Faire sauter les «bouchons» de Nantes

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Faire sauter les «bouchons» de Nantes
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Faire sauter les «bouchons»
de Nantes
L
e goulet d’étrangement
de l’économie des Pays
de la Loire ? Demandez à
n’importe quel chef d’entreprise et la réponse fusera : « Le gros point noir, c’est
Nantes ! La majeure partie du trafic interrégional transite par la métropole ligérienne dont le périphérique est de plus en plus saturé »,
fustige Alain Raguideau vice-président de la CCI de Nantes-SaintNazaire, chargé de l’aménagement du territoire. « On y passe du
temps et on y laisse nos marges… »,
confirme Philippe Bourdeau, P-dg
de la SNAT, transporteur installé à
Saint-Nazaire. Construit au cours
des années 1970 et 1980, le périphérique nantais est l’un des plus
long de l’Hexagone avec 44 km.
Sous la pression démographique
et l’étalement urbain, il ne sert
plus uniquement au transit routier, mais aussi aux habitants de
l’agglomération. En moyenne,
60 000 à 85 000 véhicules l’empruntent chaque jour, générant
REGARD SUR...
DR
LES PREMIERS PAS DU TRANSPORT COMBINÉ
La plateforme
multimodale railroute de ChâteauGontier, située entre
Angers et Laval, est
entrée en service fin
avril. « Elle résulte
d’une démarche
Bréger envoie chaque jour 8 à 10 caisses
pragmatique
par voie ferrée vers Lyon et Marseille.
d’opérateurs de
proximité », se félicite Vincent Lesage, des Transports Bréger.
De fait, la présence d’une infrastructure existante (350 m de
quais) a grandement réduit le coût de la mise en œuvre. La
ligne est exploitée par Combiwest, à l’origine de l’ouverture
de la ligne Rennes-Lyon au début 2011. Les trains de Rennes
et de Château-Gontier se rejoignent au Mans et poursuivent
désormais leur route jusqu’à Marseille. Après un mois
d’activité, le premier bilan est positif avec, en moyenne,
une trentaine de caisses mobiles par départ quotidien.
L’Officiel des Transporteurs − N° 2697 du 28 juin 2013
DR
Construire de nouveaux franchissements
de la Loire et réduire la saturation du
périphérique nantais sont les enjeux majeurs
des Pays de la Loire. D’autant que l’activité
économique, malgré le dynamisme régional,
pique du nez, causant des baisses de volumes
chez les transporteurs.
Le Pont de Cheviré en aval de Nantes est utilisé autant pour le transit
que les déplacements urbains. Accueillant plus de 110 000 véhicules
par jour, il est engorgé en permanence.
des embouteillages quotidiens de
plusieurs heures. À certains endroits, son état est tellement dégradé que la circulation est limitée
à 70 km/h. De plus, ce périphérique souffre d’une continuité
aléatoire. Par vent fort, le pont de
Cheviré qui traverse la Loire à
l’Ouest peut être fermé à la circulation. C’est arrivé six fois entre 2007 et 2011, alors que ce pont
accueille en moyenne 110 000 véhicules par jour… Autre handicap : les débordements de la Loire
lors de pluies importantes, qui
inondent la partie Est du périphérique – huit épisodes de 2007 à
2011. Des événements rares mais
qui marquent durablement ceux
qui les vivent.
Le contournement de l’agglomération nantaise est évoqué dans
le second Schéma routier de Loire
Atlantique, établi par le département en 2012. Pour mieux irriguer
le territoire et servir les pôles économiques, la concertation porte
sur l’aménagement d’un doublement du périphérique, à environ
25 km de l’actuel. Dite « Métropolitaine », cette liaison circulaire relierait Savenay, Nord-sur-Erdre,
Ancenis, Clisson et Saint-Philbert
de Grand-Lieu. Le projet conduirait au doublement du Pont d’Ancenis, déjà évoqué dans le 1er
Schéma routier de 2006. Pour des
raisons de coûts, le département
devrait privilégier les 2x1 voie avec
des créneaux de dépassements.
Reste à trouver les financements…
« Tous les projets d’infrastructures
ont du plomb dans l’aile pour des
raisons budgétaires », rappelle Philippe Bourdeau, également membre du Conseil économique, social
et environnemental régional (CESER). Cet organisme consultatif
prépare un rapport d’analyse sur
les besoins de la région en matière
d’infrastructures, mais aussi sur les
moyens de les financer. Des efforts
importants sont pourtant consentis en matière d’infrastructures
La conjoncture se dégrade
Le trafic du port de Nantes Saint-Nazaire
a marqué le pas en 2012, reculant à
29,8 millions de tonnes. La baisse tombe
même à – 6,8 % pour les flux non
énergétiques. Porté par les importations,
le trafic conteneurisé progresse en
revanche de 3 %, à 184 000 EVP.
Dans sa note de conjoncture de
juin 2013, l’Observatoire régional des
transports titre sur l’amplification du
marasme du fret routier. Selon l’étude,
tous les indicateurs sectoriels socioéconomiques sont désormais passés
au rouge.
routières. Débutée à la mi-2012, la
construction du viaduc de
contournement de Pont-Château
doit supprimer le passage à niveau
sur la RD126. Le pont de Saint-Nazaire fait l’objet d’un renforcement
structurel depuis 2011 et jusqu’en
2014. Des gros travaux sont réalisés sur le pont d’Ancenis depuis la
fin 2012. Durant la durée des travaux (de deux ans), la circulation
en double sens est maintenue
grâce à la construction d’un pont
provisoire. Et les études prospectives portant sur le futur pont de
Thouaré-sur-Loire vont bon train.
