uv 405 histoire medecine

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uv 405 histoire medecine
HISTOIRE
ET
PETITES HISTOIRES
DE LA
MEDECINE
ET DES
MEDECINS
UV 405
P. PILARDEAU
PLAN
1
MEDICUS
LA GENESE
Magie et chamanisme
Les saints guérisseurs, les miracles
MEDECINE ET CIVILISATION
MEDECINE PREHIPPOCRATIQUE
La médecine assyrienne
La médecine égyptienne
La médecine hébraïque et chrétienne
LA MEDECINE GREQUE
La médecine crétoise, mycénienne et pré hippocratique
La médecine hippocratique
La médecine post hippocratique
LA MEDECINE A ROME
LA MEDECINE ARABE
LE MOYEN AGE
Le haut moyen âge (476-1100)
Le moyen âge (1100-1453)
LA RENAISSANCE
DE LA RENAISSANCE AUX LUMIERES
REVOLUTION, EMPIRE ET MEDECINE MILITAIRE
DES ROMANTIQUES AUX IMPRESSIONISTES
MEDICUS
2
La médecine, de medicus « médecin » est définie dans les dictionnaires modernes comme une
science destinée à soigner les malades (et non pas les maladies). Cette distinction est fondamentale, car
elle intègre dans l’exercice professionnel les dimensions humaine et artistique indispensables. Ainsi,
même si l’on peut considérer la médecine comme une science, très imparfaite d’ailleurs, il n’en est pas
de même de son exercice, qui lui relève de l’art. Les plus anciens papyrus, et Hippocrate lui-même,
mettent en exergue cette dualité en distinguant la part du scientifique (examen, remède) et celle de l’art
(diagnostique, prescription). « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », pourrait se traduire
dans notre discipline par « Médecine sans humanisme n’est que cautères sur jambe de bois ».
Dès les origines, c’est la conscience qui domine la science. Le guérisseur, le chamane, le
sorcier… traitent l’âme autant que le corps. Toute l’histoire de la médecine est empreinte de
l’importance qu’il faut attacher au patient dans sa globalité humaine (physique, psychologique et
sociale). Ce n’est qu’à la révolution française que le rationalisme prôné par les philosophes comme
Hegel et Descartes placera la science au centre de la réflexion médicale. La révolution des mœurs,
l’industrialisation, l’exode rural, la technique au service de la santé, refouleront peu à peu la part
d’humanisme à sa portion congrue, ravalant le malade à une maladie, le patient à un cas, l’homme à un
bilan biologique ou radiologique, jusqu’à ce que le médecin ne communique qu’avec l’ordinateur
trônant sur le bureau.
Ce cours envisagera dans un premier temps l’histoire de la médecine en fonction des
différentes civilisations, et dans un second temps, en fonction de ses spécialités de la renaissance à nos
jours.
Ce document ne concerne que l’histoire de la médecine périméditerranéenne à l’exclusion
d’autres civilisations (précolombienne, Indou, Chinoise) dont la richesse médicale est considérable
mais dont l’influence sur la médecine occidentale reste relativement faible. Il est enrichi d’une
multitude de « petites histoires » à mon sens aussi importantes que les grandes. Ces bruits et ces
chuchotements qui ont traversé le temps et les mémoires consignent le fondement même des pulsions
humaines, la peur, l’envie, la haine, l’amour, le désintéressement, l’humanisme... Ils s’inscrivent, dès
les origines, comme un bruit de fond qui parcoure les siècles mais dont l’origine reste toujours
identique, comment exister ?
LA GENESE
« Le seigneur Dieu forma donc l’homme du limon de la terre ; il répandit sur son visage un
souffle de vie, et l’homme devint vivant et animé » (Genèse II, 7). La conscience lui viendra plus
tardivement (en mangeant le fruit défendu) en même temps que la perte de l’immortalité et
l’appréciation du bon et du mauvais (Genèse III, 7). Pour les trois religions monothéistes, la naissance
de la Médecine peut se situer à ce moment ; prise de conscience de la mort et du corps (douleur lors de
l’accouchement, sueur au front…), présence de forces macrocosmiques supérieures (Dieu), possibilité
de communier avec ces forces et de les orienter vers le bien ou le mal. Traduit en langage athéiste la
démarche demeure identique en supposant qu’une telle conception ait pu prévaloir à la naissance de
l’humanité.
Quels sont donc les gènes premiers du phénotype médical ? Comment est-on passé de la
conscience individuelle à la conscience collective, autrement dit comment a-t-on pu imaginer
d’interférer dans le microcosme d’autrui pour son bien ou son malheur. Des éléments de réponses se
trouvent dans les premiers textes arrivés jusqu’à nous (sumériens, égyptiens, chinois…). Tous ces
documents se réfèrent en premier lieu à l’équilibre cosmique, le jour et la nuit, la position des astres,
les cycles de la nature environnante. Bien avant que l’imaginaire de l’homme invente l’atome
(Démocrite, Leucippe en 400 Av JC) et compare cette partie indivisible de l’univers au cosmos, des
astronomes lisaient déjà des signes dans les étoiles et les rapportaient aux convulsions humaines
(guerre, épidémie, sécheresse…). Avec ou sans Dieu (les atomistes grecs étaient athées) l’homme
n’était que le reflet de la mécanique stellaire, un corps obéissant aux lois célestes et dont le
fonctionnement intime relevait des conjonctions planétaires que celles-ci soient divines ou non.
La médecine est donc née de ce besoin de communiquer et d’influer sur le microcosme en
faisant appel à des « transmetteurs » qui, suivant les civilisations seront chamans, scribes, astrologues
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alchimistes, sorciers, guérisseurs, hommes médecine pour terminer momentanément leur évolution en
médecin.
Dès la période néolithique (15 000 ans avant JC), l’homme réalise une véritable révolution
portant sur la prééminence du symbolique. La religion se développe suivant une logique
transcendantale. Le culte des morts apparaît et l’on pense pouvoir guérir les malades en créant une
communication cosmique. Entre -3000 et moins -1000 se met en place une culture de la trépanation
(on a découvert 510 crânes trépanés dont 250 en France pendant cette période), c'est-à-dire de la voie
de transfère direct entre l’intérieur du crâne et les puissances célestes. Dans certaines régions, l’on
trouve dans les ossuaires, jusqu’à 17% de crânes trépanés (Baumes chaudes). Cette intervention avait
de bonnes chances de cicatriser, puisque de 56 à 70% des crânes retrouvés, présentaient un biseau de
régénération (la cicatrisation intervient six à huit semaines après l’intervention).
Crânes néolithiques trépanés
Hormis la trépanation elle-même, on retrouve la symbolique du « mal extirpé » dans la sacralisation de
la rondelle crânienne qui peut être portée au tour du cou comme amulette.
Dans pratiquement toutes les civilisations (Mésopotamienne, Egyptienne, précolombienne)…
les trépanations présenteront un caractère magique en rapport avec la conscience, l’âme et le
psychologique. L’ablation de la pierre de folie au moyen âge semble ainsi perpétrer la continuité de
ces pratiques empiriques.
La technique de trépanation incas nous est particulièrement bien connue :
Trépanation par fragmentations contiguës
(Musée de Nasca)
Le sujet devant subir l’intervention était préalablement rasé, on appliquait ensuite,
pendant 24 heures, des feuilles de coca sur la peau pour provoquer une sorte d’anesthésie
locale. Le sujet lui-même consommait de la drogue comme anesthésiant.
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La trépanation était réalisée par percussion avec un couteau d’obsidienne (pierre très
dure taillée), après avoir disséqué et récliné la peau.
Avant la fermeture, l’opérateur plaçait une prothèse qui pouvait être une plaque d’or,
d’argent ou de coucourbe préalablement séchée et découpée.
La suture était ensuite réalisée avec des mandibules de fourmis (en tenant les fourmis
par l’abdomen, on positionnait les mandibules sur chaque berge de la plaie avant, d’un coup
sec, de sectionner la fourmi au niveau du thorax pour ne laisser en place que la tête). L’acide
formique libéré lors de cette opération servait d’antiseptique.
Les jours suivants on appliquait sur la plaie du miel comme antibactérien (la très forte
osmolarité du glucose jouait un rôle de lyophilisant, interdisant toute prolifération
bactérienne).
Magie et chamanisme
La magie, au même titre que la médecine, est un art visant à produire par des procédés
occultes des phénomènes inexplicables pouvant engendrer le mal (magie noire) ou le bien (magie
blanche). Envisagée d’un point de vue purement scientifique, on peut considérer que «La magie
correspond à une activité tendant à produire un effet dont la relation directe avec celle-ci n’est pas
subjectivement explicable par la loi de causalité » (Lexa F.1929).
D’un point de vue psychanalytique, la magie induit l’activation par l’inconscient de processus
psychosomatiques susceptibles de produire des manifestations cliniques, objectivement indépendantes
de l’objet initial, et dénuées de toute traçabilité scientifique.
Quelle que soit la définition retenue, la magie s’exerce toujours en plusieurs temps :
= L’étude des signes (osselets, astrologie, boule de cristal, entrailles
d’animaux sacrifiés, volutes de fumée… ou tout autre médiateur) susceptibles d’établir le diagnostic.
= La communication, le sorcier, grâce à la transe (de lui-même ou de son
patient) entre en contact avec les puissances divines ou sataniques dont il espère pouvoir tirer profit
(incantation, envoûtement, formule magique...)
= La prescription peut alors être prescrite sous différentes formes, charmes,
philtres, potions, prières, jeûne, scarification, sacrifice animal...
Dans tous les cas le patient doit être prévenu qu’il est sous l’emprise d’un charme ou d’un
envoûtement.
Ces trois phases, sont communes aux pratiques magiques quelle que soit la civilisation, depuis
que le développement de la conscience a permis de concevoir un au-delà, et l’existence de forces
susceptibles d’être orientées par un rituel connu du seul sorcier, magicien ou chamane.
Le fondement de la magie repose sur l’existence de forces invisibles sur lesquelles le chaman,
le magicien ou l’homme médecine peut agir. Ces forces s’expriment entre le macrocosme universel et
le microcosme de l’organisme par des similitudes directes. Ainsi les quatre éléments, le feu, l’eau, l’air
et la terre constituent ils un équilibre subtil à la fois dans l’organisme et l’environnement. Le Yin et le
Yang des médecines traditionnelles chinoises, se retrouvent à la fois dans le climat (chaud, sec,
humide, froid) et la géographie du lieu (vallée, altitude, milieu aquatique, désert). De la même façon
en Mésopotamie, puis en Grèce, chaque planète sera sensée influer sur le comportement d’un individu
et ses éventuels dérèglements (sujets lunatique, uranien, martial, saturnique, solaire…).
Dans ce cadre, les relations entre les puissances macrocosmiques et l’individu, peuvent être en
partie maîtrisées par des rituels, des talismans ou des amulettes.
La tentation de « traiter » naîtra tout naturellement de l’observation des astres et de la
croyance en ces forces qui seront bientôt rationalisées en divers dieux, spécialisés dans des domaines
très précis, depuis la lutte contre la stérilité, le traitement des asthénies diverses et même la prévention
(prémunition contre les épidémies, la famine, les grossesses pathologiques…).
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L’écriture magique, les religions, l’alchimie (à l’origine de la pharmacopée), la cabale…
enrichiront peu à peu cet art qui, sous les coups du naturalisme d’abord, puis du cartésianisme et du
rationalisme ensuite, aboutira aux conceptions modernes de la médecine au milieu du 19ème siècle.
Les saints guérisseurs, les miracles
Au-delà des « intermédiaires patentés » sus cités, d’autres entités ont été sollicitées pour
apporter la guérison. Ces dernières présentent la particularité d’avoir achevé leur vie terrestre pour
œuvrer dans le ciel (pour les croyants) comme intercesseur entre Dieu et les hommes (toujours le
même principe). Bien que selon la formule célèbre, il faille mieux s’adresser à Dieu qu’à ses saints,
ces intermédiaires sont une multitude à travers le monde et les civilisations. Quand leur action
bénéfique se réalise, on parle alors de Miracle.
Saint guérisseur, mode d’emploi :
Premièrement choisir la spécialité du Saint en fonction de la pathologie (Saint Cadot
pour la surdité, Saint Bernard pour les maladies de peau, Saint Elm pour les douleurs
intestinales et les accouchements…). Certains d’entre eux sont plus généralistes (Sainte
Bernadette par exemple).
Deuxièmement, effectuer le rituel correspondant à la demande, toucher une pierre,
boire de l’eau, s’immerger, planter un clou dans un arbre, effectuer un pèlerinage…
Troisièmement attendre le résultat. Si ce dernier est positif et sans rapport avec une
action médicale concomitante, la manifestation du saint patron peut être considérée comme
miraculeuse.
Cette intersession divine a toujours été considérée comme prodigieuse (De miraculum,
prodige), donc inexplicable de façon rationnelle et susceptible de provoquer l’étonnement (mirari,
s’étonner).
La médecine moderne est-elle encore capable d’effectuer des miracles, ou tout au moins des
prodiges ? Peut être, tant qu’une part d’inconnue et d’humanisme perdurera, certainement plus, quand
le rationalisme scientifique aura tué définitivement la croyance en l’homme !
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MEDECINE ET CIVILISATION
L’histoire de la médecine c’est l’histoire de l’humanité. Art parmi les arts, partie intégrante de
la philosophie, la médecine est indissociable de notre conscience d’homme, vouloir la raconter c’est
vouloir raconter l’homme.
Les vivants ne peuvent rien apprendre aux morts,
Les morts au contraire instruisent les vivants
François René de Chateaubriand
Si l’histoire de la médecine ne commence qu’avec les premières tablettes d’argiles, c’est qu’il
a fallu attendre l’invention de l’écriture pour retrouver les premiers éléments de diagnostic. En fait, la
tentative de soigner débute avec la conscience humaine et la conceptualisation de la mort c'est-à-dire à
la naissance de l’homme.
Dieu lui-même n’a-t-il pas réalisé la première anesthésie « Dieu envoya donc à Adam un
profond sommeil » (Genèse II, 21) ; pour cloner Eve « Et le seigneur Dieu, de la côte qu’il avait tirée
d’Adam, forma la femme… » (Genèse II, 22).
Chaque civilisation, chaque culture même, a « inventé » sa médecine à partir de données
rationnelles ou irrationnelles, de mélanges subtils de croyances, de psychologie et de véritables
recettes pharmaceutiques.
Certaines de ces pratiques sont toujours utilisées aujourd’hui, soit par attachement aux
traditions, soit plus prosaïquement quand la médecine conventionnelle aboutit à un cul de sac, et n’est
plus en mesure de proposer une solution thérapeutique efficace.
Chronologie des civilisations
5000
2000
1000
500
0
500
1000
1500
Sumer
Egypte
Hébreux
Grèce Pré hippocratique
Grèce hippocratique
Grèce post hippocratique
Rome
Arabe
Moyen âge occidental
Hippocrate
Hippocrate étant considéré comme le père de la médecine, il est classique de scinder la
médecine en trois grandes époques, pré hippocratique, hippocratique et post hippocratique.
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MEDECINE ASSYRIENNE
Il y a environ 5000 ans, l’homme établissait en Mésopotamie (le Pays entre les deux fleuves,
le Tigre et l’Euphrate) un premier système d’écriture. La plus célèbre des Cités-états construites dans
la région fut Sumer (3000 ans avant JC). Le sumérien se confondit peu à peu avec d’autres écritures de
l’empire d’Akkad pour donner le dialecte babylonien.
Les chaldéens, un des derniers peuples héritiers de Babylone, développèrent l’astronomie,
l’astrologie, la médecine... Parallèlement ils inventèrent des instruments scientifiques originaux
(astrolabe, système de poids et mesure, cadran de l’horloge…) et mirent au point une chronologie
basée sur le nombre 60 que nous conservons encore aujourd’hui pour les minutes et les secondes.
Comme beaucoup de peuples avant eux, les mésopotamiens pensaient que la maladie était une
malédiction divine en rapport avec une violation du code moral. Les Dieux étaient nombreux, et leurs
compétences multiples, mais celui de la médecine était représenté tenant à la main un serpent à deux
têtes (et non pas encore les deux serpents du caducée propre au Dieu Mercure). La mue du serpent
symbolisait la mort et la régénérescence, la maladie et la guérison.
Les connaissances anatomiques étaient pratiquement inexistantes. Il semble que le foie, ait été
considéré comme le centre vital du fait de la convergence des vaisseaux portes, hépatiques et cave.
Hormis le foie, aucun autre organe n’a été noté dans les milliers de tablettes d’argiles concernant la
médecine.
Les étudiants étaient formés dans des écoles « religieuses » et se servaient de tablettes d’argile
pour graver les connaissances dispensées (on en a recensé plusieurs dizaines de milliers sur le site de
Ninive).
Les médecins soignaient les dignitaires et les notables tandis que les barbiers chirurgiens (déjà
à cette époque) opéraient à la fois les nobles, les esclaves et même les animaux. La rémunération du
praticien variait en fonction de la richesse du patient, de 2 shekels pour un esclave (payé par le maître)
à 5 shekels pour un notable. La médecine vétérinaire était moins bien rémunérée, 1/6 de shekel pour
opérer un âne (et encore si celui-ci était guéri). Les rémunérations étaient relativement élevées (la
location d’un logement coûtait à l’époque 5 shekels) mais le métier n’était pas sans risques (en cas
d’échec thérapeutique, les mains du praticien pouvaient être tranchées…). Le Code d’Hammourabi, la
plus ancienne réglementation médicale connue (vers 1700 ans avant JC), précise le mode d’exercice et
les devoirs de ces praticiens.
Le diagnostic était divinatoire, on le posait après étude des astres, la réalisation d’incantations
et une sémiologie frustre, sur laquelle on ne dispose que de très peu de documentation (toux,
expectoration, douleur, frisson, convulsion, diarrhées…). Une autre technique diagnostique consistait
à étendre le malade à l’extérieur de sa maison pour que les passants, qui avaient souffert de troubles
semblables, donnent leur avis sur le type de maladie et le traitement qui leur avait réussi.
Les maladies étaient regroupées par symptôme ou par localisation anatomique, mais il est bien
difficile aujourd’hui de reconnaître de quelle pathologie il s’agissait. Les patients qui présentaient de
la fièvre étaient isolés pour éviter que les esprits malins qui les possédaient ne s’en prennent aux
proches. Cette notion de « sortilège contagieux » a certainement limité le risque épidémique important
dans cette région.
La pharmacopée était très importante, des centaines de produits extraits d’animaux, de plantes
ou de substances minérales, étaient administrés au patient per os, en fumigation, en lavement ou sous
forme de suppositoire. La posologie et les heures des prises médicamenteuses dépendaient
essentiellement de la position des astres.
La chirurgie était employée pour les ruptures de tendon, les plaies, les abcès et les trépanations
dont l’indication était vraisemblablement d’ordre magique.
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MEDECINE EGYPTIENNE
Parallèlement à la médecine sumérienne, se développe en Egypte un art médical qui ne
trouvera son équivalence que beaucoup plus tard en Europe (au 16ème siècle)
La période pharaonique s’étend de la première dynastie 5300 à 2800 Av JC) à la 32ème
dynastie (dite ptolémaïque qui prend fin à la mort de Cléopâtre VII en -30 Av JC).
1ére
16ème
25ème
32ème
5300 à 2800
1570 à 1320
1180 à 1070
jusqu’à 30 Av JC
Vers moins 2000, l’Egypte pharaonique comptait environ 7 millions d’habitants répartis entre
la haute Egypte et la basse Égypte (région du delta), population relativement faible compte tenu de la
taille de l’Egypte, mais paradoxalement assez dense du fait des zones d’occupation du territoire (le
long du Nil et dans le delta).
= Sources historiques
L’histoire de la médecine égyptienne nous est connue par les récits des voyageurs grecs de
l’époque de Ptolémée, des romains (César et Antoine) et par un certain nombre de papyrus médicaux
dont les plus importants sont le papyrus d’Ebers (sorte d’encyclopédie médicale), le papyrus d’Edwin
Smith (pharmacologie et pathologie médicale), le papyrus de Berlin n° 3038 (remèdes et indications),
ainsi que de nombreux fragments de papyrus traitant d’une pathologie ou d’un symptôme.
Les indications contenues dans ces documents ont pu être complétées par l’étude des momies
et des ostraca médicaux (tessons de poteries).
Matériel chirurgical
Papyrus Ebers 7766
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Parmi les voyageurs les plus connus citons Strabon (-50 Av JC) et surtout Diodore de Sicile,
célèbre pour son histoire universelle (même époque).
= Le médecin égyptien
Le médecin égyptien « sounou » ou littéralement « celui qui s’occupe de l’homme qui
souffre » peut être généraliste, ou comme le décrit très bien Hérodote spécialiste et, ne s’intéresser
qu’à une seule maladie ou à un groupe de maladies.
Sounou
On trouve ainsi le dentiste, l’ophtalmologiste, le spécialiste des remèdes par voie rectale (le
berger de l’anus), le médecin des maladies « cachées », le médecin du ventre (intestin et utérus), les
médecins spécialisés dans l’utilisation des cautères (chirurgiens ?), les sages femmes à la limite du
monde médical et qui ont déjà leur autonomie.
Les médecins exercent au niveau du palais des pharaons (doyen, médecin de la grande maison,
directeur des médecins), au niveau des chantiers (ouvriers travaillant aux nécropoles ou à l’édification
des temples), ou encore dans un domaine agricole. Les pharmaciens ne constituent pas encore une
profession indépendante. Ce sont les médecins, ou assistants (infirmier ou garde malade ?), qui
préparent les médications dont les recettes sont souvent complexes, à base de plantes (4 ou 5 par
préparation) de graines, d’huile ou de bière. Les aides médicaux effectuaient les différents bandages et
pansements.
La formation des médecins était assurée dans « des maisons de vie » par des médecins
travaillant en collaboration avec les prêtres et les scribes (lettrés). Le recrutement, variable suivant les
époques, concernait les enfants de médecin et certainement aussi des « boursiers » comme cela semble
être le cas sous la domination de Darius 1er.
La rémunération de ces médecins était variable suivant leur position sociale. Si les « grands
médecins » pouvaient percevoir des sommes importantes, se voir attribuer des esclaves, des métaux
précieux, des femmes, du bétail et même un emplacement funéraire, le médecin de rang plus modeste
ne recevait que des rations de graines (un khar pour un médecin, alors qu’un potier en recevait trois).
Oudja-Hor-Resnet
On a gardé la trace d’un certain nombre de médecins célèbres comme Oudja-Hor-Resnet et
Iouti médecins du palais, Psammerck-Seneb dentiste royal, Iri ophtalmologiste, Mererouka médecin
des rameurs royaux, Imhotep vizir, architecte médecin (2700 av JC), depuis la 5ème dynastie, aussi bien
en haute qu’en basse Egypte.
10
Imhotep
La pratique médicale consistait à écouter et à examiner le malade pour donner un
diagnostic. La formulation de ces examens dans les papyrus médicaux respecte cette chronologie « Si
tu examines un homme qui, quand tu verras, quand tu sentiras sous la main…, Si le patient présente
une douleur…. », « Alors tu diras il s’agit de la maladie… ».
Une fois le diagnostic posé, le médecin annonce au patient s’il est capable de proposer une
thérapeutique ou non « Je pourrai faire quelque chose pour cette maladie » ou au contraire « je ne
peux rien faire » et dans ce dernier cas on conseille souvent au patient de s’adresser aux prêtres.
Si une technique ou une thérapie existe, le papyrus décline alors les instructions pour traiter le
patient : « tu en feras une réduction, tu mettras en place des tampons » la préparation « tu en feras
une réduction, tu mettras en place des tampons » et la composition du remède « résine de térébinthe,
noyaux de date, galène, natron… », la manière de le préparer « a broyer fin, à tamiser à travers une
étoffe… », son mode d’administration « tu fumigeras le vagin de la femme, à répandre sur les yeux, à
appliquer sur la plaie, à introduire dans l’anus… » et la durée du traitement « pendant la totalité de la
nuit, pendant quatre jours… ».
Bien avant que les canons de la médecine hippocratique servent de référence, la démarche
médicale moderne était déjà en place. La large part réservée à la sémiologie et au diagnostic en dehors
de toute considération magique (la magie ne trouve une place qu’en thérapeutique quand les
ressources médicales sont insuffisantes), donne à ces médecins, spécialistes ou omnipraticiens, une
éthique tout à fait remarquable, notamment dans la connaissance des limites de leur art. Il faudra
plusieurs millénaires pour retrouver la cohérence de la démarche
= La santé
La notion de santé était parfaitement connue des égyptiens qui se portaient des souhaits de
« bonne santé, porte-toi bien ».
Les effets de la consommation d’alcool sur la santé sont particulièrement bien décrits dans
nombre de papyrus « Tu cours de cabaret en cabaret, prenant de la bière au point de faire
fuir. La bière quand elle envahit un homme, maîtrise son âme. Tu deviens semblable à un
gouvernail brisé qui n’obéit plus d’aucun côté, et comme une chapelle sans Dieu, comme une
maison sans pain et dont les murs sont chancelants. Tu jettes à bas la table, les gens fuient
devant toi et tu leur infliges des blessures Ah ! si tu voulais bien savoir que le vin est une
abomination, si tu voulais bien maudire les liqueurs et avoir au cœur autre chose que les
chopines de bière » (Papyrus Anastasi IV), ou encore « tu parles et des paroles inintelligibles
sortent de ta bouche… ». Mais c’est dans le papyrus Insinger que la formule est la plus belle
« Qui trop de vin se remplira, le mal aux cheveux, au lit le tiendra ».
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= Connaissances médicales
Les connaissances médicales étaient très variables suivant l’appareil concerné. Il existait
souvent une assez bonne connaissance de l’anatomie tandis que la physiologie restait embryonnaire.
Cette dissociation n’empêchait toutefois pas de déterminer les rapports entre sémiologie et diagnostic.
+ Anatomie
Les connaissances anatomiques sont assez étendues chez les égyptiens qui étaient capables de
déterminer non seulement les repères anatomiques externes comme la peau, l’œil, le maxillaire
inférieur, la tête, les cheveux, le nez, le ventre, le sein, la bouche, l’anus, le nombril, le cordon
ombilical, le phallus, la vulve et ses lèvres, le vagin… , mais aussi nombre d’organes internes du fait
des éviscérations pratiquées lors de la momification, comme le cœur, l’utérus, la rate, le pancréas,
l’intestin, le foie, la vésicule biliaire, l’estomac, les reins, le poumon, la moelle épinière, les
méninges…. La connaissance du squelette était également très bonne avec des déterminatifs
spécifiques pour les os des membres (cuisse, avant bras, jambes, voûte plantaire), les articulations
(épaule, cheville), le crâne et le rachis (les rachis cervical et dorsal sont individualisés).
Les médecins disposaient donc de données anatomiques sérieuses, très clairement identifiées
dans les différents papyrus, qui leur permettaient de poser des diagnostics d’une étonnante précision
quand les données physiologiques suivaient, ce qui n’était malheureusement pas toujours le cas.
+ Cardiologie
Il ne s’agit pas de cardiologie au sens propre du terme mais de connaissances concernant la
circulation sanguine regroupées dans un traité dit « du cœur et des vaisseaux ». Dès cette époque, le
cœur est considéré comme le centre de l’âme, l’expression de l’amour. Cette entité qui perdure
aujourd’hui dans les expressions courantes, « avoir bon cœur, donner son cœur, briser le cœur … »,
était tellement importante à cette époque que le cœur était laissé en place lors des momifications (alors
que le cerveau était extrait).
Les descriptions anatomiques des vaisseaux sont le plus souvent sans rapport avec l’anatomie,
d’autant que les veines, les artères et un certain nombre de tubes excréteurs (glandes nasales,
uretères,…) sont confondus avec les vaisseaux. La répartition des troncs vasculaires semble ainsi
correspondre beaucoup plus à un schéma relevant de pratiques magiques que d’une véritable analyse
anatomique (suivant les traités on compte 46 à 22 vaisseaux).
Les battements du cœur sont perçus par les Egyptiens au niveau des membres et du cou, et
interprétés en fonction de leur fréquence. Sa localisation à gauche et les quatre vaisseaux qui s’y
raccordent sont également connus, sans que l’on sache le sens de circulation des fluides. Ainsi, l’air
contenu dans les poumons est pompé par le cœur, distribué dans les artères et apporté aux tissus. Si le
résultat physiologique est globalement respecté (oxygénation des tissus à partir de l’air inspiré), la
physiologie du système vasculaire reste pratiquement inconnue. Cette confusion relève en partie des
observations réalisées lors des embaumements. A l’ouverture des corps pour éviscération (plusieurs
semaines souvent après le décès pour éviter les pratiques nécrophiliques) on constate que le sang se
trouve collecté dans les gros troncs veineux, alors que la contraction post mortem des artères les font
apparaître comme « vides ». A partir de cette observation, les Egyptiens déduisirent que le sang ne se
trouvait que dans le système à basse pression alors que le cœur et les artères, conduisaient de l’air
provenant des poumons.
Sur le plan physiopathologique la confusion est presque totale. Les vaisseaux étant en charge
de transporter l’urine, l’air, le sperme, les matières fécales (en fait tout ce qui était liquide), on
comprend l’importance que les Egyptiens apportaient à l’étude des excrétions (notamment fécales) et
aux nombreux remèdes sensés régulariser ce « transit » très particulier (drogue, émétiques, purges,
saignées…). On retrouve dans ces prescriptions pré hippocratiques les canons thérapeutiques qui
régneront sur le monde médical jusqu’au 17ème siècle et même parfois au-delà (Voire Broussais).
Les diagnostics en rapport avec le cœur et les vaisseaux relèvent pour beaucoup
d’extrapolations prenant en compte nos connaissances modernes.
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Le vaisseau qui apporte de l’eau en excès au cœur
Les vaisseaux du cœur sont muets
La danse du cœur
La « piqûre » du cœur
Si tu examines un malade qui présente des douleurs simultanées
de l’estomac, tandis qu’il a des douleurs dans son bras sa
poitrine, dans un côté de son estomac…. Tu lui diras c’est la mort
qui menace.
Si tu examines un gonflement des vaisseaux sur la peau d’un
membre et que son aspect augmente, devient sinueux et prend la
forme d’un serpent, et qu’il est constitué de nombreux nœuds,
comme s’il était gonflé avec de l’air…
Si tu examines un gonflement des vaisseaux dans un membre d’un
homme et que tu le trouves hémisphérique, et qu’il croît sous tes
doigts à chaque battement…
+ Voies respiratoires
Les poumons sont connus des Egyptiens qui les relient aux voies respiratoires supérieures et
au cœur :
Deux vaisseaux se trouvent sous les clavicules, l’un du côté droit, l’autre du côté gauche et
reliant la gorge et le larynx, ils approvisionnent ses poumons.
La signification physiologique de la respiration est également parfaitement assimilée, même si
comme nous l’avons vu, la physiologie vasculaire reste nébuleuse.
Quant à l’air qui entre dans le nez, il pénètre dans le cœur et les poumons, et ce sont eux qui
le distribuent à tout le corps.
Deux signes pathologiques sont biens connus des médecins Egyptiens, la toux et la gêne
respiratoire. Pour la toux les remèdes appliqués sont particulièrement nombreux, mais la majorité
d’entre eux utilisent le miel pour adoucir la gorge. Pour le nez et la gêne respiratoire il existait des
fumigations à base de résines aromatiques (la fumée est aspirée à l’aide d’un roseau creux)
+ Voies urinaires
Les pathologies urinaires étaient également bien connues des médecins Egyptiens. On
reconnaît dans les descriptions :
-
-
L’incapacité à « expulser par l’urine toute accumulation qui est
dans le ventre », pour la rétention d’urine
Les remèdes pour « régulariser l’urine quand le bas ventre est
douloureux » ou quand « l’urine n’est plus régulière », « faire
cesser l’urine quand elle est trop fréquente », « faire disparaître
une douleur brûlante à la vessie, en même temps que des douleurs
lorsqu’il urine », pour les dysuries avec ou sans cystite.
Traitement pour cesser « les fuites d’urine », « régulariser les
fuites excessives », pour la pollakiurie et les polyuries.
La majorité des remèdes sont proposés per os, mais il existe également des applications péniennes.
+ Traumatologie
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Les échardes et les aiguillons d’insectes étaient extraits, puis la plaie était pansée avec des
produits gras. Le panaris « si du pus les entoure, si ils ont mauvaise odeur… », est traité avec du
sulfure d’arsenic.
Les brûlures sont parées avec des corps gras
Les morsures de crocodiles (nombreux dans le Nil) ou d’animaux, étaient traitées par
application de viande fraîche (antiseptique et anticoagulante). Il existe également de nombreuses
recettes pour les morsures infligées par un voisin ou un ennemi.
Les morsures de serpents et les piqûres de scorpion ne bénéficiaient d’aucune thérapie connue,
seules les prières et les amulettes étaient utilisées.
Les plaies étaient examinées (qualité des berges, inflammation, surinfection…), puis traitées
en fonction de leur état (application de viande fraîche pour l’hémostase, rapprochement des berges
avec des bandes collantes enduites de résine, désinfection, laissée en état et traitées par des
applications médicamenteuses en cas de surinfection.
Les luxations sont très bien connues et décrites par les praticiens de l’époque. La description et
la pose d’anneaux pour les clavicules est particulièrement bien décrite : « Si tu examines un homme
ayant une luxation des deux clavicules et si tu trouves que ses deux clavicules regardent en haut… tu
les ramèneras en arrière de façon qu’elles reviennent en place, tu les banderas avec des rouleaux
rigides de lin, puis tu traiteras avec de la graisse et du miel jusqu’à guérison ».
La distinction est même réalisée entre les luxations haute et moyenne du rachis cervical « tu
trouveras que cela lui enlève le contrôle de ses deux bras et de ses deux jambes tandis que sa verge est
en érection, que de l’urine tombe de son membre sans qu’il s’en rende compte tu diras c’est une
luxation cervicale, mais si c’est du sperme qui survient à l’extrémité de son membre raidi qui reste
immobile sans pouvoir se redresser ou s’abaisser tu diras c’est une vertèbre du milieu de son cou qui
est déplacée, dans ce cas tu diras une luxation pour laquelle je ne peux rien faire.. ».
Les fractures sont en général bien diagnostiquées et bien traitées. La fracture de la clavicule
est réduite « tu le mettras couché sur le dos sur les deux épaules de façon à porter la clavicule en
dehors jusqu’à ce que la fracture soir réduite » et immobilisée « tu lui confectionneras deux bandes
de lin et tu lui appliqueras une de chaque côté du bras puis tu le penseras… ».
Le diagnostic et le mauvais pronostic des fractures du crâne sont généralement assez bien
exposés, y compris la fracture du rocher, où le praticien retrouve des esquilles osseuses dans le conduit
auditif externe. Les crépitations perceptibles sous les doigts lors d’une fracture engrainée sont
également décrites.
Les fractures des membres étaient réduites et des attelles ou des contentions en toile de lin
résinée pouvaient être proposées au patient. Un bâton fourchu se substituait à la canne anglaise. «tu en
feras une réduction, tu mettras en place des tampons »
+ ORL
La sphère ORL était traitée par le praticien qui pouvait prendre en charge :
Le coryza (instillation nasale, gommes odorantes, applications)
La fracture des os propres, réduction, « nettoyage des narines avec deux
pinceaux de lin », tampons de graisse dans les narines, contention
La déviation de la cloison, hémostase avec deux mèches de lin, réduction
manuelle, après résorption de l’œdème (tampons gras) contention par « des rouleaux
rigides de toile au moyen desquels son nez sera solidement maintenu ».
Les plaies de la narine (nettoyage avec du lin, réparation par points de suture,
hémostase par application de viande fraîche, traitement de la cicatrice avec une
pommade grasse).
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Les plaies de la gorge, comme pour le nez l’hémostase est réalisée avec de la
viande fraîche, la plaie est suturée, un drain est laissé en place.
Les otites qui sont démembrées en séreuses « simple lourdeur de l’oreille » et
aigues avec « douleur lancinante, écoulement ». Les traitements sont appliqués
localement par introduction de pâtes dans le conduit auditif (poudre pour assécher,
acacia pour l’écoulement, tête de musaraigne si l’assèchement est trop important.).
L’os ou l’arrête plantée dans la gorge était extrait avec deux doigts ou par régurgitation d’huile
préalablement avalée et vomie « en appliquant deux doigts sur les deux muscles de sa gorge. Pendant
cela, tu fais par les doigts une pression violente en haut, de façon que tu chasses l’huile hors de la
gorge ; l’os sortira sur le champ en dehors avec l’huile ».
+ Odontostomatologie
Les signes cliniques de la névralgie dentaire sont parfaitement imagés dans le texte recueilli
dans le papyrus Anastasi IV « Tous les muscles de la face tressaillent, l’ophtalmie s’est mise dans mon
œil, les vers rongent mes dents »
Les premiers « dentistes » limitaient leurs interventions au raffermissement des dents (caries)
par obturation (résine de térébinthe, terre de Nubie, miel) et des gencives par mastication de pâtes
(pulpe de date, bière douce) qui sera crachée après usage. Ils étaient également capables de suturer une
plaie de la langue et de repositionner une mandibule luxée.
+ Ophtalmologie, maladie des yeux
Les médecins égyptiens ont toujours porté une attention particulière aux yeux et à la vue. Des
centaines de recettes pour diverses affections sont aujourd’hui connues des archéologues.
La blépharite « quelqu’un qui a des paupières qui ne peuvent plus produire de cils » pouvait
bénéficier d’application d’eau froide dans laquelle avait macéré des feuilles d’aloès, d’acacia,
chrysocolle, farine de coloquinte… ». Une formule très proche était utilisée pour l’orgelet ou
l’ectropion. Pour traiter le trichiasis (cils retournés), on pourra « extirper le cil » puis poser un
emplâtre local composé de sang d’animaux (âne, chien, porc, chèvre) de térébinthe et de… fiente de
lézard (cette dernière prescription relève de la magie qui consiste à utiliser un animal totalement
dépourvu de cil). Le « retournement des chairs de l’œil » ou ectropion répond à un mélange d’ocre
jaune, de térébinthe et de chrysocolle.
Canaux lacrymaux
Le larmoiement post traumatique est traité par application de solution de térébinthe et de
diverses plantes.
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Conjonctive
La conjonctivite est une affection courante en Égypte (conjonctivite aigue, trachome,
hémorragie conjonctivale, ophtalmie aigue). Il existe plusieurs recettes pour « faire disparaître le
trachome des yeux, la graisse dans les yeux, pour combattre l’inflammation, pour écarter des yeux le
sang… ». Outre le natron, la galène, la terre du Nubie… on signalera la graisse de tortue (ces reptiles
présentent au coin des yeux des sécrétions semblables à celle observée dans le conjonctivite).
Cornée
Les cicatrices cornéennes (ou taies) sont soignées par analogie inverse (les taies sont blanches,
le traitement comprend du pigment pour encre).
Iris
Les remèdes et la sémiologie concernant l’iris sont pour le moins curieux. Les écoulements
purulents de l’œil sont comparés aux leucorrhées vaginales « tu diras ce sont des sécrétions de l’utérus
dans les yeux ». Le traitement est comme pour les maladies vaginales, à base de térébinthe par
fumigation. La mydriase, bien caractérisée mais dont l’origine est inconnue des médecins égyptiens,
est traitée à base de sulfure d’arsenic et d’écorce d’ébène.
Cristallin
L’opacification du cristallin était bien connue des égyptiens qui l’appelait la « montée de l’eau
dans les yeux ». Ce terme se retrouve en Grèce (upoxusis) et en latin (suffusio). L’appellation
moderne, cataracte ou «chute d’eau » a pour origine la terminologie égyptienne. Cette sénescence du
cristallin était parfaitement reconnue mais il n’existait pas à cette époque de remède efficace.
Rétine
« Ne t’arrête pas de pleurer sur moi car je suis dans les ténèbres. Je vois l’obscurité pendant
le jour » « Je veux avoir mes yeux, ils ne sont pas là ».
La cécité, très souvent représentée sur les murs des tombeaux, avait de très nombreuses
origines et pratiquement aucun remède efficace sinon la prière. Le foie de bœuf rôti et pressuré,
l’antimoine, humeur extraite des yeux de porc, galène ocre jaune… étaient diversement préparés et
administrés en lotion ou en compresse.
Harpiste aveugle
Harpiste aveugle
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+ Dermatologie
La dermatologie égyptienne ne permet pas d’établir de diagnostic évident. Cependant elle
propose une multitude d’onguents destinés à l’esthétique corporelle « améliorer la peau, lutter contre
les rides et le vieillissement, foncer ou éclaircir la cicatrice en rapport avec une brûlure, éliminer les
traces de coups, diminuer les démangeaisons, les enflures des jambes… ».
Comme dans beaucoup de produits en dermatologie moderne, la graisse ou les huiles servent
de base aux diverses préparations. Les produits actifs sont issus de graines broyées et mélangées à la
substance grasse.
Le cuir chevelu est l’objet de toutes les attentions. La calvitie, la pelade, le blanchissement des
cheveux peuvent se traiter avec de la graisse de lion, de crocodile, d’hippopotame, de serpent, de chat,
de bouquetin… mélangée à des produits aux connotations magiques (sabot d’un âne, patte de chien,
chiures de mouches, organes génitaux de chienne, entrailles de poisson, souris cuite et pourrie…).
Les ongles seront traités avec du natron, de la résine de térébinthe, de la terre de Nubie, le tout
mélangé en pâte et maintenu sur l’ongle avec une bande.
+ Système digestif
La physiopathologie digestive se résume aux maux d’estomac, aux douleurs intestinales, à
l’inflammation de l’anus. Le foie n’est cité qu’une seule fois dans le papyrus d’Ebers sans que l’on
puisse discerner de quoi il s’agit.
La sémiologie gastrique se résume aux douleurs, à l’asthénie qui accompagne ces douleurs, à
la palpation de l’estomac (dur, mobile..) et de façon plus étonnante à de possibles hématémèses ou
melaena. « Si tu examines un malade qui a une gêne dans l’estomac et que cette gêne a formé
obstruction après avoir traversé le canal, tandis que son cœur va à la dérive et que son estomac est
desséché, tu diras, c’est un nid de sang qui n’est pas encore solidifié, tu le feras descendre au moyen
d’un remède… Ce mélange descendra soit de sa bouche soit de son anus semblable à du sang de porc
après qu’il a été cuit... ». Description remarquable du melaena !
Les remèdes proposés sont essentiellement réalisés à base de bière mélangée à de la graisse,
des noyaux de dattes broyés, des fruits, de l’orge et des résines végétales.
A cette époque les douleurs épigastriques sont souvent confondues avec les pathologies
coronaires (v. cœur).
Des cas d’indigestion semblent également avoir été décrits sous le terme de « paresse
digestive ».
La physiologie intestinale, bien que confuse dans son fonctionnement intime, est comme la
respiration, parfaitement assimilée dans sa finalité ; absorption/excrétion. La pathologie intestinale en
elle-même est assez peu détaillée dans les divers papyrus, alors que les remèdes destinés à « purger »
le patient de ses humeurs néfastes sont légions. Les émétiques et les clystères seront donc indiqués
pour tout un ensemble de pathologies diverses, souvent sans rapport avec le « mal de ventre ».
