Washington change de tactique en Afghanistan

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Washington change de tactique en Afghanistan
International
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mardi 23 juin 2009
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Washington change de tactique en Afghanistan
Le mois dernier, Stanley
McChrystal avait déjà annoncé
que les frappes aériennes ne
devraient plus être utilisées que
si les vies du personnel de l’Otan
ou des soldats américains étaient
en danger…
ASIE CENTRALE
L’état-major américain
veut réduire les pertes
parmi les populations
civiles en limitant
les raids aériens.
LES DRONES et les bombardiers
n’auront plus la permission de
minuit en Afghanistan. Tout juste
nommé à la tête des forces américaines et de l’Otan à Kaboul, le
général Stanley McChrystal a
annoncé son intention de restreindre les frappes aériennes et
de ne plus les utiliser dans les
zones peuplées de civils, afin de
réduire les dégâts collatéraux.
« La puissance aérienne contient
les graines de notre propre destruction si nous ne l’employons
pas de manière responsable », a-til déclaré dans une vidéoconférence dont le New York Times
s’est fait l’écho hier.
Cette analyse, qui pourrait
changer radicalement la manière dont l’état-major américain
fait la guerre en Afghanistan
depuis la recrudescence de
l’insurrection talibane, intervient alors que le Pentagone
reconnaît dans un rapport des
erreurs à l’origine d’une bavure
commise par un bombardier, le
4 mai dernier dans la région de
Farah, à l’ouest du pays. La
négligence du pilote, qui
n’aurait pas respecté les règles
d’engagement et aurait tiré sans
vérifier la présence éventuelle de
civils dans les bâtiments visés, a
coûté la vie à au moins 26 habitants, peut-être 86.
La multiplication des bavures
De nouvelles frappes aériennes ont appuyé ce week-end les troupes américaines en opération contre les talibans dans la province du Helmand. Guttenfelder/AP
en Afghanistan a créé une tension entre le gouvernement de
Kaboul et Washington. Elle a aussi exaspéré l’antiaméricanisme
des Afghans, tari le soutien de la
population à la guerre contre le
terrorisme et nourri la rébellion
anticoalition. Au fil des mois, le
bénéfice militaire des attaques
de bombardiers – l’élimination
physique de quelques responsables talibans – est devenu bien
inférieur au coût politique des
« dégâts collatéraux ». Comment
gagner une guerre dans ces
conditions ?
Le général David Petraeus, un
adepte de la contre-insurrection,
dont il a appliqué avec bonheur
les principes en Irak, a été chargé
par Barack Obama de changer de
stratégie en Afghanistan. Il est
impératif, affirme le nouveau
patron du commandement central basé à Tampa, en Floride,
« de gagner les cœurs et les
esprits » afin de retourner la
population contre les insurgés.
Pour améliorer l’image de
l’armée américaine en Afghanistan, où les talibans exploitent de
mieux en mieux les effets négatifs provoqués par les bavures, la
réduction des pertes civiles est
devenue un enjeu primordial des
forces de la coalition.
« Le peuple afghan est
au cœur de notre mission »
Ancien chef des forces spéciales, le nouveau patron de
l’opération américaine en Afghanistan a été nommé au moment
où les forces américaines
s’apprêtent à passer de 32 000 à
68 000 hommes, pour appliquer
la nouvelle stratégie contre-insurectionnelle du général Petraeus.
À peine arrivé sur le terrain, il a
ordonné un réexamen des priorités opérationnelles, affirmé que
les troupes devaient désormais
se concentrer sur la protection
des grands centres urbains. « Le
peuple afghan est au cœur de
notre mission. En réalité, il est
notre mission. Nous devons le
protéger de la violence, de quelque nature qu’elle soit », a-t-il
affirmé la semaine dernière en
prenant ses fonctions.
Depuis, le CentCom, d’où
sont dirigées les guerres en
Afghanistan et en Irak, recommande que les troupes américaines soient immédiatement
« réentraînées » et que soient
redéfinies les règles d’engagement des pilotes de bombardiers.
Au regard des excès commis sous
l’Administration Bush, c’est un
changement radical pour l’armée
américaine.
ISABELLE LASSERRE
La marine américaine traque les trafics de Pyongyang
CORÉE DU NORD
Les États-Unis tentent
de couper les routes
maritimes qui permettent
d’alimenter le régime
nord-coréen
en technologies sensibles.
