1 Géographie : l`Union indienne : Nourrir 1.2 milliard d`hommes. 1

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1 Géographie : l`Union indienne : Nourrir 1.2 milliard d`hommes. 1
Géographie : l’Union indienne : Nourrir 1.2 milliard d’hommes.
1- Analyse critique des documents (10 points).
2- Exploitation adaptée (10 points) : rédigez un écrit de synthèse, résultant de l’analyse critique des
documents et visant à la transmission d’un savoir raisonné, en mettant en évidence les connaissances
et les notions que vous jugerez utiles à un enseignement de géographie du niveau choisi.
Document 1 : Claire Aubron, Hugo Lehoux et Corentin Lucas, « Pauvreté et inégalités en Inde
rurale. Réflexion à partir de deux diagnostics agraires dans l’État du Gujarat», EchoGéo [En ligne],
32 | 2015, mis en ligne le 15 juillet 2015, consulté le 27 octobre 2015. URL :
http://echogeo.revues.org.gate3.inist.fr/14226 ; DOI : 10.4000/echogeo.14226
Comme dans d’autres régions de l’Inde, les lois de réforme agraire des années suivant l’indépendance ont
modifié la répartition du foncier dans les deux cantons, sans toutefois la remettre fondamentalement en
cause. L’absence de réelle volonté politique, notamment de la part des États qui comptaient souvent les
élites foncières locales parmi leurs alliés, et les exemptions prévues par les lois ou rendues possibles par
l’ambiguïté des textes expliquent que le processus de réforme agraire indien ait été inabouti (Appu, 1997 ;
Pouchepadass, 2006 ; Breman, 2007a). À Petlad, certains Solanki, Parmar, Chauhan et Thakor qui
travaillaient sur les propriétés des Patel ont accédé à de petits lopins de terre d’un à deux hectares, rejoignant
le lot des quelques petits propriétaires qui existaient déjà dans la région. Ce sont néanmoins les terres les
moins fertiles qui ont été ainsi redistribuées. Les surfaces concernées, faibles à l’origine, le sont devenues
plus encore du fait des transactions foncières ultérieures. En effet, certains bénéficiaires de la réforme
agraire ont ensuite cédé les terres reçues aux Patel, soit dans le cadre de vente volontaire, soit dans le cadre
de crédit-bail qu’ils ne parvenaient pas à rembourser. Ce mécanisme de transferts de droits pour
endettement, qui est évoqué sous une forme temporaire par Servet (2007), est encore en vigueur aujourd’hui.
Mais surtout, la grande majorité des travailleurs agricoles de même que les pasteurs n’ont pas bénéficié de la
réforme agraire et sont restés sans terre.
À Dharampur, la plupart des grandes propriétés de la plaine accordées dans le passé par le roi ont vu leur
taille diminuer, mais certaines d’entre elles n’ont pas du tout été affectées. Certains employés permanents
adivasis et éleveurs caprins Ahir ont accédé au foncier directement ou par achat après la réforme agraire,
constituant des exploitations familiales de 0,5 à 4 ha dans la plaine. Les autres Adivasis sont devenus
formellement propriétaires des terres qu’ils cultivaient dans les montagnes. À la différence de Petlad, il n’y a
donc pas d’importante population de paysans sans terre à Dharampur. L’autre facteur d’évolution de la
structure foncière dans les deux zones est la division des terres en propriété entre fils, à chaque génération.
