La fiancée idéale – Un mariage parfait – Une épouse en
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La fiancée idéale – Un mariage parfait – Une épouse en
Just married ! La fiancée idéale Un mariage parfait Une épouse en fuite CATHY WILLIAMS La fiancée idéale Cet ouvrage a été publié en langue anglaise sous le titre : RAFAEL’S SUITABLE BRIDE Traduction française de CATHERINE BENAZERAF Ce roman a déjà été publié en mai 2010 HARLEQUIN® est une marque déposée par Harlequin Si vous achetez ce livre privé de tout ou partie de sa couverture, nous vous signalons qu’il est en vente irrégulière. Il est considéré comme « invendu » et l’éditeur comme l’auteur n’ont reçu aucun paiement pour ce livre « détérioré ». Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. © 2008, Cathy Williams. © 2010, 2016, Traduction française : Harlequin. Tous droits réservés, y compris le droit de reproduction de tout ou partie de l’ouvrage, sous quelque forme que ce soit. Ce livre est publié avec l’autorisation de HARLEQUIN BOOKS S.A. Cette œuvre est une œuvre de fiction. Les noms propres, les personnages, les lieux, les intrigues, sont soit le fruit de l’imagination de l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, des événements ou des lieux, serait une pure coïncidence. HARLEQUIN, ainsi que H et le logo en forme de losange, appartiennent à Harlequin Enterprises Limited ou à ses filiales, et sont utilisés par d’autres sous licence. Le visuel de couverture est reproduit avec l’autorisation de : Couple-mariage : © GETTY IMAGES/TETRA IMAGES/ROYALTY FREE Tous droits réservés. HARLEQUIN 83-85, boulevard Vincent-Auriol, 75646 PARIS CEDEX 13. Service Lectrices — Tél. : 01 45 82 47 47 www.harlequin.fr ISBN 978-2-2803-5960-3 1 Malgré le mauvais temps, Rafael Rocchi avait décidé de sortir sa puissante Ferrari du garage. Certes, il aurait été plus raisonnable de choisir le train pour se rendre chez sa mère, dans la région du Lake District, au nord de l’Angleterre. Mais à quoi bon posséder ce bolide, à l’élégante carrosserie noire, si c’était pour ne le confier qu’aux soins minutieux de son chauffeur, Thomas. Il se réjouissait par avance à l’idée d’éprouver le plaisir sans pareil que lui procurait la conduite de son engin. C’était aussi excitant que de maîtriser un pur-sang débridé. La vitesse lui apportait un sentiment de liberté absolue contrastant agréablement avec la rigueur de sa vie d’homme d’affaires. Depuis la mort de son père, huit ans auparavant, il dirigeait seul l’empire Rocchi, une lourde responsabilité, tout à fait passionnante, mais à laquelle il consacrait tout son temps. La voiture avalait les kilomètres silencieusement et avec aisance. Pour une fois, il s’était autorisé à couper son téléphone portable. Absorbé par la musique classique qui emplissait l’habitacle, il n’en restait pas moins attentif à la route, en très mauvais état. Au cours des jours précédents, la neige avait recouvert le pays. Même si les chutes avaient momentanément cessé, plus on avançait vers le nord, plus les champs disparaissaient sous un épais manteau blanc. Malgré tout, il conduisait en toute tranquillité. Il avait une confiance absolue en sa capacité à contrôler sa Ferrari. Comme à contrôler le moindre aspect de sa vie, d’ailleurs. C’était probablement ce qui faisait de lui, à trente-six ans, une véritable légende du monde des affaires, redouté pour son 7 implacable rigueur mais aussi admiré pour son intelligence supérieure. Il se plaisait à penser que les femmes aussi avaient tendance à le craindre. Après tout, il ne détestait pas que ses conquêtes sachent qui tenait la barre dans le couple. Sauf que ses liaisons ne duraient jamais plus de six mois, au grand désespoir de sa mère, laquelle rêvait de le voir mettre un terme à sa vie de célibataire endurci. Il avait beau essayer de la persuader qu’il était pleinement heureux ainsi, elle n’en croyait rien. Même après de longues années passées en Angleterre, elle gardait l’âme d’une mamma italienne, pour qui il n’est point de salut hors du mariage et de la paternité. Surtout lorsqu’on a largement dépassé la trentaine. Elle-même s’était mariée à vingt-deux ans, lui avait donné naissance à vingt-cinq, et aurait eu une nombreuse progéniture si le sort n’en avait décidé autrement. Voilà