Grand-Parents

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Grand-Parents
Fiche synthèse Grands-Parents
Avant le milieu de ce siècle, la population mondiale sera plus ou moins équitablement répartie
entre les personnes âgées et les jeunes. Le pourcentage de ceux qui sont âgés d’au moins 60
ans doit en principe doubler, passant de 10 à 21 % entre 2000 et 2050 tandis que celui des
jeunes de moins de 14 ans baissera d’un tiers, de 30 à 20 %. Le pourcentage des jeunes par
rapport à la population totale baissera de 18 à 14 %. Alors qu’aujourd’hui 6 sur 10 personnes
âgées vivent dans les pays en développement, d’ici à 2050, le taux sera 8 sur 10. L’Afrique
demeure la région qui compte le plus de jeunes dans sa population, même si, selon toute
vraisemblance, ce pourcentage devrait en principe diminuer et celui des personnes âgées
doubler.
Dans les cultures traditionnelles africaines, les rôles de grand-père et grand-mère sont
reconnus et valorisés comme le sont généralement les rôles et statuts des anciens. La
littérature ethnographique regorge à cet égard d'exemples rappelant notamment l'importance
du statut grand-parental de fait de motif religieux lié au culte des ancêtres et la valeur sociale
résultant du nombre de descendants. Etre grand-parent est souvent la condition pour être
accepté comme « ancien » ou « ancienne » ou pour présider les affaires du clan et du lignage.
En outre, les relations entre grands-parents et petits-enfants échappent aux rapports d'autorité
qui s'imposent entre parents et enfants. Elles sont égalitaires et ludiques et forment une
dimension importante de la parenté dite à «plaisanterie».
Rapports grands-parents petits enfants :
Parenté à plaisanterie :
Relation entre 2 individus ou groupes qui autorise ou impose des rapports verbaux ou
physique très libres. Cette relation peut être mutuelle (symétrique) ou formalisée de telle sorte
qu’une personne ou un groupe pratique la plaisanterie, pendant que l’autre n’est pas autorisé à
rétorquer (asymétrique). Les interactions varient de la taquinerie à l’insulte, la punition, les
plaisanteries à caractère sexuel (Louis-Vincent Thomas, in « Vieillesse et mort en Afrique »
in C.Attias-Donfut, L.Rosenmayr (dir.) Vieillir en Afrique, 1994, rapporte ainsi les jeux par
lesquels l'information et l'éducation sexuelles se font précocement et de façon dédramatisée :
« Chez les Mandenka du Sénégal, le petit-fils considère sa grand-mère comme « épouse »,
qu'il tente de courtiser à la barbe de son grand-père, tout en se moquant de l'état physique de
son « concurrent ». Celui-ci rétorque et se moque des incapacités de son petit-fils, dues à son
immaturité. »), le chahut, etc. La parenté à plaisanterie est très fréquente entre personnes de
générations alternées. Dans ces cas, les grand-parents et les petits-enfants partagent une
relation d’affection particulièrement forte, qui est un exutoire non seulement verbal mais
également physique. Il s’agit d’une relation affective. Souvent, le grand-parent est celui à qui
on peut tout livrer (le psychologue, le confident).
Grands-parents et SIDA :
Historiquement, ce sont les enfants adultes qui s’occupent des anciens. Cependant, le SIDA
inverse cette tendance en Afrique. Les grands-parents doivent maintenant s’occuper des
orphelins du SIDA alors qu’ils n’ont pas les moyens de le faire. Alors que la famille reste
encore le moyen le plus courant pour recueillir les orphelins, avec la propagation rapide du
sida, les oncles et tantes ne sont plus les principaux tuteurs comme ils l’étaient auparavant. En
plus d’être eux-mêmes victimes de la maladie, il seraient également plus réticents à prendre
en charge des orphelins, souvent séropositifs, obligeant les grands-parents et les enfants les
plus âgés à prendre soin d’eux.
Ainsi, en Ouganda, 32% des orphelins vivant avec des proches seraient gardés par leurs
grands-parents. Ce pourcentage s’élèverait à 38% en Zambie, à 43% dans les zones rurales de
Tanzanie, et à presque 60% en Afrique du Sud. Dans certaines régions, les trois-quarts des
anciens (72%) sont les principales (voire uniques) sources de revenus de ces foyers
multigénérationnels. Ces personnes âgées dépensent une grande part de leurs revenus pour les
besoins et l’éducation des petits-enfants, 9% soignent de jeunes adultes malades vivant chez
eux, 22% vivent avec leurs petits-enfants (les parents sont morts ou partis pour les villes de
manière prolongée), 20% prennent soin d’enfants de 6 ans ou moins et 46% prennent soin
d’enfants entre 6 et 18 ans.