À partir des années 1970, la révolution verte et ses trois ingrédients – irrigation, engrais chimiques et
variétés à haut potentiel de rendement – (Dorin et Landy, 2002) ont transformé l’agriculture de la plaine
dans les deux cantons. Dans celui de Petlad, les parcelles accueillent généralement deux cycles de culture
par an, et parfois même trois. Les systèmes de culture se sont réorganisés autour du tabac, culture irriguée
d’hiver exigeante en travail mais très rémunératrice. Dans la plaine de Dharampur, la double culture
annuelle riz / sorgho est la règle dans les petites et moyennes exploitations. Les plus grandes se sont
tournées vers des cultures moins intensives en travail et plus rémunératrices : la canne à sucre, et à partir des
années 1990 les vergers de mangues. Les toutes petites exploitations (moins d’un ha) formées par les
divisions successives ont, au cours des années 2000, développé du maraîchage, dont les produits sont prisés
sur le marché émergent de la petite ville de Dharampur. Avec le développement de la collecte laitière et de
la fourniture d’intrants d’élevage à bas prix (insémination artificielle, concentrés) par les coopératives
laitières liées à AMUL, presque tous les agriculteurs de la plaine dans les deux zones sont devenus des
éleveurs laitiers, y compris ceux qui n’avaient pas de terre. Certains propriétaires Patel de Petlad et une
partie des anciens éleveurs caprins Ahir de Dharampur ont investi dans de plus grands élevages laitiers,
rassemblant de 30 à 200 mères. Même si ce point ne sera pas développé ici, notons que ces évolutions
posent des questions environnementales tant locales (quantité et qualité de l’eau) que globales
(consommation d’énergie fossile, émissions de gaz à effet de serre).
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Les montagnes de Dharampur, du fait de possibilités d’irrigation réduites, sont restées à l’écart de ces
révolutions verte et blanche. Pour subvenir aux besoins d’une population croissante, les agriculteurs adivasis
ont étendu les zones de culture de mousson près des maisons (riz et légumineuses) comme plus éloignées
(éleusine) sur la forêt. Le gouvernement, qui aurait dans un premier temps contribué à cette déforestation par
des prélèvements de bois, a ensuite délimité des espaces de reboisement, sur lesquels les activités agricoles
sont théoriquement interdites. La déforestation a réduit la biomasse produite dans les forêts qui jouait
jusque-là un rôle central dans le renouvellement de la fertilité des terres cultivées. Cela n’est sans doute pas
sans rapport avec la baisse des rendements évoquée par les agriculteurs et les faibles valeurs issues de nos
observations et enquêtes (0,5 à 1,2 t/ha pour le riz en montagne contre 2 à 3,5 t/ha dans la plaine voisine).
Notons que certaines familles adivasis en montagne ont pu accéder à l’irrigation, via l’installation de
pompes dans les cours d’eau et ont, elles aussi, développé une activité maraîchère. Ces investissements ont
été favorisés par des prêts et des subventions pour équipement accordés par des programmes d’État ayant
pour cible les populations tribales.
Document 2 : Kamala MARIUS-GNANOU. « Révolution verte et maîtrise alimentaire : le cas de la région
de Pondichéry ». Cahier Sciences humaines, n°28, 1992, p.235-259. En ligne :
http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_4/sci_hum/35890.pdf
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Document 3 : population,
production, sous-alimentation
Document 4 : Malnutrition et forte natalité
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Document 5 : Compte rendu du Café Géographique du 27 janvier 2015 (Paris, Café de Flore). Intervenants :
Frédéric Landy, professeur de géographie à l’université Paris Ouest-Nanterre-La Défense et Michaël
Bruckert, doctorant à la Sorbonne, chercheur en géographie culturelle de l’alimentation (travaille sur la
consommation de viande en Inde).
L’image d’une Inde peuplée de gens faméliques est périmée. Grâce à la « Révolution verte », le pays est
excédentaire depuis les années 70 et exportateur de produits agricoles. Mais au sein de la population, les
écarts sont très grands avec des riches qui souffrent d’hypercholestérolémie et d’obésité, et des pauvres qui
présentent des carences en minéraux et acides aminés par manque de protéines et qui bénéficient de
distribution de grains à bas prix.
La consommation de viande est un prisme révélateur de la société indienne. Si la consommation de céréales
baisse – et ce même dans les Etats peu prospères – au profit de la viande, des produits laitiers et des graisses,
elle n’en reste pas moins majoritaire pour la plupart des Indiens (la viande ne représente que
5kg/personne/an alors qu’on atteint 120 en Amérique, 90 en France et 50 en Chine).