pourquoi, malgré les dénégations de son fils, qui ne cessait de répéter qu’il n’était pas un cœur à prendre, la mère de Rafael ne pouvait s’empêcher de jouer les marieuses. Et cette invitation n’était sûrement pas étrangère à ces ambitions, pensa-t‑il. Juste une petite soirée improvisée, entre amis, avaitelle affirmé. Pour réjouir un peu les esprits dans la morosité ambiante du mois de février. Il doutait du caractère prétendument « impromptu » de l’événement. Sa mère avait parlé d’une centaine de convives et elle avait même eu recours aux services d’un grand traiteur. De plus, elle avait si lourdement insisté pour qu’il vienne qu’il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter. Mais, s’il était une personne au monde pour laquelle il éprouvait un respect inconditionnel, c’était bien sa mère. Par conséquent, il avait obéi sans broncher. Pour l’instant, au moins, il prenait plaisir à conduire. Mais il était certain qu’une fois arrivé sur place, il s’ennuierait mortellement à faire la conversation à une jeune fille avec laquelle il n’aurait pas le moindre point commun. Si au moins sa mère pouvait admettre que tout ce qu’il recherchait chez une femme, c’était la beauté ! Il les aimait 8 grandes, minces et blondes. De préférence soumises et, par-dessus tout, disposées à accepter une relation temporaire. Perdu dans ses pensées, il avait eu un instant d’inattention et il dut enfoncer de toutes ses forces la pédale de freins pour ne pas heurter la voiture qui avait surgi devant lui alors qu’il s’engageait sur la petite route sinueuse menant à la propriété de sa mère. Son conducteur avait manifestement perdu le contrôle du véhicule, échoué sur le bas-côté enneigé. La Ferrari fit une embardée, avant de s’immobiliser à quelques centimètres d’une Austin Mini qui semblait abandonnée. Il jaillit hors de son bolide. Oublié, tout le plaisir qu’il avait pris sur le trajet ! Est-ce qu’au moins il y avait quelqu’un sur qui il pourrait donner libre cours à une fureur légitime ? Ah, oui ! Une silhouette venait de se dresser de l’autre côté de la Mini. Une femme bien sûr ! Et qui le fixait avec de grands yeux étonnés. — Que diable faites-vous là ? s’exclama-t‑il. Etes-vous blessée ? La conductrice fit le tour de son véhicule et leva vers lui un visage interloqué, sans prononcer la moindre parole. — Eh bien ? insista-t‑il, impatient. Soudain, il prit conscience qu’il n’était pas très prudent de laisser sa Ferrari au milieu de la route. — Il faut que je déplace ma voiture. Lorsqu’il eut garé son véhicule, la jeune femme avait de nouveau disparu. De plus en plus furibond, il passa derrière la Mini, pour trouver sa propriétaire accroupie dans la neige. Elle semblait chercher quelque chose, dans la pâle lumière émise par son téléphone portable. — Excusez-moi, dit-elle d’une voix angoissée tout en poursuivant ses recherches. Je suis vraiment désolée. Vous n’avez rien, au moins ? — Vous ne devriez pas laisser votre voiture là. C’est dangereux. — J’ai essayé de la déplacer, mais les roues patinent. 9 Elle se releva, en renonçant à sa quête avec une réticence manifeste. De près, elle lui parut de petite taille et plutôt rondelette. Pas de quoi améliorer son humeur ! S’il s’était trouvé face à une beauté longiligne, il serait automatiquement passé en mode séduction. Mais en l’occurrence, il regarda l’inconnue avec une moue irritée. — Donc, vous avez préféré la laisser là où elle est, au risque de provoquer un accident, observa-t‑il d’un ton sarcastique. Et vous avez entrepris de farfouiller sur la route, à la recherche de je ne sais trop quoi… Il n’était pas du genre particulièrement patient mais, pour le coup, il était à deux doigts d’exploser. — Je me suis frotté les yeux, et j’ai perdu une lentille de contact, expliqua l’inconnue. Toute cette route depuis Londres, ça m’a un peu engourdie. J’aurais mieux fait de prendre le train, mais il faut que je reparte de bonne heure demain matin. Je ne voulais surtout pas ennuyer mes hôtes en les obligeant à m’accompagner à la gare à l’aube… mais bonjour, quand même ! Avec un air sérieux, elle lui tendit une petite main et le dévisagea intensément. Bouche bée, Cristina se dit qu’elle n’avait jamais rencontré un aussi bel homme. Il était très grand et son épaisse chevelure noire négligemment