paysages et environnement de la grande grèce * fleuves et marais

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paysages et environnement de la grande grèce * fleuves et marais
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PAYSAGES ET ENVIRONNEMENT DE LA GRANDE GRÈCE *
par Christophe MORHANGE
À l’occasion des célèbres rencontres annuelles de Tarente a été organisé un colloque sur les paysages et les
paléoenvironnements de la Grande Grèce.
Une première partie introduit le débat avec 6 articles traitant du cadre paysager et de la nature durant l’Antiquité. H.J. GEHRKE
insiste principalement sur les aspects historiographiques de la recherche géographique depuis les travaux fondateurs de A. HUMBOLDT
et C. DE RITTER, jusqu’aux recherches de A. PHILIPPSON sur la Grèce et l’approche de F. BRAUDEL et de l’école des Annales. L.
REPICI précise les rapports de domination et de prévision entre société et environnement à l’Époque Antique. L’article de L. GALLO
fait le point sur le dossier du fond littéraire et M. CORSARO présente la documentation épigraphique.
La deuxième partie analytique traitant d’études de cas intéresse davantage les géomorphologues. T. PESCATORE et
M.R. SENATORE décrivent l’évolution des plaines littorales du Sele (secteur de Posidonia-Paestum) et du Sarno depuis 10 000 ans.
P. LEVEAU montre tout l’intérêt d’une collaboration entre naturalistes et archéologues en détaillant des exemples de recherches
pluridisciplinaires en Provence et dans les Alpes du sud. A. RUIZ et al. insiste sur les impacts de la concentration du peuplement sur
l’environnement végétal au premier millénaire avant l’ère chrétienne. F. LO SCHIAVO expose une synthèse sur l’environnement de la
Sardaigne des nuraghes. Les paysages de Cumes, Pouzzoles, Pompéi, Vélia, de la région de Métaponte et de la Pouille littorale sont
ensuite analysés. Cette publication est un beau témoignage de l’évolution importante des mentalités dans la communautée italienne
des historiens et des archéologues classiques. Elle montre l’intérêt d’une approche croisée des disciplines sur un même site.
FLEUVES ET MARAIS, UNE HISTOIRE AU CROISEMENT DE LA NATURE ET DE LA CULTURE**
par Mireille PROVANSAL
Cet ouvrage rassemble les communications présentées lors du colloque Pratiques sociales et hydro-systèmes fluviaux,
lacustres et palustres, des sociétés pré-industrielles, organisé à Aix-en-Provence en avril 2002. Il constitue le volet «sciences
historiques» d’une recherche pluridisciplinaire qui avait donné lieu à une première publication coordonnée par les «naturalistes» (Les
fleuves ont une histoire, sous la dir. de J.P. BRAVARD et M. MAGNY, ed. Errance, 2002). Ces deux ouvrages, complémentaires, rendent
compte des programmes «Environnement, Vie et Sociétés» (PEVS) lancés par le CNRS en 1999 sur la thématique des milieux
fluviaux et des marais.
Le principe du colloque est de présenter des études de cas sur les relations complexes que les sociétés ont entretenues avec
les milieux humides : 36 communications, encadrées par une présentation et une conclusion rédigées par J. BURNOUF et Ph. LEVEAU,
rendent compte de la richesse des travaux réalisés actuellement par les historiens sur cette question. Les textes sont répartis en 3
chapitres thématiques (Les sources de la connaissance, l’exploitation des milieux humides, la gestion des espaces hydrauliques et la
question du risque), qui abordent les périodes de l’Antiquité au XIXe siècle et traitent de la plupart des grands bassins hydrographiques
français (Seine, Loire, Rhône, Garonne).
• Le premier chapitre (Les sources de la connaissance et leur mise en œuvre, perspectives critiques), avec 12
communications, aborde une question méthodologique propre aux historiens.et souvent méconnue, ou trop rapidement écartée par les
«naturalistes» : la déconstruction critique des données, écrites ou cartographiques, dont l’utilisation ne peut jamais être immédiate.
