Caractérisation de biofilms formés à la surface de
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Caractérisation de biofilms formés à la surface de
é q u i p e d e recherche sur les r e l a t i o n s m a t r i c e ext r acellulair e c e l l u l e s ECOLE DOCTORALE SCIENCE ET INGENIERIE de l’Université de Cergy-Pontoise THESE Présentée pour l’obtention du grade de Docteur de l’Université de Cergy-Pontoise Spécialité : Microbiologie Caractérisation de biofilms formés à la surface de membranes de nanofiltration dans un processus de production d’eau potable et stratégies de lutte anti-biofilm Par Ahmed HOUARI Equipe de Recherche sur les Relations Matrice Extracellulaire Cellules EA 1391 Soutenue le Jeudi 24 Septembre 2009 Devant le jury composé de J.C. BLOCK T. JOUENNE E. PAUL M. DJAFER O. GALLET P. DI MARTINO Professeur à l'université de Nancy Directeur de recherche CNRS, Rouen Professeur à l'université de Toulouse, INSA Docteur d'université, Véolia eau, Nanterre Professeur à l'université de Cergy-Pontoise Professeur à l'université de Cergy-Pontoise Rapporteur Rapporteur Examinateur Examinateur Examinateur Directeur de thèse Remerciements Les travaux présentés dans ce mémoire ont été réalisés au sein du laboratoire ERRMECe (EA 1391) de l’université de Cergy-Pontoise sous la direction scientifique du Professeur Patrick Di Martino en collaboration avec Véolia Eau et le syndicat des eaux d’Ile de France (SEDIF). Je tiens à remercier en premier lieu Patrick Di Martino pour la confiance qu'il m'a accordé en me proposant ce sujet de thèse, pour son encadrement paternel et la compréhension dont il a fait preuve dans les moments les plus difficiles. Je remercie également Malik Djafer, Responsable de l’unité environnement et process qualité d'eau de Véolia Eau Banlieue de Paris et Véronique Heim, directeur général adjoint des services techniques du SEDIF pour leur support scientifiquement et financier dans la conduite de mes travaux. Je remercie Messieurs Jean Claude Block, Professeur des universités (Université de Nancy), Thierry Jouenne Directeur de recherche CNRS (Université de Rouen), Etienne Paul Professeur des universités (INSA de Toulouse), Malik Djafer Responsable de l’unité environnement et process qualité d'eau (Véolia Eau banlieue de Paris), et Olivier Gallet, Professeur des universités (Université de CergyPontoise) de l’honneur qu’ils m’ont fait en acceptant d'évaluer mes travaux de thèse. Je remercie toutes les personnes qui ont permis à ce travail de fructifier, et notamment : Madame Véronique Larreta-Garde, Professeur des Universités, pour m’avoir accueillie au sein du laboratoire qu’elle dirige, Mesdames Hélène Habarou, Karima Kecili et Monsieur Cyril Marconnet Ingénieurs de recherche et développement (Véolia Eau banlieue de Paris) pour leurs compétences, leur gentillesse et l'aide scientifique et technique qu'ils m'ont fournis, Monsieur Ludovic Galas, Ingénieur de recherche INSERM à l'Université de Rouen (U413), pour ses connaissances, sa sympathie, la formation qu'il m'a donné et les longs moments que nous avons passé à faire des acquisitions en microscopie confocale, Madame Irène Zimmerlin, Technicienne de l’Université de Rouen (UMR 6143 CNRS) pour ses grandes compétences dans le domaine de la microscopie électronique, Je remercie également tous les membres d'ERRMECe pour leur sympathie. Je tiens tout particulièrement à remercier Damien et Julien pour l'aide scientifique et technique qu'ils m'ont apportée, leur amitié et tout le reste. Merci à Flô pour sa participation aux manipulations, sa gentillesse et son dévouement. Merci à Céline, Julien, Marie Cécile, Loraine, Lucie, Rémy, Edefia, Pierre, pour l’amitié, l’aide et la gentillesse qu’ils ont manifestée à mon égard. Enfin, je tiens à remercier ma famille et mes amis pour leur soutien et leurs encouragements dans les bons moments comme dans les moments difficiles. Merci à tous du fond du cœur. Sommaire Introduction générale et objectifs……………………………………………….. p17 Revue bibliographique………………………………………………………………p26 I. Le biofilm…………………………………………………………………………...p27 A. Définition et caractéristiques …………………………………………………… p27 1. Définition…………………………………………………………………. p27 2. Morphologie et architecture………………………………………………. p29 3. Effet des forces de flux sur le développement de biofilm………………... p34 B. Spécificité des bactéries organisées en biofilm…………………………………. p36 1. Modification du transcriptome et du protéome…………………………....p36 2. Résistance aux stress……………………………………………………… p39 C. Etapes générales de formation d’un biofilm bactérien………………………….. p44 1. Adhérence à un support…………………………………………………… p44 2. Maturation du biofilm……………………………………………………... p48 3. Détachement………………………………………………………………. p50 II. Nanofiltration en production d’eau potable, colmatage membranaire………...p53 A. Filtration en production d’eau potable………………………………………….. p53 B. Principe et bases théoriques de la NF……………………………………………p56 1. Structure des membranes de nanofiltration………………………………..p57 2. Caractéristiques des membranes organiques……………………………... p58 3. Mise en œuvre du procédé de nanofiltration………………………………p59 C. Colmatage des membranes……………………………………………………… p62 1. 2. 3. 4. Concentration polarisation………………………………………………... p62 Adsorption et blocage des pores………………………………………….. p63 Formation du « gâteau »………………………………………………….. p63 Colmatage biologique ou biocolmatage………………………………….. p64 III. Exemples de stratégies existantes pour lutter contre les biofilms…………. A. Stratégies de prévention…………………………………………………….. p68 p68 1. Matériaux « résistants à la colonisation »………………………………… p68 2. Maîtrise de la matière organique biodisponible…………………………... p72 3. Maîtrise des populations microbiennes planctoniques................................ p74 4 B. Stratégies curatives.......................................................................................... 1. 2. 3. 4. p78 Traitements chimiques non enzymatiques................................................... p78 Traitements enzymatiques........................................................................... p80 Traitements physiques................................................................................. p81 Protocole de nettoyage................................................................................ p82 Matériel et méthodes................................................................................................... p84 I. Matériel et installations mises en œuvre pour les études...................................... p85 A. Le matériel d’étude............................................................................................... p85 1. Pilote intégré à l’usine de Méry-sur-Oise.................................................... p85 2. Pilote de nanofiltration indépendant........................................................... p87 3. Autopsie des membranes............................................................................. p90 B. Les processus de nettoyage................................................................................... p91 1. Nettoyage in vitro des membranes............................................................... p91 2. Nettoyage des membranes sur pilote........................................................... p92 II. Les techniques d’analyse......................................................................................... p93 A. Les techniques d’imagerie..................................................................................... p93 1. Microscopie à épifluorescence..................................................................... p93 a. Principe................................................................................................. p93 b. Application........................................................................................... p94 2. Microscopie confocale à balayage laser...................................................... p95 a. Principe................................................................................................ p95 b. Application........................................................................................... p97 3. Microscopie électronique à balayage........................................................... p98 a. Principe................................................................................................. p98 b. Application........................................................................................... p99 B. Les techniques biochimiques et physicochimiques............................................... p100 1. Analyse du dépôt de colmatage par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier en mode de réflexion totale atténuée (ATR-FTIR)............................. p100 a. Principe................................................................................................. p100 b. Application........................................................................................... p104 2. Mesure de l’activité du biofilm par ATPmètrie........................................... p105 a. Principe.................................................................................................. p105 b. Application............................................................................................ p106 3. Analyse du dépôt de colmatage par rhéologie............................................ p107 a. Principe................................................................................................. p107 5 b. Application........................................................................................... p109 4. Détermination de la mouillabilité par mesure d’angles de contact............. p110 a. Principe................................................................................................. p110 b. Application........................................................................................... p112 5. Mesure des paramètres hydrauliques et de qualité d’eau............................ p113 a. Calcul du Kw....................................................................................... p113 b. Calcul du FCL...................................................................................... p114 c. Détermination de la qualité de l’eau..................................................... p114 6. Tests statistiques.......................................................................................... p116 Résultats.......................................................................................................................... p117 I. Cinétique de formation d’un biofilm sur membrane de nanofiltration en fonctionnement dans une usine de production d’eau potable.............................. p118 A. Développement du biofilm NF.............................................................................. p118 1. Analyse du développement du biofilm NF en imagerie.............................. p118 2. Analyse du développement du biofilm NF par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier..................................................................................... p130 3. Analyse des propriétés physicochimiques et mécaniques du biofilm NF....p133 4. Performance de filtration membranaire et qualité de l'eau d'alimentation...p136 B. Comparaison des biofilms NF après 717 jours et après 7 années de fonctionnement ............................................................................................................................... p140 1. Analyse en microscopie confocale...............................................................p140 2. Analyse par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier................. p142 3. Analyse des propriétés physicochimiques et mécaniques des biofilms NF.................................................................................................................... p143 II. Stratégies de lutte anti-biofilm................................................................................ p146 A. Maîtrise du développement de biofilm par prétraitement de l’eau d’alimentation....................................................................................................... p147 1. Impact de la réduction de la matière organique dissoute sur le biocolmatage membranaire..................................................................................................... p147 2. Réduction du nombre de microorganismes viables planctoniques.............. p152 a. Effet de l’irradiation aux UV sur les bactéries planctoniques.............. p153 b. Effet de l’irradiation UV sur le colmatage membranaire, alimentation en eau filtrée sable..................................................................................... p155 c. Effet de l’irradiation UV sur le colmatage membranaire, alimentation en eau filtrée sur charbon actif en grain puis ozonée................................ p161 B. Maîtrise des biofilms par traitement des membranes colmatées: nettoyages chimiques, développement d’un protocole de conservation des membranes colmatées in vitro compatible avec des essais de nettoyage.................................................. p164 6 1. Essais de nettoyages..................................................................................... p165 2. Effets du stockage de membranes colmatées sur le biofilm NF et sur l’efficacité de nettoyage..................................................................................................... p172 Discussion........................................................................................................................ p177 I. Cinétique de développement microbien sur membrane NF.................................p178 II. Prétraitements et traitements................................................................................. p189 A. Prétraitements........................................................................................................ p189 B. Traitements............................................................................................................ p192 Conclusion et perspectives........................................................................................ p197 Références bibliographiques................................................................................... p201 Annexes............................................................................................................................ p214 7 Liste des figures Revue bibliographique I. Le biofilm Figure 1 : Morphologie macroscopique d’un biofilm......................................................... p27 Figure 2 : Exemple de morphologie microscopique d’un biofilm...................................... p28 Figure 3 : Architecture microscopique de 2 biofilms mono-espèce.................................... p29 Figure 4 : Architecture microscopique d’un biofilm selon l’échelle d’observation............ p30 Figure 5 : Exemples d’organisation microscopique d’un biofilm en fonction du support.. p31 Figure 6 : Formule chimique et structuration de l’alginate (monomère et polymère)........ p33 Figure 7 : Conformation de l’alginate en présence et en absence de calcium..................... p34 Figure 8 : Comparaison de l’architecture et de la proportion des exopolysaccharides d’un biofilm qui se développe dans des conditions de flux différentes....................................... p35 Figure 9 : Comparaison de l’expression protéique par électrophorèse bidimensionnelle d’une bactérie au cours de son développement (planctonique, biofilm)....................................... p38 Figure 10 : Mécanisme de résistance suite à l’action d’un agent antimicrobien lié à des « persitants »........................................................................................................................ p41 Figure 11 : Mécanismes de résistance d’un biofilm à un traitement antimicrobien............ p43 Figure 12 : Modèle de développement d’un biofilm bactérien........................................... p44 Figure 13 : Modèle de forces et interactions pouvant être mises en jeu lors de la formation d’un biofilm......................................................................................................................... p46 Figure 14 : Décrochage de grappes de biofilm soumis à une force de flux........................ p51 II. Nanofiltration en production d’eau potable, colmatage membranaire Figure 15 : Différentes techniques de séparation par procédés membranaires................... p56 Figure 16 : Schéma de la composition d’une membrane NF.............................................. p58 Figure 17 : Schéma représentant la répartition des débits dans un module membranaire.. p59 Figure 18 : Schéma d’un module NF spiralé....................................................................... p60 Figure 19 : Schéma d’une installation à simple passage..................................................... p61 Figure 20 : Schéma d’une installation avec système de recirculation................................. p62 8 Figure 21 : Développement d’un biofilm sur verre alimenté par des eaux usées................ p65 Figure 22 : Développement d’un biofilm sur des membranes alimenté par des eaux usées ............................................................................................................................................. p66 Figure 23 : Visualisation d’un biofilm sur des membranes NF colmatées..........................p67 III. Les différentes stratégies existantes pour lutter contre les biofilms Figure 24 : Shéma des SAMs et des MAMs associé à leur mouillabilité de surface.......... p69 Figure 25 : Morphologies d’un biofilm en fonction du caratère hydrophile ou hydrophobe de la surface.............................................................................................................................. p70 Figure 26 : Membranes UF endommagées par des traitements chimiques abusifs............. p80 Matériel et Méthodes I. Matériel et installations mises en œuvre pour les études Figure 27 : Filière membranaire de l’usine de Mery sur Oise............................................. p85 Figure 28 : Différentes prises de vue d’un module NF et de ses membranes associées..... p86 Figure 29 : Schéma du pilote de nanofiltration de Mery sur Oise...................................... p87 Figure 30 : Photographie d’un pilote indépendant.............................................................. p88 Figure 31 : Schéma d’un pilote de nanofiltration indépendant........................................... p89 Figure 32 : Composition d’une membrane NF.................................................................... p90 Figure 33 : Protocole expérimental de 3 essais de nettoyages in vitro................................ p91 II. Les techniques d’analyse Figure 34 : Principe de confocalité...................................................................................... p96 Figure 35 : Schéma d’un microscope confocal................................................................... p97 Figure 36 : Emissions électroniques et électromagnétiques possibles en microscopie électronique......................................................................................................................... p99 Figure 37 : Principe d’un cristal ATR multi-réflexions...................................................... p100 Figure 38 : Type de vibrations des molécules en infrarouge...............................................p101 9 Figure 39 : Spectres IR d’une membrane NF neuve et d’une membrane après plusieurs années de fonctionnement............................................................................................................... p103 Figure 40 : Représentation du comportement rhéologique de différents matériaux soumis à un test de fluage........................................................................................................................ p108 Figure 41 : Photographies du rhéomètre utilisé................................................................... p109 Figure 42 : Représentation schématique de l’angle de contact........................................... p111 Figure 43 : Angle de contact d’une surface hydrophile et d’une surface hydrophobe........ p111 Figure 44 : Schéma d’un goniomètre.................................................................................. p112 Résultats I. Cinétique de formation d’un biofilm sur membrane de nanofiltration en fonctionnement dans une usine de production d’eau potable Figure 45 : Microorganismes à la surface de la membrane NF à J7 (microscopie à épifluorescence)................................................................................................................... p119 Figure 46 : Illustration de la biodiversité retrouvée sur les membranes NF (microscopie à épifluorescence et MEB)..................................................................................................... p120 Figure 47 : Microorganismes et polysaccharides associés à la surface de la membrane NF à J7 et J80 (microscopie à épifluorescence)................................................................................p122 Figure 48 : Développement des microorganismes et des polysaccharides associés à la surface de la membrane NF à J7, J80, J475 et J717 (microscopie confocale)................................. p123 Figure 49 : Réseau de polysaccharides à J80 (microscopie confocale)...............................p124 Figure 50 : Modélisation du biofilm à J717........................................................................ p126 Figure 51 : Biofilm à la surface de la membrane NF à J475 et J717 (MEB)...................... p127 Figure 52 : Evolution de l’épaisseur du biofilm au cours du temps de fonctionnement..... p128 Figure 53 : Evolution des spectres IR au cours du temps de fonctionnement des membranes NF........................................................................................................................................ p130 Figure 54 : Evolution des valeurs relatives de signaux IR au cours du développement du biofilm NF........................................................................................................................... p132 Figure 55 : Evolution de l’angle de contact de la membrane NF au cours du temps de fonctionnement.................................................................................................................... p134 10 Figure 56 : Viscosité du biofilm NF à J475 et J717 soumis à une vitesse de cisaillement croissante............................................................................................................................. p135 Figure 57 : Module élastique (G’) et module visqueux (G’’) du biofilm à J475 et J717 soumis à une fréquence croissante................................................................................................... p136 Figure 58 : Evolution de la perméabilité membranaire (Kw) et du facteur de colmatage longitudinal (FCL) au cours du temps de fonctionnement des membranes NF.................. p137 Figure 58bis: Evolution du carbone organique total (COT) dans l'eau d'alimentation et de la température de l’eau au cours du temps de fonctionnement des membranes NF............... p139 Figure 59 : Structuration des biofilms NF J717 et 7 ans (microscopie confocale)............. p141 Figure 60 : Comparaison des spectres IR des membranes NF à J717 et 7ans.....................p142 Figure 61 : Comportement viscoélastique des biofilms NF J717 et 7 ans.......................... p144 Figure 62 : Viscosité du biofilm NF J717 et 7 ans soumis à une vitesse de cisaillement croissante............................................................................................................................. p145 Figure 63 : Module élastique (G’) et module visqueux (G’’) du biofilm J717et 7 ans soumis à une fréquence croissante......................................................................................................p146 II. Stratégies de lutte anti-biofilm Figure 64 : Structure des microorganismes et polysaccharides associés en fonction du prétraitement (microscopie confocale)................................................................................ p148 Figure 65 : Spectres IR des membranes NF en fonction du prétraitement.......................... p150 Figure 66 : Evolution des paramètres de filtration de la membrane NF en fonction des prétraitements...................................................................................................................... p151 Figure 67 : Effets du débit de l’eau d’alimentation et de la dose d’irradiation UV sur la mortalité des bactéries libres............................................................................................... p154 Figure 67 bis: Photographie de particules présentes dans l'eau d'alimentation transportant des microorganismes vivants (microscopie à épifluorescence)................................................. p154 Figure 68 : Schéma des pilotes NF..................................................................................... p155 Figure 69 : Membrane témoin après 10 semaines de fonctionnement (absence d’irradiation, microscopie à épifluorescence)........................................................................................... p156 Figure 70 : Structure des microorganismes et des polysaccharides associés sur la membrane NF en présence ou en absence d’irradiation UV de l’eau d’alimentation (microscopie confocale, filtration sable)................................................................................................... p158 11 Figure 71 : Effet du prétraitement de l’eau d’alimentation par irradiation UV sur les spectres IR de membranes NF en fonctionnement pendant 10 semaines..........................................p159 Figure 72 : Structure des microorganismes et des polysaccharides associées sur la membrane NF en présence ou en absence d’irradiation UV de l’eau d’alimentation (microscopie confocale, filtration charbon actif)..................................................................................... p162 Figure 73 : Effet du prétraitement de l’eau d’alimentation par irradiation UV sur les spectres IR de membranes NF en fonctionnement pendant 20 semaines..........................................p163 Figure 74 : Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane neuve............ p166 Figure 75 : Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 7 jours...................................................................................................................... p167 Figure 76 : Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 80 jours..................................................................................................................... p168 Figure 77 : Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 475 jours................................................................................................................... p169 Figure 78 : Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 717 jours................................................................................................................... p171 Figure 79 : Analyse ATR-FTIR de l’évolution du dépôt de colmatage au cours du temps de stockage............................................................................................................................... p173 Figure 80 : Analyse ATR-FTIR de l’effet du vieillissement du dépôt de colmatage sur l’efficacité des procédures de nettoyage..............................................................................p175 Discussion Figure 81 : Viscosité effective () en fonction du module de perte effectif (G0) pour 45 biofilms testés...................................................................................................................... p183 Figure 82 : Détermination de la viscosité (η) de solutions contenant des polymères en proportion variables par application d’une force de cisaillement croissante...................... p185 Figure 83 : Spectres mécaniques du module de conservation (G’) et du module de perte (G’’) d’un mélange agar/carraghénane......................................................................................... p186 Figure 84 : Schéma représentant l’effet du pH sur la structure des EPS............................. p193 12 Liste des tableaux et annexes Tableau 1 : Spécificités de différents types de membranes de filtration............................. p54 Tableau 2 : Longueurs d’ondes d’excitation et d’émission des fluorophores..................... p94 Tableau 3 : Association entre les lectines et les motifs sucrés marqués............................. p95 Tableau 4 : Quantification volumique des signaux fluorescents du biofilm au cours du temps................................................................................................................................... p129 Tableau 5 : Quantification volumique des signaux fluorescents du biofilm en fonction du prétraitement........................................................................................................................ p149 Tableau 6 : Evolution des paramètres de filtration membranaires durant 10 semaines de fonctionnement.................................................................................................................... p160 Tableau 7 : Evolution des paramètres de filtration membranaires sur 20 semaines de fonctionnement.................................................................................................................... p164 Tableau 8 : Comparaison des valeurs relatives de signaux IR de biofilm au cours du temps de stockage............................................................................................................................... p174 Tableau 9 : Comparaison de l’efficacité de nettoyage au cours du temps de stockage par analyse ATR-FTIR.............................................................................................................. p176 Annexe 1 : Tables d’infrarouge........................................................................................... p215 Annexe 2: Spectres IR d’une membrane NF neuve et d’une membrane après plusieurs années de fonctionnement (grossissement Figure 39)..................................................................... p222 Annexe 3 : Images de la surface membranaire obtenues par microscopie confocale à J7, J80, J475, J717............................................................................................................................ p223 Annexe 4 : Modélisation de la surface du biofilm NF à J7, J80, J475 et J717................... p224 Annexe 5 : Evolution des spectres IR au cours du temps de fonctionnement des membranes NF (grossissement Figure 53)............................................................................................. p226 Annexe 5 bis : Comparaison des valeurs relatives pour la bande amide I et amide II au cours des différentes études.......................................................................................................... p227 Annexe 6 : Evolution du Kw et du COT dans l'eau d'alimentation au cours du temps de fonctionnement des membranes NF.................................................................................... p228 Annexe 7 : Evolution du FCL et du COT dans l'eau d'alimentation au cours du temps de fonctionnement des membranes NF.................................................................................... p228 13 Annexe 8 : Comparaison des spectres IR des membranes NF à J717 et 7ans (grossissement Figure 60)................................................................................................... p229 Annexe 9 : Modélisation de la surface du biofilm NF après prétraitement de l’eau d’alimentation au sable ou au charbon actif après 20 semaines de fonctionnement........... p230 Annexe 10 : Spectres IR des membranes NF en fonction du prétraitement (grossissement Figure 65)................................................................................................... p231 Annexe 11 : Effet du prétraitement de l’eau d’alimentation par irradiation UV sur les spectres IR de membranes NF en fonctionnement pendant 10 semaines (grossissement Figure 71)................................................................................................... p232 Annexe 12 : Effet du prétraitement de l’eau d’alimentation par irradiation UV sur les spectres IR de membranes NF en fonctionnement pendant 20 semaines (grossissement Figure 73)................................................................................................... p233 Annexe 13 : Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane neuve (grossissement Figure 74)....................................................................................................p234 Annexe 14 : Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 7 jours (grossissement Figure 75)............................................................................ p235 Annexe 15 : Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 80 jours (grossissement Figure 76).......................................................................... p236 Annexe 16 : Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 475 jours (grossissement Figure 77)........................................................................ p237 Annexe 17 : Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 717 jours (grossissement Figure 78)........................................................................ p238 Annexe 18 : Analyse ATR-FTIR de l’évolution du dépôt de colmatage au cours du temps de stockage (grossissement Figure 79).....................................................................................p239 Annexe 19 : Analyse ATR-FTIR de l’effet du vieillissement du dépôt de colmatage sur l’efficacité des procédures de nettoyage (grossissement Figure 80)................................... p240 Annexe 20 : Evolution de la viscosité d'un biofilm NF soumis par application d'une vitesse de cisaillement croissante puis décroissante............................................................................ p241 Annexe 21 : Article de « Houari et al. » paru dans « Biofouling » en Juillet 2008........... p242 Annexe 22 : Article de « Marconnet et al. » paru dans « Desalination » en Juin 2009...... p248 Annexe 23 : Article de « Houari et al. » paru dans « Desalination and Water Treatment » en 2009..................................................................................................................................... p256 14 Liste des abréviations et symboles AH : Lectine de Arachis hypogaea AFM : Microscopie à Force Atomique (AFM : Atomic Force Microscopy) ATP : Adénosine Triphosphate ATR-FTIR : spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier en mode de réflexion totale atténuée (ATR-FTIR : Attenuated Total Reflection Fourier Transform Infrared) BS : Lectine de Bandeiraea simplicifolia CA : Lectine de Concanavaline A COA : Carbone Organique Assimilable COD : Carbone Organique Dissous (DOC : Dissolved Organic Carbon) CODB : Carbone Organique Dissout Biodégradable (BDOC : Biodegradable Dissolved Organic Carbon) COT : Carbone Organique Total (TOC : Total Organic Carbon) DAPI : Diamino-4’,6-phénylindol-2dichlorhydrate EDTA : Ethylène Diamine Tétraacétique EPS : Exopolysaccharides de la matrice du biofilm FCL : Facteur de colmatage longitudinal ou perte de charge longitudinale FITC : Isothiocyanate de Fluoresceine G : Monomère d’acide α-L-glucuronique G0 : Module de perte effectif G’ : Module de conservation ou module élastique G’’ : Module de perte ou module visqueux HSL : Homosérine Lactone IR : infrarouge J : Module de complaisance Kw : perméabilité membranaire LE : Lectine de Lycopersicon esculentum M : Monomère d’acide β-D-mannuronique MCBL : Microscopie Confocale à Balayage Laser (CLSM : Confocal Laser Scanning Microscopy) MEB : Microscopie Electronique à Balayage (SEM : Scanning Electron Microscopy) MAMs : Monocouches Mécaniquement Assemblées (MAMs :Mechanically-Assembled Monolayers) 15 MF : Microfiltration NF : Nanofiltration NOM: Matières Organiques Naturelles (NOM : Natural Organic Matter) Pa : Pression d’alimentation Pc : Pression du concentrat PFA : Paraformaldéhyde Qa : Débit d’alimentation Qc : Débit de concentrat Qp : Débit de perméat QS: Quorum Sensing RO: Osmose inverse (RO: Reverse Osmosis) SAMs : Monocouches Auto-Assemblées (Self-Assembled Monolayers SAMs) SDS: Sodium Dodecyl Sulfate TAP : Traitement Anti-Protéique TC : Traitement Chimique alcalin TME: Traitement MultiEnzymatique TRITC : Tetramethyl Rhodamine Iso Thio Cyanate TV : Lectine de Triticum vulgaris UE : Lectine d’Ulex europaeus UF : Ultrafiltration UP: Ultrapure UV : Ultraviolets α-D-man : α-D-mannoses α-D-glc : α-D-glucoses β-L-fuc: β-L-fucose β-gal : β-galactoses β-galNAc : N-acetyl-β-galactosamines β-gal(1->3)galNAc : N-acetyl-β-galactosamines (glcNAc)2 : N-acetyl-β-D-glucosamines (glcNAc)3 : N-acetyl-glucosamines λ: Temps de relaxation élastique η : Viscosité η 0: Viscosité effective 16 Introduction générale et objectifs 17 L’eau est une ressource indispensable au maintien de la vie sur terre, c’est également une ressource hautement stratégique car de la ressource en eau dépendent de nombreuses activités humaines (Levi et al., 2007). La composition chimique de l’eau dans le milieu naturel est très variable selon la couche géologique d’où elle provient et les substances chimiques qu’elle a rencontré. En effet l’eau agit comme un solvant qui transporte des espèces chimiques et permet la migration des polluants dans les milieux naturels. L’eau contient aussi des gaz dissous, principalement de l’air et du gaz carbonique, et parfois des hydrocarbures légers comme le méthane. Les eaux naturelles contiennent en général beaucoup de matières minérales dissoutes sous formes ioniques; principalement des ions calcium (Ca2+), magnésium (Mg2+), sodium (Na+), potassium (K+), carbonates (CO32-), bicarbonates (HCO3-), sulfates (SO42-), chlorures (Cl-) et nitrates (NO3-). Ces ions proviennent principalement du lessivage des sols par les eaux de pluie et de ruissellement mais peuvent aussi résulter de l’activité humaine et notamment de rejets non contrôlés dans l’environnement. Ainsi, des ions nitrates peuvent provenir d’exploitations agricoles et des ions de métaux lourds peuvent résulter d’activités industrielles. Par érosion des sols, les eaux de ruissellement peuvent également contenir des matières minérales en suspension, par exemple des matériaux argileux ou des limons. Les eaux peuvent aussi contenir des matières organiques; ces matières sont alors présentes soit sous forme dissoute, d’origine naturelle, comme les carbohydrates, les acides humiques, les pigments ou des composés d’origine artificielle comme les hydrocarbures, les solvants chlorés, les pesticides, soit en suspension, c’est le cas des déchets végétaux ou du plancton. L’eau potable nécessite une très grande qualité car elle doit satisfaire les besoins des organismes humains et les exigences correspondantes en matière d’hygiène et de santé. La définition d’une eau potable est régie par des normes qui fixent des teneurs limites maximales pour certaines substances nocives susceptibles d’être présentes dans l’eau. Une eau potable doit être exempte de germes pathogènes, comme des virus ou des bactéries, et d’organismes parasites. Elle ne doit pas non plus contenir certaines substances minérales considérées comme toxiques, tels les nitrates, les phosphates et les métaux lourds, ni des composés organiques comme les hydrocarbures et les pesticides. A l’inverse, la présence de certaines substances, comme les oligo-éléments peut-être vivement souhaitée car considérée comme indispensable à l’organisme humain. 18 Dans les milieux naturels, l’eau peut subir de nombreuses contaminations de nature chimique et/ou biologique. La contamination d’une eau peut avoir de graves répercutions sur l’environnement mais également, dans le cas de l’eau potable, sur la santé des consommateurs. L’Organisation Mondiale de la Santé estime que 80% des maladies affectant la population mondiale sont associées à l’eau (Desjardins, 1997). Les maladies les plus courantes présentant un lien direct avec une contamination de l'eau sont les pathologies infectieuses gastrointestinales dues à des contaminations virales ou bactériennes et les maladies parasitaires comme la schistosomase, le paludisme ou encore l'onchocercose. Les risques microbiologiques des milieux hydriques sont jugés prioritaires en raison de leur rapidité et facilité d'apparition et de l'extension des épidémies associées aux contaminations microbiologiques. Cependant, les risques chimiques doivent également être pris en considération car un certain nombre de micropolluants comme des métaux lourds, des nitrates, des pesticides, des résidus médicamenteux s'accumulent dans les eaux du fait de l'activité humaine. La combinaison de plusieurs micropolluants dans l’eau (« effet cocktail ») pourrait avoir des effets toxiques même lorsque chaque composé est individuellement à une concentration inférieure au seuil toléré par la réglementation. Les liens entre ces micropolluants chimiques et différentes pathologies humaines sont difficiles à établir comme le montrent de nombreuses publications scientifiques (Brody et al., 2006; McElroy et al., 2008; Powlson et al., 2008; Ward et al., 2008; Yang et al., 2009). A l’époque du « principe de précaution », on peut tout de même dire que des micropolluants sont suspectés, selon leur type et leur concentration, d’être impliqués à court ou à long terme dans des dérèglements hormonaux, des malformations génitales, des troubles de la reproduction et des cancers chez l’homme (Morris 1995; Jones et al., 2005). Le chlore utilisé comme désinfectant dans l’eau potable distribuée en réseau ne présente aucun risque sur le plan sanitaire mais ses dérivés, dont notamment certains trihalométhanes (THM) peuvent constituer un risque pour la santé humaine en favorisant les cancers de la vessie et en engendrant des troubles au moment de la grossesse, au-delà de 0,1 mg/L, seuil fixé par le Code de la Santé Publique. Dans ce cadre, les traitements visant à assainir l’eau et à la rendre potable constituent un enjeu économique et sanitaire majeur. Une des méthodes de choix pour assainir l’eau est la filtration par des procédés membranaires. La nanofiltration (filtration à l’échelle du nanomètre) est un procédé de haute technologie particulièrement adapté au traitement des eaux de surface. En effet, cette technologie fournit une barrière permettant d’éliminer un grand nombre de virus, de microorganismes et de micropolluants comme les pesticides et 19 donc d’obtenir une eau d’une grande pureté tant microbiologique que chimique. Le pendant à ce seuil de filtration de l’ordre du nanomètre est une nécessaire mise au point des matériaux membranaires et du procédé pour limiter la déminéralisation en cours de filtration, ce qui n’empêche pas une nécessaire reminéralisation avant distribution de l’eau en réseau. Les membranes de nanofiltration sont coûteuses et leur durée de vie est limitée par le phénomène de colmatage. Ce colmatage membranaire constitue encore aujourd’hui le principal verrou technologique qui limite l’usage de la nanofiltration en production d’eau potable. En effet, une couche nommée dépôt de colmatage se forme au cours du processus de filtration, modifie les propriétés initiales de filtration de la membrane et cause de sérieux problèmes au niveau de la production d’eau potable. Le colmatage conduit à de nouveaux surcoûts car les usines doivent augmenter les pressions d’alimentation pour maintenir le niveau de production (surcoût énergétique) et appliquer des processus de nettoyage réguliers (coût économique et impact environnemental). De plus, ces processus de nettoyage des membranes de nanofiltration ont une efficacité très limitée pour enlever la partie organique du dépôt. Avec la prise de conscience de l’impact planétaire des activités humaines sur la santé de notre planète, plus que les problèmes technologiques et économiques, l’impact du colmatage membranaire sur l’environnement doit être aboli pour envisager un développement massif de l’usage des procédés de filtration de type nanofiltration ou osmose inverse pour la production d’eau potable. Le colmatage peut être d’origine organique ou inorganique. De nombreuses études se sont focalisées sur les aspects chimiques et physiques du colmatage montrant que les matières organiques naturelles et les cations métalliques classiquement présents dans les eaux de surface participent activement au colmatage. D’autres études ont démontré que des membranes en fonctionnement sont recouvertes d’un biofilm, biofilm suspecté de jouer un rôle clé dans le colmatage. Le biofilm est un constituant universel de notre biosphère. Il est défini comme une organisation cellulaire de microorganismes accrochés à un support qui s'entourent d'une matrice d'exopolymères. Ces communautés de microorganismes structurées en biofilm sont capables, comme d’autres structures pluricellulaires, de s’adapter à leur environnement et de résister à différents types de stress. Les biofilms sont en constante évolution pour maintenir la vie microbienne quelles que soient les variations de conditions environnementales. Le biofilm est une structure extrêmement résistante puisqu’il est capable de se développer et de se 20 maintenir dans des conditions drastiques et de résister aux procédures de nettoyages chimiques conventionnelles. Sur les membranes NF ayant fonctionné plusieurs années en usine, un biofilm dense et structuré responsable d’un phénomène appelé biocolmatage est présent. Si les étapes du développement d’un biofilm modèle obtenu en laboratoire sont maintenant bien décrites, le développement de biofilm sur membrane de nanofiltration n’a été que peu étudié dans la littérature. Le premier verrou scientifique à lever est un verrou fondamental qui consiste à identifier et comprendre les étapes du développement du biofilm sur membrane NF, à décrire son architecture et sa structuration au court du temps de fonctionnement de la membrane en lien avec l’évolution des performances membranaires. Classiquement, les expérimentations sont réalisées sur des temps courts en réacteur ou en pilote car cela permet de maîtriser la qualité et la température de l’eau d’alimentation. Ainsi, il est plus simple d'identifier les facteurs qui contribuent au colmatage de la membrane et de relier les pertes d'efficacité de filtration de la membrane aux variations des facteurs étudiés. Cependant, le fait d'imposer des paramètres et de réduire l'échelle en utilisant des pilotes limite la portée des observations et représente un modèle qui s’éloigne de la réalité industrielle de l’application de la technologie de nanofiltration. Pour répondre à ce verrou scientifique décrit ci dessus, nous avons choisi d'étudier en parallèle la formation de biofilm et le colmatage des membranes NF pendant deux ans sur un pilote intégré à l’usine de Méry-sur-Oise qui mime au plus près les conditions usine. Pour suivre qualitativement et quantitativement la croissance et la structuration du biofilm au court du temps, nous avons couplé la microscopie à fluorescence (épifluorescence et confocale à balayage laser), la microscopie électronique à balayage (MEB) et la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (ATR-FTIR). La microscopie à fluorescence a permis de suivre l'abondance et l'architecture des constituants du biofilm dans l’espace pour ses composantes cellulaires et matricielles (motifs saccharidiques d’exopolymères). L’utilisation d’une approche d’analyse d’images avec un traitement informatique des acquisitions a complété cette approche de microscopie à fluorescence en apportant des données quantitatives sur le biofilm. La limite de la microscopie à fluorescence étant l’utilisation indispensable de marqueurs, tout constituant non marqué n'a donc pas été pris en compte. Parallèlement, l'ATR-FTIR a été utilisée car cette technique représente une approche plus globale. En effet, un grand nombre de liaisons chimiques des constituants du biofilm vibrent et donnent des signaux spécifiques qui peuvent être quantifiés. L'approche en MEB a complété la 21 microscopie à fluorescence en renseignant sur la topographie du biofilm. Le colmatage de la membrane est évalué pendant toute la durée de l'étude grâce à deux paramètres classiquement utilisés à l'usine de Mery sur Oise, la perméabilité membranaire (Kw) et le facteur de colmatage longitudinal (FCL). Pour relier la composition et l'architecture microscopique du biofilm à des propriétés physiques pouvant expliquer les probables altérations des propriétés de filtration de la membrane, la texture du biofilm a été analysée en rhéologie et la mouillabilité de la membrane (caractère hydrophile ou hydrophobe) a été déterminée par mesure d'angle de contact au court du temps. Pour replacer cette étude cinétique de deux ans portant sur la formation du biofilm NF, une comparaison avec un biofilm NF âgé de 7 ans a été faite. Cette comparaison devait permettre de déterminer si le biofilm âgé de 2 ans pouvait encore évoluer d'un point de vue de son abondance et de sa structure. Ainsi, pour les mêmes raisons que précédemment, la microscopie à fluorescence et l'ATR-FTIR ont été utilisées. La rhéologie a également été employée pour vérifier si la texture du biofilm entre ces temps de fonctionnement était différente et si cela pouvait expliquer la persistance exceptionnelle du biofilm sur les membranes. Cette approche alliant plusieurs techniques complémentaires, permettant d’analyser la matière à différentes échelles (du moléculaire au macroscopique en passant par