rejetée en arrière révélait la perfection de son visage aux traits fermes. Il aurait pu faire la une d’un magazine de mode. Mise à part sa mine renfrognée. Sans se laisser démonter par cette expression peu amène, elle le gratifia d’un sourire où se lisait son sentiment d’impuissance. Il ignora sa main tendue. — Je vais sortir votre voiture de là, et puis vous feriez mieux de monter dans la mienne. Je suppose que nous allons au même endroit. Ce chemin ne mène qu’à une seule maison. — Oh, mais vous n’êtes pas obligé de m’y emmener, protesta-t‑elle. — Je sais. Mais cela m’embêterait davantage de me sentir coupable, si je vous laissais vous débrouiller seule alors que 10 vous n’y voyez rien. Et je ne veux pas prendre le risque que vous partiez dans le décor. Fascinée, elle le regarda manœuvrer sans la moindre difficulté là où elle-même avait si lamentablement échoué. — Vous avez été formidable, dit-elle avec enthousiasme lorsqu’il eut terminé. La sincérité manifeste de son admiration le radoucit quelque peu. — Je n’ai pas fait grand-chose, marmonna-t‑il. Juste sorti votre fichue voiture du milieu. — Vous savez, enchaîna-t‑elle, je pourrais tout à fait conduire. J’ai une paire de lunettes dans mon sac. Je les prends toujours avec moi, au cas où mes lentilles m’irriteraient les yeux. Est-ce que vous portez des lentilles ? — Comment ? — Non, non, rien… Elle fronça les sourcils, car elle avait pris tout à coup conscience de son apparence. — Eh bien ? interrogea-t‑il. Tenant ouverte la portière de la Ferrari du côté passager, Rafael se demandait si l’inconnue allait tergiverser encore longtemps. Le vent se faisait de plus en plus mordant. Il n’allait pas tarder à neiger. Cristina s’avança. L’indécision se peignait sur son visage. Elle eut un geste éloquent de la main. — C’est-à-dire que… Regardez-moi. Je ne peux quand même pas arriver dans cette tenue… A vrai dire, elle connaissait à peine Maria, son hôtesse. Elles s’étaient croisées à quelques occasions, alors qu’elle vivait encore chez ses parents, en Italie. C’était apparemment quelqu’un de tout à fait charmant, mais il n’était guère envisageable de se présenter chez elle les mains sales, les collants troués, et dans une robe qui aurait eu besoin d’un bon nettoyage. Quant à sa coiffure, elle préférait ne pas y songer ! Même lorsqu’elle faisait tout son possible pour la discipliner, sa chevelure gardait toujours quelque chose d’indomptable. 11 Rafael ouvrit plus largement la portière, et poussa un soupir agacé. — Ne soyez pas ridicule. On se gèle ici. Ce n’est pas le moment de discuter de votre toilette. De toute façon, pensa-t‑il, c’était sans espoir. Avec son physique quelconque et ses proportions peu harmonieuses, il n’y avait pas grand-chose que la malheureuse pût faire pour se rendre séduisante. Le désordre que le vent mettait dans ses cheveux, et ses mains sales n’arrangeaient rien, il fallait le reconnaître. Bon, elle ne semblait pas se décider et le vent devenait de plus en plus glacial. Ils n’allaient pas rester là des heures. Il opta pour ce qui lui semblait être la seule solution. — Prenez vos bagages. Nous rentrerons par l’entrée de service, et je vous conduirai dans l’une des chambres d’amis. Comme cela vous pourrez essayer de vous arranger un peu. — Vraiment ? Cristina s’émerveilla de la proposition de Rafael. Comme il faisait preuve d’attention à son égard ! Certes, il ne se montrait guère chaleureux. Mais qui aurait pu le lui reprocher alors qu’il venait certainement d’avoir la peur de sa vie en risquant une collision au détour du chemin ? Elle se hâta d’aller chercher son manteau et son sac de voyage. Rafael jeta un coup d’œil sur sa montre. — Dépêchez-vous ! Bon sang, la réception devait déjà battre son plein. Et lui qui avait promis à sa mère d’arriver en avance ! Encore une fois les exigences de sa fonction avaient pris le pas sur ses bonnes intentions. — Vous êtes vraiment très gentil, le remercia Cristina tandis qu’il lui prenait des mains son bagage et son vêtement pour les mettre dans le coffre. Cela faisait fort longtemps qu’on n’avait pas loué sa gentillesse, songea-t‑il avec amusement. A dire vrai, ce n’était pas une qualité dont il se serait vanté. Il se contenta de hausser les épaules sans mot dire, puis se glissa derrière le volant et mit le contact. Dans un rugissement, le puissant moteur reprit vie entre ses mains. 