Prudence, donc, dans les reconstitutions paléogéographiques des tracés et des dynamiques fluviales à partir de cartes anciennes (en
particulier la carte de Cassini, une des plus utilisée par les géographes)! Une première partie (Sources écrites, textes et cartes
anciennes) insiste sur la fiabilité ou «l’échelle de sincérité» de l’information, à partir des sources archivistiques du IXe au XVIIIe siècle,
sur la Gironde, la Vire et la Loire. Une seconde partie (Sources archéologiques et géoarchéologiques) démontre la nécessité d’une
pratique interdisciplinaire, en faisant état des recherches très abouties réalisées dans les Ardennes, les bassins de l’Allier et du Rhône.
Le développement de nouveaux paradigmes (le champ d’inondation comme «levier» de l’occupation territoriale, le concept de
«société hydraulique») et la critique de catégories fourre-tout (les «remblais») en rendent la lecture très intéressante. Enfin, une
troisième partie (Croisements de sources) insiste sur l’apport du croisement des méthodes sur quelques sites «phares» de la recherche
récente (Limagne, Bretagne, vallée de la Loire à Tours, delta du Lez), où se construit progressivement un langage commun entre
historiens et naturalistes.
* Ambiente e paesagio nella Magna Grecia, Atti del 42e convegno di studi sulla Magna Grecia, Tarento, 5-8 ottobre 2002, Istituto per
la storia e l’archeologia della Magna Grecia, Tarento, 2003, 2 vol., 786 p.
** J. BURNOUF (ss la dir. de) et Ph. LEVEAU eds., (2004), Fleuves et marais, une histoire au croisement de la nature et de la culture,
Publication du Comité des études historiques et scientifiques (Archéologie et Histoire de l’Art, n°19), Paris, 493 p.
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• Le second chapitre (L’exploitation des milieux humides : la biodiversité et les conflits d’usages, 13 communications) est
divisé en quatre parties. C’est le thème sur lequel la production scientifique récente est la plus abondante et la pluridisciplinarité la
mieux mise en œuvre, démontrant que, dès l’Antiquité, mais surtout à partir du Moyen Age, les sociétés ont exploité et artificialisé
tous les cours d’eau et les milieux humides. La première partie (La pêche) pose d’ailleurs d’emblée la question de la biodiversité et
d’une nouvelle approche du système socio-biologique. Elle fait un état des recherches, encore disparates et difficiles pour les périodes
les plus anciennes. La seconde partie (Exploitation agricole du milieu palustre) présente quatre sites, trois dans le bassin du Rhône
(marais arlésien, Camargue, basse Isère), un dans celui de la Seine. Elle souligne la grande diversité de la mise en valeur des milieux
humides, exploités comme tels ou artificialisés. Le bassin de la Seine donne lieu à une tentative séduisante de systémisation quantifiée.
Le site du Vernai en basse Isère fait l’objet d’une remarquable et très complète monographie sur une villa romaine et son terroir entre
le IIIe siècle av. J.-C. et la fin du haut Moyen Age. La troisième partie (Conflits d’usage) souligne les logiques concurrentes,
économiques, sociales et politiques, qui déterminent la gestion de quelques bassins fluviaux, dans la longue durée historique ou au
cours des derniers siècles. La quatrième partie (Les utilisations pour le transport et l’énergie) démontre les incidences de ces activités
sur l’environnement : aménagements hydrauliques liés au flottage du bois (dans le Morvan), aux moulins (en particulier les moulins
à papier de Corbeil-Essonne) et à la batellerie traditionnelle.
• Le troisième chapitre (La gestion des espaces hydrauliques et la question du risque) réunit 11 communications, regroupées
en 2 parties (Gestion des espaces hydrauliques et Les sites à risques). Il aborde les questions très actuelles de la gestion patrimoniale
du Domaine Public Fluvial ou du rôle respectif du pouvoir central et des autorités locales dans les aménagements hydrauliques. Le
poids conjugué de l’économie de marché, de la concurrence, des interventions de l’État et des innovations techniques est très finement
analysé au travers de l’histoire récente de la Camargue. La question du risque, de sa variabilité «intrinsèque» et de son vécu, est
illustrée dans les Pyrénées occidentales, sur le Rhône (haut Rhône, Caderousse, Ernaginum), en basse Durance, sur le Gardon et le
Vidourle. On retiendra, là encore, de remarquables études de géoarchéologie sur des sites prestigieux comme Ambrussum et le Pont
du Gard. Elles démontrent la grande adaptabilité des sociétés du passé par rapport au risque d’inondation et leur capacité à se protéger.