le microscopique), a pour objectif de comprendre les étapes de formation du biofilm NF, de déterminer ses caractéristiques de constitution, structuration et texture au cours du temps et de suivre l’impact du développement de biofilm sur le colmatage de la membrane. Une meilleure connaissance des constituants, de l'architecture du biofilm et de leur évolution au cours du temps doit également permettre de mettre en place des outils adaptés pour son décrochage. Le biofilm NF se développe malgré des contraintes hydrodynamiques fortes, des variations de température saisonnières, des carences récurrentes en nutriments et des processus de nettoyage industriels réguliers. Le deuxième verrou scientifique à lever est donc la difficulté à maîtriser la quantité de biofilm présent à la surface des membranes NF. La résolution de ce problème peut être envisagé de deux façons complémentaires différentes : soit il faut agir de façon préventive par des prétraitements de l'eau d'alimentation pour réduire au maximum la formation du biofilm sur les membranes NF, soit il faut agir de manière 22 curative en élaborant un traitement efficace qui élimine le plus de biofilm NF possible une fois que celui ci s’est formé. L'aspect préventif a été abordé par l'application de prétraitements ciblant des constituants différents de l’eau d’alimentation et ne produisant pas de sous produits dangereux pour la consommation. Dans un premier temps, la maîtrise de la matière organique dissoute par deux procédés de préfiltrations différents (filtration sable ou charbon actif) a été étudiée. Cette approche repose sur le fait de réduire une partie des éléments utilisables par les microorganismes fixés à la membrane pour leur développement en espérant que cela aura un impact sur la quantité de biofilm final produit. Dans un second temps, la maîtrise des populations planctoniques par irradiation UV de l’eau d’alimentation a été expérimentée. Cette démarche est basée sur le fait de réduire le nombre de microorganismes viables capables de se développer sur la membrane en espérant que la quantité de biofilm final produit sera diminuée. Ces deux études ont été menées pour des raisons d'organisation sur des pilotes indépendants moins proches de la réalité usine que le pilote intégré de l'étude cinétique. Ceci a permis d'avoir sur des temps relativement courts des pistes sur l'efficacité des prétraitements testés avant de passer à une échelle supérieure (pilote intégré ou usine). Les techniques utilisées pour ces études pilotes ont été de nouveau un couplage de microscopie à fluorescence, d'ATR-FTIR, de mesure de mouillabilité par angle de contact, de mesure de Kw et FCL. Ceci ayant pour but de relier l'abondance et l'architecture du biofilm à des performances de filtration des membranes NF. En plus de ces outils techniques, l’analyse de la viabilité microbienne par microscopie à épifluorescence après marquage différentiel des bactéries vivantes et mortes (iodure de propidium, syto9) et la mesure de l’activité cellulaire (ATPmétrie) ont été utilisés lors de l'étude pilote sur la maîtrise des populations microbiennes par irradiation UV. Ces deux méthodes ont servi respectivement à évaluer l'impact direct des UV sur les microorganismes planctoniques dans l'eau d'alimentation et l'impact indirect des UV sur le développement des microorganismes sur membrane NF. L'aspect curatif a été abordé par le développement d’un protocole de conservation des membranes colmatées avant nettoyage et l'application de plusieurs protocoles de nettoyages in vitro. Les efficacités d'enlèvement du biofilm ont été évaluées au cours du processus de conservation ou à différents stades de développement du biofilm en comparant les différents 23 protocoles. Ces expérimentations effectuées in vitro constituent des tests préliminaires relativement rapides et peu coûteux, tant en terme d’équipements que de fonctionnement. Les données de la littérature suggèrent que les protéines et surtout les polysaccharides représentent une très forte proportion du dépôt de colmatage NF. Donc la stratégie employée a été de comparer un traitement chimique classique pouvant être utilisé pour le nettoyage des membranes avec des traitements enzymatiques ciblant des composants majeurs du biofilm (protéines, polysaccharides) à différents stades de croissance. Les traitements sont donc appliqués sur des coupons de membranes provenant de l'étude cinétique de développement du biofilm sur 2 ans. Parallèlement à cette étude comparative, une solution enzymatique-alcaline a été testée à différents stades de stockage des membranes pour évaluer jusqu'à quand les procédures de nettoyages peuvent être pratiquées. L’efficacité relative des protocoles de nettoyage a été déterminée par quantification des constituants du dépôt avant et après nettoyage par ATR-FTIR car c'était la technique semi-quantitative la plus globale et la plus appropriée dont nous disposions. Pour le protocole de conservation des membranes, l’efficacité de nettoyage a également été appréhendée par mesure du gain de perméabilité à l’aide d’un pilote membrane plane. Ces études doivent permettre d'orienter la réflexion pour définir des prétraitements de l'eau d'alimentation efficaces pour réduire la quantité de biofilm qui se forme sur les membranes NF et une procédure de nettoyage adaptée aux différents stades de développement du biofilm. Le but des prétraitements et des traitements n’étant pas d’éradiquer le biofilm mais de maitriser son développement pour réduire au maximum le biocolmatage et conserver les propriétés de filtration de la membrane NF le plus longtemps possible. Ainsi, nos travaux répondent à un double objectif: l’un fondamental, d’amélioration de la connaissance de biofilms complexes par la description de ses étapes de formation au cours du temps de fonctionnement des membranes NF au travers des variations de nature et d'abondance de ses constituants, des modifications de son architecture et de sa texture et de son influence sur le colmatage membranaire l’autre appliqué, d’amélioration de procédés technologiques par l'évaluation de l'efficacité de différents prétraitements et traitements visant à réduire le biocolmatage 24 et par la mise en place d'un protocole de conservation des membranes adapté à l'application de nettoyages tardifs. 25 Revue bibliographique 26 I. Le biofilm A. Définition et caractéristiques 1. Définition Selon l’échelle d’observation d’un biofilm microbien, différentes descriptions peuvent en être faites. A l’échelle macroscopique, celui-ci s’apparente à une substance biologique visqueuse collée à l’interface entre une surface et une phase liquide (Figure 1). Figure 1. Cylindre d’acier inoxydable avant (a) et après la formation d’un biofilm de 7 jours (b). Le cylindre possède un diamètre de 2,2 cm et une hauteur de 5 cm. (D’après Simoes et al., 2005b). A l’échelle microscopique, il peut être défini comme un regroupement en communauté de bactéries engluées dans une matrice de polymères (Figure 2). 27 Figure 2. Image d’un biofilm à Haemophilus influenzae par Microscopie électronique à balayage (MEB). Image obtenue après une croissance de 24 heures en milieu LB sur du verre en condition stérile. Au centre de l’image, les bacilles en agrégat sont bien définis. Au cœur et à la base du monticule, sur la gauche de l’image, les bacilles sont moins visibles car ils sont recouverts d’une matrice d’exopolymères. Barre d’échelle : 2 µm. (D’après Gallaher et al., 2006). Ces polymères extracellulaires sont dits autoinduits car synthétisés par les cellules microbiennes et restent pour la plupart accrochés à la membrane de celles-ci. Les cellules produisent donc un environnement matriciel généralement constitué de polysaccharides, de protéines, d’acides nucléiques, de lipides. Pour les microorganismes, cette matrice sert d’habitat et de protection contre les prédateurs, les agents antimicrobiens et plus généralement les conditions de vie défavorables. Les individus constituant le biofilm sont capables de communiquer entre eux par l’excrétion de molécules régulatrices, et de s’adapter en échangeant du matériel génétique (Lewis, 2007; Mah et al., 2003; Sedgley et al., 2008). D’un biofilm mono-espèce à l’autre, l’agencement des bactéries est différent ce qui aboutit à une grande gamme d’architectures (Li et al., 2007). Par exemple, Corynebacterium glutamicum (GRAM +) et Gluconobacter oxydans (GRAM -), deux bactéries couramment utilisées dans l’industrie, forment des biofilms mono-espèce dont les structures sont différentes. En effet, au bout de 48 heures, sur du polystyrène, à 30°C et avec un milieu de culture similaire, C. glutamicum se développe en gros agrégats dense avec des zones vides de 28 colonisation alors que G. oxydans forme un tapis assez homogène avec une organisation ressemblant à une façade de maison en crépis (Figure 3). Figure 3. Images en contraste de phase de deux biofilms mono-espèces différents. (a) C. glutamicum et (b) G. oxydans sont cultivés dans des boites de Pétri en polystyrène à 30°C pendant 48 h avec une agitation égale à 50 rotations par minute. Barres d’échelles : 50 µm. (D’après Li et al., 2007). Les biofilms mono-espèce sont cependant rares dans la nature (Kolter et Greenberg, 2006). Ils sont plus fréquemment utilisés dans les laboratoires de recherche et dans l’industrie notamment dans le domaine médical. En effet, les biofilms les plus couramment rencontrés sont des biofilms multi-espèces ce qui les rend hétérogène par nature. Un biofilm buccal qui se forme autour d’une simple dent est composé d’une centaine d’espèces différentes. De plus, les individus constituant le biofilm possèdent une croissance, un patrimoine génétique et des activités métaboliques très variés ce qui renforce l’hétérogénéité de l’ensemble de la structure (Kolter et Greenberg, 2006). Le biofilm permet donc à des cellules microbiennes présentes dans une phase liquide de coloniser des surfaces solides. Il représente pour les bactéries le mode de croissance et de vie prédominant dans la nature depuis plusieurs millions d’années (Hall-Stoodley et al., 2004). Bien qu’il soit très hétérogène, le biofilm n’en reste pas moins très structuré. 2. Morphologie et architecture D’un point de vue morphologique, le biofilm possède une structure très aboutie. Les architectures le plus couramment décrites dans la littérature sont des amas formant de simples 29 tours ou des champignons entrecoupés par un vaste réseau de canaux d’eau (Figure 4). Celui ci sert très probablement au transport des nutriments au sein du biofilm et au rejet des métabolites indésirables ou toxiques (Eberl et al., 2000; Moller et al., 1997). Figure 4. Photographies obtenues en MEB d’une souche d’Escherichia coli pathogène illustrant l’organisation du biofilm en fonction de l’échelle d’observation : le biofilm en forme de collines entrecoupées de canaux (x50), dans le biofilm (x2000), les interconnections des bactéries (x20 000). (D’après Ghigo, 2003). Cette structuration augmente de façon indéniable les surfaces d’échanges au sein du biofilm et entre le biofilm et le milieu extérieur. Contrairement aux théories émises initialement, il a été clairement montré que l’architecture et la distribution des microorganismes au sein des biofilms ne sont pas dues au hasard mais sont le résultat d’un grand nombre de facteurs. La composition des nutriments a un impact sur l’architecture des communautés organisées en biofilm (Moller et al., 1997; Parsek et Tolker-Nielsen, 2008). Par exemple, un biofilm provenant de sédiments de raffinerie contaminés par du pétrole se développant en 30 présence d’’acide 2,4,6 trichlorobenzoique comme seule source de carbone a une architecture classique avec une couche basale de cellules et de grosses structures en forme de collines constituées de cellules et de polymères. Lorsque la source de carbone est modifiée en remplaçant le milieu de culture par un milieu tryptocaséine-soja, ce biofilm devient homogène et perd toutes ces structures en colline. La nature du support à partir duquel se développe un biofilm influence fortement l’architecture de celui-ci (Figure 5). Chez Pseudomonas aeruginosa, un biofilm de quarante huit heures forme une monocouche sur bille d’argile alors que sur fibre de verre, celui-ci a une structuration étendue en trois dimensions (Vilain et al., 2004b). Figure 5. Photographies d’un biofilm de 2 jours (A) sur billes d’argile et (B) sur laine de verre obtenues en microscopie électronique à balayage. (D’après Vilain et al., 2004b). Les bactéries organisées en biofilm sont capables de communiquer entre elles des informations souvent nécessaires à leur bon développement. Ce système de communication intercellulaire est appelé Quorum Sensing (QS) et repose sur la sécrétion de molécules signales porteuses d’informations. Beaucoup de systèmes de QS sont connus, mais les deux plus couramment décris sont celui des acyl-homosérine lactone fréquemment retrouvé chez les espèces Gram négatif et celui des oligopeptides signal chez les Gram positif (Parsek et Greenberg, 2005). Chez la souche sauvage Serratia liquefaciens MG1, la synthèse de Nbutanoyl-L-homosérine lactone (C4-HSL) est réalisée sous contrôle du gène swrI. L’utilisation d’un mutant au niveau de ce même gène aboutit à une épaisseur de biofilm plus faible ainsi 31 qu’à une modification de la structure. L’ajout de C4-HSL conduit à un retour à l’appariement des bactéries en chaînes filamenteuses typique de la souche sauvage. Chez cette même espèce, les gènes bsmA et bsmB sont également impliqués dans la morphologie du biofilm (Labbate et al., 2004). Chez Escherichia coli, la synthèse d’acide colanique et d’appendices filamenteux extracellulaires appelés curli dans la structuration tridimensionnelle du biofilm en forme de champignons a également été prouvée (May et Okabe, 2008), (Figure 4). Chez P. aeruginosa, de l’ADN est libéré à l’extérieur des cellules au niveau de la tige de la structure en champignon du biofilm. Comme la concentration d’ADN est plus importante là ou les cellules bactériennes ont la plus forte mobilité, cet ADN extracellulaire pourrait servir de base à la mobilité cellulaire pour la formation de la « coiffe » (Allesen-Holm et al., 2006). Un réseau de fibres d’ADN extracellulaire connectant les cellules d’un biofilm a également été mis en évidence chez une bactérie aquatique de rivière non identifiée appelée souche F8 (Bockelmann et al., 2006). Ces observations suggèrent un rôle structural important de l’ADN extracellulaire. La structuration variée et complexe du biofilm lui confère des propriétés physiques et mécaniques remarquables. Il a été démontré que les biofilms sont des substances visqueuses et élastiques par nature ce qui leur permet une grande résistance aux forces de décrochages physiques (Towler et al., 2003). De plus la résistance et la cohésion du biofilm sont accrues en présence d’ions divalents. Ceci a été clairement démontré grâce à des mesures de l’énergie de cohésion par microscopie à force atomique (atomic force microscopy : AFM) lors d’ajout de calcium à des biofilms mixtes provenant de boues activées (Ahimou et al., 2007). Ce phénomène peut s’expliquer par la formation d’un réseau solide entre les exopolysaccharides et des cations. C’est le cas de l’alginate, un des polysaccharides majoritaires produit par P. aeruginosa en présence d’ions calcium. Ces alginates sont composés de monomères d’acides β-Dmannuronique (M) et α-L-glucuronique (G) formant des séquences ou blocs distincts (Figure 6). La proportion et l’arrangement de ces blocs déterminent les propriétés physiques et la réactivité des chaines polysaccharidiques résultantes (Davis et al., 2003). 32 Figure 6. Données de structure de l’alginate : (a) monomères d’alginate (M versus C), (b) polymère d’alginates, (c) séquence de chaîne du polymère d’alginates. (D’après Davis et al., 2003). Généralement, en présence de cations monovalents, les alginates sont solubles mais ils deviennent insolubles en présence d’ions divalents ou multivalents. Cette grande spécificité des alginates pour les cations divalents est explicable par la forme en zigzag des zones contenant des blocs G (Davis et al., 2003). Les cavités formées par ces zones permettent l’interconnexion des chaines via des cations divalents comme le calcium et donc la formation d’un réseau gélifié (figure 7). Plus le degré de liens formé est important, plus la viscosité sera élevée. 33 Figure 7. Représentation schématique d’une gélification induite par le calcium de l’alginate selon la structure de blocs en zigzag. (D’après Davis et al., 2003). 3. Effet des forces de flux sur le développement de biofilm Selon l’environnement, le biofilm va se développer en présence ou en absence de forces de flux. Il a été démontré qu’un biofilm qui se développe en présence d’une faible force de flux peut être décroché facilement de sa surface si celui-ci est soumis à une force plus élevée (Stoodley et al., 2002). Par contre, toutes les cellules bactériennes ne sont pas décrochées et le nouveau biofilm qui va croître à partir des cellules subsistantes sera moins épais et moins sensible aux fortes forces de pressions (Davidson et Stewart, 2008). Le mécanisme exact à l’origine de cette résistance n’est pas connu mais chez Salmonella enterica, par comparaison de deux biofilms qui se développent dans des conditions de flux différentes (laminaire et turbulent), une modification significative des proportions des exopolysaccharides est observée lorsque la vitesse de flux augmente. Par contre chez cette même souche, aucune modification du pattern d’expression protéique n’est détectée (Mangalappalli-Illathu et al., 2008). De plus, il semblerait que la quantité de cellules bactériennes qui forme la biomasse après croissance ne puisse pas être reliée directement à des différences de vitesses de flux. Par contre l’architecture d’un biofilm (notamment celle des polysaccharides de la matrice) est clairement différente si celui-ci s’est développé sous de 34 faibles forces ou de fortes forces de pression (Figure 8). En effet, les proportions des motifs sucrés marqués est différente et la morphologie l’est aussi. Comparé à un régime laminaire, les polysaccharides forment nettement plus de gros agrégats denses et de structures fibrillaires lorsque le biofilm se développe sous un régime turbulent. Figure 8. Images de la fixation des lectines fluorescentes en microscopie confocale montrant la composition des exopolysaccharides (EPS) de la matrice d’un biofilm de 168 h : (A et B) sous une faible force de flux, (C et D) sous une forte force de flux. Les résidus GalNac, α-Lfucose des EPS sont marqués avec les lectines Glycine max-CY5 (bleu) et Ulex europaeus– FITC (vert) respectivement. Les motifs GlcNAc2 et NeuNAc par la lectine de Triticum vulgaris–TRITC (rouge). (D’après Mangalappalli-Illathu et al., 2008). Sous une faible vitesse de flux, les agrégats bactériens sont capables de « vibrer » indépendamment sur la surface ; par contre, soumis à une vitesse de flux importante, les agrégats bactériens sont beaucoup plus cohésifs (Paris et al., 2007). Ce phénomène doit être dû à la stratification du biofilm qui est nettement plus cohésif à sa base qu’au sommet (Derlon et al., 2008). En effet, des biofilms formés sous de faibles forces de flux, atteignant initialement des épaisseurs entre 1000 et 2000 µm après un mois de croissance s’érodent et perdent 80% de leur masse initiale lorsqu’ils sont soumis à des pressions croissantes jusqu’à 35 atteindre une valeur limite. Un biofilm qui croit sous de fortes forces de pression ne pourrait donc pas atteindre des épaisseurs trop élevées du fait de cette architecture en strates. De plus, la puissance du flux a également un impact sur la résistance aux traitements chimiques (Buckingham-Meyer et al., 2007; Simoes et al., 2005a). En effet, les biofilms sont de plus en plus résistants aux agents antiseptiques lorsqu’ils se développent respectivement sous un flux turbulent (fortes forces de flux), sous un flux laminaire (faibles forces de flux) ou sans flux. B. Spécificité des bactéries organisées en biofilm 1. Modification du transcriptome et du protéome L’organisation en biofilm représente le mode de croissance de référence des bactéries car ce mode d’organisation permet une protection contre les stresses et les prédateurs, une séquestration des nutriments, l’utilisation des bénéfices de la coopération entre individus et populations de la communauté. Au sein du biofilm, les bactéries sont dites sessiles, c'est-àdire attachées à un support contrairement aux bactéries dites planctoniques qui se déplacent dans un liquide. Le passage de l’état planctonique à l’état sessile se traduit par un certain nombre de modifications génétiques. Davies a montré en 1995 que chez des cellules bactériennes de P. aeruginosa, le gène algC était activé quelques minutes après leur adhésion à une surface en verre. L’expression de ce gène algC qui aboutit à la synthèse d’alginates est suivie par la production d’une matrice (Davies et Geesey, 1995). La transition de l’état planctonique à l’état sessile aboutit donc à des modifications de la transcription des gènes appelée transcriptome et à des modifications des protéines traduites appelé protéome. Ces évènements apportent donc des changements phénotypiques. Des études ont montré qu’entre l’état planctonique et l’état biofilm, les variations d’expression des gènes chez P. aeruginosa pouvaient être faibles de l’ordre de 2,9% ou plus fortes de l’ordre de 17,1% en fonction des étapes de croissance des cultures planctoniques témoins (Hentzer et al., 2005). Cela souligne l’importance de la culture de référence à laquelle on compare la culture biofilm pour tirer des enseignements des différences observées. Chez cette même espèce, il semblerait que le profil d’expression génomique des bactéries en biofilm ait la plus grande similitude avec celui des bactéries planctoniques en phase 36 stationnaire (Hentzer et al., 2005). Chez Legionella pneumophila, entre les bactéries planctoniques et les bactéries sessiles, un changement de l’expression génétique d’au moins deux fois est visible pour environ 2,3% des gènes analysés. Chez cette même espèce, le profil d’expression génomique des bactéries sessiles se rapprocherait plus de celui des bactéries en cours de division lors de la phase exponentielle (Hindre et al., 2008). Donc il semble qu’il n’y a pas de règle de conduite générale qui puisse être appliquée à l’ensemble des bactéries car les profils d’expressions génétiques sont propres à chaque espèce voir à chaque souche bactérienne. L’analyse quantitative du transcriptome est donc très difficile à réaliser car elle dépend des espèces bactériennes, des conditions expérimentales, de l’état de croissance des cultures témoins ou des biofilms et des critères d’intérêts choisis pour déterminer la différence d’expression. Le fait qu’il existe une forte hétérogénéité de l’état métabolique des cellules au sein d’un biofilm représente également une difficulté supplémentaire. En effet, les analyses de transcriptome sont essentiellement le reflet de cellules métaboliquement actives (Waite et al., 2006; Ghigo, 2003). Un grand nombre de gènes dont l’expression est modifiée en condition biofilm codent pour des protéines hypothétiques. Un des paramètres importants réside dans l’implication de gènes liés à la respiration anaérobie suggérant la présence de niches anaérobies au sein du biofilm (Hentzer et al., 2005). L’étude du protéome bactérien est particulièrement complexe mais elle a pu se généraliser avec le développement de l’électrophorèse bidimensionnelle couplée à la spectrométrie de masse. Cette technique permet la séparation efficace et l’identification d’un grand nombre de protéines et permet ainsi de caractériser les différences d’expression protéiques présentes selon l’état planctonique ou sessile des bactéries. Il a ainsi été démontré que les protéines produites par des cellules bactériennes de Streptococcus pneumoniae organisées en biofilm diffèrent qualitativement et quantitativement des protéines synthétisées par des bactéries planctoniques (Allegrucci et al., 2006). (Figure 9) 37 Figure 9. Images de gels obtenus par électrophorèse bidimensionnelle d’extraits totaux de cellules de Streptococcus pneumoniae serotype 3 : (A) croissance planctonique, (B, C et D) biofilm âgé de 3, 6 et 9 jours respectivement. (D’après Allegrucci et al., 2006). Dans cette même étude, lorsque le protéome des bactéries planctoniques est comparé à celui d’un biofilm de 3 jours, plus de 30% du protéome détectable est différent entre les deux conditions. Ainsi, au sein d’un biofilm de 3 jours, 14% des protéines sont surexprimées et 18% sous exprimées. Les modifications du protéome se poursuivent au cours du développement du biofilm. Après 9 jours de croissance, 11% des protéines sont surexprimées et 34% sous exprimées. Au cours du cycle étudié (de planctonique à biofilm 9 jours), environ 54% des protéines sont produites de façon constante. Globalement, pour cette espèce, les protéines surexprimées en biofilm sont des protéines associées à l’attachement, à la résistance 38 et à la virulence. Il semblerait donc que le cycle de vie d’une bactérie soit le sujet d’un remaniement constant de ses constituants en fonction de son stade de développement. Il est donc possible par la technique d’électrophorèse bidimensionnelle d’identifier des protéines et de les regrouper dans des patterns protéiques correspondant à leurs fonctions. Ainsi, des protéines servant à l’accrochage ou des protéines de régulation sont groupées dans des patterns séparés de celles impliquées dans la virulence, dans la résistance aux antibiotiques ou encore dans le Quorum Sensing (Southey-Pillig et al., 2005). Plusieurs études ont confirmé notamment chez P. aeruginosa que les protéines produites sont différentes en fonction du temps d’attachement mais aussi en fonction de la nature du support (Sauer et al., 2002; Vilain et al., 2004a). Il existe également un certain nombre de protéines hypothétiques (fonction inconnue) qui sont surexprimées en biofilm. Un exemple est celui de la protéine hypothétique de P. aeruginosa qui est le produit de l'expression du gène pA3731 (Mace et al., 2008). En effet, une mutation au niveau de ce gène ne modifie pas la croissance bactérienne planctonique mais altère fortement l’adhérence et la production de biofilm. Il existe donc des divergences entre l’analyse du transcriptome et du protéome. Une des explications peut venir du fait que le transcriptome représente un état court et souvent transitoire qui conduit à une faible détection des variations dans l’expression des gènes, alors que le protéome reflète l’expression de gènes aboutissant à des produits plus stables (Ghigo, 2003; Sauer, 2003). Cependant, les modifications d’expression des protéines entre les bactéries planctoniques et les bactéries sessiles et l’existence de protéines à expression biofilm spécifique suggèrent fortement l’existence d’un phénotype biofilm. 