- « Pour libérer le ventre et faire disparaître la maladie : graines de ricin à
mâcher et à avaler avec la bière jusqu’à ce que tout ce qui est dans le ventre
en sorte ».
- « Pour provoquer la défécation, fèves, graines du souchet comestible à
broyer dans du miel avec du vin de palme ».
- « Pour ouvrir le ventre : pignons, graisse d’oie, mil, bière douce
On retrouve également dans ces potions du sycomore séché, divers fruits, de l’orge cuit et
séché, des huiles… L’orge, le ricin et les fèves sont en effet d’excellents laxatifs.
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De façon assez curieuse, il n’existe pas dans ce chapitre de remède contre les diarrhées
pourtant très répandues dans les régions marécageuses du delta.
L’anus est l’objet d’échauffement, de brûlure et de gonflement. Ces divers signes peuvent être
accompagnés de rectorragies « si tu trouves du sang qui est derrière lui… », et même de prolapsus,
intitulés « retournement de l’anus ».
Les traitements se prennent per os (raisin, caroube, miel…), par application en pansement
local sur un morceau de lin (huile, feuilles d’acacia cuites et broyées), en lavement (à conserver toute
la nuit) ou en suppositoire « un autre remède qu’on fait après ; besetbeset, huile meheret, miel. Mettre
en un sac de tissu. Tu feras quatre boulettes. Introduire l’une d’elle dans l’anus chaque jour… »).
La hernie inguinale est magnifiquement décrite « Si tu examines un gonflement du coin du
ventre, au dessus des organes génitaux, alors tu placeras ton doigt dessus et tu examineras son ventre
et tu frapperas avec tes doigts ; si tu examine la tuméfaction qui est sortie et qui apparaît par sa toux,
alors tu diras : c’est un gonflement de la couverture du ventre, c’est une maladie que je traiterai ».
+ Déformations corporelles
Ce type de déformation non traumatique ne faisait pas l’objet de diagnostic particulier. La
poliomyélite, les pieds bots, le mal de Pott, la scoliose, la cyphose, le nanisme, l’obésité… faisaient
l’objet d’observations qui étaient simplement reproduites sur les bas reliefs ornant les tombeaux ou
sous forme de statuettes.
Nanisme
Obésité
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Poliomyélite
Nain
Bossu
+ Infectiologie, parasitoses,
Les médecins égyptiens savent reconnaître les infections et leurs manifestations, « blessure
enflammée, les ulcérations, les phlyctènes, la douleur, les gonflements rouges, les suppurations,
l’augmentation de la chaleur locale et la fièvre qui accompagne l’infection ». L’examen clinique
signale également « la moiteur du visage par la sueur », « les convulsions » liées à l’hyperthermie. On
notera que les signes cardinaux de l’inflammation (douleur, chaleur œdème, rougeur) sont déjà
parfaitement décrits à cette époque.
La lèpre est bien caractérisée et observée cliniquement. Le tétanos est certainement la maladie
infectieuse la mieux décrite par les médecins. « Tu palperas sa blessure » (porte d’entrée) « il tremble
beaucoup, il a du mal a ouvrir la bouche » (trismus), « tu observes que sa salive pend à ses lèvres, il
souffre de raideur dans le cou et il est dans l’impossibilité de regarder ses épaules et sa poitrine, les
ligaments de son cou sont tendus comme deux cordes ».
Les tumeurs, abcès, furoncles, anthrax et ulcères sont traités par application locale de crèmes à base de
miel, de sel, de plomb et de diverses graines mais également par cautérisation. Dans une prescription
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pour abcès on conseille au praticien de refroidir la tuméfaction « un cas que je vais traiter par des
applications froides sur cet abcès… ».
Les parasitoses étaient nombreuses dans ces régions chaudes et humides. Il semble que les
médecins de l’époque aient décrit les signes cliniques de l’ankylostomiase (douleurs costales et
gastriques), l’ascaridiose, du tæniasis (ces deux vers étant traités avec des décoctions de racines de
grenadier dont les alcaloïdes sont très efficaces). Les oxyures sont traités par application locale de
pommade grasse. Enfin la bilharziose semble difficilement identifiable car non associée à l’hématurie,
par ailleurs parfaitement connue des médecins de l’antiquité égyptienne.
+ Gynécologie et obstétrique
Gynécologie
La gynécologie égyptienne était une science relativement en avance sur son temps. L’anatomie
de la vulve, du vagin et de l’utérus est parfaitement décrite dans des papyrus médicaux spécialisés.
Chaque organe dispose d’un hiéroglyphe spécifique ce qui n’est pas le cas pour le reste de l’anatomie.
Sur le plan physiologique les menstruations sont connues et correctement interprétées en ce qui
concerne la fécondation.
Les pathologies retrouvées dans les traités spécialisés concernent :
L’aménorrhée et la ménopause « une femme qui a passé plusieurs années de
sa vie sans que sa menstruation vienne chez elle »
La dysménorrhée « Si tu examines une femme souffrant de l’estomac (terme
générique pour le ventre) alors que ses règles ne viennent pas et si tu trouves quelque chose à la partie
supérieure de son vagin : c’est un caillot dans son utérus… ».
Les vulvo-vaginites « elle évacue une humeur épaisse » étaient traitées par
injection vaginale (terre de Nubie, résine de térébinthe, gomme ammoniaque…).
Le prolapsus utérin est traité par introduction vaginale d’un tampon (sorte de
pessaire) sur lequel « la femme s’assied ».
Le cancer de l’utérus reconnaissable aux douleurs abdominales, aux pertes
sanglantes et à l’odeur particulière de ces pertes (chaire brûlée). Les traitements proposés étaient d’une
grande diversité depuis les emplâtres sur les jambes, les potions, les applications abdominales et même
les fumigations vaginales.
Obstétrique
Conception
La nécessité d’avoir des rapports sexuels pour concevoir est bien établie dans l’Egypte
pharaonique ; « il coucha donc cette nuit là avec sa femme et celle-ci devint enceinte ». D’autres textes
utilisent la formule biblique « il la connut en connaissance d’homme ».
Stérilité
La lutte contre la stérilité était d’ordre purement magique, de même que la détermination du
sexe de l’enfant. Il existe nombre de techniques que l’on retrouvera décrite dans les traités de
médecine grecque « tu feras qu’une gousse d’ail humectée reste pendant toute la nuit jusqu’à l’aube
dans son vagin. Si l’odeur de l’ail passe dans sa bouche, elle enfantera ».
Contraception
La contraception était pratiquée. Il s’agit, soit d’application locale de plantes ou de tampons
destinés à freiner ou à inhiber la progression des spermatozoïdes de manière mécanique (tampon de
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mucilage), ou chimique « un tampon sera imprégné d’acacia, de coloquinte et de date et introduit
dans le vagin ». La production d’acide lactique obtenue par fermentation du sucre des dattes et le la
gomme d’acacia est spermicide, soit de préservatifs masculins réalisés avec des boyaux de mouton
(-1300 Av JC).
Grossesse
La durée de la grossesse n’est connue avec précision que dans la période ptolémaïque, c'est-àdire tardive. Il semble bien que dans les dynasties précédentes la durée de la grossesse n’a été
appréciée qu’à trois ou quatre mois près.
Accouchement
L’accouchement se déroulait à domicile dans une construction légère spécialement bâtie pour
l’occasion avec des roseaux, dans le jardin, la cour de la maison ou sur le toit en terrasse.
La délivrance pouvait se dérouler soit à genoux, soit plus habituellement accroupie, les pieds
posés sur des supports en briques montés pour l’occasion. Cette technique donnera naissance à
l’expression « elle a accouché sur les briques », puis par simplification sémantique « elle a accouché
sur la brique », expression reprise dans les textes hébreux après l’exode et permettant de dater cet
épisode biblique. Des sièges d’accouchement, certainement réservés à l’aristocratie ont été trouvés
dans la tombe de Khnemöse. La grossesse et l’accouchement se déroulaient sous les bons hospices de
la déesse hippopotame Tarouet.
Déesse Tarouet
Femme sur les briques
L’accouchement était réalisé par des matrones (jamais par des médecins), une se plaçait à
genoux derrière la parturiente et la tenait fermement en l’enlaçant, la seconde, placée devant aidait à la
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délivrance. Déjà à cette époque le mari était exclu du « pavillon des accouchés » ; « laisse nous la voir
car nous savons faire un accouchement… Elles pénétrèrent auprès de Reddjedet, puis elles fermèrent
la chambre sur elle-même ».
Il existait des remèdes pour faciliter la délivrance du placenta « pour faire descendre tout ce
qui est dans le ventre de la femme.. », soit par introduction vaginale, soit par massage abdominal. On
retrouve en Egypte la période de purification qui doit succéder à l’accouchement (14 jours quel que
soit le sexe de l’enfant, alors que cette période est différente dans l’ancien testament).
L’accouchée mangeait alors une sorte de galette au miel qu’elle avait elle-même cuisinée le
matin de la naissance « le pain frais de naissance ».
Accouchement à genoux
Accouchement en position accroupie
Allaitement
L’allaitement se faisait le plus souvent au sein de la mère (quelquefois, l’enfant royal ou de
haut dignitaire, était confié à des nourrices officielles). On remarquera que beaucoup d’Egyptiennes
devaient être droitières puisque l’enfant est presque toujours représenté tenu par le bras gauche de la
mère. La durée de l’allaitement était en moyenne de trois ans « ta mère t’a conçu en dix mois ; elle t’a
nourri en trois ans ». Bien que non précisé dans les documents, il est possible que les anciens aient
noté que la femme restait stérile pendant la période d’allaitement. Cette longue période pour le retour
de couche pouvait être ainsi un autre moyen contraceptif.
Isis allaitant Horus
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Comme dans toutes les civilisations il existe des recettes magiques pour favoriser les montées
de lait. Les plus intéressantes sont à base d’orge fermenté, à mettre en parallèle avec la bière qui était
sensée provoquer les montées de lait de nos grand-mères.
Les maladies du sein secondaires à l’allaitement (gerçures, mastite, seins douloureux) étaient
combattues avec un mélange de chiures de mouches, terre de Nubie, bile de bœuf (toujours utilisée à la
moitié du 19ème siècle), appliqué directement sur le sein.
Il semble bien que l’allaitement artificiel ait été pratiqué avec des récipients présentant un très
petit goulot.
+ Pédiatrie
Les traitements proposés aux enfants n’étaient pas véritablement spécialisés. A la naissance, le
pronostic vital se limitait au cri poussé par le nouveau né et à la tonicité de son rachis cervical. La toux
était calmée par du lait sucré. Pour l’énurésie il n’existait que des incantations magiques.
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MEDECINE HEBRAIQUE ET CHRETIENNE
Des bribes de la médecine hébraïque nous sont parvenues à travers l’ancien testament. Comme
beaucoup de peuples anciens, et notamment les babyloniens, les hébreux pensaient que la maladie était
un châtiment divin mérité pour un péché.
Les médecins devaient obligatoirement être issus de la tribu des prêtres lévites, il leur était
interdit d’exercer le jour du sabbat (ce qui explique le scandale que fit Jésus en traitant une femme
âgée ce jour sacré). Il existait une séparation très nette entre les médecins et les chirurgiens qui
pratiquaient notamment l’algèbre (terme sémitique correspondant à la réduction des fractures et des
luxations, en arabe al djabr).
La médecine hébraïque correspond à l’assimilation de croyances religieuses et de concepts
médicaux issus des différentes déportations (Babylone et l’Egypte). Comme pour les assyriens, la
contagiosité n’existe qu’en terme de spiritualité. Les hébreux sont donc constamment obligés de
respecter des règles de purification concernant l’alimentation, la sexualité, les ablutions avant les repas
et après les rapports sexuels, l’ensevelissement des morts, les sacrifices…
L’importance attachée à la purification empêche pratiquement toute dissection même si l’on
rapporte le cas du Rabin Ismaël qui pratiqua une autopsie sur une prostituée, mais après l’avoir fait
bouillir (1er siècle).
La consultation médicale ne pouvait être pratiquée de façon isolée sans intercéder auprès de
Jéhovah. Sans prière, la thérapie n’avait que peu de chance d’être salutaire. « Si tu es malade, implore
Dieu et appelle le médecin, car un homme prudent ne méprise pas les remèdes terrestres » ou de façon
plus péremptoire encore « Lorsqu’il fut malade, il ne se tourna pas vers le Seigneur mais alla trouver
les médecins. Et Asa dormit avec ses pères ».
Le Talmud fait état de connaissances médicales qui ont pour source :
La médecine babylonienne notamment en ce qui concerne les maladies de peau, la
lèpre et les épidémies.
La médecine égyptienne rapportée lors de l’exode. Cette médecine concerne
essentiellement les fractures, les luxations, un certain nombre de potions et la méthode
d’accouchement « elle accoucha sur la brique » (Ce terme, déformation de : elle accoucha sur les
briques» provient d’une simplification d’écriture hiéroglyphique par les scribes. Elle permet de situer
la période de l’exode).
La bibliothèque d’Alexandrie qui faisait état de dissections et possédait de nombreux
ouvrages d’anatomie.
Plus tardivement la médecine grecque et notamment la théorie des quatre humeurs :
Sang, chaud, humide : air
Phlegme, froid, humide : eau
Bile jaune, chaud, sec : feu
Atrabile, froid, sec : terre
L’exercice de la médecine était donc essentiellement question de religion, ne pouvait être sain
que celui qui était « pur », problème qui obligea la femme « impure par son pécher originel » à, sa vie
durant, pratiquer des purifications rituelles après les accouchements, pendant ses règles….
L’arrivée du Messie pour les chrétiens ne changera pas fondamentalement cette façon de
traiter et de guérir. Les guérisons miraculeuses opérées par Jésus relèvent du même schéma « crois et
tu seras guéri ». La maladie, perçue comme le résultat d’un péché, ne peut être éradiquée que par le
pardon divin. L’attitude de Jésus vis-à-vis des malades (aveugles, paralytiques, boiteux, sourd…),
s’intègre d’ailleurs tout à fait dans le contexte culturel juif du règne d’Hérode. La relation très forte
entre le peuple élu et Dieu donnait aux rabbis la possibilité d’intercéder avec Jéhovah. Pour certains
Jésus aurait été initié à la pratique médicale de son temps comme l’un de ses évangélistes Luc. Le fait
que son père soit nommé tektôn en grec (oummân en araméen) peut signifier que celui-ci était artisan
(généralement retenu dans la lecture classique du nouveau testament), ou tout aussi bien médecin,
chirurgien ou guérisseur. Or dans l’Apocalypse de Jean (III) Jésus est appelé oummân. Les reproches
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qui lui seront fait ne concernent d’ailleurs pas ses guérisons mais la manière dont elles sont opérées
(un jour de sabbat pour la femme paralytique, plusieurs jours après le décès constaté de Lazare).
L’interprétation mystique de la maladie considérée comme une punition s’étendra
progressivement à Rome et aux territoires de la Pax romana.
Avec la conquête romaine et la chute du Temple en 70 après JC, la médecine hébraïque perd
son originalité pour devenir romaine.
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LA MEDECINE GREQUE
L’histoire de la médecine et de son développement dans la péninsule hellénique peut être
divisée en trois grandes époques. La première prend naissance en Crète, 3000 ans AV JC, la seconde
débute au 5ème siècle avant JC avec Hippocrate, la troisième correspond à l’évolution médicale après la
révolution hippocratique.
Médecine crétoise, mycénienne et pré hippocratique
La civilisation crétoise (3000 – 1500 av JC) fut découverte il y a environ 100 ans quand on
entreprit les fouilles de Cnossos. Sans doute détruite par l’explosion du mont Santorin (celui là même
qui enflammait le ciel de l’Exode), elle fut remplacée par sa rivale maritime, Mycènes, civilisation où
Homère situe l’Iliade et l’Odyssée.
A cette époque, les nombreux dieux de l’Olympe pouvaient à volonté provoquer la maladie,
guérir ou tuer. Les connaissances anatomiques se limitaient aux repères externes, magnifiquement
représentés sur les peintures, au cœur qui était à l’origine des battements et à l’ensemble du tractus
digestif.
La principale avancée de cette culture en terme de philosophie médicale fût de dissocier le
thymos (force vitale, ancêtre de notre thymie), de la psyché (l’âme). Le thymos était dépendant de
l’alimentation, de la boisson, de la température et pouvait quitter le corps en cas de maladie ou de
blessure. La psyché, ou conscience, gagnait invariablement les enfers après la mort ; transportée par
Caron au-delà du Styx.
Naissance d’Esculape, par césarienne*
•
Le mot « césarienne » ne viendrait pas de Julius César (comme le pense Pline l’ancien),
qui serait né de cette façon, mais de caedere, couper en latin, en référence à l’incision
pratiquée dans l’utérus. Le terme de " césarienne " a été utilisé pour la première fois par
François Rousset à Paris en 1581 sous le terme « d’Enfantement césarien » en référence à
la tradition prêtait à la naissance de César.
En cas de maladie, les soins pouvaient être prodigués par des médecins, disciples du dieu
Podalirios. La traumatologie de guerre était assurée par les guerriers eux mêmes (dans l’Iliade Achille
panse Patrocle). Le premier « dieu chirurgien fût Machaon », fils d’Asclépios (Esculape des romains)
et frère de Podalirios. Bien que déjà séparées, médecine et chirurgie avaient en commun un dieu
tutélaire commun.
26
Représentations d’Esculape
Les pratiques médicales de cette époque (1300 à 800 av JC), hormis le traitement des plaies et
des fractures, étaient purement religieuses. Le dieu le plus vénéré en ce domaine était Asclépios. Le
« traitement » consistait en une cérémonie religieuse dans le temple. Le patient, allongé et purifié par
des ablutions rituelles, attentait pendant la nuit, lors de « l’incubation », la visite du dieu guérisseur. Il
ne semble pas que de drogues ou de traitements particuliers aient été administrés, la guérison, quand
elle se produisait était totalement miraculeuse.
Examen d’un patient sous les hospices d’Esculape
Entre 880 et 550 avant JC, c'est-à-dire dans la période dite pré hippocratique, se développèrent
des écoles « médicales » dont l’enseignement reposait sur la philosophie, l’empirisme et un certain
nombre de recettes locales, ou issues d’autres civilisations, apportées par les voyageurs. Pythagore,
Thalès de Milet, Héraclite introduisirent la logique et l’observation dans la philosophie. Thalès
(nommé le père des sciences » découvrit que l’élément fondamental de la vie végétale était l’eau d’où
venaient la terre (putréfaction) et l’air (respiration). Héraclite conçut que l’univers et la vie ne
pouvaient exister sans l’existence de forces opposées et que seul le « changement » permettait le
maintien de la vie. Pythagore imagina un équilibre de la matière et de l’homme soumis à des nombres
et à des calculs mathématiques, rapprochant l’équilibre cosmique du microcosme. A la fin de cette
période, se développa la théorie des quatre éléments constitutifs de la matière et de la vie, l’eau, la
terre, le feu et l’air. La pharmacopée, essentiellement végétale mais souvent soumise aux éléments
vitaux (exposition à l’air, dilution, chauffage, mélange avec de la terre), se développa. L’observation
de la nature et du contexte dans lequel se développaient les maladies, apportaient au praticien des
informations essentielles pour conduire son « rééquilibrage » des humeurs (l’excès caractérisait la
pléthore, et l’altération la cacochymie). .
Cependant, on ignore si c’est l’observation du favisme (déficit enzymatique érythrocytaire
répandu autour de la méditerranée provoquant des hémolyses intra vasculaires lors de l’ingestion des
fèves) qui la fit interdire par les pythagoriciens la consommation de fève.
Les écoles se multiplièrent à Rhodes, Cos, Cyrène, Cnide, Crotone… et des praticiens célèbres
commencèrent à être appelés en consultation. Alcméon (qui pensait que l’harmonie devait régner entre
toutes les parties du corps), Démocène, Empédocle. A partir de cette époque, on prône la dissection
27
comme seule source de connaissance du corps, le cerveau est reconnu comme étant en relation avec les
organes des sens, les nerfs optiques sont disséqués et leur croisement identifié (chiasma en grec).
Alcméon pense même que l’intelligence se trouve dans le cerveau. Empédocle (493-433) enseignait
que les quatre éléments sont rassemblés lors de la vie et séparés après la mort. Il reconnaît à l’air une
consistance, la possibilité d’exercer une pression et pense intuitivement qu’il est véhiculé par les
vaisseaux. Il imagine que la respiration est à la fois pulmonaire et cutanée, erreur qui perdurera
pendant des siècles.
La médecine hippocratique
Au 5ème siècle avant JC, la maladie n’est plus considérée comme une punition divine. Le
développement des sciences et de la philosophie, transforme totalement les principes diagnostique et
thérapeutique. On considère alors que tous les liquides corporels sont composés de sang (chaud et
humide), de bile jaune (chaude et sèche) de bile noire ou atrabile (froide et sèche), et de phlegme
(froid et humide).
L’équilibre entre ces quatre humeurs permet d’assurer la santé de l’individu. Si pour une
raison externe ou interne un déséquilibre intervient, la maladie apparaît sous forme de fièvre, puis
d’écoulement d’une des humeurs (vomissement, hémorragie urinaire ou intestinale, écoulement nasal,
diarrhée…). L’examen du malade permet de définir la nature du déséquilibre, le patient était alors
considéré comme sanguin, bilieux, atrabilaire ou lymphatique, termes qui sont toujours utilisés de nos
jours pour définir un caractère.
La médecine se pratiquait de façon itinérante, le médecin se déplaçant de ville en ville. Plus
rarement le praticien disposait d’un local à proximité d’un temple dédié à Asclépios. Le médecin
soignait les gens de sa classe et recevait des honoraires. Ses esclaves (en fait son personnel) ou ses
disciples pouvaient soigner d’autres esclaves ou des patients d’une autre classe.
Celui qui voulait être médecin ne disposait pas d’école spécialisée, il suivait son maître qu’il
rémunérait. Celui-ci lui inculquait la clinique, la philosophie et les indications thérapeutiques. Aucun
certificat ou diplôme ne validait cet enseignement.
La consultation du patient débute toujours par un interrogatoire portant sur les symptômes du
patient mais aussi sur ses habitudes alimentaires et sexuelles, son environnement (salubre ou non) et
ses coutumes, son mode de vie, ce que l’on appelle aujourd’hui son hygiène de vie. A partir de ces
données le médecin établissait un diagnostic et un pronostic.
Les médecins grecs de cette époque regroupaient sous le terme d’endémie toutes les maladies
rencontrées dans une région particulière. On pense notamment aux fièvres des marais, aux troubles
digestifs en rapport avec une eau impropre à la consommation…
Les traitements utilisés sont de trois types : externe, interne, hygiénique
+ Les traitements externes consistent en application pour soulager une douleur, nettoyer une
plaie, ouvrir un abcès avec un bistouri, arracher une dent, réduire une fracture ou une luxation.
28
Achille soignant Patrocle après que ce dernier
ait reçu une flèche dans le bras
+ Les traitements internes étaient en général destinés à rééquilibrer les humeurs. On utilisait
des émétiques, des purges et diverses drogues, empruntés à la pharmacopée du monde antique et
rapportés par les voyageurs. Pour les interventions chirurgicales on pouvait anesthésier en partie le
patient avec des extraits de pavot ou de mandragore.
+ Les prescriptions hygiéniques consistaient en conseils diététiques (diète, équilibre des
aliments, jeûne), recommandations concernant le sommeil et le repos ainsi que l’abstinence sexuelle,
la pratique d’exercices physiques. Les ablutions dans des bains publiques ou chez soi étaient
également vivement conseillées.
Hippocrate (460-370), le père de la médecine, est né aux environs de 460 av JC dans l’île de
Cos. D’abord médecin dans son île, il a ensuite pratiqué la médecine itinérante et a été connu de
l’ensemble du monde grec de son vivant. Parcourant la Grèce, l’Asie mineure, la Macédoine,
Hippocrate aurait, suivant des récits, enjolivés ou non, traité et guéri le roi de Macédoine,
Démocrite… et nombre de ses contemporains.
Hippocrate
Il est probable que l’œuvre d’Hippocrate, rassemblée dans Corpus Hippocraticum, regroupe
des écrits d’un certain nombre de ses confrères. Cette œuvre magistrale comprend 72 livres. Aucun de
ces livres n’est consacré à un organe ou à une fonction. L’étude de ces traités ne peut donc se
concevoir qu’en regroupant les thèmes développés dans chacun des livres.
Hippocrate est le premier grand clinicien « Je crois qu’une grande partie de l’art de la
médecine réside dans la capacité d’observation… il ne faut rien laissé au hasard, rien négliger : on
doit combiner les observations contradictoires et prendre son temps ».
29
Aphorismes d’Hippocrate
L’anatomie reste sommaire, et le plus souvent extrapolée à partir de dissections d’animaux. Le
seul organe véritablement décri, hormis les os, est le cœur avec ses valves, ses gros vaisseaux, son
ventricule et son péricarde. Les veines et les artères ne sont pas distinguées. Mais on connaît l’utérus,
les ovaires, le foie et le tube digestif. Les nerfs sont parfois confondus avec les ligaments et les
tendons (il n’existe à cette époque qu’un nom pour ces trois tissus). On dispose de bonnes descriptions
du cristallin et du globe oculaire.
La physiologie est également assez frustre. L’air est inspiré par les poumons, transporté par les
vaisseaux et passe dans les organes. On sait qu’il est indispensable à la vie et l’on pense qu’il est à
l’origine de la température corporelle. Le pouls est diversement apprécié et souvent peu utilisé. La
physiologie ovarienne est fantaisiste (le sexe de l’enfant proviendrait du côté de l’ovaire fécondé).
Les maladies sont si bien analysées, qu’une quarantaine de pathologies sont reconnaissables.
Toutes sont en rapport avec l’équilibre des humeurs. Une des descriptions les plus remarquables est
celle de l’œdème du poumon « L’eau s’accumule ; le patient a de la fièvre et tousse ; la respiration est
rapide, les pieds gonflent, les ongles se recourbent et le patient souffre comme s’il avait du pus à
l’intérieur. On peut constater qu’il ne s’agit pas de pus mais d’eau… Si l’on appuie son oreille contre
la poitrine, l’on entend bouillonner comme du vin aigre ».
Pratiquement aucune de ces maladies ne portent un nom car c’est l’état du patient qui compte
plus que le type de maladie proprement dite. On sait ausculter le cœur et le poumon. Le vagin est
examiné au spéculum, on mire les urines, on les sent, on les goutte.
Les maladies mentales sont abordées et trouvent leur siège dans le cerveau.
La traumatologie est parfaitement décrite (membre, crâne, face). On cautérise, on panse les
plaies, on réduit les fractures et les luxations.
30
Sorte d’ex-voto en remerciement de
La guérison d’une jambe
Les techniques chirurgicales sont décrites avec beaucoup de soin depuis la préparation du
patient, la table d’intervention, l’éclairage, les instruments nécessaires et le travail des aides
opérateurs. On intervient sur les hémorroïdes, les tumeurs, les ulcères, les fistules. La ligature
vasculaire n’est jamais décrite. Hippocrate donne la description de machines destinées à réduire les
luxations.
En obstétrique on sait retourner l’enfant qui se présente en position de siège. La femme
accouche accroupie. Il existe des méthodes contraceptives et l’avortement est pratiqué (sans doute par
des non médecins).
Auscultation
Table de réduction d’Hippocrate
Les thérapies restent sommaires, beaucoup plus que celles proposées par les égyptiens. Les
remèdes sont peu nombreux et peu utilisés car l’on préfère seconder la nature par des régimes. Toute
fois l’on connaissait déjà l’effet antibactérien de la moisissure du fromage (utilisé pour traiter les
plaies surinfectées).
La méthode hippocratique consiste donc :
+ A étudier le patient plutôt que la maladie
+ A établir un dossier objectif, signalant les succès comme les échecs.
+ A seconder la nature en aidant les forces naturelles du corps à retrouver
leur équilibre.
31
En ce qui concerne la qualité de l’apprentissage médical et du médecin, Hippocrate insistait
beaucoup sur l’écoute et la transmission par l’expérience (arkhitektonikos).
Hippocrate rassembla beaucoup de connaissances et de principes médicaux antérieurs, ajouta
son expérience, et établit une méthode mais ne prétendit jamais que la connaissance médicale
commençait avec lui, ce qui ne fût pas toujours le cas chez ses successeurs.
Sur le plan éthique, les médecins grecs se référait au fameux serment attribué à Hippocrate
(peut être est-il antérieur, ou de l’école pythagoricienne).
« Je jure par Apollon médecin, par Esculape, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et
toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment
et l’engagement suivant :
Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai
avec lui mon avoir et, dans la nécessité, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des
frères et, s’ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement.
Je ferai part des préceptes à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par un
engagement et un serment suivant la loi médicale, mais à nul autre.
Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je
m’abstiendrai de tout mal et de toute injustice.
Je ne remettrai à personne du poison si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une
telle suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif.
Je passerai ma vie et exercerai mon art dans l’innocence et la pureté.
Je ne pratiquerai pas l’opération de la taille, même sur ceux qui souffrent de la pierre ; je la
laisserai aux gens qui s’en occupent.
Dans quelques maisons que j’entre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant de
tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou
esclaves.
Quoi que je voie ou entende dans la société pendant l’exercice ou même hors de l’exercice de
ma profession, je tairai ce qui ne doit jamais être divulgué, le regardant comme un secret.
Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné de jouir heureusement de la vie
et de ma profession, honoré à jamais parmi les hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je
avoir un sort contraire ».
La médecine post hippocratique
Dès le 4ème siècle avant JC, l’école platonicienne devait avoir une forte influence sur le
raisonnement médical. Pour les « dogmatiques », médecins qui se rallièrent à cette façon de penser au
3ème siècle, le raisonnement devait supplanter l’observation. L’esprit objectif prôné par Hippocrate, fit
place à un empirisme basé sur les fameuses humeurs. Le diagnostic relevait de la déduction et non plus
de l’examen clinique. Les techniques thérapeutiques connurent une agressivité alors inconnue. Les
purges et les saignées se multiplièrent et gagnèrent en sévérité. On n’était loin d’aider simplement la
nature.
Parmi les dogmatiques citons Dioclès de Caryste qui s’intéressa à l’anatomie, l’embryologie
et la diététique. Premier à avoir distingué la pleurésie de la pneumonie, les douleurs abdominales de
l’occlusion intestinale et à avoir reconnu que la fièvre était un symptôme et non pas une maladie.
Praxagoras discerna le premier la fonction des veines et des artères et montra que la variation
du pouls pouvait être en rapport avec diverses maladies.
Aristote, fils de médecin et philosophe, participa aux découvertes médicales. Ses travaux
multiples lui permirent de décrire les premiers stades de l’embryogenèse, les battements du cœur fœtal
et de montrer que les embryons mâles et femelles se développaient dans un « compartiment »
identique. Il réalisa de nombreux travaux d’autopsie chez l’homme et l’animal qui lui valurent d’être
reconnu comme le fondateur de l’anatomie comparative. C’est Aristote qui donna son nom à l’aorte.
32
Théophraste (370-285 av JC), disciple d’Aristote décrivit la perte de connaissance, le vertige
et la transpiration.
Hérophile (280 av JC) fût un des premiers à pratiquer systématiquement des autopsies ce qui
lui permit de réaliser un nombre considérable de découvertes (description du cerveau, de l’intestin, des
vaisseaux lymphatiques, les structures des veines et des artères, du foie, des organes génitaux, de
l’intestin, de l’oeil…). Un de ses contemporains (Erasistrate 250 av JC) distingua les nerfs sensitifs
des nerfs moteurs, décrivit la trachée, le fonctionnement de la glotte et les contractions cardiaques.
D’autres écoles virent le jour, les septiques, les empiristes (les effets du traitement comptent
plus que le diagnostic), les méthodistes (abandon de la théorie des humeurs), les pneumatiques qui
s’opposaient aux deux écoles précédentes, les éclectiques qui ne voulaient se référer à une seule
théorie et se donnaient la possibilité de choisir la plus adaptée. Archigène, 100 après JC, clarifia la
symptomatologie, améliora les diagnostics et la thérapeutique. Quelques années après, Arétée de
Cappadoce décrivit le diabète*, la diphtérie, la pneumonie et la migraine mais aussi l’ictère par
obstruction des voies biliaires.
* Le mot diabète, du grec « diabêtê »s, qui traverse, correspond à la polyurie et à la
polydipsie qui s’observent dans cette affection, comme si « le corps était traversé par l’eau ».
En goûtant les urines, ces mêmes médecins définirent le diabète insipide (qui n’a pas de goût)
et le diabète sucré (goût sucré).
On opposa longtemps les empiristes (traitement par l’expérience) aux dialectiques (théoriciens
aux connaissances livresques). Le philosophe Musonius au premier siècle AP. JC s’adressant à un
disciple lui demandait :
« Suppose deux médecins, l’un capable de disserter très brillamment sur la médecine, mais
sans nulle expérience du soin des malades, l’autre incapable de discourir mais accoutumé à soigner
selon les principes de la médecine, lequel aimerais-tu mieux voir à ton chevet si tu étais malade ? ».
La médecine grecque, contrairement à la médecine égyptienne, fait appel aux découvertes
physiologiques, discipline qui resta toujours embryonnaire en Egypte. Empreinte de philosophie, la
médecine grecque se différencie de cette dernière par l’abandon progressif aux références divines. Plus
scientifique, la pratique médicale ne s’inscrit pas totalement dans la continuité de la médecine antique
dont elle tire finalement assez peu de connaissances. Beaucoup de descriptions cliniques égyptiennes,
et plus encore de médicaments, seront oubliés ou perdus.
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LA MEDECINE A ROME
La civilisation romaine commence son expansion en Grèce vers 150 av JC, c’est donc vers
cette époque que la médecine hellénique se développa dans le monde romain, remplaçant peu à peu la
médecine divinatoire qui remontait aux étrusques. Les médecins grecs itinérants gagnèrent
progressivement l’ensemble du monde romain et supplantèrent les quelques médecins locaux encore
très attachés aux augures.
* En 46 av JC, Jules César voulant lutter contre la famine qui sévissait à Rome fit
déporter tous les étrangers à l’exception des médecins grecs.
Archagathus fut un des premiers médecins ou chirurgiens grecs à exercer son art à Rome
(220 av JC). D’abord très performant, il fut salué par les notables et le Sénat qui le nomma vunerarius
(guérisseur des blessures). Malheureusement quelques coups de bistouris hasardeux le ravalèrent
quelques années plus tard au rang de carnifex (boucher).
Le plus remarquable de ces praticiens fut Asclépiade de Bithynie qui exerça une médecine
rationaliste, radicalement opposée aux principes hippocratiques (c’est le médecin qui traite et non la
nature, abandon des quatre humeurs, références aux travaux des atomistes). Il instituait des régimes,
pratiquait des saignées et même des trachéotomies. Son opposition aux canons d’Hippocrate lui valu la
vindicte de Galien qui, deux cents ans plus tard, le combattit violemment au point de faire oublier son
nom jusqu’à la renaissance.
La botanique et la pharmacopée firent des progrès significatifs sous l’impulsion de Dioclès de
Caryste (400 av JC), de Théophraste, de Cratévas (100 ans av JC) et de Dioscoride (médecin
militaire) dans son materia medica.
A Rome, le statut des sages femmes était parfois supérieur à celui des médecins. Soranus
d’Ephèse (98-138), un des premiers obstétriciens, réalisa de nombreux écrits sur la physiologie
féminine (menstruations, parturition). Chirurgien, il pratiqua des hystérectomies, proposa des
techniques psychologiques pour les règles douloureuses, mis en garde contre l’extraction manuelle du
placenta, préconisa la rupture des membranes pour accélérer le travail.
Celse (1er siècle), premiers historiens de la médecine, exerça sans doute assez peu la médecine
mais consigna dans son ouvrage De medicina une quantité considérable d’expériences, de techniques
chirurgicales (cures de hernies, amputations). Sa description de la cure de hernie est un modèle de
technique chirurgicale « Maintenant, l’ouverture doit être pratiquée carrément, jusqu’à l’enveloppe
externe, puis jusqu’à celle du scrotum lui-même, et l’enveloppe du milieu. Quand une incision a été
pratiquée, on trouve une ouverture qui conduit plus avant. On y introduit l’index de la main gauche,
afin de séparer l’entrelacs des petites membranes et de libérer alors le sac herniaire ».
Il fut certainement le premier à pratiquer la ligature des vaisseaux (habituellement attribuée à
Ambroise Paré) « Les vaisseaux sanguins d’où jaillit le sang doivent être tenus ensemble et liés en
deux points proches de la blessure ; puis l’on pratiquera une coupe entre les deux, afin qu’ils puissent
se rétracter et garder leur orifice fermé ».
L’exercice et l’enseignement de la médecine furent très peu réglementés avant la promulgation
d’une loi régissant la formation médicale, l’attribution des diplômes et l’encadrement de l’exercice
(Alexandre Sévère 230 Ap. JC).
Les romains créèrent des infirmeries (simple local situé dans la maison d’un patricien), puis
des infirmeries militaires, installées sous des tentes, avant de mettre en place des hôpitaux civils dans
les villes. Rome connu son premier hôpital en 400 Ap. JC.
L’hygiène se développa, des thermes furent construits dans tout l’empire, à la fois dans les
villes, mais aussi le long des routes, les fameuses voies romaines.
* Le long des voies romaines, le voyageur pouvait trouver des auberges pour se restaurer, des
lieux pour dormir, des thermes et même des prostituées.
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Galien (129-200) demeure le plus célèbre des médecins de l’époque romaine. Originaire de
Pergame (Asie mineure), il se dirigea vers les études médicales après que son père, dit-on, rêva
d’Asclépios. Son enseignement se déroula à Alexandrie (anatomie, pharmacologie, clinique), principal
centre des connaissances médicales de l’époque. De retour à Pergame il exerça la chirurgie auprès des
gladiateurs ce qui lui permit de se former en chirurgie et en traumatologie.
Galien
Galien
Voyageur infatigable, il acquière par l’étude et l’expérience (pratiquant de très nombreuses
autopsies sur des cadavres abandonnés ou des animaux), l’ensemble des connaissances de son temps.
Handicapé néanmoins par un concept finaliste que « la nature ne fait rien sans intention », il
commettra des erreurs d’appréciation en physiologie qui perdureront pendant tout le moyen âge.
Adepte des humeurs hippocratiques, il attribuera à chacune d’elle un trait de personnalité.
Sur le plan anatomique, Galien fit d’importantes découvertes qu’il consigna dans ses
ouvrages avec une très grande méticulosité. Il différencia les nerfs confondus alors avec les
tendons et montra qu’ils étaient reliés au cerveau. Il confirma les différences entre nerf moteur
et nerf sensitif.
En cardiologie, il donna une excellente description du cœur et des vaisseaux qui s’y
rattachent. Il commit également quelques erreurs comme le fait de nier l’existence du réseau
admirable hypophysaire chez l’homme (réseau connu à l’époque chez le porc).
En pharmacologie, il perfectionna la thériaque, mélange complexe d’ingrédients
destinés à lutter contre les poisons (initialement prescrite pour les morsures de serpent).
En chirurgie, il donna une bonne description des pinces, bistouri, écarteurs et autres
instruments qu’il maniait sans doute avec une certaine aisance.
Dans ses écrits, Galien ne laissa aucune question sans réponse, ce qui naturellement entraîna la
divulgation d’un certain nombre d’erreurs qui ne seront corrigées, avec beaucoup de difficultés, tant la
réputation de Galien était grande, qu’à la renaissance.
Déjà réputé à son époque, Galien exerçait avec parait-il une certaine suffisance en mettant en
exergue ses succès et oubliant ses erreurs. Contrairement à l’école hippocratique qui insistait sur les
résultats cliniques, bons ou mauvais, de manière rigoureuse et donc scientifique, Galien se laissa
guider par des idées préconçues (déterminisme des organes, importance des humeurs…) ce qui nuit à
la cohérence de son œuvre.
* On retiendra le terme de Galénique (de Galien) qui correspond aux médications réalisées
exclusivement avec des principes végétaux, à l’exclusion de tout produit minéral.
La médecine romaine se répandit dans tout l’empire, de la grande Bretagne à l’Espagne, de
l’Egypte à la Gaule…, mais disparut très rapidement avec la chute de l’empire (en 476), laissant la
place à l’obscurantisme, aux croyances et aux miracles.
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MEDECINE ARABE
Le terme de « médecine arabe » convient-il pour désigner l’ensemble des connaissances
médicales et pharmaceutiques collectées par les arabes et les arabisants (juifs, chrétiens nestoriens,
perses…), pendant la période s’étendant du prophète (7ème siècle au 13ème siècle) ? Certainement pas
tant le rôle joué par cette civilisation est complexe et intriqué dans les cultures périméditerranéennes.
Trois courants peuvent être distingués : La compilation des données médicales grecque et romaine, les
découvertes médicales scientifiques et philosophiques des médecins arabes, la diffusion de ces
connaissances avec les conquêtes arabes.
= Compilation des connaissances
Les premiers contacts du monde arabe avec la culture gréco-romaine remonte au 5ème siècle,
c'est-à-dire 2 siècles avant l’apparition de l’Islam (622), par la compilation et la diffusion des textes
hippocratiques traduits en arabe par des érudits juifs et chrétiens, chassés de l’empire romain. Plus
tardivement (entre le 8ème et le 10ème siècle), des traducteurs arabes entreprirent de commenter les
connaissances médicales (Avicenne).
= Découvertes médicales
Les découvertes scientifiques dans le domaine de la chimie sont considérables, la
solution ; la cristallisation, la sublimation, la calcination, la distillation, permettent la synthèse de
nouvelles drogues. La pharmacie devient une discipline à part entière, distincte de la médecine et de la
chirurgie. De nombreuses appellations sont issues de ces découvertes, alcool, élixir, sirop, alambic,
alcalin…
Dans le domaine médical, la clinique prend toute son importance. La sémiologie est enseignée
aux futurs médecins dans des centres culturels (académies, bibliothèques) et des hôpitaux, leurs études
sont sanctionnées par un diplôme. La gynécologie et l’obstétrique sont les domaines réservés des sages
femmes.
Les observations et les descriptions cliniques réalisées permettent le diagnostic de nouvelles
maladies encore inconnues (abcès du médiastin, gale, péricardite, tuberculose…). Avicenne pense que
la tuberculose est contagieuse.
La chirurgie n’est pas considérée comme une science, mais comme un exercice mineur,
souvent confié à des charlatans. Néanmoins, un certain nombre de médecins arabes laisseront
d’excellents traités de chirurgie.
L’anesthésie fait son apparition grâce à l’utilisation de narcotiques administrés par voie nasale
(éponge imbibée).
Trois médecins philosophes dominent la culture médicale arabe, Avenzoar (début du 12ème
siècle), Maimonide (1135-1224) et Averroès (1126-1198), mais de très nombreux médecins
rédigèrent des traités à la fois emprunts de philosophie et de médecine.
