Interview d`Egis, un groupe international d
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Interview d`Egis, un groupe international d
Interview d’Egis, un groupe international d’ingénierie, de montage de projets et d’exploitation. J’ai rejoint EGIS Projects (groupe EGIS) depuis trois ans en charge du développement commercial à l’international sur les régions Amériques et Europe, et également responsable du développement des activités dans les domaines des Transports Intelligents. Quelle est l’activité principale d’EGIS dans le domaine des routes ? Pascal Lemonnier - Business Development Quel est votre parcours ? J’ai commencé à travailler dans le monde des péages et des ITS dans les années 90 pour une société qui à l’époque s’appelait CS Route, du groupe CSEE. J’étais directeur de projet international en charge de l’intégration des systèmes sur site, et c’est là que j’ai fait mes armes dans les pays d’Amérique Latine. Entre autres, j’ai géré le projet pour la mise en place des systèmes de péages et de gestion de trafic de l’Autoroute Nova Dutra entre Rio de Janeiro et Sao Paulo, mais également deux autres projets dans la région : un en Argentine (Buenos Aires – Ezeiza), et un autre au Chili (Santiago – San Antonio). J’ai ensuite évolué vers le monde des Telecom en rejoignant Sofrecom (Groupe France Telecom), toujours à l’international, en occupant différents postes de direction internationale et notamment de directeur des activités en Asie basé à Bangkok. EN 2005, j’ai décidé de revenir à mes premières amours chez CS (Communication & Systèmes), intégration de systèmes ITS et de péage, et en tant que responsable commercial sur l’Asie, directeur de projets pour la mise en place des systèmes de péage free flow en Irlande (M50) et à Vancouver (Golden Ears Bridge), directeur d’offre sur « Ecotaxe » puis pour finir directeur du « Business Development ». EGIS est avant tout une société d’ingénierie qui comprend 12 000 collaborateurs de par le monde. EGIS est depuis toujours tourné vers l’international, assurant la promotion de l’expertise française dans toutes les régions du globe. Il y a maintenant près de 25 ans, le groupe a créé EGIS Projects pour développer une offre à forte valeur ajoutée dans le domaine des concessions routières et aéroportuaires. Egis Projects est développeur et investisseur dans des projets de routes et aéroports, mais également intégrateur de systèmes de péage et de systèmes ITS clé en main, et surtout opérateur de ces infrastructures. Nous avons 24 sociétés d’exploitation dans le monde et sur tous les continents employant plus de 5 500 personnes. Nous gérons plus de 2400 km d’autoroutes, 1 200 000 transactions de péage par jour et plus de 2,5 millions de clients télépéage. Notre gamme de services d’exploitation comprend la gestion complète de systèmes de péage (manuel, automatique et électronique), l’élaboration et la mise en œuvre de politiques commerciales pour la gestion des clients, la sécurité et la gestion du trafic, ainsi que la viabilité (et notamment la viabilité hivernale), la maintenance de l’infrastructure et des équipements, et la gestion du patrimoine. Avec 80% de notre activité à l’étranger, nous sommes fiers d’être considéré comme l’un des leaders mondiaux de l’exploitation routière et des systèmes de péage. Plus spécifiquement, comment voyez-vous le développement de votre activité en Amérique Latine ? Le groupe Egis est présent dans différents pays d’Amérique Latine et notamment au Brésil avec près de 750 collaborateurs. Au Brésil, nous exploitons plus de 2000 km de routes avec in fine la sécurité des usagers comme principale préoccupation. En effet, nous installons et exploitons des stations de pesage des poids lourds afin de limiter la surcharge des camions, nous effectuons des contrôles de vitesse et de vérification de la conformité des véhicules, nous gérons des centres d’exploitation du trafic et d’informations aux usagers. Les besoins en transport au Brésil sont énormes, aussi bien pour l’exportation des produits agricoles et des minerais, que pour faciliter la mobilité urbaine. Pour le transport de marchandises qui se fait à 60% par la route, les ITS d’une part permettent de protéger le patrimoine routier et seront d’autre part indispensables pour augmenter la part des autres modes comme