de Raphaël Fantin - Ville de Maisons

Transcription

de Raphaël Fantin - Ville de Maisons
Discours de Raphaël FANTIN pour la cérémonie d’hommage aux
Compagnons de la Libération le samedi 10 octobre 2015
Monsieur le Député-Maire,
Madame la Conseillère régionale,
Madame la Conseillère départementale,
Monsieur le Secrétaire général de l’Ordre de la Libération,
Mesdames et Messieurs les membres des familles
des Compagnons de la Libération,
Mesdames, Messieurs,
En ce samedi matin d’automne ensoleillé et roux, loin des déserts chauds de
Syrie, de Libye, du Tchad, des terres équatoriales du Cameroun, du Congo, de
l’Oubangui où résonnent les noms glorieux de Koufra, Tobrouk, Bir Hakeim ou
Brazzaville, nous sommes ici réunis pour honorer la mémoire des Compagnons de
la Libération, soixante-dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
A une époque où l’histoire de France et l’épopée nationale doivent s’effacer
face au dénigrement et à la culpabilisation, face à une partie de la jeunesse
désorientée, en perte de valeurs et de références démocratiques, il est plus que jamais
nécessaire, envers et contre tout, de parler de ce qui a préservé la grandeur de la
France.
Pourquoi ne pas louer ce que ces hommes ont fait vivre d’espérance et de
générosité, de courage et de dévouement ? Pourquoi ne pas rappeler ces belles
heures, celles qui ont permis à la France d’avoir conservé son rang dès après la fin
du conflit.
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Ces exceptions ont merveilleusement infirmé la règle, celle qui fera loi après
Montoire. Ne pas les raconter, c’est ignorer ce qu’est la France. Car la France en
septembre 1940, loin des palais gargarisés à l’eau de Vichy était en Libye, aux côtés
de ces téméraires, partis sans savoir où, alors que la Luftwaffe damnait le ciel de
l’Angleterre. En Libye mais aussi en Afrique équatoriale, dans les comptoirs de l’Inde
française et en Polynésie.
Pourquoi ne pas faire leçon d’Histoire, donner sens à l’Histoire ? L’historien
romain Tite-Live dans les prolégomènes à son Histoire romaine affirme avec force :
« L’Histoire est utile et profitable dans la mesure surtout où elle met sous les yeux du
lecteur toutes sortes de situations exemplaires en les éclairant vivement pour qu’elles
se gravent dans sa mémoire ; il y trouve un modèle sur lequel régler sa propre
conduite et celle des affaires publiques et aussi une mise en garde contre des projets
funestes ou leurs funestes conséquences ». Tout est dit.
Au lieu de parler continuellement et uniquement des horreurs de la guerre, et
elles ont nombreuses ô combien existé, sans les nier, mieux vaut pour notre jeunesse
qu’elle se voit offrir en exemple le parcours de ces hommes de la Liberté, car c’est à
cet âge, plein d’insouciance où l’on se forge le caractère que l’on a besoin de modèles
à suivre.
Aujourd’hui donc, nous célébrons Jean Simon, Joël Le Tac, Gilbert Garache
et Claude Lamirault, tous Compagnons de la Libération intimement liés à MaisonsLaffitte. Pourquoi aujourd’hui ? Parce qu’outre le 70ème anniversaire de la Seconde
Guerre mondiale, ce sont le 70ème anniversaire de la mort de Claude Lamirault et le
10ème anniversaire de la mort de Gilbert Garache et de Joël Le Tac.
Maisons-Laffitte a cet immense honneur d’être liée à quatre des 1036
Compagnons de la Libération.
Mais qu’est-ce qu’un Compagnon de la Libération me demandes-tu du regard,
toi, l’enfant parmi l’assistance ?
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C’est selon les mots mêmes du Général De Gaulle, fondateur et unique GrandMaître de l’Ordre : « cette chevalerie exceptionnelle créée au moment le plus grave
de l’histoire de France, fidèle à elle-même, solidaire dans le sacrifice et la lutte ».