Rhazès, l’un des précurseurs (fin du 9ème siècle), fut particulièrement réputé pour ses
connaissances médicales issues des anciens (Hippocrate et Galien), mais aussi pour ses descriptions
cliniques, son approche du malade et la clarté de ses diagnostics. Il publia un ouvrage, qui fit référence
en son temps, portant sur l’ensemble des maladies connues (Al-Hawi). Rhazès et Ali Abbas sont à
l’origine d’aphorismes qui méritent d’être médités :
« Si vous pouvez guérir un malade par la diète, n’ayez pas recours aux médicaments »
« N’ayez pas confiance dans les panacées, car elles sont fondées sur l’ignorance et la
superstition ».
« Faites toujours croire au malade qu’il guérira, même quand vous n’en êtes pas sûr ; car
cela aidera l’effort de guérison de la nature ».
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Le plus célèbre de ces médecins reste néanmoins Abü ‘Ali Husayn Ibn ‘Abd Alläh ibn Sinà,
connu sous le nom d’Avicenne. Né en Perse en 980, Avicenne fut un surdoué qui lisait Aristote et
connaissait le Coran dès l’âge de 10 ans.
Avicenne
Disciple d’un nestorien (disciple de Nestorius à l’origine d’une secte chrétienne hérétique de
Syrie), il s’initia aux sciences et rédigea à l’âge de 20 ans une encyclopédie scientifique. Bien qu’il
n’ait peut être pas exercé lui-même la médecine, Avicenne restera, grâce à son fameux Canon
(compilation des anciens rédigée en vers), la référence de tout le monde médical occidental jusqu’au
17ème siècle.
Canon d’Avicenne
Avicenne opère une fusion entre le platonisme, l’aristotélisme et la pensé islamique qui donne
à la versification de son Canon et au Livre de la guérison une philosophie toute orientale.
Ces textes resteront longtemps la base de la culture médicale.
Albucasis (936-1013) rédige un traité de chirurgie très précis dans ses techniques et les
descriptions anatomiques.
Avenzoar (1090-1162) s’opposa aux doctrines de Galien. Souffrant de péricardite et de la
gale, il laissa une description clinique parfaite de ces maladies. Avenzoar prônait la pratique et
l’expérience plutôt que l’apprentissage littéraire doctrinal. Egalement chirurgien, il s’intéressa à la
trachéotomie dont il décrivit les incisions.
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Avenzoar
Averroès (1126-1198), disciple du précédent, apparaît comme un révolutionnaire.
Aristotélicien, il critiqua vivement le rôle de la religion qu’il ne reconnaissait pas comme une science.
Développant surtout le côté matérialiste et rationaliste d’Aristote, il crée (du moins lui attribut on) la
doctrine de la double vérité (vérités rationnelles et révélées). Rejetant les autorités établies, il se
refusait à faire entrer la prière, ou tout autre référence religieuse, dans le traitement.
Sa doctrine fut condamnée par l’Islam, puis par la chrétienté (1240), après que Siger de
Brabant eut enseigné sa philosophie à Paris. Obligé de se cacher, il fut accueilli par un de ses
disciples de religion juive, Maimonide.
Averroès
Maimonide (1135-1204), Mosheh ben Maymon en hébreux et Abü Imrän Müsä ibn Maymüni
Ibn’Ubayd Alläh en arabe, est né à Cordoue d’une famille de savants talmudistes. Disciple
d’Averroès, il tenta sans succès de réconcilier les idées de son maître et la foi, le rendant hostile aux
Almohades (souverains berbères régnant sur la moitié de l’Espagne à cette époque), puis aux juifs
orthodoxes.
Maimonide
Maimonide à Cordoue
38
Excellent praticien, il exerça au Caire où il devint le médecin du sultan Saladin. Il rédigea de
nombreux écrits (Aphorisme* de médecine, Traité de la conservation et du régime de la santé).
Célèbre comme théologien et comme philosophe, il chercha à accorder la philosophie au
judaïsme. La prière matinale du médecin lui est parfois attribuée.
« O Dieu, que mon esprit soit toujours éclairé et ouverts. Au chevet du malade qu’il ne soit
distrait par aucune pensé…. Ecarte de moi l’illusion que je peux tout accomplir. Donne-moi la force,
la volonté et l’occasion d’augmenter toujours mon savoir… Que dans le malade je ne vois jamais que
l’homme…. ».
* Aphorisme : Formule ou prescription résumant un point de science ou de morale.
Bien que la dissection soit interdite par l’Islam, des savants imaginent la communication des
artères et des veines par des capillaires. Ibn-Nafis (1210-1280) postule l’existence d’une circulation
sanguine dans les poumons.
= Les conquêtes et l’extension de la culture médicale
A partir du 7ème siècle les conquérants arabes envahirent l’ensemble de l’Afrique du nord,
l’Espagne et le sud de la France. Trois dynasties de califes se distinguèrent alors, les Omeyyades en
Espagne et notamment à Cordoue, Les Fatimides en Egypte et les Abbassides à Bagdad. La durée de
leur règne fut suffisamment étendue (760 à la moitié du 13ème siècle) pour que leur culture puisse
imprégner profondément et durablement les pays conquis.
Les pratiques de la médecine, des sciences et de la pharmacie des pays concernés,
s’imprégnèrent de ses principes et redécouvrirent les auteurs grecs et romains dont les textes traduits
en latin avaient été en partie perdus.
39
DE LA CHUTE DE ROME AUX CATHEDRALES
1000 ans pour renaître !
Le moyen âge est habituellement scindé en deux grandes périodes, le haut moyen âge, de 476
à 1100 (fondation de l’ordre de Cîteaux, première croisade), et le moyen âge proprement dit de 1100 à
1498 (mort du roi Charles VIII à Amboise).
Cette période est difficile pour les populations. Les hivers sont rigoureux, car le climat
traverse une période de refroidissement important, les étés sont d’autant plus courts, diminuant le
volume des récoltes. Des bandes de brigands parcourent le pays. La taille, la dîme, les servitudes de
toutes sortes écrasent le peuple des campagnes qui se réfugie dans la religion ou les croyances
païennes. Se soigner relève de l’impossible, hormis pour quelques nobles, et encore s’agit-il d’une
médecine frustre, usant de traitements traditionnels, de magie et d’intersessions divines.
Il ne reste pratiquement plus rien des civilisations antiques et de leur médecine quand les
barbares conquièrent Rome (déposition de Romulus Augustulus, dernier empereur d’Occident en 476).
La mort est omniprésente dans la statuaire, la littérature, l’art graphique (tapisseries, peintures,
fresque…). Elle est inévitable et touche tous les individus du vilain au suzerain, du curé de campagne
au Pape suivant la volonté unique de Dieu.
Danse macabre
Le haut moyen âge (476-1100)
Le haut moyen âge en Europe s’inscrit dans une période troublée par les invasions, les Goths,
les arabes, les vikings. Ces invasions éloigneront peu à peu les empires francs, lombards et goths de
Rome et de son influence sur les arts, les sciences et la médecine. Dès la prise de Rome par les Goths
en 476, le rayonnement romain cesse presque complètement ne laissant subsister que des textes latins
souvent incomplets, et quelques bribes d’auteurs grecs et latins. Il faudra attendre le 10ème siècle pour
que les invasions mauresques réintroduisent les canons de la médecine gréco-romaine.
Le haut moyen âge est l’âge de la Foi en l’église romaine. Les médecins de l’époque, dont la
formation était particulièrement sommaire, mêlaient pratique religieuse et thérapie. Initialement laïcs
jusqu’au au 6ème siècle, ces médecins disparurent progressivement pour laisser place aux moines et aux
guérisseurs de village.
Les techniques thérapeutiques donnent une large place à la magie et à l’utilisation de drogues
d’origine végétale. Les plantes médicinales, les simples, étaient récoltées par les moines (qui les
cultivaient aussi dans leur jardin). En cas de blessure, ou de maladie on faisait appel aux rebouteux,
aux tireurs de feu, aux sorciers et à tous ceux reconnus pour détenir un pouvoir guérisseur.
40
Rebouteux
Dissection
A partir du 6ème siècle, la médecine n’est plus enseignée qu’au niveau des communautés
monastiques. Les bénédictins furent les premiers à recopier et traduire les quelques ouvrages médicaux
issus de l’ancien empire. La médecine pratiquée dans ces monastères se mélangeait aux pratiques
d’imposition des mains, d’exorcismes et aux actes de contrition. La presque totalité des techniques
chirurgicales furent perdues.
Les saints guérisseurs se multiplièrent (Saint Côme, Saint Pantaléon, Saint Antoine et une
multitude de saints locaux reconnus pour leurs actions miraculeuses). Il faudra attendre l’an 1000, et
sa grande peur de voir disparaître le monde dans l’apocalypse, pour que timidement des noyaux
universitaires apparaissent et dispensent, outre la théologie, des rudiments de médecine. Salerne et
Bologne sont les deux premières, bientôt suivies par Montpellier et Paris.
Le moyen âge (1100-1498)
Le moyen âge se caractérise dans le monde médical par la création des premières universités
(Salerne, Bologne, Montpellier, Padoue, Paris...) dans l’ensemble de l’Europe (Italie, France, Pays bas,
Angleterre, Germanie, Pays scandinaves…). La première d’entre elles fut Salerne dans la baie de
Naples. A la croisée des cultures grecque, latine et arabe, Salerne existait déjà au 8ème siècle, mais c’est
au siècle suivant que sa notoriété s’accrue au point d’être reconnue dans l’ensemble des pays
circumméditerranéens.
L’enseignement, basé sur l’étude des textes anciens (Hippocrate, Galien…) est à la fois très
pragmatique et scientifique. La philosophie sera rapidement rejetée pour laisser place à l’empirisme
qui caractérisera cette université. Les femmes y étaient admises, telle Trotula qui rédigea un traité
d’obstétrique. Les écrits issus de l’Université de Salerne furent traduits en latin et circulèrent pendant
plusieurs centaines d’années, servant de référence. Parmi ceux-ci le plus célèbre est un traité d’hygiène
et de diététique rédigé en vers (Regimen sanitatis medicinae).
La faculté de médecine s’individualise au 13ème siècle, à partir de la faculté des arts.
L’enseignement est divisé en trois grandes parties :
Les choses naturelles : anatomie, physiologie, botanique
Les choses non naturelles : hygiène, régime
Les choses contre nature : pathologie
Roger II de Sicile, dont dépendait le royaume de Naples rendit obligatoire l’existence d’un
diplôme pour exercer (coutume qui s’était perdue depuis pratiquement un siècle).
41
Enseignement universitaire
Montpellier apparut rapidement comme une concurrente de Salerne. Fondée Entre le 8ème et le
9 siècle, l’Université de Montpellier était la seule parmi la quinzaine d’universités françaises à
pouvoir enseigner la médecine (l’enseignement à Paris sera ultérieur). Comme pour Salerne,
l’enseignement était basé sur les textes anciens, grecs et latins ainsi que sur le canon d’Avicenne.
Paris prit son essor dès le 11ème siècle mais resta toujours, du fait de sa proximité avec le roi et
le clergé, moins libre que ses rivales.
A Paris l’enseignement de la médecine se déroule sur la rive gauche de la Seine dans les
quartiers Saint Jacques, Saint Séverin, Saint Germain des Prés…, quartiers qui garderont le souvenir
des enseignements réalisés en latin.
L’étudiant en médecine doit passer successivement son baccalauréat, sa licence et son
doctorat. Il ne peut exercer avant d’avoir validé sa licence. L’ensemble de ces études s’étend sur une
dizaine d’années.
La pensée intellectuelle à cette époque reste totalement dominée par l’église et notamment par
les franciscains et les dominicains. Le néoplatonisme et la philosophie aristotélicienne furent
redécouverts et développés par Albert le Grand (un médaillon le représente sur la faculté de
médecine de la rue des Saints Pères) et Thomas d’Aquin (1225-1274).
ème
Saint Thomas d’Aquin
Selon ces penseurs « la plus simple explication doit être donnée aux phénomènes naturels ».
Chaque être possède en lui-même ses capacités de développement, aucune transformation n’est
possible sans intervention de nature divine. Cette théorie du non évolutionnisme (doctrine thomiste),
perdura pendant tout le moyen âge, donnant au surnaturel une importance considérable qui freina
considérablement le développement des sciences.
= Anatomie
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Bien que quelques dissections de suppliciés aient pu se dérouler dans le secret des universités,
les connaissances anatomiques sont d’une indigence remarquable (L’autopsie légale ou à visée
universitaire, ne sera autorisée qu’au 13ème siècle par une bulle papale de Boniface VII).
Dissection
Les dessins d’anatomie moyenâgeux, tout comme la statuaire de cette époque, ne figurent pas
le réel, mais l’idée que l’on se fait du corps destiné à disparaître lors de la mort. La rigidité de ces
schémas et l’aspect enfantin de l’anatomie représentée, soulignent à quel point le recopiage d’ouvrages
anciens et l’absence de d’observation récentes, avaient fait perdre au monde médical.
Dessins d’anatomie moyenâgeux
= Chirurgie
Pendant la période du haut moyen âge, la chirurgie était revenue à sa plus simple expression.
Hormis la réduction des fractures et des luxations, réalisées par les rebouteux de village, les techniques
chirurgicales grecques et arabes s’étaient perdues.
Incision d’abcès
Saignée
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Ne restaient encore en vigueur que la saignée, le cautère, les amputations et de façon curieuse
les trépanations indiquées dans certains troubles psychiatriques.
La médecine était alors pratiquée par les ecclésiastiques, interdits de « faire couler le sang »
depuis le conseil de Latran (4ème siècle). Les chirurgiens, arracheurs de dents, rebouteux, barbiers et
barbiers chirurgiens étaient donc des civils formés hors des facultés de médecine, et souvent en conflit
avec le monde médical officiel.
L’art chirurgical fut remis à l’honneur au début du 13ème siècle à Salerne et à Bologne par
quelques médecins comme Gulielmo Salicetti qui rédigea un traité de chirurgie pour chaque organe,
et son disciple (Lanfranchi de Milan) qui poursuivit l’oeuvre de son maître dans Cyrurgia magna
(1296).
En France Henri de Mondeville (chirurgien de Philippe le Bel) et Guy de Chauliac
enseignèrent la chirurgie à Paris et Montpellier. Ce dernier insista sur la nécessité de bien connaître
l’anatomie pour exercer (cela fait donc plus de 7 siècles que cette notion élémentaire, qui reste
toujours d’actualité, a été édictée).
= Les grands fléaux
Le moyen âge fût marqué par le mal des adents et deux épidémies qui, du fait de leur
importance, marquèrent profondément la société moyenâgeuse, la lèpre et la peste.
+ Le mal des ardents
Le Feu-Saint-Antoine, le Feu Sacré ou encore le Mal des Ardents, est le nom donné à une
intoxication alimentaire due à l’ingestion d’un champignon parasite du seigle et de certaines
graminées sauvages. L'ergot du seigle est un parasite qui se présente sous forme de minces bâtonnets
de deux à trois centimètres de long accolés à la tige de l'épi. Quand le seigle est moulu, Il se trouve
mêlé à la farine. Cette épidémie dura pendant tout le moyen âge et récidiva par épisodes jusqu’au
20ème siècle (La dernière eut lieu en France à Pont Saint Esprit dans le Gard, en plein vingtième
siècle).
De tous les fléaux qui décimèrent les populations au Moyen âge, le « mal des ardents » ou
«feu Saint Antoine » fut l’un des plus meurtriers. Apparu dans la région du Dauphiné pendant les
dernières années du 11ème siècle, il sévit dans toute l’Europe.
Le mal des ardents se manifeste plus fréquemment en temps de disette et dans les régions au
sol pauvre. Le parasite responsable, le Claviceps Purpurea, ne contamine en effet pas le froment, mais
uniquement le seigle, cultivé en plus grande quantité quand les intempéries ne permettent pas de
bonnes récoltes de blé, ou que la nature du sol en empêche la culture. Le feu de Saint Antoine
évoluait par "épidémies" par contamination mycosique des champs d'une même région.
Le mal des ardents se manifeste par des maux de ventre, des convulsions, la gangrène des
membres et surtout d’horribles brûlures internes. Il n'existe pas d'antidote.
Deux aspects cliniques peuvent être distingués : l’un convulsivant, l’autre gangréneux. Tous
deux laissent des lésions irrémédiables. Les muscles se raidissent, les membres se gangrènent, des
plaies purulentes et nauséabondes apparaissent sur la peau. Le toxique provoque chez le malade un
état hallucinatoire proche de la démence.
« Le mal commençait par une tâche noire ; cette tâche s’étendait rapidement causant
une ardeur insupportable, desséchait la peau, pourrissait les chairs et les muscles qui se
détachaient des parties osseuses et tombaient par lambeaux. Feu dévorant, il brûlait petit à
petit et enfin consumait ses victimes sans qu’on put apporter de soulagement à leurs
souffrances. Plusieurs d’entre eux éprouvaient ses plus cruelles atteintes dans l’espace d’une
nuit ; s’ils ne mourraient pas au bout de quelques heures ». Sigebert de Gembloux.
44
Face à ce mal terrifiant, la croyance en la puissance miraculeuse d’un Saint, et plus
particulièrement en celle de Saint Antoine, demeure pour de nombreux malades le seul recours.
Saint Antoine
Saint Antoine anachorète (251 – 356) s'est retiré au désert en Egypte où il vécut en solitaire
jusqu'à l'âge de cent ans passés. L'ordre des Antonins est spécialisé dans l'accueil des personnes
atteintes de maladies contagieuses. Au fil des siècles, il est devenu dans toute la chrétienté un saint
guérisseur. On l'invoquait contre le mal des ardents, la peste, la lèpre, la gale, les maladies
vénériennes... Son pouvoir guérisseur passait pour toucher aussi les animaux, notamment les porcs.
Dans la statuaire, il est représenté vêtu de la robe de bure des Antonins, portant le tau (bâton en
forme de T). Il est accompagné d'un cochon, son attribut privilégié
En 1596, à la faculté de médecine de Marbourg en Allemagne, on découvre l’origine du
mal, le seigle ergoté, mais sans pouvoir proposer de traitement.
On trouvera beaucoup plus tard que le mal des ardents est secondaire à une intoxication par la
Di Hydro Ergotamine
+ La peste fit son apparition en 1347 au siège de Caffa en Crimée. Décimés par la
peste, les assiégeants ne purent prendre la ville, mais avant de se retirer ils catapultèrent les cadavres
de leurs morts dans la cité. En moins de deux ans, le fléau se répandit à travers l’ensemble de
l’Europe. En France, la peste débarqua à Marseille avec des marins contaminés, et gagna rapidement
le nord de l’Europe. La même année Paris était touchée. D’abord décrite sous sa forme pulmonaire
(Marseille et Avignon), c’est sous sa forme bubonique qu’elle gagne le nord du royaume de France et
l’Angleterre.
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Peste bubonique, dite la mort noire
Cheminement de l’épidémie
En l’espace de cinq ans, il y aura 25 millions de morts, soit le quart de la population. La
mortalité est certes non homogène (des villages entiers disparaissent alors que d’autres ne perdent que
10% de leur population), mais suffisante pour marquer profondément les survivants.
Procession, pieds nus pour repousser la peste
Si le caractère épidémique de cette maladie est rapidement reconnu, le vecteur de sa
propagation ne sera identifié que beaucoup plus tard (Le germe par Yersin en 1891, et la puce du rat
par Simond en 1898). On pense alors que la propagation est le fait d’effluves « pestilentielles ». Le
mot empesté vient d’ailleurs de cette notion. Aucun traitement n’étant connu, on brûle des herbes
odoriférantes pour purifier l’air, on prie, on organise des processions.
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Ensevelissement des morts à Cambrais
pendant l’épidémie de peste
Ramassage des pestiférés
Les terres, les fortunes, le pouvoir changent de mains, la société décimée se trouve dans
l’obligation de parer à l’essentiel. De vastes étendues de terre sont en jachère, des professions ont
pratiquement disparues, la natalité est effondrée, les femmes sont amenées à réaliser des travaux
d’homme. Perçue comme une punition divine, un vaste mouvement de rédemption voit le jour, tandis
que la médecine et les médecins sont déconsidérés.
Tenue médicale de protection contre les pestilences
Les médecins ne portent pas encore le fameux costume avec « bec d’oiseau » qui ne sera
inventé qu’en 1619 à Paris par Charles de Lormes lors de la nouvelle épidémie de peste.
+ La lèpre existait déjà sous forme endémique en Europe bien avant le retour
des croisés de terre sainte.
Retour des croisés
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Cependant, le retour d’un nombre important de malades accrut le développement de la maladie
qui se transforma rapidement en pandémie. Le diagnostic de lèpre était établi par un tribunal mixte,
laïc et religieux.
Pestiféré muni de sa
Crécelle
Léproserie du 13ème siècle
Le sujet considéré comme atteint, le ladre, était immédiatement exclu de la société et soit
enfermé dans des léproseries (ou maladrerie de Saint Lazare qui donnera le nom de lazaret à ces
établissements), dont le nombre augmenta de façon exponentielle à cet époque, soit obligé pour sortir,
de se vêtir d’une robe rouge, de se coiffer d’un chapeau à large bord et de se munir d’une crécelle qu’il
se devait d’actionner pour prévenir les populations. Il leur était interdit de marcher pieds nus, de puiser
l’eau dans un puit ou de se baigner dans une rivière pour éviter la contagion.
+ Les écrouelles, adénite cervicale tuberculeuse chronique, étaient
particulièrement fréquentes dans les couches de population misérable des grandes villes.
Le Roi le touche, Dieu le guérit
Le roi de France, le jour de son sacre touchait les écrouelles qu’il avait, par la grâce de Dieu,
le pouvoir de guérir. De très nombreuses représentations de ces guérisons miraculeuses existent dans
les manuscrits moyenâgeux.
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Saint Louis touchant les écrouelles
= Psychiatrie
La prise en charge des troubles mentaux se résume à la plus simple expression. Le débile
mental, le simplet du village, s’intègre dans la société sans qu’aucun traitement ne soit envisagé.
Prenant en compte la parabole de Jésus, « Heureux les simples d’esprit, le royaume des cieux leur est
ouvert », les familles pensent qu’avoir un enfant débile porte chance. Il n’en est pas de même de
l’épileptique ou du schizophrène dont le comportement inquiète et laisse penser qu’il sont envoûtés ou
possédés par le démon. L’exorcisme peut alors leur être appliqué.
Extraction de la pierre de folie
La folie et les troubles du comportement relèvent d’un autre type d’interprétation, surtout si
des céphalées sont associées aux manifestations démentielles ; on pratique alors l’extraction de la
« pierre de folie ». Cette intervention est réalisée avec un trépan, elle est sensée laisser s’échapper le
mal et soulager le patient. Le praticien porte sur la tête un entonnoir symbole de la communication
entre son esprit et les puissances divines. Ce symbole deviendra plus tard celui de la folie.
Aucun traitement ne sera appliqué à Charles VI dont la folie s’est manifestée le 4 Août 1392 à
la tête de son armée, sinon des diètes, des prières et des distractions (création du jeu de carte).
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Première crise de folie du Roi Charles VI
En traversant la forêt du Mans par une chaleur épouvantable, le roi est apostrophé par un
ermite qui lui prédit de grands malheurs. Quelques instants plus tard, le roi est pris d’une crise de
démence et il tue plusieurs de ses hommes d’arme. Ramené à Paris, le roi sera jusqu’à la fin de sa vie
sujets à de brusques crises de folie entrecoupées d’épisodes de profonde dépression.
= L’exercice de la médecine
La médecine est exercée par trois catégories de praticiens, les médecins civils, peu nombreux
qui avaient fréquenté les universités de Montpellier ou de Paris, les moines, formés dans les couvents à
la lecture des ouvrages latins et grecs, et les médecins juifs, plus libres de leur pensée, à qui l’on doit
le développement et la mise en circulation des ouvrages et des concepts véhiculés par la médecine
arabe.
Les médecins et les chirurgiens sont alors regroupés en corporation. Les barbiers chirurgiens
et les arracheurs de dents forment une corporation autonome (elle-même divisée en deux suivant la
formation ou non du praticien), distincte des médecins et des apothicaires (souvent associés). Dans les
campagnes, les rebouteux, sorciers et guérisseurs assurent la majorité des soins.
Le diagnostic est emprunt de mysticisme. L’horoscope sert parfois autant que l’observation
clinique pour déceler les troubles du microcosme organique. Beaucoup de pratiques symboliques
s’installent, on récite des prières, on psalmodie des litanies, on défile en processions…
Les traitements relevaient du chirurgien (saignée, purge, cautérisation…) du médecin et de
l’apothicaire, lui-même parfois alchimiste. Les remèdes de « bonne fame* » sont administrés par les
meilleurs d’entre eux.
*de fama, fameux, qui par déformation donnera l’expression de « bonnes femmes », c'est-à-dire
simple, transmis de générations en générations et susceptibles d’être administrés par la mère de
famille.
= Hôpitaux
Les hôpitaux, apanage des ordres religieux (on parle alors d’hôtel Dieu) sont créés et dirigés
par des bénédictins, des hospitaliers (ordre crée en 1099 lors des croisades), des ursulines…
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Salles d’Hôpital au moyen âge
Cependant, les communes commencent à créer leur propre maison d’accueil et de soins dont
elles assurent la gestion, mais confient aux ordres religieux le fonctionnement infirmier.
Hôtel Dieu de Beaune
Salle de l’Hôtel Dieu de Beaune
L’hôtel Dieu de Beaune, totalement restauré, donne une idée assez précise du fonctionnement
d’un hôpital au moyen âge. Les salles sont communes, les lits clos peuvent accueillir plusieurs patients
dont les affaires sont remisées dans un coffre au pied du lit. L’hospice dispose d’une apothicairerie et
d’une chapelle (le spirituel reste indissociable du profane). Les substances médicamenteuses sont
conservées dans des bocaux, scellés à la cire, les « albarelli ».
Une vaste buanderie permet le lavage des draps et des pansements. Les déjections fécales
urinaires et autres sont jetées par une trappe située au centre de la salle, dans un ruisseau qui passe
sous l’édifice (Ce ruisseau coule ensuite à ciel ouvert dans la ville). A l’hôtel Dieu de Paris, qui se
51
trouvait à l’époque en bord de Seine, en face de l’actuel bâtiment, les draps étaient lavés dans les
cagnas, (ouvertures voûtées donnant directement sur la Seine en amont de la pompe à feu de la
Samaritaine qui puisait l’eau de la rivière pour alimenter les fontaines de la capitale). Ce système
moyenâgeux se prolongea jusqu’à la démolition de l’ancien Hôtel Dieu, au 19ème siècle, et contribua à
la rapide expansion du choléra dans la capitale.
Les cagnas de l’ancien hôtel Dieu de Paris. La gravure de droite montre des étudiants
volant des cadavres pour réaliser des autopsies.
D’autres villes moyenâgeuses sont beaucoup mieux dotées en hôpitaux. Au 14ème siècle la ville
de Florence (170 000 habitants) compte ainsi 30 hôpitaux (pour un total de 1000 lits). Le corps
médical y est également très développé 60 médecins et chirurgiens et une centaine d’apothicaires.
= Ouvrages médicaux
Il faut attendre le 13ème siècle pour que des ouvrages médicaux commencent à être rédigés. Il
s’agit souvent de documents encyclopédiques regroupant à la fois les connaissances médicales et
chirurgicales.
= Guillaume de Saliceto (1210-1280)
Etudiant, puis enseignant à Bologne, G. de Saliceto fût, en 1275, l’un des premiers à rédiger
un ouvrage consacré à la chirurgie (Cyrurgia). Ce traité, accompagné de descriptions anatomiques, se
présente comme un véritable cours de dissection. Outre la qualité artistique des gravures qui contraste
avec les représentations anatomiques de l’époque, Cyrurgia se caractérise par sa modernité.
Guillaume da Saliceto
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Les représentations des organes tels qu’ils apparaissent au praticien et la description des gestes
chirurgicaux à accomplir, constituent une approche didactique remarquable qui fit de ce livre le plus
important traité de chirurgie du 13ème siècle. Bien que rudimentaire, on décrivait à l’époque 202 os, 15
muscles et 75 nerfs, dont 7 crâniens, cet ouvrage est le premier à associer anatomie et geste
chirurgical.
= Lanfranc (1265 ?-1315).
Cet auteur, clerc et médecin reconnu de ses contemporains, est à l’origine de deux traités de
chirurgie, la grande et la petite chirurgie. Dans ces ouvrages, il insister sur l’importance de rapprocher
médecins et chirurgiens, séparés par des querelles permanentes de préséance (pour bien exercer il
faut connaître ces deux sciences). Il faudra attendre pratiquement 500 ans pour que ce vœu se réalise.
Autopsie
= Albert de Bollstaedt, dit le grand (1206-1280)
Etudiant à Padoue, Albert le grand entra dans les ordres cloîtrés où il acheva ses études en
philosophie et théologie.
Albert le grand
Bien que non médecin, il est à l’origine d’un traité de physiologie animale et humaine. Maître
en théologie, il influença beaucoup le courant médical du 13ème et 14ème siècle en prêchant le « tout est
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contenu dans le germe de vie, seul Dieu est susceptible d’évolution ». Relayé par son disciple Saint
Thomas d’Aquin, il contribua d’une certaine façon à la stagnation de la recherche médicale.
= Barthélemy l’Anglais
Cet auteur anglo-saxon rédigea au début du 14ème siècle une encyclopédie regroupant les
connaissances scientifiques et médicales de son époque. Traduit en français par Jean Corbichon à la
demande du roi Charles V qui possédait une bibliothèque remarquable et encourageait les arts et les
sciences, cet ouvrage eut un succès considérable.
Livre de Barthélemy
Jean Corbichon remettant la traduction du livre
de Barthélemy en français au Roi Charles V en 1372
Enrichie de nombreuses illustrations, la partie médicale traite à la fois de l’éthique
professionnel, du diagnostic (une gravure représente un toucher rectal), de la thérapeutique et de la
chirurgie notamment en ce qui concerne les fistules anales.
= Guy de Chauliac (1298-1368)
Guy de Chauliac exerce à Montpellier au milieu du 14ème siècle. Il est l’auteur d’un traité de
chirurgie « Chirurgica Magna » (grande chirurgie ou Guidon), traduit en français chez un éditeur
lyonnais (1363). Plus important traité de chirurgie jusqu’à Ambroise Paré, cet ouvrage fera l’objet
d’annotations, de références et d’édition jusqu’au début du 18ème siècle. Pour la première fois, les
instruments de chirurgie sont dessinés avec précision (lancettes, bistouris, scalpels).
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Instruments de chirurgie
Guy de Chauliac est également un des premiers à décrire et à classer les maladies de la peau.
Dans « La grande chirurgie » il consacre plusieurs chapitres au phlegmon, érysipèle, œdème, herpès,
anthrax, charbon ; squirres, écrouelles…
Principales universités italiennes au moyen âge et à la renaissance
Florence
Rome
Bologne
Padoue
Salerne
Si le haut moyen âge peut être considéré comme une période de stagnation, et même de
régression dans le domaine médical, les 13ème et 14ème siècles voient renaître, grâce à la création des
universités, et notamment de celle de Montpellier en France, une culture médicale descriptive et
encyclopédique préparant l’éclosion de la renaissance. L’invention de Gutenberg sera, comme pour
toutes les autres sciences, le point de départ de l’expansion médicale en Europe
55
LA RENAISSANCE
Après 1000 ans de plomb, 100 ans de grâce
La renaissance est l’expression scientifique, artistique et philosophique d’une révolution qui
s’éloigne de Dieu et du ciel pour se consacrer à l’homme et à son environnement immédiat, la nature.
L’observation remplace l’intuitif ou le révélé, la méthode expérimentale et l’empirisme s’imposent
comme technique moderne de réflexion. L’art, qu’il soit graphique ou médical, est anthropocentrique
et le Dieu de Michel Ange au plafond de la chapelle Sixtine règne autant sur les corps dénudés que sur
les âmes.
La création de l’homme
L’illustration et l’imprimerie donnent accès à une connaissance qui pourra désormais sortir des
scriptorium monastiques et représenter l’homme tel qu’il est, et non tel qu’il doit être. Les tabous
tombent, la nature anatomique féminine ou masculine des représentations picturales, sculpturale ou
physiologique, est exposée dans sa réalité crue. La représentation des gisants de Catherine de Médicis
et d’Henri II en est un exemple presque caricatural. Les muscles saillants, la rigidité cadavérique, la
tête rejetée en arrière, les bras non repliés sur le thorax, la crispation des mains sont ceux d’un mort et
non d’un roi.
Transi de Henri II
Transi de Catherine de Médicis
Le médecin de la renaissance est, à l’image de Montaigne et de Rabelais, un humaniste. Les
premiers d’entre eux sont italiens (bien que ce terme moderne n’ait pas beaucoup de sens à la
renaissance). Un des premiers d’entre eux, Niccolo Leoniceno (1428-1524) est originaire de Padoue
où il enseigne et traduit les ouvrages de Galien et d’Hippocrate.
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Niccolo Leoniceno (1428-1524)
En Angleterre, Thomas Linacre (1460-1525), médecin du roi Henry VIII, est lui aussi
originaire de Padoue. Son enseignement correspond à une quintessence des textes anciens, revisités
par les maîtres de Padoue, Bologne ou Naples.
Thomas Linacre
Tout se passe comme s’il existait désormais un trait d’union direct entre l’antiquité et les
modernes. Les traductions sont reprises, tandis que les recopiages monastiques, sources de
nombreuses erreurs, sont abandonnés dans les bibliothèques.
Rabelais (1485-1553), diplômé à Montpellier, publie à Lyon en 1531, l’Hippocratis ac Galeni
libri aliqot ex recognititioni Francisci Rabelaesis qui expose l’ensemble des connaissances médicales
de son époque.
François Rabelais
Erudit, parlant le latin, le grec, le français, l’espagnol, l’allemand et même l’hébreu, François
Rabelais fut envoyé en mission à Paris par ses condisciples de Montpellier pour régler un problème
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de privilège et d’autonomie de l’Université (déjà). Ayant été évincé par le chancelier Duprat, il se
déguisa, « fit le fol » devant l’hôtel du cardinal et se mit à répondre successivement en toutes les
langes aux questions qu’on lui posait. Le Cardinal, intrigué par cet énergumène qui se disait
« écorcheur de veaux » finit par le recevoir et lui accorda tout ce qu’il demandait.
Rabelais est l’inventeur du syringotome destiné à débrider les hernies intestinales, et du
glossocomion pour la réduction des fractures de la cuisse.
Ce renouveau philosophique et artistique concerne toutes les branches de la médecine, la
physiologie, le diagnostic, la thérapeutique et l’anatomie qui bénéficie de la multiplication des
dissections (en générale des autopsies de pendus ou autres suppliciés). Rabelais écrivit à ce sujet « Par
fréquentes dissections acquiers toi la parfaite «cognoissance» de l’autre monde qui est « l’homme ».
Les humeurs hippocratiques, oubliées depuis l’antiquité, sont remises à la mode et au centre
des réflexions étiologiques (Notamment par les alchimistes au premier rang desquels figure Paracelse).
Elles resteront le primum movens de la réflexion médicale jusqu’au 18ème siècle.
La médecine devient universelle et scientifique. On abandonne la divination, pour établir le
diagnostic, la pathologie, bien que toujours microcosmique, répond à des réalités anatomiques et
physiologiques, le traitement est plus souvent le résultat d’études expérimentales. L’enseignement est
à la fois public (université) et privé dans des collèges. Le collège de Francen créé en 1530 par François
premier, ouvre en 1542 une chaire de médecine.
C’est dans cette optique que Jean Fernel (1497-1588), étudiant, puis enseignant à Paris,
rédige le traité de « Médecine universelle » qui pour la première fois sépare anatomie, physiologie et
pathologie.
Jean Fernel (1497-1588)
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Les distinctions entre l’anatomique (structure de base), le physiologique (comment cela
fonctionne) et le pathologique (problème de fonctionnement) constituent la pierre angulaire du future
édifice scientifique médical. Grâce à cette nouvelle conception, véritable rupture avec les anciens,
l’étude des pathologies et de leurs traitements s’inscrit dans une dynamique scientifique qui trouvera
son apogée au 19ème siècle.
Jean Fernel, médecin de Diane de Poitiers (Maîtresse de François 1er et d’Henri II), consacre
dans son ouvrage « La Pathologie » plusieurs chapitres à la gangrènes, aux abcès, aux taches cutanées,
aux ulcères… et tente pour la première fois une classification étiologique en différenciant les
tuméfactions (élevures) provenant du sang (phlegmon, phyma, charbon, furoncle, thymate,
épinnyctis…) et ceux ayant pour origine la pituite* (squirre, ganglions, cancer, polype, écrouelles,
varices, anévrismes….).
* Pituite vient de pituita, mucosité. A cette époque il s’agit de tous les liquides non identifiés, plus ou
moins épais, qui semblaient pouvoir être à l’origine des « élevures » (tuméfactions).
Anatomie et physiologie
L’anatomie, très sommaire au moyen âge, tant sur le plan des connaissances que sur
celui de la représentation graphique, prend, à la renaissance une dimension nouvelle. La redécouverte
de la statuaire grecque, l’expansion extraordinaire du dessin et de la peinture, la réalisation
d’autopsies, même en l’absence d’autorisation, sont autant d’éléments propres à la réhabilitation de
l’art d’après nature, que le modèle soit examiné de l’intérieur (squelettes, coupes anatomiques,
myologie…) ou de l’extérieur. Le chirurgien redevient par excellence l’arkhitektôn grec, c'est-à-dire
l’architecte, l’artisan, l’artiste, le technicien et enfin le médecin (tektôn). Léonard de Vinci et
Ambroise Paré sont tout à la fois artiste, physiologiste pour l’un et chirurgien pour l’autre.
La physiologie progresse par l’observation. On suit les nerfs, les artères, les veines, la
moelle épinière, leur dessin est précis et permet d’envisager le fonctionnement des premiers
mécanismes physiologiques. Les os et les muscles, encore à l’état d’ébauche au moyen âge, sont
maintenant parfaitement recensés et identifiés.
La chirurgie s’appuie désormais sur des connaissances anatomiques de bonne qualité.
On invente de nouveaux matériels (bistouris, scies, trépan, pinces à hémostase, orthèses…). Toutes les
disciplines chirurgicales progressent, la chirurgie orthopédique (fractures, luxation, amputation,
extraction de balle…) la chirurgie viscérale (extraction de calculs vésicaux, cautérisation de plaies,
hémostases vasculaires avec les premières ligatures…), la chirurgie de l’œil (l’intervention de la
cataracte est bien codifiée et parfois couronnée de succès), la chirurgie obstétricale*.
•
On raconte à ce sujet que la première césarienne aurait été le fait d’un suisse, éleveur de
porcs, qui ayant l’habitude de châtrer ses animaux, réalisa une césarienne chez sa femme
Elisabeth Nüfer. Celle-ci survécut à l’intervention (1500) et eut même après, plusieurs
grossesses non pathologiques. La première description de l’intervention est réalisée par
François Rousset, chirurgien en Avignon vers 1581.
+ Vidange de la vessie avant l’intervention,
+ lncision paramédiane,
+ Utilisation de deux types de bistouris : l’un " rasoir à pointe ", l’autre " rasoir à
bouton " pour ne pas blesser le bébé,
+ Ne pas suturer l’utérus (auto rétraction),
+ Drainage de l’utérus et mise en place d’un pessaire en cire,
+ Fermeture de la paroi abdominale.
59
Au tout début du 17ème siècle, Shakespeare fait naître son héro MacDuff (celui qui
tuera Macbeth) par césarienne (scène XXV), « Mac Duff a été arraché du ventre de sa mère avant
terme ». L’intervention était donc déjà bien connue et il était possible de survivre.
= Léonard de Vinci (1452-1519)
Léonard de Vinci est, comme son nom l’indique, originaire de Vinci en Italie. D’abord élève
de Verrocchio (1470-1482), il travaille pour Ludovic le More à Milan et la république florentine
(1482-1512). Il gagne la France et se met sous la protection et au service du jeune Roi François
premier jusqu’à sa mort en 1519.
Léonard de Vinci n’était pas médecin mais curieux de tout, y compris de physiologie et
d’anatomie. Au-delà de la nécessité de représenter dans l’art pictural qui était le sien, les formes de ses
modèles. Léonard de Vinci poussa plus loin l’étude des muscles, des os et même du système
vasculaire.
Léonard de Vinci
Initié à la dissection, il représenta dans plus de 750 dessins et schémas l’ensemble du corps
humain. Les qualités scientifiques et artistiques de ces dessins, abondamment annotés, font de Vinci,
au même titre que Vésale, un précurseur des grands anatomistes du 19ème siècle.
Muscles de l’épaule et du cou
Myologie du dos et des membres inférieurs
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Malgré la précision de ses travaux anatomiques, Vinci commit quelques erreurs qui mirent
plusieurs années pour être redressées. Ainsi, confondant les nerfs honteux internes et les canaux
spermatiques, il pensait que le sperme provenait de la moelle épinière (Cette jonction avec le système
nerveux pouvant expliquer le plaisir sexuel).
Il meurt sans sa demeure du Clos Lucé, à Amboise, vénéré de François premier.
Mort de Léonard de Vinci
= André Vésale (1514-1564)
Né à Bruxelles, Vésale entamera ses études médicales à Paris avant d’être dans l’obligation de
quitter cette ville (guerre entre la France et le Saint empire germanique). Il achèvera ses études à
Padoue où il enseignera l’anatomie et la chirurgie.
André Vésale
Vésale, par sa qualité d’observateur et d’illustrateur peut être considéré comme le plus grand
anatomiste de la renaissance. Dans De humani corporis fabrica (1543) son œuvre maîtresse, la qualité
de ses planches anatomiques, réalisées organe par organe (muscles, vaisseaux, nerfs, os…) est telle
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qu’il pourrait être possible de les utiliser pour apprendre l’anatomie de nos jours. La qualité du dessin,
les annotations, les légendes et les discussions sur les variabilités individuelles donnent à l’ensemble
une qualité didactique incomparable.
Vésale, Scène de dissection
De humani corporis fabrica
André Vésale, dépoussiéra les documents servant de référence, notamment ceux de Galien, et
établit chaque fait nouveau à partir de dissections d’une extrême précision. Son œuvre, réalisée avec
les meilleurs graveurs de son temps (Jean Stephan van Calcar) recouvre toutes les branches de
l’anatomie y compris les organes internes dont les rapports les uns avec les autres sont traités avec une
très grande minutie.
= (1523-1562) Gabriello Fallopino
Gabriello Fallopino, médecin à Padoue, a étudié l’anatomie et plus particulièrement
celle des organes génitaux féminins. Il a laissé son nom aux trompes dites de « Fallope »qu’il a
décrites pour la première fois.
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Gabriello Fallopino
Chirurgie
La chirurgie de la renaissance est exercée par des : des chirurgiens en robe longue, appartenant
au collège de Saint Côme et des chirurgiens en robe courte, uniquement destinés à la petite chirurgie
(pansements, saignées…).
Les conflits avec l’Université, très dogmatique et où l’enseignement est prodigué en latin, sont
permanents avec le monde de la chirurgie, moins théorique et surtout confronté aux données de
terrains pendant les guerres.
Un nom domine la chirurgie de la renaissance, celui d’Ambroise Paré.
