1 Fédération Nationale des Chasseurs 13 rue du Général Leclerc
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Fédération Nationale des Chasseurs 13 rue du Général Leclerc 92136 Issy les Moulineaux 01 41 09 65 10 www.chasseurdefrance.com Compte rendu de l’atelier d’échanges d’expériences entre les fédérations alpines de chasseurs, le 5 mars 2014 à la Fédération Départementale des Chasseurs de la Drôme. Etaient présents : - M. Jean-Louis Blanc, Délégué interrégional Alpes-Méditerranée Corse ONCFS ; M. Eric Marboutin, Chef de projet Grands Carnivores ONCFS ; M. Gérard Bédarida, Président ANCGG ; - M. Jean-Paul Bonnard, Président ADCGG 26 ; - M. Emile Samat, Président des lieutenants de louvèterie 83, Vice-Président de louvèterie Région PACA ; M. Yves Lecocq, Secrétaire général FACE ; M. Michel Isaïa, Vice-Président FDC 04 ; M. Yves Ducreux, Secrétaire général FDC 05 ; M. Nicolas Jean, Directeur FDC 05 ; M. Daniel Siméon, Responsable Service Technique FDC 06 ; M. Alain Cesco, Responsable administratif FDC 13 ; - M. Alain Hurtevent, Président FDC 26 ; MM. Joël Mazalaigue, Christian Chaillou, Rémi Gandy et Mme Jeanine Pinède, Administrateurs (trice) FDC 26 ; - Mme Malory Randon, Technicienne FDC 26 ; - MM. Alain Siaud et Jean-François José, Administrateurs FDC 38 ; M. Yann Pelletier, Technicien FDC 38 ; M. Gérard Souchon, Administrateur FDC 48 ; - M. Arnaud Julien, Chargé de mission FDC 48 ; M. Gilbert Dumas, Vice-Président FDC 73 ; - M. Claude Reynaud, Administrateur FDC 73 ; M. Pierre Sicard, Directeur FDC 73 ; - M. Régis Clappier, Secrétaire général FDC 73 ; - M. André Mugnier, Président FDC 74 et Président de la Commission de Suivi du projet Médialoup ; 1 - M. Eric Coudurier, Adjoint au directeur FDC 74 ; Mme Louise Pereira, Chargée de mission service civique FDC 74 ; - Mme Jennifer Taverne, Stagiaire FDC 74 ; - M. Bruno Gianinardi, Technicien FDC 83 ; Mme Christel Savelli, Directrice FDC 84 ; - Mme Rosette Roux et M. Daniel Debenest, Technicien(ne)s FDC 84 ; M. Marc Chautan, Directeur FRC Rhône-Alpes ; - M. Jean-Pierre Arnauduc, Directeur Technique FNC ; M. Laurent Courbois, Chargé de mission FNC ; Mme Adélaïde Désilles, Chargée de mission en service civique FNC. Informations : Ce compte-rendu reproduit uniquement les informations et discours délivrés par les intervenants, sans modifications, commentaires ou interprétations de la part des rédacteurs. D’autres informations sont visibles sur le site internet du projet Médialoup : http://medialoup.chasseurdefrance.com/. Le Président Hurtevent (FDC 26) souhaite la bienvenue aux participants. Il remercie particulièrement le Président Mugnier et l’équipe de la FNC pour l’organisation de cet atelier. Il remercie également le Délégué régional de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), M. Jean-Louis Blanc, le Secrétaire général de la Fédération des Associations de Chasseurs Européens (FACE), Dr Yves Lecocq, le Président de l’Association Nationale des Chasseurs de Grands Gibiers (ANCGG), M. Gérard Bédarida ainsi que M. Eric Marboutin de l’ONCFS. Le Président Mugnier (FDC 74 - Président du Comité de Suivi Médialoup) remercie également les participants, et particulièrement le Président Hurtevent pour son accueil. Il fait un état de la situation en France et rappelle les objectifs de la seconde phase du projet Médialoup ainsi que ceux de l’atelier du jour. (Voir discours joint) Il passe ensuite la parole à Laurent Courbois. 2 L. Courbois, chargé de mission FNC : « Présentation de MédiaLoup I : 10 Questions /10 Enseignements des ateliers menés en Espagne, Italie et Suède » Laurent Courbois rappelle que le projet Médialoup a été initié il y a quatre ans, grâce aux subventions attribuées par le Ministère de l’Ecologie et de la Fondation François Sommer pour la Chasse et la Nature. La première phase de ce projet a mené à des échanges lors de visites de trois pays européens : l’Italie, la Suède et l’Espagne. Il présente les enseignements issus des ateliers. Cela ne sera probablement pas des nouveautés pour les fédérations alpines de chasseurs pour qui le retour du loup n’est pas si récent. L’un des objectifs de la journée est d’élaborer des propositions aux fédérations nouvellement colonisées, qui pourront leur être transmises lors des futurs ateliers. En effet, sera organisé un deuxième atelier en Lozère, à Mende, pour les fédérations du Massif Central et des Pyrénées le 12 juin 2014. Un troisième atelier est prévu dans les Vosges pour septembre-octobre 2014 avec les fédérations de FrancheComté, de Champagne Ardennes et de Bourgogne. Répartition des populations de loups en Europe : La répartition européenne des loups est articulée autour de gros noyaux de population au niveau de la Grèce, des pays baltes, d’Europe de l’Est, des Balkans, de l’Italie ou encore de l’Espagne. Cadre réglementaire européen du loup : Le loup est en annexe 2 et 4 de la Directive Habitat Faune Flore, et Répartition des populations de loups en Europe fait donc l’objet d’une protection (Chiffres datant de 10 ans à majorer pour certains pays) stricte. Dans un certain nombre de pays membres, des dérogations sont possibles par application de l’article 16, notamment quand l’activité d’élevage est menacée. Pour d’autres pays, le loup est inscrit à l’annexe 5 de la Directive qui ouvre des possibilités de gestion, de chasse et donc de prélèvement. C’est notamment le cas des populations de loups en Grèce, en Estonie, en Lettonie, au nord du fleuve Duero en Espagne, et dans les zones de gestion de rennes en Finlande. Ce qui est intéressant, c’est qu’une même population peut être gérée de manière différente de part et d’autre d’une frontière. La Suède intervient sur la population de loup au nom de l’article 16 de la Directive car elle y est inscrite en annexe 4 alors que la Finlande peut mettre en œuvre des mesures de gestion sur cette même population de son côté de la frontière parce qu’elle y est inscrite en annexe 5. 3 Le loup ne vit-il qu’en montagne ? Non, en Italie par exemple, les loups peuvent occuper des zones périurbaines, démystifiant ainsi l’espèce. Des loups ont fait les poubelles ou encore mangé du raisin. En Espagne également, le loup occupe des habitats très variés et a été notamment photographié à de nombreuses reprises en plaine et zone agricole. Les loups peuvent-ils parcourir de grandes distances, et traverser de grandes infrastructures ? Oui, un certain nombre de présentations ont montré que des loups équipés de GPS parcourent plusieurs centaines de kilomètres en quelques mois. En Suède notamment, une louve a été capturée dans la zone à rennes et transportée dans le sud-ouest du pays. Cette opération a été répétée trois fois de suite. La louve a systématiquement parcouru plusieurs centaines de kilomètres vers son lieu de capture. Quelle est l’origine de nos loups, naturelle ou issue de relâchés ? Laurent Courbois ne souhaite pas entrer dans la polémique mais retranscrira simplement des éléments donnés par les fédérations de chasseurs rencontrées dans les pays visités. L’origine naturelle ne fait aucun doute pour ces trois pays, qui ont par ailleurs été surpris par notre débat français. L’Espagne et l’Italie avaient déjà des populations naturelles. En Suède, la population de loup serait issue de deux-trois individus qui auraient parcouru 800 km, venant des pays baltes. Le loup peut-il attaquer l’homme ? Là encore, M. Courbois ne veut pas entrer dans la polémique. Au XXème siècle, et en tous cas dans les pays visités, il y a en zone rurale cette inquiétude du loup attaquant l’homme qui persiste. Néanmoins, en Italie par exemple, le plus gros problème serait plutôt dû à la confrontation avec les chiens errants. Ces trois pays n’ont pas enregistré d’attaques directes de loup sur l’homme. Combien une meute de loup consomme-t-elle d’animaux sauvages ? Quel est l’impact du loup sur le gibier de chasse ? Dans les alpes italiennes un cas est présenté où une meute prélèverait 62 à 176 sangliers alors que les chasseurs prélèveraient quant à eux 300 à 1000 sangliers sur cette zone. En Suède, sur la population d’élans estimée à 500 000 individus à l’échelle du pays, 25 à 30% sont prélevés par la chasse, 2,5% par les loups, et 4% meurent par collision routière, selon les estimations. Le loup prélève aussi des chevreuils, cerfs, sangliers, mais en ce qui concerne les populations d’élans, le loup n’est pas véritablement un problème. Finalement, il l’est plus sur les chiens de chasse. En Espagne, le cas de la réserve de chasse et de faune sauvage de la Culebra, montre une cohabitation d’une belle population de loups avec une belle population de cerfs, initialement réintroduite pour éviter la prédation du loup sur les brebis. A l’échelon de certains sites ou massifs, il peut arriver que des populations de chevreuils ou de mouflons régressent fortement voire disparaissent temporairement, à court terme, et dans certains cas particuliers. Il peut y avoir un écrémage de forte 4 densité de population de gibier. D’une façon générale, au cours de ces dernières années, la présence du loup n’a pas entrainé la disparition de ses espèces proies. La croissance des populations de loups se fait en parallèle de fortes augmentations des populations de grands ongulés. On constate également une modification de leurs comportements, mais un maintien d’une pratique de chasse, au moins dans les pays visités. Donc la seule chose que l’on puisse dire est que l’impact de la prédation du loup est complexe, multifactoriel et à considérer au cas par cas, selon les zones concernées. Qui paie pour la gestion du loup ? Dans les trois pays visités, il y a une décentralisation, ou déconcentration selon les cas, de la gestion du loup sur base de quotas nationaux. Des systèmes d’assurance privée pour l’indemnisation des dégâts faits par le loup sont mis en place. Il est possible que l’Etat français s’en inspire à terme, notamment si les coûts de l’indemnisation continuent d’augmenter. La chasse comme moyen de gestion des populations de loups est-elle acceptée ? Oui, sans problème en Espagne avec des plans de chasse, prévoyant environ 130 attributions et un prélèvement effectif d’un peu moins de 100 loups. En Italie par contre, la question est totalement taboue. En Suède il y a une sorte de consensus avec les associations environnementales, notamment WWF, sur l’intervention d’une chasse de régulation. Cela n’a quand-même pas empêché une plainte d’être déposée auprès de la Commission européenne contre la Suède qui avait autorisé une chasse au loup afin de diminuer les effectifs de loups, dans un objectif de lutter contre l’appauvrissement génétique de la population, en prévoyant des réintroductions par la suite. La Suède a dû renoncer à ce dispositif d’intervention. Le braconnage serait-il plus important en France qu’ailleurs ? A priori non, bien qu’il soit difficile de l’estimer avec précision. Le braconnage semble être une cause de mortalité importante dans les pays visités, les estimations se font plutôt de manière indirecte en comparant les taux d’accroissement des populations théoriques et constatés. Dans les pays visités, l’estimation du braconnage est assez élevée. Une différence dans l’acceptation du loup entre les habitants ruraux et urbains est observée dans les pays visités. Les éleveurs sont globalement opposés au loup, mais avec une meilleure acceptation dans les zones de présence historique du loup que dans les zones de colonisation récente. La Fédération de chasse italienne reportait que la coexistence était jugée satisfaisante. Laurent Courbois conclut qu’il n’est plus temps de se questionner sur la présence du loup mais bien de voir maintenant comment s’adapter au retour de cette espèce. 