Libération :€La loi Fillon, école de la lutte anti-CPE - Snetap-FSU

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Libération : La loi Fillon, école de la lutte anti-CPE
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Société
La loi Fillon, école de la lutte anti-CPE
Les lycéens interpellés en 2005 sont devenus des étudiants militants.
Par Marie-Joëlle GROS
jeudi 20 avril 2006
'était le 20 avril, il y a tout juste un an. En fin de journée, les forces de police évacuaient une annexe du
ministère de l'Education nationale, dans le XVe arrondissement de Paris, occupée par des centaines de
lycéens opposés à la loi Fillon sur l'école, qui voulait instaurer le principe du socle commun des
connaissances et réformer le bac. Bilan de l'opération : 157 gardes à vue et 9 mises en examen. Parmi eux,
Pauline Salingue, 18 ans. Devenue étudiante cette année, l'ex-meneuse lycéenne s'est fondue dans le
mouvement anti-CPE «avec la menace d'une condamnation dans un coin de la tête», car l'instruction de son
dossier est toujours en cours. Dans les assemblées générales, elle a retrouvé Samuel Morville, 19 ans,
condamné en appel à un mois de prison avec sursis pour avoir insulté et craché sur un policier à l'issue d'une
manifestation en mars 2005, lui aussi devenu étudiant. Ou encore Salah Moughabel, 19 ans, qui a écopé
d'une amende de 500 euros pour l'occupation du lycée parisien Fénelon l'an passé.
Coup de pression. Le mouvement lycéen portait sans doute en germe le mouvement étudiant contre le
CPE. Sitôt l'annonce de la création du nouveau contrat de travail, les anciens du mouvement lycéen ont
réactivé leurs réseaux, plongeant collectivement dans cette lutte, «avec toute l'expérience de la précédente»,
souligne Samuel Morville. Une expérience qui inclut la gestion des assemblées générales, l'organisation
d'occupations d'établissements ou de manifestations sauvages, mais aussi la répression. Tout au long de la
crise du CPE, les ex-leaders lycéens sont restés dans le collimateur de la police. En février, alors que le
mouvement anti-CPE prend de l'ampleur, Samuel Morville et quelques autres ont à nouveau été mis en garde
à vue pour l'occupation de l'annexe du ministère. «Dix mois après les faits, c'est bizarre, non ?, interroge
Pauline Salingue. C'était une façon de remettre un coup de pression, sans qu'on sache sur quoi cela pouvait
déboucher.»
Refusant de se laisser intimider, les condamnés du mouvement anti-Fillon ont continué à s'impliquer contre le
CPE. Parfois avec prudence, comme Salah, en terminale L à Paris : «J'ai évité de traîner dans les rues après
une manif.» Samuel, en première année à Tolbiac, résume : «Enchaîner deux luttes comme celles-là, c'est
dur. Je n'ai qu'une vie, et pas envie de devenir dingue. J'ai l'impression qu'à peine je bouge le petit doigt, je
peux me faire choper.» Mardi 11 avril, il s'est fait interpeller dans un café sur le trajet de la manifestation.
«La police voulait me signifier qu'elle sait toujours où je suis.» Il tempère : «Le plus grave, ce sont les
condamnations à de la prison ferme qui pleuvent cette année. Moi, je n'avais pris que du sursis...»
Contraints à la prudence, les ex-leaders lycéens ne se sont jamais imposés comme des figures du
mouvement anti-CPE. Pauline, aujourd'hui inscrite à l'université de Saint-Denis, avance une explication :
«Contre la loi Fillon, on n'a jamais été trois millions dans les rues. C'était un mouvement spontané, très
dynamique, mais beaucoup plus petit. Ça nous rendait beaucoup plus visibles.» Salah aussi y voit une
question d'échelle : «Le mouvement lycéen n'est jamais entré dans les foyers, il est resté cantonné à
l'Education nationale. A l'inverse, le mouvement anti-CPE est très vite devenu populaire. Dans les bars, le
métro, les gens ne parlaient que de ça. Même quand on a bloqué les gares, on savait que les gens nous
soutenaient. Ce n'était pas le cas l'an passé : on était seuls.» De nombreux enseignants avouent leur
culpabilité d'avoir laissé les lycéens dénoncer seuls cette loi Fillon. Au terme de quatre mois de mouvement,
les lycéens avaient obtenu l'abandon de la réforme du bac et, à retardement, la tête du ministre François
Fillon. Mais sa loi est restée, et doit s'appliquer à la rentrée 2006.
«Grosse claque». Les mêmes ont du mal à se réjouir aujourd'hui de la mort du CPE : «On a gagné une
victoire partielle : la loi sur l'égalité des chances reste. Le CNE aussi», résume Samuel. Salah, plus optimiste
: «L'Histoire retiendra qu'en 2005 comme en 2006, les jeunes ont mené les mouvements sociaux.» Entre les
deux, Pauline reconnaît : «On a mis sa première grosse claque au gouvernement. Ça redonne de la confiance
aux gens. C'est bon pour la suite.» Ils ont en ligne de mire la loi sur l'immigration choisie. Et se tiennent
prêts.
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