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Notes de cours
Lumière et couleur
Une introduction historique et colorée à l’optique, à destination des
étudiants de 1ère année de licence.
Auteur : Sébastien Chénais
1
Université Paris 13
Institut Galilée
Licence 1 Sciences, Technologie, Santé
Cours « Interaction et Energie »
2
3
Introduction
Dans cette partie du cours nous allons nous pencher sur une question qui est une
des plus complexes, des plus riches et des plus passionnantes de toute l’histoire des
sciences, une question qui a mobilisé des générations de physiciens, depuis
l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui : quelle est la nature de la lumière ?
Nous ne partons pas de zéro : nous avons déjà rencontré le photon (vecteur de
l’interaction électromagnétique) : nous savons que lorsque des charges interagissent
entre elles par l’interaction électromagnétique, elles s’échangent des photons. Si les
charges oscillent suffisamment vite (à des fréquences de l’ordre de 1015 Hz) elles
échangent des photons de lumière visible : c’est comme cela que les électrons liés
aux atomes, en oscillant à cette fréquence peuvent produire de la lumière. Qu’ils
viennent d’une ampoule électrique, du soleil, ou d’un laser, les photons de lumière
que nous voyons viennent toujours de l’oscillation très rapide d’un électron.
Lorsque ces photons arrivent sur notre rétine (la « pellicule » sensible qui tapisse le
fond de l’œil), ils sont convertis en message nerveux qui est interprété par le
cerveau.
On peut donc considérer la lumière comme étant composée de « grains » sans
masse, les photons : on adopte alors un point de vue corpusculaire.
corpusculaire
Mais dans le cours précédent nous avons aussi parlé de la lumière comme un cas
particulier d’onde
onde électromagnétique.
électromagnétique
A priori une onde, continue, n’a pas grand-chose à voir avec des photons. Alors, où
est la vérité ? La lumière est-elle une onde ou est-elle formée de corpuscules ? A
moins qu’elle ne soit les deux à la fois ?
Nous essaierons d’apporter quelques réponses à ces questions. Puis nous verrons
brièvement les propriétés des ondes électromagnétiques.
électromagnétiques Par exemple, nous poserons
des questions aussi essentielles que :
- Que se passe-t-il lorsqu’on agite devant soi un peigne que l’on vient de passer dans
ses cheveux ?
- Quel est le point commun entre une lampe de poche, une grande antenne
émettrice de signaux de télévision, un four à micro-ondes et un portique à rayons X
utilisé pour la sécurité des aéroports ?
- Pourquoi les rayons UV sont-ils plus dangereux pour la santé que les micro-ondes ?
- Sachant que les téléphones portables reçoivent des micro-ondes, est-il aussi
dangereux de téléphoner que de mettre sa tête dans un four à micro-ondes ?
Puis nous nous intéresserons à la couleur,
couleur ou plus exactement à la perception
colorée, car nous verrons que ce que nous appelons couleur fait essentiellement
intervenir notre cerveau. Nous n’aurons pas la prétention d’aller très loin dans cette
4
étude (la science de l’étude des couleurs, ou colorimétrie, est un sujet très complexe),
nous tenterons simplement de répondre à quelques questions comme :
- Qu’appelle-t-on couleur pure ? Y a-t-il des couleurs qui ne sont pas pures ?
- Qu’obtient-on si on enlève du bleu à une lumière blanche ?
- Pourquoi les daltoniens voient-ils moins de couleurs que des individus normaux ?
- Comment une imprimante couleur peut-elle imprimer vos photos de vacances avec
un excellent rendu des couleurs, alors qu’il n’y a dedans que trois cartouches de
couleurs différentes (en plus de la cartouche noire) ? Quelles sont ces trois
couleurs ?
- Comment votre téléviseur ou votre moniteur couleur peut-il représenter autant de
couleurs différentes ? Y a-t-il autant d’émetteurs de lumière colorée qu’il n’y a de
couleurs à afficher ? Si non, combien y en a-t-il ? Quelle est leur couleur ?
Cette partie vous montrera aussi que la physique n’est pas une discipline close sur
elle-même : elle est intimement liée à la biologie, la chimie, la médecine…
Lorsque vous aurez appris votre cours, faites ce test : relisez les questions que nous
venons de poser dans cette introduction
introduction ; vous devrez savoir y répondre sans
hésitation.
5
I. Quelle est la nature de la lumière ?
Les premiers à s’être posés des questions sur la vraie nature de la lumière sont
encore une fois… les grecs de l’Antiquité. Mais sans apporter de réponse
satisfaisante. Les premiers progrès en optique
viendront, vers l’an 1000, d’un physicien arabe du
nom de Ibn-al-Haïtham1. C’est lui qui la première fois
a parlé de rayon lumineux : selon lui, une source de
lumière émet des rayons lumineux, qui se propagent
en ligne droite jusqu’à l’œil. Au XVème siècle, des
artisans italiens réalisent les premières lentilles en
verre : puis Snell (ou Descartes ?) découvre les lois de
la réfraction, qui explique comment les rayons sont
déviés en passant de l’air au verre. C’est la naissance de
Ibn-al-Haïtham (965-1039) l’optique géométrique. Il s’agit d’un domaine de
l’optique qui utilise uniquement le concept de rayon
lumineux mais dont les applications sont très nombreuses : on a pu réaliser des
instruments d’optique : loupe, télescope, lunette astronomique, jumelles,
microscope… Le rayon lumineux est un concept utile, mais il sert uniquement à
décrire comment se comporte la lumière, pas à comprendre vraiment ce qu’elle est.
I. a) La lumière estest-elle une onde ?
Huygens (1629-1695)
Deux conceptions s’affrontaient jusqu’à la fin du
XIXème siècle : certains pensaient (comme Newton) que
la lumière était corpusculaire, faite de petits grains ou
de petites billes voyageant à une vitesse très grande et
en ligne droite. Que sont alors les rayons dans le cadre
de ce modèle ? Ce sont tout simplement les trajectoires
des corpuscules. Pourquoi la lumière se propage-t-elle
alors en ligne droite ? Parce que les particules sont si
légères et si rapides qu’elles ne tombent pas sur Terre…
Il est naturel que Newton ait été amené à penser de
cette manière car il a connu dans sa vie un succès
incroyable avec sa théorie de la gravitation, que pas
une seule observation expérimentale ne venait
démentir…
1
Aussi connu sous le nom d’Alhazen en occident. Ibn-al-Haïtham (965-1039) vivait à Bassorah, dans l’actuel Irak.
La Mésopotamie était alors le centre intellectuel du monde.
6
Mais tout le monde ne pense pas comme Newton. Vers 1690, le physicien
néerlandais Huygens publia une autre théorie de la lumière, en partant de l’idée que
la lumière pouvait être une onde.
onde Comment explique-t-il les rayons lumineux ? Il dit
que ce sont des lignes fictives perpendiculaires aux fronts d’onde, qui définissent la
direction de propagation de l’onde (exactement comme l’on définit la direction de
propagation d’une vague à la surface de l’eau comme étant une ligne
perpendiculaire à la crête de la vague).
En physique quand une telle question se pose il n’y a qu’un seul juge qui puisse
trancher : l’expérience.
Raisonnons un peu : admettons que la lumière est une onde, elle doit donc en avoir
toutes les propriétés. Or il existe une propriété que partagent toutes les ondes
(acoustiques, mécaniques, électromagnétiques…) : lorsqu’on mélange deux ondes
issues de la même source, leurs amplitudes s’ajoutent en chaque point : elles
donnent lieu à un phénomène d’interférences
interférences.
interférences L’amplitude de la vibration résultante
(la somme des deux ondes) est liée au déphasage qui existe entre les deux ondes de
départ. Par exemple (voir ci-dessous), deux ondes qui s’additionnent en phase
donnent une onde plus intense à chaque instant, et il est évident que son amplitude
sera double ( sin (ωt ) + sin (ωt ) = 2 sin (ωt ) ). Mais si l’on additionne deux ondes en
opposition de phase, l’amplitude résultante est nulle à chaque instant
( sin (ωt ) + sin (ωt + π ) = sin (ωt ) − sin (ωt ) = 0 ).
REM : Les ondes stationnaires, vues dans le cours précédent, sont un exemple
particulier d’interférences, obtenues lorsque deux ondes progressives se propageant
dans des sens opposées se mélangent. Dans ce cas la vibration résultante n’a plus les
caractéristiques d’une onde progressive puisqu’elle n’avance plus : il existe des
nœuds (=interférences destructives) et des ventres (=interférences constructives) fixes
dans l’espace. On lui donne le nom d’onde stationnaire même s’il ne s’agit pas à
proprement parler d’une onde, mais bien du mélange de deux ondes.
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Addition de deux ondes
sinusoïdales en phase = onde
résultante d’amplitude double
Addition de deux ondes
sinusoïdales en opposition de
phase = onde résultante
d’amplitude NULLE
Si la lumière est une onde, il doit être possible, en mélangeant deux lumières,
d’obtenir lorsque les deux ondes sont en opposition de phase des interférences
destructives à certains endroits. Or si c’est vrai c’est plutôt paradoxal puisque cela
signifie que l’addition de deux lumières peut donner à certains endroits de
l’obscurité…
Et c’est bien ce qui se passe en réalité !
L’expérience la plus célèbre est celle des trous d’Young : on prend une source de
lumière monochromatique (qui émet de la lumière à une seule longueur d’onde, ou
une seule fréquence) qu’on envoie sur deux trous (il est nécessaire que la lumière
vienne de la même source au départ, pour des raisons que nous ne détaillerons pas
ici). Derrière les trous, on découvre sur l’écran que l'on obtient des franges
d'interférences, c'est-à-dire une succession de bandes lumineuses et sombres.
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Source ponctuelle
fentes
Figure d’interférences
Complément (***) : Vous n’avez peut-être jamais vu d’interférences lumineuses dans votre vie de tous les jours, ou
sans le savoir (les irisations d’une bulle de savon sont par exemple dues à des interférences). Ceci explique que l’aspect
ondulatoire de la lumière n’ait paru évident à personne avant le XIXème siècle. En fait, si vous prenez deux lampes de
poche distinctes et que vous les dirigez toutes les deux sur un écran blanc de façon à les mélanger, vous obtiendrez
simplement un spot plus brillant, et vous ne verrez jamais d’interférences. En fait, il s’avère qu’une condition pour
voir des interférences entre deux ondes est qu’elles soient issues de la même source.
source Si on prend deux lampes
distinctes, même si elles sont parfaitement monochromatiques pour définir sans ambiguïté une seule longueur d’onde,
le déphasage entre les deux ondes (paramètre clé qui gère l’état d’interférences : constructif, destructif ou intermédiaire
entre les deux) va varier sans arrêt car la lumière émise par les lampes n’est pas une simple sinusoïde infinie dont la
phase est fixée une fois pour toutes : c’est une succession de « trains d’ondes » de courte durée dont la phase est
totalement aléatoire d’un train d’onde à l’autre.
Toute l’astuce de Young lorsqu’il a mené son expérience était de partir de la même source de lumière au départ et de
la diviser en deux en mettant ses deux trous qui agissaient à leur tour comme deux sources ponctuelles : mais puisque
les rayons qui interfèrent sont issus de la même source, ils sont synchronisés : plus exactement on regarde la figure
d’interférences dans une zone où l’on est sûr qu’à chaque instant les rayons qui interfèrent sont issus au départ du
même train d’onde.