De plus, une fois que les petits-enfants sont élevés, certains problèmes subsistent. Les jeunes
générations sont confrontées au chômage, certaines jeunes filles tombent enceinte et laissent
leur bébé aux grands-parents une fois qu’il est né. Les anciens doivent donc à nouveau fournir
la nourriture, les vêtements, les traitements médicaux pour eux-mêmes, mais aussi pour le
reste du foyer.
Outre cet aspect financier, les personnes âgées sont aussi confrontées à de nombreux efforts
physiques, particulièrement dans les zones rurales où l’accessibilité aux ressources telles que
l’eau, l’énergie ou la nourriture sont limitées voire inexistantes. Ce sont elles aussi qui
s’occupent des travaux domestiques.
Selon le Dr Makiwane, un gap générationnel se creuse. Selon lui, les anciens aident une jeune
génération qui ne lui est pas reconnaissante. La plupart des personnes âgées estiment que les
jeunes leur manquent de respect. Le sida a donc engendré une crise intergénérationnelle. Il est
indispensable de récréer une nouvelle coopération et compréhension entre les jeunes et les
vieux. Le Dr Makiwane, estime qu’il faut reconnaître ce rôle primordial joué par les seniors
dans la société, les aider, mais surtout, le pays doit promouvoir d’urgence, les relations
intergénérationnelles.
Grands-parents et éducation :
C'est à eux qu'incombe le plus la transmission de la tradition aux enfants en fonction de la
sagesse procurée par l'âge mais aussi de leur disponibilité. Ils apparaissent partout comme des
agents éducatifs importants dans les domaines qui n'ont pas directement trait à la productivité,
et en particulier dans l'enseignement oral. Leur rôle n'est nullement négligeable sur le plan de
l'intégration sociale proprement dite. Ils servent de trait d'union entre le passé et le présent.
C'est la grand-mère qui est la plus compétente dans la transmission orale des connaissances.
En effet, dans toutes les sociétés, la grand-mère est ce personnage caractérisé par une grande
tolérance, une expérience humaine qui en fait la "bibliothèque humaine". Elle occupe une
place de choix dans la conservation des valeurs traditionnelles. Dans l'Afrique traditionnelle,
la grand-mère était la seule habilitée à parler ouvertement de sexe aux enfants, qui en
profitaient pour poser toutes sortes de questions.
Il convient toutefois de noter qu'en Afrique tout vieillard peut intervenir dans la transmission
de la tradition, qu'il soit ou non le grand-parent. Les personnes âgées sont des sources toujours
disponibles qui, dégagées des corvées quotidiennes, peuvent mettre leur expérience et leur
mémoire au service de l'éducation des enfants. (http://www.soninkara.org/histoiresoninkara/wagadou/tradition-orale/index.php)
Les anciens et la médiation :
Le rôle instrumental de la médiation est attesté, dans le passé, par de nombreuses traditions
orales, où interviennent des vieillards, symboles de sagesse, qui souvent parviennent à mettre
fin aux différents conflits inter-communautaires (Bah, 1999). La fonction de médiateur, dans
les sociétés africaines traditionnelles nécessite des qualités particulières : âge, sagesse,
connaissance des coutumes et de l’histoire des groupes vivant dans un territoire déterminé. Le
médiateur doit par-dessus tout faire preuve de neutralité et d’objectivité.
Dans la palabre, les vieillards, symboles de sagesse, jouent un rôle privilégié. Leur éthique et
divers tabous liés à leur âge leur interdisent des positions partisanes, et les invitent plutôt à la
pondération et au compromis (Sylla, 1980). Il est courant qu’une palabre soit présidée par un
vieillard et non par le chef, ce qui a conduit à qualifier les sociétés négro-africaines de
gérontocratiques. En fait, ces sociétés sont caractérisées par une interaction harmonieuse entre
générations, organisées en classes d’âges selon des règles établies où prévalent la bonne
entente et la cordialité.