= Ambroise Paré (1510-1590)
« Je le pense, Dieu le guérit »
Né à Laval, Ambroise Paré est le plus emblématique des chirurgiens de la renaissance (en
France, plusieurs centaines de cliniques chirurgicales portent encore son nom).
Ambroise Paré
Chirurgien de quatre rois de France (Henri II, François II, Charles IX et Henri III), Ambroise
Paré a connu la célébrité de son vivant. Garçon barbier à Laval, il gagne Paris et entre à l’Hôtel-Dieu
en 1533 pour trois années. Avant de passer son diplôme de barbier chirurgien, il décide de suivre les
armées françaises en Italie (campagne du Piémont de 1537). Médecin militaire de fait, il s’interroge
sur les surinfections des plaies traitées à l’époque par application d’huile brûlante.
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L’histoire raconte que lors d’une bataille, Ambroise Paré se trouva dépourvu d’huile
bouillante utilisée pour cautériser les plaies (les plaies par le fer ne peuvent être traitées que par le
feu disait-on). Il continua néanmoins à traiter les blessés par simple nettoyage des lésions et pose de
pansements. Les jours suivants, il eut la surprise de constater que les patients « non traités »
guérissaient mieux. Il en conclut que l’huile bouillante utilisée aggravait la blessure par brûlure,
provoquait une inflammation des tissus et donnait de la fièvre au blessé. Cette technique fut
rapidement abandonnée.
Le premier, il invente un baume adoucissant à base d’huile qui présente le triple avantage de
limiter les douleurs de la cautérisation, de diminuer le risque d’infection et d’éviter le délabrement des
plaies par brûlure (La mixture anciennement utilisée s’appelait « huile des petits chiens » du fait de sa
composition). En diminuant la part du mélange revenant au chien, et en augmentant la térébenthine et
l’alcool (de l’eau de vie), Paré améliora les effets bénéfiques du baume qui se présentait sous forme
d’une émulsion (c’est Paré qui en 1560 utilise ce terme pour la première fois).
C’est également lui qui « ose » la première ligature artérielle en remplacement de la
cautérisation au fer rouge (Un doute subsiste pour cette première intervention vasculaire avec Celse
au 1er siècle).
On raconte à ce sujet, qu’un gentilhomme, blessé à la jambe d’un coup de couleuvrine, devait
être amputé. Ce type d’intervention se terminait le plus souvent par une hémorragie massive et la mort
du patient. La pratique voulait que l’hémostase soit réalisée au fer rouge. Alors qu’il avait déjà scié
l’os, et que les fers étaient prêts, Ambroise Paré se munit d’un bec de corbin (ou bec de corbeau,
pince recourbée en forme de bec, utilisée depuis la moitié du 15ème siècle), d’une aiguille et de fil, et
réalisa une ligature des gros vaisseaux (artères et veines).Le gentilhomme survécu.
Nommé chirurgien ordinaire du roi Henri II en 1554, il s’installe à Paris dans une maison
démolie lors de la création de la place Saint Michel, c'est-à-dire à mi distance de l’Hôtel-dieu et de la
faculté de médecine.
Malgré son absence de culture latine, il est nommé chirurgien de Saint Côme (On raconte que
Paré eut cette promotion grâce à un jury complaisant qui lui avait préalablement fourni les questions
et les réponses en latin).
Son travail est résumé en 1575 dans ses œuvres complètes à partir des travaux et des
publications réalisées pendant plus de trente ans (traitement des plaies occasionnées par les « bâtons à
feu » en 1545, traité d’anatomie, traité d’obstétrique, 17 livres de chirurgie, un traité sur les maladies
infectieuses…).
Prothèse de jambe
Prothèse de bras
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Comme chirurgien de guerre, A. Paré améliore les techniques d’amputation et dessine des
modèles de prothèse pour la jambe, la main et le membre supérieur. Les dessins de prothèse articulés
proposés par Ambroise Paré sont étonnamment modernes. On lui doit de nombreux traités de chirurgie
portant sur le traitement des fractures et des luxations.
Reconnu de son vivant, Paré eut autant de cadavres à disséquer qu’il le souhaitait. Il gardait
chez lui le corps d’un supplicié embaumé et disséqué à moitié qui lui permettait de vérifier l’anatomie
avant d’inciser un patient.
Outres ces traités, qui recouvrent la totalité des connaissances de son temps et de ses
découvertes propres, Paré démystifie l’utilisation de la poudre de « mumie » soit disant extraite de
momies égyptiennes, combat la castration testiculaire dont les indications multiples étaient
pratiquement toutes injustifiées, réfute les préparations à base de corne de licorne (rostre du narval)
sensées donner pureté et longévité. Homme de science, bien que non latiniste, Paré au cours de sa vie
trépidante et mouvementée, placera toujours l’observation comme principe, l’expérience comme
nécessité et luttera contre les croyances et les coutumes sans fondement scientifique.
Ambroise Paré opérant
Prothèse de main
Parmi ses patients célèbres on retiendra :
Le Duc de Guise, blessé à la joue par une lame à Boulogne (appelé depuis cette date le
balafré). S’étant armé d’une tenaille de maréchal ferrant il plaça son talon sur la tête du patient et
réussi à extraire le morceau de lance du maxillaire.
Un vassal du Duc de Savoie qui souffrait d’un ulcère de la jambe, guérit grâce aux soins
avisés de Paré. Devant ce succès le Duc de Savoie voulut s’attacher Paré qui refusa.
Le Roi Henri II décède en 1559 d’un coup de lance dans l’œil droit à la suite d’un tournoi. La
blessure est extrêmement délabrante (la lance est ressortie par l’oreille) mais le roi reste conscient.
Ambroise Paré se contente d’extraire quelques esquilles de bois par le nez et de couper dit-on, de la
matière cérébrale au niveau du temporal. Pour aider le chirurgien on décapitera des condamnés à qui
on enfoncera des « trouzzons » dans l’œil droit afin d’étudier les lésions produites. Le roi mettra trois
jours à agoniser.
Le Roi François II, mort d’une mastoïdite à Orléans (1561).
Le Roi Charles IX qui agonisa sans diagnostic précis semble t-il.
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La nuit de la Saint Barthélemy (du 23 au 24 Août 1572), il soigne le Maréchal de Coligny,
victime d’un attentat, puis s’enfuit par les toits (il est alors âgé de 62 ans). Au cours de ces journées
sanglantes, il soignera les blessés des deux camps sans distinction de religion.
Le Roi Henri III, assassiné d’un coup de couteau dans l’abdomen par le moine Clément.
= Gasparo Tagliacozzi (1546-1599)
Gasparo Tagliacozzi est originaire de Bologne. C’est dans cette ville qu’il devint docteur en médecine
et qu’il exerça l’anatomie.
Gasparo Tagliacozzi
Brillant anatomiste et chirurgie, Tagliaccozzi fut le premier à réaliser une rhinoplastie grâce à
un lambeau de chair décollé du bras et maintenu dans position pendant trois semaines sur la région à
greffer. Dans son célèbre ouvrage, rehaussé de gravures sur bois, (De cutorum chirurgia per
insectionem Libri Duo), il décrit ses techniques chirurgicales, utilisables pour le nez et les oreilles.
Dessins extrait de De cutorum chirurgia per insectionem Libri Duo
Jalousé, et combattu par Ambroise Paré et Fallopino, il fut adulé par ses patients, (surtout des
nobles mutilés à la guerre).
A sa mort, Tagliacozzi fut inhumé dans un couvent de Bologne mais, une sœur ayant entendu
la nuit des bruits de chaînes qui de toute évidence ne pouvaient provenir que des puissances
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infernales, le clergé instruisit un procès en sorcellerie à celui qui était intervenu contre les desseins
divins en réparant ce que Dieu avait mutilé. Exhumé du couvent, et enterré à l’extérieur de la ville, il
fallut toute la puissance des princes de Bologne pour réhabiliter Tagliacozzi et réinhumer sa dépouille
dans son tombeau initial.
Premier rhinoplasticien, sa technique sera aménagée et améliorée, mais sera toujours
d’actualité pendant la grande guerre de 14-18. Les techniques utilisées pour traiter les « gueules
cassées » dérivent en presque totalité de ses découvertes.
Pharmacologie
La pharmacologie du début du 16ème siècle reste encore très imprégnée des recettes des siècles
précédents. On utilise les herbes cultivées dans les monastères et les « simples » que l’on récolte dans
la nature proche (variables suivant les régions). Quelques matières minérales figurent dans la
pharmacopée (antimoine, soufre…) avec des extraits animaux (graisse de jeune chien, bile, os râpé...).
Au début du siècle un homme étonnant, controversé par beaucoup et admiré par d’autre, va,
par sa libre pensée et son attachement à l’alchimie, redynamiser les préparations magistrales au point
que certains lui reconnaîtront le titre de père de la pharmacopée moderne.
= Paracelse (1493-1541)
Paracelse, de son vrai nom Théophraste Bombastus von Hohenheim, naît à Zurich en 1493. Sa
mère, d’origine suisse, est intendante de l'hospice d'Einsiedeln. Son père est chimiste et médecin.
Adolescent, il travaille dans des mines proches comme mineur, puis comme chimiste à l'école
des mines de Villach où l’on extrait le fer, le plomb et le cuivre... Cette expérience marquera à tout
jamais son activité scientifique.
Il suit ses études à Bâle, à Viennes puis en Italie et est diplômé en médecine de l’école de
Ferrare en 1516, il n’a que 23 ans. Il choisit pour patronyme "Paracelse", peut-être en référence à
Celse, célèbre médecin romain du 2ème siècle.
Paracelse
Alterius non sit qui suus esse potest.
« Qu’il n’appartienne pas à autrui, celui qui peut s’appartenir à lui-même »
Grand voyageur européen, Paracelse est moderne dans ses critiques, mais étrangement attaché
à l’astrologie et à l’alchimie.
Paracelse ne suit pas les doctrines classiques, il est arrogant et s’attire ainsi l’hostilité de ses
confrères européens. En mars 1527, peut-être grâce à l'intervention d'Érasme dont il a sauvé un ami
malade du foie, il est nommé médecin municipal et professeur de médecine à l'Université de Bâle. En
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moins d’un an, il s’attirer la vindicte de ses collègues par ses déclarations et ses enseignements dont
l’originalité dérange.
Bien qu’Admirateur d’Hippocrate, il adresse à ses collègues une sorte de proclamation
incendiaire fustigeant les doctrines classiques latines et médiévales.
« Qui donc ignore que la plupart des médecins de notre temps ont failli à leur mission de la
manière la plus honteuse, en faisant courir les plus grands risques à leurs malades ? Ils se sont
attachés, avec un pédantisme extrême, aux sentences d'Hippocrate, de Galien et d'Avicenne (...)
J'enseignerai pendant deux heures par jour la médecine pratique et théorique (...). L'expérience est
notre maître d'école suprême - et de mon propre travail. Ce sont donc l'expérience et la raison, et non
les autorités [Hippocrate, Galien, Avicenne] qui me guideront lorsque je prouverai quelque chose."
La philosophie de Paracelse s’appuie sur les relations intimes unissant le macrocosme
(astrologie) à l’équilibre des humeurs (microcosme).
Rompant avec la tradition, ce qui fit de lui à cette époque un révolutionnaire, il s’initie aux
sciences occultes et notamment à l’alchimie, qu’il pratiqua sa vie durant.
Paracelse alchimiste
Paracelse, scène de dissection
Cette propension à trouver de nouvelles compositions chimiques à base de plantes et de
métaux (chacun ayant une référence planétaire) le fit surnommer le « père de la pharmacologie ».
Ayant obtenu d’excellents résultats thérapeutiques, sa notoriété s’étendit à toute l’Europe et
notamment dans le monde germanique. Astrologue, médecin, libre penseur, alchimiste, il fascina bon
nombre de ses contemporains à une époque où l’astrologie (Catherine de Médicis avait son astrologue,
Nostradamus) et l’alchimie (Nicolas Flamel est mort en 1418) se libéraient du carcan de l’église.
Prônant l’importance de ses propres observations, Paracelse brûlera les ouvrages d’Avicenne
et de Galien, montrant ainsi qu’il refusait « l’autorité ».
Auteur de théories basées sur l’occultisme (hermétisme et spagirique), il fut violemment
combattu au siècle suivant par les disciples d’Hippocrate et notamment par Jean Riolan (1538-1606),
adepte de l’histoire naturelle et des observations cliniques. Il utilisera entre autre l’antimoine* contre
certaines maladies infectieuses malgré la réputation épouvantable de ce produit.
*Le nom de ce métal provenait d’un accident malencontreux survenu au siècle précédent. Un
moine, ayant observé que les gorets à qui l’on donnait des compléments minéraux grossissaient plus
vite, eut l’idée de donner cette substance à ses condisciples. Les effets désastreux constatés sur ces
derniers, donnèrent à ce métal le surnom, puis le nom d’antimoine.
68
Bien que ce produit ne fût autorisé qu’à la moitié du 17ème siècle, grâce aux travaux de
Descartes, les alchimistes, et entre autre Paracelse, le fit entrer dans la composition de nombreuses
préparations.
En 1536, il publie à Ulm « Die grosse Wundartzney » (La grande chirurgie), qui lui permet de
retrouver la notoriété.
Il meurt, à l’âge de 48 ans, vraisemblablement d'un cancer du foie d’origine toxique (on
évoque parfois l’effet toxique du mercure et des autres métaux qu’il a manipulé sa vie durant).
= Michel de Notre-Dame (1503-1566)
Michel de Notre-Dame, appelé plus tard Nostradamus, fut l’astrologue et le médecin de
Catherine de Médicis. Né à Saint Rémy de Provence, le jeune Nostradamus aurait été confié « à
l'éducation » de son aïeul Jean de Saint-Rémy, ancien médecin.
Nostradamus
Très jeune, il part faire ses études à Avignon, où il obtiendra le titre de bachelier es Art, mais il
doit rapidement quitter l'université à cause de l'épidémie de peste. Pendant une dizaine d’années, il
pratique comme apothicaire, et s'inscrit à la Faculté de Montpellier pour étudier la médecine. Il atteint
une certaine notoriété grâce à la mise au point de remèdes, comme les « boules de senteur ».
En 1533, il s'établit à Agen, où il pratique la médecine. Il y rencontre Jules César Scaliger,
personnage éclectique et révolutionnaire pour l’époque, qui le fera condamner par l’église (tribunal de
l’Inquisition de Toulouse) comme charlatan « un mécréant qui sentait le fagot ».
Michel de Notre-Dame quitte alors Agen, et réalise un véritable tour de France en passant
même par la Belgique et le Luxembourg. Il s’installe finalement en Arles en 1547. C’est dans cette
ville qu’il crée un médicament à base de plantes, sensé prévenir la peste, qu’il expérimentera à Aix en
1546. « À la même époque, il commence à publier des almanachs qui mêlent des prévisions
météorologiques, des conseils médicaux et des recettes de beauté par les plantes. Il étudie également
les astres ». Dès cette période, Michel de Notre-Dame signe ses quatrains du nom de Nostradamus*.
*Selon l’Encyclopédie, ce nom n'est pas l'exacte transcription latine de Nostredame, qui serait
plutôt Domina nostra ou Nostra domina. En latin correct, Nostradamus pourrait signifier : « Nous
donnons (damus) les choses qui sont nôtres » ou « Nous donnons (damus) les panacées » (nostrum, au
pluriel), mais il est également permis d'y voir un travestissement macaronique (et très heureux) de
Nostredame.
Sa renommée est telle que Catherine de Médicis, l'appelle à la cour et le fait nommer médecin
et conseiller du roi Charles IX en 1564. Il jouera le rôle d’astrologue auprès de la souveraine.
Nostradamus, qui souffrait d’épilepsie, de goutte, et peut être de dyslexie, s’éteint à Salon de
Provence d’une insuffisance cardiaque en 1566.
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Les Prophéties, éditées en 1568, comprennent dix Centuries, (une centurie étant un ensemble
de cent quatrains). La première édition compte 353 quatrains, la dernière (posthume), 942. Compte
tenu du style symbolique et ésotérique de ces quatrains, de nombreuses interprétations ont été
proposées. Le plus célèbre de ces quatrains est certainement celui faisant référence à la mort du Roi
Henri II lors d’un tournoi contre le comte de Montgomery.
Le lyon ieune le vieux surmontera,
(Les deux combattants portaient un lion comme insigne)
En champ bellique par singulier duelle,
(Le tournoi entre De Montgomery et le Roi)
Dans cage d'or les yeux luy creuera,
(La visière du heaume d’Henri II était formée d’une cage d’or, la lance brisée de De Montgomery
s’insinua dans la visière et pénétra dans l’oeil)
Deux classes vne, puis mourir, mort cruelle.
(Il agonisa pendant deux jours).
Les prédictions de Nostradamus font toujours recette de nos jours dans les journaux
spécialisés, dans les horoscopes et l’astrologie.
Maladies contagieuses
Après la peste du 15ème siècle, c’est la syphilis, ou mal de Naples, qui se développa au 16ème
siècle. Rapportée par les marins et les soldats espagnols de Christophe Colomb, au tout début du 16ème
siècle, l’épidémie gagna rapidement le royaume de Naples qui employait des mercenaires espagnols
pour lutter contre Charles VIII. Au retour, les troupes françaises contaminèrent le reste de l’Europe au
point que le mal de Naples devint le morbo gallico, ou mal français.
Dès cette époque, la notion de transmission par un facteur trop petit pour être visible fût
évoquée par plusieurs médecins dont Girolamo Fracastoro de Vérone dans son Syphilis sive morbus
gallicus (1530). Jean Fernel (également médecin de Catherine de Médicis et d’Henri II) suggéra que
la gonorrhée et la syphilis, bien que communes dans leur mode de transmission, constituaient deux
maladies différentes (prélude aux travaux de Ricord à la fin du 19ème).
Dans le domaine médical, la renaissance porte parfaitement son nom. Rompant avec les
superstitions moyenâgeuses, ressortant de l’oubli la médecine antique, innovant dans tous les
domaines médicaux, elle constitue en l’espace de 50 ans une révolution telle qu’il faudra attendre
encore 400 ans pour que les sciences médicales fassent un nouveau bon vers la modernité.
Apothicaires
Les apothicaires font partie d’une des quatre catégories d’épiciers. Ils seront autonomisés par
Louis XII en 1514, qui leur reconnaîtra le droit exclusif de vente des plantes et des remèdes. Ce n’est
qu’à partir de cette date qu’une profession paramédicale distincte de la médecine s’autonomisera,
quittant pour un temps l’épicerie. La suite montrera que la profession d’apothicaire tendra à s’étioler
dès la fin du 19ème siècle, avec l’abandon des préparations magistrales, pour retrouver une fonction de
distributeur de spécialité plus proche du commerce de médicament que de celui de concepteur et de
préparateur.
= Littérateur médecin : Théophraste Renaudot (1586-1653)
70
Né à Loudun, Théophraste Renaudot fait ses études de médecine à l’université de Montpellier,
alors ouverte aux protestants. Médecin à 20 ans, il voyage en Europe et s’établit dans sa ville d’origine
où il est sensibilisé par les franciscains au problème de la pauvreté.
Il fait parvenir au Conseil de Régence dirigée par Marie de Médicis un traité Sur la condition
des pauvres, qui lui permit d’obtenir le titre de « médecin ordinaire » du Roi Louis XIII en 1612.
Influencé par les franciscains et notamment le père Joseph, prédicateur exalté, il se convertit au
catholicisme et entre un Conseil de Richelieu.
Vers 1630, il ouvre un « bureau d’adresses », premier type d’ANPE connue, destiné à
accueillir offres et demandes d’emplois, pour aider les pauvres et les vagabonds. Le succès fut
important puisqu’en en 1633, une ordonnance contraignit tous les sans emplois à s’y inscrire. Cette
mesure fut accompagnée de la création du premier journal d’annonces : la Feuille du bureau
d’adresses. Parallèlement à cette publication, Renaudot lance en 1631 la Gazette, premier
hebdomadaire, tiré à quelques milliers d’exemplaires, destinée à relater les nouvelles « ordinaires de
divers endroits » . A cette publication s’ajoutera bientôt (1634) les « Extraordinaires », donnant des
détails sur les événements les plus important du royaume.
La Faculté, toujours prompte à juguler la réussite d’un médecin hors de son orthodoxie, obtint,
après la mort de Richelieu et de Louis XII, ses deux protecteurs, l’interdiction des consultations
médicales et des conférences dans son bureau d’adresses, qui fermera en 1646. La Gazette survécut à
son décés, grâce à la confirmation de ses fils par Mazarin.
Un 1926 un groupe de journalistes crée le Prix Renaudot qui est attribué le même jour que le
prix Goncourt, le premier mardi de Novembre.
71
DE LA RENAISSANCE AUX LUMIERES
Le 17ème siècle apparaît comme un siècle de consolidation des connaissances acquises pendant
la période foisonnante de la renaissance. Si en sciences, l’expérience et la démarche scientifique
commencent à se développer, en médecine on reste très attaché aux notions hippocratiques et aux
théories de Galien. La nouvelle manière de penser, d’observer et de déduire, dont Descartes fut le
champion, effleure le monde médical sans en modifier profondément la structure, sinon dans le
domaine de la physiologie qui connut, grâce à l’expérimentation, à la déduction et à l’observation un
développement significatif.
Deux grandes figures médicales dominent cependant cette période, celle de William Harvey,
le premier à donner une description complète de la circulation sanguine et celle de Marcello
Malpighi, père de l’histologie.
La première partie du 18ème siècle prolonge, sans grand bouleversement, le siècle précédent.
Malgré la fin du Roi soleil et l’arrivée des lumières philosophiques, la médecine reste dans l’obscurité
pour ne pas dire l’obscurantisme. L’opposition entre, le corps conçu comme une machine par
Descartes, et la loi des forces vitales élaborée et défendue par Leibniz, n’influenceront pas
significativement le corpus médical qui, fidèle à ses dogmes et à ses principes hippocratiques, ne sera
réellement remis en question qu’à la révolution.
Diafoirus, Purgon, les malades plus ou moins imaginaires, les médecins « malgré eux »
changeront de perruques mais pas de raisonnement ni de thérapeutique ; on saigne et on purge on
examine les urines* et les selles sans en tirer aucune information sémiologique. Les nouvelles théories
fleurissent: vitaliste, phlogistique, théories du tonus (éther nerveux), des pores, de l’énergie
nerveuse… L’organisme est alors dominé par trois esprits :
La nature à son siège dans le foie
La force vitale : dans le cœur
L’esprit animal : dans le cerveau.
* L’examen des urines est réalisé dans un vase renflé à sa base ou « metula ».
Friedrich Hoffmann (1660-1742) définit la théorie des fibres qui ne peuvent se contracter
que sous l’effet du « tonus » érigé ainsi en force vitale. Pour d’autre c’est « l’excitabilité » qui définit
la santé du patient. La classification entre « sthénique » et « asthénique » était encore utilisée au début
du 21ème siècle. Bordeu (1722-1776) centre son raisonnement sur la force vitale qui proviendrait de
sécrétions stomacales, cérébrales et cardiaques. Même si cette approche figure l’endocrinologie, on est
encore très loin de cette discipline. La force vitale sera remise à la mode au début de l’ostéopathie,
reste pathétique d’un onirisme qui refuse de s’éveiller.
72
Physiologie
Un seul nom domine cette période, celui de William Harvey.
= William Harvey (1578-1657)
Diplômé de Cambridge, William Harvey se rendit à Padoue, capitale de la médecine et de la
recherche en anatomie et physiologie depuis plus de deux siècles. Elève d’Aquapendente (15371619), qui avait donné une très bonne description des valvules veineuses, il fréquente toutes les
célébrités médicales de Padoue, Vésale, Fallopino… De retour à Londres, il est élu au College of
Physicians et devient le médecin de Jacques I et de Charles I d’Angleterre.
William Harvey
Bien que Galien (2ème siècle) ait mis en évidence la rythmicité des contractions cardiaques et
les différences entre les deux ventricules sans évoquer cependant un mécanisme de pompe (pour lui le
sang passait directement du ventricule droit au ventricule gauche par de minuscules orifices perforant
le septum), la petite circulation ne fut définitivement acquise qu’après les observations anatomiques de
Michel Servet (septum non perforé) et physiologiques de Matteo Colombo (1516-1559) qui nota la
différence de couleur du sang se rendant au poumon (rouge sombre) et celui qui en sortait (rouge vif).
Quelques années plus tard, Andrea Cesalpino (1519-1603) définit un système en boucle et
deux circulations (mineure et majeure). Il imagina même l’existence de capillaires entre le système
« chaud » (artériel), et le système « froid » qui ramenait le sang vers le cœur. Cette conception restait
cependant très incomplète puisque pour lui le sang avait son origine dans le cœur et qu’il existait des
échanges directs et importants entre les artères et les veines.
73
Etude sur la circulation sanguine
William Harvey utilisa toutes ces données et, grâce à ses qualités d’expérimentateur et
d’anatomiste, décrivit la circulation sanguine telle que nous la connaissons aujourd’hui. Dans un
premier temps il nota que la disposition des valvules veineuses interdisait un « retour en arrière », cette
observation donna le sens de la circulation. En étudiant des cœurs d’animaux disséqués (chien,
serpent…) il conclut que le cœur était un muscle destiné à pomper le sang. Il établit que le débit était
équivalent dans les deux ventricules. En saignant un mouton il postula que le sang circulait bien dans
un système fermé et que le cœur n’était pas à l’origine de sa production.
Enfin il décrit les vaisseaux coronaires et établit que le cœur était, comme les autres muscles,
alimenté par un système artériel propre. Sa conception selon laquelle le sang était « régénéré » dans les
poumons fit disparaître progressivement, mais après de nombreuses polémiques, le côté de la
« saignée », (du côté de l’affection ou de l’autre). Combattues par les partisans du microcosme et ceux
de Galien, ses idées finirent par triompher sans toutefois bouleverser la médecine de l’époque qui ne
sut établir le lien entre la circulation sanguine et les différentes étiologies des maladies.
Quand Harvey voulu publier sa découverte, aucun éditeur n’accepta son manuscrit. C’est
donc à compte d’auteur, dans la ville de Frankfort qu’Harvey publia son traité sur la circulation
sanguine. Très male reçue par l’ensemble des médecins de l’époque, sa thèse fut combattue dans
74
l’ensemble de l’Europe. A sa mort, en 1657, très peu de savants croyaient à la réalité de sa théorie. Il
fallut attendre 40 ans pour que la circulation du sang décrite par Harvey, et défendue par quelques
médecins, par Boileau et même Molière, fut reconnue officiellement par…….. décret royal de Louis
XIV.
Chronologie de la découverte de la circulation sanguine :
Egypte
Galien
M. Servet
M. Colombo
A Cesalpino
Acquapendente
W. Harvey
M. Malpighi
- 1000 Av JC
200 Ap JC
1530
1540
1540
1570
1635
1640
Fréquence cardiaque
Deux ventricules, septum perforé
Septum non perforé
Sang chaud (rouge), sang froid (bleu)
Deux systèmes en boucle
Anatomie des valves veineuses
Sens de la circulation veineuse
Artères coronaires
Capillaires pulmonaires
Hermann Boerhaaven (1669-1738)
Hermann Boerhaaven mit en pratique les travaux de Huygens (1629-1695) et de Fahrenheit
(1686-1736) sur la mesure de la température, en inventant le premier thermomètre médical. L’étude de
la température corporelle et de ses variations nycthémérales ou pathologiques fût ensuite conduite par
De Haen qui nota, entre autre, les relations entre la fréquence cardiaque et la température, la fièvre, le
frisson... Cette invention ne fut malheureusement pas prise en considération par les médecins de
l’époque qui n’en firent pratiquement pas usage malgré que l’on sache depuis la période pharaonique
qu’il existait une relation entre la température corporelle et la maladie.
Anatomie
Les découvertes anatomiques des 17ème et 18ème siècles concernent essentiellement l’anatomie
microscopique, moins spectaculaire que la célèbre leçon d’anatomie (ou de physiologie pour
Masquelet), mais essentielle à la compréhension des mécanismes intimes de fonctionnement de
l’organisme.
La leçon d’anatomie de Rembrandt
= Marcello Malpighi (1628-1694)
75
Marcello Malpighi peut être considéré comme le premier histologiste. Curieux, passionné, il
utilisa pour la première fois de façon systématique la loupe grossissante utilisée par Antonie van
Leeuwenboek, marchand de tissu à Delft (les marchands de tissu utilisaient ces loupes pour
comptabiliser les fils de trame et de chaîne). Antonie van Leeuwenboek, qui fut le premier à voir les
globules rouges, les stries musculaires et les spermatozoïdes, passait ses loisirs à construire et
perfectionner cette loupe qui, à la fin de sa vie, était devenue un véritable microscope. Marcello
Malpighi utilisa cette invention et inventoriera l’ensemble des tissus humains, animaux et végétaux.
Marcello Malpighi
Ses planches de dessins anatomiques et physiologiques sont remarquables par leur précision
et leur qualité picturale.
Cet observateur forcené décrira tous les tissus organiques, la peau, les viscères, les glandes
endocrines, les nerfs, le rein, les os… Cependant si les descriptions et les dessins sont réalisés avec
une très grande précision, les hypothèses physiologiques ne sont pas toujours pertinentes, ce qui nuira
à l’application médicale de ses découvertes.
76
Planches histologiques dessinées par Malpighi, à droite un embryon de poulet
C’est à Malpighi que l’on doit la première observation des capillaires pulmonaires dont
Harvey avait suspecté l’existence mais qu’il n’avait pu mettre en évidence.
Loupe de Malpighi
Pyramide de Malpighi
Les travaux de Malpighi mirent en évidence la structure des glandes endocrines et du rein et
notamment des néphrons. La très bonne description anatomo-histologique qu’il donna de ces derniers
l’amena à commettre une erreur concernant la physiologie des glandes sudoripares eccrines. Devant
l’extrême ressemblance entre les néphrons et les pelotons sudoripares il conclut en effet que le tissu
cutané pouvait jouer un rôle identique à celui du rein. Cette erreur qui perdura jusqu’à la fin du 19ème
siècle ne sera corrigée que tardivement lors de l’étude de la physiologie sécrétoire des glandes
sudoripares (milieu du 20ème siècle).
= Thomas Wharton (1614-1673)
Thomas Wharton
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Thomas Wharton s’intéressa plus particulièrement aux systèmes glandulaires. On lui doit
notamment la description des glandes salivaires (canal de Wharton), sexuelles et lymphatiques. Il
décrivit pour la première fois les glandes sans canaux, c'est-à-dire endocrines.
Canal de Wharton
Pour la petite histoire il démontra que les larmes n’étaient pas issues de sécrétions cérébrales
comme on le pensait à l’époque et que l’expression « rhume de cerveau » n’avait pas lieu d’être.
= Jacques Bénigne Winslow (1669-1760)
Originaire du Danemark, Jacques Bénigne Winslow, étudia la médecine dans son pays, puis
aux Pays-Bas. Elève de Caspar Bartholin (l’homme des glandes génitales féminines), il s’installe à
Paris en 1693. Converti au catholicisme par Bossuet, il ajoute à son prénom original celui de Bénigne.
En 1707 il est Docteur en médecine de l’Université de Paris et entre la même année à l’Académie des
sciences. Il est passionné de dissection et d’anatomie ce qui lui vaudra le titre de « Premier anatomiste
d’Europe ».
Pendant quarante ans Winslow étudia l’anatomie, l’embryologie, la tétralogie. On lui doit la
désignation du nerf grand sympathique.
Inventeur du hiatus qui fait communiquer la grande cavité abdominale avec la cavité des
épiploons, Winslow fut l’auteur de « L’exposition anatomique de la structure du corps humain » en
1732 qui fut rééditée plus de trente fois. C’est lui qui prononça, comme Docteur régent, professeur de
la faculté, le discours inaugural de l’amphithéâtre de la rue de la bûcherie.
= Valsalva
Valsalva fit ses études de médecine à l'université de Bologne où il devint docteur en médecine
en 1687 (son maître fut Marcello Malpighi). Nommé professeur d'anatomie dans cette ville, il fut plus
tard Président de l'Académie des Sciences et eut pour disciple Morgagni.
78
Valsalva
Valsalva travailla essentiellement sur l'anatomie de l'oreille (c’est à lui que l’on doit le terme
de trompe d'Eustache). On lui doit également la description des sinus aortiques qui portent son nom. Il
existe encore aujourd’hui une collection de pièces anatomiques exposée au Musée d’anatomie de
Bologne.
La manœuvre de Valsalva (technique d'équilibrage de la pression de l'oreille très utilisée en
plongée) consiste, en se bouchant le nez et en déglutissant, à ouvrir la trompe d’eustache, faisant ainsi
communiquer la caisse du tympan avec la cavité buccale. Cette technique est utilisée au moment de la
descente.
= Giono-baptista Morgagni (1682-1771)
Giono-baptista Morgagni est reçu docteur en médecine à Bologne en 1701. Il a pour maître
Valsalva à qui il succède comme démonstrateur d’anatomie en 1712.
Giono-baptista Morgagni
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Titulaire de la chaire d’anatomie à Padoue. Pendant 60 ans il se consacrera à l’anatomie et
publia de très nombreux travaux résumés dans le traité « opera omnia » (1762). Il est reconnu comme
l’un des fondateurs de l’anatomie pathologique.
Au siècle précédent, quand un patient était transféré à la morgue de l’hôpital, et que l’on
souhaitait différer momentanément l’annonce de son décès aux personnes étrangères au service, on
disait qu’il était dans le service du Professeur Morgagni.
Hernie de Morgagni
= Honoré Fragonard (1732-1799)
Honoré Fragonard eut une vie singulière et une passion nom moins singulière. Surnommé plus
tard comme le Frankenstein du 18ème siècle, H. Fragonard consacra une grande partie de sa carrière à
réaliser des pièces anatomiques animales et humaines. Né à Grasse, dans une famille de parfumeur, le
jeune Fragonard s’initie à la chirurgie à Lyon, puis à Grasse. En 1763 il est nommé directeur de la
nouvelle école vétérinaire de Lyon où il exerça comme professeur et démonstrateur d’anatomie.
Dessin anatomique du cou
Ecorchés
En 1766, suite à la création de l’école royale vétérinaire d’Alfort par Bourgelat, Fragonard est
nommé directeur de cet établissement. Pendant cinq ans il dissèque et prépare un nombre considérable
de pièces anatomiques. Enfermé dans son laboratoire, introverti, silencieux, besogneux il finit par être
80
renvoyé pour « folie » par Bourgelat. A partir de cette date Fragonard vit de son art en fournissant les
cabinets de curiosité très à la mode en cette fin de siècle. En 1794 il est chargé de recherches
anatomiques à l’Ecole de santé de Paris.
C’est à cette époque qu’il produit le « cavalier de l’apocalypse » représentant un homme
écorché sur un cheval au galop. Son art macabre s’oppose aux réalisations galantes de son cousin
(Jean Honoré Fragonard) et de son petit cousin (Alexandre Fragonard) beaucoup plus attirés par les
demoiselles sur des balançoires.
Cavalier de l’Apocalypse
Détail
Il reste à ce jour quelques dizaines de pièces humaines et animales exposées au Musée Dupuytren.
Chirurgie
La chirurgie des 17ème et 18ème siècles ne connut pas le développement que l’on pouvait
envisager avec les nouvelles acquisitions de l’anatomie et de la micro anatomie. L’absence
d’anesthésie, les difficultés à poser des indications, la méconnaissance physiologique de beaucoup de
chirurgiens et le risque infectieux faisaient reculer beaucoup de patients et de praticiens.
Trépanation
Trépan
A ces différentes raisons se surajoutait la formation sommaire de certains chirurgiens (barbiers et
guérisseurs, châtreurs de porcs…*) qui, il est vrai, avait de quoi faire peur aux plus braves.
* Si l’on excepte la naissance de César et d’Asclépios, on raconte que c’est un châtreur de
porc qui réussit la première césarienne (en sauvant l’enfant mais pas la mère).
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Les chirurgiens interviennent pour les fistules anales, les trépanations, les amputations, les
plaies du visage…, les barbiers chirurgiens extrayaient les dents, opéraient les maladies de la pierre,
réduisaient des fractures et les luxations, enfin les rebouteux et autres soigneurs se contentaient des
hernies abdominales, des entorses, des luxations et de la cataracte.
Transfusion sanguine
Jusqu’à l’avènement de Jean-Baptiste Denis, la transfusion sanguine n’avait jamais été
réellement explorée. Principe philosophique consistant à transmettre le tonus et la force d’un individu
à un autre, la transfusion ne s’élaborera définitivement qu’avec la découverte des groupes sanguins.
= Jean-Baptiste Denis (1635-1704)
Originaire de Paris, Jean-Baptiste Denis, fit ses études à Montpellier. Diplômé de théologie et
de mathématique, il ne s’intéressera aux transfusions sanguines qu’à partir de 1667, date de la
première transfusion croisée animale.
Jean-Baptiste Denis
Encouragé par des premiers succès (injection de quelques onces de sang de veau à un homme
qui survécut), il poursuit ses expériences avec son confrère chirurgien Emmerez. Hormis la maladie
de langueur et l’asthénie, les indications proposées pour les premières transfusions paraissent quelques
peu curieuses (paralysie, folie…). Malheureusement plusieurs échecs, et un procès intenté par la veuve
de l’un de ses patients, devaient mettre un terme à ses expérimentations et notamment aux tentatives
de transfusion d’homme à homme.
Obstétrique, maladies vénériennes
L’obstétrique reste, pendant cette période encore, l’apanage des matrones*, mais pour la
première fois en Angleterre et en Europe des hommes assistent et pratiquent des accouchements. Il est
classique de citer parmi eux les Chamberlen, obstétriciens anglo-saxons qui, dès le début du 17ème
siècle, participèrent aux accouchements de la cour d’Angleterre. Hugues Chamberlen accoucha
notamment la reine Anne d’Angleterre en 1692.
* Depuis 1560, les matrones reçoivent des cours théoriques dispensés par les chirurgiens jurés.
= François Moriceau (1637-1709)
Jean François Moriceau, obstétricien parisien fait partie de ces précurseurs. Formé à l’Hôtel
Dieu par le corps des sages femmes, il utilise pour la première fois en France le forceps inventé par
Chamberlen (ou Chamberlayne) dans les années 1650. Il s’agit d’une modification d’un instrument
créé en 1621 par Palfin (appelé mains) destiné à faciliter la délivrance.
82
Auteur « Des maladies des femmes grosses et accouchées », et d’ « Observations sur la
grossesse et l’accouchement des femmes et sur leurs maladies et celles des enfants nouveau-nés », il
développa l’utilisation du forceps et reste connu pour la manœuvre dite de Moriceau qui consiste à
favoriser la flexion de la tête dernière.
= André Levret (1703-1780)
André Levret fut l’élève de Jean Louis Petit qui lui enseigna l’art de l’accouchement.
D’abord chirurgien, il s’oriente rapidement vers les maladies des femmes et l’obstétrique. Il est
l’auteur d’une communication à l’Académie royale intitulée « Observations sur les causes et les
accidents de plusieurs accouchements laborieux ».
Levret accoucheur de la Dauphine
Nommé officiellement accoucheur de Madame la Dauphine (mère de Louis XVI) en 1860,
Levret peut être considéré comme le plus grand obstétricien de ce siècle.
Forceps de Levret
André Levret, inventa un forceps formé de deux branches aplaties transversalement, les bords
des fenêtres étant bordées de cannelures. En position fermée les deux cuillères ne se touchent pas.
OPH
L’ophtalmologie du 18ème siècle est l’objet de nombreux débats à l’Académie des sciences
(1708). Elle est sans conteste possible marquée par Jacques Daviel, premier chirurgien du cristallin
depuis l’antiquité.
83
= Jacques Daviel (1693-1762)
Originaire de Normandie, Jacques Daviel apprend les rudiments de la chirurgie chez un oncle
installé à Rouen avant de devenir aide chirurgien aux armées.
Jacques Daviel
Opération de l’ermite
d’Aiguilles en Provence
Formé à l’Hôtel Dieu de Paris, il exerce au début de sa carrière à Marseille. Le 8 avril 1745 il
effectue sa célèbre intervention sur un ermite victime de cataracte (intervention qui se soldera par un
échec dû à une surinfection secondaire).
A partir de cette date, il ne pratiquera plus l’ablation du cristallin qu’en ouvrant la cornée, base
de la technique utilisée pour l’opération de la cataracte (technique de l’abaissement).
Technique d’ouverture de la cornée et d’extraction du cristallin de son « chaton ».
Il consacrera le reste de son existence à cette intervention qu’il pratiquera à Paris et dans de
nombreuses cours européennes. Ses travaux sont exposés dans un mémoire qu’il adressera à
l’Académie de chirurgie en 1752.
Hygiène
L’hygiène et la santé publique du 17ème siècle restent à l’état embryonnaire. La malnutrition
(Scorbut, rachitisme), les épidémies (varicelle, rougeole, syphilis, diphtérie, typhus, paludisme,
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peste….) dévastent l’Europe. Il n’existe pas de système d’évacuation des eaux, les logements des
pauvres sont de véritables cloaques (manque d’air, de lumière, humidité…) envahis de nuisibles (rats,
poux, insectes variés…).
Les prostituées et les nourrices transmettent à leurs clients et à leurs enfants les maladies
contagieuses dont elles sont porteuses.
Sur le plan médical, l’hygiène n’est pas plus avancée. Les mains ne sont pas lavées. A titre
d’exemple, le frein de la langue des nourrissons est coupé par la sage femme avec un ongle qu’elle
s’est volontairement laissé pousser, les autopsies sont pratiquées à mains nues…
Le 18ème siècle reste lui aussi assez catastrophique en matière de santé publique. Cependant, un
certain nombre de progrès vont être réalisés au niveau des armées de la marine et des prisons. Les
effets dévastateurs de l’alcool sont mis en évidence et dénoncés par J. Coakley Lettsom (1744-1815).
James Lind (1716-1796) met en évidence l’intérêt du jus de citron dans la lutte contre le scorbut.
Edward Jenner (1749-1823) expose l’intérêt de l’inoculation du contenu des vésicules prélevé sur
des vaches atteintes de cow pox (vaccine) en 1798.
Cette technique, fut introduite au début du siècle en Angleterre par Lady Mary Wortley
Montagu qui avait observé cette pratique en Turquie. Il s’agissait dans ce cas de prélever du liquide
vésiculaire d’un individu atteint, et de l’inoculer à un autre sujet, qui présentait alors une forme
atténuée de la maladie et s’immunisait ainsi contre la variole.
= Théodore Tronchin (1709-1781)
Né à Genève, Théodore Tronchin dut rapidement gagner l’Angleterre du fait de la faillite de
son père au moment de la banqueroute de Law et de ses assignats. Diplômé de Cambridge, il s’installe
dans divers pays européens dont les pays bas, à nouveau l’Angleterre pour finalement retourner à
Genève et à Paris sur la sollicitation du Duc D’Orléans en 1776.
Théodore Tronchin
Théodore Tronchin a laissé son nom à la médecine comme médecin et ami de Voltaire, mais
aussi pour avoir, malgré les réticences de l’époque, inoculé la vaccine au Duc de Chartres et à sa
sœur, les enfants du Duc D’Orléans.