Sans faire de calcul, l’expérience d’Young peut s’interpréter de la façon suivante : si en un point M la lumière venant
du trou A doit parcourir une demi-longueur d’onde de plus que la lumière qui vient de B, alors à chaque instant les
deux ondes se retrouvent en M en opposition de phase : on trouve à cet endroit une frange noire. Si on se déplace un
peu sur l’écran pour se retrouver par exemple en M’ où l’onde issue de A a parcouru cette fois une longueur d’onde
entière de plus (que celle qui vient de B), les deux ondes se retrouvent en phase et c’est une frange brillante que l’on
observe. Et ainsi de suite : en continuant à se déplacer vers M’’, le décalage atteint 1,5 longueur d’onde, ce qui produit
à nouveau une opposition de phase.
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Après que Young eut réalisé cette expérience, il fallait
fallait bien admettre que la lumière
était une onde.
onde Depuis, d’autres expériences (portant sur la diffraction, la
polarisation) ont confirmé que la lumière était bien une onde. L’histoire paraissait
donc réglée une fois pour toutes, jusqu’à ce que…
I .b) Einstein
Einstein et Planck démontrent que la lumière est constituée de corpuscules : les
photons
En 1900, le physicien allemand Max PLANCK étudie l’émission de lumière par des
corps incandescents : il se demande pourquoi en chauffant une barre métallique à
des températures élevées elle devient rouge, puis jaune, puis blanche… (Problème dit
« du corps noir » car c’est ce qui arrive à n’importe quel objet qui est NOIR à
température ambiante, quand on le chauffe). Ce problème était sans réponse depuis
de nombreuses années. Les modèles existants conduisaient à des aberrations
inacceptables (la puissance rayonnée était infinie). A sa grande stupéfaction, Planck
découvrit qu’il arrivait à expliquer très exactement le phénomène (retrouver par le
calcul la même courbe que donne l’expérience) à
condition de considérer que l’énergie de la lumière était
quantifiée, c’est-à-dire que la lumière n’arrive pas (vers
l’œil, ou vers un détecteur) de façon continue comme une
onde, mais par paquets successifs, comme des petites
billes. Autant dire que Planck revenait à l’idée de Newton
des corpuscules. C’était tellement aberrant pour un
physicien de l’époque que Planck refusa lui-même de
croire à sa découverte ! Plus précisément, il accepta l’idée
de la quantification de la lumière comme un « truc » de
calcul, en se disant qu’on expliquerait bien un jour tout
cela de façon plus rationnelle.
En 1902, Einstein a 23 ans :
il travaille alors comme
fonctionnaire dans un obscur
bureau de l’office fédéral des
brevets en Suisse : 3 ans plus
tard il révolutionnera toute
la physique en écrivant…
quatre articles.
En 1905, Albert EINSTEIN reprit cette hypothèse de
la lumière corpusculaire pour interpréter l’effet
photoélectrique, mis en évidence par HERTZ en 1887,
qui avait observé que la tension nécessaire pour produire
une décharge dans un gaz raréfié est réduite lorsqu'on
illumine la cathode par de la lumière ultraviolette. Ceci
prouvait que la lumière est à même d'arracher des
électrons à la matière. Restait à comprendre les lois expérimentales observées, à
savoir : "l'énergie des électrons expulsés est uniquement fonction de la fréquence de
la radiation incidente, et ne dépend nullement de son intensité. Seul le nombre des
électrons expulsés dépend de son intensité".
10
Louis de Broglie, grand physicien lui aussi de ce début du 20ème siècle, et un des
pères fondateurs de la mécanique quantique, dira en 1933 : "la théorie ondulatoire
de la lumière qui paraissait vers 1900 reposer sur des bases inébranlables conduit à
considérer l'énergie radiante comme répartie uniformément dans l'onde lumineuse.
Un électron frappé par une onde lumineuse reçoit donc l'énergie radiante d'une
façon continue et la quantité d'énergie qu'il reçoit ainsi par seconde est
proportionnelle à l'intensité de l'onde incidente et ne dépend nullement de la
longueur d'onde. Les lois de l'effet photoélectrique paraissaient donc bien difficiles à
expliquer"2. Ainsi donc, des résultats expérimentaux ne pouvaient avoir
d'explications dans le cadre d'une vision ondulatoire de la lumière !
Pour sortir de l'impasse, "Einstein a donc admis que toute radiation
monochromatique est divisée en grains dont l'énergie a une valeur proportionnelle à
la fréquence, la constante de proportionnalité étant la constante de Planck.
Lorsqu'un électron contenu dans la matière recevra un grain de lumière, il pourra
absorber l'énergie de ce grain et sortir de la matière où il était enfermé, à condition
toutefois que l'énergie du grain soit supérieure au travail nécessaire à l'électron pour
sortir de la matière."
On notera la différence avec Planck : ce n’est pas Einstein qui a « découvert » le
photon proprement dit, mais à la différence de Planck : « Einstein a (…) admis que
toute radiation monochromatique est divisée en grains (…)».
Planck pensait que ses quanta était un truc de calcul, Einstein les accepte comme
tels et part du principe que la lumière est effectivement formée de corpuscules.
Dans un modèle corpusculaire de la lumière, celle-ci est composée de photons. Un
photon n’a pas de masse, ni de charge électrique. Son énergie (exprimée en Joules)
vaut :
E = hν =
hc
λ
E = énergie d’un photon, en Joules
h = constante de Planck ; h = 6,63 . 10-34 J .s
ν = fréquence de l’onde lumineuse associée (Hz)
λ = longueur d’onde (m)
c = vitesse de la lumière dans le vide (m/s)
2
in Louis de Broglie, Physique Nouvelle et quanta, Flammarion, 1933.
11
Il est souvent plus commode d’exprimer l’énergie du photon en eV (electronvolts) :
1 eV = 1,6 10-19 J.
Complément : Avec l’hypothèse des photons, l’effet photoélectrique s’interprète de
la sorte : dans un métal il existe des électrons liés au réseau cristallin mais libres de
se déplacer au sein du métal (ils sont responsables de la conduction du courant
électrique). Il est possible d’arracher un électron à condition de fournir une énergie
appelée travail d’extraction Wext. Cette énergie peut être fournie de diverses manières
(en chauffant le métal, en le bombardant avec des particules de matière) mais aussi
grâce à des photons. A une condition : il faut que l’énergie d’un photon soit au
moins égale au travail d’extraction. Dans ce cas le photon cède toute son énergie à
l’électron. C’est une interaction entre un photon et un électron. Trois cas de figure
sont envisageables :
- hν < Wext : l’énergie est insuffisante, l’électron reste prisonnier du réseau
métallique ;
- hν = Wext : l’énergie est juste égale au travail d’extraction : l’électron est
expulsé mais n’a pas d’énergie cinétique
- hν > Wext : un électron est expulsé avec un supplément d’énergie sous forme
d’énergie cinétique Ec = hν - Wext.
Remarque : Pourquoi la constante de Planck se note-t-elle h ? On a dit que Planck, au moment de
publier la théorie du corps noir, ne croyait pas en la réalité physique de cette quantification
réellement. Il acceptait cette formule car grâce à elle « ça marchait » mais il ne pensait pas que cela
puisse représenter la réalité. On raconte (légende ? réalité ?) que désespéré d’avoir à en arriver là, il
aurait baptisé sa constante h en référence à « Zur Hilfe » qui veut dire… « à l’aide » en allemand.
I. c) Conclusion : la dualité ondeonde-corpuscule
Les résultats expérimentaux sur l’effet photoélectrique et l’hypothèse radicale
d’Einstein ont plongé les physiciens dans des abîmes de perplexité. Car notre
question du départ reste entière : la lumière est-elle une onde OU un corpuscule ? A
l’époque de newton, aucune expérience ne pouvait décider si l’une des théories était
la bonne. A l’aube du 20ème siècle, les expériences montrent que les DEUX théories
sont bonnes !
Clairement les résultats des expériences précédentes paraissent contradictoires. Les
interférences lumineuses prouvent que la lumière est une onde, l’effet
photoélectrique prouve que la lumière est formée de photons.
On avancera dans ce problème si on comprend qu’en fait on ne se pose pas la
bonne question. Puisque l’expérience, le seul juge suprême en physique, nous dit que
la lumière se manifeste tantôt comme une onde et tantôt comme un ensemble de
12
corpuscules,
corpuscules c’est que la question consistant à se
demander si la lumière est une onde OU un
corpuscule n’est pas pertinente : la lumière n’est
ni l’un ni l’autre.
Remarquons déjà que la fréquence ν apparaît
dans l’expression de l’énergie d’un photon. Selon
l’expérience que l’on fait, la lumière apparaîtra
soit sous forme ondulatoire (on verra des
interférences, elle se diffractera, etc.) soit sous
forme de corpuscules (quand on regarde une
étoile très lointaine, donc très faiblement
lumineuse, avec un télescope par exemple, on
peut voir les photons arriver un par un)…
AidonsAidons-nous de l'analogie
l'analogie suivante:
suivante
Regardé sous deux angles différents, un cylindre
nous apparaît tantôt comme un cercle, tantôt
comme
un
rectangle.
Pourtant
il
n'est
ni
l'un
ni
l'autre.
Ainsi en est-il du photon,
dont l'image corpusculaire
ne serait qu'une facette
d'une entité plus complexe.
Si vous avez encore du mal
à voir comment un même
objet peut apparaître sous
deux
formes
aussi
contradictoires,
regardez
attentivement le dessin cidessous :
Que voyez-vous ? Certains
répondront tout de suite
« une
jeune
femme
détournant les yeux», alors
que d’autres répondront
d’abord « une vieille femme voilée ». En fait, les deux propositions sont vraies !
Elles s'y trouvent toutes les deux. La pointe du nez de la vieille femme est le menton
13
de la jeune femme. La vieille femme est vue de profil, tandis que la jeune femme
détourne le visage en dévoilant à peine son profil.
http://semsci.u-strasbg.fr/ondicule.htm
Et en pratique ?
Comment font les ingénieurs et les techniciens qui travaillent quotidiennement avec
la lumière (ou les ondes électromagnétiques) ? Ils utilisent tout simplement la
« facette » de la réalité qui est la plus pertinente pour leur application. Pour
concevoir une antenne de télévision par exemple, qu’elle soit émettrice ou réceptrice,
la diffraction et les interférences jouent un rôle majeur : le point de vue ondulatoire
sera donc plus utile, même s’il est tout à fait vrai de dire qu’une antenne émet ou
reçoit un programme de télévision sous forme de photons.
A l’inverse, pour un fabricant d’appareils photo numériques, équipés de détecteurs
en silicium (capteurs CCD, qui remplacent la pellicule des appareils argentiques), il
sera plus utile d’envisager la lumière comme étant composée de photons car le
principe de ces détecteurs est d’absorber un photon pour créer un électron qui
contribuera à un courant électrique (par un effet analogue à l’effet photoélectrique) :
l’aspect ondulatoire sera moins utile dans ce cas, mais il est quand même
parfaitement vrai de dire qu’un appareil photo numérique est sensible à des ondes
électromagnétiques.