5 Y. Lecocq, Secrétaire général de la Fédération des Associations de Chasseurs Européens : « Conservation et gestion du loup Canis Lupus : une perspective européenne » Yves Lecocq représente Monsieur Gilbert De Turckheim, Président de la FACE et, sur la demande de celui-ci, remercie la Fédération Nationale des Chasseurs d’associer la communauté des chasseurs européens à leurs réflexions. Il rappelle que pour beaucoup d’Etats membres de la FACE, le retour du loup est une réalité. Alors que l’on prétend souvent que le loup est une espèce menacée et strictement protégée, la vérité est, selon lui, plus nuancée. Les derniers chiffres, qui datent de 2012, indiquent que le loup est présent dans tous les pays européens à l’exception de ceux du Benelux. Il y a deux ans, un loup a été photographié et filmé en Belgique, l’identification a été confirmée par un expert de l’Office. Un loup a été trouvé mort aux Pays-Bas l’année dernière. Au Danemark, deux loups ont été trouvés morts. En Irlande, au Royaume-Uni, à Chypres et à Malte, il est logique qu’il n’y en ait pas encore. Cela dit, M. Lecocq mentionne qu’au Royaume-Uni, des instances parlent sérieusement de la nécessité de réintroduire le loup en Ecosse pour y réguler les populations de grands ongulés. La Commission européenne estime la population de loups à plus de 10 000 individus, et reconnaît que la plupart des populations d’Europe sont stables ou en augmentation. Seulement une partie de la population de Finlande serait en mauvais état de conservation. La distribution de la population de loups est également en augmentation. L’Initiative pour les Grands Carnivores en Europe (LCIE), qui est un partenariat, notamment avec le WWF, l’Union International pour la Conservation de la Nature (etc.), considère que la chasse au loup est acceptable sous certaines conditions, et peut être favorable ou compatible avec la conservation de cette espèce, notamment dans le cadre de plans de gestion ou de plans d’action. Il faut faire la distinction entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe pour voir le cadre juridique du loup, mais il est quand-même comparable. Concernant le Conseil de l’Europe, la Convention de Berne classe le loup en annexe 2, parmi les espèces strictement protégées, mais il y a des dérogations possibles (comme dans la Directive européenne) notamment pour prévenir des dommages importants. Les parties contractantes avaient la possibilité d’émettre une réserve au moment de la signature de cette Convention, et c’est remarquable de voir que pratiquement tous les pays qui, à l’époque, avait une population de loups sédentaires ont émis une réserve. Bien-sûr la France ne l’a pas fait à l’époque, ni la Suisse. Les pays le regrettent maintenant. Conseil de l’Europe (1949) 47 Etats membres 6 La Directive Habitat, dans le cadre de l’Union européenne, spécifie bien que le maintien de la biodiversité doit être compatible avec les activités humaines. Elle classe le loup comme espèce strictement protégée dans 19 Etats membres, mais en même temps prévoit la possibilité de la chasser dans le cadre de mesures de gestion, dans 8 Etats membres. C’est donc certainement faux de prétendre que généralement le loup est une espèce strictement protégée en Europe. Union européenne (1958) 28 Etats membres La Suède et la Slovénie ont à peu près le même tableau de chasse annuel mais celuici n’est contesté qu’en Suède. Yves Lecocq croit qu’au vu des critères de la Directive Habitat (niveau de population, tendance, aire de distribution et menace) il serait certainement possible de classer le loup dans la plupart des Etats de l’Europe comme étant dans un état de conservation favorable et donc avec des possibilités de régulation voire d’utilisation du loup. Il rappelle que dans le nord de l’Espagne, où l’espèce est chassable en vertu de la directive, la population de loups se porte bien et est en augmentation, alors que dans le sud, où elle est strictement protégée, elle est en diminution. C’est pourquoi l’Espagne a demandé officiellement une révision des annexes de la Directive pour étendre cette notion de gestion cynégétique du loup à l’ensemble du pays. Yves Lecocq soulève enfin le cas de la Croatie. Cet Etat vient d’adhérer à l’Union européenne et a demandé lors de ses négociations d’adhésion à classer le loup et l’ours en annexe 5 pour avoir la possibilité de mettre en place une gestion de ces espèces par la chasse. C’est un pays où les deux espèces se portent très bien, et la Commission européenne avait donné un avis favorable. Cependant, il fallait l’unanimité des Etats membres, et certains, comme la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, trois pays qui n’ont ni loup, ni ours, ont opposé leur véto. Donc aujourd’hui le pays avec une des plus belles populations de ces deux grands carnivores a un régime plus contraignant que d’autres pays, comme l’Estonie, où les espèces sont tout à fait chassables. M. Lecocq se réjouit de participer à cette réflexion. Il pense que c’est très bien de lancer des idées sur la gestion des populations de loups dans les pays concernés, mais qu’il faut aussi aller vers des mesures concrètes et délivrer des messages clairs aux décideurs européens. 7 E. Marboutin, chef de projet Grands Carnivores, ONCFS : « Quelques repères sur le loup » M. Marboutin annonce les quatre points qu’il abordera : Historique de la recolonisation du loup en France Les populations ailleurs en Europe Les relations prédateur-proies Les grands principes de gestion des interactions loup-pastoralisme, tels qu’ils sont actuellement conduits par les Ministères en appui avec le Groupe National Loup. 1. Historique de la recolonisation de la France Les indices que le loup laisse sur son passage permettent de détecter sa présence. Cependant, il peut arriver qu’un loup soit présent sans être pour autant détecté. Ainsi, ces détections permettent de définir une aire minimale de présence. Les premiers indices de présence détectés datent de 1992 et s’ensuit ce qu’on appelle le phénomène de colonisation. Cette colonisation se fait par un phénomène de dispersion des loups que l’on ne peut prévoir. Comme illustration de ce phénomène, un loup a été capturé dans une meute à la frontière germano-polonaise, et équipé de GPS. Six mois après, cet animal se reproduit dans un pays balte. Il a fait à peu près 850 km de trajectoire. En ligne droite cela fait 800 km, ce qui aurait pu tout autant le faire venir à Paris. La dispersion d’un loup 8 Cette dispersion du loup, imprévisible, peut concerner des distances difficilement imaginables pour certains. Le loup, d’où qu’il soit, se disperse, et de manière complètement imprévisible. De plus, le loup est une espèce au bilan démographique assez excédentaire par rapport à d’autres grands carnivores. En effet, si tous les paramètres démographiques sont au maximum, le loup peut avoir au maximum 45% d’accroissement par an. Pour comparaison, l’ours a un taux de croissance annuelle de 5-10%, ayant plus investi dans une stratégie de survie. Quant au lynx, il a un taux de croissance légèrement supérieur, à 10-15% par an. Ce taux d’accroissement du loup est potentiel et ce n’est pas celui de la population actuelle de loup en France, mais ce potentiel démographique existe. Cette croissance démographique conjuguée avec des capacités de dispersion importantes expliquent une recolonisation telle que celle observée en France, comme ailleurs en Europe. La biologie du loup explique ce phénomène de recolonisation et il n’est pas utile d’aller chercher des théories qui ne bénéficient d’aucun élément d’argumentation vérifié ou démontré. La recolonisation de la France par le loup a suivi quelques étapes : La première détection date de novembre 1992 dans le Mercantour, mais cela ne veut pas dire qu’il n’était pas arrivé avant, il est fort probable qu’il soit arrivé plus tôt mais que personne ne l’ait remarqué. Le 25 novembre, un loup, pris pour un chien, est tiré dans le sud de l’Isère, déjà à 200 km au nord de la première signalisation. Cela va aller très vite ensuite. En 1994, un cadavre d’un loup braconné est découvert sur dénonciation dans les Vosges. En 1997, un premier loup est détecté dans le Massif Central, 5 ans après la signalisation de loups dans les Alpes, mais encore, ce n’est probablement pas le premier loup à y venir. L’année 1998 marque le début de la présence du loup dans les PyrénéesOrientales, entérinée ensuite à partir d’une photo prise d’un loup qui regarde des isards. En 2003, il y a la première détection de loup sur le massif jurassien avec des attaques de troupeaux dans l’Ain. En 2011, c’est à nouveau une détection dans les Vosges. Il n’y a pas d’explication au fait que le loup ne se soit pas installé sur le massif jurassien, avant de le faire dans les Vosges en 2013. Ce sont les aléas de la dispersion, et c’est illusoire de vouloir prédire l’installation du loup. En 2012, une détection est faite dans le Gers. Enfin, actuellement, des loups ont été détectés de manière isolée dans la Meuse, l’Aube et la Marne. Pour cette dernière, des attaques ont eu lieu sur la commune de Coole, une région sur laquelle il y a des GIC perdrix et lièvres. Cela donne une idée de la plasticité écologique du loup. Et pour ceux qui s’imaginent que le loup est un inconditionnel des Alpes, cet exemple montre bien que c’est une espèce qui pourra se développer dans des endroits très différents même si, certes, c’est principalement dans les Alpes qu’il se développe pour le moment. 9 40000 réguliere occasionnelle 35000 30000 25000 20000 15000 10000 5000 11 10 09 08 07 06 05 04 03 02 01 00 99 98 97 96 95 12 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 19 19 19 19 19 94 0 19 Concernant l’évolution de l’aire de présence de l’espèce, la Commission européenne sur le reporting de Natura 2000 demande de faire, pour toutes les espèces concernées, des évaluations de superficies avec une maille carrée de 10 km par 10, maille européenne. Avant, il s’agissait de cartes communales, maintenant ce sont des carrés. De toutes façons ces cartes sont en partie « fausses » puisqu’elles sont des sous-estimations de la réalité, et n’ont d’intérêt que parce qu’elles peuvent être comparées au cours du temps. Globalement, l’aire de présence du loup tend à augmenter. Ses seuls concurrents étant l’homme et les meutes de loups déjà installées, il peut coloniser tant qu’il y aura des espaces vides et que l’homme le laissera progresser. Aire de présence détectée Le loup vit généralement en groupes sédentarisés que certains individus quittent pour coloniser. La carte de la répartition des groupes de loups sédentarisés (dont certains sont des meutes) doit être très proche de la réalité car il est plus difficile de ne pas détecter des loups sédentaires. En plus de ceux des Alpes, il y a un groupe sédentarisé dans le sud du massif vosgien, deux en Pyrénées-Orientales, un troisième au sud du mont Canigou qui est comptabilisé par les espagnols parce qu’il est détecté quasiment tout le temps de leur côté de la frontière. Il y a un taux d’accroissement du nombre de groupes de loups sédentarisés d’environ 10% par an, pour l’instant. Cela va peut-être changer, cet accroissement s’est fait principalement dans le massif alpin où les meutes sont plus ou moins en contact, et cela peut permettre de créer plus facilement de nouveaux groupes. Quant aux effectifs, le nombre d’individu à l’issue de l’hiver précédent était estimé à environ 250. Eric Marboutin observe que la France a mis en place les méthodes les plus robustes sur le plan scientifique disponibles qui donnent alors l’ordre de grandeur le moins faux possible – ou le plus juste possible selon la terminologie qu’on préfère. La population de loups en France a un taux de croissance d’environ 20% par an, en moyenne. 