2. Résistance au stress Plusieurs types de facteurs peuvent provoquer un stress. Le stress peut être provoqué artificiellement par l’homme. C’est le cas des antibiothérapies, des traitements des surfaces par des moyens physiques (rayonnements, chaleur, ultrasons…) ou chimiques (antiseptiques, détergents, solutions alcalines ou acides…). Le stress peut également être d’origine environnementale car les conditions retrouvées à la surface de la terre et dans les océans sont parfois extrêmes (températures très faibles ou très hautes, fortes pressions, forte salinité, forte concentration en métaux lourds, faible concentration en nutriments…). Pour coloniser et se développer dans de telles conditions, les bactéries ont développé des résistances au stress. 39 L’organisation en biofilm est une des stratégies liée à cette résistance. En effet, les bactéries organisées en biofilm sont capables d’une résistance aux agents antimicrobiens pouvant être plus de mille fois supérieure aux simples cellules planctoniques (Nickel et al., 1985). L’organisation structurale des bactéries en biofilm représente une piste pouvant expliquer la résistance. Des études ont révélé une limitation de la diffusion de certaines familles de molécules au sein du biofilm. C’est notamment le cas des aminoglycosides dans les biofilms à P. aeruginosa (Shigeta et al., 1997) et du dioxyde de chlore dans des biofilms se développant dans les canalisations d’eau (Jang et al., 2006). D’autres molécules ne subissent pas de retard de pénétration et de délivrance. C’est le cas des fluoroquinolones dans les biofilms à P. aeruginosa (Vrany et al., 1997). La structuration en biofilm induit donc deux comportements de diffusion, lent ou rapide, en fonction des molécules (Hornemann et al., 2008). Ce phénomène est dû à l’interaction des molécules avec les exopolymères secrétés par les cellules bactériennes. Cette stratégie peut représenter un moyen de persistance si la durée du stress n’est pas trop longue. En effet, si le temps devient long, les molécules induisant le stress finiront par pénétrer dans tout le biofilm une fois les sites de fixation aux exopolymères saturés. De plus la concentration de la molécule occasionnant le stress peut également avoir une influence sur la formation de biofilm. En effet, il a été montré que chez Staphyloccocus epidermidis des concentrations inférieures à la concentration minimale inhibitrice pouvaient stimuler la croissance bactérienne en biofilm (Houari et Di Martino, 2007). Donc selon la nature, la dose et la durée du stress, la position des bactéries au sein du biofilm peut être un facteur déterminant de la résistance. En effet, un gradient peut exister au sein du biofilm et les bactéries les plus enfouies ne seront pas ou peu soumises au stress (Huang et al., 1995). Mais l’architecture du biofilm ne peut pas expliquer à elle seule la persistance bactérienne. La véritable clé de la protection d’une communauté qu’elle soit animale, végétale ou bactérienne contre un environnement instable est sa diversité (Boles et al., 2004). En effet, un simple stress peut être la cause de la mort d’une communauté cellulaire entière si celles si sont identiques. Par contre, Il est rare qu’un stress tue l’ensemble des individus d’un biofilm encore plus si celui-ci est multi espèce. Les survivants sont dispersés dans l’ensemble de la communauté et se retrouvent dans un environnement riche en nutriments formé par leurs voisins morts. Leur croissance est phénoménale si la communauté n’est plus soumise au stress 40 (Costerton, 2007). Si le même stress se produit de nouveau, un grand nombre d’individus proviendront de cette recroissance et posséderont la capacité de résistance (Figure 10). Il est donc facile de comprendre ce phénomène en se plaçant uniquement d’un point de vue de la sélection naturelle. De plus il a été montré qu’un biofilm bi-espèce est plus résistant que chaque biofilm mono-espèce respectif suggérant ainsi de nouveau que la diversité représente la clé de la survie (Simoes et al., 2008). Figure 10. Mécanisme de résistance suite à l’action d’un agent antimicrobien lié à des « variants phénotypiques » dits « persitants ». (D’après Drenkard, 2003). La diversité au sein d’un biofilm peut être due à une différence d’activité entre les individus le composant. Les bactéries qui se trouvent dans les « champignons » près de l’interface avec la phase liquide ont un meilleur accès aux nutriments et à l’oxygène. Elles ont des activités de croissance et de division généralement plus intense que les bactéries enfouies. Le pourcentage de bactéries persistantes dans une population en croissance est très faible et atteint un maximum d’environ 1% en atteignant la phase stationnaire (Spoering et Lewis, 2001). De plus, si la croissance d’une population est lente, la proportion de bactéries persistantes sera supérieure à celle d’une population dont la croissance est rapide. Les bactéries au sein d’un biofilm ayant par définition des activités différentes probablement en rapport direct avec une accessibilité aux nutriments différentes, les stresses occasionnés par des molécules entrant dans leur métabolisme auront également des impacts différents. Les bactéries très actives seront plus sensibles que les bactéries peu actives ou quiescentes (Walters et al., 2003; Anderl et al., 2003). 41 La résistance des individus au sein du biofilm peut donc être due à une diversité de populations ou à une différence d’activité au sein de la communauté. Ces deux phénomènes pouvant être reliés plus généralement à une diversité génotypique et phénotypique au sein du biofilm (Ghigo, 2001). Une des classes de molécules représentant un stress important pour une communauté bactérienne est celle des antibiotiques. Une des stratégies mise en place par les bactéries de la communauté est d’empêcher ou au moins de réduire l’accessibilité des antibiotiques à leur cible. Un exemple est celui de P. aeruginosa qui exprime le gène ndvB. Ce gène code pour une glucosyltransférase induisant la production d’oses cycliques dans l’espace périplasmique de la bactérie et uniquement quand celle-ci est organisée en biofilm (Mah et al., 2003). Ces glucanes cycliques protégeraient ainsi la bactérie par piégeage de la tobramycine avant que celle-ci n’atteigne sa cible. L’utilisation d’un mutant sur le gène ndvB aboutit à la sensibilisation des cellules bactériennes du biofilm à cet antibiotique montrant ainsi la participation de ce gène dans la le processus de résistance. L’analyse du profil d’expression génétique de souches d’E. coli persistantes a montré d’une part une diminution de la régulation des voies de biosynthèse et d’autre part une surexpression de gènes conduisant à la production de toxines et d’antitoxines. Respectivement, la première observation concorde avec un état de dormance et la seconde avec l’inhibition de certaines fonctions essentielles qui conduisent à l’acquisition d’une résistance aux antibiotiques. Ces facteurs prouvent l’adaptation du génotype et du phénotype bactérien permettant la persistance d’un type de population au sein du biofilm (Lewis, 2008; Lewis, 2007). De plus, il peut exister un transfert de gène horizontal entre les plasmides des individus constituant un biofilm (Sedgley et al., 2008). Plus les vitesses de recombinaison chez un individu et de transfert de gènes horizontaux entre individus sont élevées, plus la diversité génomique du biofilm résultant sera grande et plus les cellules bactériennes de la communauté seront capables de survivre aux attaques (Boles et al., 2004). Un autre système dépendant de l’expression du génome bactérien et permettant l’acquisition d’une résistance au stress est celui des pompes à efflux. Ce système est une des voies permettant aux cellules eucaryotes ou procaryotes l’expulsion hors de la cellule de drogues, d’ions métalliques toxiques, de solvants organiques ou d’autres ligands. En général, chez les bactéries, les pompes à efflux ne sont pas exprimées dans un milieu de croissance sans toxines et leur expression est induite par l’exposition à une large gamme d’agents 42 antimicrobiens dans des doses létales (Drenkard, 2003). Classiquement chez les bactéries GRAM négatif, la prise en charge et le transport hors de la cellule de diverses toxines est effectué par trois partenaires : une protéine transmembranaire cytoplasmique qui est enchevêtrée dans la membrane, une protéine de transport possédant une large gamme de reconnaissance de molécules potentiellement toxiques qui exporte le substrat à travers la membrane interne et une protéine membranaire externe qui facilite le passage du substrat à travers la membrane externe. Chez E. coli ces protéines sont respectivement AcrA, AcrB et TolC (Routh et al., 2009). Des travaux ont même montré que l’expression des gènes codant pour le système à efflux AcrAB est accrue lorsque E. coli entre en phase stationnaire suggérant que les pompes à efflux peuvent être surexprimées au sein des biofilms matures (Drenkard, 2003). Les biofilms bactériens retrouvés dans la nature présentent donc de par leur composition, leur architecture et surtout de par leur diversité génétique et phénotypique, une grande capacité de résistance au stress (Figure 11). Ceci leur permet de se développer et de coloniser une grande partie de l’écosystème terrestre même lorsque les conditions sont extrêmes (Raymond et al., 2008). Figure 11. Schéma représentant les mécanismes possibles de résistance d’un biofilm à P. aeruginosa à un traitement antimicrobien. (D’après Drenkard, 2003). 43 C. Etapes générales de formation d’un biofilm La colonisation d’une surface par une bactérie aboutissant à la formation d’un biofilm est un mécanisme séquentiel. En effet, le développement d’un biofilm bactérien peut se diviser en 3 grandes étapes : l’adhérence (réversible puis irréversible), la maturation (formation de microcolonies, croissance et production d’exopolymères) et le détachement (Figure 12). Figure 12. Modèle de développement d’un biofilm bactérien. (D’après Ghigo, 2003). 1. Adhérence à un support L’interface entre une surface solide et un milieu liquide représente des conditions environnementales idéales pour l’attachement et la croissance des microorganismes. Avant d’aborder l’attachement à proprement dit de la bactérie, il est nécessaire de s’intéresser à l’environnement c'est-à-dire au support servant à l’attachement, au milieu liquide servant de vecteur et à leurs interactions. Les caractéristiques physico-chimiques du support et du liquide vecteur ont une influence non négligeable sur l’attachement des bactéries. En effet, il a été démontré qu’un support possédant une forte rugosité de surface induisait localement une diminution des forces de cisaillement et engendrait donc un meilleur attachement qu’un support lisse (Boyd et al., 2002). De même, plusieurs études ont décrit un attachement bactérien plus important sur des 44 surfaces hydrophobes non polaires comme le plastique ou le téflon que sur des surfaces hydrophiles comme le verre ou le métal (Fletcher et Loeb, 1979). Concernant le milieu aqueux, il a été clairement montré que des modifications de son pH, de sa concentration en nutriments, de sa force ionique, de sa température et de sa vitesse ont une influence sur l’adhérence bactérienne (Sheng et al., 2008; Donlan, 2002). Cependant, les théories générales sur l’adhésion à un support sont parfois sujettes à controverse car le support est en contact avec un milieu liquide et ce support évolue lui-même en fonction de la composition du milieu liquide et du temps de contact. En effet, les molécules inorganiques ou organiques comme les protéines, les carbohydrates ou les lipides contenues dans la phase liquide vont passer en phase solide, conditionner la surface en quelques minutes et continuer à s’agréger pendant plusieurs heures (Donlan, 2002). Ce phénomène est appelé le conditionnement de la surface ou l’établissement d’un film primaire. L’établissement de ce film primaire va faciliter l’adsorption des microorganismes sur la surface solide car les charges, les potentiels et les tensions de surface sont souvent modifiés favorablement améliorant ainsi l’encrage et l’accessibilité aux nutriments (Jain et Bhosle, 2009; Garrett et al., 2008). Donc la nature du support et du milieu aqueux ainsi que leurs interactions jouent un rôle primordial dans l’attachement des bactéries. D’un point de vue cellulaire, l’attachement initial est facilité par les forces hydrodynamiques, le chimiotactisme et les interactions hydrophobes. Initialement, les cellules microbiennes sont transportées de la phase liquide vers le support conditionné par deux types de mécanismes. Le premier est un transport passif et aléatoire sous l’effet des forces physiques hydrodynamiques comme les forces de flux. Le second est plus actif et plus spécifique car un certain nombre de bactéries sont capables de détecter la présence de nutriments ou de toxines via des récepteurs de surface et de se mouvoir grâce à des appendices bactériens comme les flagelles. La bactérie planctonique peut ainsi modifier sa trajectoire en fonction de son environnement chimique. Elle sera attirée par les nutriments et repoussée par les substances toxiques (Lux et Shi, 2004). Une fraction des cellules qui atteignent la surface s’adsorbe de façon réversible. Un certain nombre de facteurs comme l’énergie, le conditionnement de la surface, l’orientation de la bactérie, la température, la pression osmotique sont des conditions environnementales variables qui contribuent à l’adhérence bactérienne. Les théories DLVO (Derjauin–Landau– Verwey–Overbeek) et DLVO étendue servant à décrire la stabilité des systèmes colloïdaux sont utilisées pour expliquer l’adhérence réversible des bactéries (Hermansson, 1999; Strevett 45 et Chen, 2003). Ces théories reposent sur des différences comportementales entre bactéries à GRAM négatif et bactéries à GRAM positif. En effet, la composition chimique des parois bactériennes externes est différente entre GRAM + et GRAM -, avec présence de lipopolysaccharides chez les GRAM - et de peptidoglycane chez les GRAM +. Cette différence morphologique induit une divergence dans les caractéristiques physicochimiques externes des bactéries et donc de l’accrochage à une surface. Ces théories prennent également en compte la distance entre la bactérie et le support. Cette distance bactérie - surface détermine l’intensité des forces d’attraction et de répulsion mises en jeu. D’un point de vue distance décroissante par rapport à la surface, ces forces sont les forces de flux, les forces de répulsion stériques, les forces d’attraction et de répulsion électrostatiques, les forces de Van der Waals, et les attractions hydrophobes (Figure 13). Figure 13. Représentation schématique des forces et interactions pouvant être mises en jeu lors de la formation d’un biofilm. (D’après L. Ploux (ICSI – Mulhouse) Atelier Biomatériaux, 19-21 mars 2007, Le Mans, www.mrct.cnrs.fr/PF/Ateliers/Atelier2007/Introduction.pdf). Au stade d’adhésion initiale, la bactérie est faiblement accrochée à la surface et elle va se décrocher si les forces répulsives sont supérieures aux forces attractives. Les forces mises 46 en jeu à cette étape sont des interactions hydrophobes, électrostatiques et de Van Der Waals. Les interactions hydrophobes semblent avoir une importance particulière car elles pourraient permettre de surmonter les répulsions électrostatiques entre les cellules et la surface conditionnée (Garrett et al., 2008; Donlan, 2002). Les cellules bactériennes planctoniques ont une paroi composée d’une bicouche lipidique hydrophobe. Elles sont protégées par un certains nombre de structures qu’elles produisent et qui restent accrochées à leur surface (Beveridge, 2006). Ces structures comme les protéines et les appendices bactériens de type fimbriae, flagelles ou pili peuvent posséder des domaines hydrophobes qui participent à l’accrochage. D’ailleurs il a été démontré que les appendices bactériens augmentent fortement l’hydrophobicité de la cellule bactérienne et l’attachement à la surface (Di Martino et al., 2003). Les structures comme les exopolysaccharides ou les lipopolysaccharides sont quant à eux plus importants dans l’attachement aux matériaux hydrophiles. Chez une souche de P. aeruginosa ne possédant pas de pili, des mutations des gènes pel codant pour des protéines impliqués dans la synthèse de polysaccharides aboutissent à de sévères problèmes d’attachement aux surfaces (Vasseur et al., 2005). Cependant, les théories DLVO ne sont pas parfaitement adaptées aux particules molles de type bactérie qui sont par nature hétérogènes, perméables et déformables. Ainsi, des modèles théoriques mathématiques tenant compte des forces électrostatiques, hydrodynamiques et des caractéristiques mécaniques des interfaces des particules molles sont développés (Gaboriaud et al., 2008). Ensuite, une partie des bactéries qui sont accrochées de façon réversible restent immobilisées et adhèrent de façon irréversible au support. Cette transition entre les deux états se fait grâce à des interactions spécifiques entre des facteurs d’adhérence bactériens et des molécules adsorbées sur le support (Van der Mei et al., 2008) et/ou à la synthèse d’exopolymères par les bactéries adhérentes. La bactérie serait capable de détecter le contact avec la surface par un mécanisme nommé « surface sensing » et d’induire des voies de transduction de signaux et réguler la synthèse de pili (Lejeune, 2003). Ceci a notamment été observé chez E. coli qui, via la protéine NlpE protéine de la membrane externe, va activer le système à deux composants Cpx qui régule positivement la synthèse de pili et serait impliqué dans la transduction des signaux (Stanley et Lazazzera, 2004). Mais les appendices bactériens tels que les pili ne sont pas les seuls facteurs permettant le passage à la maturation du biofilm. En effet, chez P. aeruginosa, la protéine SadB dont la fonction est inconnue serait impliquée dans le passage entre l’accrochage réversible et irréversible. Ceci a été démontré par la 47 création de mutants déficients en protéine SadB qui malgré la conservation des capacités d’accrochage et de mouvement via les flagelles sont incapables de former des colonies signe distinguant la première étape de maturation du biofilm (Caiazza et O'Toole, 2004). 2. Maturation du biofilm L’étape de maturation se traduit tout d’abord par une augmentation de la taille de la structure. En effet, les bactéries fixées vont augmenter leur nombre en se multipliant et en recrutant de nouvelles bactéries provenant de la phase liquide. Ce phénomène de croissance entraîne la colonisation de la surface. Les bactéries vont donc former des agrégats bactériens qui portent le nom de microcolonies. En plus de cette croissance, elles vont secréter un microenvironnement, une matrice extracellulaire qui va leur permettre une protection contre les stress, une zone nutritionnelle privilégiée et une communauté où la communication amène l’évolution et la survie. La structure de l’ensemble va évoluer vers une structure tridimensionnelle comme par exemple la forme couramment décrite en champignon traversée de canaux. A ce stade, le terme de biofilm peut être utilisé car les deux paramètres indispensables à la constitution d’un biofilm sont présents : la multiplication microbienne sur une surface et la production d’une matrice d’exopolymères. L’augmentation de taille de la structure via la multiplication cellulaire et la synthèse importante de matrice correspondent à l’étape de maturation du biofilm. Les exopolysaccharides ou hydrates de carbone représentant une forte proportion des exopolymères jouent un rôle important dans le processus de maturation. En effet, chez E. coli, un mutant qui ne produit plus l’acide colanique, adhère aux surfaces mais son biofilm est incapable d’acquérir sa structure tridimensionnelle (Danese et al., 2000). Chez P. aeruginosa, les gènes pel sont impliqués dans la synthèse d’hydrates de carbone. Les bactéries qui subissent des mutations de ces gènes conservent leur mobilité (twitching, swimming) mais leur attachement à la surface est plus lâche et surtout elles ne produisent pas de matrice (Friedman et Kolter, 2004; Vasseur et al., 2005). Les exopolysaccharides sont donc souvent nécessaires à la maturation du biofilm mais ce ne sont pas les seuls. En effet, les molécules signales servant à la communication bactérienne ont également un rôle crucial. C’est le cas de l’indole chez les espèces productrices d’indole. Chez E. coli, l’utilisation d’un mutant non producteur d’indole ou l’ajout d’un inhibiteur chimique qui bloque sa production 48 chez une souche sauvage aboutit à une diminution de formation de biofilm. L’ajout d’indole à des conditions physiologiques restaure le niveau de formation de la souche sauvage utilisée initialement (Martino et al., 2003). Un autre facteur jouant un rôle dans cette étape de maturation est le Quorum Sensing. En effet, des perturbations de cette voie de régulation par utilisation de molécules chimiques qui modifient le signal ou des mutations aboutissent à des variations de la structure du biofilm. La perturbation du Quorum Sensing conduit généralement à une réduction de la biomasse et à des biofilms non différenciés, aplatis, avec une adhérence amoindrie (Hooshangi et Bentley, 2008). Chez S. liquefaciens, comme décrit dans la partie « morphologie et architecture », un mutant incapable de synthétiser une molécule du Quorum Sensing, la N-butanoyl-Lhomosérine lactone, produit un biofilm fin et non différencié (Labbate et al., 2004). L’ajout exogène de cette même molécule signale restaure l’épaisseur et la structure typique en filaments enchevêtrés du biofilm formé par la souche sauvage. Chez Vibrio cholerae sauvage en biofilm, les molécules intervenant dans le Quorum Sensing sont surexprimées en comparaison avec le mode de vie planctonique (Liu et al., 2007). Ceci démontrant bien l’importance de l’échange de signaux pour organiser les individus et établir la stratégie de la communauté. Chez des mutants déficients en hapR, gène impliqué dans le Quorum Sensing, le biofilm est plus épais, plus mature que chez le sauvage. Lorsque hapR est réintroduit par ajout de plasmides et exprimé avant huit heures de contact, le biofilm est plus fin et plus mobile comme celui de la souche sauvage. Le Quorum sensing peut donc agir négativement sur la maturation du biofilm, mais cette voie pourrait correspondre à une stratégie privilégiant la rapidité de colonisation. Chez un grand nombre d’autres espèces bactériennes, comme P. aeruginosa, plusieurs voies de régulation du Quorum Sensing sont également connues pour affecter le développement du biofilm (Kirisits et Parsek, 2006). Positif ou négatif pour la maturation du biofilm, selon le type de bactérie et les conditions environnementales, le rôle de la communication reste primordial au devenir de la communauté (Hooshangi et Bentley, 2008). La maturation s’accompagne donc de l’activation et/ou de l’inactivation d’un certain nombre de voies biologiques. En effet, comme décrit dans la partie sur les « spécificités liées au biofilm », sa formation et sa maturation passent par des modifications de la transcription et de la traduction. La surexpression ou la sous expression génétique et protéique est variable selon l’environnement, le type bactérien et le temps d’accrochage. Chez P. aeruginosa il a été 49 démontré qu’un biofilm jeune surexprime des gènes impliqués dans la synthèse de protéines de transport de petites molécules et dans la synthèse de pili de type IV (Waite et al., 2005). Le biofilm plus mature surexprime des gènes agissant sur le catabolisme du carbone, le métabolisme des acides aminés, la synthèse de protéines de transport membranaire et de protéines liés à la résistance. Chez Streptococcus pneumoniae, la surexpression de certaines de ces mêmes familles protéiques ne se déroule pas au même stade de maturation (Allegrucci et al., 2006; Sauer et al., 2002). Donc la régulation génétique et protéique est bien variable selon le type bactérien et selon le temps d’accrochage. 