La mort, l`autre côté de la vie
Transcription
La mort, l`autre côté de la vie
mort_preface:Mise en page 1 16/11/2010 10:25 Page 9 PRÉFACE Qui apprendrait aux hommes à mourir leur apprendrait à vivre. MONTAIGNE La mort nous interroge et nous bouleverse, voilà la phrase d’ouverture de cet intéressant livre d’un philosophe d’aujourd’hui, Robert Blais, que l’on découvre à sa lecture. « Bon nombre de gens, dit-il, redoutent cet événement ultime. » D’emblée, nous sommes dans le vif du sujet. La mise en scène de quatre témoignages de personnes qui ont affronté la mort démontre bien que celle-ci est un acte individuel et solitaire. « C’est la pire des morts... c’est la mienne », dit Pierre Bourgault. « J’ai peur, dit une étudiante infirmière à ses consœurs, […] laissez-vous toucher. » Témoignages réalistes ouvrant la porte à un essai sur la compréhension de cet événement sous l’angle de la mort et aussi celui de la vie, en s’inspirant de certains philosophes célèbres, anciens et modernes, tels Socrate, Platon, Montaigne… Robert Blais présente ensuite la conception spirituelle de la vie et de la mort. « Pour saisir le sens de la mort, il faut comprendre le sens de la vie », écrit-il. Puis il fait une analyse des opinions de trois auteurs, dont celle de Richard Maurice Bucke, portant sur l’expérience © Diffusion Rosicrucienne – ISBN : 978-2-914226-42-4 mort_preface:Mise en page 1 10 16/11/2010 10:25 Page 10 La mort, l’autre côté de la vie d’illumination spirituelle, et celle de Raymond Moody, concernant des expériences vécues par des personnes qui ont frôlé la mort. Permettez que je parle du témoignage de deux personnes proches, aux abords de la mort. Paul, décédé à l’âge de soixante-huit ans, a connu une expérience spirituelle intense, bien qu’il ne l’ait pas nommée ainsi. Il n’a pas parlé de lumière blanche éblouissante ni d’illumination, mais plutôt de libération, de confiance et d’abandon. « Je savais, d’ores et déjà, où j’allais et je pouvais en parler sans gêne, j’avais confiance », disait-il. Et à partir de ce moment, Paul a vécu la fin de sa vie dans une sérénité tranquille et une paix de l’âme. Par contre, Jocelyne, une jeune femme de trente-deux ans, non croyante, disait envier ceux qui ont la foi, parce qu’ils ont un ancrage auquel ils peuvent s’accrocher... Le quatrième chapitre envisage la mort et l’autre côté de la vie selon la tradition Rose-Croix. « C’est en toute confiance, dit l’auteur, que nous questionnerons la sagesse traditionnelle à propos de la vie de l’au-delà, [...] une réalité que ni les sens ni la raison ne peuvent saisir. » L’expérience du mourir débouche très souvent sur la recherche du sens de sa vie et de sa mort, une expérience spirituelle qui suscite un questionnement de sa propre foi. Et l’auteur se demande, à l’instar de Platon : « N’y a-t-il pas là un beau risque à courir ? » La mort serait-elle une fin qui ouvre sur un commencement ? Pouvons-nous croire à une vie après la vie terrestre, en nous demandant ce qu’elle pourrait être ? Qu’y a-t-il après ? Le néant ? Le cinquième chapitre traite de l’accompagnement des mourants et de la propre expérience de l’auteur comme accompagnateur bénévole à la Maison Michel© Diffusion Rosicrucienne – ISBN : 978-2-914226-42-4 mort_preface:Mise en page 1 16/11/2010 10:25 Page 11 Préface 11 Sarrazin, où depuis plus de vingt-cinq ans sont accueillies des personnes atteintes de cancer en phase terminale. Dans cette maison de soins palliatifs, accompagner le mourir sous l’angle de la vie relève d’un idéalisme qui s’inscrit dans le réalisme de la vie quotidienne de ces personnes en fin de vie. Penser la vie prime sur penser la mort, bien que cette dernière soit omniprésente dans la Maison. « Le défi est d’écouter la vie quand tout parle de mort », disait Thérèse Fugère, une infirmière de chevet. « C’est grand la mort, c’est plein de vie », chantait le troubadour québécois Félix Leclerc. S’investir dans l’accompagnement d’un mourant, c’est le plus beau geste qu’on puisse offrir à celui qui va partir. L’exemple de M. William, mourant à l’âge de quatrevingts ans à la Maison Michel-Sarrazin après une vie d’illégitime, à une époque où un enfant conçu hors mariage était honni, le démontre par cette phrase terrible et troublante, une semaine avant son départ : « Pourquoi avoir attendu que je sois mourant pour me traiter comme un être humain ? » Robert constate que c’est dans l’amour, la tendresse et les soins personnalisés que le mourir trouve tout son sens, alors que pour certains, cet événement semble absurde et sans finalité. Le docteur Jacques Voyer, psychiatre spécialisé en soins palliatifs, exprime un point de vue semblable : « Ce qui compte à la phase du mourir, c’est la présence des personnes qui nous ont aimés et de celles que nous avons aimées. » Enfin, un fait relaté par Robert me rappelle la visite du réfectoire d’une communauté religieuse québécoise, où comme chez les Égyptiens qui apportaient pendant le repas un squelette pour servir d’avertissement aux convives, un crâne trônait sur la table de la mère supérieure © Diffusion Rosicrucienne – ISBN : 978-2-914226-42-4 mort_preface:Mise en page 1 12 16/11/2010 10:25 Page 12 La mort, l’autre côté de la vie pour rappeler aux religieuses la précarité de la vie et pour les inciter à la frugalité. La lecture du livre de Robert a été pour moi non pas une remise en question, mais une confirmation de mes croyances, et nul doute que de nombreux lecteurs auront la même expérience. Et pour certains, ce sera l’occasion de réaliser, comme l’a écrit le docteur Albert Schweitzer, que « c’est un grand privilège de pouvoir soulager la souffrance des malades et des endeuillés ». Cet ouvrage met en lumière la profondeur de la réflexion de l’auteur, pour qui, « bien que la mort soit inévitable, on peut l’apprivoiser ». Il nous donne, en outre, l’occasion de revisiter ces grands philosophes qui ne cessent de faire réfléchir les hommes. Merci, Robert, ton livre deviendra sûrement un ouvrage de référence. Louis DIONNE © Diffusion Rosicrucienne – ISBN : 978-2-914226-42-4