COMPLEMENT : si le concept de dualité onde corpuscule a révolutionné toute la physique, c’est
qu’il ne concerne pas QUE les photons et la lumière… A l’inverse, Louis de Broglie a montré que
toute particule (électron, proton, noyau, atome, molécule,…) peut être considérée aussi comme une
onde. Ce type d’onde n’a donc, à nouveau, rien à voir avec les ondes acoustiques, ou avec les
ondes électromagnétiques (dont nous allons parler juste après, associées au photon), c’est un
nouveau type d’onde : les ondes de matière. Cela a pour conséquence, par exemple, que si vous
envoyez des électrons suffisamment lents sur deux fentes (expérience des fentes d’Young), au lieu
de trouver vos électrons derrière l’une ou l’autre des deux fentes comme on s’y attendrait (soit un
électron passe par la fente de gauche, soit par celle de droite, soit il ne passe nulle part) et bien
vous trouvez sur l’écran … la même figure d’interférences que si vous aviez fait l’expérience avec de
la lumière ! C’est-à-dire des franges régulièrement espacées… C’est très bizarre.
Rassurez-vous, ce comportement « ondulatoire » ne se manifeste qu’à toute petite échelle, et nous
n’en percevons rien à notre échelle. Et rassurez-vous une deuxième fois, vous n’étudierez pas ces
phénomènes cette année. Mais cela veut dire que tout ce qui se passe à l’échelle atomique et
moléculaire doit être décrit par une autre physique : la physique quantique.
14
Sans physique quantique, beaucoup d’objets de notre vie quotidienne d’aujourd’hui n’auraient
jamais vu le jour, en particulier tout ce qui repose sur les semi-conducteurs et donc toute
l’électronique, et par extension toute l’informatique !
15
II.
Les ondes électromagnétiques.
II.a. Qu’est
Qu’estu’est-ce qu’une onde électromagnétique ?
Comprendre la nature de la lumière n’est pas chose facile, comme nous venons de le
voir. On peut travailler avec la notion d’onde ou de photon, comme ça nous
arrange, et s’en servir pour concevoir et fabriquer des choses utiles, mais on
n’arrivera jamais à s’en faire une image mentale très satisfaisante.
Mais revenons plus spécifiquement à la nature ondulatoire de la lumière.
Le fait que la lumière est une onde constitue, si l’on y réfléchit bien, quelque chose
d’également très difficile à comprendre. Même si la lumière n’était qu’ondulatoire,
même s’il n’y avait pas cette histoire de dualité, ce serait une chose bien assez
mystérieuse comme cela.
Rappelez-vous : nous avons défini une onde comme « une perturbation qui se
propage en véhiculant de l’énergie, sans mouvement de matière ». Nous avons déjà
dit que lorsque vous émettez un son en parlant ou en chantant, vous faites vibrer les
molécules d’air de proche en proche, d’abord celles qui sont tout près de votre
bouche, puis celles qui sont un peu plus loin, etc. Mais aucune molécule d’air ne
fait le voyage entre votre bouche et l’oreille de votre interlocuteur.
Cette définition dit très clairement qu’il y a de la matière pour transporter l’onde.
D’ailleurs le son ne se propage pas dans le vide. Or on sait depuis longtemps que la
lumière, elle, peut se propager dans le vide (sinon, comment la lumière ferait-elle
pour venir du Soleil jusqu’à la Terre ?). Voila quelque chose qu’aucun physicien,
jusqu’à la fin du XIXème siècle, n’arrivait à comprendre.
Pourquoi ? Parce qu’à l’époque comme aujourd’hui pour la plupart d’entre nous, il
nous est très difficile d’admettre qu’une onde puisse se propager dans rien. C’est un
peu comme si l’on vous demandait d’imaginer une vague,
vague, mais sans eau.
Pour arriver à dormir en paix malgré ce problème en apparence insoluble, les
physiciens de la fin du XIXème siècle (Arago, Fresnel, Michelson…) ont imaginé qu’il
existait « quelque chose » qui occupait l’univers tout entier, et qui était le support
des ondes électromagnétiques : on donna à ce « quelque chose » le nom d’éther3
Mais aucune expérience n’a JAMAIS permis de montrer l’existence de ce mystérieux
éther. Pire, ces expériences ont montré qu’il n’existait pas.
3
Il s’agit encore d’un autre éther que celui évoqué dans le premier chapitre. La notion d’éther est tellement pratique
pour expliquer des choses qu’on ne comprend pas qu’elle réapparaît périodiquement dans l’histoire de la physique.
Aujourd’hui, les physiciens ont encore leur éther ! Cette fois c’est l’ « éther des bosons de Higgs » qui pourrait
expliquer la masse manquante de l’Univers. Alors, cette fois-ci, est-ce une réalité ou est-ce encore un concept ad hoc
inventé pour résoudre un problème particulier ? Personne ne le sait…
16
La solution est venue d’Einstein : la présence de l’éther est contradictoire avec les
expériences ? Et bien il faut… supprimer l’éther. Admettons qu’une onde se propage
dans le vide et finissons-en. Même si notre cerveau n’est pas tout à fait prêt à
comprendre une telle chose.
Mais ce n’est pas fini : la « chose » qui se propage est très abstraite puisque c’est une
r
r
combinaison d’un champ électrique E et d’un champ magnétique B . Une telle onde
s’appelle une onde électromagnétique. Elle n’a rien à voir avec une onde acoustique.
Définitions
r
• Un champ électrique E peut être défini en tout point de l’espace. Si l’on
place une charge ponctuelle en un point M (où règne un champ
r
électrique E (M ) ), cette charge ponctuelle q ressentira une force qui vaut
r
r
par définition : F = q E .
r
Un champ magnétique B peut également être défini en tout point.. Si l’on place en
r
un point M (où règne un champ magnétique B(M ) ), cette charge ponctuelle q
r
r r
r
ressentira une force qui vaut par définition : F = q V ∧ B , où V est le vecteur vitesse
de la charge ponctuelle et ∧ représente le produit vectoriel.
Historiquement, on a découvert les ondes électromagnétiques avant de se rendre
compte que la lumière en était aussi une. En fait, les ondes radio, télé (qu’on appelle
ondes hertziennes car c’est Hertz qui les a découvertes), mais aussi les ondes radar,
infrarouges, la lumière visible, les rayons ultraviolets, les rayons X, gamma, sont
TOUTES des ondes électromagnétiques. Et à ce titre, on peut associer à chacune des
ces ondes des photons, dont l’énergie est liée à la fréquence de l’onde par la relation
E = hν.
Avant de détailler les différentes ondes électromagnétiques, voyons quelles sont leurs
principales propriétés. Nous nous intéressons uniquement aux ondes planes4
monochromatiques se propageant dans le vide.
Propriété 1 : Toutes les ondes électromagnétiques (notées ondes EM dans la
suite) peuvent se propager dans le vide.
4
Nous avons défini dans le cours « ondes » une onde progressive comme y(x,t) = Acos (kx – ωt) où A est
l’amplitude, k le module du vecteur d’onde et ω la pulsation). A x et à t fixé, on voit que l’onde a la même valeur ∀ y
et ∀ z. Or dans l’espace 3D tous les points qui vérifient x=Cte sont situés dans un plan (infini en y et z)
perpendiculaire à la direction de propagation. Une onde qui prend la même valeur dans tout un plan est dite onde
plane. Dans la réalité on ne peut réaliser que des approximations d’ondes planes car on ne peut pas réaliser un plan
infini !
17
REMARQUE : une onde EM peut évidemment se propager dans autre chose que le
vide : la lumière visible traverse l’eau et le verre par exemple (puisque l’on dit que ce
sont des milieux transparents…), les rayons X utilisés pour la radiographie traversent
le corps humain, les ondes radio traversent bien l’eau (les nuages) mais mal les murs
en béton.
Propriété 2 : Dans le vide,, toutes les ondes EM, quelle que soit leur fréquence,
ont la même vitesse
vitesse (ou célérité) :
c = 299 792 458 m/s.
On retiendra une valeur approchée :
c ≈ 3 × 108 m/s = 300 000 km/s
REMARQUE 1 : Lorsqu’une onde EM change de milieu de propagation, elle
change de vitesse (elle va forcément moins vite que dans le vide car c est une vitesse
maximale que rien ne peut dépasser) mais aussi de direction (c’est le phénomène de
réfraction, intimement lié au fait qu’elle change de vitesse). Comme toutes les ondes,
la vitesse des ondes EM ne dépend que des propriétés du milieu de propagation.
REMARQUE 2 : la relativité nous apprend que la vitesse d’une onde
électromagnétique dans le vide est toujours égale à c quelque soit le référentiel.
Même si vous pouviez vous déplacer à la vitesse de la lumière et que vous allumiez
une torche, vous verriez la lumière partir à la vitesse c par rapport à vous !
18
Propriété 3 : une onde électromagnétique est composée d’un champ électrique
r
r
E
et
d’un
champ
magnétique
B
qui
oscillent.
REMARQUE : Nous n’insisterons pas sur le rôle du champ magnétique, qui est
essentiel pour comprendre la formation et la propagation des ondes, mais qui en
pratique a peu d’importance car l’effet d’une onde électromagnétique sur la matière
se manifeste essentiellement par l’intermédiaire de son champ électrique. Et ce qui
compte le plus pour les applications pratiques, c’est comment cette onde interagit
avec la matière (le détecteur).
r
r
r
r
On peut montrer que E et B sont en phase (c’est-à-dire que E et B changent de valeur
avec la même fréquence ν, en s’annulant en même temps, et en atteignant leur
valeur maximale en même temps).
Propriété 4 : une onde électromagnétique est une onde transverse : à chaque
r
r
instant les champs E et B sont perpendiculaires à la direction de propagation.
Si l’onde se propage horizontalement par exemple, les champs oscillent
verticalement, de la même manière qu’un flotteur oscillant sur une vague.
On voit donc que ce type d’onde n’a rien à voir avec une onde sonore (ou onde
acoustique). On veillera bien à ne surtout pas faire d’amalgame entre ces ondes.
Comme toutes les ondes elles ont une double périodicité : spatiale et temporelle.
19
rappels :
Périodicité spatiale : si l’on « prend une photo » c’est-à-dire qu’on arrête le temps, il nous apparaîtrait
quelque chose comme le dessin de la figure ci-dessus. La distance entre deux crêtes est par définition
la longueur d’onde.
d’onde Elle s’exprime en mètres.
Périodicité temporelle : Si on place un écran perpendiculairement à la propagation de l’onde, on
pourrait mesurer un champ E (et un champ B) qui oscillent à la fréquence ν = 1
T
Lien entre les deux périodicités : la longueur d’onde est la distance parcourue pendant une période
donc : λ = c T =
c
ν
II. b. Le spectre électromagnétique
Finalement, toutes les ondes EM allant à la même vitesse dans le vide, la seule chose
qui les différencie vraiment les unes par rapport aux autres est leur fréquence (ou
leur longueur d’onde dans le vide, car
λ=
c
ν
). On a donc pris l’habitude de
classer les différentes ondes par fréquences croissantes : c’est le spectre
électromagnétique.