Au facteur économique, il faut ajouter le facteur culturel. Statistiquement, la consommation de viande est
plus importante en contexte urbain et parmi les populations ayant un revenu supérieur. Mais cette pratique
reste condamnable pour de nombreux Hindous adeptes du végétarisme (30% de la population). A ce titre,
la licence de manger de la viande, et notamment du bœuf, accordée aux basses castes et aux intouchables
n’est doit pas être interprétée comme une marque de tolérance mais plutôt comme une forme de mépris à
l’encontre de ceux qui sont considérés comme inférieurs car moins purs.Parmi les mangeurs de viande,
nombreux sont d’ailleurs ceux qui s’en abstiennent certains jours pour des raisons de pureté rituelle ou de
contrôle du corps. La consommation de viande reste également régulée par des conceptions médicales : pour
la médecine humorale, les aliments carnés échauffent le corps et pour la médecine « moderne », ils
favorisent le sur-poids, le cholestérol ou l’hypertension.
Le facteur politique entre aussi en jeu. L’abattage et l’exportation de viande de bœuf offrent au BJP une
occasion de stigmatiser les musulmans qui en sont désignés comme les artisans. Maneka Gandhi, ministre
de Modi, a ainsi accusé l’exportation de viande vers les pays du Golfe de nourrir le terrorisme islamique : les
musulmans sont ainsi désignés comme des « ennemis de la nation ».
Plusieurs régulations pèsent donc sur la consommation de viande : économique, géographique (bouchers non
disponibles en zone rurale), culturelle, médicale et religieuse. […]
L’agriculture a été encouragée par la « Révolution verte » et le pays est aujourd’hui le premier exportateur
mondial de riz. Le monde rural regroupe les 2/3 de la population au sein desquels 2/3 sont agriculteurs, ce
qui représente un poids électoral considérable. Pourtant le BJP, à la différence du Congrès, a mis en avant
une politique pro-business qui a délaissé l’agriculture.
Aujourd’hui, l’agriculture a perdu de sa puissance relative et de son prestige. L’idéal gandhien des années
50 est devenu désuet. De plus en plus les paysans passent des contrats avec de grosses firmes. Est-ce un
signe de dynamisme ou de la fin de la paysannerie ? Même si une timide « Révolution doublement verte »
cherche à corriger les excès du productivisme, les agriculteurs ne verront leur salut que dans la
diversification des productions et l’accès à des revenus non agricoles.
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Document 6 : les espaces de la révolution verte
Document 7 : Présentation sur le site de la FAO du programme d’agriculture de Navdanya1 fondé sur la
biodiversité.
Les préoccupations majeures des agriculteurs de la région de Dheradun et Garhwal (Etat de l’Uttaranchal)
sont une réduction de la productivité des terres et l’emmagasinage des cultures commerciales (oignons,
pommes de terre, gingembres, radis, ail et safran des Indes). Les agriculteurs étaient obligés de mettre sur le
marché leurs récoltes surtout d’oignons et de pommes de terre immédiatement après la récolte, du fait de la
durée de conservation réduite.
Au début des méthodes conventionnelles d’agriculture, les agriculteurs pouvaient obtenir de bons prix sur le
marché mais avec le temps leurs marges de profits a commencé à se réduire chaque année. La durée de
l’emmagasinage des récoltes a commencé aussi à se réduire chaque année avec l’utilisation accrue d’engrais.
Navdanya est une organisation qui aide les agriculteurs intéressés à se convertir aux méthodes
organiques d’agriculture. Elle s’appuie sur le principe holistique de la conservation par la biodiversité et
l’agriculture durable. Navdanya considère essentielle la réintroduction de variétés traditionnelles comme les
millets et les pseudo-céréales utilisées auparavant car elles présentaient une valeur nutritionnelle importante
et étaient adaptées aux conditions locales mais de nos jours ces variétés traditionnelles ont pratiquement
disparue.