10 Les prédictions sur l’expansion à venir du loup sont difficiles à faire. Certains s’y sont hasardés, notamment des italiens qui sont de bons connaisseurs du loup. Le souci vient du fait qu’il est difficile de prédire les déplacements d’une espèce plastique. Le loup peut vivre à peu près n’importe où. Les italiens ont pris les données qu’ils avaient sur le milieu alpin et ont réalisé un modèle mathématique qui tente de prédire les zones des Alpes les plus favorables à l’installation du loup. Pour le moment, le modèle a eu raison sur certains points mais il a déjà été contredit aussi puisqu’il y a sept groupes de loups qui se sont installés dans des zones considérées par le modèle comme moins favorables à l’installation du loup (en bleu sur la carte). Selon Eric Marboutin, c’est un peu le problème des modèles, ils ont parfois raison, et souvent tort. Et ils auront d’autant plus tort qu’ils seront appliqués Comparaison des ZPP alpines avec les zones dans d’autres circonstances que celles de leur élaboration. Par jugées favorables exemple, il est fort probable que ce modèle appliqué au Massif Central conclut à ce que celui-ci ne soit pas une zone adéquate au loup, pour un facteur tel que son altitude peu élevée. Eric Marboutin encourage donc plutôt à privilégier la réactivité, et c’est un peu dans ce sens que va le Plan National d’Action Loup 2013-2017. En effet, il souhaiterait qu’un maximum de personnes de terrain soit formé en amont de l’arrivée du loup pour pouvoir identifier les indices de présence du loup le plus tôt possible. Pour cela, il faut que le préfet décide de la mise en œuvre du Réseau de correspondants Loup-Lynx. En attendant qu’il le fasse, l’ONCFS forme déjà en interne et incite le groupe DDTPréfecture à mettre en place dès que possible le Réseau multipartenaire pour avoir une amplification aussi forte que possible des possibilités de détection de l’espèce en amont de l’arrivée du loup. Il faut également informer au sujet du loup, comme ce qui est fait avec le projet Médialoup d’ailleurs. Cela ne veut pas dire entériner l’acceptation de la présence du loup. Informer signifie seulement donner aux personnes qui seront en premières lignes des problèmes de cohabitation avec le loup, des informations sur ces points bien particuliers que sont les attaques sur les troupeaux, l’impact sur la faune sauvage, les risques de la proximité à l’homme… Il s’agit d’essayer au moins de désamorcer ce trio de problèmes, observé de manière récurrente. A chaque nouveau territoire colonisé les mêmes problèmes se posent et les gens n’ont pas le temps de chercher des informations. Etre motrice dans la communication d’information pourrait être un rôle pour la communauté cynégétique, surtout maintenant qu’elle est allée chercher cette l’information. Concernant la gestion du loup, il y a des compétences partagées entre l’Etat central (ministères), le préfet, les établissements publics, les représentants de structures associatives… Chacun a des compétences, et il ne faut pas qu’il y ait des rumeurs ou des incertitudes. La désinformation est particulièrement désastreuse dans ce domaine. Il faut se préparer, notamment comme c’est fait dans les DDT, à la mobilisation de moyens d’urgences (crédits…), ou par exemple à anticiper les analyses de vulnérabilité des troupeaux. Selon les endroits où l’on se trouve en France, la conduite des troupeaux n’est pas la même, ni la durée de leur exposition à la prédation. Ainsi il 11 y a des contextes plus explosifs que d’autres. Avec une conduite de troupeau très extensive, parce que la ressource fourragère est maigre par exemple, il sera plus difficile de protéger les troupeaux en conseillant de les regrouper par exemple. Ce sont des enjeux qui peuvent se diagnostiquer un peu en avance. 2. Les populations de loups ailleurs en Europe Les loups de type suédois ont une quinzaine de kilos de plus que les loups français. Ce n’est pas la même lignée d’animaux. Ces loups sont plus adaptés aux écosystèmes type grand nord et sont plus imposants afin de mieux résister au froid. Mais ils font tout de même partie de l’espèce « Canis Lupus », et pourraient se reproduire avec les loups de France. Il y a une petite différence phénotypique mais c’est une même espèce. Pilotés par la LCIE, les Etats européens mettent en commun leurs données et font des bilans globaux. Les populations sont délimitées en Les populations européennes de loups Europe. Il y a des « espaces » hybrides, et la distinction se fait entre une logique biologique et une logique politique de gestion. Séparer la population centrale italienne de la population des Alpes et de l’ouest des Alpes n’a pas vraiment de sens sur le plan biologique, mais si des plans internationaux d’actions devaient être mis en place, il serait plus pertinent de considérer la population centrale italienne différente de celle plutôt alpine (Nord de l’Italie + France), de celle de la péninsule ibérique, plutôt que comme un tout. Les populations de loups en Europe sont quasiment toutes en hausse ou stables. Seule la population de Finlande est en baisse, ainsi qu’un petit noyau d’individu dans le centre de l’Espagne (Sierra Morena). La population ibérique pourrait bien l’être également. Elle est mal estimée car une grande population est plus difficile à évaluer qu’une petite. En France, l’estimation de la population à 250 loups résulte d’une analyse génétique de tous les excréments trouvés, tempérée par le calcul du risque de rater un excrément de loup alors que le loup est présent. Il s’agit de gros moyens, envisageables uniquement en cas de petites populations, pour lesquelles il y a d’ailleurs souvent plus d’enjeux, soit parce qu’elles reviennent, créant beaucoup de tensions, soit parce qu’elles sont en état de conservation fragilisée et qu’il faut alors comprendre ce qu’il se passe. Selon le dernier rapport de la LCIE, la population de loups en Europe est de l’ordre de 11 000 à 12 500 individus. C’est toujours difficile de donner un chiffre parce que certains estiment des meutes ou des couples sédentaires tandis que d’autres donnent des ordres de grandeurs. La population ouest-alpine, constituée des populations italienne, française et suisse fait actuellement l’objet d’une estimation, qui devrait être 12 d’une quarantaine de meutes ou couples sédentarisés (qu’on assimile aux meutes en France car en présence d’un couple, il y a potentiellement une meute). Cette population est du même ordre de grandeur que la population germano/polonaise, mais un peu plus petite que la population scandinave. 3. Les relations prédateur-proies D’après Eric Marboutin, il y a peu de connaissance sur ces relations dans un contexte d’écosystèmes européens (c’est à dire avec plusieurs espèces de proies disponibles simultanément), au regard des efforts de terrain en tous cas, et de l’énergie investie par tous. Il y a trois familles d’approches pour analyser ces relations : L’approche purement descriptive est de regarder dans les excréments du loup ce qu’il mange. Cela ne renseigne pas sur l’impact, car celui-ci dépend surtout de la population de départ. Mais cela permet de décrire son régime alimentaire. Pour avoir des informations sur son impact sur une petite zone avec de gros moyens, il est possible de faire comme la FDC 06, le Parc National du Mercantour, le CNRS, et l’ONCFS dans le cadre du programme prédateurproies dans le parc du Mercantour. Cela permet d’avoir des mesures précises et locales, à l’échelle d’une meute, de l’impact potentiel de la prédation du loup sur les mécanismes de fonctionnement démographique des populations d’ongulés. C’est un regard pointu sur un site, qui ne garantit pas que les résultats s’appliquent dans une autre situation. Et puis il y a l’approche entre les deux, que Malory Randon a mis en place dans la Drôme. Il s’agit de suivre avec des indicateurs un bilan d’état d’équilibre des populations d’ongulés par rapport à leur environnement, de suivre les cinétiques démographiques de ces populations dans des situations contrastées, par exemple en présence du loup, à son arrivée... Ce sont trois familles d’approche mais il pourrait y en avoir d’autres. Pour l’étude du comportement des animaux en présence de prédation, par exemple, il est possible de faire comme la Fédération de Chasseurs de Haute-Savoie : regarder la distribution dans l’espace des proies et des prédateurs en fonction de la zone (cœur de meute, périphérie de meute…). Toutes ces études aux différentes approches apportent quelques réponses, mais suscitent aussi beaucoup de questions, selon M. Marboutin. La relation prédateur-proies n’est pas aisée à étudier, et en déduire des préconisations cynégétiques est un pas risqué à franchir. Le régime alimentaire du loup est varié, notamment en fonction de la saison. Il est constitué de deux parts majeures que sont le chamois et le chevreuil, mais bien-sûr il y a aussi le mouflon, le cerf, et les ovins, surtout en été puisque quelques 700 000 ovins viennent en transhumance dans le massif alpin. Les ovins sont là, ils sont nombreux, concentrés et fragiles à la prédation. Etre concentré dans l’espace est une stratégie anti-prédation pour les ovins. C’est souvent celui qui est un peu à l’écart du groupe qui se fait attaquer par le loup, donc il y a un réel avantage à être en groupe. Les ongulés sauvages agissent également parfois de cette façon. De grosses hardes vont parfois se regrouper parce que cela optimise les possibilités de détection du 13 prédateur. C’est une des réactions comportementales à la pression de prédation du loup, qui peut d’ailleurs avoir des impacts sur les méthodes de dénombrement. Si d’habitude il y a dix groupes de chamois, mais qu’en raison de la prédation du loup, l’espèce se regroupe en trois et qu’un n’est pas comptabilisé, cela fera l’impression d’une diminution importante de la population, alors que c’est simplement la répartition spatiale qui a changé. En moyenne, 75% du régime alimentaire de toutes les meutes confondues sont constitués d’ongulés sauvages. Une meute, celle de Vésubie-Roya, a un régime alimentaire constitué de 50% d’ongulés sauvages et de 50% d’ongulés domestiques, probablement parce qu’il s’agit d’une zone où les troupeaux sont exposés plus longtemps au risque de prédation. Mais globalement, le régime alimentaire est surtout basé sur les populations d’ongulés sauvages. Le cerf, que le loup peut chasser en meute, en fait partie. Il est même sa proie de prédilection, son meilleur rapport qualité prix. Dans le cadre du programme prédateur-proies, une étude de six ans concernant la meute de la Haute-Tinée a mené à la capture d’environ 400 ongulés. C’est un gros travail de terrain, de relationnel, de partenariat. Parmi les 314 ongulés sauvages marqués, voici la répartition des causes de mortalité : 16% de causes anthropiques : moitié route, moitié chasse ; 14% causés par la prédation du loup, de manière certaine ; 41% de cause indéterminée mais dont la prédation du loup est exclue de manière certaine ; 20% de cause indéterminée, prédation du loup non exclue. Donc parmi les causes de mortalité des animaux suivis, entre 15 et 30-35% au maximum, sont dus à la prédation du loup. C’est une première façon de voir les choses mais cela ne renseigne toujours pas sur l’impact. Si on regarde par espèce, la prédation du loup cause 7% de la mortalité du chevreuil et 3% de celle du mouflon. On parle souvent de l’impact du loup sur le mouflon qui a pu être important dans certaines circonstances, comme quand le loup est revenu et que le mouflon se retrouvait en forte proportion dans le régime alimentaire du loup. Mais lors de cette étude, le contexte a changé. La meute est installée depuis plusieurs années et la population de mouflons a déjà bien diminué. Le régime alimentaire s’est stabilisé et organisé majoritairement autour du chamois et du chevreuil. Cela ne veut pas dire que le loup n’a pas d’impact sur le chamois, mais plutôt que le taux de survie, tel qu’on le calcule, ne montre pas une situation drastiquement différente en présence du loup. Dans les chiffres, il semblerait que le chevreuil soit plus touché. 