électromagnétique
Selon leur fréquence, les ondes peuvent avoir des propriétés bien différentes (on
entend généralement par « propriétés » la manière dont elles interagissent avec la
matière : certains rayons X traversent le corps humain par exemple, mais pas du
tout la lumière visible ou ultraviolette…) et servent du coup à des choses différentes.
Par convention et par habitude, on donne des noms différents aux ondes EM selon
leur domaine spectral ; pour autant les frontières entre les domaines ne sont pas
nettes. Pour certains, un radar opère avec des ondes radio alors que d’autres
considèreront que ce sont des micro-ondes. Mais peu importe…Les
Les limites données
pour chaque domaine ne sont que des ordres de grandeur. Habituez-vous à retenir
les ordres de grandeurs (par ex : la fréquence typique des radiations lumineuses est
de l’ordre de 1014 - 1015 Hz), car ce sont des grands nombres qui ne nous sont pas
familiers.
20
Les ondes RADIO
Fréquence : de 0 à environ 109 Hz (1 GHz)
Longueur d’onde : de +∞
+∞ à environ 30 cm.
Elles ont les plus petites fréquences du spectre électromagnétique, donc les plus
grandes longueurs d’onde. Le spectre est découpé en gammes de fréquence, définies
une fois pour toutes, utilisées pour la radio (diffusion publique ou canaux privés
type police) et la télévision. Par exemple, la gamme allouée à la diffusion
radiophonique en modulation de fréquence s’étend, dans le monde entier, de 87,5 à
108 MHz.
Pour transmettre un signal utilisable il ne suffit pas d’envoyer une onde à une
fréquence donnée bien sûr. Il faut la moduler pour qu’elle porte le message à
transmettre. Cet aspect dépasse le cadre de ce cours.
21
Application Numérique : calculez la longueur d’onde de France Inter quand cette
station émet en FM (à 87,8 MHz) et en grandes ondes (à 163 kHz).
Les micromicro-ondes
Fréquence : de 109 à 1012 Hz (de 1 GHz à 1 TéraHertz = 1 THz)
Longueur d’onde : de 30 cm à 0,3 mm.
Les micro-ondes sont toutes les ondes que l’on trouve après les ondes radio et avant
les infrarouges.
La principale application des micro-ondes est dans le domaine des communications.
communications
Les satellites communiquent avec la Terre par des micro-ondes, ainsi que tous les
téléphones portables entre eux. Le système de téléphonie mobile GSM900
fonctionne autour de la fréquence de 900 MHz = 0,9 Ghz, donc juste à la limite
« ondes radio-micro-ondes » telle que nous l’avons définie : pour la communication
ascendante (uplink), en d'autres termes la communication du portable vers l'antenne
fixe de la station de base, le réseau GSM dispose de 124 canaux compris entre 890 et
915 MHz et pour la communication descendante (downlink) de 124 autres canaux
compris entre 935 et 960 MHz.
Les chercheurs qui ont mis au point les premières sources artificielles de microondes suffisamment puissantes ont très vite remarqué que les micro-ondes, comme
du reste la plupart des ondes EM, se réfléchissaient très bien sur les métaux, donc en
particulier sur les ailes d’avion ou… les capots de voiture. Ils venaient d’inventer le
radar : Radio Detection And Ranging.
Ranging Pour détecter un avion depuis une tour de
contrôle, il suffit d’envoyer des micro-ondes vers l’avion, et attendre de recevoir un
écho (l’onde réfléchie sur les ailes) : puisque l’on connaît très précisément la vitesse
de propagation des ondes (dans l’air c’est à peu de choses près la même que dans le
vide, c’est-à-dire c), on peut en déduire la position de l’avion. Mais on peut faire
mieux et connaître aussi la vitesse de l’avion, ou d’une voiture sur une autoroute.
On utilise pour cela l’effet doppler dont nous avons déjà parlé.
L’autre application connue, celle qui a démocratisé l’usage du nom de ces ondes,
c’est bien sûr le four à micromicro-ondes. Il utilise un rayonnement électromagnétique à
2,45 GHz qui chauffe directement les molécules d’eau comprises dans les aliments.
Puisque les micro-ondes sont particulièrement bien réfléchies sur les métaux, c’est
pour cela qu’il est fortement déconseillé d’introduire des objets métalliques dans un
four à micro-ondes pour ne pas perturber son fonctionnement.
22
Ce radiotélescope (télescope à ondes radio) capte les microondes et les ondes radio émises par les étoiles et les galaxies.
Principe du radar pour
repérer un avion
Le rayonnement
rayonnement infrarouge (ou « lumière infrarouge » ou « rayons infrarouge »)
Fréquence : de 1012 à 4.1014 Hz
Longueur d’onde : de 0,3 mm à 0,00075 mm = 750 nm
(1 nm = 1 nanomètre = 10-9 m).
On confond souvent infrarouge et chaleur. Le concept de chaleur est un concept
assez délicat que nous n’aborderons pas ici (c’est un des buts de la
thermodynamique que de définir précisément ce qu’est la chaleur). C’est vrai que si
vous ressentez une sensation de chaud (en vous mettant au soleil, ou devant un
radiateur), c’est que votre peau a absorbé les rayons infrarouges émis par le soleil ou
par le radiateur. Les atomes de n’importe quelle substance passent leur temps à
absorber ou à émettre des rayons infrarouges parce qu’ils sont en vibration
permanente. En fait, n’importe quel objet autour de nous rayonne des infrarouges
sans que vous vous en rendiez compte (ils sont invisibles !), essentiellement autour
de 10 µm.
µm Plus un corps est chaud et plus il émet d’infrarouges : les animaux, à
commencer par les êtres humains, émettent donc en permanence de fortes quantités
de rayons infrarouges dont la longueur d’onde est autour de 10 µm. Si nos yeux
étaient capables de détecter ces rayons à 10 µm, tout nous paraîtrait très brillant, de
jour comme de nuit puisqu’il s’agit d’un rayonnement propre et non pas du
rayonnement du soleil simplement réfléchi ! On utilise cela pour fabriquer des
caméras infrarouges, qui fonctionnent exactement comme des caméras pour la
lumière visible, mais avec des détecteurs sensibles à la longueur d’onde de 10 µm.
23
On les utilise comme caméras de sécurité (protection nocturne de bâtiments
sensibles), ou comme détecteurs très sensibles de température.
Exemple d’image obtenue avec une caméra
infrarouge sensible à 10 µm. Les niveaux de
gris sont associés à un niveau de signal
infrarouge émis. Puisque le flux infrarouge
émis est proportionnel à la température, c’est
un moyen très élégant pour mesurer la
température sans contact (application
récente : détection de fièvres potentiellement
dangereuses dans un aéroport)
On trouve également des rayons IR dans toutes les télécommandes et les
communications de données à courte distance.
La lumière visible
Fréquence : de 4. 1014 Hz (rouge) à 7.5. 1014 Hz (violet)
Longueur d’onde : de 750 nm (rouge) à 400 nm (violet)
Les limites sont floues : on donne souvent 400-800 nm pour simplifier, mais il faut
savoir que la lumière dont la longueur d’onde est comprise entre 750 et 800 nm est
à peine visible : il faut de très grandes puissances lumineuses pour voir une lumière
dans ce domaine spectral, alors qu’on arrive à percevoir seulement quelques photons
de lumière verte (là où l’œil est le plus sensible : voir sensibilité de l’œil dans la
paragraphe suivant). On retiendra donc plutôt 400-750 nm comme bornes du
spectre visible.
Elle n’occupe qu’une petite partie du spectre électromagnétique, et c’est pourtant
grâce à cette toute petite partie que nous pouvons voir tout ce qui nous environne !
Rendez-vous compte à quel point cette « fenêtre » est petite : entre la plus petite (4
1014 Hz) et la plus grande fréquence visible (7.5 1014 Hz), il y a à peine un facteur
deux. Pour comparer, dans le cas des ondes sonores audibles il y a un rapport 1000
(20 Hz – 20 000 Hz).
Un point essentiel, sur lequel nous reviendrons en détail dans le paragraphe suivant
est qu’à chaque longueur d’onde est associée une couleur. (mais la réciproque n’est
24
pas vraie : une couleur donnée, le jaune par exemple, ne correspond pas toujours à
une seule longueur d’onde).
Violet : de 400 à 450 nm (approximativement)
Bleu : de 450 à 490 nm
Vert : 490-560 nm
Jaune : 560-590 nm
Orange : 590-630 nm
Rouge
Rouge : 630-750 nm
La lumière blanche (celle qui est émise par le soleil par exemple) est un mélange de
toutes ces couleurs.
couleurs Le soleil émet toutes les longueurs d’onde du spectre visible,
mais avec un maximum vers 500 nm. On peut observer facilement la partie visible
du spectre électromagnétique en envoyant un faisceau de lumière blanche sur un
prisme : vous réaliserez cette expérience en travaux pratiques. Pourquoi ne voit-on
que les ondes EM situées entre 400 et 750 nm ? A cause de la structure de notre œil,
évidemment. Dans notre rétine se trouvent des pigments qui sont sensibles à
certaines longueurs d’onde, nous y reviendrons également.
Le rayonnement ultraviolet
Fréquence : de 7,5 1014 Hz à 1018 Hz
Longueur d’onde : de 400 nm à environ 0,3 nm
La frontière vers les hautes fréquences (basses longueurs d’onde) est très floue et
mêlée avec les rayons X.
Dans cette partie du spectre, nous arrivons à des rayonnements de haute fréquence,
donc plus énergétiques (car E = hν). Un rayonnement d’une fréquence supérieure
supérieure à
15
environ 10 Hz peut délivrer suffisamment d’énergie pour ioniser (= arracher un
électron à) un atome ou une molécule. S’il faut une énergie E0 pour arracher un
électron à un atome, on aura ionisation si l’atome absorbe un photon dont la
fréquence ν vérifie : hν > E 0
Des rayonnements de ce type sont dits “ionisants”.
La formation d'un ion positif ou négatif est le phénomène primaire qui donne
ensuite naissance à une série de réactions physico-chimiques (formation de radicaux
libres) aboutissant à des lésions de molécules biologiquement importantes (dont
l’ADN).
25
Tous les rayonnements ionisants (UV, X, gamma) sont donc dangereux pour la
santé. D’où le danger, bien connu, du bronzage prolongé.
Pratiquement tout ce qui nous environne absorbe les rayons UV. Pour des longueurs
d’onde inférieures à 200 nm, même l’air est absorbant, il n’est plus transparent ! Si
nos yeux étaient sensibles à l’UV plutôt qu’à la lumière visible, il n’y aurait rien de
transparent, tout serait opaque, à l’exception assez curieuse… des métaux.
Les rayons X
Fréquence : de 1016 à 1020 Hz (frontière floue avec le domaine UV !)
Longueur d’onde : de 30 nm à 3 pm (1 pm = 10-12 m)
Ils ont les mêmes propriétés (rayons ionisants) que les U.V.
Comparés aux UV ou à la lumière visible, ils passent facilement à travers de larges
épaisseurs de matière.