12 — Comment ferez-vous pour trouver l’entrée de service ? Répondre à cette question supposait qu’il mette sa passagère au courant de ses liens avec la maîtresse des lieux. Il n’en avait aucune envie. Tout au moins pour l’instant. Manifestement, elle ne se doutait pas de son identité. Et c’était bien mieux ainsi. Sa fortune exerçait généralement un fort pouvoir d’attraction sur les femmes. Il pouvait lui arriver de trouver cela plaisant mais, la plupart du temps, c’était tout bonnement exaspérant. Il préféra donc changer de sujet. — Je n’ai pas bien saisi votre nom. Un coup d’œil sur sa gauche lui permit de voir le visage de sa voisine s’empourprer. Elle leva vers lui un regard consterné. — Je m’appelle Cristina, répondit-elle. Bon sang, je suis vraiment trop impolie ! Vous venez à mon secours, et il ne me vient même pas à l’idée de me présenter… Avec horreur, elle prit conscience qu’elle devait avoir l’air absolument hébétée. Elle fit un effort pour se ressaisir. Après tout, elle n’était plus une gamine, mais une jeune femme de vingt-quatre ans. Il était grand temps qu’elle se conduise avec un peu plus de raffinement. Cependant, encore une fois, sa bonne nature et sa candeur prirent le dessus malgré elle. Elle avait côtoyé bien des hommes dans sa vie, que ce soit en Italie — où elle avait joui d’une enfance privilégiée — ou lorsqu’elle était venue rejoindre sa tante dans le Somerset pour parfaire son éducation. Pourtant, elle n’avait jamais eu de relations intimes avec eux. Aussi, elle n’avait pas acquis ce cynisme qui vient avec les ruptures et les histoires d’amour malheureuses. Sa candeur était intacte, comme sa foi absolue en la bonté de la nature humaine. Par conséquent, la froideur avec laquelle Rafael réagissait à son bavardage ne parvenait même pas à la décourager. — Comment vous appelez-vous ? s’enquit-elle, en renonçant définitivement à s’empêcher de le dévorer des yeux. — Rafael. — Comment se fait-il que vous connaissiez Maria ? Il ne se donna pas la peine de la renseigner. — Pourquoi êtes-vous aussi soucieuse de l’impression que 13 vous pourriez faire ? questionna-t‑il plutôt. Vous connaissez les gens qui seront là ce soir ? — Non… Mais…, c’est juste que je ne me vois pas rentrer dans une salle pleine de monde avec les cheveux en bataille et des bas déchirés. Elle examina ses mains avec un grand soupir. — Mes ongles sont dans un état ! reprit-elle. Quand je pense que je m’étais fait faire une manucure exprès pour l’occasion… Un instant, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Mais, bravement, elle les refoula. Son instinct lui disait que l’homme assis à côté d’elle n’apprécierait certainement pas de se retrouver avec une étrangère sanglotant dans sa voiture. Dire qu’elle s’était tellement réjouie de l’invitation de Maria. Cela faisait peu de temps qu’elle habitait Londres, et elle ne s’était pas encore fait beaucoup d’amis. C’était vraiment désespérant de voir réduits à néant tous les efforts qu’elle avait faits pour faire honneur à son hôtesse. Que penserait sa mère, elle qui avait tant œuvré pour lui apprendre à être à la hauteur de leur classe sociale ? Elle avait eu beau déployer des trésors d’affectueuse patience, Cristina avait toujours éprouvé le sentiment diffus de ne jamais être à sa place dans leur milieu. Ses sœurs — aujourd’hui âgées d’une trentaine d’années, et mariées — étaient toutes deux dotées d’un physique qui mettait en valeur la moindre toilette. C’était avec la plus complète aisance qu’elles étaient devenues, en temps voulu, de parfaites épouses, et de parfaites mères de famille. Avec une totale insouciance, Cristina, elle, avait passé son enfance à jouer au football dans l’immense jardin de ses parents. Les robes, le maquillage, et toutes les préoccupations habituelles des jeunes filles étaient le cadet de ses soucis. En grandissant, elle avait commencé à se passionner pour tout ce qui concernait les plantes et la nature. Le compagnon préféré de ses étés d’adolescente avait été le jardinier qu’elle accablait de questions. En définitive, sa mère avait renoncé à faire de ce garçon manqué le modèle de féminité qu’elle aurait dû normalement devenir selon les codes de la bonne société. 