Report 07-2016

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Report 07-2016
GENESIS
La contraception de rattrapage
QUAND, POURQUOI, COMMENT ET A QUI LA PRESCRIRIEZ-VOUS ?
La contraception de rattrapage est utilisée pour prévenir la survenue d’une grossesse non prévue après un
rapport non ou mal protégé : mauvais usage d’une méthode contraceptive, oubli de pilule, la déchirure d’un
préservatif.
Une meilleure information des femmes sur cette contraception est nécessaire.
La «contraception d’urgence» est assurément fort mal nommée et la «contraception du lendemain» encore moins. Ou plutôt,
ces appellations sont datées d’une époque où la grossesse non prévue pouvait revêtir une dimension dramatique ne
serait-ce que par la difficulté qu’il pouvait y avoir à recourir à l’IVG. La situation a changé au point que le terme d’urgence
ne parle plus à la majorité des femmes. Elles l’utilisent donc fort peu, même quand elles en auraient besoin, surtout parce
qu’elles ne la connaissent pas ou la pensent inutile voire inefficace. Au pire elles la craignent confortées en cela par
nombre de professionnels conseilleurs mais à compétence fort limitée.
Finies aussi les recommandations un peu alarmistes qui faisaient de sa prescription systématique un marqueur de la
bonne pratique contraceptive. Pourquoi tant d’empressement à remplir les armoires de pharmacie de médicaments qui s’y
périment lentement mais sûrement, alors qu’il y a des pharmacies partout (durée de péremption 3 ans). Cette
communication n‘est plus adaptée et le terme de «rattrapage» pourrait valablement s’installer pour que les femmes en
connaissent mieux l’usage et l’utilité et s’en servent à point nommé, c’est à dire quand il n’y a pas eu de protection
contraceptive ou qu’elle est prise en défaut.
Quand une stratégie thérapeutique ne marche pas, il faut se poser quelques questions sur la manière dont on l’a
présentée et non pas repartir, comme après les élections, sur les mêmes errements.
Les chiffres de vente de la contraception de rattrapage sont en baisse. Et alors ? Est-ce bien important pour nous
médecins ? Pas vraiment (d’autant qu’il pourrait s’agir d’un premier signe de glissement vers les Contraceptions de
Longue Durée). Ce qui nous intéresse en fait, c’est bien que les femmes disposent de toutes les informations et puissent
accéder aux moyens nécessaires pour mener leur vie comme elles l’entendent.
Dire par exemple qu’il s’agit d’éviter des IVG n’est plus tout à fait exact, car certaines femmes sont peu émues par la
nécessité d’y recourir. Le chiffre élevé des IVG ne peut donc pas non plus servir de critère de jugement, ce d’autant que le
nombre d’IVG n’a jamais été influencé par les ventes de la contraception de rattrapage.
En revanche veiller à améliorer la connaissance de ce moyen supplémentaire, là oui, les professionnels de santé y ont un
rôle essentiel mais il faut dire aussi que les structures d’information ont sans doute été insuffisamment utilisées. La
contraception de rattrapage a par exemple fort bien touché les mineures qui se sont rendues compte que celle-là était
gratuite et confidentielle là où celle-ci ne l’était pas. Comment a-t-on pu la rendre plus accessible pendant des années que
la contraception orale au long cours ? Certaines femmes l’utilisent d’ailleurs à la place de la contraception car gratuite et
bien adaptée à des rapports espacés. Surtout à une époque où les œstro-progestatifs sont chargés de tous les maux.
La question est donc de savoir si la contraception de rattrapage est suffisamment connue et sinon pourquoi et comment
faire pour améliorer sa disponibilité collective.
Suffisamment connue, elle ne l’est pas assurément car aucune campagne d’information digne de ce nom n’a été faite.