Navdanya a commencé ses activités par une consultation participative avec les agriculteurs locaux en vue de
cerner leurs problèmes essentiels. La lutte antiravageur, l’emmagasinage des récoltes, la réduction de la
diversité génétique, la disparition des variétés de semences, identifiées comme la plus importante menace
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ONG locale, financée par le gouvernement allemand
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pour la sécurité alimentaire des populations et de leur survie. Avec pour objectif de faciliter et d’aider la
reprise et l’adoption de l’agriculture organique, quelques agriculteurs novateurs ont été sélectionnés pour
démarrer le programme. De temps en temps on a donné à chaque agriculteur sélectionné une formation sur
différentes techniques d’agriculture organique (techniques du compost, la gestion des nuisibles et des
maladies, la sélection des semences et la gestion après récolte à partir de plantes locales). Des agriculteurs
confirmés ont été aussi invités en temps que consultants pour le programme de formation. Les agriculteurs
étaient également encouragés à partager leur expérience avec d’autres agriculteurs pendant la formation et
pendant la réunion. Les progrès accomplis par les agriculteurs sélectionnés étaient évalués régulièrement et
on leur fournissait des solutions et des suggestions à chaque étape du processus agricole. On a suggéré aux
agriculteurs de lancer la pratique agricole durable sur une petite parcelle afin de gagner en confiance.
Quelques agriculteurs issus de différents villages se sont mis à cultiver des oignons sur une parcelle plutôt
réduite après que Navdanya leur a promis de compenser toute perte de l’ensemble de la récolte.
Selon les instructions données par Navdanya, les agriculteurs ont cessé d’utiliser tout engrais chimique et
n’ont eu recours qu’aux cendres, au fumier et à l’urine de bovins. Tous ont obtenu des récoltes satisfaisantes.
On leur a demandé de garder la récolte pour évaluer la durée de conservation. Il a été prouvé qu’on pouvait
garder ces oignons bien plus longtemps, ce qui leur permettait de les vendre à un meilleur prix quand les
cours montaient.
Des visites des champs des agriculteurs qui avaient réussit avaient aussi leur importance dans la promotion
de la culture organique. Cela a encouragé d’autres agriculteurs à introduire des méthodes organiques dans
leurs champs. L’agriculture organique a été par la suite adaptée à d’autres cultures et en trois ans une
centaine d’autres agriculteurs se sont convertis à l’agriculture organique. Quelques uns des distributeurs
d’engrais (coopératives) ont même dû fermer du fait de la baisse de la demande. Les agriculteurs qui étaient
passés à l’agriculture organique ont aussi commencé à recueillir des semences, pour les cultures de l’année
suivante. Des pratiques agricoles traditionnelles et pratiquement oubliées ont été rappelées et appliquées,
comme les méthodes d’emmagasinage de la moisson et les méthodes traditionnelles de lutte antiravageurs.
De plus, on a réintroduit des variétés d’aliments et de semences presque oubliées. De nos jours, plus de 45
villages de la région n’utilisent absolument plus de produits chimiques et ont recours à des techniques
traditionnelles favorables à l’environnement qui ont montré leur efficacité pendant des siècles en Inde.
Les ressources clé qui ont permit aux agriculteurs petits et modestes de prendre le projet en main sont les
semences et la biodiversité. L’agriculture industrielle conduisait à l’érosion de la biodiversité et à la perte de
contrôle et d’accès aux semences. Ces tendances ont été renversées par l’intervention de Navdanya.
L’agriculture organique basée sur la biodiversité a assuré tout au long de l’année la sécurité alimentaire alors
qu’avec l’agriculture chimique, les cultures commerciales, l’insécurité alimentaire croissait. Cette pratique
est développée dans plus de 2 100 villages d’un bout à l’autre du pays.
En plus des activités déjà citées d’autres ont été entreprises par les ONG
• Banque communautaire de semences:
Navdanya a rassemblé, enregistré et conservé plus de 2 500 variétés de riz. On incite les agriculteurs à
sélectionner et à emmagasiner les différentes variétés des productions agricoles des villages;
• Registre communale de la biodiversité (CBR) et groupes organisés.
Nardanya a recueilli et mis à disposition le savoir local disponible sur les insectes, les plantes, les animaux
vivant dans la région. Toute information considérée comme valable pour la durabilité de l’agriculture était
noté (par exemple, médecine, contrôle des nuisibles, exigence des espèces selon les conditions
environnementales);
•Commercialisation (commerce équitable) : initiative commerciale pour les produits issus de l’agriculture
organique;
• L’éducation à la biodiversité et à l’alimentation pour les enfants des écoles.
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