Le mouflon Ovis gmelini musimon (corsicana)

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Le mouflon Ovis gmelini musimon (corsicana)
Le mouflon
Ovis gmelini musimon (corsicana)
Pierre-André Pochon
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Origine :
Retour à l’état sauvage de moutons rustiques importés d’Asie mineure (Anatolie) et
introduits en Méditerranée (Corse, Sardaigne, Chypre) au néolithique, entre le VIe et le IIIe
millénaire avant J.C.
A partir du VIIIe siècle, l’espèce a été introduite comme gibier, d’abord en Europe
méridionale puis occidentale.
Répartition et effectifs :
France : En Corse, il ne subsiste que deux noyaux : celui du
Monte Cinto au nord (600-800 individus) et celui du massif
de Barella au sud (env. 200). Depuis 1953, en raison de
l’érosion des effectifs, un plan chasse zéro a été établi. Sur le
continent, 10 à 11'000 mouflons se répartissent en 76
populations sur 25 départements. Les effectifs les plus
importants se trouvent dans les régions Languedoc-Roussillon
et Provence-Alpes-Côte-d’Azur. La plus ancienne
introduction date de 1949, dans le massif du Mercantour. Des
introductions répétées ont eu lieu dans les années 60-70.
Actuellement, la tendance annuelle est à la hausse : +10% en
Corse et +30% sur le continent.
Il est à noter que l’introduction du mouflon n’a pas
toujours eu un but cynégétique. Il a aussi été placé pour des raisons écologiques et
touristiques, comme c’est le cas dans la réserve ornithologique de la baie de Somme.
Suisse : La seule population vivant en Suisse
se trouve en Valais, dans le Chablais.
Apparue dans les années 70, elle provient de
mouflons venus par la France ainsi que
d’une quinzaine d’individus échangés contre
des cerfs et lâchés à Torgon en 1977.
Le troupeau cantonné sur la
commune de Vionnaz compte près de 200
individus. Un deuxième groupe d’environ
30 mouflons subsiste dans la région Val
d’Illiez-Champéry, entre 1300 et 1900m
d’altitude. Les gardes-chasse y effectuent
des tirs sanitaires dans le but d’éliminer les
individus mal formés et garantissant ainsi une population saine.
Identification :
Le mouflon de Corse est le plus petit des
mouflons. Le mâle ne dépasse pas 75cm au garrot
(65cm pour les femelles) pour un poids de 35 à
50kg (25-35kg). La morphologie diffère
également selon l’emplacement géographique :
plus on va vers l’est, plus les individus sont
grands ; ils peuvent atteindre une hauteur au
garrot de 125cm et un poids de plus de 200kg en
Altaï (sud sibérien).
Chez le mâle (bélier), le pelage est brun
roux à noir avec, en général, une selle blanchâtre
sur le dos et une crinière sous le cou, plus visible
en hiver. Il est à noter, toutefois, que la tache
dorsale n’est pas systématique et n’apparaît normalement pas avant l’âge de trois ans.
Le pelage de la femelle (brebis) est d’un brun-jaune plus clair et elle ne porte souvent pas de
cornes. Le ventre, les fesses, le bas des pattes et le museau sont blancs chez les deux sexes.
Leur pelage se densifie et s’assombrit en hiver afin de capter un maximum de chaleur
provenant du soleil (comme le chamois par exemple).
Les cornes, symbole de la virilité depuis l’Antiquité grecque, poussent sous la forme
d’un cornet de kératine brun clair, supporté par le pivot osseux. Chez le bélier, un arrêt de la
croissance marque chaque hiver un sillon ou anneau de croissance. On observe en effet un
ralentissement à la fin de l’hiver et au début du printemps : pendant la période de mue, la
repousse des poils mobilise les réserves de kératine. Les cornes croissent et s’enroulent avec
l’âge. Leur croissance est maximale les premières années, jusqu’à 3 ans environ. Elles
peuvent atteindre une longueur de 50 à 80cm et une circonférence de 20 à 26cm. Chez la
brebis, les cornes, parfois présentes et souvent dissymétriques, mesurent 3 à 18cm et sont peu
recourbées.
Biologie :
La saison des amours, qui dure de 6 à 8 semaines
(octobre-décembre), bat son plein en novembre. De
violentes confrontations entre mâles ont lieu pour la
conquête d’un harem. L’examen de crânes a montré
qu’un nombre important d’entre eux présentait des
lésions sur les os, les cornes ou les dents.
Le mouflon est sexuellement mature à un an,
mais l’âge de reproduction pour les femelles est de 2 ans
et pour les mâles, de 4 ans seulement. La naissance des
jeunes a lieu en mars-avril, après 22 semaines de
gestation. Il naît en général un seul agneau, rarement deux.
En dehors de la saison des amours, les mouflons se répartissent en petites hardes
unisexes : les jeunes mâles et les adultes subordonnés vivent en groupes séparés des femelles,
qui restent avec leurs petits. Les mâles plus âgés mènent une existence solitaire.