Séoul
TEL un poisson-pilote, le destroyer USS John S. McCain ne
lâche plus le Kang Nam, un cargo
nord-coréen dont la destination
est aussi mystérieuse que sa cargaison. Après avoir quitté mercredi le port de Nampo, sur la
côte ouest de la péninsule
coréenne, à 50 km à peine de
Pyongyang, le navire marchand a
mis le cap sur l’Asie du Sud-Est et
cingle vers les tropiques, suivi de
son « escorte » américaine. Une
chasse en haute mer qui fait figure de test de l’efficacité des nouvelles sanctions votées par l’ONU
contre la dictature communiste,
en représailles de son essai
nucléaire mené le 25 mai dernier.
Et révèle la marge de manœuvre
limitée de l’Administration de
Barack Obama, pourtant déterminée à étrangler le régime de
Kim Jong-il.
Quelques jours à peine après
le vote de la résolution 1874 qui
interdit à Pyongyang tout commerce de technologie nucléaire
ou de missile, l’envoi du destroyer américain vise à démontrer la détermination de
Washington.
Des sanctions
à portée limitée
« Nous allons briser un modèle » qui voit la Corée du Nord tirer
bénéfice de ses provocations
depuis vingt ans, clame le président démocrate. Les États-Unis
veulent asphyxier la dictature en
coupant la route de ses technologies sensibles comme de ses
lucratifs trafics.
Mais, pour l’heure, la Navy se
contente de traquer le cargo
repéré par les services de renseignements, sans l’aborder. Car le
texte de l’ONU n’autorise pas
l’inspection d’un navire dans les
eaux
internationales
sans
l’accord de son équipage. Une
réserve essentielle négociée par la
Chine qui limite la portée des
sanctions. Bien que de plus en
plus irrité par son turbulent voisin, Pékin ne veut pas mettre à
terre le régime de Kim Jong-il,
Récemment nommé
par le Kremlin pour
rétablir l’ordre, le président
Evkourov a été grièvement
blessé hier.
C
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De notre correspondant à Moscou
LE CAUCASE russe a été de nouveau endeuillé hier matin par un
attentat visant un haut responsable nommé par Moscou. Le président de l’Ingouchie, république
voisine de la Tchétchénie, a été
grièvement blessé dans l’explosion d’une voiture piégée déclenchée, selon le parquet, par un
kamikaze. Son chauffeur et un
policier ont été tués. Iounous-Bek
Evkourov était hier dans un « état
sérieux », d’après un chirurgien,
mais ses jours n’étaient pas en
danger. Il a été évacué à Moscou
dans la soirée.
« Le président d’Ingouchie a
beaucoup œuvré pour rétablir
l’ordre et la paix civile dans la république. Cela ne plaît pas aux bandits », a réagi le président russe,
Dmitri Medvedev, montré à la télé
aux côtés du ministre de l’Intérieur
et du chef du FSB (les services
de renseignement). Iounous-Bek
Evkourov a été nommé en octobre
dernier à la tête de la petite république de 500 000 habitants gan-
grenée par le terrorisme et la corruption. Héros de la Russie, cet
officier parachutiste moustachu
âgé de 45 ans s’était distingué en
1999 en occupant l’aéroport de
Pristina au Kosovo, au nez et à la
barbe de l’Otan.
« C’est une tragédie », confie au
Figaro, depuis Nazran, Tamerlan
Akiev de l’organisation de défense
des droits de l’homme Mémorial.
« Beaucoup de gens fondaient dans
Evkourov l’espoir d’une stabilisation
du pays. » À peine nommé, le président ingouche a reçu les opposants
locaux, les familles de disparus souvent enlevés sans traces par les forces de l’ordre. « Il a commencé à
mettre de l’ordre », ajoute Orkhan
Djemal, journaliste de l’édition russe de Newsweek, « il a dénoncé les
vols massifs commis sous son prédécesseur Mourat Ziazikov ». De quoi
s’attirer des ennemis dans cet univers où « le business, le crime et les
boïvikis » (les combattants islamistes) sont liés, poursuit le journaliste
spécialiste du Caucase.
La piste islamiste
Tamerlan Akiev privilégie la
piste des boïvikis. Ceux-ci riposteraient à l’opération antiterroriste
lancée à la mi-mai sur le territoire
ingouche en coopération avec des
troupes tchétchènes. Akiev redoute l’envoi de renforts de troupes
sible de Pyongyang qui a prévenu
que toute inspection équivaudrait à « un acte de guerre ». En
pleine escalade des tensions, les
services de renseignements se
préparent une nouvelle provocation de Kim Jong-il, qui pourrait
prendre la forme d’un test de
missile balistique aux alentours
du 4 juillet. « Nous sommes parés
à toute éventualité », a affirmé
hier le président, n’excluant pas
une interception de missile. Le
5 avril, le dernier tir de fusée
nord-coréenne s’était abîmé au
milieu du Pacifique.
