La vie rurale en Flandre - Ghyvelde Texte de Mme Slove Transcrit et
Transcription
La vie rurale en Flandre - Ghyvelde Texte de Mme Slove Transcrit et
La vie rurale en Flandre - Ghyvelde Texte de Mme Slove Transcrit et mis en page par Jean-Marie Muyls La vie à la campagne Mon père est né en septembre 1876, ma mère en Juillet 1879, et je suis née en Janvier 1908. Je me souviens très bien de ce que me racontaient mes parents, concernant leur jeunesse. Mon père avait débuté sa vie professionnelle comme valet de ferme ; il était passionné par son métier et particulièrement par l'élevage des chevaux et dès l'âge de 18 ans il fut étalonnier à la ferme X... de Ghyvelde. Etre étalonnier cela signifie que dès le début de l'année, vers le mois de mars, lorsque les pouliches avaient mis "bas" l'étalonnier allait présenter l'étalon, de ferme en ferme. (Je me souviens personnellement de cela, car cela existait encore après la guerre de 1914/18). Source internet Chevaux boulonnais Dessins de Ghys Source internet Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 1 Mon père était très fier de sa bête, l'étalon bien brossé, la crinière et la queue étaient tressées et enrubannées. Cette campagne durait assez longtemps et le propriétaire de l'animal n'était payé que lorsque la pouliche était en état de gestation. Source internet Cheval boulonnais Mon père était fils de belge, mais de mère française et comme fils d'étranger il devait faire son service militaire, 2 ans après les français de souche, il avait donc 23 ans et était déjà marié lors du départ au service. Ma mère travaillait chez une tricoteuse, où elle gagnait 1 Fr par jour. Ma mère quitta cet emploi pour se placer dans une ferme où elle fut payée, 16 Frs par mois, elle devait apprendre à traire les dix huit vaches. Comme elle était courageuse et propre, elle fut rapidement augmentée de 1 Fr par mois. Elle était logée, nourrie et "blanchie" (lessive faite...). Brasserie Rubben Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 2 Ma mère a encore travaillé dans les mêmes conditions pour un salaire de 18 Frs, lorsque mon père partit au service militaire. La fermière qui était bonne ménagère et bonne cuisinière lui apprit beaucoup de choses, c'est ainsi que l'on se formait à l'époque. Mon père était militaire, avec un fils de brasseur qui disposait de beaucoup d'argent (ses parents étaient fortunés), ils étaient "tringlots" (cavalerie) donc ils avaient des chevaux, et le camarade de mon père, lui donnait de l'argent, en rétribution des soins donnés au matériel et aux chevaux dont il était responsable ; ceci permettait au jeune militaire de se promener et à mon père d'envoyer de l'argent à sa jeune femme qui avait déjà un bébé, soigné par la grand'mère. Source internet La Place de Ghyvelde Au retour du régiment, mes parents ont racheté la maison de mes grands-parents, c'était une vieille maison construite en torchis, avec un toit de chaume, aussi mes parents pensèrent très vite à l'abattre pour en construire une en briques. A cette époque le coût d'une construction s'évaluait au nombre de briques nécessaires, le maçon et le menuisier se mettaient d'accord pour l'estimation et donnaient le prix. Des amis de mes parents, fermiers, leur conseillèrent de la construire à un carrefour (c'est-à-dire à l'angle du terrain où ils habitent et qui leur appartient) et d'y faire un estaminet. Mes parents ne disposaient pas de suffisamment d'argent pour ce projet, aussi le fermier leur en prêta. Le café "Au Rendez-vous des Fermiers" (Cette maison existe toujours à la limite des Moëres et de Ghyvelde) fut donc construite et habitée par mes parents et leur famille. Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 3 Source internet A partir de ce moment mon père s'est mis à faire des travaux très lourds. C'est ainsi qu'avec quelques autres hommes du village (vers 1900) il partait tous les jours à pied, en passant par Uxem, pour aller chez Lesieur à Coudekerque-Branche, pour décharger des péniches de pistaches, (cacahuètes). Ensuite un fermier du village ayant acheté une machine à battre le blé, mon père devint "bandier", le bandier était l'homme qui embauchait le personnel nécessaire aux travaux des champs, et aussi au service de la batteuse. Il fallait que le bandier vérifie l'ensachage, le comptage et la mise en place (au grenier) des sacs de grains et le rangement des ballots de paille. Pour une machine à battre il fallait : un chauffeur, pour la locomotive à vapeur, un mousse appelé en