Ce furent des Résistants de la France Libre comme de la Résistance intérieure.
L’ordonnance n° 7, créant l’Ordre de la Libération fut signée sur un territoire
français, mais outre-mer à Brazzaville, le 16 novembre 1940. La France Libre n’avait
pas tout fait cinq mois d’existence. Mais le chemin parcouru depuis le 18 juin, s’il fut
semé d’épreuves cruelles, n’en était pas moins celui de l’espoir.
1036 hommes et femmes ont été faits Compagnons de la Libération par le
Général De Gaulle, dont 238 à titre posthume, entre le 29 janvier 1941 et le 23 janvier
1946, date à laquelle plus aucune croix ne fut décernée exception faite celles remises
à Winston Churchill en 1958 et au roi Georges VI en 1960.
A ces hommes et femmes, il faut ajouter non seulement 18 unités
combattantes telles que le groupe de chasse aérienne Alsace-Lorraine ou des unités
combattantes terrestres comme la 13ème demi-brigade de la Légion étrangère mais
aussi 5 communes qui se sont vu attribuer cette prestigieuse décoration : Paris,
Nantes, Grenoble, Vassieux-en-Vercors et l’Ile de Sein.
L’insigne de l’Ordre de la Libération consiste dans un écu portant un glaive
surchargé d’une Croix de Lorraine avec, au revers, cet exergue : « PATRIAM
SERVANDO VICTORIAM TULIT », EN SERVANT LA PATRIE, IL A
REMPORTE LA VICTOIRE. Le ruban de moire verte et noire symbolise le deuil
et l’espérance de la Patrie.
La remise est faite solennellement au cours d’une prise d’arme. Les troupes
présentent les armes. L’ordre d’ouvrir le ban ayant été donné, le Général De Gaulle
interpelle le récipiendaire par son grade et son nom et lui remet l’insigne en lui
adressant les paroles suivantes : « Nous vous reconnaissons comme notre
Compagnon pour la Libération de la France dans l’Honneur et par la Victoire. »
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Ils furent ces « soutiers de la gloire » selon les mots du Compagnon Pierre
Brossolette, de ces Résistants qui ont été dans notre pays les seuls à oser dire NON.
Non à Vichy ! Non aux compromissions avec les chimères du couple Pétain-Laval.
Non, ce n’est qu’un mot en 2015 mais leur non à eux valait le déshonneur et
la mort.
Leur Non, c’est le NON immémorial qui depuis Antigone refuse de se
soumettre et de s’avouer vaincu face aux renoncements et aux défaites humaines !
Car eux savaient les paroles de Péguy : « Le soldat qui ne se reconnaît pas vaincu a
toujours raison ».
Ils se saisirent des braises de la défaite pour allumer le feu de la Résistance
Les Compagnons de la Libération ont contribué largement par leurs sacrifices
à relever l’honneur militaire de la France, tant éprouvé par la défaite de 1940 subie
par l’armée mais provoquée par l’incurie des politiciens. Les Compagnons de la
Libération sont ces hommes et ces femmes, ce peuple en armes qui s’est dressé,
comme aux temps les plus noirs de notre histoire, pour dire son refus de vivre à
genoux.
Par leur engagement et leur combat, ils redonnèrent à la France sa dignité et
sa liberté.
Lire le Dictionnaire des Compagnons de la Libération de Monsieur Vladimir
Trouplin qui retrace toutes les vies des Compagnons et dont sont tirées les
biographies qui vont être lues ce matin, c’est plonger dans l’Histoire humaine où des
parcours si différents, ceux des Compagnons aux origines géographiques, sociales,
culturelles, aux parcours professionnels si divers sont unis sous une même bannière,
celle de l’Ordre, celle de l’Honneur et de la Victoire, c’est à chaque fois rentrer
passionnément dans cette épopée fantastique, épopée héroïque de Koufra à
Berchtesgaden en passant par Paris et Strasbourg, celle de ces chevaliers lumineux de
l’armée des ombres !