14 Malgré tout, l’état de sa robe lui donnait les plus grandes inquiétudes. — Je ne sais pas ce qui m’a pris d’imaginer que j’allais pouvoir retrouver une lentille de contact sur le bord de la route. — Surtout enneigée, s’empressa-t‑il d’ajouter. — Effectivement, acquiesça Cristina en contemplant ses genoux. Tout ce que j’ai réussi à faire, c’est déchirer mes collants. Et c’est ma seule paire. Je suppose que vous n’en avez pas avec vous… Rafael lui jeta un rapide coup d’œil, et vit qu’elle lui adressait un large sourire. Au moins, se dit-il, elle faisait preuve d’une faculté de récupération tout à fait enviable. Sans parler d’une étonnante capacité à ignorer le fait qu’il ne se montrait pas le moins du monde disposé à poursuivre cette conversation. — Ce n’est pas vraiment le genre de choses dont je m’encombre, rétorqua-t‑il avec sérieux. Peut-être ma… Peut-être en trouverez-vous quelque part dans la maison ? — Oh, Maria doit en avoir de pleins tiroirs. Mais nous ne sommes pas vraiment bâties sur le même modèle. Elle est grande et élégante et moi…, eh bien, j’ai plutôt hérité de la silhouette de mon père. Mes sœurs sont tout le contraire. Elancées. Tout en jambes… — Et cela vous rend jalouse ? s’entendit-il demander. Elle éclata de rire. Un rire étonnamment communicatif. Un son joyeux et musical. Sans rien de commun avec les petits gloussements que la plupart des femmes considéraient comme la seule façon distinguée de manifester leur hilarité. — Seigneur, non ! Je les adore, mais je n’échangerais ma vie contre la leur pour rien au monde. A toutes les deux… Elles ont déjà cinq enfants, et elles consacrent l’essentiel de leur temps à des soirées mondaines. Ce ne sont que dîners, cocktails, sorties au théâtre ou à l’opéra avec des clients de leurs maris… Oui, parce qu’elles sont mariées à d’importants hommes d’affaires, et elles sont obligées d’être toujours en représentation à leur côté. Je ne sais pas si vous vous rendez compte : ne jamais pouvoir sortir de chez soi sans maquillage, ou sans accessoires assortis ! Il n’avait aucun mal à imaginer. Ses connaissances fémi15 nines auraient même refusé de mettre un pied hors de leur chambre sans tout cela. Au loin, il vit se profiler le vaste manoir de pierre blonde qu’habitait sa mère. Ses cheminées se dressaient fièrement vers le ciel. La cour spacieuse, entourée de dépendances, était encombrée de voitures, tout comme la longue allée qui menait à l’entrée principale. Même dans l’obscurité naissante, la grâce et la symétrie de la construction étaient fascinantes. Il s’attendit à percevoir chez sa passagère l’inévitable exclamation d’admiration éblouie que n’avaient pas manqué de laisser échapper toutes celles qu’il avait invitées ici, mais rien ne vint. Décidément, cette fille n’était pas comme les autres… D’un coup d’œil, il vit qu’elle tripotait nerveusement l’ourlet de sa robe et qu’elle arborait de nouveau une mine soucieuse. — Toutes ces voitures ! s’exclama-t‑elle avec une pointe d’anxiété. Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait autant de monde. Surtout avec ce temps. A sa grande consternation, la soirée s’annonçait exactement comme le genre de réception mondaine qu’elle redoutait par-dessus tout. — Les gens par ici sont plutôt intrépides, commenta-t‑il. Pas avachis comme les Londoniens. — Vous habitez ici ? Il se contenta d’un vague signe de tête. Il contourna l’une des ailes de la maison pour gagner l’entrée de service, à l’arrière. — Je me demandais si c’était pour ça que vous connaissiez si bien les lieux, s’étonna Cristina. Mais, dans ce cas…, réfléchit-elle. Elle écarta cette pensée. Il y avait plus urgent. Comment allait-elle se débrouiller pour redevenir présentable avant d’affronter tous ces convives ? Et surtout, pour ne pas faire honte à Maria. Elle n’avait peut-être pas les manières raffinées de ses sœurs, mais elle n’aurait pas supporté de mettre son hôtesse dans l’embarras. Fort heureusement, aucune effervescence ne se manifestait de ce côté de la demeure. Ils ne risquaient que de croiser le personnel. Rafael coupa le moteur, et se tourna vers elle. 16 — Autant que je vous le dise tout de suite, je suis le fils de Maria. — Ah, bon ? Pendant quelques secondes, Cristina l’observa en silence. Maria est une femme délicieuse, songea-t‑elle. Quelqu’un