Données démographiques :
Même si on observe une baisse relative du taux de fécondité au niveau du continent (6,7
enfants en 1985, 5,4 en 2002), la population du continent devrait passer de 750 millions à 1,5
milliard d'habitants entre 2006 et 2040 (à l’horizon 2050, quintuplement de la population au
Niger, quasi-quadruplement en Ouganda, triplement au Tchad…).
Personnes ressources :
Philippe ANTOINE, démographe, directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le
Développement (IRD)
Ferdinand Ezémbé, Docteur en Psychologie de l’université Paris X, Nanterre en France
(2003), vice-président de la commission Culture et Education du CRAN- Conseil
représentatif des associations noires (2006).
Citations :
"These findings highlight the silent explosion of the number of grandparents fighting to keep
their grandchildren alive. Unrecorded, unrecognised and unsupported these older people,
many in their 80s and 90s, will struggle on less than a dollar a day to feed newborns, nurse
sick toddlers and put children through school.
"Throughout their tireless battle, many grandparents tell us their greatest fear is not knowing
what will happen to their grandchildren once they have gone.”, David Clark, International
Manager for Help the Aged
In “Jocking at Death :The Mamprusi grandparent grandchild joking relationship”, Susan
Drucker-Brown, Man, London, 1982, vol. 17, no4, pp. 714-727 (1/2 p.)
In “Jocking at Death :The Mamprusi grandparent grandchild joking relationship”, Susan
Drucker-Brown, Man, London, 1982, vol. 17, no4, pp. 714-727 (1/2 p.)
"In the old days, the young took care of the elderly and children. Now, there are
only grannies and children left."- South African grandmother
"Looking after orphans is like starting life all over again, because I have to work on
the farm, clean the house, feed the children, buy school uniforms. I thought I would
no longer do these things again. I am not sure if I have the energy to cope." -65 year old man,
Makoni, Manicaland, the main carer of 3 school going aged children
« Un ami danseur, récemment arrivé en France, vient me voir très choqué après avoir donné
un spectacle dans une maison de retraite: "jamais, au grand jamais je ne vieillirais ici, je ne
veux pas qu'on m'enferme avec d'autres vieux et qu'on me laisse dépérir. Au moins au pays on
s'occuperait de moi et je serais très entouré par mes enfants"
Quelle belle image!
Apres avoir discuté longuement du sujet, il finit par nuancer son propos et m'apprend que les
vieux ont surtout leur place au village: à la ville déjà, leur situation est moins enviable,
souvent logés chez la famille (pas forcément proche d'ailleurs) qui les considère comme une
charge inutile, ils sont souvent laissés à l'écart, et malheur à eux si leur santé n'est pas bonne:
les soins et les médicaments étant très chers, on les réserve aux jeunes et aux urgences.
Mon ami m'a conté le nombre de fois où il avait vu des vieux grabataires et totalement
dépendants qu'on laissait à l'écart voire qu'on maltraitait.
Le respect dû à une vieille personne s'efface devant le besoin et la lutte pour la survie. En
ville, chacun lutte pour soi même et la solidarité intergénération n'est plus qu'une illusion. Les
valeurs traditionnelles et le rôle des vieux ont tendance à se perdre en milieu urbain, mais ça
c'est pas nouveau.... » http://www.donaba.net/forumvoir.php?categorie=hist&nbre=12152
« Le vieillard […] est donc une condition de possibilité de la connaissance de l’histoire
africaine. Sa disparition, tout en créant une rupture dans la chaîne de transmission des
générations, compromet la connaissance intérieure de l’Afrique », in Amadou Hampâté Bâ,
homme de science et de sagesse, par Ahmadou Touré, N'Tji Idris Mariko, Karthala, 2005, p.
62.
Bibliographie :
- C. Attias-Donfut, L. Rosenmayr (dir.), Vieillir en Afrique, 1994.
- WHYTE Susan R.; ALBER Erdmute; GEISSLER P. Wenzel, “Lifetimes intertwined:
African grandparents and grandchildren”, Africa, 2004, vol. 74, no 1, ISSN 0001-9720
- Exposition photo de Christoph Gödan, "Silent Heroines: African Grannies Fight Against
HIV-AIDS" (Héroïnes de l'ombre : des grand-mères africaines luttent contre le VIH/sida") :
de brèves interviews accompagnent les photos, livrant un aperçu des destinées individuelles
qui se cachent derrière chacune d'entre elles. Exposée au Women's Museum de Bonn jusqu’à
fin avril 2009.

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