270 animaux ont été marqués pour étudier la survie annuelle des chamois, de la classe 2-8 ans. Ont été distingués deux types d’années, et deux sites d’études, un où le loup est installé, l’autre pas. Les résultats montrent un effet important de la kérato dans la baisse du taux de survie du chamois (de 93% à 86%). En revanche la survie du chamois ne semble pas être tant impactée par la présence des loups. La différence entre le taux de survie du chamois dans le massif de présence du loup une année sans kérato et celui du chamois dans le massif sans loup n’est pas flagrante. Il peut y avoir d’autres 14 hypothèses qui expliquent cela, comme la sélection des proies par le loup, ou encore le fait que la population de chamois est peut-être tellement grande que l’échantillon n’est pas si représentatif. Le taux de survie des chevreuils a été étudié quant à lui pendant des hivers normaux, et des hivers très enneigés. Un impact fort de la neige est caractérisé. Le taux de survie des chevreuils n’est que de 73% lors d’hivers enneigés contre 90% lors d’hivers normaux. Il s’agit d’un taux annuel qui prend en compte toutes les causes de mortalité et la combinaison des facteurs. Il est possible de faire l’hypothèse que c’est la combinaison neige/loup qui rend le taux de survie des chevreuils si faible. La présence d’une couverture neigeuse importante fragilise le chevreuil à la prédation. Attention cependant, les tailles d’échantillon sont très faibles pour cette étude, mais la différence est forte. En effet, rapporté au taux de croissance, nous obtiendrions un accroissement annuel de 32% avec la survie observée les hivers « normaux » et tous les autres paramètres démographiques au maximum de leurs valeurs (fécondité, …etc.), contre 12% avec la survie observée en cas de fort enneigement. C’est une différence très importante. Ce n’est donc pas uniquement le prédateur qui va conditionner son impact, mais également l’état démographique dans lequel est la population proie. Si elle est en plein développement, sans être limitée par son habitat et avec un taux de croissance à 35%, la présence de prédateurs, de chasseurs, de couvertures neigeuses ne devrait pas faire diminuer le taux de croissance au point de mettre la population de chevreuils en risque d’extinction, mais peut-être de le faire baisser à 10%. Maintenant, si la population de chevreuil est plus importante en densité mais plus proche de l’équilibre avec son milieu, avec un taux de croissance de 5-10%, l’occurrence de cette même combinaison de facteurs pourrait entrainer une véritable baisse de la population. Donc la clé d’entrée pour comprendre et anticiper l’impact de l’arrivée du loup, c’est le bilan démographique des espèces d’ongulés. L’étudier est lourd et couteux mais c’est une bonne clé pour un bon diagnostic. Si la population étudiée a un taux de croissance important au départ, celui-ci pourrait probablement diminuer avec l’arrivée du loup mais le reliquat de croissance permettrait à priori de gérer cette situation. Si la population est stable, et qu’un facteur de mortalité (additionnel et non compensatoire) Avant tanière Après tanière s’ajoutait, comme la prédation, il faudrait peut-être s’attendre à ce que le bilan démographique baisse plus fortement. Le principal enseignement obtenu à partir du suivi GPS/GSM des La structuration des déplacements de loups 15 quatre loups marqués est qu’ils n’exploitent pas leur territoire de manière homogène. Ils exploitent leur territoire probablement de façon à optimiser les coûts engendrés par la chasse et la défense du territoire et les gains qu’ils vont en retirer. Une modélisation de l’occupation dans l’espace des loups suivis par GPS/GSM le montre. Le loup a des déplacements très structurés dans l’espace, surtout après qu’il se soit installé en tanière. Cela veut dire que la pression de prédation elle-même est structurée dans l’espace. Ainsi, sur le territoire de la meute (environ 300 km²), il y a probablement à la fois une hétérogénéité géographique dans les bilans démographiques des populations d’ongulés, et une hétérogénéité spatiale de la pression de prédation. Sur une zone si vaste, il y a bien sûr plusieurs sociétés de chasses. Ainsi, il y a peut-être des différences d’échelle entre les zones où on peut mesurer très finement la démographie des ongulés et la prédation des loups, l’ensemble étant très variable dans l’espace occupée par la meute, et l’échelle de la gestion cynégétique, forcément plus petite. Eric Marboutin rappelle que le travail de Malory est à des échelles spatialement différentes, sur des suivis de populations qui peuvent être réactifs sur l’état d’équilibre des populations avec leur milieu, et qu’il y a de la matière pour regarder quand une meute de loups se pose, comment le bilan évolue. Et c’est peut-être la meilleure façon d’obtenir de la donnée exploitable à l’échelle d’une analyse départementale par unités de gestion (ou plus détaillé si nécessaire) pour les chasseurs, si un jour ils veulent des mesures des effets de la prédation correspondant à leur échelle de gestion. 4. La gestion des interactions loup-pastoralisme L’article 16 de la directive Habitat permet de déroger au statut de protection stricte du loup. L’alinéa 16-b vise à prévenir des dommages importants, mais les termes « prévenir » ou « dommages importants » ne sont pas clairement définis, comme souvent dans les textes internationaux. Ils pourraient sous-entendre une récurrence des attaques, ou un nombre important de victimes...mais la directive ne précise pas et laisse les pays membres exercer leur droit au principe de subsidiarité. L’alinéa 16-c vise à préserver des questions d’intérêt public, et c’est encore une notion très vague. La Suède l’a pris comme base juridique de sa gestion du loup dans un premier temps. Pour améliorer l’acceptation sociale du loup, et par ailleurs gérer des problèmes de consanguinité, la Suède a souhaité montrer qu’il était possible de gérer cette population de loups comme n’importe quelle population d’animaux sauvages. C’est ainsi qu’elle a régulé la population de loups en la bloquant à un niveau et prévoyait de réintroduire ensuite des animaux d’origine génétique différente pour régler les problèmes de consanguinité. Le fait de réintroduire des individus différents sur le plan génétique dans une petite population augmenterait leur chance de participer au pool génétique de reproducteurs. La Suède a mis en place cette phase de régulation pendant environ deux ans mais n’a pas mis en place la phase de réintroduction. La Commission européenne est alors intervenue auprès des décideurs suédois. La Suède est passée aujourd’hui à une stratégie qui ressemble à celle de la France, qui est d’accompagner un développement résiduel de la population de loups en faisant des prélèvements sous couvert de l’article 16-b mais en laissant une 16 petite marge de croissance. Cependant, une nouvelle instance juridique suédoise auprès de laquelle les citoyens peuvent porter plainte en matière d’environnement, a cassé l’autorisation de prélever trente loups cette année. Donc à priori, aucun loup ne pourra être tiré cette année en Suède. Les situations dans ces domaines-là peuvent être très mouvantes, ce sont des choix de société, des jeux politiques, juridiques… La jurisprudence se construit, elle n’est pas si explicite que cela. Il n’y a aucune définition de l’état de conservation favorable dans la directive, pourtant utiliser une dérogation pour prélever un loup demande à ce que soit démontré que cela ne nuit pas au maintien de l’espèce dans cet état de conservation favorable. Donc nous sommes dans un domaine où l’on peut discuter de chaque terme. Un spécialiste de la modélisation démographique pourrait dire qu’à partir de 100-120 loups, le risque d’extinction démographique est très faible, même avec des évènements catastrophiques comme des épidémies. En revanche, un généticien pourrait dire qu’il faut 5000 loups pour ne pas perdre un certain pourcentage de diversité. La marge de l’interprétation est donc considérable. Qui va dire que la notion d’état de conservation favorable n’est que la démographie, la génétique, les deux… ? Le nord de la Suède est une zone théorique d’exclusion du loup. Techniquement c’est une décision qui est difficile à appliquer sur le terrain, empêcher le loup de s’installer quelque part s’avère complexe. C’est dans ce contexte qu’une la louve est revenue trois fois dans la zone d’exclusion après qu’on l’y ait enlevé (exemple présenté par Laurent Courbois). Une décision politique peut être finalement assez difficile à mettre en place dans la pratique. La base juridique de cette zone d’exclusion (zone Sami) est la Convention Internationale sur les peuples autochtones, qui est prioritaire sur la directive Habitat dans le droit international. La zone d’exclusion est aussi due à la présence de l’ours et du lynx qui y sont chassés. Des études ont montré que là où l’ours et le lynx sont présents et chassés, un faon de rennes sur deux est consommé par un prédateur, soit 50% de la production d’un élevage. Donc si on ajoute le loup dans ce contexte, l’élevage n’est plus économiquement viable. Ils ont des systèmes d’indemnités forfaitaires. Les éleveurs reçoivent une somme fixe en fonction du nombre de prédateurs sur leur unité de production. En France, il est possible de déroger au statut de protection stricte du loup à travers l’article 16-b pour prévenir des dommages importants, ce qui peut mener à un débat sans fin, car il est compliqué de mesurer ce que l’on a empêché comme dommages qui seraient survenu si on n’avait pas prélevé un loup. Pour l’instant, le contexte global est que le loup est bien une espèce protégée, avec des dérogations possibles. La position exprimée par les représentants des Ministères au Groupe National Loup est qu’il n’y a pas de pudeur à utiliser toutes les possibilités de dérogations. Il y a par contre deux enjeux à concilier : le statut de conservation favorable de l’espèce et la préservation des activités pastorales. Ce qui rend cette conciliation difficile est que la Commission européenne et la directive Habitat ne précisent pas ce 17 qu’est le statut de conservation favorable. La jurisprudence construit ce qu’il n’est pas. Une population de loups en Suède, bloquée à 200 individus sans taux de croissance résiduelle n’est pas considérée comme dans un statut de conservation favorable, selon la Commission européenne. En revanche, la même population sur laquelle la Suède a fait des prélèvements en laissant une marge de croissance résiduelle n’a pas fait l’objet de recours. En France les premiers tirs de prélèvement autorisés ont été faits lorsque la population de loups était estimée à 70 individus, et l’argument était qu’en respectant une limite maximale donnée de loups prélevés, il y aurait encore un taux de croissance résiduelle d’environ 10%. Cette politique n’a pas été attaquée par la Commission. La définition du statut de conservation favorable se construit ainsi, au gré des dossiers traités ou non par la Commission. Il est possible que la politique de la France de ne pas définir un objectif en terme de nombre minimal de loups à conserver sur le territoire repose sur l’idée que la Commission n’a pas cette conception du statut de conservation favorable. L’Europe n’a jamais écrit non plus qu’une espèce au statut de conservation favorable était celle qui avait un taux de croissance excédentaire. Mais c’est un peu ce qui transparaît dans les décisions de la Commission européenne. L’organisation des compétences est fixée. En France, deux ministères définissent les orientations générales en s’appuyant sur les propositions faites au sein du Groupe National Loup. Les préfets sont responsables de la mise en musique départementale, sur les conditions de mise en œuvre. L’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage est l’établissement public en première ligne sur cette question et appuie le préfet. Un corps constitué (la louvèterie) et des bénévoles (les chasseurs) montent en puissance en terme de capacités d’intervention. En 2004, les prélèvements de loups n’étaient effectués que par l’ONCFS. Ensuite, une collaboration avec les louvetiers a vu le jour. Puis, celle-ci a été élargie à une liste de chasseurs, proposée par le Président de FDC, validée par le préfet et encadrée dans des opérations dédiées au loup. Maintenant, des chasseurs peuvent tirer un loup s’ils en voient un en battue s’ils ont été autorisés à le faire. Tout cela se construit encore, la jurisprudence est en cours également, mais il est très probable que ce type d’action se développe. L’Etat intervient sur le fondement qu’il faut prévenir un dommage important, et cette notion de dommage important fait également l’objet de construction. Cela revient à la notion de foyer d’attaques. Plus l’aire de présence du loup augmente, plus le volume d’attaque augmente. La progression géographique permet la rencontre de nouveaux troupeaux dont la majorité n’est pas protégée parce qu’il est difficile de prévoir où le loup va s’installer, et quoiqu’il en soit, les moyens de protection ne garantissent pas une protection totale des troupeaux. Donc 90% des variations du nombre total d’attaques du loup d’une année à l’autre s’expliquent par des variations d’aires de présence du loup. A côté de ce phénomène important qu’est la colonisation, il faut prendre en compte l’hétérogénéité de la prédation dans l’espace. Au sein de l’aire de présence détectée du loup, il y a des troupeaux qui ne sont pas attaqués, mais il y en a d’autres qui sont très attaqués. Il est donc possible de faire une distinction entre les troupeaux selon la fréquence à laquelle ils se font attaquer. Se dégagent alors les foyers d’attaques, qui ne sont pas forcément les mêmes d’une année à