«Ménophytéa ventre plat» est largement plus connu…
Pourrait-on avancer une hypothèse sur cette méconnaissance ? Et si c’était parce que cela pourrait s’avérer trop cher
pour l’État ? Les deux contraceptions hormonales de rattrapage sont désormais prises en charge quand elles sont
prescrites. Plusieurs millions de boîtes à quelques euros, cela fait quelques millions d’euros.
Pas surprenant qu’on n’ait pas cherché à la faire mieux connaître.
De plus, les médecins prescripteurs sont malheureusement peu concernés par les problèmes d’observance.
La preuve ? La forte prescription des PPR (Pills, Patch, Ring) et la faiblesse, en train de changer d’ailleurs, des
contraceptions de longue durée (CLD). Les études se sont succédé pour montrer que les CLD sont bien plus efficaces
grâce à leur excellente observance. Et pourtant, les changements demeurent très lents. On peut d’ailleurs s’attendre à
l’avenir à une baisse des IVG provenant de cette modification là des pratiques qui est liée principalement à une
modification de la demande des femmes.
Améliorer l’information des femmes sur l’existence de ce moyen de rattrapage, c’est faire une véritable campagne de
communication utilisant tous les supports conventionnels et suggérer aux pharmaciens de la proposer lors d’une
délivrance de contraception orale ou de préservatifs : «Souhaitez-vous disposer d’une contraception de rattrapage, au cas
où… ?». La contraception par PPR nécessite un complément d’information par le prescripteur qui est le mieux placé mais
aussi par celui qui délivre les produits. Certaines femmes sont effet utilisatrices de pilules depuis de longues années et
n’ont pas besoin de cette prescription alors que d’autres, nouvelles utilisatrices, doivent se la voir proposée, prescrite et
délivrée à l’avance presque systématiquement.
« Les médecins ont un rôle essentiel à jouer pour améliorer la connaissance de ce moyen de contraception
supplémentaire »
Quand, pourquoi, comment la prescrire ?
1. Il n’est pas si fréquent, en France, en consultation, de voir une femme à l’orée de sa vie sexuelle, vu le niveau de
d’information des jeunes dans les écoles (rapport non protégé, accident de préservatif, oubli de pilule). La consultation à
cette occasion, bien trop sommaire dans notre pays car non rémunérée pour le temps qu’elle nécessite, doit comprendre
une information et une prescription (en dehors d’une prescription de CLD). Les pharmaciens devraient orienter celles qui
n’ont pas su trouver le chemin du cabinet médical, ne serait-ce qu’au moment de la délivrance des préservatifs, et donner
l’information sur l’existence et la prise en charge de la contraception de rattrapage. L’utiliser régulièrement n’est d’ailleurs
pas dangereux. Il faut le dire aux femmes pour les rassurer, mais aussi expliquer qu’il ne s’agit pas d’une méthode
abortive. Son seul risque, être inefficace au long cours…
2. Au décours d’un rapport sexuel à «risque repéré»
Le DIU peut être proposé comme contraception de rattrapage si la femme le souhaite. Le DIU Cu est incontestablement la
méthode la plus efficace car il peut être inséré dans les 5 jours(1) et présente en outre l’avantage d’instituer dans le même
temps une contraception pérenne avec un taux d’abandon faible dans l’année qui suit(2).
Il existe plusieurs mécanismes d’action du DIU au cuivre :
- des effets toxiques de «pré-fertilisation», altérant la rencontre des spermatozoïdes avec l’ovocyte. Le cuivre diminue la
mobilité, l’ascension, la viabilité et empêche la réaction acrosomiale, ce qui altère la capacité de fertilisation des
spermatozoïdes.
- des effets de «post-fertilisation», empêchant la nidation de l’embryon. Le cuivre entraine une réaction inflammatoire de la
muqueuse endométriale pouvant avoir une action anti-implantatoire(3).
Hors DIU dans les 5 jours la contraception de rattrapage hormonale qui retarde ou inhibe le pic de LH peut être prescrite.