le fluvial par exemple. En ce qui concerne la mobilité urbaine, une mégalopole comme São Paulo par exemple est désireuse de solutions innovantes qui permettent de favoriser le développement des modes doux, l’attractivité des transports en commun et de limiter la congestion. Je n’ai pas de doutes que les outils que nous développons en Europe pourront s’appliquer également au Brésil. Dans la région, nous continuons notre développement avec des activités commerciales en Colombie, au Pérou, en Equateur et au Mexique où nous avons récemment créé une filiale. Nous pensons que ces pays sont des pays à fort potentiel pour nos activités dans un proche avenir, avec un volume important de projets ce qui permet d’envisager une croissance de nos activités dans la région. Nous sommes organisés pour répondre aux différentes sollicitations dans ces pays : ingénierie dans les domaines des transports publics, routiers, et aéroportuaires, mais également investissement dans les infrastructures (nous sommes investisseur dans l’aéroport de Viracopos au Brésil) et également comme opérateur (routes et aéroports) et intégrateur de systèmes. La compétition locale et internationale est très forte dans ces pays, les sociétés espagnoles sont très présentes, mais nous savons que notre savoir-faire est un atout et doit nous permettre de gagner des parts de marché, éventuellement à travers la mise en place de partenariats stratégiques avec des sociétés locales. Si vous deviez définir les ITS en quelques mots, comment les définiriez-vous ? Les ITS sont pour moi des systèmes et des services qui permettent d’améliorer la mobilité des biens et des personnes avec une meilleure gestion de nos infrastructures de transport, dans le but de : Premièrement, assurer une plus grande sécurité des déplacements et une meilleure gestion des accidents et évènements, Deuxièmement, optimiser les déplacements pour réduire les temps de trajet, les zones de congestion, et la pollution, Troisièmement, rendre accessible une offre de transport multimodal en simplifiant les modes de paiement et en fournissant une information pertinente permettant un véritable choix de déplacement aux usagers adapté à leurs besoins. Nous n’avons plus forcément les moyens, ni l’espace pour investir dans de nouvelles infrastructures de transport et donc l’heure est vraiment à l’optimisation de l’utilisation de nos structures existantes. Pour cela, nous avons besoin de développer des solutions ITS. Que pensez-vous de l’idée d’une mobilité qui se veut plus intelligente ? Comment se retranscrit-elle au sein des projets qu’EGIS développe à travers le monde ? En fait la question serait plutôt : avons-nous le choix? Je crois que non. Comme d’autres domaines, pour ne pas dire tous, les transports ont commencé leur transition numérique. Cela ouvre un champ important d’opportunités et de nouveaux services pour améliorer la circulation des personnes et des biens. Dans un monde de plus en plus soumis à une pollution importante avec des infrastructures saturées, il est essentiel de repenser notre manière de nous déplacer afin d’évoluer vers la mobilité intelligente. C’est vital. Pour moi, la mobilité intelligente revêt plusieurs aspects : 1. la gestion des big data : le cœur des nouveaux systèmes de mobilité intelligente ; 2. Le développement des outils et des services pour les usagers : prédiction de trafic, transports multimodaux, informations en temps réel, gestion des incidents, « door to door », covoiturage, « park & ride », … 3. La mise en place de système d’abonnements multimodaux pour simplifier les paiements des clients. En aidant les usagers à optimiser leurs déplacements, on réduit les risques de pollution et de congestion. Cette révolution s’accompagne de nouveaux modèles économiques « freemium » et proches des modèles internet. On voit en France naître un vivier de startups très dynamiques proposant des services innovants dans ces domaines. Cela stimule notre activité économique et renforce notre réputation et notre expertise vis-à-vis des pays étrangers. Egis est très actif dans les divers domaines de la mobilité intelligente car nous sommes persuadés que nous devons repenser les modes de déplacement pour demain. Les principaux projets et services proposés par Egis sont : La mise en place à Rotterdam d’un programme