de bon et de sincère. Elle ne pouvait avoir engendré un fils aussi différent d’elle. Donc, son intuition ne l’avait pas trompée : sous des abords un peu brusques, Rafael était certainement plus aimable qu’il ne le laissait paraître. Elle le gratifia d’un sourire radieux. — Votre mère est formidable. — Je suis heureux de constater qu’il y a au moins un point sur lequel nous nous accordons. Sans lui laisser le temps de réagir à cette remarque quelque peu ambiguë, il sortit de la voiture et en fit le tour pour venir lui ouvrir la portière. Comme surgi de nulle part, un homme se matérialisa soudain devant eux. Il se précipita vers le coffre de la Ferrari pour prendre leurs bagages. De toute évidence, sa mère avait demandé qu’on guette l’arrivée du retardataire. L’ennui c’est qu’il était maintenant investi — bien malgré lui — du rôle de chevalier servant, et qu’il lui fallait conduire son embarrassant fardeau jusqu’à l’une des chambres d’amis, sans trop savoir laquelle était libre. Il échangea rapidement quelques mots avec Eric, majordome au manoir depuis toujours, et fit signe à Cristina de le suivre. L’éclairage de l’entrée de service avait beau n’être guère flatteur, il fut étonné de voir qu’elle n’était pas aussi désespérément dépourvue de charme qu’il l’avait tout d’abord pensé. Certes, elle n’avait rien d’une beauté classique. Elle était bien trop… Il s’évertua à trouver l’adjectif adéquat, et opta pour « robuste ». Sans être corpulente, elle était solidement charpentée. Le genre de fille qui n’hésiterait probablement pas à jouer des poings si besoin était. Quoiqu’il ne devait pas y avoir d’être plus pacifique au monde. Sa physionomie respirait la spontanéité et la bienveillance. Même si, à cet instant, elle affichait encore une mine tendue, tout en elle dénotait un heureux caractère. 17 Et, surtout, d’immenses yeux noisette illuminaient son visage. Limpides et confiants comme ceux d’un enfant. A vrai dire, songea-t‑il, elle semblait l’incarnation parfaite de la femme enfant. L’antithèse absolue du style « femme du monde », qui constituait plutôt son ordinaire. Quoi qu’il en soit, ce qui était promis était promis ! Il s’était engagé à la sortir de ce mauvais pas, et il ne lui restait plus qu’à s’exécuter. — Suivez-moi, dit-il d’un ton brusque, tandis qu’il s’élançait à travers un dédale de pièces où les rires et les conversations de la réception leur parvenaient étouffés. Depuis la mort de son père, il était évident que le manoir était bien trop grand pour sa mère. Pourtant, elle refusait obstinément de s’en séparer. — Je ne suis pas encore sénile, Raffy, lui avait-elle dit. Le jour où je ne pourrai plus monter un escalier, alors là, oui, je songerai à vendre. La connaissant, ce jour n’était pas près d’arriver. Malgré son âge, sa mère était toujours aussi alerte. Et elle recevait suffisamment de monde pour que les lieux ne soient que très rarement vides. Ils avaient maintenant atteint l’une des ailes les moins fréquentées de la demeure, et il fit entrer Cristina dans une chambre. — Bon sang ! s’emporta-t‑il, en voyant sa moue déconfite. — Je sais, soupira-t‑elle, je vous complique la vie mais… Cristina s’interrompit. Rafael l’observait avec une telle insistance. De toute évidence, il n’était pas conquis par ce qu’il voyait. Ses joues s’empourprèrent. Comment n’y avaitelle pas pensé plus tôt ? Un homme aussi fascinant que lui ne devait fréquenter que des femmes sublimes. Certainement pas des gamines de vingt-quatre ans, au physique discutable. — Oui, bien sûr…, bredouilla-t‑elle, je n’ai pas… Je ne suis pas vraiment… Mais, vous savez, j’ai fait des tas de régimes. Comme je vous l’ai dit, j’ai hérité de la silhouette de mon père… Dans le silence pesant, elle laissa échapper un rire un peu trop aigu, puis se tut, l’air gêné. 18 — Votre robe est déchirée. — Quoi ? Oh, non ! Seigneur…, où ça ? Avant même qu’elle n’ait eu le temps de repérer l’accroc, il s’était agenouillé devant elle. L’ample tunique de soie imprimée qu’elle portait fort bien pu dissimuler une petite déchirure. Mais lorsque Rafael prit le fin tissu, il ne fit qu’aggraver les choses. Horrifiée, elle vit s’élargir la déchirure. Pourtant, aussi catastrophée qu’elle fût, elle n’en tressaillit pas moins au contact de ses longs doigts