En imagerie médicale (radiographie X),
X) on utilise
des rayons X dont la longueur d’onde est comprise
entre 0,25 et 0,8 Å environ5 (fréquence comprise
entre 3,6 1018 et 12 1018 Hz). L’image obtenue est
simplement l’ombre
ombre du squelette, car ces rayons
passent à travers tous les tissus mais sont absorbés
par le calcium contenu dans les os. Puisqu’ils ont
une très faible longueur d’onde, les effets de
diffraction sont négligeables. Bien sûr les rayons X
sont encore plus énergétiques que les UV et sont
donc plus ionisants et plus dangereux : l’exposition
aux rayons X lors d’une séance de radiologie doit
donc être très sévèrement contrôlée.
On utilise aussi les rayons X pour sonder la matière et déterminer la nature des
cristaux par exemple.
Les rayons gamma
Fréquence : de 3 1019 Hz à +∞
+∞
Longueur d’onde : de 0,1 Å (10-11 m) à 0.
On donne le nom de rayons γ à toutes les ondes EM de plus haute fréquence. Les
rayons γ les plus énergétiques que l’on connaisse ont une longueur d’onde de l’ordre
de grandeur d’un seul noyau atomique. Ces rayons sont ceux qui sont émis par
5
Rappel : 1 Å (angstrom) = 10-10 m. C’est une unité intéressante car c’est la taille typique d’un atome.
26
radioactivité gamma : ils sont donc émis par des noyaux lors de fusion nucléaire et
de fission.
Pour en savoir + (mais en anglais) :
http://imagers.gsfc.nasa.gov/ems/waves2.html
(superbe site avec photos et d’exemples d’applications)
II.c. Compléments d’explication sur l’onde électromagnétique
Pour conclure, un petit complément pour illustrer ce que signifie concrètement un
champ électrique E (et un champ magnétique B) qui oscillent.
En pratique, on a vu que l’on négligeait le champ magnétique, donc ne parlons plus
que du champ électrique.
Si vous mettez un électron immobile quelque part et que vous envoyez de la lumière
dessus, ou toute autre onde électromagnétique, celui va se mettre à osciller car il va
r
r
r
subir une force F = q E = −e E (6) qui va changer de sens à la même fréquence que
l’onde.
r
E
Electron (-e)
r
E
r
F
r
F
A un instant t0, le champ est
par exemple vers le haut.
L’électron ressent une force
r
r
r
F = q E = −e E dirigée vers
le bas
Une demi-période plus tard (à t = t0
+ T/2 = t0 + λ/2c) le champ a changé
de sens, l’électron ressent une force
maintenant dirigée vers le haut.
Que forment plusieurs électrons qui se déplacent ensemble ? Un courant électrique…
Et dans quel type de matériau rencontre-t-on une multitude d’électrons qui ne
demandent qu’à se déplacer, et qu’on appelle pour cette raison des «électrons
libres » ? Les métaux, bien entendu. Ou les matériaux conducteurs, de façon
générale. Prenez un fil électrique ou un bout de métal, mettez le dans un champ
6
e désigne la charge de l’électron : e = 1,6 10-19 C
27
EM, récupérez le courant ainsi produit : vous venez de fabriquer une antenne de
réception.
A l’inverse n’importe quel électron oscillant à une fréquence ν va émettre une onde
électromagnétique à cette même fréquence. C’est le principe des antennes émettrices,
cette fois : si l’on envoie un courant alternatif dans un fil, il y a plein d’électrons
dans le fil qui oscillent au rythme du courant électrique : cette oscillation va générer
une onde qui peut ensuite parcourir l’espace et porter des informations.
Si l’on est capable d’envoyer dans un fil un courant électrique de fréquence 1014 Hz,
produira-t-on de la lumière ? La réponse est oui, mais on est aujourd’hui incapables
de générer de telles fréquences (on sait produire des courants de quelques GHz soit
jusqu’à 109 Hz mais pas au-delà).
28
III. La couleur
Qu’est-ce que la COULEUR ? Pour répondre (partiellement) à cette difficile
question, la physique ne suffit pas. Car si la physique permet de caractériser la
lumière qui entre dans l’œil (par son spectre), la sensation colorée qui en résulte est
le résultat d’un extraordinaire travail (photochimique, neurologique, psychologique)
réalisé par l’œil et bien sûr par le cerveau. Ces mécanismes ne sont pas encore
entièrement compris aujourd’hui.
I. L’œil
Dans cette partie nous nous intéressons aux principales caractéristiques de l’œil
humain. Pour comprendre plus en détail son fonctionnement et ses défauts (dont
les plus courants sont la myopie, l’hypermétropie, et la presbytie), il faut étudier un
peu plus l’optique géométrique, ce qui sera fait au second semestre (pour l’option
PC). Une coupe schématique de l’oeil est représentée figure 1.
Le globe oculaire de l’Homme a la forme d’une sphère de 23 mm de diamètre
environ (voir figure 1).
Figure 1 : coupe schématique de l’œil humain
29
L’enveloppe externe de l’œil, la sclérotique, est une membrane protectrice très
résistante de nature fibreuse et épaisse. Vers l’avant, elle devient plus bombée et
transparente (pour laisser passer la lumière !) et forme la cornée,
cornée calotte sphérique
de 16 mm de diamètre et de 2 mm d’épaisseur d’environ.
Sur la face interne de la sclérotique se trouve la choroïde, pigmentée en noir. Vers
l’avant, la choroïde prend une forme circulaire plane, l’iris
iris,
iris percé d’un trou appelé
pupille.
pupille L’iris peut être diversement coloré (il donne la couleur aux yeux : bleus,
verts, bruns…). La pupille est plus ou moins ouverte (entre 3 mm et 7 mm de
diamètre environ) selon l’intensité de la lumière ambiante (la pupille se ferme pour
ne pas éblouir l’œil en cas de forte lumière, et s’ouvre pour permettre de mieux voir
dans l’obscurité) mais aussi en fonction des émotions ressenties.
Derrière la cornée se trouve l’humeur aqueuse : liquide transparent remplissant la
cavité comprise entre la cornée et le cristallin. Elle est constituée d’eau et de sels
minéraux.
Le cristallin est une lentille convergente qui forme une image sur la rétine.
L’humeur vitrée : elle remplit le globe oculaire entre le cristallin et la rétine. C’est
un liquide transparent et gélatineux.
La rétine tapisse le fond de l’œil : c’est
une membrane très fragile, jaunâtre et
transparente. C’est la partie sensible de
l’œil. La figure 2 montre un fond
d’œil, c’est-à-dire une image de la
rétine. On y voit des vaisseaux
sanguins qui irriguent la rétine. On
trouve sur la rétine deux types de
cellules sensibles :
- Les cônes : ce sont les seuls à être
sensibles à la couleur. Ils participent
Figure 2 : image de la rétine telle que peut
essentiellement à la vision de jour. On
l’observer un ophtalmologiste (fond d’œil).
les trouve essentiellement concentrés
sur la fovéa (aussi appelée tâche jaune)
qui est une toute petite zone (environ 1 mm de diamètre) située au centre de la
rétine. Les cônes ont des dimensions et des formes assez variables et sont au nombre
de 7 millions seulement.
30
- Les bâtonnets : comme leur nom l’indique, ces cellules ont une forme allongée
(voir photo). Ils ne sont pas sensibles à la couleur et servent à voir la nuit (ils sont
très sensibles). On compte environ 120 millions de bâtonnets dans la rétine
humaine.
En dessous d’un certain seuil de luminosité, les cônes de désactivent et notre vision
n’est plus assurée que par les bâtonnets, qui ne sont pas sensibles à la couleur (il n’y
a qu’un seul type de bâtonnet et non trois comme pour les cônes). Tous les objets
apparaissent donc « en noir et blanc ». D’où l’expression familière « la nuit tous les
chats sont gris ». Ceci dit, le maximum de sensibilité des bâtonnets étant situé vers
le bleu, on voit le monde non pas en noir et blanc mais avec une teinte légèrement
bleutée.
Dans la fovéa il y a exclusivement des cônes, et dans la partie périphérique de la
rétine il y a exclusivement des bâtonnets. Dans toute la partie intermédiaire
(quelques mm autour de la fovéa), on trouve les deux entremêlés. Cônes et
bâtonnets constituent donc les récepteurs de lumière de l’œil. Ils sont reliés par les
neurones, les cellules de transmission des influx nerveux au nerf optique. Ce dernier
se détache du fond de l’œil à partir d’un point appelé le point aveugle (en effet, ce
point n’est pas sensible aux excitations lumineuses). Ce point aveugle ou papille est
très clairement visible sur le fond d’œil de la figure 2 (point brillant à gauche). La
photo ci-dessous (prise au microscope électronique à balayage) montre un morceau
de rétine où l’on trouve à la fois des cônes et des bâtonnets.
Complément : Jusqu’à une époque récente,
on imaginait que la rétine était une simple
matrice de détecteurs, un peu comme la
matrice CCD qui remplace maintenant la
bonne vieille pellicule argentique dans les
appareils photo ou les caméras numériques.
On pensait que l’image ainsi formée était
transmise via le nerf optique vers le cerveau
un peu de la même façon qu’une image
d’un capteur CCD est transmise à un
circuit électronique qui traite et interprète
cette image. Mais les choses sont plus
subtiles que cela : il s’avère tout d’abord
que la rétine est réellement une partie du cerveau : lors du développement de
l’embryon, un morceau de cerveau sort vers l’avant et de longues fibres poussent
vers l’arrière reliant ainsi les yeux au cerveau. L’œil n’est rien d’autre qu’une partie
31
du cerveau qui rencontre la lumière… Une partie de l’analyse d’image (mais
laquelle ?) est donc vraisemblablement effectuée au cœur même de la rétine avant
d’être envoyée dans le cerveau pour une analyse plus poussée. C’est un domaine qui
stimule encore beaucoup de recherches aujourd’hui.
Enfin, contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’image formée sur la rétine n’est
pas lue « pixel par pixel » (cellule après cellule) comme le fait (à peu de choses près)
un capteur CCD : c’est un processus global, beaucoup plus rapide et performant qui
a lieu. C’est un petit peu ce qui se passe avec la lecture. Dans la phrase qui suit,
seules les premières et dernières lettres de chaque mot sont correctes, toutes les
autres lettres ont été placées de façon aléatoire :
« Le corus de mhtas etiat viamernt euynnuex ce mtain ».
Avez-vous compris cette phrase ? Sans doute votre cerveau, qui s’est depuis
longtemps habitué à visualiser ces mots, a réussi à reconstituer la phrase correcte dès
la première lecture : « Le cours de maths était vraiment ennuyeux ce matin » (ce qui
n’est jamais le cas pour un cours de physique, comme vous l’avez sans doute
remarqué), alors qu’il vous manquait pourtant plus de la moitié des informations.
Un ordinateur, lui, ne sait pas faire ça (sauf, et encore pas toujours, si vous lui avez
appris TOUS les mots d’une certaine bibliothèque, c’est le principe des correcteurs
orthographiques automatiques). Pour les images c’est la même chose : le contexte, le
décor, le contour d’un certain objet, jouent pour beaucoup dans le processus de la
vision, qui repose sur des mécanismes beaucoup plus complexes que la simple
association « stimulus visuel sur une cellule sensible → message nerveux
correspondant ». Le traitement du signal a permis de formidables progrès dans un
passé proche en rendant moins « idiots » les ordinateurs, grâce notamment à
l’invention de procédés de compression de données « intelligents » (format mpeg
par ex) que vous étudiez en traitement multimédia. Mais l’œil et le cerveau humain
sont encore infiniment plus subtils que cela. Nous sommes encore loin, aujourd’hui,
de tout comprendre de cette incroyable machine qu’est l’œil.