SÉBASTIEN FALLETTI
Collision mortelle entre deux
rames de métro à Washington
Un nouvel attentat
en Ingouchie relance la
tension dans le Caucase
RUSSIE
synonyme de stabilité aux portes
de l’Empire rouge.
Les États-Unis doivent donc
se rabattre sur une inspection
menée lors d’une escale pour
découvrir les secrets du Kang
Nam. Et tous les yeux se tournent
vers Singapour, plaque tournante
maritime de l’Asie du Sud-Est et
grand allié de Washington. À
moins que le Kang Nam ne déjoue
les plans américains en venant se
réfugier en Birmanie, un des derniers alliés de Pyongyang.
En attendant, la MaisonBlanche garde la tête froide car
elle craint une réplique imprévi-
ÉTATS-UNIS. Plusieurs personnes
seraient mortes et 55 autres
auraient été blessées, dont certaines grièvement, lorsque deux
rames de métro sont entrées
en collision frontale, hier, à
Washington, en pleine heure de
pointe, selon un bilan provisoire.
« Je vois deux rames de métro qui
sont, semble-t-il, entrées en collision à une assez grande vitesse », a
indiqué immédiatement un jour-
naliste de CNN qui se trouvait sur
un pont enjambant les voies de
métro à l’endroit de la collision,
entre les stations Fort Totten et
Takoma Park, à la limite de l’État
du Maryland. « Il y a apparemment un certain nombre de personnes coincées et d’autres personnes blessées », a-t-il ajouté. La
violence de l’impact a, semblet-il, fait se chevaucher les deux
trains.
EN BREF
Hier à Nazran, les enquêteurs ont inspecté les lieux de l’attentat
perpétré contre le président ingouche, Iounous-Bek Evkourov. Reuters
fédérales dont « l’exemple tchétchène a montré qu’elles apportent
le chaos et l’arbitraire ».
La guérilla islamiste s’est
intensifiée dans l’ensemble du
Caucase ces derniers mois, constate Orkhan Djemal. Les actes terroristes visent désormais des hauts
fonctionnaires bien gardés. Le
10 juin, la vice-présidente de la
cour suprême d’Ingouchie était
abattue. Le 5 juin, c’est le ministre
de l’Intérieur du Daguestan, l’un
des hommes forts de la plus grande république du Caucase, qui a
succombé à un attentat. L’explosion d’hier « est un défi lancé au
président de la Russie », estime
Akiev. Medvedev est monté en
première ligne sur les affaires de
sécurité, quand son premier
ministre, Vladimir Poutine, se
concentre, tout au moins dans le
jeu médiatique, sur le front économique.
Comme d’autres observateurs
pessimistes, Orkhan Djemal
redoute un regain de violence dans
tout le Caucase russe, alimenté, à
l’intérieur, par la crise économique et, à l’extérieur, par les tensions persistantes du versant sud,
en Géorgie.
FABRICE NODÉ-LANGLOIS
RWANDA. Hier, le Tribunal pénal
GABON. Le premier ministre
international pour le Rwanda
a prononcé une peine de 30 ans de
réclusion contre l’ancien ministre
de l’Intérieur Callixte Kalimanzira.
Le TPIR l’a jugé coupable
de génocide et de complicité
de génocide pour sa participation
à un massacre en 1994.
Jean Eyeghé Ndong a reconnu
hier sur France 24 que le scrutin
présidentiel pour élire
le successeur de feu Omar Bongo
ne pourrait avoir lieu fin juillet,
comme prévu par la Constitution,
estimant difficile de « régler
le problème » en 45 jours.
Le président somalien décrète l’état d’urgence
CORNE DE L’AFRIQUE. Le président somalien a déclaré, hier, l’état
d’urgence face à l’intensification des attaques des insurgés islamistes. Le
gouvernement ne contrôle plus qu’une petite partie du pays et a lancé ce
week-end un appel à l’aide à ses voisins.
L’Irak en proie à une vague de violences
MOYEN-ORIENT. Vingt-sept personnes ont été tuées hier dans une série
d’attaques à Bagdad. À l’approche du retrait prévu la semaine prochaine
de soldats américains des grands centres urbains du pays, l’Irak est en
proie à une vague de violences qui a fait plus de 100 morts en trois jours.
Samedi, dans la province de Kirkouk, à 250 km au nord de Bagdad, 72 personnes avaient péri dans l’attentat le plus meurtrier depuis un an et demi.