Belle gueule Belgrade - Gauthier de Hoÿm de Marien

Transcription

Belle gueule Belgrade - Gauthier de Hoÿm de Marien
SF74-OK
82
28/02/10
19:05
Page 82
SO FOOT _ LÉGE NDE, E N PARTENAR IAT AVEC ESPN CLASSIC
Belle gueule
Belgrade
Le 29 mai 1991, à l’occasion de la centième finale européenne organisée par l’UEFA,
l’astronave de Bari découvre une constellation, celle de l’Étoile Rouge de Belgrade.
Une équipe de rêve qui va décrocher la lune, juste avant de tomber dans le trou noir.
– Par Gauthier de Hoym / photos: Panoramic, DPPI, DR
“Nous allons battre les
Allemands sur leur pelouse.”
Le 8 avril 1991, à quarante-huit
heures de sa demi-finale contre
le Bayern Munich, et devant un parterre
de journalistes, Dragan Dzajic passe pour
un illuminé. Le directeur technique de
l’Étoile Rouge n’a pas la réputation d’être
un fin blagueur, et pourtant, ce jour-là,
l’audience se marre en silence. La dernière
confrontation entre son club et une équipe
allemande, qui remonte à fin 1989, a été
un véritable fiasco; et il ne s’agissait que
du FC Cologne. Cette fois, avec
Augenthaler, Reuter, Kohler, Effenberg,
Thon et Wohlfarth, le Bayern annonce du
lourd. Sauf que Dzajic a senti le truc.
“C’était la première fois qu’il sortait une
chose pareille. Dzajic n’avait pas la
réputation d’être un grand optimiste.
Alors quand nous avons entendu ses
paroles, ça nous a donné une force
incroyable. Ce jour-là a été un moment clé
de notre histoire”, se souvient Vladan
Lukic, l’actuel président du club, et
membre de l’épopée de 1991. Trois jours
plus tard, les Yougoslaves quittent la
capitale bavaroise avec une victoire
historique (1-2) et onze culottes de peau à
la ceinture. L’acte fondateur d’une équipe
qui allait devenir, quelques mois plus tard,
la meilleure de la planète.
f
L’Étoile devient constellation
Ce déclic, Dzajic l’attendait depuis 1979,
date à laquelle il est intronisé directeur
technique. Avec plus de six cents matchs
joués sous les couleurs de l’Étoile, il
connaît la maison. Il en est devenu
l’éminence grise. “Très rapidement, il s’est
imposé comme la personne qui avait les
clés de l’organisation sportive. C’est lui
qui choisissait les joueurs, et il a su se
montrer patient. Lorsqu’on a gagné la
coupe des champions en 1991, ça faisait
plus de cinq ans qu’il travaillait sur cette
équipe. Il a réussi à attirer les meilleurs
joueurs de Yougoslavie. Ils pouvaient être
très demandés, quand l’Étoile Rouge
appelait, ils choisissaient l’Étoile Rouge”,
continue Lukic, admiratif. De Skopje à
Ljubljana, Dzajic huile son réseau. Entre
1986 et 1989, il construit en grande partie
l’équipe qui remportera la coupe des
champions puis l’Intercontinentale contre
les Chiliens de Colo-Colo. Premier coup
de génie en 1987, lorsqu’il recrute Robert
Prosinecki, un Croate de18 ans, laid et
lent, qui vient de se faire virer comme un
malpropre du Dinamo Zagreb. Miroslav
Blazevic, alors sur le banc du Dinamo: “Si
ce garçon devient joueur de football, je
mange mon diplôme d’entraîneur.” Dzajic
le signe. Et Prosinecki devient la tête de
gondole d’une génération de joailliers
(Boban, Suker, Stimac, Jarni, Mijatovic),
sacrée championne du monde des moins
de 20 ans. Le Rubik’s Cube se met en
place. Autour de Stojanovic, Jugovic et
Lukic, tous formés au club, viendront se
greffer Marovic en 1986, Sabanadzovic en
1987, Najdoski, Savicevic et Pancev en
1988, Belodedici et Radinovic en1989 et
enfin Binic et Ljupko Petrovic,
l’entraîneur, en 1990. Sinisa Mihajlovic,
lui, ne signera qu’en décembre, après
avoir été repéré du temps où il jouait à
Vojvodina, sous les ordres d’un certain…
Petrovic, avec lequel il fut champion deux
ans auparavant. Fin des années 80,
l’Étoile Rouge est définitivement the place
to be.
Les Brésiliens
Macédoniens + Serbes + Roumains +
Bosniaques + Monténégrins + Croates =
Brésiliens. L’équation est improbable,
mais elle va comme un gant aux joueurs
de l’Étoile Rouge, surnommés les…
“Si ce garçon devient joueur de football, je mange
mon diplôme d’entraîneur” Blazevic, à propos de Prosinecki