3. Détachement Le détachement des bactéries du biofilm peut être de deux sortes, passif ou actif. En effet, il peut résulter d’un décrochage physique lorsque les forces de flux sont supérieures à la résistance et à la cohésion du biofilm. Il peut également être déclenché par les bactéries elles mêmes sous l’action de divers signaux internes ou environnementaux. Le biofilm hétérogène par nature est composé de strates dont la cohésion augmente avec la profondeur (Coufort et al., 2007). Si la force de flux varie peu, le détachement passif s’effectue en général dans les couches supérieures moins cohésives du biofilm du fait de leur éloignement de la base. Le décrochage porte différents noms selon la taille des fractions qui retournent dans la phase liquide. Le terme sloughing désigne le détachement de grosses particules de taille équivalente à l’épaisseur du biofilm n’affectant que des parties particulières du biofilm. L’érosion et l’abrasion se produisent sur l’ensemble de la surface du biofilm et induisent le détachement de plus petits morceaux. L’érosion est due à l’application des forces de cisaillements du liquide en mouvement et l’abrasion est la résultante de collisions entre particules contenues dans le liquide et la surface du biofilm. La zone de biofilm arrachée peut être considérablement élargie si la force de flux augmente rapidement (Derlon et al., 2008). Chez Staphyloccocus aureus, une expérience d’observation du décrochage sur un biofilm structuré de sept jours a été réalisée. Le biofilm après 45 minutes d’accrochage se développe sous une force de flux constante. Après sept jours de développement, des grappes de tailles différentes pouvant contenir environ 107 cellules se décrochent (figure 14). Les cellules bactériennes formant les grappes sont solidement attachées par une fine couche de matrice extracellulaire. Ces agrégats permettent aux bactéries d’acquérir une résistance aux antibiotiques bien supérieure à celle de bactéries planctoniques 50 en croissance mais similaires à des bactéries planctoniques en phase stationnaire. Ceci serait dû au métabolisme ralenti de certaines bactéries en biofilm ce qui confirme l’hypothèse selon laquelle ces grappes conservent le phénotype biofilm (Fux et al., 2004). Le décrochage se passe en deux étapes dépendantes du temps : une période courte où le biofilm est capable d’absorber les forces de cisaillement induites par le flux grâce à une déformation élastique et une période plus longue où la composante visqueuse du biofilm va prendre le dessus, entraînant la rupture au niveau des parties les moins cohésives et le décrochage de morceaux de biofilm. Ces agrégats seraient capables de se déplacer par mouvement de rotation sur les parois favorisant ainsi l’expansion de la colonisation (Rupp et al., 2005). Figure 14. Décrochage d’un biofilm de S. aureus soumis à une force de flux. (A) représente le biofilm en forme d’agrégats séparés par des canaux. (B et C) montre le détachement de grappes de biofilm de 7 jours avec 15 minutes d’intervalle. Les flèches noires désignent le sens du flux de nutriments. (D’après Fux et al., 2004). L’autre façon d’augmenter l’expansion géographique du biofilm est le détachement actif de microorganismes. Ce processus est plus complexe car les cellules bactériennes 51 sessiles doivent retourner à un phénotype planctonique et se détacher des composés de la matrice pour retourner à la phase liquide (O’Toole 2000). Contrairement au détachement passif, ce détachement actif ne résulte pas uniquement de l’action des forces hydrodynamiques mais est induit par un stress nutritionnel, par une densité de population trop importante ou par une exposition à des antimicrobiens. En effet, chez P. aeruginosa PAO1, une augmentation soudaine de la disponibilité de la source de carbone induit une dispersion des bactéries en biofilm (Sauer et al., 2004) . Une concentration de 20 mM de succinate aboutit à une diminution des bactéries attachées d’environ 80% chez un biofilm de quatre jours. La dispersion active des bactéries du biofilm met en jeu la production d’enzymes microbiennes pour dégrader les polysaccharides qui lient le biofilm. La matrice localement dégradée permet la libération des bactéries (Vats et Lee 2000). Chez P. aeruginosa, chez E. coli, et chez Streptococcus equi, la production respective des enzymes alginate lyase, Nactétyl-heparosan lyase, hyaluronidase, capables de dégrader la matrice ont été mises en évidence (Garrett et al., 2008). Simultanément, des opérons codant pour des protéines de flagelles sont surexprimés. Ces actions conjointes libèrent donc les microorganismes de leurs attaches, restaurent leur mobilité pour retourner dans la phase liquide et recommencer un cycle de colonisation sur un autre site. Chez P. aeruginosa, le détachement provoqué par une brusque augmentation de la source carbonée s’accompagne d’une sous expression progressive du gène pilA qui intervient normalement dans la biosynthèse de pili de type IV utiles à l’adhérence. En parallèle, le gène fliC impliqué dans la production de flagelles responsables de la mobilité bactérienne est surexprimé (Sauer et al., 2004). Chez cette même espèce bactérienne, il avait préalablement été démontré qu’au cours du cycle de développement du biofilm, le protéome des bactéries en phase de dispersion était plus proche de celui des bactéries planctoniques que des bactéries en biofilm mature (Sauer et al., 2002). En effet, en phase de détachement actif, 35% des protéines sont sous exprimées comparées au biofilm mature. Tous ces éléments permettent de prouver que le biofilm possède bien des phénotypes différents selon son stade de développement. Celui-ci peut vivre durablement sur une surface ou se disperser pour coloniser d’autres sites an fonction de variations de son environnement. 52 II. Nanofiltration en production d’eau potable, colmatage membranaire L’eau potable est un produit indispensable à la vie. Sa distribution au domicile du consommateur est un élément essentiel au confort de vie. L’eau qui arrive au robinet doit être satisfaisante d’un point de vue odeur, couleur et gout, et ne doit présenter aucun danger pour le consommateur. Pour ces raisons, l’eau de surface servant de matière première doit subir des traitements pour éliminer un maximum de matière organique, de microorganismes potentiellement pathogènes ainsi que de composés chimiques dangereux pour la santé (pesticides…). Pour cela, plusieurs stratégies existent, mais une des plus efficaces est la filtration. A. Filtration en production d’eau potable Une membrane correspond à une barrière ou à une discontinuité entre deux milieux permettant la séparation sélective ou l’exclusion d’un certain nombre de composés d’un milieu vers l’autre (Sheikholeslami, 2007). Cette séparation peut être causée par différents mécanismes mais résulte toujours de l’existence d’une force motrice. Cette force motrice peut être induite par l‘existence d’une différence de pression, de potentiel électrique, de concentration entre les deux milieux séparés par la membrane. Les membranes peuvent être minérales ou organiques. Respectivement, différents matériaux inorganiques ou des polymères peuvent servir à la fabrication de ces membranes. En production d’eau potable, les matériaux utilisés sont principalement des polymères et la force motrice est due à un gradient de pression. Plusieurs critères peuvent servir à la classification des membranes. Elles peuvent être classées en fonction de leurs applications, des matériaux qui les composent, de la porosité, du mécanisme de séparation, du type de force motrice. La classification la plus couramment utilisée est basée sur la porosité (Tableau 1). Au niveau des membranes utilisées dans la production d’eau potable, les paramètres servant à la classification sont la taille des pores, le seuil de coupure (« Molecular Weight Cut Off » : MWCO) et la perméabilité de l’eau pure à 25°C. Quatre procédés de filtration se distinguent selon la taille décroissante des pores (Sheikholeslami, 2007): 53 Macro-pores ou microfiltration (MF) dont la taille des pores est supérieur à 50 nm Meso-pores ou ultrafiltration (UF) dont la taille des pores est comprise entre 5 et 50 nm Micro-pores ou nanofiltration (NF) dont la taille des pores est inférieure à 5 nm Non-pores ou osmose inverse (RO) dont la taille des pores est d’ordre ionique Type Taille des particules (Angstrom) Type de particules Gamme de poids moléculaire (Daltons) Osmose inverse < 14 Ioniques < 500 Nanofiltration 8 – 90 Ioniques et petites molécules 200 - 20000 Ultrafiltration 40 – 1000 Molécules et petits colloïdes 10000 - 200000 Microfiltration 500 – 20000 Colloïdes >100000 Tableau 1. Détermination approximative des spécificités de différents types de membranes : tailles, types de particules et gamme de masse moléculaire admises pour la filtration. (D’après Sheikholeslami, 2007). La microfiltration est un procédé de filtration basse pression (< 350 kPa) pour séparer les matières colloïdales et les particules en suspension dans une gamme comprise entre 0,05 et 10 micromètres (Figure 15). Elle est principalement utilisée pour la clarification, c'est-à-dire pour réduire la turbidité du liquide à filtrer. Cette étape de clarification représente une barrière pour un grand nombre de microorganismes notamment pathogènes mais ne permet pas la rétention des virus. L’ultrafiltration est un procédé proche de la microfiltration mais le fractionnement est plus sélectif et les pressions restent assez faibles (50-500kPa) (Bonnelly, 2005; Godart, 2000; Tamas, 2004). Elle est fréquemment utilisée pour le fractionnement du lait et de la crème dans 54 l’industrie laitière mais trouve aussi des applications pour le fractionnement des protéines. Cette technique concentre dans l’eau non filtrée les solides en suspension et les molécules dont le poids moléculaire est supérieur à 10000 Da (Figure 15). L’eau filtrée contient donc les molécules de faible poids moléculaire, de la matière organique et des ions. Ce procédé permet l’enlèvement partiel de la matière organique naturelle (Bouchard et al., 2003). La combinaison de cette technique avec une étape de coagulation ou d’adsorption sur charbon actif augmente de façon sensible l’enlèvement de la matière organique. La nanofiltration (NF) est un procédé encore plus sélectif que l’ultrafiltration. La pression d’opération en NF varie généralement de 500 à 1500 kPa (Bonnelly, 2005; Godart, 2000; Tamas, 2004). Elle est souvent utilisée pour la décoloration, la déminéralisation ou le dessalement de l’eau. Comme l’ultrafiltration, la nanofiltration permet l’enlèvement de solides en suspensions, mais la faible taille de ses pores aboutit à un bien meilleur enlèvement des virus, de la matière organique et des ions multivalents (Figure 15). D’ailleurs, ce procédé est bien connu pour sa capacité à retenir un grand nombre de micropolluants tels que les pesticides. L’eau non filtrée (concentrat) se caractérisera donc par une augmentation de ses concentrations en matière organique, en solides en suspension, en ions polyvalents. L’eau filtrée contiendra des ions monovalents et des matières organiques de faible poids moléculaire tels que des alcools. L’osmose inverse est un procédé haute pression (5 à 8 MPa) permettant d’obtenir une eau d’une très grande pureté mais très couteux en énergie (Bonnelly, 2005; Godart, 2000; Tamas, 2004). Cette technique sert principalement au dessalement de l’eau de mer mais elle est également utilisée pour la production d’eau ultrapure ou l’extraction de protéines du lactosérum dans l’industrie laitière. L’osmose inverse permet donc de retenir les ions et molécules sans pour autant concentrer ou séparer l’ensemble des minéraux (Figure 15). L’eau filtrée sera donc partiellement déminéralisée et l’eau non filtrée sera concentrée en éléments ioniques et non ioniques, en microparticules, en colloïdes et en microorganismes. 55 Figure 15. Différentes techniques de séparation par procédés membranaires. (D’après Godart, 2000). B. Principe et bases théoriques de la NF Cette partie a été très largement inspirée par un ouvrage de référence : Guide de la nanofiltration (Guizard, 2000). La nanofiltration est une technique de séparation dont les applications se situent entre l’ultrafiltration et l’osmose inverse. Elle possède une structure microporeuse dont les pores sont inférieurs à 5 nm et une structure membranaire portant en général des charges ioniques superficielles. Les principales caractéristiques de ce type de membrane sont : La séparation des solutés se fait en partie en fonction de la masse moléculaire. En effet, les solutés retenus ont une masse moléculaire comprise entre 200 et 2000 g.mol-1. La séparation dépend également de la charge des solutés. 56 Les flux de solvant obtenus sont meilleurs et les pressions de travail sont plus basses que ceux utilisés en osmose inverse. Les caractéristiques de ces membranes leurs permettent d’être utilisables à grande échelle et donc de posséder un grand nombre d’applications industrielles notamment dans les secteurs comme les biotechnologies, l’agroalimentaire, la production d’eau potable. Elles sont par exemples utilisées pour le dessalement du lactosérum dans l’industrie laitière, la récupération de l’éthylèneglycol contenu dans les liquides antigel usagés, le recyclage des effluents de la teinturerie ou le traitement d’eau potable. L’avènement de membranes en céramique (inorganiques) a permis de travailler dans des conditions plus dures que celles où les membranes organiques sont utilisées. En effet, il est devenu possible de travailler avec des températures élevées, en solvant organique, avec des produits corrosifs. Un exemple d’application de ce type de membranes est le recyclage de solutions alcalines de nettoyage. 1. Structure des membranes de nanofiltration Les membranes de nanofiltration ont une structure asymétrique. Elles peuvent être organiques ou minérales et sont composées de polymères ou d’oxydes métalliques. La membrane de nanofiltration est classiquement constituée de trois parties (Figure 16). Chacune de ces parties possédant une fonction propre : Un support macroporeux possédant une grande résistance mécanique et permettant donc une filtration avec des flux de liquide élevés Une ou plusieurs couches intermédiaires (méso ou macroporeuses) assurant la liaison entre le support et la couche dite active La couche active qui réalise la séparation à proprement dit. Cette couche est peu épaisse, de l’ordre du micron, et possède des pores dont les tailles de diamètres sont de l’ordre du nanomètre. 57 Figure 16. Schéma de la composition d’une membrane NF. (D’après « Les cahiers du CFM », Guizard, 2000). Cette structure permet donc une sélectivité de séparation importante en fonction de la masse moléculaire (< 2000 g.mol-1) et de la charge des solutés même à des flux élevés. Ces caractéristiques sont communes à toutes les membranes de nanofiltration. Mais chaque classe de membrane, minérale ou organique, possède des caractéristiques physiques et chimiques spécifiques à leur nature. Seules les membranes organiques seront détaillées car c’est le type de membrane qui est utilisé pour la production d’eau potable. 2. Caractéristiques des membranes organiques Les membranes de nanofiltration organiques sont élaborées en deux étapes : Un support de matrice tissée ou non tissée sert de base à la fixation d’une couche intermédiaire macroporeuse de polymères d’une épaisseur comprise entre 40 et 100 µm environ. Cette couche intermédiaire est souvent composée de polysulfone. Elle est anisotrope et possède une perméabilité très élevée. Par la suite, une fine couche d’une épaisseur comprise entre 0,3 et 3 µm est déposée ou directement polymérisé. Cette couche est la couche active, c’est elle qui confère à la membrane des propriétés de transport et de sélectivité. Elle doit posséder une bonne résistance mécanique, une bonne inertie chimique et des propriétés de rétention spécifiques. Le maillage de cette couche permet de déterminer un seuil de coupure 58 représentant une barrière sélective selon la taille des solutés. La nature des polymères constituant cette couche active joue également un rôle important dans la rétention des solutés. En effet, les groupements amide, carboxyle ou sulfone couramment utilisés pour la confection de cette couche sont susceptibles de porter des charges électriques permanentes ou en fonction du pH du milieu. L’absence, la présence et la nature des charges modifiant de façon sensible la rétention des solutés. 3. Mise en œuvre du procédé de nanofiltration Les membranes de nanofiltration sont classiquement disposées dans des modules. Le module est un dispositif compact composé d’un carter rigide contenant la membrane et constitue la base des installations de nanofiltration. Le liquide à filtrer entre dans le module par une entrée appelée alimentation. Dans le module, le débit se divise en deux débits de sortie. Le liquide qui est filtré par passage au travers de la membrane est nommé perméat. La partie qui n’a pas été filtrée est appelée rétentat ou concentrat car le liquide est concentré par les éléments qui ne sont pas filtrés (Figure 17). Figure 17. Schéma représentant la répartition des débits dans un module membranaire. (D’après « Les Cahiers du CFM », Guizard, 2000). 59 Les modules les plus couramment utilisés pour la production d’eau potable par nanofiltration sont les modules spiralés (Figure 18). Ces modules sont composés de feuillets de membranes NF planes enroulées en alternance avec des grilles d’espacements grossières autour d’un tube collecteur de perméat. Ces grilles servent à accroitre le niveau de turbidité admissible par les membranes. Chaque feuillet est lui-même constitué de deux faces de membranes de nanofiltration collées et reliées l’une à l’autre par une grille d’espacement plus fine. Celle-ci sert à l’évacuation tangentielle du perméat vers le tube collecteur de perméat. L’ensemble de la structure est recouvert d’une coque en plastique rigide augmentant ainsi sa résistance mécanique globale et permettant de l’insérer facilement dans un caisson métallique sous pression de forme identique. Figure 18. Représentation schématique d’un module NF spiralé. (D’après « Les cahiers du CFM », Guizard, 2000). D’un point de vue industriel, il est rare de n’utiliser qu’un seul module. En effet, l’association et l’organisation de plusieurs modules sont nécessaires pour arriver à satisfaire les exigences en termes de volume à traiter et de qualité de produit final. Deux méthodes sont possibles pour l’assemblage des modules dans une installation à un ou plusieurs étages : la 60 méthode à simple passage ou celle à recirculation. Un étage représentant l’association en parallèle de plusieurs modules de filtrations. La méthode à simple passage comme son nom l’indique, signifie que le liquide d’alimentation ne passe qu’une fois par module sans recirculation. Les étages successifs présentent une surface membranaire et donc un nombre de modules de plus en plus faible. La vitesse de circulation du fluide restant constante, c’est la pression entre chaque étage qui chute. Le nombre de modules par étage et le nombre d’étages doivent être calculés en fonction de chaque module vis-à-vis du fluide à filtrer (Figure 19). Figure 19. Représentation schématique d’une installation à simple passage composée de 3 étages. (D’après « Les cahiers du CFM », Guizard, 2000). La méthode à recirculation consiste à faire circuler de nouveau le fluide au niveau de chaque étage. Ainsi la pression transmembranaire et la vitesse de circulation peuvent être optimisées à chaque étage. Cette configuration une souplesse non négligeable mais implique des coûts d’investissement et de fonctionnement supplémentaires (Figure 20). 61 Figure 20. Représentation schématique d’une installation avec système de recirculation composée de 2 étages. (D’après « Les cahiers du CFM », Guizard, 2000). C. Colmatage des membranes Au cours du procédé de filtration d’eau, les membranes se colmatent progressivement. Le colmatage des membranes peut être expliqué de différente façon selon le paramètre qui est étudié. Cependant, au regard de tous les paramètres pouvant provoquer le colmatage, il paraît cohérent de le définir comme un processus complexe qui résulte de l’accumulation d’un certains nombre de phénomènes physico-chimiques et biologiques. Ceux-ci étant bien évidemment corrélés les uns aux autres. 1. Concentration Polarisation Lors du procédé de filtration : Une partie des molécules contenues dans l’eau d’alimentation traverse la membrane formant ainsi le « perméat » (eau filtrée et destinée à la consommation). Une grande partie de ces molécules notamment indésirables ne traverse pas la membrane et constitue le « concentrat » (eau non filtrée). Les molécules non filtrées sont donc concentrées très près de la surface membranaire et elles forment une zone ou le gradient de pression osmotique est plus important (Bonnelly, 2005). 62 Le fait que la pression osmotique augmente diminue de façon logique le flux de perméation. En effet, la force motrice nécessaire pour traverser une zone concentrée doit être plus importante que pour une zone moins concentrée (encombrement stérique, augmentation des forces attractives et répulsives…). Ce phénomène modifie l’équilibre établi initialement et favorise d’autres phénomènes qui jouent également un rôle important dans le colmatage de la membrane (adsorption, blocage des pores…). Les molécules peuvent parfois atteindre des doses saturantes, au-delà leur degré de solubilité. Elles précipitent voir cristallisent ce qui augmente leur dépôt sur la membrane. 2. Adsorption et blocage des pores Les matières organiques ou inorganiques présentes dans l’eau d’alimentation sont capables d’adhérer à la membrane via des interactions hydrophobes ou électrostatiques. En fonction de la localisation de cette adsorption, dans un pore ou à la surface de la membrane, celle-ci peut provoquer respectivement un blocage des pores et faciliter la formation d’une couche colmatante nommée « gâteau ». Ces deux phénomènes vont tous les deux être liés et participer au colmatage de la membrane. Le blocage des pores est non seulement dû à des interactions, mais il peut également être la résultante d’un encombrement stérique (Childress et Elimelech, 1996; Jermann et al., 2007; Broeckmann et al., 2006). Le colmatage qui s’opère à l’entrée ou à l’intérieur des pores est plutôt un colmatage rapide alors que la formation du « gâteau » est un phénomène plus lent. 3. Formation du « gâteau » Un grand nombre de matières colmatantes sont capables d’interagir entre eux et avec la membrane de filtration. Leur accumulation conduit à la formation d’une couche gélifiée nommée « gâteau ». Il a été largement relaté qu’une grande partie des matières colmatantes impliquées dans la formation de cette couche sont des matières organiques naturelles, des colloïdes et des cations divalents. Les interactions entre les différents composés mis en jeu permettent rigidification de l’ensemble de la couche. Cette couche s’épaissie, se densifie au cours du temps jouant ainsi un rôle important dans la diminution de la vitesse de filtration de l’eau. En effet, plus cette couche va être résistante, épaisse et compacte, plus les performances 63 de filtrations de la membrane vont être faibles (Song, 1998; Park et al., 2008; Lee et al., 2005). Le « gâteau » pourrait être assimilé à une seconde membrane. En effet, la couche formée va posséder un pouvoir de séparation propre qui va adsorber ou laisser passer les molécules selon leurs tailles et leurs charges. Comme les propriétés physico-chimiques de cette couche sont différentes de celle de la membrane, elle va donc probablement à partir d’un certain recouvrement et d’une certaine densité permettre une séparation plus poussée de la matière et donc accentuer le phénomène de colmatage de la membrane. 