en savoir plus sur le sheng
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EN SAVOIR PLUS SUR LE SHENG Peu connu en occident, le Sheng est l’ancêtre des instruments dits à « anches libres » comme la guimbarde, l’harmonica, les concertinas et autres accordéons. Désigné trop rapidement orgue à bouche, il s’agit plus exactement d’un instrument aérophone à anches libres puisque l’anche libre se met à vibrer lorsque l’air est envoyé dans la colonne d’air tandis que sur un orgue, ce sont les différentes hauteurs de tuyaux qui donnent le son. Mentionné au cours du IIe millénaire avant notre ère dans le Che-king (Livre des Odes ou de la Poésie). On l’appelait alors yu ou shenghuang. Le sheng chinois ancien était composé d’un réservoir fabriqué à partir d’une courge séchée et évidée, sur laquelle étaient fixés des tuyaux en bambous disposés sur deux rangées parallèles. A l’époque, l’anche était faite en bambou. C’était une languette étroite et longue taillée directement dans une plaquette de bambou et amincie. Des fouilles archéologiques ont permis de découvrir quelques sheng, dont un exemplaire à vingt-deux tuyaux dans la tombe de Ma Wang Tui et un autre exemplaire à quatorze trous dans la tombe du marquis Yi de Zeng, qui y fut enterré en 433 avant notre ère. Le réservoir du sheng chinois moderne est fabriqué en forme de théière munie d’un embout court. Le réservoir en bois est laqué et peut être cylindrique ou carré. Il existe également des modèles ayant un réservoir en métal. Le musicien expire et inspire dans l’embout, le souffle est canalisé dans les tuyaux de bambou fixés verticalement et de façon circulaire sur le réservoir. Chaque tuyau de bambou est muni dans sa partie inférieure d’une anche libre en métal qui se met à vibrer lorsque le musicien bouche le trou situé sur le côté du tuyau. L’anche libre est située au-dessus du trou; donc si celui-ci n‚est pas bouché, l‚air traverse ce trou. Au contraire, si le trou est bouché, l‚air est obligé de passer par l’anche et produit donc un son. Depuis longtemps déjà, les anches sont fabriquées en métal (laiton) et alourdies avec de la cire afin d'en régler l’intonation. Elles ont besoin d’un traitement particulier, car le souffle humain étant toujours chargé d’humidité peut les oxyder rapidement. Le musicien risquerait d’inhaler ces oxydes par aspiration. C’est pourquoi lors de leur fabrication les anches sont enduites avec un produit vert obtenu par réaction d’eau de malachite avec du cuivre pour protéger l’anche de l’oxydation. Dans l’imaginaire chinois, la forme du sheng rappelle les ailes du phénix. Pour cela, il faut que la longueur et la disposition des tuyaux respectent une certaine proportion ... qui ne correspond pas à la longueur nécessaire pour produire un certain son ! Une échancrure dans la partie supérieure du tuyau dissocie la longueur réelle de la longueur utile. Enfin, sur le dixsept tuyaux présents sur les modèles plus courants, quatre ne sont pas sonores et ne servent qu’à équilibrer l’instrument. Parmi les différents types de sheng chinois employés de nos jours, citons le petit sheng de Shanghai, le fangsheng à caisse carrée en bois du Henan et du Shangdong et le sheng des temples bouddhiques du nord de la Chine. Ils sont employés dans la musique populaire aussi bien que dans certaines formes de musique classique. Ses variantes coréenne seanghwang (qui correspond au terme chinois ancien shenghuang) et japonaise (sho) ne sont utilisées que dans certains ensembles de musique classique. L’orgue à bouche dans sa forme ancienne (à deux rangées parallèles de tuyaux) survit encore, et même très bien, parmi les minorités ethniques chinoises et les populations tribales installées dans les régions reculées du Viêt-nam, du Laos, de la Birmanie, de la Thaïlande, de Bornéo, jusqu‚en Assam et au Bangladesh ! Il est plus rustique que le sheng chinois, car les musiciens le fabriquent avec les matériaux à leur disposition : bambou pour les tuyaux, bambou ou laiton pour les anches, bois, ivoire ou même courges séchées pour le réservoir. Ces modèles sont souvent assez grands (le khen laotien peut être construit en 3 mesures, dont le plus grand peut compter des tuyaux longs de 3 mètres !). Ils participent à la plupart des fêtes et restent donc très populaires chez ces peuples.* Comme avec l’harmonica, on peut obtenir un son en aspirant aussi bien qu’en expirant. Le jeu traditionnel se fait en accord, c’est-à-dire qu’on émet plusieurs notes à la fois, ce qui convient pour l’accompagnement d’un autre instrument soliste, tel que le hautbois suona ou la flûte traversière dizi, ou encore la voix. Le jeu soliste est possible, mais difficile et par conséquent peu pratiqué. Les doigtés sont particulièrement complexes et une grande maîtrise du souffle est nécessaire. Toutefois, plusieurs effets sont possibles, comme le trémolo qui est produit par l’alternance rapide entre inspiration et expiration. Un effet de glissando est également possible quand on débouche lentement un trou, mais seulement sur certaines notes aiguës. De grands spécialistes en Chine ont permis de créer un répertoire soliste pour leur instrument. En général, le sheng ne peut guère être remarqué, car il produit une espèce de fonds sonore et de plus, le visage du musicien reste caché par l‚instrument ! Le jeu du sheng tel qu’il était pratiqué sous les Tang survit probablement dans la musique d’ensemble du Togaku japonais, où le sho exécute encore des séquences d’accords. Mais au fil du temps, la musique de cour des Tang a été ralentie maintes fois par les musiciens japonais jusqu‚à ne plus être reconnaissable. L’introduction de l’anche libre en Europe au XVIII siècle (peut-être par les Jésuites, car le révérend père Joseph Marie AMIOT, outre son Cong-Fou des Bonzes de Tao-Sse publia également deux ouvrages intitulés Mémoire de la Musique des Chinois tant anciens que modernes en 1776 et De la Musique moderne des Chinois) y a fait connaître le principe de l’anche libre, qui a été appliqué par la suite à toute une série d’instruments tels que les orgues (dont seuls quelques tuyaux sont munis d’une anche libre), harmoniums (très populaires en Inde pour accompagner le chant), accordéons, concertinas, harmonicas et mélodicas! Un autre instrument très commun, mais ignoré, est l’accordeur pour guitare bien connu des débutants. Il est composé de six cylindres ayant chacun une anche libre. L‚aspirant guitariste souffle dans chaque cylindre pour obtenir les notes des six cordes selon l’accordage dit "classique". Les premiers modèles d’harmonica et d’accordéons datent des années 1820 (le Viennois Cyril Demian déposa un brevet pour l’accordion le 6 mai 1829, rebaptisé en 1835 en France : accordéon). L’harmonium fut breveté en 1848 à Paris par A. F. Debain.