La Loire, qui traverse la région
d’est en ouest, constitue un handicap certain pour le transport routier local. Seulement quatre ponts
l’enjambent. Un cinquième est
prévu au centre de Nantes, et les
acteurs économiques appellent de
leur vœu la construction d’un
sixième équipement. « Celui de
Cheviré est saturé tandis que celui
de Saint-Nazaire est limité aux camions de moins de 40 tonnes », déplore Pierre Baudouin, délégué régional des Pays de la Loire de la
FNTR.
COUP DE FREIN
ÉCONOMIQUE
La concrétisation des projets
d’amélioration des infrastructures
routières est primordiale pour soutenir le développement du territoire. « Il faut fluidifier l’accès à l’hinterland, qui passe par Nantes si l’on
prétend augmenter l’activité du port
de Nantes St-Nazaire », prévient
Anne-Cécile Bernard, chargée de
mission Aménagement à la CCI.
Quel intérêt d’avoir mis en place
des « autoroutes de la mer » en 2010,
avec trois bateaux par semaine entre Gijón en Espagne et Montoir-deBretagne (Saint-Nazaire) avec des
centaines de camions à bord si c’est
pour les coincer sur les axes ligériens ? ».
À l’heure où la conjoncture économique se dégrade, ces entraves
risquent de peser dans les bilans
des sociétés de TRM. La diversification et le dynamisme de l’économie
régionale ont longtemps amoindri
les effets de la récession. Mais l’attente de 18 mois des chantiers navals STX avant de recevoir une nouvelle commande de paquebot,
comme la défaillance du volailler
Doux et la fermeture attendu de
l’usine de Candia à Lude (au sud de
la Sarthe), montre que la crise est
désormais bien là… La preuve, la si-
tuation des transporteurs n’a jamais été aussi dramatique. Au quatrième trimestre 2012, le nombre de
défaillances d’entreprises du secteur était en hausse, tandis que celui des liquidations a progressé de
20 % entre 2011 et 2012. Plus grave,
le nombre d’immatriculations de
poids lourds a littéralement plongé
de plus de 30 % au mois de mai der-
nier. « Du jamais vu, s’exclame Denis Douillard, chargé des études
transports à la Direction régionale
de l’environnement, de l’aménagement et du transport (Dréal). Ce
chiffre indique que les sociétés de
transport ne renouvellent plus leur
part et témoignent de la situation
dramatique de leur trésorerie. » u
THIERRY BUTZBACH
PIERRE BAUDOUIN, DÉLÉGUÉ RÉGIONAL DES PAYS DE LA LOIRE DE LA FNTR
« Le coût de l’éco-taxe sera élevé
pour les échanges interrégionaux »
d’un barreau routier au
nord de Nantes. Il faut
souligner que le besoin
existe également au sud
pour contourner la
métropole et son
périphérique saturé.
D.R.
➔ PAYS DE LA LOIRE
–2,7%
3 QUESTIONS À...
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➜ L’Officiel des transporteurs : Quel sera l’impact de
l’éventuelle construction
du futur aéroport du Grand
Ouest à Notre-Dame-desLandes ?
PIERRE BAUDOIN : La
construction de cet
équipement aura bien
évidemment un impact
sur l’activité du secteur,
en matière d’aménagement des espaces et
infrastructures pour les
activités de transports
liées aux travaux publics,
puis lors des approvisionnements de marchandises nécessaires à sa
construction. Enfin, les
activités induites par le
nouvel aéroport auront
évidemment un impact
économique positif sur
l’ensemble de la région.
Son implantation devrait
accélérer l’édification
➜ Avez-vous déjà mesuré
les conséquences de l’application prochaine de
l’écotaxe ?
P.L.: Le coût de la taxe
poids lourds sera
particulièrement élevé au
niveau du grand ouest,
et notamment pour les
échanges entre notre
région et la Bretagne, qui
représentent la majorité
de nos flux régionaux.
Comme nos voisins, nous
intervenons beaucoup
dans le secteur
agroalimentaire, gros
consommateur de
transport. Par exemple,
l’éleveur de poulets va
payer cette taxe à
plusieurs reprises : pour
acheminer les poussins,
faire venir le grain
et l’envoi à l’abattoir.
Il y a là un vrai risque
de déplacement de sites
de production… Comme
les principaux axes
d’échange seront taxés,
cela représente un réel
danger d’aggravation
de la compétitivité de
notre territoire déjà
excentré. Même si
l’économie régionale
est plus diversifiée
qu’en Bretagne, avec une
activité forte dans les
domaines de l’énergie
et de l’aéronautique.
➜ Le ferroutage se développe dans l’Ouest. Bientôt
aussi sur Nantes ?
P.L.: Après Rennes,
Combiwest opère désormais depuis ChâteauGontier, Le Mans, à
destination de Lyon et
bientôt Marseille. On
parle depuis 20 ans du
transfert de la gare de
transport qui se trouve
sur l’Île de Nantes… Mais
l’aménagement d’une
plateforme multimodale
sur la zone du Grand
Blottereau, telle qu’on
l’évoque, ne serait pas
forcément opportun.
Ce positionnement
à l’intérieur du
périphérique nantais
ne résoudrait pas
les difficultés d’accès
à la métropole.
Propos recueillis par T. B.
L’Officiel des Transporteurs − N° 2697 du 28 juin 2013
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