sur sa jambe. Un frisson délicieusement coupable la parcourut tout entière. — Mon Dieu, murmura-t-elle, que vais-je faire ? Il soupira. Pourquoi devait-il toujours jouer les preux chevaliers ! — Vous n’avez rien d’autre à mettre ? — Rien qui convienne pour une soirée… J’ai emporté des jeans, des pull-overs, et des bottes en caoutchouc pour faire un tour au jardin. J’adore visiter les jardins. Vous n’imaginez pas les arrangements extraordinaires que l’on peut trouver sur les pelouses des gens les plus ennuyeux. Oh, excusez-moi, je jacasse et j’en oublie le plus important… C’était bien la première fois que Rafael se trouvait face à une femme capable de partir en week-end en n’emportant avec elle que le strict nécessaire. Comment diable allait-il la sortir de cette situation ? Stupéfié, il demeura muet pendant quelques secondes. La seule solution était d’aller explorer les penderies de sa mère. Elle possédait largement de quoi vêtir toute la région ! Il trouverait bien une tenue de rechange pour Cristina. — Mais elle est beaucoup plus grande que moi, se lamentat‑elle lorsqu’il lui fit part de sa décision. Et plus mince ! Sans lui laisser le temps de s’apitoyer davantage sur son sort, il quitta la pièce. Dix minutes plus tard, il était de retour, les bras chargés d’un assortiment de vêtements. Accablée, Cristina vit au premier coup d’œil qu’ils étaient de couleur bien trop vive pour quelqu’un n’ayant pas la silhouette élancée de Maria. — Bon, lança Rafael, je n’ai plus de temps à perdre. Déshabillez-vous. 19 — Quoi ? Un instant, elle se dit qu’elle avait dû mal entendre. — Déshabillez-vous. J’ai choisi ce que j’ai pu trouver de plus… flatteur. Dépêchez-vous d’essayer tout ça, je suis suffisamment en retard. — Pas…, pas devant vous… — Ce ne serait pas la première fois que je vois une femme se dévêtir, se moqua-t‑il. Inflexible, Cristina se réfugia dans la salle de bains attenante. Rafael soupira. Après tout, pourquoi ne la laissait-il pas se débrouiller seule ? Il avait d’autres chats à fouetter. Pourtant — sans trop savoir pourquoi — il attendit qu’elle en eût terminé avec ses essayages. Elle finit par réapparaître. Il s’était résigné à la rassurer par quelque formule passe-partout, mais ce qu’il vit le cloua sur place. — Ça…, ça vous va très bien…, dit-il en la fixant, l’air éberlué. Et en plus c’était vrai ! ne put-il s’empêcher de penser. Certes, on ne pouvait pas dire qu’elle était svelte. Cependant, elle n’avait pas non plus l’embonpoint que sa robe informe avait laissé supposer. L’étoffe moulante de la tenue lilas empruntée à sa mère mettait en valeur ses formes plantureuses et son opulente poitrine. L’absence de manches révélait des épaules rondes mais fermes. Et la teinte cuivrée de sa peau montrait qu’elle avait grandi sous des climats plus cléments que ceux de la Grande-Bretagne. A court d’éloges adéquats — ce qui n’était guère dans ses habitudes — Rafael se contenta d’ouvrir la porte pour la laisser passer. — Merci, dit-elle en lui décochant un regard plein de gratitude. Soudain, elle céda à une brusque impulsion et, se dressant sur la pointe des pieds, déposa un chaste baiser sur la joue de son sauveur. Ce fut comme si elle avait reçu une décharge électrique. Une vague de chaleur la parcourut instantanément. Jamais elle 20 n’avait éprouvé pareille sensation. Elle se recula, à l’instant même où il en faisait autant. Pour dissimuler son trouble, elle le précéda dans le couloir en recommençant à bavarder. Lorsqu’ils atteignirent enfin les vastes pièces de réception, Cristina fut soulagée de pouvoir se glisser dans l’assistance joyeuse où se mêlaient des invités de tous âges. Décorés de bouquets aux couleurs chatoyantes, ornés de magnifiques tableaux, les salons offraient à l’œil une perspective enchanteresse. Elle prit un verre sur un plateau qu’on lui tendit, et chercha Maria dans la foule. Cette dernière était occupée à donner des instructions concernant le moment où l’on devait servir le repas, en protestant que c’était un véritable cauchemar d’organiser tout cela. Pourtant, elle semblait parfaitement à son affaire. Quand Cristina l’interrompit, Maria eut un regard intrigué. — Mais…, cette robe ? questionna-t‑elle, en haussant les sourcils. Une nouvelle fois, Cristina fut frappée par la beauté de