La stratégie anti-démocratique de La Paix Maintenant, Jcall

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La stratégie anti-démocratique de La Paix Maintenant, Jcall
La stratégie anti-démocratique de La
Paix Maintenant, Jcall – JForum
La stratégie anti-démocratique de La Paix Maintenant, Jcall
SOUTIEN LÉGITIME, DÉBAT ILLÉGITIME
Soutenir « inconditionnellement » Israël, rejeter ceux qui rejettent la
démocratie israélienne : voici mes raisons.
Je refuse, par principe, de débattre avec des représentants d’organisations
telles que La Paix Maintenant (Shalom Akhshav), J Street ou J Call. Non pas
en raison de leurs opinions sur l’avenir d’Israël, mais de leur stratégie
explicitement anti-démocratique. Je me suis expliqué à ce sujet en 2011.
Sollicité à nouveau de débattre avec ces personnes, je ne puis que reprendre
mes propos, tels quels.…………..
La plupart des Juifs de France soutiennent inconditionnellement Israël. C’est
un fait. C’est aussi une sorte de nécessité ontologique, dont on ne saurait
ni s’étonner, ni s’indigner. Pour trois raisons.
D’abord, l’expérience historique particulière de cette communauté. Les Juifs
français d’aujourd’hui sont, pour la moitié d’entre eux, des survivants de la
Shoah, ou bien des descendants directs, sur une ou deux générations, de ces
survivants. Et pour l’autre moitié, des Juifs chassés des pays d’islam, ou
bien, sur une ou deux générations là encore, leurs descendants directs.
Les deux tragédies, il convient de le souligner, sont liées entre elles. La
Shoah, là où elle a eu lieu, a frappé indistinctement les Ashkénazes et les
Séfarades. Les idéologies dont elle s’est nourrie, ou qui l’ont rendue
possible, ont directement influencé ou réactivé celles qui, en Orient, ont
conduit à l’épuration ethnique ou communautaire. Dans les deux cas, les Juifs
ont été broyés en tant que Juifs. Dans les deux cas, ils ont été trahis : par
des gouvernements en qui ils avaient placé leur foi et leur confiance ; par
des sociétés dont ils se croyaient membres à part entière.
Comment, dès lors, les Juifs français ne seraient-ils pas attachés au seul
Etat juif du monde, fondé et habité par d’autres rescapés de la Shoah et
d’autres expulsés des pays d’islam ?
Mais cette raison ne suffirait peut-être pas à elle seule. Deux raisons
complémentaires lui donnent tout son sens : l’existence même d’Israël est
toujours contestée à ce jour par la plupart de ses voisins et par des Etats
plus lointains, en violation des principes et de la charte de l’Onu ; l’Etat
d’Israël, en dépit de cet état de guerre perpétuelle et des menaces
génocidaires qui pèsent sur lui, est une démocratie, et les décisions que ses
dirigeants sont amenées à prendre sont donc, la démocratie étant à juste
titre le principal critère moderne de la légitimité politique, absolument
légitimes.
Le soutien que les Juifs français portent à Israël, si pur soit-il,
pourtant l’objet de deux types de critique – ou de rejet.
fait
Le premier émane de milieux non-juifs, et tout particulièrement de
politiques, qui n’hésitent pas à évoquer à cet égard, ouvertement ou
obliquement, en termes brutaux ou en recourant à l’insinuation, une « double
allégeance ». Ou, ce qui revient au même aujourd’hui, au « communautarisme ».
Je serai clair à leur propos. Leurs arguments s’inscrivent, au minimum, dans
l’antisémitisme classique, qui ne concède aux Juifs d’existence que dans la
soumission ou l’humiliation.
Je note la réapparition, dans leurs discours, de thèmes assez anciens. Il
était courant et de bon ton, avant 1940 puis jusqu’en 1942, de distinguer
entre les « Israélites » français, agrégés de longue date à la communauté
nationale, qui se voulaient « discrets », et les « Juifs » étrangers, ou
fraichement naturalisés, revendicatifs et bruyants. Haut Commissaire de Vichy
à la Question juive, Xavier Vallat, prétendait encore sauver les premiers en
sacrifiant les seconds.Ce trope – contre lequel le Crif historique, celui de
la Résistance, s’est expressément élevé en 1943, quand il a fédéré
« Israélites » et « Juifs » dans un même combat – a rejailli sous la Ve
République, à travers une nouvelle distinction, tout aussi fallacieuse que la
première, entre Juifs ashkénazes, donc européens, donc français, donc
capables de s’éloigner d’Israël, et Juifs séfarades, exotiques,
inassimilables, donc inféodés à ce méchant Etat : je vous renvoie, par
exemple, aux confidences du troisième président de cette République, Valéry
Giscard d’Estaing, telles que les rapporte Renaud Camus, le Saint-Simon de
notre temps, dans le volume de son journal intime consacré à l’année 2009
(Krakmo, Fayard).
L’autre type de critique ou de rejet émane de milieux juifs minoritaires,
mais influents, présents dans la plupart des hautes élites juives, en Israël,
en Europe et en Amérique.
Cette doctrine a été formulée pour la première fois par un militaire et
intellectuel israélien distingué, le général Yéhoshafat Harkabi, ancien
directeur du Renseignement militaire de son pays. Harkabi estimait, à la fin
des années 1970 et tout au long des années 1980, que la présence israélienne
en Cisjordanie, à Gaza ou dans le Golan constituait une grave une erreur
stratégique.
Harkabi était un grand soldat et un grand intellectuel. J’ai beaucoup appris,
personnellement, dans ses articles et ses livres. Il avait certainement le
droit de penser ce qu’il pensait, et le devoir de le faire savoir. Mais en
1987, il avait fait circuler un texte, Israël devant des choix fatidiques
(étoffé par la suite et transformé en un véritable livre), où il estimait que
puisque les Israéliens étaient incapables de faire par eux-mêmes les « bons
choix », il fallait que l’Amérique les y contraignît ; et que, puisqu’un
lobby juif dissuadait les dirigeants américains d’exercer de telles
pressions, il était souhaitable de créer, aux Etats-Unis et ailleurs, un
contre-lobby qui neutralisât le premier, et incitât au contraire Washington à
exercer sur Jérusalem des pressions irrésistibles. Car, observait-il,
« l’amitié américaine à notre égard pourrait nous être non moins nuisible,
paradoxalement, dans cette phase, que l’hostilité arabe ».
Diffuser un tel texte constituait un crime de lèse-démocratie. Ou bien le
peuple est souverain, et l’on ne peut contester les décisions auxquelles il
parvient à travers des débats où s’expriment toutes les opinions. Ou bien il
ne l’est pas. Harkabi était d’avis qu’il ne l’était pas. Sa doctrine n’a pas
cessé de rejaillir à travers diverses initiatives américaines et européennes,
y compris au cours des dernières années (Shalom Akhsav, l’Initiative de
Genève, J Street, J Call). Les démocrates la traiteront comme elle le mérite.
Paris, 22 novembre 2011 et 30 octobre 2015
PAR MICHEL GURFINKIEL.
© Michel Gurfinkiel, 2015
Source : La stratégie anti-démocratique de La Paix Maintenant, Jcall – JForum