l’autre. Ces foyers d’attaques sont des zones pour lesquelles la fréquence des attaques est disproportionnée en tenant compte de facteurs tels 18 que la durée de présence des moutons, la taille du troupeau (deux facteurs de risque majeur). L’Etat tient compte de ces évolutions pour fixer chaque année le nombre maximal de loups à prélever, et la politique des prélèvements tient compte de ces foyers de prédation. Le préfet ne va pas mobiliser les mêmes moyens pour un troupeau attaqué une fois dans l’année que pour un troupeau attaqué 10-20-30 fois dans l’année, ou 5-6 fois mais tous les ans depuis 10 ans. Donc deux choses sont structurantes de la politique de décision publique sur le terrain : la tendance de fond et l’hétérogénéité de la prédation sur les troupeaux dans l’espace. Un autre principe général à respecter pour pouvoir déroger au statut de protection stricte du loup est qu’il ne doit pas y avoir une autre solution satisfaisante. Ainsi, quand il y a eu des attaques reconnues techniquement et récurrentes sur les génisses, comme il n’y avait pas de chien de protection, qu’elles ne pouvaient être regroupées les soirs, l’Etat est passé directement aux effarouchements puis aux tirs. Il y a évaluation locale des circonstances mais une séquence théorique majeure reste : moyen de protection effarouchement tir de défense tir de défense renforcée tir de prélèvement Cette séquence est bien détaillée dans les arrêtés. Ce système entier est en construction et pour faire partie de ce dispositif, la seule condition légale est d’avoir un permis de chasser. Concernant le nombre maximal de dérogations, M. Marboutin tient à rappeler que c’est bien un nombre maximal de dérogations. L’espèce est protégée, et il est seulement possible d’y déroger à certaines conditions strictes. Ce nombre maximal est réévalué chaque année, à partir des effectifs de loups et de leur tendance. Il est basé sur un calcul des risques statistiques associés à la décision politique retenue. A partir de la croissance théorique, calculée en fonction de l’estimation de la population, et de l’incertitude, traduite par un calcul de risque, l’Etat décide d’un nombre maximum. Ainsi, lorsqu’a été fixé à 24 le nombre maximal de loups qu’il était possible de prélever, cela correspondait à une probabilité de 30% que la population de loups diminue l’année d’après, de 20% que la croissance du loup soit comprise entre 0 et 10%, et de 50% que la population croît de plus de 10%. L’Etat français assume avoir pris 30% de risque que sa population de loups diminue. Or, une population qui diminue ne serait très probablement pas considérée par l’Europe comme étant dans un statut de conservation favorable. Bien-sûr, ce risque de 30% n’est pris qu’avec le prélèvement effectif de 24 loups et pour le moment, moins d’une dizaine de loup a été prélevé. Le nombre est retenu par les Ministères après consultation, et mis en œuvre au niveau de toute la population de loups, et non par département. Sur le plan juridique, ce n’est pas un quota à réaliser. 19 Jean-Louis Blanc, Délégué interégional Alpes-Méditerrannée Corse Il rappelle qu’il dirige une interégion qui abrite quasiment 95% des populations de loups sur le territoire national, la même proportion du nombre de dommages et qui subit d’énormes pressions. Il souhaite remercier publiquement la participation des chasseurs au dispositif d’intervention qui a permis cette année, non pas de réussir à atteindre un quota, mais bien de répondre à des demandes ponctuelles, en particulier dans les départements du sud, et ce, avec un meilleur niveau de réussite, même si celui-ci n’est pas encore considéré par les éleveurs comme suffisant. Il regrette, cependant, que cette année, sous le coup de la précipitation, la sécurisation juridique des arrêtés de prélèvements pris dans un certain nombre de départements n’a pas été assurée. Il y a une réunion importante ce 5 mars 2014 dans le cadre d’un groupe de travail du Groupe National Loup, à Lyon, qui devrait donner quelques pistes de sécurisation à ces arrêtés. C’est tout de même un préalable essentiel, de manière à ce que les chasseurs, notamment, puissent intervenir en toute sérénité lorsque les arrêtés sont pris, et surtout avec une absence totale de risque juridique. Le programme de formation mis en place par l’ONCFS a permis d’avoir environ 1500 chasseurs formés à intervenir sur l’ensemble de l’arc alpin, y compris d’ailleurs dans des départements plus au nord et à l’est, et c’est un programme qui continuera d’être assuré. 20 D. Siméon, Ingénieur Fédération Départementale des Chasseurs des AlpesMaritimes : « Le loup dans les Alpes-Maritimes » Les Alpes-Maritimes sont un petit département d’environ 4 200 km2, avec la particularité d’avoir sa population humaine concentrée pour l’essentiel sur le littoral qui abrite aujourd’hui plus d’un million d’habitants. Le retour du loup : Un premier loup était observé en automne 1987 dans la vallée de la Roya, (l’animal ayant été tiré lors d’une battue), puis deux individus en 1992 dans le Mercantour. De manière rétrospective, et en recoupant des observations et témoignages, il est possible que l’espèce était déjà présente depuis un ou deux ans. Localisation des meutes en 2013 : Il y a six meutes dans le département, et trois autres sont transfrontalières. Il n’est pas évident de savoir entre deux meutes voisines quelles sont ou pas les superpositions des domaines vitaux. Ces localisations ne sont pas figées, mais évoluent au cours du temps. Participation au Réseau Loup/Lynx : La particularité du Réseau Loup/Lynx dans les Alpes-Maritimes vient de la présence du Parc National du Mercantour qui couvre une bonne partie nord du département. Ainsi, c’est le Parc qui centralise les observations sur ce périmètre-là. Pour le reste du département, les observations sont centralisées par l’ONCFS. Actuellement, le Réseau est essentiellement constitué d’agents de différentes structures d’Etat, notamment de l’ONCFS, de l’ONF, du Parc National du Mercantour. Un seul chasseur participerait au réseau en plus du personnel de la FDC 06. La FDC 06 a participé au Programme Prédateur-Proies en partenariat avec l’ONCFS, le Parc National du Mercantour et le CNRS. Le dispositif d’intervention sur la population de loups : Fin 2013, 800 chasseurs avaient suivi la formation pour pouvoir participer aux différents modes de prélèvements des loups, soit environ 10% des effectifs de chasseurs du département. C’est une formation qui est dispensée par le Service Départemental de l’ONCFS. Elle est indispensable pour participer aux battues administratives et aux battues grands gibiers durant lesquelles un loup peut être prélevé par arrêté préfectoral. Certains de ces arrêtés ont d’ailleurs été cassés justement parce que des chasseurs avaient participé à ces opérations sans avoir suivi la formation. Pour rappel, il y a actuellement quatre types d’interventions : Tir de défense par éleveur ou chasseur (l’éleveur peut déléguer à un chasseur) Tir de défense renforcée : jusqu’à 10 chasseurs, encadré par l’ONCFS ou la Louvèterie Tir par chasseurs formés durant les battues grands gibiers Battue administrative organisée par l’ONCFS ou les lieutenants de louvèterie 21 En 2013, 54 arrêtés d’autorisation de tir de défense simple ont été pris, 15 de tir de défense renforcée et 25 de tir de prélèvement. Ces arrêtés mentionnent une liste de communes où ces opérations peuvent être réalisées. Le bilan des interventions menées en 2013 montre que les tirs de défense n’ont rien donné, que les tirs de défense renforcée ont conduit à blesser un loup qui n’a pas été retrouvé ensuite. Les tirs à l’affût par l’ONCFS ont permis de tuer un loup. Enfin, les tirs en battue aux grands gibiers ont permis de tuer 3 loups. Aucun loup n’a été tué en battue administrative. Evolution des prélèvements de grands gibiers dans les Alpes-Maritimes Les plans de chasse cerf montrent une progression de la population depuis 1992 passant de moins de 200 attributions à plus de 1200. En revanche, une chute assez marquée en 2010-2011 fait suite à deux hivers extrêmement rigoureux caractérisés par un niveau et une durée d’enneigement importants ainsi que des températures particulièrement basses en 2008/2009 et 2009/2010 entraînant une mortalité élevée. Plan de chasse Cerf Le même phénomène a été observé pour la population de chevreuils. Le plan de chasse est passé d’environ 400 attributions en 1993 à 2 400 en 2013. Plan de chasse Chevreuil Le chamois a, quant à lui, connu l’accumulation de deux phénomènes. En plus des mêmes rigueurs hivernales, une épidémie de kérato-conjonctivite contagieuse a débuté l’été 2007 et s’est prolongée jusqu’à fin 2009/début 2010. Cela a entraîné une révision des attributions, sachant que dans certaines populations la chute constatée par les comptages « avant/après » est estimée à 30-40%. Depuis, des suivis ont été poursuivis et l’augmentation semble en marche. L’écart plus marqué entre attributions et réalisations après la baisse des plans de chasse est le fait d’une réduction volontaire des prélèvements par certaines sociétés de chasse par rapport aux attributions accordées, dans le but de faciliter la remontée des effectifs. Plan de chasse Chamois 22 Le plan de chasse du mouflon passe de 250 en 1993 à 350 aujourd’hui. Sur la période 1993-2013, le niveau d’attribution à l’échelle du département reste relativement stable avec toutefois des variations qui ne sont pas évidentes à expliquer. Pour les populations du Mercantour, notamment de la Vésubie, la chute a été particulièrement forte. Les attributions d’avant l’arrivée du loup et d’aujourd’hui n’ont Plan de chasse Mouflon plus aucune commune mesure. L’effet est beaucoup moins marqué sur la Haute Tinée où les résultats des recensements montrent que la population réussit à se maintenir beaucoup mieux que la population de la Vésubie. Il y a beaucoup de questions et pas forcément de réponses pour expliquer cette différence ; peut-être un effet milieu ou une prédation répartie différemment entre les différentes espèces proies. Les prélèvements de sangliers étaient d’un peu plus de 2000 en 1993 pour atteindre les 7000 en 2012, sachant que pour un petit département comme les Alpes-Maritimes, avec une forte proportion de zones de montagne, c’est un prélèvement assez intéressant, d’autant qu’il faut enlever un bon quart du département qui est urbanisé. La chute de la population due aux fameux hivers difficiles a été aussi particulièrement nette pour cette espèce, probablement du fait de son mode d’alimentation qui nécessite un accès au sol, rendu difficile par de longues durées d’enneigement. Exemples d’évolution de populations d’ongulés sauvages via les recensements : Les recensements des populations de cerfs, chevreuils et mouflons sont effectués par hélicoptère à des pas de temps assez réguliers durant l’hiver, lors des forts enneigements. Pour le chamois, la méthode est plus traditionnelle, soit depuis le sol car plus adaptée à son comportement. En Haute-Tinée, on remarque que les populations de cerfs, de chevreuils et de mouflons restent à peu près stables. Ce sont des populations d’ongulés soumises à la prédation de deux meutes de loups dont les domaines vitaux se superposent en partie au bassin versant sur lequel ont été effectués ces recensements. Populations d’ongulés en Haute-Tinée 23 Populations d’ongulés au Cheiron Pour le Cheiron, en zone de Préalpes proche du littoral, les dénombrements aériens des populations d’ongulés traduisent la progression de la population de cerfs, et des variations de la population de chevreuils qui a fluctué entre 400 et 600 individus. C’est un secteur de moyenne montagne méditerranéen, très boisé sur les ubacs mais abritant sur les adrets de vastes zones de landes où évolue une meute de loup. Depuis 1986, l’évolution comparée des trois populations de cerfs les plus importantes en nombre montre un accroissement assez comparable ; les populations du Cheiron et de la Haute-Tinée ont ainsi atteint respectivement un effectif d’environ 1300 et 1200 individus avant naissance malgré la présence du loup. Les faibles baisses d’effectifs enregistrées sont apparues suite aux hivers rigoureux. Populations de cerfs Dans le cas du chevreuil, pour les mêmes secteurs du Cheiron, de la Haute-Tinée et du Haut-Var, on constate au contraire du cerf, une différence