II. Notion de spectre lumineux
lumineux
Un prisme est capable de disperser la lumière blanche en ses différentes longueurs
d’ondes (voir TP couleur et figure 3). Si on isole un fin pinceau de lumière après le
prisme, la lumière sélectionnée ne contient que quelques longueurs d’onde étalées
autour d’une longueur d’onde centrale : dans le cas où le pinceau est infiniment fin,
on n’a qu’une seule longueur d’onde et la lumière est dite monochromatique
(littéralement : une seule couleur en grec) ; on dit aussi (c’est synonyme) que la
couleur produite est une couleur pure.
pure (Les lasers sont des sources de lumière
monochromatiques qui émettent un rayonnement de couleur pure)
32
Figure 3 : décomposition de la lumière blanche par un prisme.
La correspondance entre couleur et longueur d’onde a été donnée dans le
paragraphe II (de 450 à 490 nm = bleu, etc.)
Important : Une longueur d’onde est associée à une couleur mais la réciproque est
fausse : une couleur n’est pas nécessairement associée à une seule longueur
d’onde. Dans la vie courante, un objet coloré n’est que très rarement (et pour
pour
ainsi dire jamais !) un objet qui n’émet qu’une seule longueur d’onde.
Intéressons-nous à un objet qui émet une lumière d’une certaine couleur. Deux cas
peuvent se produire : soit cette lumière est produite par l’objet lui-même (soleil,
lampe, flamme, barre de fer chauffée au rouge, etc.), soit il s’agit de lumière réfléchie
par l’objet quand de la lumière extérieure en général blanche l’éclaire (lumière
solaire ou éclairage artificiel). Dans les deux cas, ce que l’on veut savoir, c’est la
quantité de lumière émise en fonction de la longueur d’onde.
La fonction S(λ) qui donne cette information s’appelle répartition spectrale relative
ou plus simplement spectre de la lumière considérée. La figure 4 montre 3 spectres
typiques d’objets bleus, rouges, et jaunes.
C’est la répartition relative qui nous intéresse (par exemple : la source S1 de la figure
4 émet environ 2 fois plus d’énergie lumineuse à 400 nm qu’à 480 nm). C’est une
quantité sans dimension et normalisée (c’est-à-dire que l’on choisit S(λ) = 1 pour la
longueur d’onde où la source émet le maximum de lumière).
33
Donner la fonction S(λ) suffit à déterminer complètement une couleur. Mais à
l’inverse une perception colorée (« je vois du rouge foncé ») donnée peut
correspondre à plusieurs spectres S(λ)
S( ) différents.
différents Cette propriété s’appelle le
S(λ)
1
S3
S1
400
S2
500
700
600
800
λ (nm)
Figure 4 : spectres d’émission (normalisés) de trois objets colorés : S(λ) représente soit le spectre
d’émission si l’objet émet lui-même sa propre lumière (lampe par ex, soit le spectre de la lumière
réfléchie s’il s’agit d’ un objet (coloré) réfléchissant de la lumière blanche. S1 est le spectre d’un
objet BLEU, S3 celui d’un objet ROUGE, S2 celui d’un objet JAUNE (lumière blanche à laquelle on
a retranché le bleu). Les pointillés représentent les parties du spectre qui sortent du domaine
visible.
métamérisme.
Définition
Défini
tion : métamérisme. Deux couleurs sont dites métamères lorsqu’elles ont un
spectre différent mais qu’elles produisent sur l’œil la même sensation colorée.
Ex : les lampes à vapeur de sodium en forme de longs tubes en U qui équipent les
tunnels autoroutiers émettent un rayonnement jaune-orangé qui est presque
parfaitement monochromatique (il s’agit en fait de deux raies très fines, appelées
« doublet », situées autour de 589 nm). Il est possible de créer la même sensation
visuelle de jaune-orangé en prenant une lampe blanche et en disposant devant un
filtre qui ne laisse pas passer le bleu mais qui laisse passer toutes les longueurs
d’onde allant du vert au rouge en passant par le jaune et l’orangé. La lumière ainsi
créée aurait un spectre sans doute assez proche du spectre S2 de la figure 4 : Dans un
cas le spectre est formé de 2 raies très fines, dans l’autre cas il est continu et large,
est pourtant l’œil ne fait pas la différence entre les deux.
34
Ce qui pourrait apparaître comme une lacune7 est d’un autre côté une chance car
elle nous permet de recréer artificiellement toutes les couleurs existantes. Pourquoi ?
Nous allons maintenant voir comment des résultats de recherche fondamentale,
obtenus au 19ème siècle par des physiciens et des physiologistes qui travaillaient sur
la vision, ont permis d’aboutir à des inventions emblématiques du 20ème siècle : le
cinéma, la télévision et la photographie en couleur.
III. Le principe de trichromie
Repartons de l’expérience du prisme de Newton présentée plus haut : si l’on
rassemble toutes les couleurs éclatées en un seul point (grâce à une lentille), on
constate qu’en ce point on a recréé la lumière blanche du départ. C’est normal,
puisqu’on a juste remises ensemble les couleurs qui avaient été séparées par le
prisme.
Plus surprenant : si l’on isole à partir du spectre du prisme trois longueurs d’onde
particulières : une bleue, une verte et une rouge, en mettant trois fentes fines sur le
chemin de la lumière (voir TP couleur), on constate qu’en mélangeant ces trois
couleurs presque pures on observe à nouveau du BLANC. Ce blanc a le même
aspect que celui de départ et pourtant il y a beaucoup moins de longueurs d’onde
qui le composent !
Si l’on peut ajuster l’intensité de chacun des trois faisceaux de lumière
monochromatiques que nous avons isolés, et ce avant qu’ils ne se mélangent, on
constate que l’on peut créer plein de teintes nouvelles : du violet, du jaune, du bleu
turquoise, apparemment toutes les couleurs que l’on veut ! (voir aussi TP couleur)
On peut refaire l’expérience en n’utilisant pas cette fois des couleurs pures comme
couleurs de base mais des couleurs composées, à condition qu’elles restent grosso
modo bleu, vert et rouge (on ne peut pas faire la même chose avec trois teintes
légèrement différentes de bleu par exemple). La conclusion est la même : en
choisissant convenablement la proportion de chacune des trois couleurs de base, on
arrive à fabriquer n’importe quelle couleur !
Voici quelques combinaisons possibles (B pour Bleu, V pour Vert, R pour rouge):
B+V+R = blanc
7
car après tout, cela signifie que notre oeil n’est pas « si bon » que ça : nous ne voyons pas autant de couleurs qu’il y
en a dans la nature… Nous voyons deux spectres très différents et pourtant nous les confondons. Pour la
comparaison, imaginez ce que serait notre vision si nous voyions tout en noir et blanc (donc si nous n’avions qu’un
seul type de récepteur visuel sensible à l’éclairement qu’il reçoit et c’est tout, comme une simple pellicule noir et
blanc) : deux objets très différents (un pull rouge foncé et un pull bleu foncé par exemple) nous apparaîtraient
évidemment gris de la même façon. Cela nous laisse penser que la vision en couleur, et ses limites, ne dépendent que
des propriétés des récepteurs visuels placés sur la rétine…
35
B+V = cyan (sorte de bleu clair très kitsch)
B+R = magenta (sorte de mauve fushia)
V+R = jaune
Pour mettre des couleurs sur le dessin ci-dessus et faire de la synthèse additive
virtuellement, vous pouvez aller sur le site :
http://e.m.c.2.free.fr/classes/syntheseadditive.html
Si l’on part du mélange précédent (V+R=jaune) mais qu’au lieu de faire un mélange
en quantités égales nous mettons un peu plus de vert que de rouge, nous aurons des
teintes intermédiaires entre le jaune et le vert, c’est-à-dire un vert jaunâtre ou un vert
kaki selon l’intensité, d’une laideur difficilement discutable. Si au contraire nous
mettons plus de rouge, nous irons vers les teintes intermédiaires entre le jaune et le
rouge, à savoir : ocre, orangé. Ces mêmes couleurs moins intenses donneront des
teintes brunes.
Pour créer n’importe quelle couleur à partir des primaires :
http://www.cbu.edu/~jvarrian/applets/color1/colors_g.htm
Cette observation expérimentale est à la base du
P rincipe de trichromie : N’importe
’importe quelle couleur peut être créée en mélangeant en
primaires..
proportions convenables TROIS couleurs de base appelées couleurs primaires
Synthétiser une couleur en en additionnant d’autres plus simples s’appelle la
synthèse additive.
additive
Mathématiquement, il y a une analogie formelle entre la décomposition d’une
couleur quelconque en trois primaires et la décomposition d’un vecteur (dans
l’espace en 3 dimensions) selon trois vecteurs de base.
36
Si nous rajoutons une quatrième couleur (par exemple un jaune ou un orange), on
constate qu’on ne crée PAS de nouvelle couleur, car la quatrième est elle-même
réalisable à partir des trois autres. Autrement dit, trois couleurs primaires suffisent.
La télévision couleur (ou les écrans couleur) exploite cette propriété : s’il fallait
prévoir un pixel pour chaque couleur potentiellement affichable (un ocre, un vert
foncé, un magenta, etc.), il faudrait une infinité de pixels de couleurs différentes
pour un seul point de l’image ! Mais grâce à la trichromie, il suffit de disposer sur
l’écran trois pixels jointifs, un bleu, un vert et un rouge et de s’assurer pour que la
lumière émise par les pixels soit dans la proportion bleu/vert/rouge souhaitée : on
peut obtenir alors n’importe quelle couleur8. Il suffit que les pixels soient
suffisamment
suffisamment proches pour que l’œil ne soit pas capable
capable de les distinguer lorsqu’il
regarde normalement son poste de télévision : il faut donc que chaque pixel soit vu
avec un angle plus petit que la limite de résolution, qui est d’environ 1 minute,
c’est-à-dire 1/60ème de degré pour un œil normal.
La figure 5 représente ce que vous pouvez voir en vous approchant très près de votre
écran de télévision ou d’ordinateur.
Ensemble de 3 pixels
rouge+vert+bleu
figure 5 : écran de TV vu de près
La peinture et l’impression couleur (avec une imprimante jet d’encre par exemple)
n’utilisent pas la synthèse additive mais la synthèse soustractive (voir encadré pour
rappel). Au lieu de rajouter de la lumière (donc d’enrichir le spectre), on en enlève.
Les trois couleurs primaires de la synthèse soustractive sont le cyan, le magenta et le
jaune. En synthèse additive on part du noir et on cherche à créer la lumière blanche
en additionnant trois couleurs. Ici nous partons du blanc et cherchons à obtenir du
noir en superposant trois couleurs. Partons du blanc de la feuille de papier (par
8
lorsque la quantité de chaque primaire n’est pas variable continûment mais quantifiée (cas d’une image
numérique), le nombre de couleurs affichables est forcément réduit. Par exemple, si la quantité de chaque primaire
(rouge, vert, bleu) est quantifiée en 256 niveaux, on peut créer au maximum 2563 = 16 277 216 couleurs différentes,
ce qui n’est déjà pas si mal !