4. Colmatage biologique ou biocolmatage : Le colmatage biologique provient de ce qui est classiquement nommé « biofouling » ou salissure de type biologique. Le biofouling correspond à un accrochage et au développement non souhaité de biofilm sur des surfaces (Flemming, 2002). Ce phénomène peut survenir dans de très nombreuses situations telles que la colonisation de matériels médicaux, des membranes de filtrations, du réseau de distribution d’eau potable, des coques de bateaux… Dans l’exemple d’un réacteur alimenté par des eaux usées industrielles provenant d’une brasserie, la cinétique de formation de biofilm sur du verre est conforme à ce que nous avons décrit précédemment dans la partie « étapes générales de formation du biofilm » (Fernandez et al., 2008). Ainsi, le développement du biofilm peut être décortiqué sur la base d’observations par microscopie électronique au cours du temps. Tout d’abord, des microorganismes séparés colonisent la surface. Après quatre jours d’alimentation en eaux usées, des microcolonies isolées sont observables. Après seulement huit jours, une matrice d’exopolymères est présente autour des microcolonies (Figure 21). 64 Figure 21. Photographies de MEB d’un biofilm se développant sur du verre et alimenté par des eaux usées industrielles provenant d’une brasserie. Grossissement x1000 pour l’ensemble des clichés, sauf pour le temps 60 jours (x200) et pour les petits encadrés (x2000). (D’après Fernandez et al., 2008). Le terme colmatage biologique est généralement utilisé dans les processus impliquant des membranes de filtrations et correspond au fouling induisant des pertes de perméabilité et une diminution du flux traversant les membranes. Les étapes initiales de colmatage biologique de membranes de nanofiltration alimentées par des eaux usées suivent un développement proche mais plus rapide que celui observé ci-dessus par biofouling sur du verre (Ivnitsky et al., 2007). Cette différence peut provenir de conditions de culture différentes ou du processus de filtration en lui même. Au bout de seulement trois jours d’alimentation avec une eau usée provenant d’un campus, un biofilm mature peu compact entouré d’une matrice d’exopolymères est visible (Figure 22). Après sept jours, un biofilm multicouche plus resserré 65 composé de microorganismes variés est observable. Celui-ci est encore plus hétérogène et compact après quatorze jours de fonctionnement. Figure 22. Photographies de MEB d’un biofilm se développant sur des membranes NF et alimenté par des eaux usées en fonction du temps de fonctionnement. (D’après Ivnitsky et al., 2007). Sachant que le colmatage des membranes de nanofiltration provenant d’usines de production d’eau potable est majoritairement provoqué par le développement de biofilms microbiens (Di Martino et al., 2007; Doumeche et al., 2007; Liikanen et al., 2002), la maîtrise du développement de biofilm est un enjeu majeur pour les industriels. Le dépôt de colmatage présent sur des membranes de nanofiltration en fonctionnement depuis cinq ans dans une usine de production d’eau potable est composé principalement de carbohydrates et de protéines (Doumeche et al., 2007). A la surface des membranes, un biofilm mature et structuré est observable. Celui-ci contient des microorganismes et une grande quantité de polysaccharides (Figure 23). Ces observations concordent avec une étude sur des pilotes qui 66 teste différents prétraitements (Speth et al., 2000). En effet, dans la plupart des cas, le dépôt de colmatage présent sur les membranes NF est majoritairement composé de polysaccharides, typiques d’un développement biologique. Figure 23. Interactions entre les lectines fluorescentes et une membrane NF colmatée visualisée en microscopie confocale après triple marquage. (a) DAPI (bleu), lectine AHTRITC (rouge), lectine TV-FITC (vert). (b) DAPI (bleu), lectine BS-TRITC (rouge), lectine CA-FITC (vert). Les flèches blanches indiquent l’orientation du biofilm de la base au sommet. (D’après Doumeche et al., 2007). Dans le cas de colmatages membranaires non biologiques détaillés précédemment, la quantité de dépôt formé peut être réduite par élimination d’une partie des matières colmatantes de l’eau d’alimentation. Mais dans le cas du colmatage biologique, même si une partie des bactéries planctoniques contenues dans l’eau d’alimentation est éliminée, celles qui vont adhérer à la surface des membranes vont croître. Les procédures de nettoyage 67 augmentent l’hétérogénéité du biofilm formé à la surface des membranes NF car leur efficacité n’est que partielle (Di Martino et al., 2007). Le dépôt de colmatage présent à la surface des membranes NF est donc la résultante du développement de biofilm mais aussi du matériel qui n’a pas été décroché lors des différentes étapes de nettoyage. Quelle que soit la méthode utilisée pour le nettoyage, qu’elle soit physique (variation-inversion de flux) ou chimique, la surface des membranes ne peut jamais être complètement débarrassée de l’accumulation de biofilm. Il est donc nécessaire de s’intéresser aux différentes stratégies de lutte existantes pour éliminer ou limiter leur développement et de développer des recherches pour améliorer l’efficacité de la lutte anti-biofilm. III. Exemples de stratégies existantes pour lutter contre les biofilms Pour lutter contre les biofilms, deux grandes stratégies sont envisageables. La première manière de procéder est d’éviter ou de contrôler la formation du biofilm. Elle correspond à la stratégie préventive. La seconde possibilité est de détruire ou de réduire le biofilm pendant ou après sa formation. C’est la stratégie curative. A. Stratégies de prévention Différentes approches peuvent définir la stratégie préventive. Le mode de croissance en biofilm impliquant la colonisation d’une surface, une des solutions est de concevoir des matériaux qui dans l’idéal empêcheraient ou en tout cas réduiraient significativement la quantité de microorganismes vivants adhérents. 1. Matériaux « résistants à la colonisation » Concernant les matériaux, deux paramètres physiques ont une importance primordiale dans l’adhérence et la colonisation bactérienne : la topographie et le caractère hydrophile ou hydrophobe de la surface. L’augmentation de la rugosité de surface de seulement 0,1µm est suffisante pour modifier la force d’attachement des bactéries à la surface d’un matériau (Boyd et al., 2002). Cette simple différence aboutit à une hausse significative de l’accrochage (Taylor et al., 1998). Une surface possède par définition des caractéristiques propres aux 68 matériaux qui la composent. Il est cependant possible de modifier les propriétés initiales d’une surface pour la rendre plus ou moins hydrophobe ou pour lui conférer des propriétés bactéricides. La modification d’une surface peut être obtenue par le biais de traitements physiques ou chimiques, et par greffage ou coating de diverses molécules. Le fait de créer ou de modifier des surfaces permet de faire varier un seul paramètre à la fois et donc de relier les résultats à ce paramètre. Tout ceci ayant comme objectif d’obtenir des matériaux difficilement colonisables par les microorganismes. Les surfaces modèles permettant le contrôle des paramètres de surface sont les monocouches auto-assemblées (self-assembled monolayers SAMs). La formation de SAMs consiste à greffer sur un matériau une monocouche chimique lui conférant les propriétés voulues (Genzer et Efimenko, 2006). Cependant, la technique pour créer les SAMs présente des problèmes. En effet, la limite de cette approche est le non recouvrement total de la surface. La formation de monocouches mécaniquement assemblées (mechanically-assembled monolayers : MAMs) permet d’optimiser le recouvrement de la surface traitée (Genzer et Efimenko, 2006). Selon cette méthode, le matériau est étiré juste avant de déposer la monocouche d’intérêt. Cette étape favorise ainsi la condensation de la monocouche et donc le recouvrement total des couches sous-jacentes et le renforcement des propriétés de surface voulues (figure 24). Figure 24. Représentation shématique des SAMs et des MAMs (b) associée à mouillabilité par angle de contact avec l’eau de ces surfaces (c). (D’après Genzer et Efimenko, 2006). 69 Les techniques de SAMs et MAMs ont permis d’évaluer l’effet de l’hydrophobicité et des charges de surface sur la colonisation bactérienne. Il semble donc que plus une surface est hydrophile, plus elle est résistante au développement bactérien (Tang et al., 2009; Tegoulia et Cooper, 2002). De même, les surfaces chargées négativement sont moins facilement colonisables que les surfaces chargées positivement (Katsikogianni et Missirlis, 2004). Ces critères généraux suggèrent qu’il faut produire un matériau très hydrophile et chargé négativement pour retarder le biofouling. Pourtant il a également été démontré que des surfaces très hydrophobes voir superhydrophobes (angle de contact supérieur à 150°), qui ne permettent pas à l’eau de rester à leur surface, présentent également des propriétés résistantes à la colonisation bactérienne (Genzer et Efimenko, 2006). D’autres études minimisent l’effet de l’hydrophobicité sur la quantité de biofilm formé mais démontrent son influence sur la dynamique de formation et la morphologie du biofilm (Ploux et al., 2007). En effet, les résultats obtenus avec une souche d’E. coli K12 capable de former du biofilm sur des surfaces abiotiques montrent une différence structurale du biofilm en fonction de la surface colonisée. Les bactéries s’arrangent sous forme d’agrégats sur des groupements méthyles hydrophobes (CH3) et sous forme d’une structure analogue à des arbres sur des groupements hydroxyles hydrophiles (NH2) (Figure 25). Figure 25. Morphologies d’un biofilm sur une surface possédant des groupements NH2 et CH3. Les images sont obtenues en microscopie à fluorescence après marquage au SYTO 9. (D’après Ploux et al., 2007). Des recherches sont également menées pour synthétiser des polymères (assemblages de plusieurs monomères reliés par des liaisons covalentes) ou des réseaux de polymères 70 formant de nouveaux matériaux résistants à la colonisation. La nature chimique des monomères utilisés a une influence essentielle sur les propriétés physico-chimiques du matériau. Par exemple l’ajout de fluore sur un polymère de polyuréthane augmente l’hydrophobie de la surface du polymère et modifie l’adhérence des microorganismes (Bakker et al., 2003). L’utilisation d’un copolymère, qui est un polymère issu de plusieurs espèces de monomères différents pouvant allier les propriétés des monomères, est une piste de recherche intéressante. Par exemple un copolymère poly(imide-b-siloxane) montre des propriétés différentes en fonction de la synthèse et du pourcentage de chaque composé dans le matériau (Novák et al., 2008). Grâce à l’incorporation de siloxane dans le polymère d’imide, la surface devient plus hydrophobe, l’angle de contact passant de 76° à 102° pour 30% de poly siloxane. Les réseaux de polymères interpénétrés (RIPs) peuvent également présenter des avantages importants pour maitriser la colonisation bactérienne. Par exemple un RIP constitué de poly(vinylacetate) et de silicate (K. Mori et al., 2006) montre des propriétés d’anti-adhérence très proche de celle des peintures anti-adhérences utilisées (environ 90% de l’activité répulsive des peintures). De nombreux travaux ont été menés en faisant varier les molécules qui seront en contact avec les microorganismes, certaines modifiant comme ci-dessus les propriétés physiques de surface, d’autres possédants des effets bactéricides. La modification de surfaces par coating de peptides (Glinel et al., 2009; Harris et al., 2004), d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (Baveja et al., 2004), de métaux comme les sels d’argent (Johnson et al., 2006) ou d’antibiotiques (Darouiche, 2008) semble prévenir la colonisation bactérienne. Des protéines de muscle de poisson ont également révélées des propriétés anti-biofilm remarquables (Vejborg et Klemm, 2008). Une des principales difficultés rencontrées dans l’élaboration de matériaux résistants à la colonisation est l’impact de ces matériaux sur l’environnement ou sur la santé humaine. Pour illustrer cela, nous pouvons citer le tributylétain, un biocide contenu dans les peintures utilisées pour prévenir la formation de biofilm induisant la corrosion des coques de navires. Celui-ci est interdit depuis le 1er Janvier 2008 car il s’est avéré que son relargage dans les océans est fortement toxique pour les organismes de cet écosystème (Rapport assemblée nationale 2006, http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r3512.asp). 71 Une autre approche envisageable pour maîtriser le développement de biofilm est de réduire de manière sensible les sources nutritionnelles et énergétiques des bactéries. Pour cela, il est nécessaire d’agir sur les quantités de matières organiques biodisponibles présentes dans l’eau. 2. Maîtrise de la matière organique biodisponible Dans le cadre du traitement des eaux de surface pour produire de l’eau potable, l’eau d’alimentation des membranes contient des matières organiques naturelles (Natural organic matter : NOM). Ces matières organiques sont ubiquitaires et proviennent généralement de la décomposition ou de l’humification des organismes animaux et végétaux. Les matières organiques peuvent être classées dans différentes catégories selon leur capacité à être utilisées par les microorganismes (Labanowski, 2004) : la matière organique labile, principalement constituée de composés simples pouvant être utilisés directement par un grand nombre de microorganismes sans le recours à des enzymes spécifiques. Généralement on considère qu’il s’agit de sucres simples, d’acides organiques courts, d’acides aminés, de sucres aminés et de petites protéines. la matière organique lentement dégradable et relativement stable contenant des composés qui nécessitent des enzymes spéciales de décomposition, essentiellement produites soit par quelques microorganismes moins intéressés par des substrats labiles soit par des microorganismes en manque de substrats labiles. Des polysaccharides et d’autres composés dérivés de plantes et de microorganismes constituent entre autre cette fraction. la matière organique récalcitrante qui n’est pas complètement biodégradable, qui s’accumule dans le milieu. Cette fraction consiste en des structures qui ne sont pas facilement rompues par des enzymes, comme des dérivés de lignine ou des composés fortement altérés. Les substances humiques des sols et des milieux aquatiques comme les acides humiques ou fulviques peuvent tout de même être partiellement dégradées lors de réactions enzymatiques et utilisées par des bactéries pour produire de la biomasse (Filip et al., 2000; Hertkorn et al., 2002). L’utilisation des substances humiques est fortement dépendante de leur nature, de celle des microorganismes et des conditions de culture. Les substances humiques aquatiques seraient préférentiellement utilisées comme source d’azote par les microorganismes indigènes. 72 Une corrélation positive a été décrite entre la croissance de bactéries provenant d’une flore naturelle mixte des eaux et la concentration de carbone organique dissout biodégradable (CODB) ou BDOC dans la terminologie anglo-saxonne (Biodegradable dissolved organic carbon) (Volk et al., 1992). Cette corrélation n’est pas avérée pour des souches non indigènes montrant l’importance d’une bonne adaptation des espèces à leur environnement. La mesure de CODB est un paramètre pertinent pour évaluer le potentiel de recroissance bactérienne, meilleur que la mesure du carbone organique total (COT ou TOC : total organic carbon en anglais). Lors du processus de filtration d’eau par nanofiltration, plusieurs prétraitements sont utilisés pour éviter de détériorer les modules membranaires mais également pour réduire le colmatage. Ces procédés sont la coagulation, les préfiltrations sur sable, sur charbon actif ions ou la préfiltration par des techniques membranaires comme l’ultrafiltration. La coagulation a pour but la déstabilisation des colloïdes et leur agglomération ainsi que celle des particules fines en suspension par ajout d’un coagulant. Le plus souvent, ce sont des sels de métal trivalent (fer, aluminium) qui apportent beaucoup de cations. Elle agit également par adsorption sur les substances dissoutes et les grosses molécules organiques hydrophiles en suspension stable. Elle est utilisée pour la clarification, la décoloration, l’agglomération des précipités résultant d’un adoucissement calcosodique, l’amélioration du goût et de l’odeur. L’efficacité de la coagulation pour réduire la matière organique dissoute dans l’eau a été clairement démontrée (Gao et Yue, 2005; Volk et al., 2000). Selon l’optimisation du protocole de coagulation, une diminution du carbone organique dissous (COD ou DOC : Dissolved organic carbon en anglais) de 29 à 43% et du CODB de 30 à 38% est obtenue. Cependant, dans la plupart des cas, la coagulation n’a pas d’effet sur le carbone organique assimilable (COA) correspondant à la fraction de matière organique labile directement utilisable par les microorganismes. Ceci est probablement du au faible poids moléculaire des composés non humiques. Les filtres à sable ou à charbon actif peuvent être utilisés de façon classique lors d’une filtration rapide pour capter les particules. Le filtre à sable permet d’arrêter par filtration les grosses particules comme les algues et les flocs formés par un prétraitement de coagulation. Le filtre à charbon actif repose plus sur sa capacité d’adsorption des microorganismes et des particules. Ces procédés aident à éliminer la couleur, le goût, l'odeur et les autres problèmes liés à la matière organique. Si ces deux types de filtres sont utilisés par filtration lente, ils peuvent également améliorer la purification de l’eau de manière biologique. En effet, des 73 biofilms s’installent sur les grains de sables ou de charbon des filtres et utilisent les molécules organiques et inorganiques contenues dans l’eau pour leur développement (Godart, 2000). Les filtrations sur sable et sur charbon actif réduisent la quantité de NOM dans l’eau d’alimentation d’usines d’eau potable (Bèle et al., 2006). La filtration sur charbon actif est plus efficace que la filtration sur sable concernant le COD et les sous-produits provenant de l’action d’antiseptiques (Kim et Kang, 2008). La préfiltration par ultrafiltration quant à elle permet l’enlèvement partiel des NOM. En effet, sur une eau de surface, ce traitement aboutit à une diminution du COT allant jusqu’à 30% (Bouchard et al., 2003). La combinaison de cette préfiltration avec une étape de coagulation réduit sensiblement les NOM avec des taux de réduction de COT supérieurs à 60%. Comme les microorganismes sont véhiculés par une phase liquide, une autre approche possible est d’agir directement sur la quantité de bactéries dans le liquide. Logiquement, plus la densité bactérienne dans le liquide est faible, plus le nombre de bactéries capables de coloniser la surface sera faible. 3. Maîtrise des populations microbiennes planctoniques La biomasse planctonique résulte de la multiplication des bactéries présentes dans la phase liquide et du décrochage des cellules bactériennes du biofilm. Une des méthodes utilisées pour maîtriser les populations microbiennes est basée sur l’utilisation de biocides. Des biocides fréquemment utilisés pour assainir l’eau sont le chlore (Cl2) ou les dérivés chlorés comme l’acide hypochloreux (HClO), le Dioxyde de chlore (ClO2) ou l’hypochlorite de sodium (NaOCl). Ces composés sont des oxydants qui réagissent avec différentes structures cellulaires affectant ainsi de nombreuses voies métaboliques et physiologiques (Phe et al., 2005). Ils peuvent endommager les membranes bactériennes en modifiant leur perméabilité et inhiber la production d’ATP. Ils oxydent également les liaisons soufrées des enzymes induisant des altérations irréversibles. De plus fortes doses d'oxydant conduisent à la dégradation des acides nucléiques bactériens. Une concentration en chlore comprise entre 1 et 3 mg/L aboutit à une réduction significative (de 1 à plusieurs logs selon les conditions) des bactéries en biofilm (Goeres et al., 2004; Paquin et al., 1992). Le chlore, même à forte concentration, ne détruit pas l’ensemble du biofilm suggérant l’atteinte des couches superficielles mais pas des couches profondes. De plus, l’impact de la chloration est amoindri lorsque le biofilm se développe en régime de flux turbulent (Buckingham-Meyer et al., 2007). 74 Si plusieurs cycles de réduction et d’augmentation de la concentration en chlore sont opérés, il semble que le nombre de bactéries viables est de plus en plus important au cours des cycles (Codony et al., 2005). Cette succession d’épisodes d’arrêt de la chloration réduit la susceptibilité des bactéries au traitement par probable accélération du développement des communautés en biofilm pendant ces périodes. Le chlore et les dérivés chlorés ont une activité antimicrobienne mais leur réaction avec des substances organiques peut former des sous produits de réaction comme les trihalométhanes (THM), les acides acétiques halogénés, les chlorites et les chlorates (Gaid et al., 2006). Ces produits présentent une activité toxique au-delà d’une concentration seuil, et constituent donc un risque pour l’environnement et la santé publique (directive communautaire 98/8/CE du Parlement européen fixant un cadre réglementaire relatif au contrôle de la mise sur le marché des produits biocides). Parallèlement à ces facteurs réglementaires, l’usage de biocides est générateur de surcoûts de production. C’est pourquoi des solutions alternatives ont été et sont toujours recherchées. Un autre biocide fréquemment utilisé pour le traitement de l’eau est l’ozone. C’est un agent oxydant puissant dont le mode d’action se rapproche de celui du chlore. L’ozone perturbe la production d'ATP et induit une mortalité des bactéries par perte du contenu du cytoplasme. Les actions désinfectantes, à l’égard des germes pathogènes, et inactivantes à l’égard des virus, sont obtenues en quelques minutes sous la seule réserve que soit maintenu un résiduel d’ozone suffisant (± 0,4 g/m3). Les taux d’application varient de 1 à 6 g/m 3 (2,5 g/m3 en moyenne), suivant la qualité des eaux et des produits susceptibles d’être attaqués par l’ozone. Les microalgues (et leurs toxines), les protozoaires, les mollusques de petite taille, leurs larves et une grande partie des autres composantes du plancton sont détruits en quelques minutes pour des taux de traitement faibles : 0,5 à 1 g/m3 (résiduel final voisin de zéro). L’ozonation conduit à une destruction des doubles liaisons des composés organiques et les dégrade en forme oxydée plus simple et souvent sous forme de chaîne linéaire, sous laquelle ils sont mieux et plus rapidement assimilables par les microorganismes. L’ozonation transforme donc le COD en CODB (Nishijima, Fahmi et al. 2003) améliorant ainsi leur biodégradabilité. Ceci peut avoir un effet contraire à son action antiseptique. En effet, le CODB représente la fraction directement assimilable par les microorganismes donc un substrat de choix pour la réparation et la croissance cellulaire. Il est donc préférable d’ajouter une étape de chloration à l’ozonation pour conserver ses effets antibactériens. L’ozonation est efficace envers une grande partie des matières humiques, des phénols et des composés 75 précipités contenant du fer et du manganèse. Contrairement à la chloration, son utilisation ne conduit pas à la formation de composés (ozonides) gênants. Dans tous les cas, les odeurs et les goûts désagréables sont éliminés. Toutefois, certains sous-produits de l’ozonation peuvent poser problème. C’est le cas des bromates dont la valeur peut excéder le seuil fixé par diverses réglementations dont celles d’Europe ou des États-Unis (Godart, 2000; Code de la santé publique 2007). La maîtrise des populations bactériennes planctoniques peut également être appréhendée par l’irradiation par des rayonnements ultraviolets (UV) de la phase liquide véhiculant les microorganismes. L’irradiation UV peut avoir deux conséquences majeures sur les microorganismes. Le premier effet connu est l’effet bactéricide qui consiste en l’éclatement direct de la membrane cellulaire du fait de l’irradiation (Gaid et al., 2006). Le second, est l’effet bactériostatique qui se traduit par la modification du capital génétique des microorganismes. En effet, l'absorption de l'énergie des UV par l'ADN entraîne la formation de dimères de thymines adjacentes, ce qui provoque la distorsion de la double hélice (AlAdhami et al., 2007). Cette déformation est normalement reconnue par une nucléase qui dégrade localement la molécule à partir du dimère alors qu'une ADN polymérase la resynthétise sous sa forme normale. Ces