Ce médecin du siècle des lumières est également novateur en ce qui concerne l’environnement
(lumière, aération des appartements)… et comme Jean Jacques Rousseau une sorte de retour à la
nature par la prescription d’exercices physiques.
Clinicien novateur, il interroge et observe ses patients à une époque où le latin et les dogmes
obscurcissent encore les recherches étiologiques et diagnostiques. Révolutionnaire, il l’est encore
quand il pose les principes de la médecine psychosomatique « faites que votre âme soit tranquille,
vous n’aurez ni étourdissement, ni tintement d’oreilles ».
Dermatologie
85
Cette discipline, quoique traitée depuis les temps pharaoniques dans les documents médicaux,
prend véritablement naissance à la fin du 18ème siècle avec l’ouvrage de Joseph Plenck « Doctrina de
Morbis cutaneis ».
Depuis les encyclopédistes médicaux du moyen âge, Henri de Mondeville (1260-1320 et
Guy de Chauliac (1300-1368,) peu de nouveautés avaient enrichies cette discipline qui ne prendra
véritablement son autonomie qu’au début du 19ème siècle.
Le 17ème siècle peut être considéré comme un siècle charnière entre une sémiologie encore
toute empreinte de religiosité et de superstitions et l’éveil d’une sémiologie clinique encore engluée
dans les humeurs hippocratiques. Les tumeurs et les « anomalies cutanées » sont classées et traitées
par les chirurgiens qui sont amenés à les opérer. Les différentes dermatoses sont donc naturellement
exposées dans des traités de chirurgie comme (Chirurgia), œuvre posthume de Jean Riolan éditée en
1601, « La grande chirurgie des tumeurs » de Jean Vigier en 1611 et du même auteur « la grande
chirurgie des ulcères » (1614).
Beaucoup de pathologies sont décrites dans ces ouvrages sans que le caractère cutané de ces
lésions soit véritablement en cause. On retrouve ainsi pêle-mêle les dermatoses proprement dites, mais
aussi les troubles variqueux, les déformations secondaires aux luxations ou aux déformations
articulaires, les tophi goutteux ainsi que les plaies et les fractures ouvertes…).
Font régulièrement l’objet de descriptions :
La couperose et le vitiligo
L’érysipèle
Les alopécies, ophiasis (pelade).
Les tubercules et les verrues
Les lentilles et bubons du visage
Les ulcères de toutes sortes (cancer, galles, furoncle, aphtes, varices, scrofules
tumeur ganglionnaire, vérole, gangrène, phlegmon, bubons, écrouelles, panaris…).
De façon assez surprenante, la dermatologie que l’on pourrait nommer « esthétique », déjà
développée en Egypte, fait sa réapparition en 1615 avec le traité intitulé « Le miroir de la beauté et
santé corporelle » de Louis Guyon, qui traite aussi bien des difformités que des procédés pour
« s’entretenir en sa beauté, bonnes dispositions et comme se rajeunir »
Dans la même veine, Nicolas de Blégny publie « Secrets concernant la beauté et la santé »
(1688). Ce recueil expose comme son nom l’indique des remèdes « secrets » pour ôter les cicatrices,
tirer les rides du ventre, embellir le visage, conserver son teint et lutter contre les rougeurs, tâches et
autres boutons, blanchir les dents, teindre les cheveux, lutter contre les mauvaises odeurs de la bouche,
des aisselles et des pieds. En bref tout le contenu d’un magazine féminin moderne.
Il faut attendre le 18ème siècle pour que des médecins commencent à codifier les différents
types de lésions cutanées et à s’intéresser aux étiologies « organiques » de ces lésions.
= Joseph Plenck, médecin accoucheur hongrois, eut l’idée originale de classer les maladies de
la peau en fonction des critères méthodologiques établis par Linné quelques années plutôt. A partir de
quelques lésions cutanées facilement identifiables, Plenck codifia les atteintes cutanées en décrivant
les macules, pustules, vésicules, bulbes, papules, croûtes, squames, callosités, excroissances,
ulcérations, blessures, lésions causées par les insectes. Il ajouta également aux lésions cutanées celles
des ongles et des cheveux. Son œuvre publiée en 1776 « Doctrina de Morbis cutaneis » donna pour la
première fois les bases essentielles à l’établissement du diagnostic. C’est à partir des travaux de ce
novateur que Robert Willan établit la première nosologie des atteintes cutanées.
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Ce siècle est dominé en France, par trois médecins issus de la Faculté de Montpellier (Jean
Astruc, François Boissier de Sauvage et Thomas Carrière) et d’un parisien Anne Charles Lorry,
considéré comme le père de la dermatologie moderne.
= Jean Astruc (1684-1766) est nommé docteur en médecine en 1703 puis professeur en 1716.
Médecin consultant du roi Louis XV, fait capitoul de la ville de Toulouse en 1711, il sera agrégé à
Paris en 1743.
Jean Astruc
Jean Astruc est l’un des premiers, dans son traité « des tumeurs et des ulcères », paru en 1759
à donner des descriptions cliniques modernes des différentes atteintes cutanées et des troubles
humoraux susceptibles de les provoquer. Il établira notamment le lien entre les lésions syphilitiques et
les troubles cutanés et sera en ce domaine le précurseur de la vénérologie en France avec son
ouvrage «De morbis venereis, libri morbi sex ». Il décrira également pour la première fois les troubles
acnéiques et en définira l’origine folliculaire.
= François Boissier de Sauvage (1706-1767) est surnommé dans un premier temps, et dans
un siècle qui en fit grand cas, « Médecin de l’amour » du fait de sa thèse de baccalauréat intitulée « Si
l’amour peut être guéri par les remèdes tirés des plantes ». Admirateur et ami de Linné (que ses
détracteurs surnommèrent le nouvel Adam puisqu’il donnait, comme ce dernier, un nom à toutes les
espèces animales), il établit la « Nosologie méthodique » (1763) qui reprend l’ensemble des maladies
dans une classification toute linnéenne (classe, genre, espèce) pour 2400 maladies. Il reconnaît ainsi
aux dermatoses six classes, divisées chacune en plusieurs genres.
= Thomas Carrière (1714-1764) est nommé professeur et titulaire d’une chaire de médecin à
la Faculté de Perpignan, puis recteur de cette faculté. Conseiller ordinaire du Roi, Thomas Carrière est
à l’origine de 13 traités rédigés en latin ou en français. Parmi ces ouvrages on retiendra un « traité sur
les eaux minérales du Roussillon » et son ouvrage intitulé «De morbis cutaneis » paru en 1760 qui
traite de la dermatologie (19 chapitres), des tuméfactions cutanées (anévrisme, varice..), des atteintes
87
articulaires (goutte) et de l’ensemble des atteintes cutanées depuis les croûtes de lait jusqu’aux ulcères
et bubons…
= Anne Charles Lorry (1727-1783) a pour maître Jean Astruc, professeur à la faculté de
Paris. Auteur de très nombreux ouvrages, on retiendra son « tractatus de morbis cutaneis » (1777) qui
est considéré comme l’ouvrage fondateur de la dermatologie. On retrouve dans la division de cet
ouvrage les données fondamentales de la médecine moderne :
+ La peau humaine (anatomie et physiologie décrite par Malpighi et Astruc)
+ La pathologie cutanée et ses causes (humorales, externes, caustiques ou parasitaires)
+ Le diagnostic sémiologique et le pronostic des affections cutanées.
+ Le traitement des maladies cutanées
= En Angleterre, Robert Willan (1757-) médecin londonien, simplifia le tableau des lésions
initiales décrites par Joseph Plenck, en décrivant « huit aspects » (papule, squame, exanthème, bulle,
pustule, vésicule, tubercule et macule). Sa doctrine (le willanisme) fut introduite en France en 1816
par Biett, médecin à l’hôpital Saint louis, et élève d’Alibert, fondateur de la dermatologie dans cet
hôpital.
Parallèlement à ces travaux de classification et de sémiologie, d’autres auteurs orientèrent
leurs recherches vers les étiologies possibles des dermatoses.
= Noël Retz (1758-1810), publie en 1785 « Des maladies de la peau, particulièrement de
celles du visage et des affections morales qui les accompagnent : leur origine, leur description et leur
traitement ». Dans ce document l’auteur affirme que les atteintes hépatiques sont à l’origine des
maladies de la peau et que certaines maladies morales comme la mélancolie et l’hypochondrie, la
monomanie donnent des atteintes cutanées au niveau du visage. Naturellement les humeurs
hippocratiques (bilieuses, sanguines…) présentant toutes un rapport avec le foie, déterminent
l’étiologie de très nombreux troubles cutanés. Les traitements comprennent donc deux volets, le
rééquilibrage des humeurs (sudation, purgation, diète, bains, saignée, émétique…) et un traitement
local (cataplasmes, lotion, emplâtres émollients…). Parmi les traitements proposés il faut retenir l’eau
Dalibour découverte vers 1700 par Jacques Dalibour et destinée préalablement au traitement des
blessures de guerre (il était médecin militaire). Tombée en désuétude à la fin du 18ème siècle, l’eau
Dalibour sera remise à la mode au début du 20ème siècle par Raymond Sabouraud.
= Originaire de Béziers, Alexis Pujol (1739-1804) fait ses études à Toulouse puis à
Montpellier. Il est l’auteur de nombreux mémoires dont « dissertation sur les maladies de la peau,
relativement à l’état du foie » (1786) et un essai sur les inflammations chroniques des viscères en
1791, qui sera à l’origine des idées développées par Broussais quelques dizaines d’années plus tard. Il
classe les maladies de la peau en deux grandes catégories, les maladies simples (uniquement cutanées)
et celles compliquées par une cause étrangère, virale, bactérienne, carencielle ou métabolique. Vers la
même époque (1782), le traité des dartres de M. Poupart reprend de manière clinique l’étiologie,
l’aspect cutané, l’interrogatoire, les maladies associées et les traitements propres à guérir ces affections
(virales bactériennes, humorales…).
Le 18ème siècle a donc été pour la dermatologie celui des lumières et de la genèse. Les
découvertes réalisées pendant cette période féconde serviront de bases à la dermatologie moderne telle
que nous la connaissons aujourd’hui.
Médecines douces
= Franz Anton Mesmer (1734-1815)
Originaire de Vienne, Franz Anton Mesmer est obligé de quitter la capitale austro-hongroise
sous la pression de ses collègues qui lui reprochaient d’attirer leurs patients par ses pratiques plus ou
moins ésotériques. Sa thèse « De planetarum inflexu » donne sans détour la conception que ce
88
médecin pouvait avoir de l’influence de l’environnement sur les pathologies. Partisan des passes
magnétiques et adepte de la théorie des fluides, il s’installe à Paris où il connaît pratiquement
immédiatement un succès retentissant avec ses baquets magnétiques.
Franz Anton Mesmer
Le tout Paris se presse pour participer à des séances de magnétisme. La reine elle-même, mais
n’est-elle pas aussi autrichienne, s’intéressera aux techniques de Mesmer qu’elle aidera à s’introduire à
la cour.
Il faudra l’intervention de Louis XVI et la nomination d’une commission scientifique pour
que le fluide animal soit définitivement abandonné.
Les baquets de Mesmer
Séance de magnétisme
Il faut toutefois signaler que les techniques mesmériennes, à l’origine de crises d’hystérie
collectives, inspireront les travaux de Puységur, père de l’hypnose et plus tard de Charcot
expérimentateur et théoricien de l’hystérie.
89
= Samuel Hahnemann (1755-1843)
Dans un domaine à peu près semblable Hahnemann, un médecin allemand, invente
l’homéopathie.
Samuel Hahnemann
Travaillant sur le quinquina, Hahnemann constate que cette drogue, utilisée en forte
concentration, donne des signes identiques à ceux du paludisme (fièvre, anxiété, tachycardie,
somnolence…). Testant sur lui même des dilutions plus ou moins importantes, il échafaude sa théorie
du « semblable soigne le semblable » ( similia similibus curantur, par opposition à la médecine
classique contraria contrariis curanture) et édicte les deux grands principes de cette nouvelle
technique, la dilution et la dynamisation.
La dilution aboutir très vite, (calcul à partir du nombre d’Avogadro) à ce qu’il n’existe
plus une seule molécule du produit dans une gélule ?
Quand à la dynamisation, elle rejoint les théories des fluides et des énergies de son
époque.
Malgré l’absence complète de véritables travaux scientifiques, l’engouement pour cette
nouvelle médecine est considérable.
Cette technique, fait encore l’objet aujourd’hui de remboursement par la sécurité sociale.
Après avoir déremboursé un grand nombre de médicaments jugés insuffisamment efficaces, on
continue, pour des raisons purement mercantiles à prendre en compte ces « granules », constituant
une des plus grandes forfaitures du 20ème siècle. Le seul effet connu à ce jour restant l’effet placebo.
Médecins des grands de ce monde
90
Premier médecin du Roi était une place enviée mais instable, la disgrâce venant parfois plus
vite que l’ascension.
= Jean Heroard (1549-1627), médecin de Louis XIII
Jean Heroard est issu d’une famille de médecins montpelliérains. Il gagna Paris et fit
rapidement Carrière à la Cour. D’abord médecin de Charles IX, puis de Henri III, il devint premier
médecin du Dauphin (le futur Louis XIII). Il resta médecin de ce Roi jusqu’à sa mort survenue au
siège de La rochelle en 1627.
Jean Heroard ne commit pas d’écrits scientifiques ou médicaux mais rédigea un savoureux
journal intime concernant la vie et l’éveil sexuel du jeune Louis XII.
= Antoine Daquin (1632-1696) Médecin de Louis XIV
Antoine Daquin est le fils du médecin de la reine Catherine de Médicis. Issu d’une famille
juive de Carpentras, convertie au catholicisme, Antoine Daquin naquit à Paris mais fit ses études à
Montpellier où il obtint son doctorat en 1648. En épousant la nièce de Vallot, premier médecin du Roi
Louis XIV, il gagna la cour et fut nommé premier médecin de la reine, Marie Thérèse d’Autriche. A la
mort de Vallot, il devint premier médecin de Louis XIV.
Sa nomination à ce poste fût l’objet de propos racistes « pauvre cancre, race de juif et grand
charlatan » de la part d’un professeur du collège royal et de Saint Simon qui le traite de « grand
courtisan mais reître, avare, avide et qui voulait établir sa famille de toutes façons ».
On n’a rien inventé depuis, tous les poncifs du racisme sont déjà bien présents.
Son royal patient lui causa bien des soucis et l’occasion de montrer ses qualités de médecin. Il
eut ainsi à intervenir pour, une luxation du coude, une arthrose du pied, un furoncle de l’aisselle, une
nécrose de la voûte palatine avec communication bucco nasale, l’ablation de toutes les dents de la
mâchoire supérieure, un abcès du périnée, une fistule borgne, une fistule anale, des plaies variqueuses
et des ulcères nécrotiques des deux membres inférieurs.
Les intrigues de cour et le remplacement de madame de Montespan par madame de
Maintenon, le firent tomber en disgrâce et en 1693 il fût exilé à Moulin.
91
= François Chicoyneau (1672-1752) médecin de Louis XV
Diplômé de la faculté de Montpellier, François Chicoyneau est Docteur en Médecine en mars
1693. A la mort de son père Michel Chicoyneau, il hérite de sa chaire et de son titre de chancelier. Il
acquis rapidement une grande réputation de charité envers les pauvres. Il se fit notamment remarqué
lors de l’épidémie de peste qui sévit en 1720 à Montpellier.
François Chicoyneau
Elève de Pierre Chirac, premier médecin du Roi, il en épousa la fille Marie et suivit à Paris
son beau-père qui lui ouvrit les portes de la maison du Roi. Il succéda à ce dernier lors de sa mort en
1732, et devint ainsi premier médecin du royaume, place qu’il occupa pendant une vingtaine
d’années.
Un épisode à la fois dramatique et rocambolesque marqua son activité auprès du monarque.
De retour de la guerre en Flandre, Louis XV s’arrêta à Metz où il tomba gravement malade au point
que l’on craignit pour sa vie. Aidé de Lapeyronie, premier chirurgien du Roi, Chicoyneau réussit à
faire retrouver au Roi sa santé en 15 jours. Pour la petite histoire le Roi vivait à cette époque une
liaison avec la Duchesse de Châteauroux. On raconte que le renvoi de cette dernière par son
confesseur fit autant pour la guérison du Roi que les praticiens à son chevet.
= Jean Baptiste Silva (1682-1744), médecin de Louis XV et de Voltaire
Jean Baptiste Silva était originaire d’une famille judéo portugaise de Bordeaux. Thèsé à
Montpellier en 1701, il monte à Paris et est reçu à la faculté de cette ville en 1711. Fréquentant très tôt
la cour, il devint médecin de la maison de Condé. En mars 1738, le Roi lui fit présent de lettres de
92
noblesse et l’admis dans son conseil de santé en qualité de médecin consultant. A la mort de Chirac,
premier médecin du Roi, il ne réussit pas à lui succéder malgré sa renommée européenne (médecin de
Voltaire, de Catherine I de Russie, des Ducs de Bavière).
Hazon écrit à son sujet « La renommée le porta sur ses ailes rapides, mais il se chargea de
sonner lui-même la trompette ». Après une carrière de cour, il s’éteignit en 1744 et fut enterré comme
il avait vécu en grandes pompes à Saint Sulpice. Il publia en 1728 un ouvrage portant sur la saignée
« Traité à l’usage de différentes espèces de saignées, principalement celle du pied », qui eut un certain
succès.
93
REVOLUTION, EMPIRE ET MEDECINE MILITAIRE
La révolution française ne peut être considérée que du seul point de vue historique en
négligeant ses implications philosophiques, sociologiques et culturelles. La rupture avec l’ancien
monde est totale ; l’enseignement, la pratique, l’approche scientifique, la prise en compte du patient,
sont radicalement modifiés. Bien que « la révolution n’ait pas besoin de scientifiques », phrase
historique prononcée par l’un de ceux qui arrêtèrent Lavoisier pour le mener à la guillotine, elle
nourrira et favorisera l’observation et la démarche scientifique qui se substituera peu à peu à
l’empirisme. Le médecin poudré et emperruqué fait place désormais à l’humaniste pragmatique.
Si la fracture entre le monde qui vient de s’effondrer et la nouvelle société est brutale et
irréversible, malgré les multiples tentatives de restauration qui se multiplieront au 19ème siècle, ses
implications sur le mode de penser, de chercher et de traiter ne se manifesteront que lors du premier
tiers du 19ème siècle, le temps qu’émerge la nouvelle génération de praticiens.
Les innombrables blessés de la révolution pour la défense du territoire national, de l’empire et
de ses conquêtes, amèneront les chirurgiens et notamment les orthopédistes, à perfectionner le
ramassage des blessés, à perfectionner les ambulances de campagne et les techniques opératoires.
L’anatomie de la période révolutionnaire est marquée par trois grandes figures de la médecine,
Jacques René Tenon, Xavier Bichat et le Baron Antoine Portal auxquels il convient d’ajouter un génial
précurseur Vicq d’Azyr. Hormis leurs recherches d’anatomie, ils consacreront, à la demande des
différents gouvernements révolutionnaires, une partie de leurs travaux à réformer le système de santé
et des études médicales.
1743 Réforme des études médicales (double cursus) (Tenon)
1774 Début de l’anatomie comparée (Vicq d’Azyr)
1788 Réforme du service de santé (Tenon)
1801 Bichat pose les bases de l’anatomie physiologique
1801-1810 Physiologie pathologique et expérimentale (Portal)
1802 Création du concours de l’internat
1805 Traitement des asphyxies (Portal)
= Félix Vicq d’Azyr (1748-1794)
Félix Vicq d’Azyr est né à Valognes en 1748 d’un père médecin. Il réalise ses études
médicales à Paris et fréquente le Muséum d’histoire naturelle avec pour maître Buffon. Ce double
cursus fera de lui le premier spécialiste en anatomie comparée.
Félix Vicq d’Azyr
94
En 1774, il entre à l’Académie des Sciences et crée deux ans plus tard le Collège royal de
médecine. Nommé à l’Académie française au siège de son maître Buffon en 1776, il travaille sur les
épidémies et les épizooties.
Pendant la révolution il est chargé de rédiger un « Nouveau Plan de constitution de la
médecine en France ». Médecin de Marie Antoinette, il craint pour sa vie pendant la terreur (1790),
mais passe sans être inquiété cette période difficile.
Ses principaux travaux portent sur l’anatomie du cerveau. Il décrit ainsi le locus cœlureus et la
Bande d’Azyr qui se trouve localisée entre la couche granulaire externe et la couche pyramidale
externe du cortex. Il a pour élève Desgenettes.
Cerveau selon Vicq d’Azyr
Il décède d’une pneumonie après avoir assisté en 1794, à la fête de l’Etre suprême.
= Jacques René Tenon (1724-1816)
Tenon est originaire d’un petit village de l’Yonne, Sépeau. Il est issu d’une famille de
chirurgiens de campagne vivant pauvrement de leur activité (il est l’aîné de 11 enfants). Malgré cette
enfance difficile et « …son dégoût pour l’anatomie, son effroi pour la chirurgie et l’horreur que lui
avait inspiré l’administration des hôpitaux… », il devient l’élève de Winslow (professeur d’anatomie
au jardin du Roi). La réforme des études médicales de 1743 obligeant les futures médecins à valider
une maîtrise (la réforme du double cursus n’est pas une nouveauté), Tenon se trouve dans l’obligation
de reprendre des études. Chirurgien militaire dans l’armée des Flandres (1744) où il acquière une
grande dextérité chirurgicale, Jacques René Tenon réintègre la capitale et exerce la chirurgie à la
Salpetrière. Dans cet établissement réservé aux femmes (pour les hommes c’était Bicêtre), Tenon
Hôpital de la Salpetrière
95
soigne les aliénés et les miséreuses enfermées dans cet établissement humide et nauséabond. Il obtient
du gouvernement la possibilité de construire un petit hôpital attenant au collège de chirurgie pour y
mener ses expériences.
Ses cours de chirurgie et d’anatomie le rendent rapidement célèbre. Il est fait membre de
l’Académie des sciences et agrégé au Collège de l’Académie de chirurgie.
En 1785, le Roi Louis XVI le charge d’un rapport administratif sur le fonctionnement des
hôpitaux et sur la reconstruction de l’Hôtel-Dieu incendié treize ans auparavant.
Hôtel Dieu de Paris
Ce travail aboutira en 1788 sur un mémoire envisageant les réformes à apporter au système
de santé. Dans ce mémoire figure l’opportunité de construire un hôpital à l’est de Paris, qui deviendra
ultérieurement l’hôpital Tenon (20ème arrondissement).
Pendant la révolution Tenon poursuit son œuvre de réformateur. Membre de l’Assemblée
législative jusqu’en1790, il est président du comité de Secours public et s’intéresse au sort des aliénés.
En 1795 il fonde la maternité de Port Royal. Jusqu’à sa mort à l’âge de 95 ans, Tenon se consacrera à
l’étude de l’anatomie dans sa maison de Massy.
= Xavier Bichat (1771-1802)
Xavier Bichat est né dans l’Ain, le 14 novembre 1771. Elève de Marc Antoine Petit à l’Hôtel
Dieu de Lyon, il devient pendant la révolution chirurgien des Hôpitaux militaires. Officier de Santé il
est admis comme officier de santé à l’Hôtel Dieu de Paris (à l’époque Grand hospice de l’Humanité)
où il se lie d’amitié avec son maître en chirurgie Desault Pierre Joseph.
96
Xavier Bichat
Faisant preuve d’une activité frénétique, il enseigne l’anatomie et pratique un nombre
incroyable d’autopsies (plus de 600 en 10 ans). Disciple de Morgagni, il réussit à identifier plus de 21
tissus différents. Auteur du « Traité des membranes » (1800), de « l’Anatomie descriptive» (18011803), de « L’anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine», il met en évidence
l’importance du système organique dans lequel la cellule joue le rôle unitaire. Dans « Recherches
physiologiques sur la vie et la mort », X. Bichat définit dans ses travaux des notions de physiologie
qui serviront de base à la physiologie expérimentale développée par Claude Bernard. Définissant la vie
comme « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort », il donne une image nouvelle de la
physiologie, reconnue comme le moteur fondamental du maintien des fonctions vitales.
A 31 ans Xavier Bichat contracte, lors d’une dissection, une infection qui se transforme en
septicémie. Affaibli par cette maladie, il chute dans un escalier en sortant de son laboratoire de l’Hôtel
Dieu et succombe quelques jours plus tard, âgé de 31 ans, malgré les soins de Lepreux et de Corvisart
(membre de la chaire de Médecine au Collège de France) et des Docteurs Esparron et Roux (Huile sur
toile, 80 x 100 cm par Hersent, actuellement à l’ancienne faculté de Médecine de Paris)
La mort de Bichat
= Antoine Portal (1742-1832)
97
Antoine Portal est l’archétype de ces médecins de transition engendrés par la
révolution. Issu comme beaucoup de ses confrères du midi des facultés d’Albi et de Toulouse, il est
docteur dans la plus ancienne faculté de France, Montpellier. Antoine Portal s’intéressa dès le début de
ses études à l’anatomie et notamment à l’anatomie pathologique. Dès 1768, il publie le « Précis de
chirurgie pratique contenant l’histoire de la chirurgie, et la manière la plus en usage de la traiter » en
2 volumes, suivi en 1773 de « Histoire de l’anatomie et de la chirurgie, contenant l’origine et les
progrès des sciences » en 7 volumes.
Arrivé à Paris en 1776 sur la recommandation du cardinal Bernis, Portal est nommé
professeur d’anatomie du Dauphin (le futur louis XVI) et s’installe chichement rue du cimetière Saint
André des Arts (rue Suger actuelle depuis l’ouverture des boulevards St Michel et St Germain), dans
un bâtiment qui lui sert également d’amphithéâtre. Peut-être est-ce le contact permanent avec les
cadavres utilisés pour ses cours qui lui donnèrent l’envie de se consacrer à l’anatomie pathologique.
En 1769, il est titulaire de la chaire de Médecine au Collège de France, et membre de l’Académie des
Sciences.
Antoine Portal
Recommandé par Buffon, il est nommé titulaire de la chaire d’anatomie humaine du
jardin du Roi.
Pendant la révolution et l’empire, Antoine Portal continuera ses recherches et publiera
« Observation sur la nature, le traitement du rachitisme… » en 1797, ses « cours d’anatomie
médicale » (5 volumes) en 1803
Titulaire de la légion d’honneur, il devient à 84 ans (1818) premier médecin de Louis
XVIII, puis de Charles X
Parmi ses travaux on retiendra les nombreux mémoires sur « la nature et le traitement
de plusieurs maladies, précis des expériences sur les animaux vivants, cours de physiologie
pathologiques » (entre 1800 et 1815). Il fut le promoteur de la technique du bouche à bouche
dans les cas de détresse respiratoire aigue « Traitement des asphyxies » (1805).
Enfin, c’est lui qui fit créer par Louis XVIII le 20 Décembre 1820 l’Académie de
Médecine dont il fut le Président d’honneur jusqu’à sa mort en 1832.
Maladies mentales
Avant la révolution française de 1789, il n’existait pas de distinction entre les forçats et les
malades mentaux. Ces derniers se retrouvaient incarcérés et enchaînés dans des conditions
d’insalubrité et de misère physiologique particulièrement épouvantables. Les hommes étaient internés
à Bicêtre et les femmes à la Salpetrière qui servait également de dépôt pour les prostituées, les
mendiantes, les filles mères et en générale toutes les filles en rupture de ban. Les lettres de cachet, qui
permettaient d’interner pour démence un individu sans aucun examen clinique, ne seront supprimées
que par la convention.
Le début de la psychiatrie en temps que science commence véritablement vers 1790
avec P. Pinel. Ce dernier soutint l'idée qu'il fallait distinguer parmi ces hommes et ces femmes les
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"aliénés en l'esprit" et les condamnés de bien commun. Pour cela il fit aménager pour l'accueil des
malades, avec l'approbation du parlement, des locaux hospitaliers à Bicêtre et à la Salpetrière distinct
des cachots et des geôles destinées aux prisonniers.
P. Pinel
Au début du 19ème, la maladie mentale fait l’objet d’une attention toute particulière des classes
bourgeoises attachées à l’ordre moral. Au moment de la création du code civil et du développement
des sciences, la folie doit trouver ses marques, ses limites, une définition et une origine, autrement dit
entrer dans un cadre anatomophysiologique. La reconquête religieuse post révolutionnaire place
l’homme, créature de Dieu au centre du débat ; l’homme naît parfait, mais il peut être gâté par sa faute
ou celles de ses ascendants. La femme, responsable du péché originel, demeure à la limite de la raison,
toujours prête, sous l’empire de son sexe (comprendre de ses hormones) à sombrer dans la monomanie
ou l’hystérie. Son aliénation à ses parents, son mari, ses enfants même, font d’elle un être fragile que
la lecture de roman ou des rêveries trop prononcées précipitera dans la « démence sociale ».
Après la reconnaissance des droits de l’homme, et les envolées humanistes quelque peu
romantiques envers ceux qui souffrent de « confusion mentale», les médecins cherchent à identifier
l’origine de ces troubles dont on commence à préciser la sémiologie.
Etienne Esquirol, aliéniste, posera le premier les bases du fonctionnement asilaire, en 1805. Il
rédige une thèse sur "Les Passions considérées comme causes, symptômes et moyens curatifs de
l'aliénation mentale", mais ce n’est qu’en septembre 1818 qu'il présente au ministre de l'intérieur son
mémoire :"Des établissements d'aliénés en France, et des moyens d'améliorer le sort de ces
infortunés".
1795 Pinel libère de leurs chaînes les aliénés de la Salpêtrière
1818 Esquirol réforme le régime asilaire
= Philippe Pinel (1745-1826)
Né près de Castres, P. Pinel passe sa thèse en médecine à la faculté de Toulouse en1773.
Nommé médecin de l’hospice de Bicêtre en pleine révolution (1793) puis à la Salpêtrière deux ans
plus tard avant d’être nommé membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie de Médecine.
P. Pinel
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Véritable créateur de la médecine mentale, auteur du traité médico-philosophique de la maladie
mentale ou la manie (1801), P. Pinel, qui était très proche et à l’écoute de ses malades, passera à la
postérité grâce aux tableaux allégoriques peints par Charles Muller (1849) et Robert Fleury en 1876, le
représentant en train de débarrasser les folles de leurs chaînes.
Tony Robert-Fleury 1876
Le « bon Monsieur Pinel » ainsi que l’appelaient ses étudiants, était pourtant porteur des
préjugés de son temps concernant la folie des femmes « elle porte son vice dans son sang ». Le péché
originel n’est pas loin, et si les folles sont libérées de leurs chaînes, un nombre sans cesse croissant de
femmes accusées de monomanie, d’hystérie, de dégénérescences parce qu’elles sont prostituées,
insoumises à leur mari ou à leurs parents, sont considérées comme aliénées et enfermées. En ce qui
concerne les homosexuelles, Pinel conseille « de confiner ces victimes de la débauche dans des loges
écartées et à les laisser se plonger dans toutes les saletés que leur imagination abrutie suggère sans
infecter les autres de leur exemple ».
La « Nosographie philosophique », son œuvre maîtresse, servira de manuel de référence de
toute une génération de médecins pendant près de trente ans.
= Etienne Esquirol (1772-1840)
Etienne Esquirol est né à Toulouse où il fait ses études médicales. Il poursuit ces dernières à la
Salpetrière avec Pinel pour maître.
100
Etienne Esquirol
Thèsé en 1805, il succède à Pinel comme médecin chef des aliénés. Il est à l’origine de la loi
sur les aliénés de 1838.
Il est l’auteur des « Maladies mentales », publication richement illustrée de planches gravées
représentant les différentes attitudes des aliénés.
L’hôpital de Toulouse porte son nom.
Statut d’Esquirol à l’hôpital de Toulouse
OPH
101
L’ophtalmologie en tant que discipline médicale n’est pas l’objet d’avancée significative
pendant cette période. Pourtant, un philanthrope va jouer un rôle éminent dans la prise en charge des
aveugles.
= Valentin Haüy (1745-1822)
Valentin Haüy n’était pas médecin mais simplement philanthrope. Après un Essai sur
l’éducation des aveugles en 1786, il fonda une école destinée aux jeunes aveugles.
Valentin Haüy
Cette première école fut par la suite transformée en « Institution Nationale des jeunes aveugles
travailleurs » (transférée aux Quinze-Vingts en 1801). C’est là que Louis Braille, le futur inventeur de
la méthode de lecture par signes, fit ses études (système de lecture tactile utilisant des points en reliefs,
conçu en 1825).
Gynécologie, obstétrique
En obstétrique, la période révolutionnaire est marquée par un personnage hors du commun,
souvent irascible, mais d’une rigueur scientifique et médicale exceptionnelle, Jean Louis Baudelocque.
1800 Création de la pelvimétrie
1802 Première école de sages femmes
= Jean Louis Baudelocque (1746-1810)
Originaire de la Somme, le jeune Baudelocque fut très vite initié à la chirurgie par son père qui
exerçait dans cette région. Elève de Solayres de Renhac qui enseignait l’accouchement au Collège
royal de chirurgie, il lui succède après le décès de son maître survenu en 1771. Il soutient sa thèse en
1776 et abandonne l’enseignement pour exercer l’obstétrique.
Du fait de la révolution il perd son siège à l’Académie de Médecine et craint continuellement
d’être arrêté. Suspect, il fut sauvé après une équipée nocturne rocambolesque en accouchant la
citoyenne Fouquier-Tinville, femme du terrible accusateur publique.
Promu professeur d’obstétrique à l’Hôtel-dieu (1795) puis nommé premier titulaire de la
chaire d’obstétrique à Port Royal en 1804 (maternité créée par Tenon en 1795 qui fut dotée en 1802
d’une école de sages femmes), il exerça le reste de sa carrière dans cette institution.
102
Irascible, nerveux, irritable, intolérant il se fâche avec nombre de confrères et notamment
avec les sages femmes de l’établissement qui finirent par refuser que les étudiants assistent aux
accouchements, posant ainsi des problèmes pour la formation des futures obstétriciens.
Maniaque dans ses observations, il décrivit minutieusement quatre vingt treize positions du
fœtus in utero.
Pelvimétrie
Pelvimètre
Pelvimétrie
Il introduisit la pelvimétrie externe et la description du mode de délivrance, dite de
Baudelocque. On lui doit l’invention du compas de Baudelocque.
Forceps de Baudelocque
Son neveu, Louis Auguste Baudelocque (1799-1864) mit au point un nouveau procédé
opératoire pour les césariennes.
Cliniciens
= Pierre Jean Georges Cabanis (1757-1008)
103
Pierre Jean Georges Cabanis occupe une place à part, et malheureusement trop souvent
oubliée dans la philosophie de la pratique médicale. Corrézien de naissance, puis parisien d’adoption,
Cabanis est docteur en médecine de la faculté de Reims en 1784.
Philosophe, traducteur d’Homère, Cabanis imprimera sa marque sur la réforme médicale
révolutionnaire. Titulaire de plusieurs chaires médicales à la nouvelle Ecole de Santé de Paris, il
s’affirme comme historien et théoricien de la médecine et de ses applications. Auteur de « Rapports du
physique et du moral de l’homme » en 1802, il définit une nouvelle conception de l’art d’exercer la
médecine. En créant le caractère « sacerdotal » de l’exercice médical, il affirme les exigences
nouvelles propres à assurer la qualité des soins et le suivi des patients.
On ne «fait pas médecine », on « entre en médecine », phrase qui mérite d’être méditée par les
étudiants actuels et futurs. C’est sur ces bases que la médecine se développera en Europe pendant tout
le 19ème siècle et la première partie du 20ème siècle.
L’abandon progressif de ces principes en rapport avec l’évolution sociale conduit aujourd’hui
le médecin à être un prestataire de service plutôt qu’un artiste. Pour tous ceux qui voudraient réfléchir
à cette philosophie ou se recueillir sur sa tombe, sa sépulture se situe dans le vieux cimetière
d’Auteuil. Cette dernière ne contient que son cœur, le corps reposant au Panthéon, preuve s’il en était,
que la Patrie a reconnu en Cabanis le Père de la Médecine moderne.
= John Cheyne (1777-1836)
Médecin écossais, John Cheyne, publie à Dublin un traité sur la maladie des enfants
John Cheyne
C’est surtout dans la qualité de ses observations cliniques que Cheyne passera à la postérité. Il
donnera avec Stokes, son nom à un type particulier de respiration irrégulière, le syndrome de Cheyne
Stokes.
104
* Respiration de Cheyne-Stokes : Rythme respiratoire caractérisé par une période d’apnée
plus ou moins longue à laquelle succède une série de respirations d’amplitude croissante, suivie d’une
autre série d’amplitude décroissante.
Médecine et chirurgie militaire
La révolution et les guerres impériales donnèrent à la médecine et à la chirurgie militaire un
essor considérable. C’est à partir de l’expérience recueillie sur les champs de bataille que la
traumatologie et l’hygiène progresseront et acquerront leurs lettres de noblesse. Deux médecins
hygiénistes marqueront les campagnes napoléoniennes, Jean François Coste et Nicolas Desgenettes.
Trois chirurgiens se sont particulièrement illustrés pendant cette période, Pierre François Percy,
Dominique Larrey et François Broussais.
1790 Premier bataillon d’ambulancier et de brancardiers (Percy) et un corps mobile de
chirurgie militaire.
1792 Organisation par Larrey des corps d’ambulances réglementaires créés par Percy
1794 Utilité des pièces anatomiques artificielles (Desgenettes)
1809 Travaux sur une convention certifiant l’inviolabilité des hôpitaux militaires et la
remise des blessés à son armée (Percy).
1814 Etude sur l’état de l’enseignement de la médecine et de la chirurgie (Coste).
1815 Technique de désarticulation de l’épaule (Larrey).
1820 Introduction des données physiologiques dans la recherche étiologique des
pathologies (Broussais).
= Jean François Coste (1741-1819)
Jean François Coste est originaire du Bugey. Après ses études au collège de Belley, il entre au
petit séminaire de Lyon. Il étudie la médecine à Paris avec des maîtres prestigieux (Astruc,
Jussieu…), puis, faute de moyens financiers pour rester à Paris, passe son doctorat à Valence.
Confronté à une épidémie de typhus, il soigne avec passion les habitants de la région et
notamment Voltaire à Ferney. Il fait paraître à cette époque (1773) un mémoire sur l’hygiène.
Il part ensuite aux Etats-Unis dans l’armée commandée par Rochambeau où, estimé de ses
supérieurs et des universités américaines, il devient médecin chef du corps expéditionnaire (1783). De
retour en France, il est fait médecin des armées du Roi et prend la direction des Invalides en 1796.
Bonaparte, puis Napoléon, en fera un médecin de la grande armée avec laquelle il participera
aux batailles d’Austerlitz et d’Eylau.
En 1814, lors de la restauration, Louis XVIII le fera commandeur de la légion d’honneur et le
chargera de rendre compte de l’état de l’enseignement de la médecine et de la chirurgie.
= Nicolas Desgenettes (1762-1832)
Né à Alençon, Desgenettes suivit des cours au Collège France avec pour maître Vicq d’Azyr.
Pour se perfectionner il suit des enseignements en Angleterre, notamment avec Hunter, et en Italie. Il
est nommé Docteur en Médecine à Montpellier « essais physiologiques sur les vaisseaux
lymphatiques » en 1789. En 1793 il accompagne l’armée d’Italie avec la division Masséna et lutte
alors efficacement contre une épidémie de typhus.
De retour à Paris il est nommé médecin ordinaire du Val de Grâce. Professeur de physiologie
et de physique appliqué, il travaille sur « l’utilité des pièces anatomiques artificielles ».
En 1798 Bonaparte qu’il avait connu en Italie le fait Médecin chef des armées d’Orient.
105
Nicolas Desgenettes
Il participe à ce titre à l’expédition d’Egypte et se trouve confrontés aux maladies endémiques
des régions chaudes et humides (variole, fièvre de Damiette, dysenterie, peste, scorbut…). Il publie la
même année « Histoire médicale de l’armée d’Orient ».
De retour au Val de grâce en 1806, il travaille sur la fièvre jaune. Mais Napoléon pense qu’il
est plus utile aux armées qu’à Paris. Il lui demande donc d’abandonner son fils mourant et de regagner
la Grande armée dont il est fait Médecin Chef en 1807. Il participe aux bataille d’Eylau, Friedland,
Wagram, à la campagne de Russie* et à la fin des cents jours à Waterloo.
Napoléon rendant visite aux pestiférés de Jaffa
106
Louis XVIII le fait Grand croix de la légion d’honneur, le confirme comme médecin chef du
Val de Grâce et comme professeur d’Hygiène à la Faculté de Médecine de Paris. Son nom figure sur
l’Arc de triomphe de l’étoile.
* Prisonnier des Russes après la bataille de la Moskova, il sera libéré par le tsar au seul
énoncé de son nom tant sa réputation de courage et d’abnégation est grande.
= Pierre François Percy (1754-1825)
Fils d’un médecin militaire, le jeune Percy se dirigea très rapidement vers la chirurgie. Il fut
reçu docteur en médecine à Besançon à l’âge de 21 ans. Après avoir complété son enseignement à
Paris, Percy est chirurgien de la gendarmerie à Lunéville, puis chirurgien major au régiment de Berry
en 1782 (avant la révolution les régiments portaient le nom du Prince qui les commandait).
Pierre François Percy
Passionné par son art, Percy fut régulièrement primé par l’académie de chirurgie (Les
instruments tranchants en 1785, Les instruments destinés à l’extraction des corps étrangers 1789, les
bistouris en 1788, Les cautères en 1790).
Pendant la révolution il est nommé commandant du service de santé des armées et met au
point les secours aux blessés pendant la bataille (premier bataillon d’ambulanciers et de brancardiers)
ainsi qu’un corps mobile de chirurgie militaire. Napoléon le nomma inspecteur général du service de
santé des armées, puis Baron en 1809. Ses travaux seront repris par Larrey, à qui Napoléon demanda
d’organiser le service sanitaire en campagne. Membre des Académies des sciences et de Médecine,
professeur à la faculté de médecine de Paris, Pierre François Percy s’intéressa également aux
conditions dans lesquelles le blessé pouvait recevoir les premiers soins. C’est ainsi qu’il proposa la
mise en place d’une convention certifiant l’inviolabilité des hôpitaux militaires et la remise des blessés
à son armée.
Encore présent à Waterloo, blessé plusieurs fois, il prit sa retraite à Montjay la Tour près de
Lagny. Un hôpital militaire de la région parisienne perpétue son Nom.
= Dominique Larrey (1766-1842)
Dominique Larrey est né à Beaudean dans la campagne pyrénéenne, d’une famille modeste
(son père est décédé quand il n’avait que quatre ans), mais indubitablement marquée par la médecine
et la chirurgie puisque en trois générations on compte huit chirurgiens militaires et plusieurs médecins
militaires ou civils.