son hôtesse, son élégance spontanée, et la douceur de sa voix. Son fils semblait d’un naturel moins patient, songea-t‑elle. Cela dit, elle ne pouvait oublier la façon dont Rafael s’était mis en peine pour elle. Il lui avait épargné une situation des plus embarrassante. Sans lui, elle se serait couverte de ridicule devant de parfaits inconnus. Et cet instant où elle avait posé ses lèvres sur sa joue ! Rien que d’y penser, son cœur fit un bond dans sa poitrine. Où était-il donc passé ? se demanda-t‑elle. Il avait été accaparé par des connaissances bien avant qu’elle ne réussisse à se frayer un chemin jusqu’à Maria. A laquelle, d’ailleurs, elle devait quelques explications. Cristina se lança donc dans un récit animé des circonstances qui l’avaient conduite à emprunter l’une des robes de son hôtesse. La tête penchée, souriant d’un air amusé, Maria l’écouta jusqu’au bout, avant de lui assurer qu’elle la lui offrait très volontiers. A dire vrai, observa-t‑elle, le vêtement faisait 21 beaucoup plus d’effet sur sa jeune invitée qu’il n’en avait jamais fait sur elle. — Je n’ai jamais réussi à remplir le corsage aussi joliment que vous le faites, lui confia-t‑elle, renforçant instantanément la confiance de Cristina. Mais, parlez-moi de vos parents. Comment se portent-ils ? Elles conversèrent un moment, avant que Maria ne la présente à la ronde. Lorsque son hôtesse se mêla de nouveau à la foule, Cristina était déjà en grande discussion sur le jardinage avec des habitants des environs, tous aussi enthousiasmés qu’elle par les mérites comparés des différentes variétés de compost. A l’autre bout de la pièce, Rafael l’observa un instant, tout en avalant son whisky soda. Il se demanda ce qu’elle pouvait bien voir, puisqu’elle s’était entêtée à ne pas vouloir porter ses lunettes. Au lieu de cela, elle avait décidé de s’en remettre à sa seule lentille restante, et à la chance pour éviter de faire trop de dégâts autour d’elle. On ne pouvait nier, songea-t‑il distraitement, qu’elle fût dotée de courbes voluptueuses exactement là où il le fallait… Mais, quelle importance ! Il était plus que temps qu’il se mette en quête de sa mère. Elle ne manquerait certainement pas de le sermonner sur les vertus de la ponctualité ! A son grand étonnement, il n’en fut rien. Dès qu’il aborda les raisons de son retard — en pestant contre la tête de linotte qui avait failli lui valoir un accident — il vit sa mère chercher Cristina du regard. — C’est une perle, affirma-t‑elle avec affection. Je connais ses parents depuis toujours. Tu sais…, ils possèdent cette chaîne de bijouteries de luxe, en Italie. Ce sont eux qui fournissent toute la haute société. Des gens très influents, quoique discrets… Tu vois ce que je veux dire. Le ton qu’employait sa mère lui fit dresser l’oreille. Des bribes de phrases retinrent son attention. — Pas du genre à étaler leur fortune…, insistait-elle. Très 22 attachés aux traditions… Modernes malgré tout… Ravis que leur fille cadette s’installe à Londres… Et puis soudain, de but en blanc : — Elle ferait une épouse parfaite pour toi, Raffy ! Il faudrait quand même que tu songes à te fixer… 23 hors série Just married ! La fiancée idéale, Cathy Williams Pressé de se marier par sa mère, Rafael Rocchi finit par jeter son dévolu sur Cristina, une jeune femme aux courbes voluptueuses qui a tout de l’épouse idéale. Même si, pour parvenir à ses fins, il va devoir faire croire à la jeune romantique qu’il éprouve de tendres sentiments à son égard… Un mariage parfait, Rebecca Winters Regina est bouleversée. Dans quelques jours, elle devra épouser un homme qu’elle n’aime pas. Résolue à écouter une dernière fois son cœur, elle se rend chez Dinozzo, celui qu’elle aime en secret depuis toujours, pour partager avec lui une nuit d’amour – une seule… Une épouse en fuite, Lee Wilkinson Perdita pensait ne jamais revoir Jared Dangerfield, l’homme qu’elle a épousé des années plus tôt, mais qu’elle a quitté en apprenant qu’il avait une liaison. Pourtant, c’est bien lui qui se trouve aujourd’hui devant elle et qui exige qu’elle revienne vivre chez lui pour partager son lit. Si elle refuse, lui explique Jared avec cynisme, c’est toute sa famille qui en subira les conséquences… 1er avril 2016 2016.04.75.5169.8 ROMANS RÉÉDITÉS - 7,70 € www.harlequin.fr