enzymes de réparation peuvent cependant faire des erreurs et ainsi être à l'origine de mutations. Plus les enzymes sont sollicitées et plus le risque d'apparition de mutation est important. Ces mutations peuvent engendrer des cellules qui ne peuvent ni se reproduire, ni synthétiser les protéines nécessaires à leur survie. Dans ce cas, les microorganismes sont inactivés. La technologie UV présente plusieurs avantages : il n’y a pas d’ajout de réactif chimique, l’eau ne présente pas de problème de goût ou d’odeur, les UV ne sont pas corrosifs et à une dose de 400 J.m2, l’abattement des parasites tels que Cryptosporidium et des bactéries comme les entérocoques est important (plusieurs logs) (Gaid et al., 2006; Franzin et al., 2002). Cela dit, un prétraitement UV présente des limites. Les UV ne peuvent détruire que ce qu’ils atteignent. Donc si un microorganisme est suspendu à une particule ou si l’eau est trouble à cause d’une forte concentration en matière organique, en ions ferriques ou en ions manganèse, alors celui-ci ne sera pas atteint pas le rayonnement et donc ne sera pas détruit. Il est donc essentiel que la qualité d’eau soit la meilleure possible en amont du traitement UV (Colon et Jhawar 1993). Le paramètre déterminant dans cette qualité d’eau étant une grande transparence ou faible turbidité. La mortalité induite par le rayonnement est dose dépendante 76 mais la dose à appliquer pour atteindre l'inactivation cellulaire est très variable selon le type de microorganismes (Conlon et Jhawar, 1993). En plus du type cellulaire, l’état dans lequel se trouve la bactérie est également primordial pour l’efficacité du traitement UV. En effet l’action d’une dose utile sur les bactéries planctoniques devient mineure lorsque celles-ci s’organisent en biofilm (Lehtola et al., 2005). De plus, même si les microorganismes sont atteints par le rayonnement, une bonne partie de ceux-ci ne meurt pas directement et est capable de réparer les dégâts causés. Donc non seulement, plus la concentration en matière humique est forte plus la bactérie sera protégée contre le rayonnement, mais aussi plus les bactéries non atteintes irréversiblement sont capables de réparer leurs dommages et de survivre (Alkan et al., 2007; Camper, 2004). Ce phénomène est lié à des modifications chimiques de macromolécules humiques lors de l’irradiation UV qui génèrent des nutriments de plus petite taille directement utilisables par les microorganismes, ce qui induirait une augmentation du nombre de bactéries viables (Corin et al., 1998). Enfin il ne faut jamais oublier que l’effet des UV n’est que temporaire, des recontaminations sont possibles. Ainsi, plus on s’éloigne du point d’irradiation, plus la contamination croît (Franzin et al., 2002). Par contre il est possible d’ajouter en aval des UV un traitement chimique contenant un désinfectant tel que les chloramines pour maintenir l’effet bactéricide obtenu par l’irradiation. Cette étape a pour but de limiter la croissance des microorganismes survivants (Mofidi et Linden, 2004). Des différences d'efficacité entre l’irradiation UV et d'autres prétraitements comme la chloration, peuvent être observées. Mais lors de son utilisation conjointe avec un autre prétraitement comme l’oxydation par ozone ou par peroxyde d’hydrogène ou l’ajout de chloramines, l'irradiation UV peut présenter un réel gain d’efficacité (Huang et al., 2001; Mofidi et al., 2000; Mofidi et Linden, 2004). Il existe donc différentes façons de prévenir la colonisation d’un support mais cette prévention n’est jamais totale. De plus, une stratégie préventive risque de sélectionner des microorganismes résistants. Il est donc également nécessaire de mettre en place une stratégie curative basée sur l’identification, le ciblage et la destruction des différents constituants du biofilm au cours de son développement. 77 B. Stratégies curatives Le colmatage des membranes de filtration d’eau conduit à des diminutions sensibles des performances de filtration. Ce dépôt est constitué par le développement d’un biofilm complexe car il est le produit du développement de microorganismes et de leur matrice, mais également du piégeage d’un certain nombre de matières minérales et organiques contenues dans l’eau d’alimentation. Les stratégies curatives visent donc à enlever les différents constituants du dépôt (biofilm et matière inorganique) après sa formation pour permettre à la membrane de retrouver ses capacités de filtration initiales. Selon les spécifications des fournisseurs, les membranes de nanofiltration devraient être nettoyées soit lorsque le flux de perméat chute de 10%, soit quand les concentrations en sels dans le perméat augmentent de 10%, soit quand la perte de charge normalisée (colmatage longitudinal des modules) atteint les 15%. Les intervalles de nettoyage sont dépendants des sites de production pouvant aller de quelques jours à plusieurs mois. Pour éviter l’installation d’un dépôt de colmatage irréversible, il est nécessaire d’effectuer des nettoyages réguliers après un certain temps de fonctionnement, même si les paramètres sont encore dans conformes aux spécifications des fabricants de membranes (AWWA-M46, 1999). Les traitements de type chimique sont les traitements les plus couramment utilisés pour le nettoyage des membranes NF. Le choix de l’agent nettoyant et des conditions de nettoyage doivent dépendre de la nature du dépôt de colmatage mais également de la résistance de la membrane au traitement. Les paramètres classiquement définis pour un nettoyage sont la température, la concentration en solution nettoyante, le pH, la pression, le flux et le temps de contact (Al-Amoudi et Lovitt, 2007; Liikanen, 2006). 1. Traitements chimiques non enzymatiques Les traitements chimiques non enzymatiques peuvent être divisés en plusieurs catégories : les traitements oxydants, les traitements acides, les traitements alcalins, les traitements par des chélateurs d’ions métalliques et enfin les traitements par des agents tensioactifs également appelés surfactants (Al-Amoudi et Lovitt, 2007). Plusieurs études abordent la différence d’efficacité entre ces traitements pour la destruction des microorganismes organisés en biofilm et pour le nettoyage des souillures (Mittelman, 1998; 78 Whittaker et al., 1984). Les traitements chimiques, en modifiant les paramètres chimiques du milieu environnant, induisent le décrochage et ou la mort des microorganismes. Les agents oxydants comme le chlore, le peroxyde d’hydrogène ou l’acide peracétique peuvent être utilisées pour le nettoyage des membranes. L’acide peracétique peut être utilisé sur tout type de membrane (Liikanen, 2006) mais il semble peu efficace. En effet, il n’a aucune action sur un biofilm d’E. coli formé sur du verre (Loukili et al., 2006). Le chlore et le peroxyde d’hydrogène sont des oxydants puissants qui génèrent par leur action sur les polymères organiques un grand nombre de groupements oxygène. Ceci augmente le caractère hydrophile du dépôt colmatant et donc améliore la solubilisation et réduit l’adhésion des matières colmatantes à la membrane (Liu et al., 2000). De plus comme vu dans la partie « maîtrise des populations microbiennes », les oxydants ont une activité biocide. En condition acide, le chlore a un potentiel d’oxydation trop fort qui peut altérer la membrane. En condition alcaline, les matières colmatantes sont moins compactes (Liu et al., 2000). Ceci permet une meilleure accessibilité au chlore et donc une meilleure efficacité de nettoyage. Les traitements alcalins sont généralement efficaces pour réduire la quantité de colloïdes et de matière organique dans les dépôts de colmatage membranaire (Al-Amoudi et Lovitt, 2007). Les traitements alcalins associés à des chélateurs peuvent restituer un flux de filtration proche de celui d’une membrane neuve (Li et Elimelech, 2004; Liikanen et al., 2002). Les traitements alcalins permettent de détruire une bonne partie des souillures biologiques, des matières organiques naturelles et une partie des matières minérales. Les traitements par chélateurs induisent, par la capture d’ions métalliques, le décrochage de matières inorganiques, organiques et biologiques. Les traitements acides présentent une certaine efficacité pour le relargage d’une partie de la matière inorganique fixée aux membranes comme les ions calcium (Gwon et al., 2003). Par contre, les traitements acides ne permettent pas aux membranes de nanofiltration, d’ultrafiltration, et d’osmose inverse, de retrouver un flux aussi important qu’avec des traitements alcalins quelle que soit l’origine du dépôt de colmatage (Liikanen et al., 2002; Madaeni et al., 2001; Paugam et al., 2006). Certaines publications soulèvent le problème de traitements chimiques abusifs qui rendent les membranes plus perméables qu’à leur état vierge (Bohner et Bradley, 1992). Les membranes perdent alors leurs propriétés de rétention caractéristiques et deviennent donc inutilisables (Figure 26). Lors d’une investigation sur les traitements de nettoyage, il est donc indispensable de s’assurer de l’absence d’altération des membranes. 79 Figure 26. Membranes d’ultrafiltration en polysulfone endommagées par des traitements chimiques abusifs. (D’après Bohner et Bradley, 1992). Des traitements moins corrosifs comme les agents tensioactifs (détergents) peuvent être utilisés. Il existe plusieurs catégories d’agents tensioactifs (anioniques, cationiques, zwitterioniques, non ioniques). Le traitement par des tensioactifs anioniques à pH basique montre une bonne efficacité de nettoyage (Mohammadi et al., 2002), tandis que le traitement par des tensioactifs cationiques est peu probant (Lee et al., 2001). Les tensioactifs non ioniques réduisent les quantités de biofilm et de microorganismes vivants mais avec une efficacité moindre (Chen et Stewart, 2000). Les détergents zwitterioniques ne sont pas abordés dans la littérature pour le nettoyage des membranes. 2. Traitements enzymatiques Les traitements enzymatiques utilisent des enzymes qui se fixent spécifiquement à un substrat pour induire une réaction biologique comme un clivage par exemple. D’après la littérature, les préparations nettoyantes à base d’enzymes sont parmi les plus efficaces pour le traitement des souillures de type biologique comme les biofilms (Whittaker et al., 1984). Les avantages des traitements enzymatiques sont leur spécificité pour une cible, les températures optimales d’utilisation n’excédant en général pas 50°C, un pH d’utilisation optimal de l’ordre du pH physiologique, une durée d’action en général assez courte si la concentration en enzyme est optimale (Argüello et al., 2003), le caractère biodégradable des enzymes et leur 80 durée de vie limitée dans un environnement hostile. Ainsi, ces traitements ne dégradent pas les membranes de filtration, et ne nécessitent a priori pas non plus de frais supplémentaires pour le traitement des déchets. Cependant, comme le matériel biologique est complexe et hétérogène, l’utilisation d’un seul type d’enzyme pour le nettoyage est peu efficace. Johansen et collaborateurs (1997) ont ainsi testé différentes enzymes seules ou ensembles contre des biofilms mono spécifiques in vitro dans des conditions de laboratoire. L’enzyme « Pectinex ultra » dégrade la matrice de polysaccharides et décroche des bactéries avec une efficacité variable selon les espèces et n’a pas d’activité bactéricide. La « glucose oxydase » et la « lactopéroxydase » possèdent un effet bactéricide synergique. La « subtilisine A » détient une activité nettoyante envers les protéines, mais pas d’activité bactéricide. Elle inhibe même l’activité bactéricide d’autres enzymes comme la glucose oxydase. La mutanase et la dextranase ont une action synergique pour éliminer le biofilm de la plaque dentaire sans action bactéricide. Ainsi, une solution de nettoyage contenant plusieurs enzymes paraît être plus adaptée au nettoyage du dépôt de colmatage de nanofiltration qui est de par sa composition très hétérogène (Johansen et al., 1997). Celles ci peuvent être utilisées ensemble ou l’une à la suite de l’autre selon que leurs effets soient synergiques ou inhibant. 3. Traitements physiques Certains traitements utilisent des moyens physiques comme des modifications de température, des actions mécaniques (les lavages hydrauliques), des rayonnements (ultra violet), ou des ultrasons pour décrocher ou détruire les souillures de type biologique, minérale ou organique. Les traitements physiques sont rarement utilisés seuls car leur action présente un effet synergique avec un certain nombre de traitements chimiques ou enzymatiques. L’optimisation de la température, du temps de contact et la vitesse du flux appliqués lors du nettoyage chimique contribuent à un meilleur enlèvement du dépôt de colmatage organique (Ang et al., 2006). Pour le décrochage des matières inorganiques, l’efficacité de nettoyage par action hydraulique est faible en comparaison des traitements chimiques (Gwon et al., 2003). Cependant, ce traitement par action hydraulique associé à d’autres traitements peut apporter un gain d’efficacité intéressant. L’utilisation des UV a un effet faible sur les bactéries organisées en biofilm car les exopolymères absorbent une grande partie des rayonnements protégeant ainsi les cellules bactériennes (Elasri et Miller, 1999). La dose habituellement 81 efficace pour détruire des bactéries planctoniques devient ainsi négligeable envers les bactéries organisées en biofilm (Lehtola et al., 2005). Les ultrasons à faible intensité sont efficaces pour détruire les microorganismes mais n’ont pas d’effet sur la structure des biofilms, ils ne déstabilisent pas la matrice d’exopolymères et ne dispersent pas les microorganismes (Qian et al., 1996). Par contre, en associant les ultrasons avec un traitement enzymatique, un effet synergique est observé améliorant ainsi les effets du traitement enzymatique seul pour la destruction du biofilm (Oulahal-Lagsir et al., 2003). Des résultats similaires d’actions synergiques ont été décrits avec des associations ultrasons – agents antimicrobiens (Qian et al., 1996). En résumé, les nettoyages physiques sont intéressants pour l’optimisation des nettoyages mais leur action seule ne permet pas de nettoyer efficacement les membranes de filtration. 4. Protocole de nettoyage Pour être efficace, un protocole de nettoyage doit être une association de différents produits utilisés de manière simultanée ou successive. La température, le pH, la force ionique, la concentration de chacun des produits, leur temps et leur ordre d’application jouent un rôle essentiel dans l’optimisation des procédés de nettoyage (Madaeni et al., 2001). Par ailleurs, des étapes de rinçage avec de l’eau filtrée séparent habituellement deux étapes d’action de solutions nettoyantes. Sur la base des données bibliographiques, les pistes de recherche les plus intéressantes pour l’amélioration des procédures de nettoyage de membranes de nanofiltration sont l’utilisation d’un chélateur pour éliminer les matières organiques naturelles (NOM) et les matières inorganiques (ions métalliques) puis une association entre un traitement multienzymatique et un tensioactif pour les microorganismes associés en biofilm (Al-Amoudi et Lovitt, 2007). Il est également important de déterminer l’efficacité des traitements alcalins et acides. La nature exacte et l’ordre des traitements font partie de la mise au point du protocole de nettoyage. L’utilisation de ces traitements chimiques en association avec un traitement aux ultrasons peut être envisagée pour augmenter l’efficacité de nettoyage. Toutes ces données bibliographiques ont été obtenues dans différents laboratoires, dans des domaines variés (industrie de production d’eau, industrie agroalimentaire, milieu médical, recherche académique…), dans des conditions expérimentales très différentes (biofilms sur acier inoxydable, sur plastique, sur membranes, utilisation de procédés différents 82 de filtration : ultrafiltration, osmose inverse, nanofiltration, différence de qualité de l’eau en terme chimique et microbiologique induisant des différences de proportion, des variations spatio-temporelles des matières organiques et inorganiques des dépôts…). Un protocole de nettoyage doit être spécialement adapté à un cas particulier car il doit prendre en compte les impératifs de production industrielle (rythme de production, coût) et la nature exacte du dépôt de colmatage. Dans le cas de notre étude, il était donc indispensable de déterminer dans un premier temps avec précision la nature ainsi que la cinétique de formation du dépôt de colmatage dans l’usine de Méry-sur-Oise. Dans un second temps, il fallait tester différents traitements adaptés à la nature de ce dépôt. 83 Matériel et Méthodes 84 I. Matériel et installations mises en œuvre pour les études A. Le matériel d’étude 1. Pilote intégré à l’usine de Méry-sur-Oise L’usine de Méry-sur-Oise située dans le nord de la banlieue parisienne produit de l’eau potable à partir de la rivière Oise. Cette usine possède deux filières principales : la filière membranaire (Figure 27) et la filière biologique qui produisent respectivement environ 130 000 et 50 000 m3 d’eau par jour (Cyna et al., 2002). L’eau de l’Oise est une eau riche en matière organique qui doit subir plusieurs étapes de prétraitements avant d’arriver sur les membranes de nanofiltration. Ces prétraitements sont la coagulation, la floculation, l’ozonation, la filtration. Figure 27. Photographie de la filière membranaire de l’usine de Mery sur Oise. La filière membranaire est composée de 8 files, elles mêmes constituées de 3 étages. L’eau d’alimentation provenant de l’Oise subit les étapes de prétraitements et arrive sur les membranes NF de l’étage 1. Une partie de cette eau va être nanofiltrée (le perméat ou filtrat) 85 et va subir une irradiation UV avant de se diriger vers le système de distribution. L’autre partie non filtrée (rétentat ou concentrat) va servir à alimenter l’étage suivant et ainsi de suite. La filière membranaire de l’usine possède un pilote intégré au système de production. Le fonctionnement de ce pilote participe à la production de l’usine mais il peut en être déconnecté. Ce pilote permet de suivre le colmatage de membranes, de tester différents types de membranes et de faire des essais de nettoyages autres que ceux couramment pratiqués sur l’usine sans trop perturber le fonctionnement de celle-ci. Le pilote intégré est composé de 3 étages comme le reste des installations de nanofiltration de l’usine (Figure 29). Chaque étage comprend un certain nombre de tubes de pression contenant chacun 6 modules de nanofiltration. Le module de nanofiltration est un dispositif compact composé d’un carter rigide contenant la membrane NF enroulée et la base des unités de nanofiltration (Figure 28). Les modules utilisés sont des modules spiralés de 8 pouces composés de feuillets de membranes NF planes enroulées en alternance avec des grilles d’espacements grossières autour d’un tube collecteur de perméat (Figure 28). Ces grilles servent à accroitre le niveau de turbidité admissible par les membranes. Figure 28. Photographies d’un module de filtration rigide (a), d’un module de filtration déroulé après autopsie (b) et d’un morceau de membrane neuve recouverte d’une grille d’espacement (c). Les feuillets de membrane NF sont bien visibles (b). 86 Le pilote intégré est constitué de 4 tubes de pression au 1er étage, 2 tubes au 2éme étage et 1 tube au 3ème étage (Figure 29). Les tubes du pilote sont isolés du reste de la file en phase de production d’eau potable et raccordés au reste de la file en phase de régénération (nettoyages usine). Le débit d’alimentation des modules de l’étage 1 est de 35 m3/h. Figure 29. Schéma du pilote de nanofiltration de Mery sur Oise contenant des modules filtrants. 2. Pilote de nanofiltration indépendant Ces pilotes dits indépendants ont été conçus et réalisés par la direction technique banlieue de Paris de Véolia eau. Ce type de pilote n’est pas intégré à une usine de production d’eau potable. Il est constitué d’un tube de pression, de pompes qui régulent le débit et d’un système automatisé d’acquisition de données (Figure 30). 87 Figure 30. Photographie d’un pilote indépendant. Deux pilotes sont alimentés en parallèle par la même eau d’alimentation ou par deux eaux de qualité différentes. Le tube de pression de chaque pilote contient un module spiralé de 4 pouces. Une boucle de recirculation est présente sur chaque pilote et permet d’enrichir l’eau d’alimentation avec du concentrat pour mimer ce qui se passe entre deux étages d’une usine comme Méry-sur-Oise et accélérer le phénomène de colmatage malgré la présence d’un module unique (Figure 31). En amont des pilotes, l’eau d’alimentation subit des prétraitements classiques pour un système de filtration d’eau consistant à neutraliser le pH, ajouter des anticoagulants et réaliser une double filtration sur cartouche (seuils de coupure : 10 et 5µm). Dans certaines études, un prétraitement par filtration sur sable, sur charbons actifs en grain et ozonation ou une irradiation UV peuvent être réalisés. 88 Figure 31. Schéma d’un pilote de nanofiltration indépendant. Le facteur de concentration défini comme le ratio du flux initial alimentant la membrane sur le flux de la boucle de recirculation est fixé à 1,4. L’eau d’alimentation possède un débit de 2 m3/h. Ces caractéristiques sont identiques pour les 3 études réalisées sur ce type de pilote. La première étude réalisée sur ce type de pilote compare le biocolmatage des membranes en fonction de la teneur en carbone organique biodisponible (CODB) de l’eau d’alimentation. Les teneurs différentes en CODB sont générées par deux types de préfiltration : une des eaux est préfiltrée sur sable et l’autre est préfiltrée sur charbon actif en grains et subi un processus d’ozonation. Les deux études suivantes réalisées avec ces pilotes ont appréhendé l’impact de l’irradiation de l’eau d’alimentation par des ultraviolets sur le biocolmatage membranaire. Au sein de chacune de ces études, deux pilotes sont alimentés en parallèle par la même qualité d’eau mis à par l’irradiation. Pour l’une des études, l’eau est préfiltrée sur sable et pour l’autre préfiltrée sur charbon actif/ozonation. Un pilote sert de témoin et l’autre est équipé en amont de la filtration par cartouche d’une lampe UV. Cette lampe UV basse pression (Abiotec, Clamart, France) possède une longueur d’arc de 1045 mm, une puissance totale de 205 Watts et une puissance émise à 254 nm de 60 W. 89 3. Autopsie des membranes Les pilotes de nanofiltration ont été équipés à chaque nouvelle étude de modules de filtration contenant des membranes NF200 (DOW). Ces membranes sont composées de plusieurs couches : un support de polyester macroporeux possédant une grande résistance mécanique, une couche intermédiaire de polysulfone assurant la liaison entre le support et la couche dite active, et une couche active en surface de polypyperazine qui réalise la séparation à proprement parlé (Figure 32). Figure 32. Schéma de la composition d’une membrane NF. (D’après « Les cahiers du CFM », Guizard, 2000). Les membranes NF200 neuves possèdent une charge négative globale élevée, un seuil de coupure faible (360 Da), une faible hydrophobicité et une faible rugosité de surface (Bellona et Drewes, 2005; Her et al., 2000; Marconnet et al., 2009) . Toutes ces caractéristiques servent notamment à empêcher la fixation des matières organiques naturelles hydrophobes par des phénomènes de répulsion électrostatique et d’exclusion stérique. Les modules de filtration contenant les membranes sont extraits après différents temps de fonctionnement selon les études. Pour l’étude cinétique du développement de biofilm, les modules de filtration sont extraits après 7, 80, 475 et 717 jours de fonctionnement. Pour effectuer une comparaison du dernier point de la cinétique avec une membrane en fonctionnement depuis de nombreuses années, un module ayant fonctionné au sein de l’usine pendant 7 ans est également utilisé. Pour l’étude évaluant la formation du biofilm en fonction 90 de la concentration de l’eau d’alimentation en matières organiques dissoutes, l’extraction a lieu après 20 semaines de fonctionnement. Pour les études estimant l’action de l’irradiation UV sur le biocolmatage des membranes, les extractions ont respectivement lieu au bout de 10 semaines pour l’étude dont l’eau d’alimentation est préfiltrée sur sable et de 20 semaines pour l’étude dont l’eau d’alimentation est préfiltrée sur charbon actif et ozonée. L’ensemble des techniques analytiques et des nettoyages in vitro sont pratiqués sur des échantillons de coupons membranaires découpés à partir de feuillets déroulés d’un module extrait. Ces coupons ont une surface variable et sont traités différemment selon la technique d’analyse utilisée comme décrit ultérieurement. B. Les processus de nettoyage 1. Nettoyage in vitro des membranes Après autopsie des membranes, des coupons d’une surface d’environ 1 cm2 sont découpés pour effectuer les nettoyages in vitro. Une fois les traitements de nettoyage effectués, les coupons sont préparés selon la méthode d’analyse choisie (description ci après). 