d’évolution. La population du Haut-Var a enregistré une forte baisse à la suite de 2 hivers très rigoureux, celle de la Haute-Tinée une baisse nettement plus faible et celle du Cheiron une forte augmentation. Mortalité hivernale plus Populations de chevreuils importante et prédation plus élevée durant ces hivers pourraient expliquer une plus forte variation des effectifs de chevreuil sur les 2 secteurs de haute montagne et la baisse observée au cours de ces dernières années. L’exemple de la population de chamois de la rive droite du Haut-Var montre une progression, avec un fléchissement suite aux deux hivers très rigoureux et au passage de la kératoconjonctivite contagieuse. Malgré cela, la population a réussi à poursuivre son développement. Il faut savoir qu’ici, les chasseurs ont pris l’initiative de fermer la chasse de l’espèce pendant une année suite à cette épidémie, ce qui a sans doute contribué à faire remonter plus rapidement les effectifs. Populations de chamois en Haut-Var 24 Synthèse des débats : Sur la Haute-Tinée il y a plusieurs milliers de brebis mais ce n’est pas la zone où les dégâts sont les plus importants (plutôt la Vésubie et la zone entre Vésubie et Roya). Il y a une partie qui est en zone d’adhésion et une autre en zone cœur du Parc. Dans la zone cœur, les prélèvements de loups sont interdits, mais les loups se déplacent. Dans ce département, il n’y a pas encore saturation au niveau biologique, il y a encore assez d’espace pour que d’autres meutes s’installent. Les comptages par hélicoptère sont payés par la fédération qui est aidée d’une subvention du Conseil général. De manière générale, ce sont des résultats intéressants à montrer, mais ce sont des résultats bruts, sans interprétation. Les chiffres suggèrent que globalement, au niveau du département, il n’y ait pas d’infléchissement des prélèvements qui pourraient être lié à la présence des loups. Cependant cela n’empêche pas que, localement, il y a peut-être des impacts. Les phénomènes de prédation ne doivent pas faire l’objet de raccourcis. Pour illustrations, les attributions de mouflons dans la Vésubie sont descendues à des niveaux très bas, c’est encore le cas et ce depuis maintenant 15 ans, alors qu’en Tinée, une telle ampleur n’a pas été observée et il y a même une tendance à l’augmentation. Il est possible que cette différence soit due à une spécialisation des meutes, l’une préférant le mouflon, l’autre le cerf ou le chevreuil, mais c’est une explication possible parmi d’autres. Il peut y avoir également des impacts sur les modes de chasses (difficultés supplémentaires à la chasse à l’arc…), notamment parce qu’il y a modification de la répartition des animaux. Cependant ces effets sur les modes de chasse sont difficiles à affirmer car certains chasseurs en témoignent mais ils ne représentent qu’une part infime parmi le nombre de chasseurs qui n’ont peut-être rien observé. Il faut faire attention aux perceptions qui peuvent faire penser qu’il n’y a plus de gibiers alors qu’il serait en réalité distribué de manière différente sur le territoire. Il pourrait être intéressant de faire une étude sur les distances de fuite des animaux en zone à loups et sans loups. 25 E. Coudurier, Adjoint au Directeur et J.Taverne, Stagiaire, Fédération Départementale des Chasseurs de Haute-Savoie : « Projets loup en Haute-Savoie » Depuis que le loup a été détecté en Haute-Savoie en 2004, sa population a augmenté crescendo, et en 2009 une meute s’est créée, causant des problèmes importants de prédation et aboutissant à une manifestation d’environ 4000 agriculteurs et chasseurs, et des conflits très durs à tenir. En effet, la zone de présence du loup est une zone touristique, pastorale, rurale et montagnarde, ce qui peut créer des tensions locales. Depuis, le Président et le Conseil d’Administration de la Fédération Départementale des Chasseurs de Haute-Savoie ont décidé qu’il ne fallait pas que cela se reproduise, qu’il fallait essayer de travailler avec l’ensemble des interlocuteurs partenaires du Massif des Glières, d’en savoir un peu plus sur le loup, sur son évolution et sur son impact sur les populations de gibier. C’est pourquoi la fédération s’est lancée dans plusieurs études sur le loup dans son département. 1. L’étude sociologique des acteurs du Massif des Glières Les acteurs du terrain que sont les éleveurs, les chasseurs, les élus, les touristes et les naturalistes ont été interrogés sur la base d’un questionnaire adapté à chacun d’eux. Il n’y a eu que peu de réponses de la part des éleveurs (44), des chasseurs (69) et des naturalistes (54), malgré l’aide apportée par la FRAPNA pour ces derniers. En revanche, de meilleurs taux de réponse ont été obtenus pour les élus et les touristes qui ont été directement rencontrés. La perception du retour du loup en Haute-Savoie : Les chasseurs, les agriculteurs et les élus ne partagent pas significativement le même avis. Cependant une grosse majorité de ces trois types d’acteurs pense que le loup a été réintroduit en Haute-Savoie. La perception du statut du loup : Les différents acteurs ne partagent pas le même avis. 76% des agriculteurs pensent que le loup est un animal nuisible et 24% qu’il faudrait mettre en place un plan de gestion. 50% des chasseurs déclarent qu’il faudrait mettre un plan de gestion et quasiment autant pense que c’est un animal nuisible. 50% des naturalistes déclarent que c’est avant tout une espèce strictement protégée. 50% des touristes interrogés déclarent qu’il serait intéressant de mettre en place un plan de gestion. La perception du statut du loup en fonction du « type » d’habitants interrogés : Seule la catégorie des touristes a fait l’objet de cette analyse distinguant les habitants ruraux des habitants urbains. Aucune différence significative de leur avis n’a été remarquée. La majorité des deux catégories pense qu’il serait nécessaire de mettre en place un plan de gestion. 26 En conclusion de cette étude, Jennifer Taverne rappelle l’importance de collecter des données en quantité suffisante, et souligne l’intérêt d’avoir permis à tous les acteurs d’être entendus. Certains préjugés semblent encore bien ancrés, et des inquiétudes sont clairement exprimées. C’est pourquoi une étude sur le suivi de la population du chamois sur le massif des Glières Aravis a été entreprise. 2. Etude sur le suivi des populations de chamois L’évolution de la population de chamois montre une hausse de 66% entre 1999 et 2012. La superficie du territoire du chamois a augmenté sur le Massif des Glières, parallèlement à une augmentation de la densité du chamois. Evolution de la population de chamois Evolution de la densité de chamois Des résultats assimilables sont remarqués sur le Massif d’Aravis. Jennifer Taverne conclue que la population de chamois ne semble pas avoir connu de baisse sur le massif Glières-Aravis mais un déplacement de la population au sud du massif. Cependant, elle tient à rappeler qu’il y a des impacts directs importants au cœur du territoire de la meute. 3. Etude sur les taux de réalisation Pour compléter cette étude, la Fédération des Chasseurs de Haute-Savoie travaille actuellement sur la comparaison entre les taux de réalisation de territoires avec et sans loup. Pour le chamois, cette comparaison montre tout d’abord que le taux de réalisation des territoires sans loup était déjà plus élevé que ceux avec loups avant la première détection de loup. Il n’est donc pas certain que le Evolution du taux de réalisation chamois loup soit la seule cause de cette différence. Les taux de réalisation pour les deux zones sont relativement stables mais ont une tendance à la diminution au fil des années. 27 Les taux de réalisation chevreuil ont fait l’objet du même travail. Cette fois, l’écart entre le taux de réalisation des zones avec et sans loups se creuse de plus en plus notamment depuis 2008, en faveur de la zone sans loup. 2008 est justement l’année où une meute a été observée. Il y a cependant peut-être d’autres paramètres qui entrent en compte. Evolution du taux de réalisation chevreuil Enfin, pour le cerf, il y a encore des variations, et de nouveau un meilleur taux de réalisation dans les pays sans loup, mais de manière moins marquée. 4. Etude de suivi par pièges photos En partenariat avec Claude Fischer, Professeur dans une école d’ingénieur suisse, la fédération s’est lancée dans une étude de suivi par pièges photos. Les objectifs sont d’obtenir plus d’informations sur la meute, mais aussi sur la densité des populations d’ongulés. Quinze pièges photos ont été déposés au centre du territoire de la meute, et seront ensuite posés en périphérie pour pouvoir comparer les résultats. Les projets sont de poursuivre la pose des pièges photos en périphérie du territoire et de continuer à traiter les données des plans de chasse en regardant les années antérieures à 2004, pour voir si l’écart observé n’existe que depuis l’arrivée du loup, et après 2008. L’analyse de la performance des ongulés, comme autre impact indirect potentiel à la prédation par le loup, pourrait également être faite. A long terme, l’objectif est de favoriser la communication entre les acteurs locaux pour donner des informations sur le loup et proposer une gestion adaptée du loup dans nos massifs de Glières et d’Aravis. Synthèse des débats : Les études menées, même si elles ne sont pas vraiment scientifiques, montrent une répartition différente sur le massif. Les espèces de grands gibiers se trouvent maintenant davantage dans des endroits beaucoup moins accessibles. L’impact n’a pas du tout été vu à l’arrivée en 2004. En revanche, l’année où la meute s’est constituée, les cas de prédations ont été très importants. Le comportement des cervidés et des chamois a changé, ils sont devenus beaucoup plus craintifs et plus éparpillés, se regroupant particulièrement dans des zones difficiles d’accès pour le loup. Il semblerait que depuis deux ans, un certain équilibre se retrouve et les populations ont tendance à augmenter de nouveau. 28 La FDC 74 n’a pas modifié sa politique d’attribution en diminuant les attributions de manière à restaurer la population car le cheptel augmente malgré les changements de répartition. En revanche il a fallu affecter les attributions de manière différente. Du coup, certaines sociétés de chasse ont beaucoup de bracelets mais ne peuvent malheureusement pas toujours accéder au terrain. L’étude par comparaison des taux de réalisation doit être nuancée parce que les taux de réalisation dépendent d’autres facteurs, tels que le vieillissement de la population de chasseurs, mais reste relativement intéressante car ces autres facteurs sont les mêmes avant et après le retour du loup. La comparaison de l’évolution de la population semble plus juste, parce qu’on est capable d’évaluer une population qui augmente, mais il est difficile de faire des comptages de chevreuils pour lequel nous n’avons aucun indice. Il est possible que la gestion des populations par les chasseurs soit suffisamment conservatoire pour permettre au loup de prendre sa part sans trop impacter les plans de chasse. Cependant, quand il y a d’autres facteurs, comme des hivers particulièrement enneigés, avec des problèmes de prédation de loups, de chiens, des problèmes de dérangement par les skieurs par exemple… leurs effets conjugués peuvent avoir un impact important sur les plans de chasse ». Alain Hurtevent fait la liaison avec le témoignage suivant, en identifiant la différence entre les études précédemment citées et celle initiée par la Drôme. Cette dernière vise en effet à étudier les effets indirects de la présence du loup sur les populations d’ongulés sauvages, et non plus les effets directs tels que le régime alimentaire du loup. C’est une approche différente et qui intéresse beaucoup aussi. 