107
Baron Dominique Larrey
Sa vie durant, il accompagnera l’empereur depuis la campagne d’Egypte jusqu’à la campagne
de France (il participera à toutes les batailles à l’exception de celle d’Iéna). Chef du service chirurgical
de l’hôpital militaire du gros caillou à Paris (1802) il est nommé inspecteur général du Service de
Santé (poste partagé avec Desgenettes, Percy…), puis chirurgien de la grande armée (1805).
Dominique Larrey à Eylau
Charles Louis Muller
Cette même année Larrey est chargé du premier corps d’ambulance réglementaire, service
qu’il avait promu en 1792 (trois divisions par armée, disposant chacune de 99 hommes, quinze
chirurgiens quarante six infirmiers, treize aides soignant, vingt cinq conducteurs d’équipage ainsi que
de 12 voitures légères). Cette organisation est complétée par un hôpital de campagne à l’arrière des
combats. Elle restera inchangée jusqu’à la grande guerre, c'est-à-dire jusqu’à ce que les moyens
d’évacuation puissent bénéficier d’un service motorisé terrestre ou volant.
108
Tout au long de sa vie il ne cessera de perfectionner les techniques d’amputation dont il avait
déjà fait son sujet de thèse « Amputation des membres ». Il proposera notamment l’amputation par
désarticulation qui présente l’intérêt de ne pas « ouvrir » l’os et de réaliser des sutures vasculaires de
meilleure qualité. Stigmatisé par les surinfections des blessures de guerre, il ne cessera de développer
l’hygiène et les techniques de nettoyages des plaies. Ses expériences sur les larves de mouche sont
actuellement reprises dans plusieurs centres chirurgicaux.
Il mettra également en pratique le tri des blessés pour évaluer l’urgence et les possibilités de
survie en distinguant les urgences immédiates, les urgences différées et les cas désespérés.
On lui reprochera beaucoup l’entassement des membres résultant des amputations réalisées
avec une extrême dextérité (2 à 3 minutes).
L’indication à amputer était toujours posée avec la hantise de la gangrène (sèche ou humide)
responsable d’une mortalité différée considérable (la mortalité des amputés était d’environ 4%, ce qui
est remarquable). Il est nommé médecin chef des invalides en 1832 et mis à la retraite à l’âge de 72
ans en 1838.
On doit à Larrey un type de désarticulation de l’épaule, dite en « raquette », le signe de Larrey
permettant, par pression antéropostérieure sur les épines iliaques, de diagnostiquer les fractures du
bassin et en anatomie la fente de Larrey (espace diaphragmatique rétro-sternal à l’origine de la hernie
abdomino-thoracique et voie d’abord privilégié pour la ponction péricardique).
Fente de Larrey
109
= Louis Jacques Bégin (1793 1859)
Louis Jacques Bégin
Né dans le Finistère à Locronan, Bégin rejoint la grande armée et participe avec Larrey à la
campagne de Russie, d’Allemagne et de France. Chirurgien, il est nommé au Val de Grâce, puis à
l’Académie de Médecine. Ses travaux les plus remarquables portent sur la physiologie pathologique,
la thérapeutique, la pathologie chirurgicale et la médecine opératoire (1824).
Hôpital Begin
110
Membre du conseil d’hygiène et de salubrité, il publie également une étude sur le service de
santé militaire en France (1849). L’hôpital militaire de Vincennes porte son nom.
= François Broussais (1772-1838)
François Broussais est un malouin issu d’une famille médicale (père chirurgien de la marine,
arrière grand père médecin, grand père pharmacien).
François Broussais
Après ses études de médecine, il s’embarque comme chirurgien sur les navires corsaires
(notamment avec Surcouf) et mène cette vie d’aventure pendant six ans.
Prise du Kent par Surcouf
Il se rend ensuite à Paris et devient l’élève de Bichat, Pinel, Corvisart. Sur les conseils de
Desgenettes, alors médecin au Val de Grâce, il s’engage dans l’armée napoléonienne et sert au service
d’urgence mis en place par D. Larrey. Revenu à Paris comme professeur au Val de grâce, il entame
une polémique contre les anciens canons de la médecine en prônant le développement d’une médecine
issue des découvertes physiologiques (le traitement doit tenir compte des altérations pathologiques
constatées dans les tissus, et non de doctrines humorales dépassées). Ayant découvert de très
nombreuses lésions intestinales pour la plupart en rapport avec la fièvre typhoïde, il conclut
hâtivement que le tube digestif était à l’origine de toutes les maladies fébriles, considérant que la
fièvre était responsable de l’aggravation des maladies.
111
Emporté par ses considérations novatrices il s’en prend à Pinel et à Laennec qui prônent
l’auscultation comme moyen diagnostic.
Médecin chef du Val de Grâce en 1820, il est nommé à l’Académie de Médecine puis titulaire
d’une chaire spécialement créée pour lui « Pathologie et thérapeutique générale ».
Le souvenir que l’on garde de Broussais, qui était un brillant professeur adulé de ses étudiants,
est actuellement très partagé. Si on lui reconnaît l’introduction des données physiologiques dans la
recherche étiologique des pathologies, on ne peut être que surpris par l’application qu’il en fit en
thérapeutique.
Pour Broussais, l’inflammation, à la base de toutes les pathologies (théorie développée par
Alexis Pujol), ne peut être combattue que par la diète, la pose de sangsues (il eut un tel succès auprès
de ses confrères que la France se mit à importer plus de 4 millions de sangsues/an) et les saignées
fréquentes, on se croirait revenu au 16ème siècle.
Le remboursement des sangsues par la Sécurité Social n’a été supprimé qu’en 1970.
Estampe satyrique montrant le résultat
des traitements de Broussais
Devant la mortalité effarante de ses patients, résultant de ce traitement, certains n’ont pas
hésité à parler de « fléaux du 19ème siècle ».
On lui doit cependant la conception novatrice de l’introduction de la physiologie dans le
diagnostic étiologique.
Chirurgie
= Abraham Colles (1773-1843)
Né à Kilkenny en Irlande, A. Colles entre à la Faculté de Dublin puis à Edinburgh où il obtient
sa thèse en 1797. Il retourne exercer la chirurgie à Dublin. Très estimé de ses confrères, généreux et
modeste, Colles a été un chirurgien particulièrement talentueux.
Nommé Président Collège royal de Chirurgie, il professe sa vie durant l’anatomie et la
chirurgie.
112
Praticien du groupe de Dublin avec J. Cheyne, W. Stokes, R. Adams, D.J. Corrigan (qui a
laissé son nom à une variété de pouls en rapport avec une atteinte des valves sigmoïdes), il travailla
également sur les fractures du poignet (1814). Une d’entre elle porte encore son nom, la fracture
Colles, connue en France sous le nom de fracture de Pouteau (fracture de l’extrémité inférieure du
radius).
Fracture de Colles
Comme anatomiste on retiendra le Fascia de Colles (fascia périnéal), l’espace de Colles
(espace périnéal superficiel) et le ligament de Colles (ligament inguinal réfléchi). Il est le premier à
avoir ligaturé l’artère sous-clavière en 1837.
= Guillaume Dupuytren (1777-1835)
Guillaume Dupuytren fut un homme étrange dans sa vie et la manière de la conduire.
Vaniteux, hautin, méprisant parfois, ambitieux à l’extrême, introverti, dédaigneux…. Les mots
employés par ses contemporains ou ses biographes ne sont jamais tendres et montrent l’extrême mal
être de ce chirurgien d’exception.
113
Guillaume Dupuytren
Nommé chirurgien de deuxième classe à l’Hôtel Dieu en 1802, Dupuytren eut comme maître
Pelletan qui lui permit d’accéder rapidement au poste de chirurgien adjoint.
+ En fut conflit permanent avec ses confrères pour des raisons médicales (J.P. Roux,),
d’avancement ou même privées (il refusa la main de sa fille à A. Boyer, l’un de ses maîtres.
+ Il fut morigéné vertement par Laennec à la mort de Bichat dont il avait tenté de s’attribuer
la paternité de ses derniers travaux (1802).
+ Après le décès de Sabatier, titulaire de la chaire de médecine opératoire, il réussit, après
une lutte acharné,e et la production de faux certificats, à remporter le concours appuyé par son maître
Pelletan qu’il évincera rapidement de l’Hôtel Dieu.
Ce comportement épouvantable, non exceptionnel dans le milieu médical encore aujourd’hui,
fit dire à son biographe Malgaigne « il ne faut pas prétendre à la gloire quand on a visé qu’à la
célébrité ».
Maladie de Dupuytren
Remarquable clinicien et chirurgien hors paire, il opérait avec une maîtrise exceptionnelle.
Véritable créateur de l’anatomie chirurgicale, Dupuytren découvrit le diploë, précisa en prolongement
de ses travaux sur le périnée (sujet de sa thèse) l’anatomie des trompes utérines, le développement du
bassin, des canaux déférents. En ligaturant le canal thoracique chez l’animal, il mit en évidence sa
physiologie de collecteur de la lymphe.
114
Assassinat du Duc de Berry
Amené à intervenir en urgence lors de l’assassinat du Duc de Berry à la sortie de l’Opéra en
1820 (il avait reçu un coup de couteau du sieur Louvel et perdait abondamment son sang), Dupuytren
réalisa un sondage de la plaie au doigt, intervention sans objet qui fit dire au Duc de Berry « Ah !
que vous me faites souffrir…, vous m’arrachez le cœur ». Il faut dire que la médecine d’urgence de
l’époque montrait quelques failles dans ses interventions. Quelques dizaines de minutes avant
l’arrivée de Dupuytren, un dénommé Drogar qui se disait « enfant d’Esculape » et le docteur
Blancheton appelé en toute hâte se concertèrent pour proposer au blessé…. une saignée ! Devant
l’inefficacité avérée de ce premier traitement on appliquera au malheureux des ventouses, un bain de
pieds, et pour finir un lavement, thérapeutiques qui abrégèrent sans nul doute les souffrances du
patient.
Visite de Charles X à l’Hôtel Dieu, guidé par Dupuytren
Malgré cet intermède fâcheux, Dupuytren devint le premier chirurgien de Charles X, et fut
reçu dans les premiers à l’académie de médecine. Peu enclin à publier ses travaux il n’a laissé comme
souvenir que la maladie qui porte son nom (rétraction de l’aponévrose palmaire).
A la fin de sa vie, sans descendant il créera une fondation à laquelle il léguera sa fortune.
= Jacques Lisfranc de Saint-Martin (1790-1847)
« Le médecin meurt de faim ou de fatigue »
Jacques Lisfranc de Saint-Martin est issu d’un père médecin qui exerçait dans la Loire.
Etudiant à Lyon, il passe son Internat à Paris en 1809, puis devient l’élève de Dupuytren à l’Hôpital
Saint Louis de Paris.
115
J. Lisfranc
En 1812, il suit Napoléon en campagne et assiste aux combats de Leipzig. Rapatrié en France
pour cause de typhus, il exerce la chirurgie et notamment l’amputation du pied au niveau de
l’articulation tarso-métatarsienne qui porte encore son nom.
Barré dans sa carrière par son Maître Dupuytren, qui s’oppose à sa nomination à la Faculté
de médecine, il succède à Béclard à l’Hôpital de la Pitié (il vouera une animosité farouche à
Dupuytren jusqu’à la mort de ce dernier en 1835 « Ce Dupuytren qui m’a fait tant de mal »).
Malgré la qualité de son enseignement, il échouera, la chaire de chirurgie revint à Velpeau.
Articulation de Lisfranc
Réputé en gynécologie, il se constitua à la Pitié une clientèle importante concernant les
maladies de l’utérus. Appelé au chevet de la Reine Hortense qui souffrait d’un cancer utérin, il refusa
d’intervenir car dit-il « Si la chirurgie est brillante quand elle opère, elle l’est bien davantage lorsque,
sans faire couler le sang et sans mutilation, elle obtient la guérison du malade ».
Médecine et chirurgie du Roi et de l’empereur
= Marie Vincent Talachon (1753-1817) Chirurgien de Louis XVIII
Marie Vincent Talachon, né à Thorigny en Seine et Marne, entra dans les ordres sous le nom
de Père Elisée. C’est dans son ordre qu’il devint praticien en chirurgie, exerçant son art dans les
hôpitaux couvents de son ordre. Pendant la révolution, il suivit les émigrés et devint chirurgien de
116
l’armée des princes. Pendant l’exil en Angleterre il fit l’autopsie du chevalier d’Eon dont on ne savait
s’il était femme ou homme. Lors de la restauration, il revint à Paris et fut alors nommé chirurgien du
Roi (Louis XVIII). Par des saignées répétées, il parvint à soulager le roi podagre (goutteux) en lui
permettant de satisfaire sa gourmandise naturelle.
Louis XVIII, le Roi podagre
Haï de ses confrères, qui lui reprochait à la fois son empirisme, sa position enviée et son
manque de formation, le Père Elisée se mêla de vouloir réformer les études médicales et les acquis de
la révolution (formation d’un corps d’officiers de santé et surtout l’obligation de valider la médecine
avant de pratiquer la chirurgie). Les cents jours, l’impopularité de cette réforme, puis son décès
survenu en 1817, devait faire échouer définitivement ce projet à la fois rétrograde et avant-gardiste en
ce qui concerne l’enseignement de la chirurgie après la médecine. Sa notoriété se limita donc au
soulagement du Roi (il était véritablement adulé de Louis XVIII) et à son projet malheureux de
réforme.
= Jean-Nicolas Corvisart (1755-1821) Médecin de Napoléon premier
« Je ne crois pas en la Médecine, mais je crois en Corvisart »
Napoléon premier
Jean-Nicolas Corvisart est d’origine ardennaise. Contre son père qui voulait en faire un juriste,
il s’inscrit à la faculté de médecine de Paris en 1777 et est reçu médecin cinq ans plus tard. Professeur
de pathologie, puis d’obstétrique, de physiologie et de pharmacie, il exerce à la Charité jusqu’en 1806,
poste qu’il abandonnera pour suivre l’Empereur.
117
Nommé médecin de l’empereur, il accompagne Napoléon à Boulogne, en Rhénanie, en Italie
puis à Vienne. Véritable praticien de médecine « interne », Corvisart suit la grossesse et
l’accouchement de l’impératrice Marie Louise. Son intérêt pour la pratique clinique se retrouve dans
ses différentes publications ou traductions « Commentaire des aphorismes de Stoll 1797, Essai sur les
maladies et les lésions organiques du cœur 1806 ».
Pour traiter les hémorroïdes de l’empereur, favorisée par la monte prolongée à cheval,
Corvisart utilisait des sangsues ; remède qui d’après l’empereur lui-même était particulièrement
efficace.
Médecins de la révolution
On ne peut quitter cette période révolutionnaire sans évoquer les mânes du « bon docteur
Guillotin » qui, pour éviter des souffrances inutiles aux suppliciés, inventa la fameuse Guillotine, et du
Docteur Jean Paul Marat, auteur de l’Ami du peuple et du Père Duchenne.
= Joseph-Ignace Guillotin (1738-1814)
Joseph Guillotin est né à Saintes, dans une famille bourgeoise. Après des études chez les
jésuites, il gagne Paris et entre à la Faculté de Médecine.
Joseph-Ignace Guillotin
Brillant, il acquière rapidement une notoriété importante et une nombreuse clientèle. Il est
nommé Professeur d’anatomie à la faculté de Paris.
J. Guillotin fait partie de la commission d’enquête chargée de mettre en évidence le caractère
infondé des théories de Mesmer.
Elu député de Paris, il participe aux grands mouvements révolutionnaires et propose à
l’Assemblée constituante, avec l’appui de Mirabeau, « l’unification de la peine de mort par un simple
moyen mécanique ». Le texte est voté le 10 Octobre 1789.
118
Exécution de Louis XVI
La guillotine sera finalement réalisée par Antoine Louis, secrétaire de l’Académie de
chirurgie en 1792 (d’où son nom de Louison parfois employé). Après avoir été testée à Bicêtre sur des
cadavres, elle entrera en fonction le 25 Avril 1792 pour un dénommé Nicolas Pelletier, voleur de son
état.
Sous le Consulat, Guillotin est chargé d’installer le premier programme de Santé Publique en
France.
Après la période révolutionnaire, il reprend ses activités médicales et deviendra, avec son ami
le Duc de La Rochefoucaut, un ardent défenseur de la vaccination antivariolique prônée par Jenner.
= Jean Paul Marat 1743-1793
Jean Paul Marat est né à Neuchâtel, en Suisse. Etudiant à Montpellier, il passe sa thèse dans
cette faculté, puis s’installe à Bordeaux avant d’entreprendre des voyages à travers l’Europe (Londres,
Dublin, Edimbourg, La Hayes, Amsterdam, Paris).
Jean Paul Marat
En 1777, il est médecin des gardes du conte d’Artois. Passionné de recherches, il publie plus
de 15 ouvrages sur « le feu et l’électricité », « les effets de l’électricité ».
Dès le début de la révolution, il lance des projets sur les droits de l’homme, l’abolition de
l’esclavage et prévient le peuple contre les menées de Monsieur de Necker. Elu député de la
constituante en septembre 1792, il redouble d’agressivité dans ses publications (notamment l’Ami du
peuple, édité pour la première fois en 1789).
119
Atteint d’une maladie de peau (peut être un eczéma marginé de Hebra), Marat était dans
l’obligation de prendre des bains pour soulager ses brûlures. C’est dans sa baignoire que Charlotte
Cordey l’assassinera en 1793.
Assassinat de Marat
Tableau de David
On demanda au peintre David d’organiser l’exposition de son corps et le convoi qui devait le
mener au Panthéon. Malheureusement les effets rapides de la putréfaction (il faisait très chaud à
Paris) détachèrent le bras qui pendait de la baignoire, on dû le remplacer par un autre pris sur un
cadavre anonyme.
120
DU ROMANTISME AUX IMPRESSIONISTES
Le 25 Février 1830 le rideau du Théâtre–Français vient de tomber sur le dernier acte du drame
de Victor Hugo, Hernani. La bataille qui fait rage entre les classiques et les modernes signe l’ouverture
d’une ère nouvelle, celle du romantisme. Les trois glorieuses et la chute de Charles X signeront
définitivement la fin de l’ancien monde. Pendant 85 ans (jusqu’au début de la guerre de 1914, et
l’entrée dans la période moderne), la médecine sera confrontée à une mutation sociétale jamais encore
rencontrée, même pendant la révolution.
L’industrie, le capitalisme, l’exode rural, l’instruction obligatoire, le développement des
transports (n’oublions pas qu’il était prévu que les poumons des passagers des premiers trains
explosent si la vitesse de 50 km/h était atteinte), modèleront une nouvelle société aux besoins
sanitaires différents. L’acquisition ne nouvelles techniques, le développement des sciences
expérimentales seront de puissants leviers qui donneront des moyens mieux adaptés aux chirurgiens et
aux médecins.
Cette période de profonde mutation sociétale voit se développer des pathologies qui, si elles
existaient déjà depuis des siècles, prennent alors une importance telle, qu’elles influeront sur le mode
de vie et de pensée des contemporains. La tuberculose emportera nombre de romantiques et Laennec
lui-même. Les épidémies de choléra, dont celle de 1847 enlèvera Madame de Récamier. Le syndrome
dépressif ou mélancolie, plus connue sous son nom anglais de spleen, inspirera aux romantiques
désabusés, les plus beaux vers de la langue française. La syphilis conduira à l’asile Maupassant,
Toulouse Lautrec, le frère de Manet (époux de Berthe Morisot), Mallarmé et toute une foule de poètes
et de peintres…
Les médecins, si bien croqués par Daumier dans sa caricature de « Robert Macaire médecin » *,
reçoivent en redingote et en chapeau haut de forme.
* Robert Macaire est un personnage imaginaire, joué pour la première fois au théâtre dans
« l’auberge des adrets » par Benjamin Lemaître. Il représente la vanité, l’ambition, la suffisance…
qui caractérisent un certain nombre de confrères de cette époque « est-ce véritablement terminé ? ».
Pendant cette période, la médecine se développe très rapidement, bénéficiant des découvertes
scientifiques en chimie et biologie, et réalise des pas de géant en obstétrique, maladies infectieuses,
hématologie, dermatologie, anesthésie, cardiologie, physiologie..., même si l’empirisme et les recettes
moyenâgeuses restent parfois utilisées (On avait conseillé au frère de Napoléon, Jérôme, mari
d’Hortense de Beauharnais, de dormir avec une chemise de lépreux pour lutter contre ses douleurs
rhumatismales). Les grands noms qui marquent cette période sont trop nombreux pour être tous cités
121
en exergue. Ce sont pour la majorité d’entre eux des spécialistes, et non plus comme aux siècles
précédents les précurseurs d’une discipline encore dans les limbes. Parmi ceux-ci René T.H. Laennec
apparaît toutefois comme le maître incontesté du 19ème siècle.
= René Théophile Hyacinthe Laennec (1781-1826)
Né en Bretagne dans une famille de notaires, Laennec suit très rapidement les traces de son
oncle Guillaume Laennec médecin de la marine puis professeur à l’école de médecine de Nantes. De
1795 à 1801, René Laennec suit les cours de médecine dans cette ville, puis s’installe à Paris pour
bénéficier de l’enseignement de Dupuytren.
René T. H. Laennec
Très rapidement, il invente le stéthoscope et surtout définit les bases de l’auscultation « Traité
d’auscultation mediate en 1819 ».
Définissant l’axiome de la médecine moderne « Tout diagnostic doit être fondé sur les signes
cliniques des maladies », il donne son titre de gloire à l’examen du patient au détriment de toute
spéculation physiopathologique.
C’est sur ce point que Broussais le dénigrera en publiant des pamphlets incendiaires tout en
reconnaissant l’importance du stéthoscope (adepte d’une médecine rétrograde faisant appel aux
humeurs, Broussais terminera sa carrière de brillant chirurgien dans une impasse scientifique).
Stéthoscope de Laennec
L’histoire raconte que Laennec observa deux gamins qui jouaient avec un tronc d’arbre.
Tandis que l’un collait son oreille à une extrémité, l’autre grattais et tapotait de l’autre côté du tronc.
La même histoire existe avec le tronc creux d’un arbre mort. C’est de cette observation que le premier
stéthoscope (qui ressemble en effet à un tronc), aurait été conçu.
122
Laennec à l’hôpital Necker
Tableau de Théobald Chartran
Notez la tenue de Laennec lors de ses consultations (redingote, bottes, chapeau…). Le
personnel infirmier est religieux. Laennec est représenté, tenant à la main son fameux stéthoscope.
Les étudiants médecins sont équipés du tablier noué autour du cou qui restera en fonction jusqu’en
1975.
Laennec est un des plus grands praticiens du 19ème siècle à la fois pour l’invention du
stéthoscope, mais aussi pour l’utilisation qu’il en a faite en décrivant l’emphysème, la bronchiectasie
et la tuberculose. Il a également laissé son nom à une forme particulière de cirrhose hypotrophique,
dite cirrhose de Laennec (foie dur, rétracté ayant l’apparence du granit).
Contrairement à Broussais, et malgré l’importance de ses découvertes, Laennec n’acquit
jamais de son vivant une popularité comparable.
Il meurt à 45 ans de la maladie du siècle, la tuberculose qu’il avait certainement contractée
auprès de ses patients.
123
A partir de cette époque, la médecine, que l’on appelle « interne » aujourd’hui tend à se
spécialiser. On voit ainsi apparaître la cardiologie, l’urologie, l’endocrinologie, la dermatologie,
l’ORL l’ophtalmologie…
Cardiologie
La cardiologie du 19ème siècle devient une spécialité à part entière. Les principales pathologies
cardiaques font l’objet de descriptions cliniques détaillées. Malgré l’absence de matériel
d’investigation électrique, les troubles du rythme sont minutieusement décrits. L’électrocardiographie
ne fera que confirmer ces descriptions cliniques au début du siècle suivant.
= William Stokes (1804-1870)
Médecin écossais, comme J.C. Cheyne, William Stokes s’intéressera à l’observation clinique
et notamment à l’utilisation du stéthoscope récemment inventé par H Laennec pour ausculter le cœur
et le thorax (chest).
William Stokes
Il publiera deux ouvrages de référence (Diseases of the chest et Diseases of the heart) qui
seront utilisés par plusieurs générations d’étudiants. Son nom est également connu pour désigner un
trouble du rythme décrit en collaboration avec Robert Adams (Stokes Adams) ou maladie d’Adams
Stokes.
La maladie d’Adams Stokes (en français) correspond aux troubles neurologiques observés du
fait d’une restriction du débit vasculaire cérébral (vertige, lipothymie, épilepsie, syncope…). Sur le
124
plan cardiaque il s’agit d’un bloc atrio-ventriculaire entraînant une bradycardie ventriculaire,
entrecoupée de poses pouvant entraîner une mort subite.
= Jean-Baptiste Bouillaud (1796-1881)
Bouillaud est originaire d’Angoulême. Il est très rapidement formé par son oncle Jean
Bouillaud, médecin major des armées. Avant même d’avoir terminé sa formation, Bouillaud se trouve
incorporé dans le service de santé des armées et participe, jusqu’à Waterloo aux batailles
napoléoniennes.
De retour à Paris, il obtient son doctorat en 1823. Dès 1824 il publie « Traité des maladies du
cœur et des gros vaisseaux », puis « Traité clinique et physiologique de l’encéphalite ». Nommé
professeur à l’hôpital de la Charité à Paris en 1831, il poursuit ses travaux de cardiologie et publie en
1840 son fameux « Traité clinique du rhumatisme articulaire et de la loi de coïncidence des
inflammations du cœur avec cette maladie ».
Jean-Baptiste Bouillaud
Doyen de la Faculté de Médecine de Paris, à la suite d’Orfila (A ce sujet son comportement
avec son prédécesseur fut particulièrement exécrable, il ne cessera de le dénigrer pour se faire
valoir), J. P. Bouillaud poursuivit ses travaux sur les propriétés pharmacologiques de la digitale, qu’il
appelait « l’opium du cœur » et sur le langage.
Dans ce dernier domaine il contribua à la réflexion sur la localisation du centre cérébral du
langage, finalement déterminé par Broca, et à individualiser les aphasies en deux types
(impossibilité de comprendre et impossibilité de produire). Ces deux aphasies sont maintenant
connues sous le nom d’aphasie de Wernicke et aphasie de Broca.
* Maladie de Bouillaud : Rhumatisme Articulaire Aigu, fièvre rhumatismale, polyarthrite
aiguë fébrile.
Urologie
= Jean Civial 1792-1867
Malgré ses origines modestes, fils d’un paysan auvergnat, Jean Civial réussit à suivre des
études de médecine à Paris. Passionné par l’urologie, il acheta le droit de monter un service d’urologie
à l’hôpital Necker.
Mal considéré de ses confrères, car chef de service sans concours (ce n’est plus le cas de nos
jours, heureusement !!!), Civial réussit pourtant à se forger une réputation européenne grâce à un
appareil de son invention qui permettait d’extraire les calculs vésicaux par les voies naturelles.
125
A partir de 1826 la technique de la lithotritie fut opérationnelle, évitant l’ouverture suspubienne de la vessie, intervention connue sous le nom de la « taille ». C’est de cette dernière
opération que décédera Napoléon III en exil (9 Janvier 1873).
Civial opéra Lisfranc, le Roi des Belges et Sanson le bourreau le plus célèbre de Paris*. Il fut
membre de l’Académie de Médecine et de l’Académie des Sciences.
* Il s’agit de Henri Sanson, fils de Charles Henri Sanson (l’exécuteur de Louis XVI, qui se
démit de sa fonction en 1891 au profit d’Henri). H. Sanson (1767-1840) fût le bourreau de la terreur,
il exécuta entre autre la reine Marie Antoinette, le Duc d’Orléans…
Dermatologie
Pendant cette période, la dermatologie progresse à grands pas. Les principales pathologies font
l’objet d’une description détaillée, et pour beaucoup le facteur pathogène peut être identifié. Si au
début du 19ème siècle, on cherche encore à regrouper les atteintes cutanées en « famille » (arbre
d’Alibert), on se détache progressivement des hypothèses étiologiques purement locales pour
envisager des origines pathologiques beaucoup plus générales.
= Alibert Jean Louis (1768-1831)
Jean Louis Alibert est né à Villefranche de Rouergue. En 1801 il est nommé à l’Hôpital Saint
Louis de Paris où il créera l’école de dermatologie qui fait toujours la renommée de cet hôpital.
Alibert Jean Louis
Hôpital Saint Louis vers 1900
126
En 1816, Biett, l’un de ses élèves, ramène d’Angleterre la classification dermatologique de
Willan qui se développe très rapidement en Europe.
J.L. Alibert, comme beaucoup de ses confrères, cherchait à coordonner et à classer les
multiples pathologies recensées en dermatologie. Il eut l’idée originale de représenter
schématiquement cet ordonnancement sous la forme d’un arbre. Cette représentation botanique se
révéla assez proche de celle proposée par Biett.
Arbre des dermatoses d’Alibert
Tumeur d’Alibert
Pendant tout le 19ème siècle les alibertistes et les willanistes débattirent sur le bien
fondé de leur théorie respective, opposant les artificialistes (Willan) et les naturalistes (Alibert). Sa vie
durant, Alibert développa sa classification suivant les concepts philosophique de Jussieu et les travaux
de son maître Pinel.
= Alphée Cazenave (1795-1877)
Alphée Cazenave fut, comme Devergie, un élève de Biett à l’Hôpital Saint Louis. Il est le
fondateur du premier périodique de dermatologie qui parut entre 1843 et 1852 (Annales des maladies
de la peau et de la Syphilis).
127
Alphée Cazenave
On lui doit notamment la description du pemphigus foliacé (1844) et du Lupus érythémateux
(1850).
Pemphigus foliacé
Lupus érythémateux
= Alphonse Devergie (1798-1879)
Devergie devint médecin des hôpitaux en 1836 et succéda Biett à l’hôpital Saint Louis.
128
Devergie
On lui doit entre autres travaux le « Traité pratique des maladies de la peau ». Il devint
président de l’Académie de Médecine en 1874. Il donna la description du Pityriasis rubra pilaire
.
Devergie est le précurseur du Musée de dermatologie, pour lequel il fit réaliser de
nombreuses aquarelles représentant les lésions cutanées. Il fut associé dans ce travail à Charles
Lailler, chef de service à Saint louis qui, avec l’aide du mouleur Jules Baretta(de 1863 à 1868) réalisa
des reproductions en cire des principales lésions dermatologiques.
Cires dermatologiques
Ecole de dermatologie de Saint Louis
Alibert
129
Biett
Devergie
Lailler
Cazenave
= Ferdinand Hebra (1816-1880)
Membre de l’école viennoise, F. Hebra est le premier à s’être entièrement consacré aux
maladies de la peau.
Ferdinand Hebra
Hebra classa l’ensemble des dermatoses à la fois sur les plans clinique et microscopique, mais
ne teint pas compte des pathologies associées, ce qui lui fit proposer des thérapies locales au détriment
des étiologies humorales. Son nom reste associé à une forme particulière d’eczéma, l’eczéma marginé
d’Hebra.
Eczéma marginé de Hebra
= Moritz Kaposi’s’ (1837-1902)
Kapossi’s’ naît en Hongrie dans une famille juive portant le nom de Kohn*. Il fait ses études à
l’Université de Vienne et se lie d’amitié avec Hebra.
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Moritz Kaposi’s’
Docteur en médecine en 1859, avec pour sujet de thèse « Dermatologie und Syphilis », il est
nommé Professeur à Vienne en 1875 dans le Vienna General Hopital et directeur de la Clinical Skin
Diseases.
Le livre qu’il publie en 1880 marque profondément la dermatologie. « Pathology and
Therapie of the Skin Diseases in Lectures of Pratical Physician and Students”. Il donne notamment
dans cet ouvrage la description d’une maladie génétique rare, le xeroderma pigmendosum. Il est le
premier à étudier le Lichen serofolosorum et le Lupus érythémateux en collaboration avec Hebra.
Au cours de sa carrière, il publie 150 livres et articles scientifiques. L’histoire retiendra son
nom pour la description du Kaposis’s’ sarcoma (tumeur causée par un virus qui sera mis en évidence
en 1990).
* Moritz Kohn prendra le nom de Moritz Kaposis’s’ (nom de sa ville d’origine) après sa
conversion au catholicisme pour pouvoir épouser la fille d’Hebra, mais aussi pour se distinguer de
cinq de ses collègues viennois portant le même nom. Ses confrères diront de lui « Il a pris la fille, sa
maison, sa chaire et sa clientèle à son beau-père ».
= Sabouraud Raymond (1864-1938)
Né à Nantes, Sabouraud est admis comme interne à Saint Louis en 1892. Elève de Roux à
l’Institut Pasteur, R. Sabouraud travailla sur les mycoses et notamment sur les mycoses du cuir
chevelu. A l’hôpital Saint Louis il publia de nombreux travaux sur ce sujet dont notamment « La
pelade et les teignes de l’enfant » en 1895.
Sabouraud Raymond
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On lui doit la mise au point de nombreux milieux de culture, dont notamment celui à qui il a
laissé son nom et qui est toujours utilisé aujourd’hui pour la culture et l’identification des mycoses, le
milieu de Sabouraud.
Colonies mycéliennes sur milieu de Sabouraud
Endocrinologie
Les recherches biologiques et physiologiques entreprises au 19ème siècle, donnèrent à cette
nouvelle science, non encore « spécialisée », toutes les bases nécessaires à son développement future.
Pour cette raison, on trouve les précurseurs de l’endocrinologie chez les physiologistes, les biologistes
et les cliniciens.
= Thomas Addison (1793-1860)
Né près de Newcastle, Thomas Addison entre à la faculté de Médecine d’Edinburgh, d’où il
sort thèsé en 1815 avec un sujet portant sur le « traitement de la syphilis par le mercure », technique
déjà utilisée ) la renaissance.
La même année, il exerce la chirurgie, puis s’intéresse aux maladies de la peau. Il entre
comme assistant au célèbre Guy’s hospital de Londres où il exercera jusqu’à son décès.
132
Thomas Addison
En 1839, il publie « Elements of the Pratice of Medicine », puis “On the Constitutional
and Local Effects of Disease of the Suprarenal Capsules” dans lequel il décrit l’insuffisance surrénale
(maladie bronzée d’Addison) et l’anémie pernicieuse (anémie d’Addison) qui perpétuent son nom.
Thomas Addison laissa auprès de tout ceux qui l’on connu un souvenir impérissable tant sa
stature, sa prestance, son langage incisif et la qualité de ses analyses cliniques étaient remarquables. Le
respect souvent mêlé de crainte qu’il inspira à ses disciples au Guy’s Hospital and Mecical School
d’Edimbourg, marquèrent les esprits de ses collègues et de ses étudiants.
Victime de plusieurs syndromes dépressifs, il se suicide par défenestration en 1860, trois mois
après avoir écrit à ses étudiants pour les remercier.
= Edouard Brown-Séquard (1817-1894)
Edouard Brown-Séquard est né à l’île Maurice. Il fait ses études à Paris et est reçu docteur en
médecine en 1846. A partir de cette date, Brown-Séquard devient un globe-trotter de la médecine. De
retour à l’île Maurice, il ne tarde pas à se tourner vers les Etats-Unis pour quelques années, avant de
retourner à Paris et de se fixer momentanément à Londres où il est nommé professeur de pathologie du
système nerveux dans l’hôpital national pour les paralysés et les épileptiques.
Edouard Brown-Sequard
133
En 1864, il est de retour aux Etats-Unis comme professeur de physiologie et de
neuropathologie. Il terminera sa carrière mouvementée à Paris où il succède à Claude Bernard comme
titulaire de la Chaire de Médecine expérimentale.
Edouard Brown-Séquard poursuivit les travaux de C. Bernard notamment dans le domaine des
sécrétions hépatiques et pancréatiques. Père de l’endocrinologie moderne (les produits sécrétés
passent dans le sang pour transmettre un message), il travailla également sur les sécrétions des glandes
surrénales, des testicules, de la thyroïde et les fonctions du rein et de la rate.
En avance sur les futures techniques de dopage, il pensait pouvoir rajeunir un organisme en
injectant des extraits de tissus testiculaires de Bélier*.
Edouard Brown-Séquard est également le fondateur des Archives de physiologie en 1868.
Sur le plan de ses recherches neurologiques on retiendra le très fameux : Syndrome de
Brown-Séquard qui correspond à une lésion de la moitié de la moelle épinière, donnant une hémi
paraplégie avec hémianesthésie profonde du côté de la lésion et une hémianesthésie tactile
douloureuse et thermique du côté opposé.
* Bien avant lui, les gladiateurs de Rome se dopaient avec des broyas de testicule de taureau (Cela
marche toujours).
Hématologie
= Gabriel Andral (1797-1876)
Professeur à Paris, Gabriel Andral succède à Broussais comme professeur d’hygiène dont il
héritera de la chaire de pathologie générale et de thérapeutique.
Premier à étudier la biochimie et les éléments figurés du sang, G. Andral décrit la
Lymphangite carcinomatosa chez une patiente porteuse d’un cancer de l’utérus. Cette lésion
accompagne plus généralement les cancers de l’intestin et du poumon.
Il est en général reconnu comme le premier hématologue.
= Thomas Hodgkin (1798-1866)
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Médecin originaire du Middle-west, Thomas Hodgkin étudie en Angleterre en Ecosse, en
Italie (1821) puis en France. Il passe sa thèse à Edinburgh sur le thème de la « Physiologie de
l’absorption chez l’animal ».
Thomas Hodgkin
Thomas Hodgkin travaillait en collaboration avec T. Addison à Edimbourg. Contrairement à
son collègue à l’allure noble et sévère, il fut un homme d’une modestie et d’une générosité
exceptionnelle.
Quaker d’origine, il respecta toute sa vie l’habit caractéristique qu’il portait sous sa blouse,
et mis en pratique la charité prônée par sa philosophie.
Habit traditionnel du Quaker
Il décrivit en 1832 « l’hypertrophie de la rate et du système lymphatique », connue depuis
sous le nom de maladie d’Hodgkin (Nom donné par S. Wilks en 1865).
Cellules hodgkiniennes
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Auteur de « The morbid Anatomy of Serou and mucous Membranes » en 1829 et de
« Lecturs on Morbid Anatomy » en 1836, Thomas Hodgkin sera un promoteur de la médecine
préventive. Il décrira également l’appendicite aigue, la biconcavité des cellules sanguines et la striation
des fibres musculaires.
= François Vincent Raspail (1794-1878)
J.F.Raspail est né à Carpentras. De vocation plus scientifique que médicale, il travailla sur la
cellule et la biochimie. Père de l’histochimie, il reconnu à la cellule son rôle de « laboratoire
chimique » et définit ainsi la théorie cellulaire.
François Vincent Raspail
Parallèlement à sa carrière scientifique, Raspail s’engage politiquement et soutient la
révolution de 1830.
Il définit ce qu’il appelait le « ver microscopique » qu’il considère comme agent pathogène
des maladies contagieuses. Très engagé dans le socialisme, il prodiguait gratuitement ses consultations
aux pauvres. Il publie à partir de 1845, le « Manuel annuaire de la santé » qui le fit connaître dans
l’Europe entière comme promoteur de l’hygiène et de la santé.
Infectiologie
= Pierre Fidèle Bretonneau (1778-1862)
Originaire de Touraine, Pierre Fidèle Bretonneau était issu d’une famille exerçant la médecine
et l’art de guérir depuis neuf générations.
136
Pierre Fidèle Bretonneau
D’abord centralien à Paris, il suit des études médicales et s’installe à Chenonceaux comme
officier de santé. Médecin de campagne, il étudie auprès de ses patients le développement des
contagions. Très ingénieux, il imagine de conserver « la pulpe vaccinale » dans un tube capillaire. En
1815 il est nommé médecin chef de l’hôpital de Tours. Dans cet établissement il décrit la diphtérie et
le croup, sa complication. Il pratique des trachéotomies pendant la phase asphyxiante et sauve ainsi ses
malades*.
* Une technique traditionnelle consistait à tailler un poireau en pointe et à introduire cette
sorte de trocart dans la trachée du sujet pour pratiquer un « ramonage » des fausses membranes.
L’acidité du poireau empêchant semble t-il un nouveau phénomène prolifératif (l’auteur de ce cours
est particulièrement reconnaissant à son arrière grand-mère qui sauva sa fille alors âgée de 7 ans par
cette technique)..
Mais le génie de Bretonneau va résider dans son approche de la spécificité pathologique des
germes. Alors que Broussais et beaucoup de ses confrères parisiens parlaient encore de génération
spontanée, Bretonneau démontre : qu’il existe un germe propre à chaque contagion et que l’épidémie
n’est engendrée et disséminée que par leur germe reproducteur.
L’hôpital parisien spécialisé en pédiatrie qui porte son nom a été transformé en maison de
retraite et longs séjours dans les années 1990.
= Armand Trousseau (1801-1867)
Armand Trousseau est né à Tours. Etudiant dans cette ville dans le service de Bretonneau, il
passe sa thèse en 1825 et est agrégé de la faculté de Médecine de Paris en 1827.
137
Armand Trousseau
Trousseau est chargé en 1828 d’étudier l’épidémie de choléra qui sévit au centre le la France,
puis la fièvre jaune à Gibraltar.
En 1837 il reçoit un prix spécial de l’Académie de médecine pour ses observations cliniques.
Il obtient la chaire de thérapeutique et de pharmacologie de la Faculté de Paris.
Il est un des premiers à utiliser la trachéotomie. Il donne son nom à la contraction de la main
lors des crises de spasmophilie (main d’accoucheur ou signe de trousseau).
Un hôpital parisien porte son nom.
= Pierre François Oliver Rayer (1793-1867)
Pierre François Oliver Rayer
Normand d’origine (Calvados), Pierre François Oliver Rayer fit ses études à Paris et prit
comme sujet de thèse « Sommaire d’une histoire abrégée de l’anatomie pathologique ». Son œuvre
porte essentiellement sur l’anatomie comparée et les infections croisées. Sa publication « De la morve
et du farcin chez l’homme » montre la transmission possible de cette maladie du cheval à l’homme.
Rayer travailla également sur les maladies infectieuses comme le choléra, la tuberculose, la fièvre
138
aphteuse, le charbon du mouton. En 1835, il publie « Traité des maladies de la peau », ouvrage
brillamment illustré.
Tuberous sclerosis
Il mit en évidence le premier l’existence de bâtonnets dans le sang des moutons infectés par le
charbon, qu’il nomma « Bacillus anthracis ».
Fondateur et premier Président de la société de biologie il fut également membre de
l’académie de médecine et de l’Académie des sciences.
Dans un autre domaine Rayer fut un précurseur dans les maladies des reins. Premier à
examiner des urines au microscope il définit l’hydronéphrose et publia en 1839 « Traités des
maladies des reins et de la sécrétion urinaire ».
P.F. Rayer fut le médecin de Louis Philippe, de Napoléon III, de la princesse Mathilde et du
Duc de Morny. Son enseignement fut particulièrement apprécié de ses internes, à qui il sut donner le
goût de la recherche. On compte parmi eux une belle brochette de célébrités : Claude Bernard,
Charcot, Brown-Séquard, Davaine, Bouchard…
= Casimir Joseph Davaine (1812-1882)
Casimir Joseph Davaine
Casimir Joseph Davaine fit ses études médicales à Paris. Elève de Rayer, il découvrit avec lui
le bacille de la maladie charbonneuse (1850). Bactériologiste et parasitologue, Davaine travailla sur la
septicémie des bovidés et publia un « Traité des Entozoaires ». Médecin par quartier de Napoléon III,
il eût une clientèle importante et soigna Rossini, la famille Rothschild et Alphonsine Plessis (la dame
aux camélias).