J. BURNOUF et Ph. LEVEAU soulignent en conclusion ce que cette mise en perspective peut apporter de dédramatisation par rapport à
la vision actuelle des risques hydrauliques : toutes les recherches montrent le caractère «opportuniste» des comportements des
sociétés vis-à-vis des milieux naturels, relativisant la vulnérabilité face à l’aléa.
Au-delà, la lecture de ces textes souligne clairement les causalités multiples, hors des déterminismes naturels ou sociaux,
qui conditionnent le fonctionnement et l’histoire de «l’anthroposystème». Ce que la recherche met en évidence, ce sont les coévolutions emboîtées et simultanées des systèmes sociaux et physiques, affectées de «boucles de rétro-action» et de résiliences
réciproques. La pluri-disciplinarité a visiblement fait du chemin depuis les années 1980. On sort de la lecture de cet ouvrage, enrichi
et plein de questions nouvelles.
UN COLLOQUE SUR ENVIRONNEMENT ET HISTOIRE EN MÉDITERRANÉE*
par Christophe MORHANGE
Ce gros volume pluridisciplinaire fait suite à une conférence tenue à Paris en 2002 sur Environmental dynamics and history
in Mediterranean areas. 37 articles sur les 85 communications présentées lors du colloque ont été finalement publiés. Cinq thèmes
structurent cette publication. Le premier chapitre traite de l’instabilité méditerranéenne (10 articles). On retiendra particulièrement les
communications sur les risques fluviaux antiques en Camargue et sur la mobilité du Vidourle à Ambrussum (Hérault). Le deuxième
chapitre présente les dynamiques écologiques (7 articles). Les dynamiques végétales des différents milieux méditerranéens font l’objet
d’une très intéressante synthèse didactique. Les aménagements urbains antiques et les représentations sont ensuite abordés ainsi que
les dynamiques dans l’occupation du sol. On notera deux intéressantes études de cas sur le Portugal et l’île de Chypre. La dernière
partie est particulièrement réussie et homogène. Elle présente les dynamiques des zones humides et des rivages (8 articles). On
trouvera de nombreuses données sur le programme géoarchéologique du Potenza Valley Survey (côte adriatique de l’Italie) et les
marais côtiers du Portugal qui ont enregistré le tsunami de 1755. La paléogéographie du site portuaire antique de Baelo Claudia
(Tarifa, Espagne méridionale) est présentée. Les auteurs proposent une reconstitution des rivages depuis 6000 ans, du stade initial de
falaise à une lagune en cours de colmatage associée à un cordon littoral progradant. Il s’agit d’un modèle assez classique d’évolution
des littoraux à l’Holocène final. On note aussi une étude historique intéressante sur les entreprises d’assèchement des étangs
languedociens au Moyen Âge. La rétraction puis la disparition des dépressions endoréiques est un phénomène de longue durée dans
lequel les XIIe-XIVe siècles ont une part primordiale. Les relations entre le site de l’âge du Bronze de Coppa Nevigata (Italie du sudest) et la lagune de Salso sont précisées grâce à l’étude sédimentologique multi-proxy de carottes. L. LESPEZ et al. étudient la mobilité
des paysages dans le secteur de la cité minoenne de Malia (Crète). L’utilisation du marécage comme lagune portuaire est impossible
car cette dépression a toujours correspondu à un plan d’eau douce margino-littoral en communication très épisodique avec le milieu
marin. Le port antique de Malia est donc à rechercher ailleurs. Deux belles présentations concluent cette section et abordent l’histoire
du colmatage de la plaine de Marathon (Grèce) et la mobilité de secteurs rocheux de Croatie et de Turquie méridionale. Ces actes sont
particulièrement riches. Ils fourmillent d’études de cas utiles pour des comparaisons.
* E. FOUACHE ed., (2003), The Mediterranean world environment and history, Elsevier, 485 p.

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