29 M. Randon, Fédération Départementale de la Drôme : « Analyser et comprendre l’impact du loup sur les populations de cervidés du département de la Drôme » Malory Randon commence par rappeler que les résultats dépendent de l’échelle de travail : département, massif de gestion, commune... Certains chasseurs subissent à leur échelle des impacts importants tous les hivers et il n’est pas question de leur dire qu’il n’y a pas d’impact du loup sur les populations de cervidés. Elle explique ensuite en quoi consiste l’étude menée par la Fédération des Chasseurs de la Drôme. L’approche de cette étude est basée sur le fonctionnement démographique des populations proies et sur les conséquences des interactions entre les différents paramètres : la chasse, la prédation par les loups, les phénomènes de densitédépendances, les compétitions interspécifiques et les facteurs climatiques. Ce n’est donc pas la même approche que celle du Projet Prédateur-Proies. Deux zones d’études sont comparées, une avec loups (périmètre de la ZPP Vercors ouest, d’environ 55 000 ha), et une zone sans loups (périphérie de la zone à loups de 72 000 ha). Environ 3 400 chasseurs ont participé à la récolte de données. Deux espèces ont été privilégiées dans cette étude : le cerf et le chevreuil. Il y a peu de chamois dans cette zone et les mouflons ont connu une forte diminution à l’arrivée du loup, ce qui fait que peu de données étaient disponibles pour l’étude sur ces espèces-là. Sur ces deux zones, la fédération a donc mis en œuvre différents types de suivis. Tout d’abord, les indicateurs de changement écologique (ICE) sont des méthodes validées de manière scientifique. Il y a trois composantes à ces ICE : Une qui renseigne sur les individus, la performance, l’état de santé, comme le poids ou la longueur de la patte ; Une composante qui renseigne sur la population, les variations des effectifs ; Une composante qui renseigne sur l’impact du gibier sur son milieu, un impact floristique. De plus, d’autres types d’indices ont été utilisés : des indicateurs de tendance d’effectifs, mais il faut bien les séparer car ce sont des indicateurs qui ne sont pas encore validés scientifiquement. Ils ont cependant le mérite d’être mis en place sur ces zones-là depuis de longues années et nous donnent des tendances. Les hypothèses de départ étaient qu’à l’arrivée du loup il y ait une baisse des populations de chevreuils et de cerfs et donc indirectement une baisse de l’impact sur la flore. Cette moindre pression sur la flore provoquerait une augmentation de la ressource alimentaire pour les animaux restant qui devraient alors voir leur poids augmenter. C’est la logique des ICE. 30 Les résultats montrent qu’il y a des différences entre les deux zones, mais également au sein de la zone à loups selon que l’on est en zone centrale, périphérique ou tampon des meutes. Il y a aussi des différences entre les espèces, cerf et chevreuil, tout simplement parce que quand le loup arrive il se nourrit de la proie la plus facile, le chevreuil, et s’attaque au cerf qu’une fois en meute, généralement quelques années après. De telles différences peuvent aussi s’expliquer par la démographie de la population au moment de l’arrivée du loup. Le cerf était en phase d’expansion. Les plans de chasse chevreuil Les attributions, les réalisations, et le taux de réalisation de la zone à loups ont connu une baisse importante. Le plan de chasse se stabilise ces dernières années en raison de baisses volontaires des attributions et réalisations par les chasseurs. Le taux de réalisation a baissé mais se stabilise à nouveau. Un taux de réalisation qui diminue avec des attributions qui diminuent aussi à pression de chasse constante, signifie une diminution de la population. Dans la zone sans loups, la courbe montre une augmentation des attributions et de la réalisation, suivie d’une stabilisation ces dernières années, ainsi qu’un taux de réalisation parfaitement stable. L’indice de masse corporelle Il s’obtient en pesant les chevrillards vidés sur les deux zones. Sur la zone à loup le poids diminue, et se stabilise depuis 2005 mais à un niveau inférieur au poids d’avant l’arrivée du loup. Sur la zone sans loup, le poids est relativement stable. Indice « tendances des effectifs » Il y a deux méthodes. Les indices nocturnes ont été mis en place sur la zone à loup. Ce n’est pas encore une méthode validée scientifiquement pour le chevreuil, mais il reflète la tendance. On constate une baisse très marquée en 2005, ce qui correspond à la baisse d’attribution et de réalisation, et du taux de réalisation, et à tous les cadavres retrouvés sur le terrain. En zone sans loups, a été choisi un indice kilométrique voiture, réalisé soit au lever du jour, soit à la tombée de la nuit. C’est un ICE validé, il montre des effectifs relativement stables. Indice « abroutissement et consommation » Il est en baisse sur la zone à loups, alors que sur la zone sans loups il est plutôt en augmentation. Il faut savoir que l’indicateur « milieu » et l’indicateur « tendance des effectifs » vont dans le même sens, et cela laisse penser qu’un indicateur d’abroutissement en baisse annonce que la population est en baisse. C’est le principe des ICE. Pour expliquer la baisse de poids des animaux, inattendue dans nos hypothèses, nous avons confronté nos résultats avec la bibliographie existante. Il y a certainement eut un effet de la sécheresse en 2003, cependant, il n’y a rien qui indique qu’elle ait été plus forte sur la zone à loups qu’ailleurs. L’effet du cumul de paramètres que sont les hivers rigoureux, la sécheresse estivale et la présence du loup pourrait expliquer une 31 baisse de la population mais pas nécessairement une baisse du poids des survivants, qui justement devraient être les plus résistants. La bibliographie expliquerait la baisse du poids par le fait que les animaux mettent en place une série de comportements anti prédateur (vigilance, modification de l’habitat). Ainsi, d’un côté ils ont moins le temps pour bien se nourrir, de l’autre le stress a des conséquences énergétiques et physiologiques sur la reproduction, sur la survie, et donc indirectement sur la dynamique des populations. Celle-ci dépend également d’autres facteurs comme la chasse, la densité dépendance, la compétition interspécifique, les facteurs climatiques… Pour conclure, Malory Randon rappelle que le retour du loup est récent et que l’on sait aujourd’hui qu’il y a des effets directs avérés, des baisses de populations, en tous cas localement et pendant une certaine durée, le temps que les proies s’adaptent au prédateur. Il y a également des effets indirects à surveiller comme la baisse de poids observée sur notre zone d’étude mais qui ne peut se transposer ailleurs avec certitude. L’augmentation du stress des animaux, de leur vigilance, des difficultés pour les approcher, ainsi que la modification de leur habitat font probablement également partie de ces effets indirects. D’après Malory Randon, le meilleur moyen d’anticiper les conséquences du retour du loup passe de toute façon par une meilleure connaissance des populations proies et c’est pourquoi la Fédération des Chasseurs de la Drôme a étendu les ICE à l’échelle du département. 32 RESTITUTION DES ATELIERS Atelier 1 : Quels impacts du retour du loup sur les grands ongulés, la gestion cynégétique et la chasse à l'échelon communal, départemental et à l'échelon du massif ? Quelles sont les propositions à formuler pour demain ? Animateur élu : Alain HURTEVENT, Président FDC 26 Animateur salarié : Jean-Pierre ARNAUDUC, Directeur du Service Technique, FNC « On a été un peu plus loin que l’objectif central de l’atelier, qui était l’impact sur les grands ongulés, la gestion cynégétique et la chasse, puisqu’on a discuté de beaucoup d’autres impacts, directs, indirects, en cascade, sur la biodiversité en général, sur la communauté cynégétique comme secteur d’activité socioéconomique. Tout d’abord il nous a paru important de distinguer impact de simple effet, ainsi que les impacts directs des impacts indirects. Voir des cadavres laissés par le loup, observer des changements de comportement sont des effets que l’on ne peut pas traduire, sans information supplémentaire, comme des impacts à proprement parler sur les populations de gibier. Il faut aussi distinguer les impacts et effets de court et de long terme. On a vu ce matin que ce n’était pas la même chose : il peut y avoir impact sur le court terme puis disparition de l’impact à plus long terme, si la population s’adapte progressivement au prédateur. Une fois que l’on a placé le débat, en distinguant les types d’impact, les questions posées étaient : -« Y a-t-il vraiment des impacts ? Si oui, lesquels ? » -« Faut-il que les chasseurs ou les Fédérations de chasseurs s’intéressent aux impacts sur le grand gibier et éventuellement à d’autres impacts ? Si oui, comment ? A quelle échelle géographique ? » Pour ce qui est du grand gibier, au vu des connaissances accumulées depuis nombre d’années maintenant, de la littérature scientifique, des études présentées ce matin, on ne pourrait pas parler d’impact du loup sur les populations de grands ongulés, de nature à remettre en cause, à moyen terme, le maintien, voire le développement de ces populations, sauf peut-être dans des situations particulières, sur le mouflon par exemple. Un intervenant de l’atelier a avancé que le loup n’entrait pas réellement en concurrence avec les chasseurs, dans la mesure où les taux de réalisation des plans de chasse sont quasiment toujours inférieurs à 100% et que justement le loup consomme l’équivalent (ou à peu près) de ce différentiel. 33 Pour autant, ce qui a été dit c’est qu’il fallait clarifier les positionnements. Oui, les fédérations de chasseurs et les chasseurs doivent s’intéresser aux impacts sur les grands ongulés mais il faut savoir pourquoi et pour qui ? Il faut avoir conscience que s’il l’on s’y s’intéresse, c’est pour répondre à un objectif « interne », c’est-à-dire pour répondre aux inquiétudes de nos chasseurs. Les autorités publiques ou la Commission européenne sont moins intéressées par cette problématique, les populations de gibier étant déjà surabondantes à leurs yeux. Donc mesurer les impacts sur le grand gibier est intéressant d’une part pour bien informer nos chasseurs sur les questions qu’ils se posent quand le loup est présent ou quand il arrive, et d’autre part pour que les chasseurs aient une position qui soit bien « éclairée ». Cela dit, les autorités publiques sont intéressées par la notion d’acceptation sociale. Pour les Autorités, l’enjeu de cette acceptation est de faire diminuer le braconnage. En effet, on l’a vu ce matin, la Commission européenne s’intéresse de plus en plus aux aspects sociaux, à l’acceptation du loup et plus seulement aux aspects strictement biologiques. C’est dans ce cadre que les études sur l’impact du loup sur les grands ongulés pourraient être jugées intéressantes par les autorités publiques. L’autre type d’impact de nature à davantage intéresser les autorités, et donc à bénéficier éventuellement de financements, sont les impacts indirects sur la biodiversité. En effet, le loup a un impact sur l’élevage ovin, et donc sur la conduite des troupeaux. Cela peut entraîner un changement d’habitat, et donc un impact sur les espèces patrimoniales comme les tétraonidés. Ces impacts sont susceptibles d’intéresser la sphère publique et pourrait conforter un projet de type Life sur ce genre d’impacts. Cela intéresserait peut-être moins nos chasseurs. Il faut donc voir quels sont nos objectifs, que nous soyons conscients des limites et des raisons pour lesquelles nous choisissons de mesurer un impact plutôt qu’un autre. Pour revenir aux impacts sur les grands ongulés à proprement parler, sans l’appui des autorités publiques, l’idée serait de développer une approche non pas aussi fine que ce qui a été fait dans les Alpes-Maritimes, mais un protocole standard plus léger (Exemple : ceux présentés par la Haute-Savoie et la Drôme sur les Indices de Changements Ecologiques (ICE) ou les taux de réalisation, à partir d’approches comparatives « avant/après le loup » ou « avec/sans le loup »). Après vérification de sa robustesse technico-scientifique, il s’agirait alors de proposer aux fédérations de chasseurs, anciennement ou nouvellement intéressées par le loup, de démultiplier ces études à des échelles de massif ou d’unité de gestion, avec ce protocole standard. C’est en effet la multiplication d’études de cas, dont les conclusions sont éventuellement convergentes, qui aura une véritable plus-value et pas un seul cas « isolé ». De façon plus globale, même s’il n’y a pas d’impact réel, ou un impact limité sur la chasse, le loup « perturbe » le monde de la chasse en tant que secteur socioéconomique, qui a une valeur et une légitimité en soi. Et en ce sens, il doit être reconnu que les chasseurs sont légitimes à parler de ce problème et à demander à en savoir plus sur ces impacts. 