l`enneigement exceptionnel de février 2012 dans la région de molise

Transcription

l`enneigement exceptionnel de février 2012 dans la région de molise
L’ENNEIGEMENT EXCEPTIONNEL DE FÉVRIER 2012 DANS LA RÉGION DE MOLISE (ITALIE CENTRALE)
Antonio CARDILLO1, Massimiliano FAZZINI2, Gérard BELTRANDO3, Vincenzo ROMEO4
1 Région Molise – Agence pour la Protection Civile – Campochiaro (CB), Italie
2 Université de Ferrara, Département de Physique et Science de la Terre, Via Saragat, 1 - 44100 Ferrara, Italie - email: [email protected]
3 Université Diderot – Sorbonne Paris Cité, UMR 8586 du CNRS (PRODIG), Paris, France
4 Ministère de l’Agriculture et des Forêts– Service Meteomont – Rome, Italie
Introduction - Entre fin janvier et la mi-février 2012, la péninsule italienne a été affectée par le passage de plusieurs advections d'air polaire continental. Les perturbations
atmosphériques associées ont produit des précipitations à caractère neigeux qui ont affecté tout particulièrement les régions centrales et méridionales de l’Italie. L’étude
réalisée ici porte sur l’analyse de la hauteur cumulée de neige mesurée dans 43 stations des différents réseaux de surveillance - Nevemont, Meteomont, Protection Civile
régionale - la région du Molise et sur leurs comparaisons avec les données relatives aux autres événements majeurs observés durant les hivers 1929, 1956 et 1985 dans 12
stations. Comparativement à ces événements antérieurs, et dans un contexte thermométrique et anémométrique « ordinaire.
31/1-13-2/2012
MAX
VASTO
STATIONS
Altitude 4-15/2/1929 2-19/2 1956 1-18/1/1985
145
0
15
10
81
81
GAMBATESA
292
50
56
28
90
90
VINCHIATURO
657
73
68
37
150
150
CAMPOBASSO
686
71
99
38
136
136
CARPINONE
690
56
65
90
168
168
CAMPO LIETO
735
27
93
47
130
130
ROCCAMANDOLFI
820
193
175
237
226
237
CERCEMAGGIORE
935
92
111
59
190
190
PESCASSEROLI
1200
174
155
50
170
174
PESCOPENNATARO 1270
31
295
107
190
295
CAPRACOTTA
1375
128
295
106
184
295
PESCOCOSTANZO
1380
88
201
50
191
201
Tableau 1 - Cumuls de neige fraiche (cm) durant les évènements les plus importants du XX siècle
250
y = 0,1214x + 48,203
R² = 0,5638
200
150
100
50
0
0
200
400
600
800
1000
1200
1400
1600
Figure 4- Altitude et cumul de neige entre le 31 janvier et le 13 février 2012 dans 46 stations du Molise. La
courbe évidence l’optimum autour de 1000 m. d’altitude
Figure 5 - Région d’étude – le Molise - et cumuls de neige fraiche (cm) pour la période allant du 31 janvier au 13 février 2012
Chronique météorologique de la période 31 janvier-13 février
Après une première partie de l’hiver caractérisée par une succession de temps
relativement doux et très secs; à partir de mi-janvier, la configuration synoptique de la
haute troposphère montre des caractères qui se produisent assez rarement. Dans la
basse stratosphère, un épisode modéré de réchauffement (figure 1) a provoqué un
"split" en trois lobes du vortex polaire. Un des lobes a commencé à se déplacer vers la
Russie européenne.
Le 31 Janvier, un puissant anticyclone dynamique s’étend de la Scandinavie, il est relié
par un pont de Wejkoff à l’anticyclone thermique russo-sibérien, alors que sur la Mer
Noir une dépression dynamique s’instable et une cyclogenèse se produit sur le Golfe de
Gènes (figure 2). Un front occlus apporte des précipitations étendues à toutes les régions
du centre-nord de l’Italie avec de la neige dans la plaine du Pô et les collines de la Ligurie
au Lazio. » Le 1er février, la perturbation atteint le territoire du Molise ou on enregistre
des chutes de neige variant de 10 et 30 cm.