Le mouflon n’est pas un animal strictement montagnard comme le bouquetin, il se
montre inadapté aux conditions d’enneigement de certains biotopes. S’il se plaît
particulièrement bien dans la région de Torgon, c’est qu’il jouit d’un accès aisé à la plaine via
les forêts et divers pâturages. Les mises bas ont d’ailleurs lieu dans ces régions de basse
altitude (400-900m). Au fil des semaines, les troupeaux remontent le flan de la montagne pour
passer l’été dans la région sommitale, broutant les herbes des pâturages alpins (1400 à
1900m). C’est avant tout un ongulé qui préfère les vastes espaces ouverts au relief modéré,
mais son pas sûr et vigoureux lui permet d’escalader éboulis et vires rocheuses où il va
chercher refuge s’il est dérangé. Le sol doit être dur, sec et caillouteux, couvert d’une
végétation herbacée et arbustive. L’hiver, par manque de graminées, cet ongulé est parfois
obligé de se rabattre sur les buissons, les pousses et les écorces de ligneux ; il se nourrit
également de faînes, glands et châtaignes.
Le mouflon est plutôt diurne et crépusculaire mais on peut l’observer aussi de nuit, en
hiver, broutant dans les prés le long de la route montant à Torgon.
Critères d’âge
Il est possible d’estimer l’âge selon la denture, la date d’apparition de la selle,
l’annulation et les dimensions des cornes pour les mâles, l’allure du corps, la forme de la tête
et l’aspect de la tache faciale pour les femelles.
Selon la denture : jusqu’à l’âge de cinq ans environ, bonne précision de détermination
par l’étude des différentes phases de mise en place de la dentition (diphyodontes=>une
seconde dentition définitive succède à une première dentition de lait). Méthode inutilisable sur
le terrain, sauf par captures.
Selon l’apparition de la selle : elle
n’apparaît normalement pas avant l’âge de trois
ans. Utilisation inadaptée car tous les mâles
n’en sont pas pourvus, de plus les selles les
plus étendues n’appartiennent pas toujours aux
plus vieux individus.
Selon l’annulation et la dimension des
cornes : comme indiqué plus haut, la
croissance des cornes n’est pas uniforme, ce
qui permet une détermination relativement
aisée de l’âge par les différents sillons (voir
dessin ci-contre). La longueur des différents
anneaux annuels varie selon les conditions
climatiques, l’état de santé (la croissance peut
même être stoppée chez un animal malade ou
blessé) et l’âge.
Selon l’allure, la forme de la tête et la
tache faciale chez les femelles : l’allure générale
du corps devient plus lourde avec l’âge. La tête
passe d’une forme triangulaire (< 2ans) à
elliptique chez les plus âgées. La figure 2
montre l’évolution du masque facial.
Statut
Le mouflon est régi par la « Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères
et oiseaux sauvages, LChP », ainsi que par « L’Ordonnance sur la chasse, OChP ». L’art.1, al.
de la LChP déclare que la loi vise à la conservation de la diversité des espèces et des biotopes
des mammifères et oiseaux indigènes et migrateurs vivant à l’état sauvage. L’art. 8, al.1 de
l’OChP indique que le lâcher d’animaux d’espèces non indigènes ou d’espèces qui causent
d’importants dégâts est interdit. Dans l’al.2, il est écrit : les cantons doivent prendre les
mesures nécessaires pour empêcher la propagation et la multiplication des animaux énumérés
à l’al.1 (incluant le mouflon).
Le canton du Valais estime que l’art. 1 de la LChP ne concerne pas le mouflon. En
effet, depuis son arrivée dans notre pays, la population est saine et occupe les biotopes qui lui
conviennent. Causant peu de dégâts, ce mouton sauvage fait peu parler de lui. Il est
maintenant l’un des éléments d’une faune riche et diversifiée, comme le préconise l’art. 1 de
la LChP. Pour toutes ces raisons, il est donc toléré par les autorités. Par ailleurs, la colonie est
cantonnée dans cette seule région de Torgon par des tirs de contrôle.
Les attaques du loup en 2006 semblent toutefois avoir provoqué un éclatement du
troupeau principal, ainsi qu’un comportement plus méfiant d’où une difficulté plus grande
d’observation. Depuis son arrivée il y a 30 ans, le mouflon s’était habitué à n’avoir que
l’homme comme prédateur. La présence du grand canidé dans le Chablais signera-t-elle la fin
d’une idylle valaisanne ? Verra-t-on un déplacement ou une expansion du territoire de ces
ongulés ? Seuls l’avenir ainsi que le Service Cantonal de la Chasse nous le diront.
Bibliographie
Cavalera C., 2005, Le mouflon de Corse en Valais. Bulletin de La Murithienne n°123
Marchesi P., Lugon-Moulin N., 2004, Mammifères terrestres de la vallée du Rhône. Editions Monographic
Domingo J., 2008, Mouflon : L’odyssée de l’espèce. Revue Grand Gibier n°46
Collectif, 2005, Le mouflon, ancêtre du mouton. La vie des petits et grands mammifères de la série Nature en
France. Editions Atlas