34 La question de la prise en compte des impacts potentiels dans la gestion cynégétique et les pratiques de chasse n’a pas été traité ». Synthèse des débats : Il faudrait peut-être s’intéresser aussi aux effets/impacts sur la pratique de la chasse elle-même, des impacts éventuels en termes de territoires ou lots de chasse, si par exemple, la présence du loup pourrait entraîner des réattributions de lots domaniaux ONF par rapport aux ACCA, des modifications de valeur locative etc… 35 Atelier 2 : le Plan National d'Action Loup 2013-2017 reconnaît aux chasseurs la capacité de soutien aux éleveurs afin de gérer plus efficacement les effectifs de loup. Quelles actions de terrain sont menées aujourd'hui ? Quelles propositions à formuler pour demain ? Animateur élu : André MUGNIER, Président FDC 74 Animateur salarié : Eric COUDURIER, Adjoint au Directeur FDC 74 « Dans le cadre des arrêtés ministériels, issus du Plan National Loup en vigueur, notre objectif était de regarder ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas afin d’améliorer l’efficacité des prélèvements de loup quand ils sont autorisés. Voilà les propositions du groupe de travail : Appui à l’élevage : Une première partie introductive vise à rappeler l’accord de principe des chasseurs pour participer aux interventions de tir de prélèvement de loups dans le but d’aider les éleveurs. Si les chasseurs interviennent, c’est effectivement pour aider le monde agricole à lutter contre les dégâts sur les troupeaux domestiques, puisque l’impact du loup sur la faune sauvage reste à démontrer. Lutte contre le braconnage : Nous voulons également montrer que les fédérations de chasseurs sont actives pour éviter le braconnage, que l’on ne souhaite pas bien-sûr, notamment l’empoisonnement qui existe hélas. Pour lutter contre le développement du braconnage, le groupe de travail préconise de favoriser les prélèvements légaux dans le cadre réglementaire existant. Amélioration des connaissances : Nous proposons de participer davantage aux suivis avec le Réseau Loup/Lynx pour avoir des informations de terrain et des chiffres les plus exhaustifs possibles par massif. Le groupe rappelle également l’importance d’utiliser des moyens nouveaux, comme pièges photographiques, qui peuvent apporter des connaissances, à la fois sur l’état des populations de loups, mais également sur les déplacements du loup, sur ses zones de passage permettant éventuellement de faciliter un tir de défense ou de prélèvement lorsqu’il est mis en place sur un alpage bien précis. Amélioration du dispositif d’intervention : Le groupe a signalé le peu de motivation des chasseurs pour la participation aux tirs de défense renforcée, tout simplement car elle est très chronophage. Beaucoup de 36 chasseurs sont mobilisés et sur une longue durée donc leur motivation baisse. Les tirs de défense ne sont pas efficaces, preuve en est le peu de résultats pour 2013. Il s’agit là d’un constat. Une proposition formulée est d’avoir une meilleure cohérence des périmètres d’intervention : définir une unité plus vaste en rapport avec l’aire biologique de la meute. Pour l’instant, quand un arrêté préfectoral est pris pour autoriser un tir de défense renforcée ou de prélèvement, il s’applique généralement sur une unité territoriale, l’unité pastorale. L’idée du groupe est d’avoir une unité beaucoup plus vaste pour faciliter la réussite de l’intervention. Nous proposons également que les arrêtés permettent une intervention pour une durée plus longue, notamment au-delà de la période d’estive, encore une fois pour faciliter ces tirs. Actuellement, ils sont pris pour une durée relativement courte, de trois semaines à un mois et demi, et on voit parfois le loup qu’une fois cette limite de temps dépassée. Une autre mesure très importante qui a été évoquée est d’autoriser les tirs de prélèvement par des chasseurs formés, lors de tous modes de chasse. Pour l’instant, les loups prélevés dans le cadre de ce dispositif d’intervention le sont lors de battues aux grands gibiers. Cependant, sur certains massifs, ce type de chasse en battue n’existe pas, au profit d’une chasse à l’approche, par exemple, où le loup peut parfois être vu. Ainsi, on pourrait monter un dossier avec un protocole assez précis, pour organiser de manière cadrée la possibilité de tirer un loup lors de ce type de chasse et quand un tir de prélèvement aura été autorisé. Il faut bien assurer la formation des chasseurs, et, partout où des arrêtés d’autorisation de prélèvement sont susceptibles d’être pris, former un maximum de chasseur pour pouvoir intervenir. Il faut bien définir le cadre des arrêtés préfectoraux, avec un appui national des ministères, avec des moyens de sécurisation juridique des textes pour éviter, comme ça a été le cas en 2013, que des arrêtés pris soient attaqués et ensuite cassés. Une autre proposition est de faire un point deux fois par an entre les services de l’ONCFS, les fédérations de chasseurs, la DDT, les instances agricoles pour mettre en place des stratégies par massif. Cela permettrait de faire le point sur l’évolution de la population de loups, l’évolution des attaques et éventuellement préparer la possibilité des tirs de prélèvement pour intervenir plus efficacement ». 37 Atelier 3 : Alors, le troisième et dernier atelier était : Atelier 3 : Le Plan d’Action National Loup 2013-2017 dresse des pistes de gestion. Comment les fédérations de chasseurs et les chasseurs souhaitent contribuer à cette gestion du loup ? Animateur élu : / Animateur salarié : Arnaud JULIEN, chargé de mission FDC 48 « La gestion du loup embrasse, de fait, différentes thématiques allant bien au-delà de la gestion numérique des effectifs de loups. Notre groupe avait l’ambitieux programme de traiter dans le temps imparti cinq sujets interdépendants : le suivi de l’espèce, la participation à la protection des troupeaux, la communication et l’information, les projets et coopérations transfrontalières, et les études et connaissances. 1. Le suivi de l’espèce Au-delà de la formation dispensée dans le cadre du Réseau de correspondants Loup/Lynx par l’ONCFS, d’autres initiatives méritent d’être soulignées. L’ANCGG propose de diffuser des informations par le biais d’un volet prédateurs lors du Brevet Grand Gibier. Les FDC diffusent des informations dans un panel diversifié de réunions et de rencontres : formations au permis de chasser, réunions dans le cadre des unités de gestion grand gibier ou petit gibier, concertation/médiation dans le cadre des comités techniques locaux, etc. Une présentation/note synthétique standardisée aiderait à véhiculer un message cohérent et homogène sur la question du loup. Seul un certain nombre de lieutenants de louveterie participent à la formation du Réseau de correspondants Loup/Lynx. Il conviendrait de former tous les lieutenants de louveterie. Les gardes-particuliers constituent également un réseau-relais de terrain très motivé. Ce maillon mérite aussi de suivre la formation. Eventuellement, l’ONCFS en lien avec les FDC pourrait dispenser une formation « light » auprès de ces acteurs. Le groupe propose de créer et calibrer une « formation spécifique » allégée sur le loup entre associations spécialisées, FDC, ONCFS. Cette « formation » pourrait être dispensée au minimum dans les trente fédérations concernées par le loup et serait à envisager à l’échelon régional. Il s’agirait de relayer aux chasseurs des informations sur le loup, en deux temps (MediaLoup, présentation d’expériences ; et aspects socio-culturels autour du loup) pour essayer de dissiper les malentendus et faire tomber les idées reçues. A ce stade, un débat est engagé sur l’interventionnisme des FDC en matière d’information/formation sur le loup et sur la nécessité de contribuer à la 38 reconnaissance officielle de leurs actions sur le terrain (en particulier le rôle sentinelle sur les suivis extensifs recentrés sur l’hiver), de notre capacité d’expertise, et de notre force d’animation sur le territoire. 2. La participation à la protection des troupeaux Les membres du groupe considèrent que le monde agricole est plus en avance et a plus de légitimité sur ce dossier. Les FDC agissent davantage sur des sujets tels que le suivi de l’espèce mais peuvent tout de même proposer des interventions complémentaires. Notre groupe formule un certain nombre de pistes de réflexion : Mobiliser les FDC sur les formations des chasseurs : formation aux dispositifs de suivi de la population de loups afin d’anticiper un maximum l’arrivée du loup, notamment sur le front de colonisation, et formation aux modalités d’intervention, pour qu’un maximum de chasseurs puissent participer aux interventions, des tirs de défense aux tirs de prélèvement, si besoin est ; Dispenser une formation accélérée à l’attention des agriculteurs et des bergers sur le réseau Loup/Lynx, l’écologie du loup et avec des retours d’expériences (ex. : Savoie, Haute-Savoie, Vaucluse, Lozère) ; Envisager, en cas de besoin, de faire des interventions sur le loup dans les organismes de formation agricole, MFR, ateliers du monde agricole ; Envisager un partenariat avec les PNR et structures à tendance protection de la nature (Ex: PNR du Luberon et FDC 84). 3. La communication et l’information Deux fils conducteurs sont à avoir à l’esprit : communication interne et externe, et les objectifs visés par cette communication. Compte tenu de la répétition de la chronologie des évènements dans tous les départements, entre le stade des supputations et le stade où l’espèce est implantée, le groupe propose de lister les attitudes à avoir et les points de vigilance, ainsi que les conseils destinés à toutes les fédérations de France sur le retour du loup (suivis, protections des troupeaux,…). Etant donné la capacité de discrétion et de dispersion du loup, notre groupe reconnaît que, potentiellement, toutes les fédérations de France sont concernées. Pour ce faire, réaliser un inventaire de tout ce qui est produit pour aider à anticiper le retour du loup et apporter des pistes de réponses serait un bon moyen. Le porté à connaissance de MediaLoup n’est pas encore largement acté au sein du réseau cynégétique fédéral. Cette carence est donc à combler sur une diffusion plus large de ce projet. Recoupant les débats évoqués pour le suivi, une information est à faire auprès du grand public sur le rôle du monde cynégétique dans la gestion conservatoire du 39 loup, dans ce sens où il n’est pas responsable de son retour mais participe aux différentes études et à son contrôle décidé par les autorités. L’information et la communication auprès du grand public est un processus continu visant à lutter contre la désinformation. Sur un sujet aussi délicat que le loup, le groupe exprime sa vigilance sur le message à définir, voire sur les prises de position (sauf sur le fait que le loup ne doit pas devenir une espèce classée « gibier » réglementairement). Enfin, pour appuyer le rôle, souvent méconnu des fédérations, il convient de réaliser un bilan des études, des actions et des coûts/investissements associés supportés par les fédérations. 4. Projets et coopérations transfrontalières Les préconisations européennes visent à aller au-delà des approches strictement écologiques. Les projets développés dans le cadre de Natura 2000 ou encore sur les services écosystémiques confortent cette tendance. Le deuxième point important est que la Commission européenne souhaite que les réponses apportées sur le loup puissent s’alimenter des expériences acquises. Dans ce sens, Medialoup participe à cette reconnaissance du réseau fédéral. Au vu des projets transfrontaliers tels que Gallypir et Alcotra (ou encore des actions de suivis d’espèces sur le Massif jurassien et de la singularité du binôme ONCFS/FNC sur le plan européen), les chasseurs ont montré leur capacité à travailler en collaboration avec les pays voisins et à réagir à des échelles adaptées (liens entre échelles de suivis et échelles de gestion). Les partenariats avec l’Italie et la Suisse pour le massif alpin seraient donc à envisager dans le futur. 5. Les études et connaissances Ce point étant l’objet de l’atelier 1 et par manque de temps, il n’a pas été traité par le groupe. » Le Président Mugnier clôt la journée et remercie l’assemblée pour sa participation. 40