Il paraît raisonnable de recommander l’UPA (Ulipristal Acétate) compte tenu de la différence d’efficacité(4) sauf en cas de
situation d’exception (insuffisance hépatique sévère ou chez une femme en cours d’allaitement).
3. Plus largement dès qu’il y a sexualité (en dehors d’une CLD) et surtout à l’instauration d’une contraception hormonale,
la difficulté d’observance qui ne devrait plus être taboue, doit pousser les professionnels de santé à aborder cette question
et le cas échéant à la prescrire car il peut être difficile d’aller confesser son oubli de contraception chez le pharmacien du
coin… Le terme de contraception de rattrapage est d’ailleurs susceptible de dédramatiser.
S’il est en effet prouvé que la prescription à l’avance augmente l’utilisation de la CU(5) cette prescription n’est cependant
pas recommandée systématiquement car son efficacité globale sur la prévention des grossesses n’est pas démontrée(6).
En résumé
Utiliser plutôt le terme de «contraception de rattrapage».
Pour qui ? Informer (voire prescrire) dès qu’il y a sexualité sans désir de grossesse et sans protection efficace.
Comment, en cas de rapport identifié comme à risque ? Le délai doit être minimal donc prise dès que possible :
- Limité à 3 jours pour le LNG Norlevo® ou Vikela®
- Jusqu’à 5 jours pour l’Ulipristal Acétate (Ellaone®), le seul à avoir une efficacité prouvée si l’IMC est > à 25.
Il faut conseiller l’utilisation du préservatif pendant au moins 7 jours (voir Schéma 2) lors de la poursuite d’une
contraception hormonale. Pour celles qui n’en n’avaient pas jusque-là, on peut en instaurer une en «quick start».
Aucune contraception de rattrapage n’est efficace à 100% et en cas de doute (décalage ou règles anormales) il faut faire
un test de grossesse.
Au total, malgré l’accessibilité améliorée de l’IVG en France tout doit être fait pour que les femmes aient le choix de ne
pas en passer par une grossesse non désirée. L’information et l’utilisation à bon escient de la contraception de rattrapage
peut y participer.
Pousser les pouvoirs publics à envisager que «la meilleure IVG c’est celle qu’on a prévenue», car cela leur coutera moins
cher, permettrait peut-être d’obtenir une véritable campagne d’information par affiches et spots télévisés sur la
contraception de rattrapage, sans quoi, la situation ne changera guère.
Les méthodes utilisables pour la contraception de rattrapage
Brigitte Letombe - Gynecologue, Lille
Israël Nisand - Gynecologue, CHU Strasbourg
Pierre Marès - Gynecologue, CHU Nimes
L'auteur déclare ne pas avoir de lien d'intérêt pour cet article.
RÉFÉRENCES
1. Cleland K, Zhu H, Goldstuck N and al. The efficacy of intrauterine devices for emergency contraception : a systematic
review of 35 years of experience. Human Reprod 2012 .
2. Wu S, Godfrey EM, Wojdyla D, Dong J, Wang C, Von Hertzen, HCopper. T380A intrauterine for emergency
contraception: a prospective, multicenter cohort clinical trial BJOG 2010;117:1205-10
3. Lalitkumar PGL, Berger C, Gemzell-Danielsson K., Emergency contraception. Best Practice and Res. Clin. Endoc. 2013
4. Brache V, Cochon L, Deniaud M, Croxatto HB., Ulipristal acetate prevents ovulation more effectively than
levonorgestrel: analysis of pooled data from three randomized trials of emergency contraception regimens. Contraception
2013; 88:611
5. Polis CB, Grimes DA, Schaffer K, Blanchard K, Glasier A, Harpert C., Advance provision of emergency contraception
for pregnancy prevention (review) The Cochrane collaboration 2010 issue 3.
6. Recommandations HAS avril 2013 ansm.sante.fr. Fiche memo contraception d’urgence avril 2013.
Article paru dans le Genesis N°188 (février/mars 2016)