On lui doit la découverte des mouvements amiboïdes des leucocytes (1850) et une approche de
la phagocytose (1869).
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= Louis Pasteur (1822-1895)
Louis Pasteur est né dans le Jura à Dôle. Il passe son enfance à Arbois dans un pays
producteur de vin, et c’est tout naturellement qu’il entreprend, comme chimiste, des recherches sur la
fermentation en 1854. Doyen de la faculté des sciences de Lille la même année, et Directeur des études
scientifiques à l’école normale supérieure, il poursuit ses travaux sur les ferments soumis à un
chauffage rapide, suivi d’un refroidissement, technique connue sous le nom de « pasteurisation ».
Travaillant en collaboration avec les sériciculteurs (éleveurs de vers à soie), il met en évidence
la contagiosité de microorganismes et sauve ainsi la sériciculture lyonnaise.
Louis Pasteur
Dans la même voie, il rejette la « génération spontanée » et découvre le bacille du charbon *
(1876), le staphylocoque et le bacille du choléra des poules (1880), le pneumocoque (1881) l’agent
pathogène de la rage. Cette dernière découverte lui donnant une aura universelle qu’il conservera sa
vie durant. En Juillet 1885, il sauve grâce à la mise au point de son vaccin un jeune alsacien, Joseph
Meister mordu pas un animal enragé. Ce dernier restera auprès de Pasteur et travaillera sa vie
durant comme concierge du futur Institut (1888).
* Le 5 Mai 1881 se déroule dans une ferme près de Melun une expérience avec 50 moutons, 5
vaches, un bœuf et 2 chèvres. Chaque animal (à l’exception de 25 moutons) est inoculé par une
culture charbonneuse très atténuée, puis par une nouvelle vaccination plus virulente 12 jours plus
tard. Le 31 Mai tous les animaux reçoivent une injection de bacilles charbonneux virulents. Le 2 Juin
tous les animaux vaccinés sont vivants, tous les autres sont morts.
Reçu à l’académie française, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, Louis Pasteur fût
de son vivant encensé et fêté par la troisième république.
De caractère difficile et misogyne, il gardera comme intime blessure le fait de ne pas être
médecin et de ne pouvoir administrer lui-même les vaccins qu’il inventait.
Esprit en avance sur son temps en ce qui concerne le développement des microorganismes et
les mécanismes de la contagion (il pose les bases de l’asepsie chirurgicale), il ignorera cependant les
enzymes et bataillera de manière parfois injuste avec les confrères travaillant sur ce sujet.
140
Vaccination contre le charbon
Victime d’une atteinte de paralysie à l’âge de 45 ans, il vivra cependant 73 ans, veillant
jusqu’à sa mort sur la gestion de l’Institut et sur les recherches de ses successeurs.
= Jean Antoine Villemin (1827-1892)
Vosgien d’origine, Villemin fit ses études à Strasbourg à l’Hôpital militaire d’instruction, et
obtient sa thèse en 1853. Il entre alors au Val de Grâce à Paris où il est agrégé en 1863.
Jean Antoine Villemin
Ayant constaté qu’une chambrée entière d’une centaine de gardes, présentait les signes de la
phtisie, il conclut que la tuberculose était une maladie contagieuse (1865). Après avoir vérifié cette
hypothèse chez le lapin par inoculation, il publia sa découverte et la soumis à l’Académie de Médecine
qui le reçut parmi ses membres en 1871.
Les travaux de Villemin permirent ainsi de confirmer l’hypothèse de Laennec qui avait été
remis en cause lors de ces trente dernières années. Quelques années plus tard (1885) Koch en
découvrant le bacille de la tuberculose devait confirmer définitivement le caractère épidémique de
cette maladie. Villemin met également en évidence le fait que certaines bactéries pouvaient s’attaquer
à d’autres bactéries.
On lui doit la création du terme « antibiotique »
= Robert Koch (1843-1910)
R. Korch est né en Allemagne. Il suit ses études médicales à l’Université de Göttingen où il est
docteur en 1866.
141
Robert Koch
Robert Koch est à l’origine de nombreuses découvertes bactériologiques. Après que Casimir
Davaine ait montré la transmission directe du bacille de l’Anthrax entre les vaches, Koch met au point
une technique de purification du bacille et montre qu’il peut prendre une forme sporulée
momentanément inactive mais résistante.
En 1882, il découvre le bacille de la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis), qui portera
son nom.
Bacilles de Koch
En 1883, il décrit le vibrion cholérique. Cette découverte ne lui sera cependant pas
attribuée car Fillippo Pacini avait préalablement décrit le vibrion en 1854, découverte, passée depuis
dans l’anonymat le plus complet. Ce vibrion portera donc le nom de Vibrio Cholea Pacini.
Créateur à Berlin de l’Institut des maladies infectieuses, il est fait Prix Nobel en 1905, un
cratère lunaire porte son nom.
= Emile Duclaux (1840-1904)
Né à Aurillac, E. Duclaux fait ses études au Lycée Saint Louis à Paris. Reçu simultanément à
Polytechnique et à L’Ecole Normale supérieure, il choisit cette dernière et devient assistant dans le
laboratoire de Louis Pasteur.
142
Emile Duclaux
Toute sa carrière, il travaille en relation avec Pasteur et réfute avec ce dernier la théorie de la
génération spontanée.
Professeur à Clermont Ferrand, Tours, Lyon et Paris, il enseigne la chimie biologie des
levures, de la fermentation et travaille sur le phylloxéra.
Il publie de très nombreux travaux dont le « Traité de microbiologie » et « Hygiène sociale ».
A la mort de Pasteur, il devient directeur de l’Institut avec Emile Roux pour directeur adjoint.
Maladies vénériennes
L’exode rurale provoquée par les besoins de l’industrie, la naissance d’une nouvelle classe
sociale pauvre, la licence du monde artistique, le « dévergondage » d’une partie de la bourgeoisie et de
la cour du second empire (lire ou relire Nana d’Emile Zola) seront à l’origine du développement des
maladies vénériennes.
= Philippe Ricord 1800-1869)
Ricord est né à Philadelphie et ce n’est qu’à l’âge de 20 ans, qu’il gagne Paris où il suit ses
études de médecine. Reçu à sa thèse en 1826, il est nommé chirurgien des hôpitaux et se spécialise
dans la chirurgie des organes génitaux. Il est à l’origine de la cure du varicocèle et de la première
urétroplastie (1842)
Philippe Ricord
Ricord démontra, malgré de nombreux avis contraires que la syphilis était une affection
différente de la blennorragie.
Il eut pour disciple Alfred Fournier qui devint par la suite son gendre. Il a laissé son nom au
chancre initial de la syphilis « Monographie du chancre » 1837.
143
Spéculum de Philippe Ricord
On lui doit également la « Théorie sur la nature et le traitement de l’épididymite » et son
remarquable « Traité des maladies vénériennes » en 8 volumes.
Lésion syphilitique
Sa consultation est citée dans plusieurs chansons de salles de garde, notamment dans « La
marche des véroles ou la chanson de Lourcine ».
Caricature de Ricord parue dans le Journal satyrique, La lune
= Alfred Fournier (1832-1914)
Né à Paris, Alfred Fournier, réalise ses études médicales dans cette ville et entre comme
interne chez Ricord à Lourcine.
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Alfred Fournier
Elève de Ricord, à l’hôpital Lourcine (devenu ultérieurement l’hôpital Broca), Fournier doit
être considéré comme le plus grand spécialiste de l’affection syphilitique. Il exerça en 1876 à l’hôpital
Saint Louis où l’on créa pour lui la chaire des maladies cutanées et syphilitiques (1880). Ses travaux
portèrent sur les conséquences rhumatismales des blennorragies, l’étiologie des différentes urétrites et
définit, sans que l’on connaisse à l’époque le tréponème, les circonstances de la contagion
syphilitique. On doit à A. Fournier la reconnaissance de la syphilis congénitale.
Il définit également pour la première fois, et contre l’avis de nombreux confrères, les trois
stades de la syphilis, dont le fameux stade tabétique très controversé à l’époque.
En 1901 il fonde la société de prophylaxie sanitaire et morale. Malgré l’importance de ses
travaux, Fournier reste aujourd’hui relativement peu connu si ce n’est par l’ouverture en 1932 d’un
Institut de recherche destiné à la lutte antivénérienne qui porte son nom.
Les autres patronymes le concernant sont eux tombés dans l’oubli :
Tibia de Fournier, aspect fusiforme de la crête tibiale pouvant être observé dans les
syphilis congénitales.
Gangrène de Fournier, infection du scrotum chez le diabétique.
Signe de Fournier, plaies des lèvres observées dans les syphilis congénitales.
Obstétrique, gynécologie, pédiatrie
Le 19ème siècle révolutionnera la gynécologie et l’obstétrique. En 100 ans, de Baudelocque à
Tarnier, le suivi de la grossesse, l’accouchement et la prise en charge du nouveau né se sont
profondément transformés. La mortalité effroyable des femmes et des enfants commence à décroître,
tandis que la puériculture se développe.
Au plan social et philosophique, les mentalités changent, la grossesse et l’enfantement
acquièrent peu à peu une dimension sociale inconnue jusqu’alors. Abandonné par les plus pauvre,
confié à une nourrice provinciale pour les plus riches, l’enfant prend au sein de la famille, une place
sinon encore centrale, comme ce sera le cas au 20ème siècle, du moins un statut plus enviable qu’aux
siècles précédents.
1776 Thèse de Baudelocque
1795 Création de la maternité de Port Royal
1795 Baudelocque est nommé premier titulaire de la chaire d’obstétrique, invente
la pelvimétrie, codifie les positions fœtales.
1802 Première école de sages femmes
145
1822 Kergaradec écoute le cœur fœtal et définit son rythme
1857 Tarnier décrit la fièvre puerpérale
1864 Principes de la puériculture (Pinard)
1873 Première hystérectomie par Tarnier
1878 Codification de la palpation abdominale par Pinard
1880 Indications de la césarienne (Pinard)
1888 Tarnier codifie les souffrances fœtales par auscultation cardiaque
1889 Première couveuse (Tarnier)
= Jacques Alexandre le Jumeau de Kergaradec (1787-1877)
Orphelin de père et de mère du fait des massacres révolutionnaires, le jeune Jacques de
Kergaradec est élevé par un père réfractaire qui lui apprend le latin et le grec, indispensable pour la
médecine jusqu’à la fin du 19ème siècle, ainsi que par le docteur Boscher qui le fait entrer comme aide
chirurgien à l’hôpital de Morlaix (de 11 ans à 15 ans). Devenu élève de l’école pratique, il suit les
cours de Dupuytren et de Laennec et prend sa fonction d’interne en 1806 (il a 19 ans).
Lié d’amitié avec Laennec, il écoute pour la première fois le cœur foetal grâce au stéthoscope
et publie un Mémoire sur l’auscultation appliquée à l’étude des grossesses (1821).
Après avoir mesuré le rythme fœtal, il pressent que l’étude de ces variations pourra informer le
praticien sur d’éventuelles souffrances fœtales et conseille de ce fait l’auscultation systématique des
fœtus pendant la grossesse. Il faudra 10 à 15 ans années pour que cet examen entre dans les mœurs des
obstétriciens et soit systématiquement utilisé.
Ultérieurement, Tarnier (1888) peaufinera l’œuvre de Kergaradec en précisant les données
cliniques et leurs correspondances pathologiques.
= James Marion Sims (1813-1883)
James Marion Sims
Pionnier de la gynécologie, il fonda le Woman’s Hospital de l’état de New York. Après avoir
découvert la position dite prosternée pour étudier le vagin et l’utérus, il mit au point un spéculum dit
de Sims ce qui lui permit de traiter les fistules vaginales.
= Stéphane Tarnier (1828-1897)
146
Stéphane Tarnier est bourguignon. Il naît d’un père médecin en côte d’or, le 29 Avril 1828.
Nommé interne en 1853, il entre à l’Hospice de la Maternité en 1856 et soutient sa thèse en 1857 sur
la « fièvre puerpérale » démontrant qu’il s’agit d’un phénomène contagieux.
A cette époque le taux de mortalité dans les hospices était beaucoup plus élevé que pour les
femmes accouchant à domicile. Il définit des règles d’hygiène strictes pour l’accouchement et les
examens cliniques, et conseille d’isoler autant que possible les jeunes mères les unes des autres (les
examens étaient pratiqués à la suite les uns des autres, sans gants ou doigtier, et sans hygiène des
mains…).
Stéphane Tarnier
Nommé professeur agrégé en 1860, il perfectionne les forceps de Levret et rédige un « Traité
de l’Art des accouchements » qui résume ses travaux obstétricaux et notamment la technique de
l’hystérectomie qu’il réalise pour la première fois en 1873. Travailleur forcené, curieux de tout,
inventeur de nouveaux matériels, perfectionniste, enseignant infatigable, il sut transmettre à ses
disciples et notamment à Pinard ses nouvelles techniques et le fruit de ses travaux.
Spéculum de Tarnier
Inventeur de la couveuse pour les prématurés, il conçut également une alimentation spécifique
pour aider les enfants chétifs et hypotrophiques à passer le cap difficile des premières semaines.
Moqué par certains confrères qui s’amusent de la lenteur de ses publications (accouchement
le plus laborieux que Tarnier est fait de sa vie), il gardera sa vie durant son air malicieux et sa grande
bonté pour ses patientes et ses étudiants.
Titulaire de la chaire de clinique obstétricale en 1889, il est nommé président de l’Académie
de Médecine en 1891.
En 1889 l’hospice de la Maternité déménage dans des locaux neufs rue d’Assas ; cette
maternité prendra son nom pour honorer sa mémoire.
147
Couveuse de Tarnier
= Adolphe Pinard (1844-1934)
Originaire d’une famille de paysans champenois, Adolphe Pinard termine ses études à Paris et
entre à la faculté de médecine. Elève de Tarnier, il est interne en 1870, puis agrégé en 1878. Il est
nommé directeur de la clinique obstétricale de Port Royal à laquelle il donnera le nom de son illustre
prédécesseur, Baudelocque. Pendant 45 ans il travaillera aux accouchements en définissant un
concept récemment remis à la mode, celui du couple mère/enfant.
Adolphe Pinard
Prolongeant les travaux de Jumeau de Kergaradec et de Tarnier auquel il succède, il codifie
l’examen clinique du fœtus et de la mère pendant la grossesse, le palper abdominal, le travail et les
indications de la césarienne. Protecteur de la mère et de l’enfant qui « ne doit pas souffrir » de
l’accouchement, il se bat pour que les femmes enceintes cessent le travail, l’allaitement maternelle, la
protection des filles mères et crée en 1864 les principes de la puériculture.
Stéthoscopes obstétricaux de Pinard
Au-delà de ses préoccupations médicales proprement dites, il cherche à former les futures
parturientes (ouverture d’un cours de puériculture pour jeunes filles en 1912), protéger la femme avant
la grossesse (certificat prénuptial), pendant la grossesse (protection sociale et médicale des femmes
enceintes) et après l’accouchement (ouverture de maisons maternelles).
148
Consultation de pédiatrie vers 1900 (Chicotot, Musée de l’AP)
Jusqu’à sa retraite à l’âge de 70 ans, il oeuvrera pour que la mère et l’enfant jouissent d’une
protection sociale indispensable à leur santé. Dix ans après sa retraite, il crée encore l’Institut de
puériculture.
Allaitement au biberon d’après Pinard
Les nombreux travaux qu’il publiera concernent à la fois la grossesse (Traité du palper
abdominal au point de vue obstétrical et de la version par manœuvre externe) en 1878, et la
puériculture (L’enseignement de la puériculture) en 1912.
OPH
= Photinos Panas (1832-1903)
P. Panas est d’origine grecque. Il réalisa ses études à Paris (1850) et prit la nationalité
française.
Panas travaille sur « L’anatomie et la physiologie des fosses nasales et des voies lacrymales »
(1860)
Après la guerre de 1870, ses recherches s’orientent vers l’ophtalmologie. C’est pour lui qu’est
crée en 1879 la Chaire d’Ophtalmologie à l’Université de Paris.
149
Auteur prolifique, on lui doit : « Leçon sur le strabisme », « Leçon sur les kératites », « Leçon
sur les affections de l’appareil lacrymal», « Les maladies inflammatoires des membranes de l’œil »
(1878), « Atlas d’Anatomie de l’œil » (1879, « Traité des maladies des yeux » (1894).
ORL
= Jean-Marc Gaspard Itard
Nommé docteur en Médecine à Marseille sur la description du pneumothorax, Jean-Marc
Gaspard Itard occupe un poste de chirurgien de troisième classe à Toulon où il assistera aux cours de
D. Larrey.
Jean-Marc Gaspard Itard
Créateur de l’otologie, avec le « Traité des maladies de l’oreille et de l’audition », Itard se
consacre à l’Institution des sourds-muets et crée des appareils d’acoustique et d’exploration de la
trompe d’Eustache. La sonde qui porte son nom permet de cathétériser cette trompe.
La sonde qui porte son nom permet de cathétériser la trompe d’Eustache, elle est toujours en
fonction de nos jours.
150
Il consacra une grande partie de sa vie à « sortir » les sourds muets de leur isolement et du
déficit intellectuel qu’il entraîne. Il publia un livre intitulé « De l’éducation d’un homme sauvage » à
partir des travaux qu’il effectua, sans résultat, pour redonner la parole à un enfant sauvage connu
sous le nom de « sauvage de l’Aveyron ».
Généreux, il légua à sa mort l’ensemble de sa fortune à l’Institution.
= Marcel Lermoyer (1858 1929)
Originaire de Cambrai, Marcel Lermoyer est médecin des hôpitaux en 1891. Il consacra sa vie
à l’ORL et obtint la création du premier service d’hospitalisation destiné à cette spécialité à l’hôpital
Saint Antoine. Il fut admis à l’académie de médecine en 1911 et reste comme l’un des chefs de l’école
d’ORL française.
Neurologie et maladies mentales
A partir de 1822, la neurologie et la psychiatrie, encore confondues vont bénéficier des
travaux expérimentaux réalisés par Flourens et ses élèves.
Flourens
Vulpian
Déjerine
Babinski
Prévost
Ecole française de neurologie
= Marie jean pierre Flourens 1794-1867
Reçu docteur en médecine à Montpellier, Flourens se rend à Paris pour travailler au Muséum.
Biologiste, Flourens mène ses recherches en neuroscience expérimentale «Lésions chirurgicales des
systèmes nerveux » 1825, cherchant à établir la théorie du localisationnisme cérébral.
Marie J.P. Flourens
Reçu à l’Académie des sciences en 1828, il succéda à Georges Cuvier au Collège de France.
En 1830 il donne des cours d’anatomie humaine et devient titulaire de la Chaire d’Antoine Portal.
En 1840, il est élu à l’Académie française devant Victor Hugo.
151
Il est considéré comme le fondateur de la neurologie expérimentale.
= Alfred Vulpian 1826-1887
A. Vulpian naît à Paris et valide sa thèse dans cette Ville. Elève de Marie Jean Pierre
Flourens, Vulpian étudie la physiologie et la neurophysiologie. Nommé professeur d’anatomie
pathologique en 1873, lors de la démission de Brown-Séquard, il poursuit ses recherches sur l’ictus et
la glande Surrénale. Il découvre l’adrénaline en 1856.
A. Vulpian
Avec l’un de ses élèves, Prévost, il décrit ce qui deviendra le signe de Prévost Vulpian, c'està-dire que la victime d’une hémiplégie a les yeux et la tête tournés du côté opposé, « le patient regarde
du côté de sa lésion ». On doit également à ce neurologue, le syndrome de Vulpian (douleurs
sympathiques accompagnées de troubles vasomoteurs et thermiques, observés parfois lors des
compressions de la moelle dans la région dorsale moyenne), et l’atrophie de type Vulpian
correspondant à une atrophie musculaire progressive spinale débutant par l’épaule.
= Guillaume, Benjamin Duchenne (1806-1875)
Guillaume, Benjamin Duchenne, dit Duchenne de Boulogne, naît dans cette localité en 1806.
Il fait ses études à Paris, et s’installe à Douai où il commence ses études sur l’effet de l’électricité sur
la contraction musculaire.
Grâce à une technique utilisant le courant alternatif, Duchenne réussit à ne stimuler qu’une
fibre musculaire à la fois. Non universitaire, il poursuit ses études de physiologie à Douai en explorant
minutieusement les effets des stimulations électriques chez des sujets paralysés et des marins.
Il publie en 1833 « Expérimentation de l’usage thérapeutique de l’électricité ».
152
Duchenne de Boulogne
En 1842 il revient à Paris poursuivre ses travaux et découvre une forme d’amyotrophie* qui
depuis porte son nom. Il travaille sur la poliomyélite, le tabès et en général sur toutes les formes de
paralysie. En 1855, il publie « De l’électrisation localisée et de son application à la physiologie, à la
pathologie et à la thérapeutique », puis « Physiologie des mouvements » en 1867.
Parallèlement à ses études physiologiques Duchenne de Boulogne est un précurseur en matière
de photographie médicale. Chacune de ses expériences seront minutieusement photographiées et
analysées.
Il mettra en évidence que le sourire ne prend pas seulement en compte les muscles buccaux,
mais aussi les muscles oculaires. Il décrira ainsi un type de « sourire de bonheur » qui portera
désormais le nom de sourire de Duchenne.
Bien que non universitaire, son œuvre physiologique sera reconnue par les plus grands qui le
considèrent comme le fondateur de la neurologie. Charcot disait de lui que « c’était un maître ».
* La myopathie pseudo hypertrophique de Duchenne est une myopathie primitive qui débute dans
l’enfance, plus souvent un garçon, par une hypotrophie musculaire, masquée par un développement
hypertrophique du tissu adipeux. Elle s’accompagne de rétractions tendineuses et d’atteinte
153
myocardique. La mort survient après 10 à 15 ans d’évolution par insuffisance cardiaque ou infection
intercurrente.
= Paul Broca (1824-1880)
Paul Broca est né en Gironde, près de Bergerac. Fils d’un médecin militaire, il se dirige sans
grande conviction vers la médecine alors qu’il se passionnait pour les mathématiques. Thèsé à Paris, il
est chirurgien des hôpitaux de Paris en 1853.
Paul Broca
P. Broca travaille sur les anévrismes et prône l’utilisation du microscope pour étudier les
cellules cancéreuses. Mais l’œuvre de Paul Broca est celle d’un anatomiste du système nerveux.
Neurochirurgien, il est le précurseur des interventions réglées.
Il codifie les reliefs du cortex cérébral et met en évidence le centre du langage à la base de la
troisième circonvolution frontale gauche.
Craniomètre de Broca
Collection de Broca
Outre l’aire du langage, P. Broca établira la première carte des localisations cérébrales et
notamment l’importance du lobe limbique dans l’activité cérébrale primordiale.
154
Caricature de P. Broca
Aire du langage de Broca
Paul Broca est également le fondateur de l’anthropologie médicale. Il se heurte à l’opposition
de l’église qui juge impossible de localiser anatomiquement une faculté spirituelle.
Malgré cette opposition relayée par l’Etat, il fonde le laboratoire d’anthropologie de l’Ecole
des Hautes Etudes qui accueillera et formera des célébrités du monde de l’anthropologie, dont le
fameux Bertillon, inventeur de la craniologie judiciaire et des empruntes digitales.
= J. Déjérine 1849-1917
Déjérine est né à Genève de Parents français. Inscrit à la Faculté de Médecine de Paris, il est
nommé externe, puis interne dans le service de Vulpian.
Il rencontre chez Hardy, où il est chef de clinique, sa future femme, Augusta Klumpke
première femme interne des hôpitaux au concours de 1886 (première fois que les femmes pouvaient
concourir).
Caricature de Déjérine
155
Médecin à Bicêtre, puis à la Salpêtrière, Déjérine travaille sur les maladies du système
nerveux « L’anatomie du système nerveux » 1895, « La sémiologie des affections du système
nerveux » 1905. Ces deux volumes, rédigés avec sa femme, seront réédités en 1977 et 1981.
Déjérine fut nommé membre de l’académie de médecine et suivit les cours de son maître
Charcot.
= Ernest Charles Lasègue (1816-1883)
Ernest Charles Lasègue est né à Paris en 1816. Après des études de philosophie, il entreprend
des études de médecine, encouragé par Claude Bernard (Son colocataire étudiant). Dans sa thèse
soutenue en 1847 et intitulée "De Stahl et de sa doctrine médicale. Question de thérapeutique
médicale". "La théorie du traitement moral est-elle possible ?", fortement influencée par son cursus en
philosophie, il développe les hypothèses de l’époque sur l’influence de la morale sur les pathologies.
Ernest Charles Lasègue
Après un séjour en Russie pour étudier une épidémie de choléra, il travaille en collaboration
avec Trousseau, puis est nommé Professeur de Médecine clinique à la Salpetrière, poste qu’il occupera
jusqu’à sa mort.
Lasègue s'intéressa particulièrement aux maladies mentales et nerveuses qu’il considérera
toujours sous le double aspect physiologique et psychiatrique. Il fut à l’origine de l'une des premières
descriptions de l’anorexie mentale et du délire de persécution.
Son approche psychiatrique l’amena à considérer comme primordial l’environnement social et
familial du patient.
Son nom reste attaché au diagnostic de la névralgie sciatique. Le signe de Lasègue lui fut
attribué post mortem par ses élèves, lui-même n’ayant jamais publié d’article sur le fameux signe.
= Joseph Babinski (1856-1932)
Babinski est né à Paris de parents émigrés polonais. Interne chez Vulpian, il devient le chef de
clinique de Charcot. Refusé à l’agrégation du fait de manœuvres et de magouilles visant à privilégier
un autre confrère, Babinski se consacre entièrement à son service de neurologie. Son œuvre dans cette
discipline est immense et remarquable.
156
Joseph Babinski
On retiendra le très fameux signe de Babinski (1896) en rapport avec une lésion du faisceau
pyramidal « L’extension majestueuse et zénithale du gros orteil lorsque l’on frotte la voûte plantaire
de l’arrière vers l’avant, alors que chez le sujet sain on observe une flexion ».
Signe de Babinski
Mais beaucoup d’autres signes neurologiques ont été décrits par Babinski et ses élèves :
L’épreuve de Babinski : flexion combinée de la cuisse et du tronc destinée à mettre en
évidence une paralysie débutante du membre inférieur. Le patient, couché sur le dos fait un effort pour
s’assoire et soulève la jambe paralysée plus que l’autre.
L’épreuve de Babinski-Weil qui consiste à faire marcher un patient les yeux fermés, dix pas en
avant, dix pas en arrière, plusieurs fois de suite. Les malades atteints de troubles cérébelleux de
l’équilibre, réalisent un déplacement en étoile du fait de la déviation angulaire qui se manifeste à
chaque déplacement.
Le syndrome de Babinski-Frölich (1900), associant une obésité importante prédominant au
tronc et à la racine des membres, à une dystrophie génitale secondaire à une lésion hypophysaire ;
Le syndrome de Babinski-Froment qui se manifeste par une impotence, une contracture et des
troubles vasomoteurs puis trophique d’un membre (main figée), après un traumatisme dont
l’importance n’est jamais en rapport avec l’intensité des manifestations cliniques.
Le syndrome de Babinski-Nageotte se rencontre dans certains cas de lésions bulbaires
unilatérales (trouble cérébelleux et sympathiques du côté de la lésion, hémiplégie et hémianesthésie de
l’autre côté).
Le syndrome de Babinski-Vasquez, d’origine syphilitique (stade du tabès) qui associe
157
des troubles pupillaires, une abolition des réflexes achilléens et rotuliens à une lymphocytose
rachidienne.
Outre son travail de neurologue, Babinski consacrera une grande partie de sa vie à la
gastronomie. Il rédige dans ce domaine un traité de plus de 1200 pages qu’il signe sous un
pseudonyme « Ali-Bab).
De la neurologie à la psychiatrie
En 1822 A.L. Bayle soutient sa thèse intitulée « Recherche sur les maladies mentales ». Dans
ce travail, réalisé à partir d’observation de sujets atteints de méningite chronique, Bayle définit la
démence comme le résultat d’une lésion organique.
A partir de cette date, les recherches étiologiques vont se multiplier. La monomanie,
l’épilepsie, les délires, la démence, la « paralysie générale », ont pour origine une dégénérescence
héréditaire (Benedict Augustin Morel, 1857). On traque alors l’alcoolisme, la phtisie, la misère
morale, les troubles du comportement comme le vol (notamment chez les femmes pendant leurs règles
ou leur grossesse).
Au début du 20ème siècle, on s’interroge encore sur les critères permettant de diagnostiquer la
folie. Cet extrait d’un entretien d’Esquirol avec l’un de ses disciples cité dans (Chronique médicale
1902) est tout a fait significatif des difficultés sémiologiques rencontrées.
« Maître, disait un jour à Esquirol un de ses disciples, indiquez moi un critérium pour
distinguer la limite qui sépare la raison de la folie ».
Le lendemain, le maître réunissait à la même table son disciple et deux personnages : l’un correct
jusqu’à la perfection dans sa tenue et son langage, l’autre exubérant, plein de lui-même et de son
avenir.
En prenant congé le disciple rappela au maître le critérium qu’il lui avait demandé la veille.
« Prononcez vous-même lui dit Esquirol ; vous venez de dîner avec un fou et un sage ».
« Oh ! Le problème n’est pas difficile ; le sage, c’est cet homme si distingué, si accompli ;
quant à l’autre, quel étourdi ! Quel casse tête ! Il est vraiment à enfermer ».
« Eh bien ! Lui dit Esquirol, vous êtes dans l’erreur : celui que vous prenez pour un sage se
croit Dieu le Père ; il met dans son attitude, la réserve et la dignité qui conviennent à son rôle : c’est
un pensionnaire de Charenton. Quant au jeune homme que vous prenez pour un fou, vous pouvez
saluer en lui l’une des gloires de la littérature française ; c’est M. Honoré de Balzac »
Le criminel apparaît dès lors comme le fruit de la dégénérescence héréditaire, ce qui mettra en
cause sa responsabilité pénale (E Blanche travaillera sur ce difficile problème dans le cadre de la
Société de Médecine légale fondée en 1868), tandis que l’homme de génie devient un « dégénéré
supérieur », appellation plutôt curieuse proposée par Valentin Magnan. Cette approche
anatomophysiologique débouchera tout naturellement sur l’hypothèse que le criminel, ou le fou,
présente des caractéristiques physiques innées, autrement dit que sa morphologie est en rapport avec
son comportement. César Lombroso, en 1885, invente la morphologie génétique et définit le profil du
« criminel né ». Au cours d’un congrès tenu dans le cadre de l’exposition universelle de 1889 à Paris,
Lombroso développera ses théories de la prédisposition naturelle au crime de certains sujets, dont les
sujets « hybrides » (comprendre métisses). Les conclusions de ce symposium feront la part belle aux
théories eugénistes qui seront reprises 40 ans plus tard dans Mein Kampf.
Gaétan Gatien de Clérembault, psychiatre dans la première partie du vingtième siècle,
s’opposa à cette conception de la folie et défendit une "psychiatrie républicaine". Il se consacra une
grande partie de ses recherches sur l'analyse d'une pathologie qui poussait certaines femmes à avoir un
contact particulier avec les étoffes dans le cadre de leurs rapports sexuels et orgasmiques. Il sera le
maître de Jacques Lacan, psychanalyste aujourd’hui très contesté.
Il faudra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour que la psychiatrie s’installe
comme science à part entière malgré les convulsions entraînées par la pensée freudienne et le
158
mouvement antipsychiatrique, elle se construira ses règles et son éthique. Cependant, à la fin des
années soixante, existe encore une confusion entre la dépression névrotique et les autres maladies de
natures psychotiques. La découverte des psychotropes par H. Laborit augmentera le champ des
thérapeutiques à disposition des psychiatres.
On peut être psychiatre et psychanalyste... et depuis maintenant une trentaine d’années, les
axes de recherche n’ont cessé de se diversifier. Médecins psychiatres et aussi psychanalystes
s'accordent sur un point précis de loi : il est nécessaire de disposer d'une formation médicale, ou
universitaire, si l'on est psychologue pour pouvoir intervenir dans l'univers médical....
Comme dans beaucoup de disciplines médicales on peut craindre que les sciences
cognitives et comportementales ne l'emportent sur l'analyse de la vie des patients, le patient
étant alors réduit à sa pathologie.
= Jean Martin Charcot (1825-1893)
Jean Martin Charcot naît à Paris dans une famille totalement étrangère à la Médecine et au
monde médical. Nommé interne des hôpitaux en 1848, puis médecin des hôpitaux de Paris en 1856, il
est professeur agrégé en 1860 à la Salpêtrière où il s’attache à diagnostiquer et à traiter les malheureux
laissés pour compte.
Jean Martin Charcot
Présentant une très forte personnalité, Charcot est clinicien le matin et professeur l’après midi,
mondain le reste du temps. Ses cours de neurologie à la Salpêtrière contribueront à sa célébrité
« Leçons sur les maladies nerveuses », 1885-1887, en 3 volumes.
Physiologiste et neurologue, Charcot ne fut jamais psychiatre. Ses travaux de psychologie,
notamment sur l’hypnose seront d’ailleurs fortement contestés par Guillain, puis par Babinski, qui
pensaient que Charcot faisait fausse route.
Devant ses élèves et un auditoire de curieux et de mondains (Freud faisait partie de ses
élèves), Charcot décrit l’utilisation de l’hypnose chez l’hystérique avec l’aide d’une de ses anciennes
patientes, Blanche Wittmann, qui reproduisait à loisir, et à la demande, ses crises (patiente de parade
dira Guillain).
159
Charcot pendant sa consultation
Tableau de A. Brouillet « une leçon clinique à la Salpêtrière »
La vision de la femme par les médecins du 19ème est noyée de préjugés, d’incompréhension et
de machisme issue d’une réaction de l’église post révolutionnaire. La femme est pécheresse par
essence, victime de ses sens, incapable de freiner ses passions et naturellement soumise à son
« ventre », c'est-à-dire à son utérus et à ses hormones.
Blanche Wittman
La naissance de l’hystérie comme grand syndrome névrotique résume en un mot le complexe
de l’homme du 19ème siècle vis-à-vis de sa compagne.
Le « grand Charcot lui-même » attribuait au sexe la grande variabilité d’humeur, l’excès du
comportement, la cyclothymie et en fait tout ce qui semblait inexplicable à l’homme pris comme
référence biblique, généalogique ou d’autorité. Fort de ces convictions, il inventa pour réguler
l’influence néfaste du « sexe », le compresseur ovarien (véritable instrument de torture). Cet
instrument rigidifié par une structure métallique se portait en ceinture et présentait en regard de la
projection des ovaires, légèrement au dessus du pli de l’aine, des boules métalliques qu’il était
possible d’appliquer plus fortement sur l’abdomen grâce à un système de tige filetée.
Il est reçu à l’Académie de Médecine en 1873, puis à l’Académie des sciences en 1883.
Ses travaux neurologiques lui feront découvrir la sclérose en plaque, dont il donnera la
première description clinique et la sclérose latérale amyotrophique, dite depuis Maladie de
160
Charcot. En 1882 il publie « Sur les divers états nerveux déterminés par l’hypnotisation chez les
hystériques ».
Au total, Charcot peut être considéré avec Duchenne de Boulogne comme le père fondateur de
la neurologie moderne.
= Esprit Blanche (1820 - 1893)
Né à Rouen en 1796, d’un père chirurgien, Antoine Louis Blanche qui pratique la chirurgie (au
sein de la garde nationale) et a en charge le sort des aliénés de la ville, Esprit Blanche suit ses cours de
médecine à l’Hôtel-Dieu de Paris où il est reçu en 1816.
Esprit Blanche
Entre chirurgie et aliénisme, Blanche choisit cette dernière spécialité peut être après avoir lu le
mémoire d’Esquirol adressé au ministère de l’intérieur en 1818. Ce texte, intitulé « Des
établissements d’aliénés en France, et des moyens d’améliorer le sort de ces infortunés », décrit la
grande misère des aliénés soumis à des traitements aussi barbares qu’inutiles, et enfermés dans des
établissements tenant plus du cachot que de l’asile.
Clinique du Docteur Blanche
En 1821, Esprit Blanche, docteur en médecine et qui souhaite s’installer à Paris fonde une
maison de santé à Montmartre, puis Passy, tenant de l’asile et de la pension de famille. Les patients
sont logés dans des chambres individuels, mangent à la table du médecin et sont l’objet de la
surveillance du médecin et du personnel médical 24 h/24. Désintéressé, à une époque où
l’enfermement en asile ne peut être envisagé que pour les patients suffisamment riches, Blanche
ouvrira sa maison aux personnalités de l’époque mais aussi aux nécessiteux.
161
Refuge des poètes et des peintres, la célèbre maison abritera Gérard de Nerval, Charles
Gounod, Léonie Halévy, Marie d’Argoult, Théo Van Gogh (frère de Vincent), Guy de Maupassant,
Henri de Toulouse Lautrec….
Les traitements sont de deux ordres, moral signe d’une prise en compte précoce de l’analyse
psychique, et hydrothérapique à bases de douches glacées. Les diagnostics sont aussi variés que les
patients, allant du syndrome dépressif, au syndrome de persécution, en passant par l’alcoolisme, la
schizophrénie et le tabès syphilitique. Pendant deux générations, la maison du docteur Blanche, ancien
hôtel de Lamballe, donnera un asile aux patients souffrant de troubles mentaux. Sa fermeture
interviendra définitivement en 1922. L’hôtel est actuellement occupé par l’ambassade de Turquie.
= Paul-Ferdinand Gachet (1829-1909) Médecin de Van Gogh
Originaire de Lille, F. Gachet fait ses études à Paris où il est l’élève de Trousseau, puis à la
Salpêtrière. Il passe sa thèse à Montpellier avec pour sujet « Etude sur la mélancolie » (1858).
Paul-Ferdinand Gachet
Paul-Ferdinand Gachet par Van Gogh
Très éclectique dans sa pratique, Il exerce à Paris où il traite les maladies nerveuses et les
troubles psychiatriques.
En 1872, il achète une maison à Auvers-sur-Oise où il est amené à soigner les nombreux
impressionnistes qui ont choisi cette localité pour « peindre la lumière ». En 1890, il soigne Vincent
Van Gogh lors d’une crise aigue où l’artiste se blesse avec un coup de feu.
Peintre lui-même, il n’aurait pas laissé de traces s’il n’avait été immortalisé par Vincent Van
Gogh. Ses amis peintres diront de lui que « c’était un bon médecin, mais un mauvais peintre », alors
que ses confrères le tenaient pour « un bon peintre et un médiocre médecin ».
Chirurgie
La chirurgie du 19ème siècle connaît un essor remarquable. Après Broussais et la chirurgie
physiologique, se développe une nouvelle discipline centrée sur l’anatomie pathologique.
Pelletan
Dupuytren
162
Kergaradec
Nelaton
Cruveilhier
= Jean Cruveilhier (1791-1874)
Jean Cruveilhier est né à Limoges en février 1791 et mort en 1874. Il fait ses études à Paris et
passe son doctorat en médecine en 1816 « Essai sur l'anatomie pathologique en général ». Reçu
agrégé au premier rang en 1823, il succéda à Bérard comme professeur d'anatomie, puis à son maître
Guillaume Dupuytren (Il sera titulaire de la chaire d'anatomie pathologique créée par Dupuytren).
Jean Cruveilhier
Jean Cruveilhier est généralement considéré comme l’un des créateurs de l'anatomie
pathologique. On lui doit entre autre la distinction entre le cancer et l’ulcère de l'estomac, ainsi que
la description des signes de la perforation gastrique secondaire à une ulcération.
En 1828 il fait paraître « l’Atlas d'anatomie pathologique ». Il laissera son nom à la maladie
ulcéreuse gastrique, encore appelée ulcère chronique de l’estomac ou maladie de Cruveilhier.
Il fut le Médecin de René de Chateaubriand, de Frédéric Chopin et de Talleyrand-Périgord.
= Auguste Nélaton (1807-1873)
Auguste Nélaton commence ses études médicales en 1828, et est reçu docteur en médecine en
1836. Sa thèse porte sur un sujet malheureusement « à la mode » pendant cette période « la
tuberculose osseuse ». Il est nommé professeur à l'hôpital Saint-Louis en 1839 avec pour spécialité les
tumeurs du sein. Nélaton fut un des précurseurs de la chirurgie plastique. Comme Cruveilhier, il fut
l’élève de Dupuytren
163
Auguste Nélaton
Nommé professeur, il s'illustra dans le traitement des voies urinaires (opération pour
l'extraction de la pierre, création de sondes urinaires).
Photo montage représentant Nélaton
au chevet de Garibaldi
Il fut le premier à proposer la ligature bout à bout des artères lors des plaies hémorragiques et
inventa de nombreux instruments dont des cathéters, des sondes urinaires et une sonde à revêtement de
porcelaine destinée à localiser les projectiles lors de blessures par armes à feu (la sonde de Nélaton).
Il tint une place de premier plan dans le domaine de la chirurgie pelvienne et abdominale. La
manœuvre de réduction des luxations mandibulaires antérieures porte son nom.
164
Ses principaux ouvrages sont : Traité des tumeurs de la mamelle (1839); Parallèle des
différents modes opératoires dans le traitement de la cataracte (1860); Éléments de pathologie
chirurgicale.
Il fut le médecin Giuseppe Garibaldi et de Napoléon III.
= Alfred Velpeau (1795-1867)
Alfred Velpeau est né en Indre et loir. Il fait ses études à Tours dans le service de Bretonneau
et obtient la chaire de chirurgie et de médecine à la Faculté de Paris.
Alfred Velpeau
Il est l’auteur de très nombreuses publications de médecine, de chirurgie et d’obstétrique dont
le fameux « Traité élémentaire de l’art des accouchements » en 1830.
Leçon d’anatomie à l’hôpital de la charité
Augustin Feyen 1864
Membre de l’Académie de Médecine en 1831, il a laissé son nom à un bandage de son
invention et au « trou carré de Velpeau », encore appelé espace huméro-tricipital, délimité en haut par
le petit rond, en interne par la longue portion du triceps, en bas par le grand rond et en externe par le
vaste externe.
Un quartier de Tours porte son nom.
= Joseph François Malgaigne (1806-1865)
D’une famille de chirurgiens, Joseph François Malgaigne fit ses études à Nancy puis à Paris.
Externe des hôpitaux en 1827, il soutient sa thèse en 1831. Sur concours il devient titulaire de la chaire
165
de médecine opératoire en 1850. Membre de l’académie de Médecine en 1848, il fait œuvre
d’historien de la chirurgie dans son ouvrage « l’histoire de la chirurgie en occident du 6ème au 16ème
siècle ».