ambitieux de « Demand Management » qui propose des offres incitatives pour accompagner les changements de comportement, Une offre « smart parking » avec un paiement dématérialisé et un contrôle automatique et efficace, Nous travaillons avec des partenaires industriels sur les véhicules connectés pour offrir des bouquets de services, Nous avons également une offre KiWhi de carte sans contact interopérable pour la recharge des véhicules électriques, Nous avons participé en Belgique au projet « Tec it Easy » de la région Wallonne pour la mise en place d’un système de paiement sans contact interopérable et multimodal pour les transports publics. Selon-vous, quelles sont les principales difficultés à répondre aux AO ITS ? Je ne vois pas de difficultés particulières à répondre à des AO ITS. Les particularités de ce marché sont plus concentrées sur notre capacité à convaincre les donneurs d’ordre à mettre en place une politique de développement des solutions ITS sur leur infrastructure ou bien sur leur région pour les collectivités locales ou les institutions publiques. Pour le client, la rentabilité financière est ni immédiate, ni quantitative. Le bénéfice de l’investissement est plus souvent pour la communauté territoriale et l’environnement à moyen terme. Les business model s’éloignent de l’économie traditionnelle avec des structures de coûts assez complexes, ce qui rend difficile le calcul du retour sur investissement. Le marché est encore trop morcelé entre différentes catégories d’acteur : les sociétés Telecom, les sociétés informatiques (économie du web), et les acteurs traditionnels du transport comme les constructeurs automobiles, les opérateurs et les constructeurs d’infrastructure. Autant la justification sur les apports des solutions ITS pour la sécurité des déplacements n’est plus à démontrer et répond généralement à des dispositions légales ; que pour les nouvelles solutions de mobilité intelligente, les acteurs doivent souvent faire preuve de plus de force de persuasion pour convaincre les institutions publiques à investir. Mais les choses changent lentement depuis une dizaine d’années. Avec la montée de la congestion aux abords des villes, et dans les villes, et avec la prise de conscience internationale pour la lutte pour le climat et la réduction des gaz à effet de serre, on ressent ces dernières années une augmentation importante du volume des AO dans les ITS et une prise en compte dans les dépenses dans les budgets publiques. Je suis sûr que nous allons vivre une révolution, à travers la transition numérique dans la gestion des infrastructures, de la mobilité et des véhicules, et que le volume des marchés va croître de manière exponentielle dans les 25 prochaines années. A votre avis, quels sont les points forts des sociétés françaises à l’étranger ? Nous pouvons nous reposer sur une expertise forte grâce à un marché intérieur dynamique. La France a une longue expérience reconnue dans les domaines des concessions et de la gestion des infrastructures de transports et de la mobilité intelligente. Notre capacité d’innovation reste élevée en France et nous sommes l’un des premiers pays à avoir pris de fortes mesures au niveau national et gouvernemental pour assurer une meilleur sécurité sur nos routes et autoroutes. De même, nous nous sommes occupés très tôt des problèmes de congestion sur les accès principaux de nos villes, notamment à Paris, en mettant en place des solutions de gestion de trafic et d’information de l’usager. La France a également réussi son virage vers le numérique avec un grande nombre de startups qui ont développé des solutions innovantes dans les domaines de la mobilité intelligente, solutions reconnues en Europe, mais également aux Etats Unis et même en Chine. Le savoir-faire français s’exporte bien, il ne faut pas avoir de complexe par rapport aux Etats Unis ou à d’autres pays européens. Nous savons être flexibles, apporter des solutions adaptées à chaque contexte pays et c’est ce qui fait la force de l’industrie française. De plus, nous pouvons également nous reposer sur des institutions françaises, notamment gouvernementales, qui favorisent notre développement, comme ITS France ou Business France qui dynamisent nos activités à l’international et assurent la promotion de l’offre française. Auteur : Atec-ITS