37
exemple) : le fait qu’elle soit blanche signifie qu’elle réfléchit toutes les longueurs
d’onde du spectre visible quand elle est éclairée par une source de lumière blanche,
comme le soleil ou une lampe blanche. Si nous mettons une couche de peinture
jaune par exemple sur la feuille, le vert et le rouge seront réfléchis et le bleu absorbé.
En ajoutant une couche de cyan, qui absorbe le rouge (puisqu’il réfléchit le reste,
c’est-à-dire le bleu et le vert), il ne restera que le vert qui est réfléchi (on sait bien
qu’en mélangeant de la peinture cyan (souvent confondue avec le bleu par les
enfants !) et de la peinture jaune on obtient du vert). Il suffit pour obtenir du noir
de superposer une couche d’une peinture qui absorbe vert, et qui donc réfléchit le
bleu et le rouge : c’est le magenta.
Voir à la fin de ce polycopié (annexe) l’allure des spectres associés à chacune des
couleurs primaires (de la synthèse additive et soustractive).
complément : Pour l’impression couleur on parle de quadrichromie et non pas de
trichromie parce qu’on rajoute la cartouche NOIRE aux trois couleurs primaires de
la synthèse soustractive (qui sont le cyan, le magenta, et le jaune). Cette cartouche
noire est indispensable pour doser l’intensité des couleurs (obtenir un vert plus ou
moins foncé par exemple). Pour faire la même chose en synthèse additive, il suffisait
d’envoyer plus ou moins d’intensité lumineuse sur chaque pixel ! La cartouche noire
sert aussi à économiser les cartouches couleur : en théorie il est possible d’obtenir
du noir en superposant les trois couleurs, mais cela reviendrait à utiliser les 3
cartouches à la fois à chaque fois qu’on a besoin d’imprimer une simple feuille de
texte.
Entraînement : voir exercice 12.
Conclusion : la trichromie est à la fois une « limitation » (pour notre œil plusieurs
spectres S(λ) différents apparaîtront de la même couleur) mais c’est aussi un
formidable atout car elle nous permet de fabriquer facilement n’importe quelle
couleur (télé couleur, photo couleur…)
38
Synthèse additive et synthèse soustractive :
Dans les dessins ci-dessous le spectre visible est schématiquement découpé en trois régions : bleu/vert/rouge
(dans cet ordre de gauche à droite : il est conseillé de rajouter des couleurs pour comprendre !)
Bleu
Vert
Rouge
Synthèse additive
Des lumières colorées ayant chacune un spectre correspondant à un tiers du précédent sont respectivement
Bleu
Vert
Rouge
L'addition de ces lumières deux à deux en proportion convenable donne respectivement une lumière :
Bleu
Vert
Rouge
Synthèse soustractive
Un filtre (ou un pigment) absorbe une partie du spectre de la lumière blanche :
Éclairés en lumière blanche, deux filtres superposés ou deux pigments mélangés ne renvoient vers l'oeil
(transmettent ou diffusent) que la partie commune des spectres qui les caractérisent :
IV. Explication de la trichromie
trichromie
39
Une question intéressante que l’on peut se poser maintenant c’est : pourquoi trois ?
Pourquoi peut-on reconstituer toutes les couleurs à partir de trois couleurs
primaires : pourquoi pas 2, pourquoi pas 48 ?
1) La sensibilité des cônes
La réponse à cette question vient directement de la structure de l’œil. Dès le XIXème
siècle, Grassmann et Maxwell (les fondateurs de colorimétrie, c’est-à-dire la science
de la mesure de la couleur) avaient postulé l’existence de trois détecteurs différents
sur la rétine, sensibles respectivement au bleu, au vert et au rouge.
Aujourd’hui on les a identifiés et isolés9 : il existe 3 types de cônes différents : des
bleus, des verts et des rouges, dont les courbes de sensibilité en fonction de la
longueur d’onde sont reproduites à la figure 7.
Comment lire le graphe de la figure 7 ? La figure 8 présente un exemple.
9
On a découvert récemment que la substance sensible (celle qui absorbe la lumière pour finalement générer un
message nerveux) est la même pour les trois cônes ainsi que pour les bâtonnets : c’est le rétinal. Ce sont en fait les
grosses protéines qui entourent le rétinal qui déterminent à quelles longueurs d’onde tel ou tel cône va être sensible.
Puisque le rétinal n’est pas fabriqué par le corps humain, il faut le manger. Le rétinal est consommé sous forme de
rétinol (l’alcool dont le rétinal est l’aldéhyde correspondant) qu’on appelle plus communément la vitamine A. Un
déficit de vitamine A peut engendrer des troubles sévères de la vision, allant jusqu’à la cécité en cas de déficit total.
40
Cône VERT
Cône ROUGE
Cône BLEU
Figure 7 : sensibilité des trois types de cônes présents dans la rétine humaine. Si l’on
additionne les trois on trouve la courbe de sensibilité de l’œil dans le domaine visible,
qui est maximale à 555 nm, dans le vert.
Figure 8 : exemple de deux spectres (en grisé) qui produisent la même impression
visuelle, donc qui semblent avoir la même couleur : un spectre monochromatique (à
gauche) à 560 nm, et un spectre continu (lumière blanche à laquelle on a retiré les basses
longueurs d’onde, à droite). Ces deux spectres correspondent tous deux à de la lumière
jaune.
41
Prenons une lumière monochromatique vers 560 nm : elle correspond à un beau
jaune bien franc. Cette lumière excite en quantité égale les deux cônes « rouge » et
« vert » puisque leur sensibilité à 560 nm est la même, mais elle n’excite pas le cône
bleu qui a une sensibilité nulle à cette longueur d’onde. Le cerveau reçoit donc
l’information suivante de la part des cônes : «nous avons zéro signal sur le cône
bleu, et le même signal sur le vert et le rouge », ce que le cerveau traduit en : « je
vois du jaune ».
Maintenant voyons ce qui se passe lorsque la rétine reçoit un spectre semblable au
spectre S2 de la figure 4 : un spectre continu et à peu près constant de 520 à 750 nm
et nul en dessous de 520 nm. On voit que le cône rouge va répondre très bien à ce
spectre puisque son spectre de sensibilité recouvre très bien le spectre de la source ;
le cône vert répond aussi très bien mais la surface de recouvrement10 est un peu plus
petite, ce qui est contrebalancé par le fait que la sensibilité est plus grande au
maximum pour le vert que pour le rouge : le signal envoyé vers le cerveau par le
cône rouge a finalement la même intensité que celui envoyé par le cône vert. Quant
au cône bleu, il envoie un signal complètement négligeable car sa courbe de
sensibilité ne recouvre presque pas le spectre. Les cônes vont donc envoyer pour ce
spectre un message au cerveau qui est identique au message précédent : « zéro signal
sur le bleu, signal identique sur vert et rouge ». Le cerveau va interpréter ce message
de la même façon : « je vois du jaune ».
Voilà donc expliqué le métamérisme.
Nous ne sommes pas capables de distinguer des objets ayant deux
deux spectres différents
à partir du moment où ils produisent sur la rétine une excitation des cônes bleus,
vert et rouges dans les mêmes proportions.
Pour le cerveau, la couleur n’est donc qu’une série de trois nombres, qui
représentent respectivement l’intensité
l’intensité reçue sur le cône bleu, l’intensité reçue sur le
cône vert, et l’intensité reçue sur le cône rouge11.
Une infinité de spectres S(λ)
S( ) différents peuvent donc produire la même impression
de couleur sur l’œil.
10
Le signal reçu est proportionnel à l’intégrale
∫ S (λ ) V (λ )dλ où S(λ) est le spectre de la lumière détectée, et
V(λ) la sensibilité du cône vert. Pouvez-vous le justifier ?
11
En réalité le cerveau est plus complexe et ne reçoit pas de la rétine directement les signaux Bleu (B), Vert (V) et
Rouge (R) : il se sert de l’intensité sur le cône vert (qui est le plus sensible) pour apprécier la luminosité de la scène
observée (en colorimétrie c’est ce qu’on appelle le signal de luminance) ; pour compléter cela et accéder à la couleur
il se sert de deux autres signaux appelés signaux de chrominance qui sont en fait la différence entre le signal vert et
le bleu (V-B) et la différence entre le vert et le rouge (V-R). Notez que cela ne change rien au fait que le cerveau
« reçoit » 3 signaux et que c’est avec ça qu’il interprète une couleur.
42
La façon dont nous percevons le monde est donc complètement dépendante des
propriétés chimiques des grosses protéines (l’opsine) qui forment chacun de nos
cônes.
La notion de couleur n’est pas une notion objective, comme toutes celles que l’on
traite habituellement en physique (la masse, la force, le spectre sont des quantités
que l’on peut mesurer objectivement car elles ne dépendant pas de la personne qui
les mesure).
Les daltoniens (aussi appelés dichromates)
dichromates n’ont que 2 cônes opérationnels (le plus
souvent c’est le vert ou le rouge qui manque, il peut aussi s’agir du bleu mais c’est
extrêmement rare) : ils n’ont donc que deux cônes pour décomposer tous les
spectres possibles au lieu de trois : ils voient donc moins de couleurs que les
individus normaux (ou trichromates), et peuvent reconstruire toutes « leurs »
couleurs, celles qu’ils perçoivent, avec deux couleurs primaires seulement.
Remarque : on peut voir d’après la fig. 7 que les sensibilités des cônes verts et rouges
sont très proches. La faible différence entre les pigments des cônes verts et des cônes
rouges suggère qu’ils dérivent tous deux d’un pigment commun à une date récente
de l’évolution. Cette hypothèse est confirmée par le fait qu'à part l’espèce humaine,
seuls les singes de l’ancien monde sont trichromates alors que le daltonisme est de
règle chez les singes du nouveau monde. On peut donc supposer que cette
modification génétique est apparue après la séparation des continents il y a 40
millions d’années.
2) Lien avec les couleurs primaires
Attention ! Les sensibilités des cônes
cônes ne sont pas les spectres des couleurs primaires !
On pourrait penser que pour choisir de bonnes couleurs primaires (par exemple les
spectres des pixels rouges verts et bleus des télévisions couleur), il suffirait de
prendre des lumières dont les spectres sont ceux de la figure 7 : c’est faux ! En effet
si l’on envoie sur l’œil une lumière dont le spectre est exactement celui
correspondant à la réponse du cône vert par exemple, on voit qu’elle va exciter
également le cône rouge (car ce dernier est sensible à toutes les longueurs d’onde
supérieures à 440 nm environ) mais aussi un peu le bleu (qui est sensible jusqu’à
520 nm). Ce n’est donc pas du tout le bon moyen pour n’exciter QUE le cône vert.
En fait, il n’y a aucun moyen de n’exciter que ce cône.
Il faut comprendre la trichromie comme suit : puisque l’œil n’a que trois détecteurs,
une couleur ne représente pour lui qu’une collection de trois nombres. Il suffit
43
donc pour « coder » n’importe quelle couleur de partir de trois couleurs de base et
d’attribuer un poids différent à chaque primaire.
