La mort, l`autre côté de la vie

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La mort, l`autre côté de la vie
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PRÉFACE
Qui apprendrait aux hommes à
mourir leur apprendrait à vivre.
MONTAIGNE
La mort nous interroge et nous bouleverse, voilà la
phrase d’ouverture de cet intéressant livre d’un philosophe d’aujourd’hui, Robert Blais, que l’on découvre à sa
lecture. « Bon nombre de gens, dit-il, redoutent cet événement ultime. » D’emblée, nous sommes dans le vif du
sujet.
La mise en scène de quatre témoignages de personnes qui ont affronté la mort démontre bien que celle-ci
est un acte individuel et solitaire. « C’est la pire des
morts... c’est la mienne », dit Pierre Bourgault. « J’ai
peur, dit une étudiante infirmière à ses consœurs, […]
laissez-vous toucher. » Témoignages réalistes ouvrant
la porte à un essai sur la compréhension de cet événement sous l’angle de la mort et aussi celui de la vie, en
s’inspirant de certains philosophes célèbres, anciens et
modernes, tels Socrate, Platon, Montaigne…
Robert Blais présente ensuite la conception spirituelle de la vie et de la mort. « Pour saisir le sens de la
mort, il faut comprendre le sens de la vie », écrit-il. Puis
il fait une analyse des opinions de trois auteurs, dont
celle de Richard Maurice Bucke, portant sur l’expérience
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d’illumination spirituelle, et celle de Raymond Moody,
concernant des expériences vécues par des personnes
qui ont frôlé la mort.
Permettez que je parle du témoignage de deux personnes proches, aux abords de la mort. Paul, décédé à
l’âge de soixante-huit ans, a connu une expérience spirituelle intense, bien qu’il ne l’ait pas nommée ainsi. Il
n’a pas parlé de lumière blanche éblouissante ni
d’illumination, mais plutôt de libération, de confiance et
d’abandon. « Je savais, d’ores et déjà, où j’allais et je
pouvais en parler sans gêne, j’avais confiance », disait-il.
Et à partir de ce moment, Paul a vécu la fin de sa vie dans
une sérénité tranquille et une paix de l’âme. Par contre,
Jocelyne, une jeune femme de trente-deux ans, non
croyante, disait envier ceux qui ont la foi, parce qu’ils ont
un ancrage auquel ils peuvent s’accrocher...
Le quatrième chapitre envisage la mort et l’autre
côté de la vie selon la tradition Rose-Croix. « C’est en toute
confiance, dit l’auteur, que nous questionnerons la
sagesse traditionnelle à propos de la vie de l’au-delà, [...]
une réalité que ni les sens ni la raison ne peuvent saisir. » L’expérience du mourir débouche très souvent sur
la recherche du sens de sa vie et de sa mort, une expérience spirituelle qui suscite un questionnement de sa
propre foi. Et l’auteur se demande, à l’instar de Platon :
« N’y a-t-il pas là un beau risque à courir ? » La mort
serait-elle une fin qui ouvre sur un commencement ?
Pouvons-nous croire à une vie après la vie terrestre, en
nous demandant ce qu’elle pourrait être ? Qu’y a-t-il
après ? Le néant ?
Le cinquième chapitre traite de l’accompagnement
des mourants et de la propre expérience de l’auteur
comme accompagnateur bénévole à la Maison Michel© Diffusion Rosicrucienne – ISBN : 978-2-914226-42-4
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Sarrazin, où depuis plus de vingt-cinq ans sont accueillies
des personnes atteintes de cancer en phase terminale.
Dans cette maison de soins palliatifs, accompagner le
mourir sous l’angle de la vie relève d’un idéalisme qui
s’inscrit dans le réalisme de la vie quotidienne de ces
personnes en fin de vie. Penser la vie prime sur penser
la mort, bien que cette dernière soit omniprésente dans
la Maison. « Le défi est d’écouter la vie quand tout parle
de mort », disait Thérèse Fugère, une infirmière de chevet. « C’est grand la mort, c’est plein de vie », chantait le
troubadour québécois Félix Leclerc.
S’investir dans l’accompagnement d’un mourant, c’est
le plus beau geste qu’on puisse offrir à celui qui va partir. L’exemple de M. William, mourant à l’âge de quatrevingts ans à la Maison Michel-Sarrazin après une vie
d’illégitime, à une époque où un enfant conçu hors
mariage était honni, le démontre par cette phrase terrible
et troublante, une semaine avant son départ : « Pourquoi
avoir attendu que je sois mourant pour me traiter comme
un être humain ? »
Robert constate que c’est dans l’amour, la tendresse
et les soins personnalisés que le mourir trouve tout son
sens, alors que pour certains, cet événement semble
absurde et sans finalité. Le docteur Jacques Voyer, psychiatre spécialisé en soins palliatifs, exprime un point de
vue semblable : « Ce qui compte à la phase du mourir,
c’est la présence des personnes qui nous ont aimés et de
celles que nous avons aimées. »
Enfin, un fait relaté par Robert me rappelle la visite
du réfectoire d’une communauté religieuse québécoise,
où comme chez les Égyptiens qui apportaient pendant le
repas un squelette pour servir d’avertissement aux convives, un crâne trônait sur la table de la mère supérieure
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pour rappeler aux religieuses la précarité de la vie et
pour les inciter à la frugalité.
La lecture du livre de Robert a été pour moi non pas
une remise en question, mais une confirmation de mes
croyances, et nul doute que de nombreux lecteurs auront
la même expérience. Et pour certains, ce sera l’occasion
de réaliser, comme l’a écrit le docteur Albert Schweitzer,
que « c’est un grand privilège de pouvoir soulager la
souffrance des malades et des endeuillés ».
Cet ouvrage met en lumière la profondeur de la
réflexion de l’auteur, pour qui, « bien que la mort soit
inévitable, on peut l’apprivoiser ». Il nous donne, en
outre, l’occasion de revisiter ces grands philosophes qui
ne cessent de faire réfléchir les hommes.
Merci, Robert, ton livre deviendra sûrement un
ouvrage de référence.
Louis DIONNE
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