδ᾽ ὑπερβαίνειν νόμους; Ἀντιγόνη οὐ γάρ τί μοι Ζεὺς ἦν ὁ κηρύξας τάδε, οὐδ᾽ ἡ ξύνοικος τῶν κάτω θεῶν Δίκη τοιούσδ᾽ ἐν ἀνθρώποισιν ὥρισεν νόμους. οὐδὲ σθένειν τοσοῦτον ᾠόμην τὰ σὰ κηρύγμαθ᾽, ὥστ᾽ ἄγραπτα κἀσφαλῆ θεῶν νόμιμα δύνασθαι θνητὸν ὄνθ᾽ ὑπερδραμεῖν. οὐ γάρ τι νῦν γε κἀχθές, ἀλλ᾽ ἀεί ποτε ζῇ ταῦτα, κοὐδεὶς οἶδεν ἐξ ὅτου ᾽φάνη. τούτων ἐγὼ οὐκ ἔμελλον, ἀνδρὸς οὐδενὸς φρόνημα δείσασ᾽, ἐν θεοῖσι τὴν δίκην δώσειν· (...) Κρέων πορθῶν δὲ τήνδε γῆν· ὁ δ᾽ ἀντιστὰς ὕπερ. Ἀντιγόνη ὁμῶς ὅ γ᾽ Ἅιδης τοὺς νόμους τούτους ποθεῖ. Κρέων ἀλλ᾽ οὐχ ὁ χρηστὸς τῷ κακῷ λαχεῖν ἴσος. Ἀντιγόνη τίς οἶδεν εἰ κάτωθεν εὐαγῆ τάδε; Κρέων οὔτοι ποθ᾽ οὑχθρός, οὐδ᾽ ὅταν θάνῃ, φίλος. Ἀντιγόνη οὔτοι συνέχθειν, ἀλλὰ συμφιλεῖν ἔφυν. Κρέων κάτω νυν ἐλθοῦσ᾽, εἰ φιλητέον, φίλει κείνους· ἐμοῦ δὲ ζῶντος οὐκ ἄρξει γυνή. Créon (...) Connaissais-tu mon édit ? Antigone Oui, je le connaissais : pouvais-je l'ignorer ? Il était tout à fait clair. Créon Et tu as osé ne pas respecter mes lois ? Antigone Oui, car ce n'est pas Zeus qui les a promulguées, ni la Justice qui siège auprès des dieux infernaux : elle n'a jamais fixé de telles lois aux hommes. Je ne pensais pas que tes édits fussent assez puissants pour permettre à un mortel de violer d'autres lois, des lois non écrites, celles-là, mais intangibles car ce sont celles des dieux. Elles ne datent ni d'aujourd'hui ni d'hier, elles sont éternelles, nul ne sait quand elles sont apparues. Pouvais-je donc, par crainte d'un homme, leur désobéir, et risquer la vengeance des dieux ? (...) Créon Il ravageait sa terre, lui se battait pour elle. Antigone Hadès n'en veut pas moins appliquer ses lois. Créon Le bon et le méchant ne sont pas égaux. Antigone Qui sait si nos maximes restent pures aux yeux des morts ? Créon Un ennemi même mort n'est pas un ami. Antigone Je ne suis pas née pour haïr mais pour aimer. Créon Descends donc là-bas, et, s'il te faut aimer à tout prix, aime les morts. Moi vivant, ce n'est pas une femme qui fera la loi. Sophocle, Antigone, représentée en 442 av.J.-C. Créon (...) Tu avais entendu proclamer l'édit aux carrefours, tu avais lu l'affiche sur tous les murs de la ville ? Antigone Oui. Créon Tu savais le sort qui y était promis à celui, quel qu'il soit, qui oserait lui rendre les honneurs funèbres? Antigone Oui, je le savais. Créon Tu as peut-être cru que d'être la fille d'Oedipe, le fille de l'orgueil d'Oedipe, c'était assez pour être au-dessus de la loi. Antigone Non. Je n'ai pas cru cela. Créon Le loi est d'abord faite pour toi, Antigone, la loi est d'abord faite pour les filles des rois ! Antigone Si j'avais été une servante en train de faire sa vaisselle, quand j'ai entendu lire l'édit, j'aurais essuyé l'eau grasse de mes bras et je serais sortie avec mon tablier pour aller enterrer mon frère. Créon Ce n'est pas vrai. si tu avais été une servante, tu n'aurais pas douté que tu allais mourir et tu serais restée à pleurer ton frère chez toi. Seulement tu as pensé que tu étais de race royale, ma nièce et la fiancé de mon fils, et que, quoi qu'il arrive, je n'oserais pas te faire mourir. Antigone Vous vous trompez. J'étais certaine que vous me feriez mourir au contraire. (...) Anouilh, Antigone, représentée en 1944