Du 2 au 4 février, la basse pression se déplace très lentement vers l’est du Maghreb et
elle permet l’advection de courants progressivement plus froids et instables de l'est vers
l’Adriatique (figure 3 a). En moyenne, les chutes de neige fraiche affectent peu les côtes
(fort courant de Tramontane et bora). La hauteur varie entre 20 et 40 cm dans les basses
collines et entre 120-150 cm au-dessus de 1000 m. A l’est du Massif de la Meta
(Rionero Sannitico), l’épaisseur atteint 2 m et localement 5 m, dans les zones affectées
par des rafales de vent. Le flux provenant des Balkans permet jusqu’au 4 février, des
chutes de neige occasionnelles sur la côte, mais plus étendues et plus régulières à
l’intérieur des terres.
Après une phase d’accalmie, avec des chutes de neige faibles et localisées, un nouveau
tourbillon très froid (repérable jusqu’à 500 hPa) se forme sur la Scandinavie, puis se
déplace vers le sud-ouest et atteint l'Italie, le 10. Cette dépression, fortement barocline,
détermine en surface un fort appel de courants continentaux qui arrivent, très instables
des Balkans (figure 3b).
Le 11, les chutes de neige sont très intenses sur tout le moyen versant adriatique, en
particulier entre la Romagne et les Abrusses (plus de 100 cm en moins de 24 heures) et,
avec le déplacement de la dépression vers le sud-est, elles intéressent le Molise durant la
journée du dimanche 12. Mais les cumuls sont plus modérés (10-15 cm sur la côte et
dans la moyenne vallée du Volturno ; jusqu’à 35-50 cm au-dessus de 1000 m.)
1
0,5
0
-0,5
-1
-1,5
-2
-2,5
-3
-3,5
-4
01/01/2012 08/01/2012 15/01/2012 22/01/2012 29/01/2012 05/02/2012 12/02/2012
Figure 1 – Anomalie thermique dans la troposphère et la stratosphère polaire
(octobre – mi-février) et AO index (janvier-mi-février).
Figure 3a - Champs de pression en surface (courbes blanches) et au
géopotentiel 500 hPa (légende en couleur) à 00 h UTC, le 3 février
Figure 2: Géo potentiel (courbes blues) et températures à 500hPa (courbes en
pointillées rouges) à 00 UTC le 31 janvier
Figure 3b - Champs de pression en surface (courbes blanches) et au géopotentiel
500 hPa (légende en couleur) à 00 h UTC, le 11 février
Figure 6 – quelques photos
de l’enneigement
Analyse nivométrique - Les données mesurées dans quarante stations, situées à des altitudes comprises entre le niveau de la mer (Termoli) et 1520 m.
(Pizzone) montre que la distribution spatiale et altitudinale de la neige fraiche a été très irrégulière, ce que confirme la faible relation entre altitude et épaisseur
de la neige (figures 4 et 5). En figure 4, la région à faible enneigement (jaune) est située à des altitudes inférieures à 400 m, dans la vallée du Volturno. Les
stations météo caractérisées par des chutes de neige les plus élevées sont situées sur les pentes orientales des plus importants massifs montagneux (Matese,
Meta) entre 800 et 1000 m d'altitude.
Conclusion - La comparaison entre les données nivométriques de 2012 et ceux relatifs aux plus importants événements du dernier siècle (tab.1) montre
l’importance quantitative des chutes lors de cet événement, qui peut être défini comme « exceptionnel » à l’échelle du siècle, dans la région de haute colline et
de basse montagne. Au-dessus de 900 m, les cumuls de neige fraiche sont moins rares et localement, ils sont inférieurs à ceux mesurées durant l’épisode de
février 1956 (figures 6). Mais entre ces deux événements neigeux, la vulnérabilité a fortement augmenté en particulier vis à vis réseaux de transport.
Grenoble 2012