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La pluralité est la propriété même de l’Ordre : ils sont ou ont été généraux,
Premiers ministres, parlementaires, prix Nobel mais aussi instituteurs, ingénieurs,
entrepreneurs, facteurs. Pourtant, en dépit de tous ces destins, les Compagnons se
fondent dans cette unanimité implacable qui les proclame magnifiquement égaux : ils
ont tous en commun, d’avoir refusé l’inacceptable dès les premiers mois de
l’armistice.
Mais retenons que, quoiqu’ayant eu des parcours et des options politiques
parfois diamétralement opposés, quand l’essentiel fut en jeu, ils choisirent de placer
la France au-dessus de tout, au-dessus d’eux-mêmes et de leur propre vie. Ils prirent
leur destin en main. Ils furent des hommes debout, ils furent des Français libres. Ils
incarnent une page glorieuse de notre histoire nationale et portent les valeurs qui
fondent notre République. Ils sont le visage de la France qui croit en elle-même et
en son destin. Ils ont été la fierté et l’honneur de la France.
Comme le dit le Compagnon Jacques Chaban-Delmas :« Superbes, humbles,
inconnus, tous ont également contribué, par la passion qui leur était commune, à
écrire une page essentielle de l’histoire de France.
Plus que la décoration qui rejoindra les ordres analogues de Saint-Michel et de
Saint-Louis, de mille ans ses aînés, c’est le message qu’elle porte et l’exemple des
Compagnons qui ne doit pas disparaître. Comme le dit si bien le Compagnon André
Malraux : « La plus belle sépulture, c’est la mémoire des vivants ».
Alors ce message, écoutons-le : c’est le Général Jean Simon qui le donne dans
son livre La Saga d’un Français Libre :
« Mais, pas plus que mes camarades, je ne me suis battu pour des avantages
matériels, ni même – mais est-il convenable de l’écrire aujourd’hui ?- pour défendre
un projet politique, ou une doctrine sociale. Mon engagement n’était dicté que par le
refus d’accepter la défaite- un refus instinctif, viscéral et par une volonté que rien ne
pouvait affaiblir ni ruiner, de continuer la lutte auprès de nos alliés britanniques. »
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« Dans la prison où il attend son exécution, Honoré d’Estienne d’Orves songe qu’il
a décidé de sauter le pas parce qu’il ne voulait pas que son fils puisse un jour lui
demander : « Vous pouviez continuer à vous battre. Pourquoi ne l’avez-vous pas
fait ? ». Dans une autre prison, deux ans plus tard, le jeune franc-tireur Henri Fertet,
condamné à mort à la veille de son dix-septième anniversaire, demande à ses parents
de garder le courage dont ils ont fait preuve jusqu’à présent : « Je meurs pour la patrie,
je veux une France libre, et des Français heureux ». Des mots simples, des mobiles
élémentaires, sous la plume de ces deux Compagnons de la Libération, expriment de
façon lumineuse ce que Malraux appelait « la présence profonde du destin ».
Maisons-Laffitte est fière de participer à la célébration de la mémoire de quatre
Compagnons qui par leur présence dans notre ville, à un moment ou à un autre de
leur vie magnifique, nous ont fait cet honneur, et en marquant topographiquement
notre territoire de plaques commémoratives nous célébrons leur immortalité. A
travers eux, c’est à l’Ordre tout entier et à ses hommes que nous rendons un
hommage vibrant et unanime. « Le tombeau des héros est le cœur des vivants » dit
Malraux.
Alors passants et vous, enfants, qui passerez devant ces quatre plaques,
arrêtez-vous un instant, un seul instant pour lire ce qui est écrit dessus : l’histoire
d’hommes qui sont un exemple à suivre par leur courage, leur honnêteté, leur
droiture, leur honneur, leur amour de la France. Ils ont combattu au péril de leur vie,
certains de leurs camarades sont morts au champ d’honneur ou torturés pour que
vive la France et que nous soyons libres aujourd’hui. Ne les oublions pas.
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