flamand "Kafmoll", le mousse retirait la paillette de dessous la batteuse avec un grand rateau de bois, il devait aussi approvisionner la batteuse en eau. Ensuite il y avait deux femmes sur la meule, elles approchaient les gerbes de l'ouvrier qui les jetait sur la machine, une femme qui coupait les liens, un homme mettait les gerbes dans la batteuse, ensuite venait la presse, là un homme mettait la paille dans la presse de chaque côté, une femme attachait les ballots, les marquait, les ajustait, ils devaient tous avoir la même dimension, deux hommes portaient les ballots et deux hommes portaient les sacs de grains au grenier. Il y avait donc en tout : 8 hommes, 1 mousse, 5 femmes et le bandier. Ce personnel venait de Bray-Dunes ou de Ghyvelde, tout le monde à pied. A cette époque également les pommes de terre étaient plantées à la main, les semailles se faisaient aussi manuellement, il fallait sarcler, démarier les betteraves, il y avait donc toujours du travail. Les céréales étaient coupées à la mains, il fallait des femmes pour les mettre en bottes, et mettre les bottes droites en dizots (10 bottes). A la bande, il y avait des enfants qui travaillaient dès l'âge de 10 ans, ils étaient payés demi tarif et au tarif plein dès la troisième année de travail s'ils travaillaient bien. Lorsque la bande travaillait dans une ferme, la fermière devait faire la soupe et le bandier désignait deux personnes pour aller la chercher. Les ouvriers mangeaient sur le champ, des tartines avec de la graisse (smout), pas question de viande... Le matin ils commençaient à 7 heures, à 8h30 casse-croûte jusque 9h00, de midi à 13h00 repas et repos, à 4h30 nouveau casse-croûte: mais souvent les ouvriers et les femmes mangeaient en cueillant de l'herbe pour leurs lapins qu'ils transportaient au retour avec une hotte sur le dos. Lorsque le lieu du travail était fort éloigné le fermier allait chercher le personnel avec un chariot et le temps de transport comptait comme temps de travail. Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 4 Source internet Source internet Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 5 Scène de moisson Source internet L'arrachage des betteraves se faisait avec une bêche arrondie qui prenait un peu la forme de la betterave, les enfants qui travaillaient avaient aussi un couteau spécial (Kaper) pour dégager les collets, ils faisaient également les tas qui étaient ramassés avec des beignots ou chariots avec deux grandes roues sur les côtés et une petite roue mobile à l'avant, ensuite les betteraves étaient chargées sur un autre chariot avec deux grandes roues à l'arrière et deux petites à l'avant. Source internet Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 6 Arrachage des betteraves Source internet Le bandier au travail Les betteraves étaient transportées à la distillerie des Moëres. Lorsque le lieu d'arrachage était trop éloigné des Moëres, les betteraves étaient transportées par barques (Schutten) jusqu'à la distillerie. Après la guerre de 1914, la culture de la chicorée (racines dont on fait la chicorée à café) a beaucoup évolué, une "sécherie de chicorée" fut construite à Ghyvelde, à la limite des Moëres, par une association composée de trois cultivateurs, un forgeron et un "bandier" ; une autre sècherie se trouvait à Ghyvelde, près du Pont, elle était la propriété de la famille Schoonberg. Ce travail de sècherie, très pénible, était exécuté par des ouvriers belges (5environ). De grands fours à sécher étaient chauffés par du coke. Le travail était continu, 24h/24. Les ouvriers dormaient à tour de rôle, durant les heures creuses, et cela tous les jours de la semaine, y compris le dimanche ! Durant la saison d'hiver, certains hommes étaient occupés à la taille des haies ou des arbres, les branches servant à la confection de fagots de bois, combustible pour les fours à pain. D'autres ouvriers battaient le seigle au fléau ;la paille du seigle était utilisée pour la réparation des toits de chaume ; elle servait également aux briquetiers pour la protection des briques. Le personnel féminin nettoyait le bord des fossés, en en enlevant le chiendent qui se propageait très rapidement, lorsque le temps les en empêchait ; elles dégermaient les pommes de terre. Ainsi vivait-on à la campagne en ce temps là. Madame Slove 1984 Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 7 Source internet La cuisson du pain aux fagots Collection privée Madame Slove / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 8