Prenons un téléviseur couleur qui retransmet une image représentant un beau ciel
bleu. La couleur du ciel sera par exemple codée de la façon suivante : « intensité 255
sur le pixel bleu, intensité 150 sur le vert, et intensité 30 sur le rouge12 ». Notons
que ces proportions dépendent directement du spectre de chaque couleur primaire,
c’est-à-dire du spectre émis par chaque pixel lorsqu’il est allumé séparément.
En faisant ce mélange, on obtient une couleur qui est bleue mais pas du tout de la
même teinte de bleu que si l’on avait décidé d’activer seulement le pixel « bleu »
(qui apparaîtrait plutôt bleu foncé). Comment notre cerveau va-t-il comprendre ce
message ? Pour lui la couleur sera aussi un ensemble de trois nombres, comme on
l’a vu avant, mais a priori ces nombres seront différents.
L e principe de trichromie n’est pas une propriété fondamentale de la lumière,
lumière ,
c’est une propriété liée aux facultés du cerveau humain.
Si la trichromie était une propriété fondamentale de la lumière indépendante de
tout observateur, cela voudrait dire que tout spectre S(λ) pourrait se décomposer de
manière unique sur une base de trois fonctions B(λ), V(λ) et R(λ) que l’on aurait
choisi convenablement. Ce n’est pas le cas.
Il est aisé de se convaincre qu’il est impossible de fabriquer l’un des spectres de la
figure 4 en partant de trois couleurs primaires qui seraient des couleurs
monochromatiques, c’est-à-dire trois pics très fins (un dans le bleu, un dans le vert,
un dans le rouge). Même en prenant ces pics plus ou moins hauts, on n’arrivera
jamais à additionner ces fonctions pour refaire, par exemple, S1. Et pourtant ces
trois couleurs monochromatiques peuvent servir de couleurs primaires. Cela veut
dire qu’en choisissant les bonnes proportions on peut recréer un spectre (formé de
trois pics de hauteurs différentes) qui aura la même couleur que S1, autrement dit
qui sera métamère de S1.
On peut se demander si n’importe quel choix de couleurs primaires peut convenir.
La réponse est non : si on choisit trois couleurs au hasard, on arrivera certes à
12
Sur un écran d’ordinateur ou une télévision numérique, on ne peut pas faire varier continûment (comme on peut le
faire avec un potentiomètre pour faire varier la puissance d’une lampe) le niveau d’intensité pour chacun des trois
pixels. Cette intensité est une valeur numérique et non pas analogique, ce qui signifie qu’elle est quantifiée (voir
cours traitement multimédia). Si l’intensité de chacun des pixels est codée sur 8 bits (c’est-à-dire qu’elle s’écrira sous
forme d’un nombre binaire à 8 chiffres AAAAAAAA, où A ne peut valoir que 0 ou 1), il n’y a que 28 = 256 valeurs
possibles pour l’intensité. Un tel écran ne peut donc afficher « que » 2563 = 16 277 216 couleurs différentes. C’est
en fait largement plus que ce que l’œil est capable de distinguer. On estime qu’un œil normal ne peut pas distinguer
plus d’un millier de teintes différentes.
44
recréer toute une palette de couleurs en jouant sur le poids relatif des trois primaires
mais la palette ne sera pas très riche (on se doute par exemple que si l’on choisit un
primaire rouge, un orangé et un jaune par exemple on n’arrivera jamais à faire du
bleu…). On peut montrer que le meilleur choix13 est de partir de trois primaires
monochromatiques : un bleu (429 nm) un vert (524 nm) et un rouge (628 nm).
Actuellement les pixels des écrans de télé ne sont pas du tout monochromatiques, ce
qui exclut certaines couleurs. C’est pour cette raison qu’il existe actuellement un
effort important de recherche sur la projection par laser : le principe est d’utiliser
comme primaires trois rayons laser, monochromatiques, qui balayent à très grande
vitesse l’écran (suffisamment vite pour produire une image entière en un temps
inférieur au temps de persistance rétinienne). La palette des couleurs reproduites
approche alors de très près toute la gamme visible par l’œil humain, et la luminosité
de l’image est sans égale.
Il est intéressant de remarquer que si les cônes sensibles au bleu ont une courbe
spectrale bien distincte des autres, pour le rouge et le vert il y a un tel recouvrement
qu'il est impossible de les exciter séparément. Ce recouvrement contribue largement
à notre sensibilité à la couleur. En effet, à partir du moment où une seule famille de
cônes répond aux stimuli, comme c'est le cas aux extrémités du spectre visible, il
n'est plus possible de percevoir de différence de couleur.
3) Les différentes représentations des couleurs (lien avec le cours de traitement
multimédia)
multimédia)
Nous avons vu que puisque notre rétine est composée de 3 cônes, nous pouvons
tout savoir d’une couleur avec seulement 3 nombres, ce qui rend possible la
reproduction d’une couleur (sur un écran par exemple, grâce à seulement 3 pixels).
Lorsque l’on regarde un ciel bleu, que ce soit directement en levant les yeux, sur une
télévision à tube cathodique, ou sur un écran LCD de téléphone portable, nous
voyons la même couleur alors que les spectres physiques S(λ) sont en fait très
différents, nous avons déjà longuement insisté sur ce sujet (les couleurs sont
métamères).
Tout comme notre position dans l’espace peut être déterminée par seulement trois
nombres (par exemple la latitude, la longitude et l’altitude), une couleur (et donc
par définition toutes les couleurs métamères de cette couleur) peut être représentée
comme un point dans un espace à trois dimensions.
13
Ce meilleur choix ne permet toutefois pas de créer absolument toutes les couleurs, en particulier les couleurs pures,
qui ne sont pas fabricables à partir d’autres couleurs pures.
45
Il importe donc, en pratique, de savoir comment coder
coder une couleur, autrement dit
de choisir les bons axes pour notre repère à 3 dimensions. Si l’écran LCD code la
couleur bleue du ciel sous la forme « intensité 125 sur le pixel bleu, 50 sur le vert, et
16 sur le rouge » (sur une échelle 8 bits par ex, comportant donc 256 niveaux),
nous attribuons au bleu du ciel le point de coordonnées (125 ; 50 ; 16).
Mais il y a un problème : si l’on applique ces mêmes nombres sur les pixels bleus,
verts et rouges d’un autre écran, on aura sans doute la surprise de constater que la
couleur rendue n’est pas la même, car le spectre des couleurs primaires (des pixels)
n’est pas identique d’un écran à l’autre (car ce ne sont pas a priori les mêmes
matériaux, les luminophores, qui donnent la couleur aux pixels)
C’est un petit peu comme si vous exprimiez les coordonnées de votre position par
rapport à une origine donnée (par ex « je suis en un point situé à 5,3 km au nord et
à 3,2 km à l’est de l’Université Paris 13 ») et que vous envoyiez ces coordonnées à
un anglais qui non seulement repère sa position par rapport à la Reine d’Angleterre
(changement d’origine), et qui en plus compte tout en miles (changement d’unité).
Evidemment vous n’allez pas vous comprendre. Il faut que vous définissiez un
système de coordonnées unique (par exemple les coordonnées GPS, qui sont la
latitude, la longitude, exprimées en degrés et l’altitude exprimée en mètres)
Il faut aussi pour les couleurs convenir de codes universels pour définir de façon
absolue les trois nombres qui vont définir une couleur. Il faut que lorsqu’on envoie
une image par satellite à l’autre bout du monde, le destinataire de l’image puisse
voir les couleurs vraies quelque soit le type de moniteur ou d’écran qu’il utilise. On
pourrait choisir le système des cônes de la rétine, mais ce n’est pas le plus simple à
mettre en œuvre.
En fait, il n’existe pas un code universel, mais des dizaines : RVB, XYZ, Lab, HSV,
YUV, YIQ, YDbDr, YCbCr, etc. Ils ont tous comme point commun d’attribuer à
une couleur une série de trois chiffres. Passer d’un code à l’autre pour une couleur,
c’est exactement comme changer de repère dans l’espace : on ne change pas sa
position, juste les 3 nombres qui servent à la décrire.
Le plus naturel et le plus ancien (1931) est le code « RVB » ou « rouge-vert-bleu ».
On part de trois couleurs primaires de base qui sont trois raies monochromatiques
issues d’une lampe à mercure (rouge à 700 nm, vert à 546 nm et bleu à 436 nm) et
on détermine quelles proportions de chacune de ces trois lumières il faut ajouter
pour obtenir une couleur métamère de la couleur à représenter. Ainsi, si l’on
constate que l’on obtient la même sensation de bleu pour le bleu du ciel en ajoutant
les trois couleurs primaires dans les proportions 1 pour le bleu, 0,4 de vert et 0,1 de
46
rouge, on dira que les coordonnées chromatiques du bleu du ciel sont (R=0,1 ;
V=0,4 ; B=1) dans le systèmes de coordonnées RVB défini ci-dessus.
Toute couleur peut donc se représenter comme un point dans un espace à trois
dimensions, dont les axes sont R, V et B. Le point de coordonnées (R=1, V=0, B=0)
représente toutes les couleurs métamères avec la couleur de la source
monochromatique à 700 nm (la primaire rouge).
cube des couleurs (espace à 3 dimensions RVB)
Les autres codes sont souvent plus utilisés soit parce qu’ils sont plus parlants soit
parce qu’ils accélèrent les calculs. Citons à titre d’exemple :
- le code HSV comme Hue-Saturation-Value (en français teinte-saturationintensité) : il est très prisé des graphistes car il permet de classer les couleurs
de façon « intuitive » en séparant la teinte d’une couleur (plutôt jaune, vert,
bleu…) de sa saturation, c’est-à-dire de sa pureté (elle permet de distinguer un
jaune pâle, mélangé avec du blanc, d’un jaune franc). L’intensité permet de
quantifier la luminosité. Le code YIQ est similaire.
- le code YCbCr
YCbCr, qui a été inventé pour le traitement numérique des signaux
vidéo. Y représente la luminosité, Cb un nombre lié à la différence entre le
signal Y et le signal bleu, et Cr la même chose pour le signal rouge. Il est
intéressant car il permet de coder une couleur en utilisant moins de place
mémoire qu’un code RVB ou HSV. Il est aussi intéressant car il s’inspire du
fonctionnement du cerveau : c’est en effet par un mécanisme assez proche
que notre rétine traite l’information.
Quelque soit le code utilisé pour transporter l’information sur la couleur, notez
bien qu’il doit être retraduit à la fin par le moniteur en tensions « réelles »
appliquées aux pixels rouges, verts et bleus. Cette opération est transparente pour
l’utilisateur.
47
Pour vous entraîner :
http://nte.univ-lyon1.fr/tribollet/SiteLIRDHIST-Couleurs/Model3c.html
48
S(λ)
Couleurs primaires de la synthèse additive
1
bleu
400
500
600
700
800
λ (nm)
S(λ)
1
vert
400
500
600
700
800
λ (nm)
S(λ)
1
rouge
400
500
600
700
800
49
λ (nm)
Couleurs primaires de la synthèse soustractive
S(λ)
1
vert
bleu
400
500
600
= cyan
700
800
λ (nm)
S(λ)
1
rouge
bleu
400
500
600
700
800
= magenta
λ (nm)
S(λ)
1
vert
400
500
600
rouge
700
= jaune
50
800
λ (nm)