Joseph François Malgaigne
Sur le plan chirurgical il pratique l’orthopédie et, à partir des travaux d’Ambroise Paré qu’il a
contribué à faire redécouvrir, publie son œuvre principale « Traité des fractures et des luxations ».
Propriétaire du Journal de chirurgie, fondateur de la gazette médicale, J. F. Malgaigne a
beaucoup contribué à la diffusion de son art. C’est dans cet état d’esprit qu’il propose à la société de
chirurgie la devise « Vérité dans la science, Moralité dans l’art » qui l’adopta.
= James Paget (1814-1899)
Chirurgien de l’école de Londres, avec William Fergusson, J. Paget fut une sommité dans le
domaine du diagnostic. On avait coutume de dire à Londres « Allez voir Paget pour le diagnostic et
faites vous ensuite opérer par Fergusson ».
166
James Paget
Ses cours d’amphithéâtre étaient renommés du fait de sa prestance et de la qualité de ses
interventions. Il découvrit que les patients atteints de trichinose présentaient, comme chez le porc, des
trichines dans les muscles.
Maladie de Paget
Son nom reste attaché à une maladie des os, dit maladie de Paget (1876), et à une forme
particulière d’eczéma du mamelon, signe d’un carcinome.
= Jules Emile Péan (1830-1898)
Jules Emile Péan est originaire de la Beauce. Ce médecin eut une carrière hors du commun.
Refusé à de nombreux concours malgré une place d’interne en premier des hôpitaux de Paris en 1853,
il réussit, grâce à un solide bon sens à rénover les techniques chirurgicales en sortant des sentiers
battus, ce qui fit naître nombre de critiques et de jalousies.
Péan opérant, d’après Toulouse Lautrec
167
Nommé successivement à Saint Antoine et Saint Louis, il ne fut élu à l’Académie qu’en 1887.
Très pragmatique pendant ses interventions chirurgicales, il développa l’antisepsie et l’hémostase en
pinçant les vaisseaux. J. E.
Pince de Péan
Péan inventa de nombreux instruments de chirurgie et réalisa le premier la résection du pylore
(1879), mis au point la technique de morcellement des tumeurs (1886) et les premières résections avec
succès de la rate (1867) et de l’estomac (1879). Il est le fondateur de l’hôpital international où il soigna
bénévolement les nécessiteux.
Péan montrant l’usage de sa pince hémostatique
Par Henri Gervex 1887
Péan avait la particularité d’opérer en habit et en plastron blanc, ce qui l’obligeait à se tenir
relativement éloigné du patient et à travailler avec les bras tendus et muni de pinces.
= Louis, Hubert Farabeuf (1841-1910)
168
Louis, Hubert Farabeuf
Farabeuf est un Briard qui fut élève de Velpeau. Pendant les événements de la commune de Paris,
il exerce à L'hôpital Saint-Antoine ce qui lui donne l'occasion d'opérer un nombre important de lésions
traumatiques. Il passe sa thèse cette même année (1871) intitulée " De la confection des moignons et
de quelques moignons en particulier (poignet, coude, jambe) ".
Cinq ans plus tard Farabeuf est nommé agrégé d'anatomie, d’histologie et de physiologie, puis
chef des travaux anatomiques. A ce poste il contribua à la rénovation de l'enseignement pratique de
l'anatomie et de la chirurgie Il est l’inventeur de nombreux instruments chirurgicaux dont :
+ L’écarteur qui porte toujours son nom. Il s’agit d’un écarteur à fonction statique, en acier,
servant à écarter la peau, la graisse et les muscles après incision.
Ecarteur de Farabeuf
+ La rugine droite et la rugine courbe, qui servent à racler les os pour libérer les muscles et les
aponévroses.
+ Le davier à double articulation, en forme de tenaille à dents, utilisé pour saisir les os et le
maintien d'une réduction ou d'une plaque.
Constatant l'état lamentable de l'enseignement pratique à Paris il propose la construction d'une
nouvelle école pratique qui servira de modèle pour les pavillons d'anatomie de l'actuel Ecole-deMédecine de Paris. Sa statue trône depuis devant ce bâtiment en forme de rotonde.
169
On lui doit également de très nombreuses descriptions anatomiques parmi lesquelles on retiendra :
+ Le tronc veineux de Farabeuf : une des branches de la veine jugulaire interne.
+ Le tronc artériel de Farabeuf : (artère collatérale de l'artère sous-clavière droite).
+ Le heurtoir de Farabeuf : c'est une légère excroissance qui se trouve au niveau de face
inférieure de la clavicule (bord sternal)
+ Le muscle deltoïde fessier de Farabeuf.
+ Les lames sacro-recto-génito-pubiennes de Farabeuf : ce sont des formations cellulofibreuses sagittales qui divisent le petit bassin en trois régions distinctes.
+ Le canal de Guyon-Farabeuf : (canal traversé par le nerf ulnaire après son passage dans le
canal carpien.
Farabeuf fut aussi un excellent obstétricien. On lui doit notamment « La pratique de
l'accouchement normal et dystocique », (1891) ainsi que l’invention du « mensurateur levierpréhenseur obstétrical » et de « la gouttière protectrice pour symphysiéotomie ».
Le signe de Farabeuf permet le diagnostic clinique de l'engagement de la tête foetale dans le
l'excavation pelvien au cours d'un accouchement par la présentation du sommet
170
Anesthésie
L’anesthésie se développa à partir de la moitié du 19ème sicle, grâce aux découvertes et aux
travaux de Wells qui utilisa le peroxyde d’azote, Charles Jackson qui découvrit les effets de l’éther,
mais n’appliqua pas sa découverte aux interventions chirurgicales et de William Morton qui réalisa la
première anesthésie « à grand spectacle ».
= Horace Wells 1815- 1848
Horace Wells était né en 1815 à Hartford, dans le Connecticut. Descendant direct
d’immigrants puritains anglais, il suit des études dans des écoles confessionnelles puis s’inscrit dans la
Faculté de Boston pour devenir dentiste. Il forma plusieurs étudiants, dont Thomas Green Morton,
celui à qui on attribue la découverte de l’anesthésie à l’éther, et John M. Riggs, qui aurait réalisé la
première extraction dentaire sous anesthésie au protoxyde d’azote.
La petite histoire raconte qu’à Hartford, ville où il était installé, il assista à la conférence
d’un chimiste ambulant, Gardner Quincy Colton, qui expliquait sur une estrade la nature et les
propriétés hilarantes de l’oxyde nitreux. Pour démontrer l’effet de ce gaz sur l’organisme, il
demandait à des membres de son auditoire de monter sur l’estrade et de respirer du protoxyde
d’azote. Wells fut particulièrement impressionné par la chute de l’un des volontaires, du haut de
l’estrade (Samuel A. Cooley, une connaissance de Wells), et qui, malgré des blessures sérieuses,
continuait de rire sans ressentir de douleur.
Wells anesthésiant une patiente
Dès le lendemain, il teste le gaz (préparé par Colton) sur lui-même lors de l’extraction d’une
molaire. Durant l'intervention réalisée par Riggs, Wells ne ressent aucune douleur. Colton initie Wells
à la préparation et l'administration du gaz. Dès le mois suivant Wells utilise cette technique sur plus de
quinze de ses patients.
Quelques jours après, il se rendit à Boston où le Pr Warren, chirurgien du Massachusetts
General Hospital, lui demanda de réaliser une démonstration d’extraction dentaire sous anesthésie sur
l’un d’eux. Malheureusement, Wells retira trop tôt le sac, et l’anesthésie ne fut pas suffisante pour
inhiber la douleur. Wells quitta la salle sous les quolibets malgré que le patient ait reconnu que la
171
douleur n’avait pas été aussi importante que celle qu’il attendait. Néanmoins la première anesthésie fut
attribuée à Jackson et à Morton.
Malgré les preuves qu’il fournit auprès des deux Académies en 1847, les Académies des
Sciences et de Médecine restèrent sur leur position (Les résultats qu’il obtint furent publiés dans le
Boston Surgical and Medical Journal du 18 juin 1845).
Lorsque Simpson utilisa le chloroforme comme un anesthésique, Wells chercha à savoir si cet
agent n’était pas supérieur au peroxyde d’azote. Pour tester cette nouvelle molécule, il l’essaya sur luimême. Très vite il devint dépendant de cette drogue et commit, dans une demi-conscience, un attentat.
Arrêté, il mit fin à ses jours le 24 janvier 1848, à l’âge de 32 ans.
La France reconnut plusieurs dizaines d’années plus tard l’antériorité de Wells dans
l’invention de l’anesthésie chirurgicale
Une statue de Wells fut érigée en 1 Square des Etats-Unis à Paris.
Sur le socle on peut lire :
« Au dentiste Horace Wells. Novateur de l’anesthésie chirurgicale ».
= William Morton (1819 - 1868)
William Morton est originaire du Massachusetts. Il entreprend des études de dentisterie à
Baltimore dans la première école de ce type dans le monde.
William Morton
172
Très tôt il s’intéresse aux effets de l’opium, de l’éther et de l’oxyde nitreux sur la
douleur. Passionné de mesmérisme (technique d’autosuggestion hypnotique développée un siècle plus
tôt par Mesmer), il cherche à soulager ses patients en associant l’éther et l’hypnose.
Le 16 Octobre 1846, il a l’occasion d’endormir pour la première fois en public un patient
souffrant d’un angiome du cou. Morton arrive en retard et l’on commence à murmurer que tout cela
n’est que charlatanerie, mais devant le public de jeunes médecins, l’intervention de passe dans
douleur, sans cri et dans des conditions chirurgicales parfaites.
Cette première anesthésie a fait l’objet d’un tableau réalisé par Robert Hinckley en 1882.
Le reste de la vie de Morton sera houleuse et pleine de conflits avec ses confrères. Il décédera
à New York, pendant l’été 1868, à l’âge de 48 ans, victime de la canicule qui fit plusieurs centaines de
victimes. Jackson avec qui il n’arrêtera pas sa vie durant de se disputer la paternité de l’anesthésie
décédera trois ans plus tard dans un asile d’aliéné.
Physiologie expérimentale
La physiologie expérimentale est à l’origine des nombreuses découvertes réalisées au 19ème
siècle.
= François Magendie (1783-1855)
Magendie, qui se désignait lui-même comme un chiffonnier de la science, est né à Bordeaux.
Médecin de terrain, il « isolait les faits » et en tirait des conclusions fonctionnelles. Il détermina ainsi
de manière expérimentale que les racines nerveuses antérieures et postérieures de la moelle épinière
avaient des fonctions différentes (motrice et sensorielle).
173
François Magendie
Ses techniques d’observation ouvraient la voie à la physiologie expérimentale que développa
Claude Bernard. Magendie est également considéré comme le père de la pharmacologie moderne du
fait de ses travaux sur les effets des drogues.
= Claude Bernard (1813-1878)
Claude Bernard est considéré, avec raison, comme le père de la physiologie expérimentale. Né
à Saint Julien dans le Rhône, il travailla avec Magendie avant de lui succéder à la chaire de Médecine
expérimentale au collège de France.
Claude Bernard
174
Interne chez Rayer (que l’on surnomma le découvreur d’homme) à l’hôpital de la Charité,
puis préparateur de Magendie, Claude Bernard se consacre à la recherche en laboratoire. Il étudie chez
divers animaux les fonctions hépatiques, pancréatiques et nerveuses (influence des sympathiques et
parasympathiques sur la motricité vasculaire et les sécrétions gastriques). Il expérimente et montre les
effets du curare sur le système respiratoire (1844).
En 1853, il obtient pour la troisième fois le prix de physiologie de l’académie des sciences
pour son mémoire sur le grand sympathique et les nerfs vasomoteurs activateurs et inhibiteurs.
Premier à avoir déterminé le rapport entre le diabète et le pancréas, il travailla également sur
l’homéostasie des animaux à sang chaud.
Promoteur de la vivisection, il fût particulièrement malheureux en ménage, sa femme étant
l’initiatrice de la ligue contre la vivisection (Elle entraîna dans ce combat ses deux filles qui finirent
par rompre tout contact avec leur père). Dans le quartier de l’école de médecine où il travaillait, les
dénonciations pour maltraitance à animaux se multipliaient au point que Claude Bernard passa de
nombreuses heures au commissariat du quartier pour se justifier et se disculper. Des ragots colportés
par ses opposants dénoncèrent même un trafic d’enfants qu’on lui livrait pendant la nuit dans des
sacs.
Claude Bernard dans son laboratoire
Son œuvre maîtresse « Introduction à l’étude de la médecine expérimentale » (1865), sert
encore d’assise à la recherche médicale. Cette nouvelle philosophie* « qui fera de la médecine une
science » peut se diviser en trois partie : la physiologie, la pathologie et la thérapeutique.
* Claude Bernard réfutera toujours le terme de philosophie pour caractériser sa méthode qu’il veut
résolument inscrire dans un cadre scientifique .C’est lui qui, à ce sujet, introduira le terme de
déterminisme,pour affirmer que les sciences biologiques sont toute aussi scientifiques que celles de la
matière.
Il eut de nombreux élèves comme D’Arsonval (1851-1940, physicien qui travailla sur
l’application en médecine des courants de haute fréquence) et Louis Antoine Ranvier (1835-1922) qui
travailla sur la physiologie et sur l’histologie du système nerveux. Il a laissé son nom aux segments
dépourvus de myéline des fibres nerveuses (1887).
Décédé en corrigeant les épreuves de son dernier ouvrage, « Leçons de physiologie
opératoire », il fût poursuivi par ses détracteurs amis des bêtes, ses opposants politiques (il fût
175
sénateur sous l’empire) et les puritains qui lui reprochaient d’être séparé de sa femme. Pour toutes
ces raisons la municipalité de Villefranche refusa de lui élever une statue.
= Ivan Pavlov (1848-1936)
Né à Saint Petersbourg, dans une famille de Popes, Ivan suivit ses études au petit séminaire. Il
entre ensuite à l’Académie de Chirurgie et de Médecine d’où il sort Docteur en 1883. Sa vie de
scientifique devait être marquée par une lecture qu’il fit à ce moment là, « Réflexes de l’encéphale »,
publication de Setchenov qui deviendra son maître.
Ivan Pavlov
Ivan Pavlov travailla d’abord en Allemagne, puis à Moscou dans le laboratoire de l’académie
de Médecine militaire.
Pavlov dans son laboratoire avec ses chiens
Si ses travaux menés sur le foie, le pancréas et la physiologie du système digestifs sont
quelque peu oubliés, il n’en est pas de même de ses résultats expérimentaux portant sur le réflexe
conditionné et la création de la psychologie du comportement qui ont fait de lui un homme célèbre.
En 1890, il est titulaire de la chaire de Pharmacologie de l’Académie militaire de Saint
Petersbourg. La même année, en travaillant sur la composition salivaire recueillie par une fistule
pratiquée dans l’estomac de chiens, il constate que les sécrétions peuvent précéder la prise alimentaire.
Cette découverte lui doit d’être Prix Nobel de Physiologie et de Médecine en 1904. Pendant sa
présentation réalisée en russe, langue peu usitée des milieux scientifiques, une erreur de traduction se
glissera dans le texte. C’est ainsi que le « réflexe conditionnel », deviendra le « réflexe conditionné ».
C’est, malgré un sens approximatif, ce vocable qui passera dans le vocabulaire courant.
Après la révolution de 1917, et son opposition ouverte au marxisme « Pour le genre
d’expérience sociale que vous faites, je ne sacrifierai pas les pattes arrières d’une grenouille », il put
néanmoins continuer son œuvre scientifique en URSS.
176
Médecine légale
= Mathieu Orfila (1787-1853)
Mathieu Orfila, originaire de Minorque, présente dès son plus jeune âge une intelligence hors
norme. A trois ans il parle déjà trois langues vivantes, le latin et le grec. Il apprend seul les
mathématiques et débute une carrière de scientifique. Intéressé par la médecine il suit les cours des
universités de Valence, Barcelone et Madrid. Nommé médecin en 1807 (il a 21 ans), il s’installe à
Paris pour parfaire ses études de chimie.
Mathieu Orfila
Elève de Vauquelin en chimie, il continue sa formation médicale et est thèsé en 1811 à Paris.
Poursuivant ses travaux de chimie, il publie « Traité des poisons ou toxicologie générale », ce qui lui
vaut d’être membre correspondant de l’académie des sciences en 1815. Poursuivant dans ce domaine il
produit successivement « Eléments de chimie médicale, Les secours à apporter aux personnes
asphyxiées ou empoisonnées, traité des exhumations juridiques ». Professeur de médecine légale
(1819), membre de l’Académie de médecine en 1820, il devient professeur de chimie médicale en
1822 « Leçons de médecine légale », il succède à son maître Vauquelin.
Réorganisateur des études médicales, il crée les examens préparatoires à l’entrée des
Facultés de Médecine qui deviendra successivement le PCB, le CPEM puis le PCEM1, organise les
concours de recrutement des enseignants, crée l’obligation des travaux pratiques. Son œuvre
réformatrice est toujours d’actualité avec l’obligation de suivre un enseignement clinique,
l’organisation stricte des examens, la création de chaires cliniques de spécialité. Doyen de la Faculté
de médecine, il est destitué après la révolution de 1848 et remplacé par Bouillaud. Ce dernier,
farouche opposant et certainement jaloux d’Orfila dresse un bilan catastrophique et injuste de son
prédécesseur. Ce qui lui vaudra d’être révoqué à son tour.
Fondateur du Musée d’anatomie et d’un jardin de botanique au Luxembourg, Orfila trouve
encore le temps d’être conseillé municipal de Paris (une rue du 20ème arrondissement porte son nom).
Naissance de la radiographie
La radiologie est née de la passion d’Antoine Béclère pour la découverte du rayonnement X,
mis en évidence par Röntgen.
177
= Antoine Béclère (1856-1939)
Antoine Béclère est le fils d’un médecin bressant. Reçu à l’Internat de Paris en 1877, il
travaille pendant cette période aux enfants malades et passe sa thèse en 1882 sur « la contagion dans la
rougeole »
Antoine Béclère
En 1893, il est nommé médecin des hôpitaux et chef de service à l’hospice Debrousse et
travaille activement avec Chambon et Saint-Yves Ménard à la découverte de l’immunité passive, de
l’immunité active et de la substance antivirulente spécifique sérique.
Nommé médecin chef de l’hôpital Tenon en 1897, il installe dans son service un appareil à
« rayon X » qui lui servira à décrire l’aspect radiographique des différents tissus. Mais c’est en 1899
qu’il crée le premier service de radiologie à l’hôpital Saint Antoine. Dès cette époque, Antoine Béclère
différencie la radiographie, la radiothérapie et la radioscopie, disciplines qu’il développera tout au long
de sa vie (il travaillera jusqu’à 80 ans).
Archétype du médecin hospitalier entièrement dévoué à sa pratique médicale, Antoine Béclère
considérait que pour qu’une question soit parfaitement connue il faut être capable de l’enseigner, ce
qui reste toujours le cas aujourd’hui.
Membre de l’Académie de médecine en 1931, il restera toujours d’une grande modestie
malgré les honneurs qui lui furent rendus de son vivant. Aujourd’hui, la place qui se trouve devant
l’hôpital Saint Antoine porte son nom, de même que l’Hôpital édifié à Clamart en 1971.
Pharmacie
178
Les remèdes à disposition dans les officines, ne sont guère différents de ceux des siècles
passés. L’apothicaire est à la fois chimiste, préparateur et conseiller pour le patient. Il n’existe aucune
spécialité pharmaceutique mais des recettes, des formules issues de l’expérience. Ces recettes sont
regroupées dans le « Codex medicamentarius ». Le Codex de 1865 fait ainsi suite à celui de 1837 et au
premier Codex rédigé en exécution de la loi du 21 germinal an XI.
Le Codex de 1865 reprend d’une part les substances d’origine minérale, et d’autre part la
multitude de substances d’origine végétale provenant de l’ensemble du monde (Aloès du Cap de
bonne espérance, quinquina des Andes, lichen d’Islande, vin de Malaga, feuilles d’absinthe du
Canada, Kino de l’Inde, Bdellium d’Afrique…). A ces produits il faut ajouter les substances issues de
l’animal (bois de cerf râpé, bile de bœuf, mouches de Milan…). On réalise des extraits, intraits,
décoctions, sucs, poudres, huiles, baumes, alcoolatures, teintures… qui seront proposés en sirops,
baumes, lavements, cataplasmes, suppositoires, fumigations, tisanes….
La commission chargée de la rédaction insiste beaucoup sur l’uniformisation européenne des
recettes. Dans cet ouvrage figure la correspondance des anciens poids français et des poids étrangers.
La notion d’universalité de la pharmacopée est constamment présente « Les nouvelles voies de
transport ont rendu faciles et nombreuses les communications entre les divers peuples de l’Europe ; il
n’est pas rare qu’un malade ait reçu de son médecin une formule à Londres ou à Berlin, et qu’il soit
obligé, quelques jours après, d’en confier l’exécution à un pharmacien placé au voisinage de l’une de
nos stations de chemin de fer ».
Les membres de la commission de rédaction du Codex de 1865 sentent les profondes
modifications qui sont en cours dans la préparation des médicaments. Dans leur préface il exprime
cette véritable prophétie.
« A mesure que les formules complexes, léguées par l’ancienne médecine aux temps modernes,
se simplifient ou sont abandonnées, on a pu se demander si les Codex ou pharmacopées ne
deviendraient pas un jour d’inutiles recueils, si les officines seraient toujours nécessaires, si le
pharmacien lui-même ne pourrait pas être remplacé par un marchand de médicaments ».
Si quelques apothicaires, au sens ancien du terme résisteront jusqu’à la moitié du 20ème siècle,
la majorité d’entre eux seront en effet devenus des marchands de médicaments.
La vie à l’hôpital
La vie à l’hôpital, aussi bien pour les malades que pour le personnel, est restée pratiquement
inchangée entre la fin de l’empire et la grande guerre. Les locaux, les règlements, les soins, la vie des
internes sont d’une stabilité étonnante dans ce 19ème siècle si riche en changements de toutes sortes et
en révolutions.
Hospices et hôpitaux
Avant la rénovation et la construction de nouveaux hôpitaux à partir des années 1960, les
principaux hôpitaux parisiens dataient du 18ème et du 19ème siècle. Ces derniers ayant été reconstruits
ou réhabilités lors des grands travaux d’Haussmann.
L’hôpital du 19ème siècle se compose de plusieurs « blocs »séparés par des cours ou des
jardins, regroupant chacun plusieurs services. Il est possible de communiquer entre les bâtiments par
les sous-sols, aménagés tant bien que mal en réserve, vestiaire, locaux techniques (buanderie,
restauration…).
On accède aux services par de larges escaliers carrelés entourant le monte charge grillagé et
bruyant.
179
Les paliers donnent accès aux salles d’hospitalisation. La salle commune, très haute de plafond
(l’équivalent d’un étage et demi, voire deux étages) est éclairée par de grandes fenêtres. Les murs sont
beiges pisseux et marqués d’une ligne plus sombre correspondant à la hauteur du bras tendu de la
femme de ménage. De cette ligne de flottaison au plafond, la couleur est plus foncée (tabac) du fait de
la poussière adhérente à la texture poisseuse qui recouvre les murs. La température au niveau des lits
est d’environ 23°C, elle s’élève avec l’altitude pour atteindre plus de trente au plafond. Les fenêtres si
elles ne sont pas condamnées, s’ouvrent avec difficultés du fait de la vétusté de l’huisserie ou des
remarques acerbes de « ceux qui ont froid ». Leur fermeture définitive pour éviter les défenestrations
ne saurait tarder. Les rideaux beiges, sensés masquer un soleil trop violent, sont « cuits » et à demi
déchirés.
Ce qui frappe le visiteur en entrant c’est l’odeur ; mélange d’éther, d’urine, de serpillière mal
rincée, de « suis generis » et de sanies. Elle semble insupportable au nouvel entrant qui pourtant, se
fondra dans ce remugle, au point de lui appartenir tout entier.
Salle Pinel
Au centre de la salle trônent le poêle et la table des infirmières, vaste support de bois hérité des
réfectoires monastiques. Ce meuble est presque totalement recouvert par d’énormes bocaux de couleur
(dakin, alcool dénaturée, désinfectants, alcool iodée, permanganate…) et tout un matériel de
prélèvements (tubes à essai, plateaux émaillés pour les soins, pots à coton cardé et à compresses,
pinces, éprouvette). Les haricots s’entassent en bout de table avec les pots à urine.
Ce lieu de travail, autour duquel tournent et s’agitent les infirmières (voilées ou en cornettes si
ce sont des soeurs) est complété en bout de salle par un local comprenant un évier, une paillasse et des
toilettes. C’est dans ce local que les aiguilles et les seringues en verre sont lavées à l’eau savonneuse,
passées à l’alcool et stérilisées. La chaleur y est moite, mais l’odeur sent « le propre ». Ce local fait
souvent office de salle de détente pour le personnel.
Les lits métalliques, de couleur crème, sont disposés tout autour de la salle, la tête du patient
vers le mur. La salle peut accueillir 35 à plus de 60 lits. Chaque lit est séparé par la largeur d’une table
de nuit de la même couleur que le lit (parfois par un rideau comme au moyen âge). Au pied du lit, la
pancarte soigneusement mise à jour par l’infirmière, dessous un treillis métallique permet de poser le
pistolet et le bassin, la tinette avant l’invention de ces deux instruments. Sur le plateau de la table de
nuit le crachoir, un verre à pied ou un récipient en carton ciré, un verre, quelques affaires personnelles.
Dans la table de nuit, la serviette, le savon pour la toilette, l’eau de Cologne, une bouteille
d’eau et parfois une bouteille de vin que le personnel débusquera à la première occasion.
La salle commune donne parfois sur une autre salle séparée par une double porte vitrée en
verre dépoli. A son extrémité, le couloir, où s’alignent la lingerie, la pharmacie, le laboratoire du
180
service (c’est un bien grand mot), les bureaux des secrétaires, de l’infirmière générale, de l’assistant et
des chefs de clinique, du patron, pour finir par la salle de réunion (pas encore de staff). De l’autre côté
du couloir, une ou deux autres salles communes.
La salle s’éveille vers 6 h du matin avec l’arrivée des infirmières de jour. La veilleuse bleutée
(au gaz) du fond de la salle a fait place à l’éclairage zénithal d’une batterie de globes. La transmission
est effectuée devant la table de soins, tandis que les premières « filles de salle » vident les pots à urine,
apportent le petit déjeuner (du café au lait et du pain beurré) et aident les patients qui éprouvent des
difficultés pour leur toilette. Si un décès a été signalé, en général par sa voisine ou son voisin de lit, un
paravent articulé sur roulette cache le mort en attendant le passage des garçons de l’amphi pour son
transfert chez Morgagni « service de Morgagni ».
Salles communes vers 1900
Pendant ce temps, les infirmières préparent les piluliers pour chaque patient et font la ronde
des températures (contrôlées tous les matins), des pouls et des tensions artérielles. Il est environ huit
heures quand commencent les injections et les soins plus complexes.
Les externes (un pour 10 à 20 lits) commencent à arriver dans le service vers 8h 30. Ils quittent
leur veste mais gardent la cravate sous la blouse et revêtent le tablier à bavette et à large poche
kangourou destinée à recevoir le stéthoscope, divers papiers, le marteau à réflexe…).
L’observation, rédigée sans faute d’orthographe, doit en outre comprendre une analyse des
urines (aspect, odeur, couleur…), des crachats (mousseux, sanglants, verdâtres….). Elle est relue et
corrigée par l’interne, puis le chef de clinique.
Vers 11 heures les patients et le personnel peuvent consommer un bouillon de poule distribué
par les filles de salle. Le goût de ce breuvage préparé par les cuisines de l’hôpital est inimitable.
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La visite au début du 20ème siècle
La grande visite (2 à 3 fois par semaine) se déroule suivant un rituel sacralisé par chaque
patron. Se regroupent autour du chef de service, l’assistant, le chef de clinique et l’interne chargés de
la salle, la patronne (infirmière générale), la surveillante de la salle, l’infirmière en charge du patient,
l’externe et éventuellement des spécialistes d’autres services invités à donner leur avis, soit entre 8 et
15 personnes. La lecture de l’observation est faite par l’externe, l’assistant ou le patron lisent la
pancarte et posent des questions au chef de clinique, à l’interne ou à l’infirmière. La patronne (la
générale) et la surveillante prennent des notes sur les modifications du traitement et les examens
complémentaires à réaliser.
Les membres du service
Parfois le patron, qui consulte toujours un patient, et non une maladie, expose et offre à la
discussion un cas comparable. Le silence est religieux et l’on impose le silence aux patients qui
seraient en train de discuter dans la salle.
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La réunion hebdomadaire, qui ne s’appelle pas encore le staff, est généralement programmée
le samedi en fin de matinée pour se terminer vers 13h30. Les patients sont présentés par l’externe qui a
préparé un résumé de l’observation. Une fois par semaine, l’externe est de garde aux urgences.
L’ambiance des urgences, locaux, odeur (encore pire), animation, est semblable à celle qui
règne dans les services. L’externe est chargé des entrants et d’un certain nombre de gestes techniques
(nettoyage de plaie, points de sutures, plâtres…), il est sous la responsabilité directe de l’interne. La
salle de plâtre est vaste, et ressemble à un atelier d’artiste avec ses sacs de plâtre, ses auges et ses
truelles.
Il n’est pas question de se reposer pendant la nuit du fait de l’affluence des patients (Un chef
de clinique, un interne et deux externes peuvent recevoir 100 à 120 patients pendant la garde). La
garde termine à 8 h, juste avant la reprise du travail dans le service.
Ce rituel restera immuable jusqu’aux événements de Mai 1968.
Salle de garde
Evoquer la médecine du 19ème siècle et du début du 20ème siècle sans parler des salles de garde
serait une imposture. La salle de garde est née avec l’Internat des hôpitaux en 1802. L’interne qu’il
soit de médecine, de gynécologie obstétrique ou de chirurgie, est logé et nourri par l’Assistance
Publique dans des locaux situés au cœur de l’hôpital. L’interne, comme son nom l’indique à l’époque,
ne quitte qu’exceptionnellement l’hôpital pendant les quatre années de son apprentissage. Rémunéré,
logé, il est à la fois étudiant, praticien et chargé des gardes et de la contre visite. Sa vie se déroule toute
entière entre le service et ce lieu de repos et de « décompression » qui lui permet d’assumer
psychologiquement la souffrance, la fatigue et la mort.
L’internat
L’interne quitte la salle de garde le matin vers 7h 30 pour se rendre dans le service, accueillir
les nouveaux malades, penser les plaies et préparer la visite du « Patron ». Il ne la regagne qu’à 13 h,
pour le repas. L’après midi est consacrée à l’étude dans sa chambre (généralement située dans les
combles au dessus de la salle de garde) et à la contre visite, passée après le départ des visiteurs, alors
que la nuit commence à tomber et que la garde des infirmières va laisser sa place à la veille. S’il n’est
pas de garde aux urgences ou « d’intérieur » l’interne peut regagner sa chambre après avoir soupé
chichement d’un bouillon, d’un laitage et des restes du repas de midi. Si au début du 19ème siècle le
repas est servi à 18 h, au cours du 20ème siècle l’heure sera plus tardive, 19, puis 20 h. L’hôpital était
alors pratiquement un couvent, et l’interne un moine soumis à l’obéissance de l’administration et du
chef de service. On ne préparait et passait alors le concours de l’internat à cette époque que pour
accéder à une spécialité et exercer la médecine dans les hôpitaux.
Lors de sa création, en 1802, le règlement du 4 ventose An X, précise le fonctionnement et la
philosophie de l’institution. « Les élèves attachés à l’hôpital seront nommés parmi les plus instruits et
ils remplaceront les élèves qui sortiront dans une promotion qui sera déterminée par un règlement
particulier». Lors du premier concours (26 fructidor An X) l’organisation prévue par le législateur
donnera un élan nouveau à l’enseignement de la médecine, hiérarchisée en externes et internes
« Persuadée de cette vérité que c’est dans les hospices et en y prenant une part active au traitement
des malades que s’acquière les connaissances et l’art de guérir, la commission ne saurait trop
s’appliquer d’une part, à attirer dans cette voie le plus grand nombre possible, d’autre part, à
rechercher les moyens de fortifier leurs études et d’accroître leur émulation. En conséquence, elle
confirme la division des élèves en Externes et Internes, deux degrés dont on n’atteindra le second
qu’après avoir franchi le premier ; décide que les fonctions des deux ordres seront temporaires,
soumet les unes comme les autres au principe de concours et enfin fonde des prix destinés aux plus
méritants parmi les élèves d’élite ».
On retiendra la notion d’élitisme et d’art, l’un ne pouvant aller sans l’autre.
La salle de garde
183
Très vite, l’administration souhaite régimenter le corps des internes et produit pour se faire des
règlements qui accentueront encore le besoin d’autonomie et l’espace de liberté de la salle de garde.
Le 19 décembre 1845, un arrêté est pris pour préciser que les internes « ne peuvent recevoir de femme
dans leur chambre ou dans les salles de garde… toute infraction à cette disposition est passible d’une
peine disciplinaire ». L’internat est masculin, l’interne est célibataire, l’administration veut une
institution misogyne. Il faudra attendre1886 et la nomination de la première femme interne, Augusta
Klumpke, pour que la mixité commence timidement à exister dans les salles de garde. Les années
suivantes le nombre des femmes reçues à l’Internat augmente empêchant tout contrôle de
l’administration, incapable de distinguer les titulaires des invitées. Le puritanisme du 19ème siècle
s’éteindra progressivement, faute de pouvoir dicter ses règles à une société en pleine mutation et
surtout libérée des tabous religieux et sexuels.
A vouloir transformer les internes en moines médecins, l’administration en a fait des moines,
mais paillards.
Les salles de garde et ses rites disparaîtront progressivement dans la seconde moitié du 20ème
siècle, du fait des modifications statutaires intervenues sur les fonctions de l’interne (qui n’est plus
interne que les jours de garde dans une chambre du service), la disparition progressive des chambres,
la transformation de la salle de garde en réfectoire, la suppression du personnel chargé des cuisines le
soir… Les salles de garde sont mortes, vive les salles de garde.
+ Fonction psychologique
La fonction psychologique de la salle de garde, non envisagée lors de sa création, s’est peu à
peu imposée, donnant à cet asile un rôle rédempteur et stabilisateur du psychisme des internes
confrontés des journées entières pendant quatre ans à la souffrance, la misère et la mort. Qui après le
décès d’un jeune patient, l’agonie d’un vieillard, les cris de souffrances lancinants d’une patiente, le
retour d’une autopsie, la pratique d’une intervention pour amputation ou évacuation d’un abcès, serait
capable de survivre 24h/24 dans cet environnement mortifère ? Qui pourrait gérer son équilibre
psychologique, dîner, se coucher et dormir sans cauchemar, pour reprendre sans état d’âme son service
le lendemain matin ?
Le confinement, l’enfermement, la promiscuité, l’inconfort (les toilettes sont dans le couloir, il
n’y a pas de douche, la chambre mansardée est soit glaciale soit surchauffée), l’abstinence voulue par
l’administration, l’éloignement de la famille et des amis, font de l’interne un reclus dont la seule
échappatoire serait l’étude.
Dès le début, et faisant suite à une vocation carabine beaucoup plus ancienne que les salles de
garde, l’étudiant médecin cherche dans l’amour, la dérision, la fête païenne… les moyens de résister,
ou parfois simplement de survivre à son vécu journalier. Lors de la création de l’Internat, les salles de
garde vont spontanément devenir l’échappatoire, le lieu de défoulement, de libération des pulsions de
mort ou d’amour, le creuset qui jour après jour, assurera l’équilibre de son peuple d’exilés du monde.
En salle de garde on ne pense pas comme dehors, on n’agit pas de la même façon, on sert un
rituel libérateur hors normes et extravagant. Les tabous sont renversés, le sacré moqué, la hiérarchie
piétinée, l’administration ridiculisée. La fête évoque le carnaval des fous au moyen âge qui, une
semaine par an, permettait aux manants de railler les puissants, la religion et les riches, le savoir….
C’est grâce à ces cérémonies païennes, à ces rites purificateurs que l’exorcisme peut se
dérouler et que l’équilibre peut se reconstituer. Sorti de la salle de garde, l’Interne est à nouveau près à
soulager la souffrance, à réconforter un malade et à libérer l’angoisse d’un mourant.
Loin de souscrire à une anarchie débridée, la vie de la salle de garde est au contraire bien
réglée dans son dérèglement, et obéit à des rituels codifiés et immuables.
+ Gestion ordinaire
La salle de garde reste ouverte 24h/24. Le repas est servi à 13 h par le personnel affecté à cette
tâche souvent difficile, une fois que l’économe est arrivé et assis (tout membre assis avant ce dernier
est « taxé »).
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L’économe, élu en début de semestre par les internes, est le seul maître après Dieu de la salle
de garde. Il est aidé dans sa tâche par un, ou plusieurs adjoints. Chaque mois, il reçoit la cotisation des
internes et les diverses taxes qu’il a imposé pour manquement à la règle (tenue civile en salle de garde,
non respect de la quinconce pour se servir à table, conversation sur la médecine ou le service,
projections non autorisées….). Tout manquement à la discipline de la salle de garde peut faire l’objet
de « projections » (tout ce qui passe sous la main, surtout si c’est liquide ou pâteux). Il est interdit de
projeter sur l’économe et les jours de Tonus. Le règlement « bis » de la salle de garde est aussi rigide
que celui de l’administration mais librement consenti celui là.
Le repas du soir est servi à 18 h. Dans la même salle ou dans des salles attenantes se trouve
fréquemment un piano, un jeu d’échec, un billard dans le meilleur des cas, qui permettent de prolonger
les soirées de garde dans l’attente d’un appel.
Les cotisations et taxes diverses servent à « améliorer » l’ordinaire (tabac, alcool, douceurs…)
et à organiser les tonus d’entrée et de sortie ainsi que les repas de patrons.
Les patrons, les externes ou le personnel féminin (essentiellement des élèves infirmières ayant
échappé à la vigilance de la directrice de l’école) ne peuvent franchir la porte de la salle de garde que
comme invités, et après accord de l’économe.
La salle de garde est décorée de fresques élaborées par les internes eux même en vue d’un
tonus, d’un repas de patron, ou tout simplement pour passer le temps. Les fresques s’inspirent le plus
souvent de thèmes érotiques et s’étalent tout au long des murs. Les visages des personnages
représentent des internes ou des patrons. Certaines de ces fresques peintes sur toiles ont fait l’objet
d’une conservation au musée de l’assistance publique (Hôpital de la charité) ou de reportage
photographique avant destruction (ancien Bichat).
+ Tonus
Les tonus se déroulent au rythme de quatre par an au minimum, mais d’autres peuvent
être organisés suivant les occasions (elles ne manquent pas) en cours d’année.
Le tonus est organisé autour d’un thème choisi par l’équipe économale. Les thèmes sont
innombrables, fruits de l’imagination d’internes à l’esprit surchauffé (Commune de Paris, horreur,
vampire, ballet rose à l’évêché, exotique, nuit romaine, chez Madame Claude, guinguette….).
En vue de cette manifestation (qui peut regrouper plus de 150 personnes dans les grands
hôpitaux), on collecte les fonds, on repeint les fresques, on aménage les paroles des chansons de salle
de garde où apparaîtront les chefs de service.
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Le jour du tonus, il est fréquent que des monômes défilent dans l’hôpital au son d’un mini
orchestre improvisé. Naturellement l’amour, la mort, la lutte contre l’autorité hospitalière, les
différents travers des patrons sont mis en exergue
Le repas est gargantuesque et abondamment arrosé. Il est entrecoupé de sketches et de
chansons paillardes* hurlées, plus que chantées par l’ensemble des participants.
* Une confusion est souvent réalisée entre les chansons de salles de garde militaires et les
salles de gardes hospitalières. Le registre des chansons est totalement différent, et même si le sexe
reste au premier plan, on retrouve en médecine une évocation constante de la maladie ou de l’hôpital
(La marche des vérolés, Dans un amphithéâtre, La chanson de Bicêtre, Broca, Chanson des vieilles
salles de Garde, Hôpital Saint Louis, Lariboisière, La vérole.. .
On « bat *» des thèmes donnés par l’économe en signe de remerciement pour le personnel, ou
pour féliciter un interne pour sa chanson, un poème ou toute autre déclamation.
* Une batterie consiste, avec ses couverts, à frapper contre la table suivant un rythme donné.
On peut battre la Républicaine, la Royale, la Pacifique 231… la Vaginale).
+ Bal de l’Internat
Le bal de l’internat se déroule une fois par an, et le plus souvent en dehors du milieu
hospitalier. C’est l’occasion de retrouver les internes de l’ensemble des hôpitaux.
Le bal de l’internat est toujours annoncé avec une affiche où la nudité et la mort sont le plus
souvent associées. Cette manifestation étant hors hospitalière, les invitations sont largement ouvertes,
et la présence féminine beaucoup plus conséquente que lors des tonus.
Au total, la salle de garde, disparue le jour où les internes n’ont plus été internes, a permis à
bon nombre de carabins de supporter l’enfermement, les nuits poisseuses de brume et de pluie, les
matins glauques, les urgences empuanties de sang et de sanies, et la mort qui rode dans les salles
communes gémissantes.
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LA GRANDE GUERRE
La grande guerre, la « der des der » marque un tournant décisif dans l’évolution des peuples
européens tant au plan sociologique que philosophique. Si la médecine des ambulances de 1914 sur la
Marne, n’est guère différente de celle pratiquée pendant les guerres napoléoniennes et de 1970,
ramassage des blessés, postes chirurgicaux improvisés (en Septembre 1914 on ampute les blessés sur
les autels des églises..) absence d’antibiotique…. on verra au cours du conflit se développer une
véritable technologie médical de guerre (service de radiologie automobile, structuration des hôpitaux,
chirurgie réparatrice…).
L’asepsie, embryonnaire dans les premiers mois de la guerre, sera progressivement pris en
compte, évitant les drames vécus en Octobre 1914*.
* Les blessés de la première bataille de la Marne sont évacués en train vers Bordeaux (Loin
du front et de Paris pour le moral de l’arrière) dans les wagons à bestiaux ayant servi à
l’acheminement des chevaux. Les spores tétaniques, saprophytes de l’intestin du cheval, provoqueront
une véritable hécatombe (2/3 des blessés meurent du tétanos).
A la fin de la guerre, au retour des survivants, les femmes occupent les postes laissés vacants
par les soldats, dans l’industrie de guerre, les transports mais aussi à l’hôpital. La médecine commence
tout doucement à se féminiser ;
Les antibiotiques font péniblement* leur apparition (pénicilline en 1936), les sciences
biologiques, physiques, radiologiques… prennent une expansion de plus en plus grande.
* Le pnicinilinium avait fait l’objet d’une thèse à Paris en 1896 passée malheureusement inaperçue.
L’art médical se transforme peu à peu en science médicale, l’humanisme en technicité, la
médecine devient un droit, un service à la personne. L’histoire de la médecine peut s’arrêter là, pour
laisser la place au génie biologique, à la biochimie moléculaire, à la génétique, à l’imagerie médicale
et à toutes les techniques qui redonnent un sens au mot grec pour désigner le médecin, « tektôn ».
187
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