3 protocoles de nettoyage in vitro en bain statique sont appliqués (Figure 33). Figure 33. Protocole expérimental des 3 essais de nettoyages in vitro. UP, ultrapure. L’eau UP est une eau bi-distillé de qualité 18 MΩ. Cadre rouge : application d'un principe actif différent entre les protocoles de nettoyage. 91 Ces nettoyages sont identiques pour l’ensemble des étapes hormis une étape d’application d’un principe actif différent (encadré sur la Figure 33). Les 3 types de traitements appliqués sont : Le traitement alcalin (Ultrasil 110, Ecolab) qui sera qualifié de traitement chimique (TC). Les composants principaux de l’Ultrasil 110 sont l’éthylène diamine tétraacétique (EDTA), l’hydroxyde de sodium et le Sodium Dodecyl Sulfate (SDS). L’EDTA est un chélateur de cations métalliques qui déstructure fortement les réseaux contenant des cations comme le calcium. Le SDS est un détergent anionique très polaire qui solubilise la grande majorité des protéines membranaires. L’hydroxyde de sodium induit une augmentation de pH qui déstabilise les membranes cellulaires et dénature les protéines. Ce dernier renforce donc l’effet du SDS. Le traitement contenant une protéase (Ultrasil 67-69, Ecolab) qualifié de traitement anti-protéique (TAP). Les principaux principes actifs de l’Ultrasil 6769 sont la subtilisine et le carbonate de sodium. La subtilisine est une sérine protéase bactérienne (endopeptidase) capable de cliver les protéines en condition alcaline. Le carbonate de sodium provoque une alcalinisation du milieu et agi par déstabilisation des membranes cellulaires. Le traitement alliant l’action de la même protéase (Ultrasil 67-69) et d’enzymes dirigées contre les polysaccharides. Ce traitement sera nommé traitement multienzymatique (TME). Le TME contient de la β-galactosidase (Sigma, Saint Quentin Fallavier, France), et un mélange qualifié de pectinase contenant une activité polygalacturonase et en plus faible proportion des activités cellulases hydrolysant respectivement les liaisons entre 2 galactoses en beta, en alpha-1 et 4 de l’acide galacturonique et les polymères du glucose (Sigma, Saint Quentin Fallavier, France). 2. Nettoyage des membranes sur pilote Des nettoyages sont également effectués pour l’étude sur le vieillissement du dépôt de colmatage (stockage des membranes). Ces tests de nettoyage et perméabilité membranaires associés sont réalisés sur un pilote membrane plane (Osmonics, Minnetonka, Etats Unis). Pour cela, des échantillons de membrane en fonctionnement depuis plusieurs années sont 92 découpés. Ces coupons ont une surface de 16.5 cm × 16.5 cm sont directement placés dans le pilote pour subir les tests. Le nettoyage consiste à utiliser une solution enzymatique alcaline suivie d’une solution acide (Ecolab, Issy les Moulineaux, France). Entre ces deux étapes, les coupons de membrane sont rincés avec de l’eau ultrapure en condition dynamique. L’efficacité de nettoyage a été évaluée pour les paramètres membranaires par filtration d’une solution synthétique de MgSO4 dans des conditions standards (25°C, 70 psi). Ces mesures sont répétées 3 fois. Pour l’enlèvement du biofilm, un coupon de 16,5 x 16,5 cm a été découpé en plus petits morceaux et suit le protocole classique de préparation des échantillons analysé par ATR-FTIR. II. Les techniques d’analyse A. Les techniques d’imagerie 1. Microscopie à épifluorescence a. Principe Une molécule fluorescente (fluorochrome ou fluorophore) possède la propriété d'absorber de l'énergie lumineuse (lumière d'excitation) et de la restituer rapidement (moins d’une nanoseconde) sous forme de lumière fluorescente (lumière d'émission). L'absorption d'une partie de l'énergie par d'autres molécules du milieu et une perte sous forme de chaleur, conduit à une énergie de lumière réémise plus faible que celle qui a été absorbée. Ceci se traduit par une augmentation de la longueur d'onde donc un déplacement du spectre d'émission vers des longueurs d'onde plus élevées (loi de Stokes). Ce phénomène permet la séparation et la détection de la lumière de fluorescence émise par le fluorochrome excité. Le microscope à épifluorescence utilisé est le modèle DMLB (Leica, Nanterre, France). Il est équipé de deux lampes, une lampe ordinaire pour une observation classique par transmission et une lampe à arc pour la fluorescence. Des filtres d'excitation permettent de choisir la longueur d'onde incidente et des filtres d'émission (ou d'arrêt) permettent de sélectionner les radiations émises par l'objet excité. Un microscope équipé en épifluorescence est pourvu de plusieurs jeux de filtres correspondant aux fluorochromes les plus habituellement utilisés : rhodamine, fluorescéine et Diamino-4’,6-phénylindol93 2dichlorhydrate (DAPI) qui émettent respectivement dans le rouge, le vert et le bleu (Tableau 2). Fluorochrome utilisé Longueur d'onde d'excitation (nm) Longueur d'onde d'émission (nm) FITC 494 520 340 488 364 (complexé à l'ADN) 454 (complexé à l'ADN) 550 570 DAPI TRIC Tableau 2. Longueurs d’ondes d’excitation et d’émission des fluorophores utilisés. b. Application Après autopsie des modules, des coupons de membrane d’environ 1cm2 sont prélevés. Les coupons sont ensuite fixés avec du paraformaldéhyde (PFA) à 4% dans de l’eau distillée stérile. Après fixation, les coupons sont rincés 2 fois à l’eau distillée stérile, incubés 20 minutes à température ambiante dans l’obscurité en présence de deux solutions de lectines différentes couplées à des fluorophores (100 µg/mL en eau stérile pour chaque lectine). Une solution de lectine couplée avec du Tetramethyl Rhodamine Iso Thio Cyanate (TRITC) est mélangée avec une solution de lectine couplée avec de l’Isothiocyanate de Fluoresceine (FITC). Six motifs saccharidiques sont marqués par six lectines fluorescentes (Sigma, Saint Quentin Fallavier, France) (Tableau 3). 94 Tableau 3. Description de l’association entre les lectines utilisées et les motifs marqués. Les coupons sont ensuite lavés à deux reprises avec de l’eau distillée stérile et incubés 20 minutes à température ambiante à l’abri de la lumière dans une solution de DAPI à une concentration de 1 µg/ml (Sigma, Saint Quentin Fallavier, France). Les coupons sont de nouveau rincés deux fois à l’eau distillée stérile et fixés entre lames et lamelles avec du Mowiol (Calbiochem, Meudon, France). Après une nuit de séchage à température ambiante, les montages sont ensuite conservés à l’obscurité à 4°C. 2. Microscopie confocale à balayage laser a. Principe Les images en microscopie à fluorescence classique ont une perte de résolution de l’image due à l’excitation des fluorochromes se situant hors du plan focal. En effet les fluorochromes sont excités par la lumière sur toute l’épaisseur de la préparation, ce qui se traduit par une image contaminée par un bruit de fond. L’objectif de la microscopie confocale à balayage laser (MCBL) ou CLSM en terminologie anglo-saxonne (Confocal Laser Scanning Microscopy) est d’éliminer la lumière provenant des plans défocalisés qui parasitent le plan focal. Le CLSM est donc une adaptation du microscope à fluorescence conventionnel dans 95 laquelle la source lumineuse et le détecteur sont réduits aux dimensions d’un point, à l’aide de diaphragmes de quelques micromètres, situés en position confocale (Figure 34). Figure 34. Principe de confocalité, source et détecteur sont deux points conjugués. (D'après http://www.techno-science.net). L’excitation des fluorochromes se fait par un laser qui est une source lumineuse monochromatique dont le faisceau ne fait que quelques dixièmes de millimètres de diamètre. Les lasers les plus couramment utilisés sont les lasers argon/krypton (488 nm et 568 nm) et hélium néon (633 nm). La préparation va être balayée par le laser point par point suivant l’axe des X et l’axe des Y grâce à des miroirs (Figure 35). La fluorescence est ré-émise dans les trois dimensions et dans les différents plans. Un pinhole (trou d'épingle) est présent à l’entrée du photodétecteur pour ne récupérer que les photons provenant du point illuminé. Les photons de fluorescence vont être captés par le photodétecteur pour être amplifiés et transformés en signal électrique dont l’intensité est proportionnelle au nombre de photons reçus. Ce signal électrique va ensuite être numérisé en un niveau de gris. Ainsi, point par point, une image 2D est reconstituée. La platine porte objet peut être déplacée selon un troisième axe z (Figure 35). En définissant un pas constant Δz, plusieurs images en XY peuvent être enregistrées. Puis l’ensemble est assemblé par traitement du signal pour donner une image en 3 dimensions (xyz). Une des caractéristiques principales de cet appareil est donc de fournir une représentation en volume de l’objet sans avoir à le couper en tranches fines. Cependant, le faisceau laser doit pénétrer la matière et des pertes de lumière se produisent sur les trajets aller-retour. Par conséquent, l’épaisseur de la partie explorée de l’objet est limitée par son degré de transparence. En pratique, l’épaisseur est comprise entre 10 et 100 µm, quelque fois 200 µm. 96 Figure 35. Schéma d’un microscope confocal. (D'après http://www.techno-science.net). b. Application Les échantillons sont préparés de la même manière que pour le microscope à épifluorescence. Le microscope confocal utilisé est de type Leica SP2 (Leica microsystems, Reuil-Malmaison, France). Le DAPI est excité à 405 nm et observé entre 410 et 500 nm. Le FITC est excité à 488 nm et observé entre 505 et 540 nm. Le TRITC est excité à 543 nm et observé entre 560 et 600 nm. La sélection des fenêtres d’émission spectrale est obtenue par analyse de la longueur d’onde par mono-marquage de coupons de membrane. Les paramètres d’acquisition des données en microscopie confocale sont adaptés à l’observation directe en épifluorescence. Les images (1024 x 1024 pixels) sont acquises en mode séquentiel entre plan, pour éviter les signaux parasites. Une vitesse d’acquisition de 400 Hz est appliquée. Les données acquises en confocale à l’aide du logiciel LCS (Leica confocal softaware) sont transférés au logiciel Imaris 6.0 (Bitplane, AG, Zurich) pour obtenir une photographie qui assemble les données des différents plans et qui donne également les projections selon des axes XY et XZ. Pour l’analyse quantitative volumique des signaux fluorescents en microscopie confocale, les lots de lectines utilisés et les paramètres d’acquisition et de traitement du signal 97 sont identiques pour tous les échantillons d’une même étude. La période d’acquisition des données est également réduite un maximum pour éviter les pertes de puissances des lasers qui se produisent au cours du temps. Tout ceci permet de s’assurer de la validité de comparaison des résultats. Les images (512 x 512 pixels) sont modélisées à l’aide du logiciel Imaris 6.0 (Bitplane, AG, Zurich) pour obtenir des modélisations en 3 dimensions. Ces modélisations volumiques permettent d’accéder au volume de chaque fluorophore à partir des données acquises en microscopie confocale. 3. Microscopie électronique à balayage a. Principe La microscopie électronique à balayage (MEB) ou « Scanning Electron Microscopy en terminologie anglo-saxonne (SEM) est une technique d’observation de la topographie des surfaces. Elle est fondée principalement sur la détection des électrons secondaires émergents de la surface sous l’impact d’un très fin pinceau d’électrons primaires qui balaye la surface observée et permet d’obtenir des images avec un pouvoir séparateur souvent inférieur à 5 nm et une grande profondeur de champ. Elle utilise, en complément, les autres interactions des électrons primaires avec l’échantillon : émergence des électrons rétrodiffusés, absorption des électrons primaires, ainsi que l’émission de photons X et parfois celle de photons proches du visible. Chacune de ces interactions est significative de la topographie et/ou de la composition de la surface (Figure 36). 98 Figure 36. Principales émissions électroniques et électromagnétiques dues aux interactions d’un faisceau d’électrons avec un échantillon. b. Application Des coupons de 1 cm² sont découpés des membranes NF après autopsie. Les échantillons sont fixés avec une solution de cacodylate 0,1 M et de glutaraldéhyde 2% (m/v) et rincés 3 fois dans un bain de 10 min avec une solution de cacodylate 0,2 M. Ils sont ensuite déshydratés par des bains successifs de 10 min dans des solutions d’éthanol de concentration croissante (30%, 50%, 80% et 100%). Les échantillons sont enfin séchés pendant 2 h dans une étuve à 37°C, placés sur les supports adaptés, métallisés avec de l’or-palladium puis observés au microscope électronique à balayage (ZEISS EVO 40 EP). 99 B. Les techniques biochimiques et physicochimiques 1. Analyse du dépôt de colmatage par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier en mode de réflexion totale atténuée (ATR-FTIR) a. Principe La spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier en mode réflexion totale atténuée (ATR- FTIR) est une technique basée sur l'absorption d'un rayonnement infrarouge par le matériau analysé. Elle permet de déterminer les fonctions chimiques d’un matériau par détection des vibrations caractéristiques des liaisons chimiques du matériau en question. Le concept de la spectroscopie en réflexion interne provient du fait que l’onde, se propageant dans un milieu optique dense d’indice de réfraction n1 (le cristal ATR), subit une réflexion interne totale à l’interface formée avec un milieu adjacent au premier, mais ayant un indice de réfraction plus faible n2 (gaz ou liquide). Cette onde formée à l’interface est appelée onde évanescente. Lorsque l’énergie (longueur d’onde) apportée par le faisceau lumineux est voisine de l'énergie de vibration de la molécule, cette dernière absorbe le rayonnement et une diminution de l'intensité réfléchie diminue. Cependant, à chaque réflexion, l’absorption est faible. C’est pourquoi, afin d’amplifier au maximum le signal, certains cristaux ATR sont multi-réflexions, c’est-à-dire que le faisceau laser se réfléchit un grand nombre de fois à la surface, multipliant ainsi le nombre d’ondes évanescentes générées (Figure 37). Figure 37. Principe d’un cristal http://chemgroups.ucdavis.edu/~land/ATR.html). ATR multi-réflexions. (D’après 100 Le domaine infrarouge, situé entre 4000 cm-1 et 400 cm-1 (longueurs d’onde comprises entre 2,5 et 25 μm), correspond au domaine d'énergie de vibration des molécules. Toutes les vibrations ne donnent pas lieu à une absorption, cela va dépendre aussi de la géométrie de la molécule et en particulier de sa symétrie. En effet, il existe différents modes vibrationnels, symétriques ou asymétriques : les élongations (étirements) ν et les déformations δ, dans le plan ou hors du plan (Figure 38). Figure 38. Type de vibrations des molécules soumises à une longueur d’onde: élongations symétriques (a, b) et asymétriques (c, d), déformations, dans le plan, symétriques (e, f) et asymétriques (g, h) et déformations, hors du plan, symétriques (i, j) et asymétriques (k, l). La position des bandes d'absorption dépend en particulier de la masse des atomes ainsi que de la différence d'électronégativité entre ces atomes. Ainsi, pour un matériau de composition chimique et de structure données, correspond un ensemble de bandes d'absorption caractéristiques permettant d'identifier le matériau. Suite à la réception du signal par un détecteur, la signature de l'intensité en fonction de la position du miroir est convertie en un spectre infrarouge par une opération mathématique appelée transformée de Fourier. Ce spectre est la moyenne de nombreux signaux obtenus 101 après avoir effectué plusieurs acquisitions (scans) de l’échantillon. Le nombre de scans est ici de 32. Les informations obtenues à partir des spectres peuvent être qualitatives et quantitatives. D’un point de vue qualitatif, les longueurs d'onde auxquelles l'échantillon absorbe sont caractéristiques des groupements chimiques présents dans le matériau analysé. Les spectres obtenus sont donc spécifiques de ce matériau. Des tables permettent d'attribuer les absorptions aux différents groupements chimiques présents (Annexe 1). Un même groupement peut donner lieu à plusieurs types de vibrations (élongations ou déformations, symétriques ou asymétriques) et donc, à des absorptions à différentes fréquences, ou nombres d’onde. D’un point de vue quantitatif, l'intensité de l'absorption à la longueur d'onde caractéristique est reliée à la concentration du groupement chimique responsable de l'absorption. En mesurant l'aire du signal caractéristique, il est possible de comparer la proportion d'un groupement chimique donné par rapport à un autre. Dans ce cas, les informations obtenues sont semi-quantitatives. D’un point de vue pratique ces travaux de thèse s’intéressent à la formation de biofilm à la surface des membranes NF. La membrane NF 200 possède un spectre spécifique aux groupements qui la composent (Figure 39, Annexe 2). Les groupements polysulfones de la membrane fournissent notamment des signaux autour de 1110 cm-1 (double liaison des cycles aromatiques), 1016 cm-1 (groupements Ether) et 1151 cm-1 (groupements sulfones) qui se trouve dans la même zone que les signaux de biofilm (Doumeche et al., 2007; Her et al., 2000). En effet, un massif entre 900 et 1200 cm-1 correspond principalement à des signaux révélant la présence de polysaccharides et d’acides nucléiques (ADN-ARN) ce qui rend la comparaison des aires délicate. 102 Figure 39. Spectres IR d’une membrane NF neuve (a) et d’une membrane après plusieurs années de fonctionnement (b). Les flèches verte (≈ 1650 cm-1) et bleue (≈ 1550 cm-1) désignent respectivement la bande Amide I et Amide II toutes deux caractéristiques des protéines. La flèche rouge montre un pic à 1040 cm-1 généralement majoritaire du massif entre 900 et 1200 cm-1 représentant la matrice d’exopolysaccharides et le flèche noire indique le pic de sulfones autour de 700 cm-1 qui est un des pics de référence de la membrane NF. Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. Il est décidé de mesurer la hauteur des pics de biofilm pour évaluer la concentration relative de ceux-ci. La présence d’une couche de biofilm s’accompagne d’une diminution des signaux de membrane. Donc le fait de faire un rapport de hauteur entre les signaux de biofilm et les signaux de membrane donnera une double indication sur l’évolution de la concentration relative des constituants du biofilm mais aussi sur le recouvrement de la membrane par ce biofilm. Ces rapports de hauteurs de pics sont nommés « valeurs relatives de signaux IR ». Les pics choisis pour les protéines et les polysaccharides sont respectivement les pics autour de 1650 cm-1 et 1040 cm-1 (pics majoritaires du biocolmatage des membranes en fonctionnement depuis plusieurs années : Figure 39, Annexe 2). Pour la membrane, c’est le pic des sulfones autour de 700 cm-1 qui est utilisé (pic hors des signaux de biocolmatage et toujours visible lorsque les membranes sont fortement colmatées : Figure 39, Annexe 2). L’évaluation de ces valeurs relatives (1650 cm-1 / 700 cm-1, 1040 cm-1 / 700cm-1) représente un compromis pour l’évaluation semi-quantitative du biocolmatage des membranes. Pour confirmer les résultats obtenus avec les valeurs relatives des signaux amide I, les valeurs relatives de la bande amide II (1550 cm-1 / 700cm-1) également caractéristiques des protéines ont été calculées (Annexe 5 bis). 103 b. Application Des coupons de membranes d’une surface d’environ 1 cm2 sont découpés et séchés à l’air à une température de 40°C. En effet, l'eau absorbe fortement à 1640 cm-1 (Chittur, 1998) correspondant aux vibrations de déformation de la liaison OH. Elle peut donc représenter un signal parasite pour la bande amide I des protéines dont le maximum d'absorption est autour de 1650 cm-1. Pour résoudre ce problème, plusieurs solutions peuvent être envisagées: Le degré d'hydratation du biofilm et du support n’est pas maîtrisé, et d’ailleurs n’est pas maîtrisable. Il parait donc difficile de déterminer quelle quantité de signal liée à l’eau il faut exactement soustraire car la teneur en eau des échantillons n’est pas quantifiable. Il aurait été possible de deuterer les échantillons pour remplacer l'eau. Cependant, le temps de contact pour remplacer toute l'eau par du D2O n'est pas connu et les effets de l'évolution du biofilm ou de son décrochage à la surface de la membrane par cette opération sont également un facteur qui n'est pas maîtrisé. La solution choisie a été de sécher le dépôt de colmatage à l'air dans une étuve à une température de 40°C. Cette méthode présente également des désavantages car l'ensemble de l'eau ne peut être complètement retiré. En effet, le biofilm est un matériau très hydraté, l'eau libre doit s'évaporer rapidement, mais il est difficile d'évaluer le devenir de l'eau liée. Cependant, la méthode par séchage est simple et permet de conserver sur les coupons toute la matière présente initialement fournissant des avantages non négligeables comparée aux autres méthodes. De plus, plus le biofilm est abondant, plus la quantité d'eau résiduelle après séchage doit être importante donc même si cette eau apporte un biais, elle oriente tout de même l'analyse dans le bon sens. Le séchage peut également apporter des légers décalages des bandes représentatives du biofilm, mais les valeurs pour les calculs semi-quantitatifs ont toujours été relevées au maximum d'absorption. Donc parmi les 3 méthodes potentielles, c'est celle ci qui a été retenue car c'est celle dont les biais sont les moins gênants. Les coupons de membrane séchés sont placés tels quels sur le cristal et compressés avec une force toujours identique pour obtenir un contact équivalent entre tous les échantillons et la surface du cristal. Le spectromètre utilisé est un modèle Tensor 27 de marque Brucker. Ce spectromètre est équipé d’un cristal ZnSe avec un faisceau laser 104 pénétrant l'échantillon sur une épaisseur d'environ 1 µm avec un angle de 45°. L’acquisition des spectres s’effectue à l’interface solide-air à température ambiante (20 ± 2°C). Les spectres sont collectés à une résolution de 2 cm-1. Chaque spectre obtenu est une moyenne de 32 scans et est enregistré sous le logiciel OPUS. Les spectres sont analysés entre 2000 et 600 cm-1 car les signaux d’intérêts se trouvent dans cette gamme. Enfin, pour chaque spectre, une ligne de base est effectuée pour ne garder que les signaux spécifiques à l’échantillon analysé. Selon les études, le nombre de coupons et donc de spectres obtenus sont différents. Les graphiques présentés pour l’étude sur l’influence des matières organiques dissoutes et pour les points J7 et J80 de l’étude cinétique sont l’accumulation de 5 spectres donc 5 endroits différents de la membrane. Le nombre de spectres récoltés lors de ces études ayant montré un manque de significativité statistique pour l’analyse semi-quantitative (valeurs relatives), il a été décidé d’augmenter le nombre d’acquisitions. Ainsi, tous les graphiques présentés pour les autres temps de la cinétique et toutes les autres études ultérieures sont l’accumulation d’au moins 15 spectres réalisés en des points différents de la membrane. 2. Mesure de l’activité du biofilm par ATPmètrie a. Principe La concentration en adénosine triphosphate (ATP) a été déterminée par luminescence à l’aide du test luciférine-luciférase. Le test est basé sur la capacité de production de lumière par la luciférase suite à la transformation de son substrat, la luciférine qui dépend directement de la présence d’ATP. La réaction s’établissant est la suivante : Luciférine + ATP + 02 Mg2+ Luciférase oxyluciférine + AMP + pyrophosphate + C02 + photons La quantité de photons ainsi émise est proportionnelle à la quantité d’ATP présente dans l’échantillon analysé. L’intensité de lumière émise est mesurée à l’aide d’un luminomètre qui comporte une chambre à échantillon, un détecteur, un processeur qui traite le signal reçu et une sortie permettant de lire les résultats. La lumière peut être quantifiée et son intensité peut être exprimée en nombre de photons. La longueur d'onde de ces photons se situe généralement entre 400 et 700 nm. On note également la présence d’un tube 105 photomultiplicateur qui va "multiplier" les photons à l'aide de plusieurs dynodes afin que les photons émis en faible quantité par un échantillon biologique soient mesurables par le détecteur. b. Application Des coupons de membrane avec une surface de 9,6 cm² ont été découpés et placés dans des tubes à hémolyses de 5 ml. Après ajout de 3 ml d’eau ultrapure, les échantillons sont congelés à -24°C pour être conservés et analysés par la suite. Après décongélation, les échantillons sont soniqués à l’aide d’un Sonicateur de type Sonifier® S250A (Branson Ultrasons, Rungis, France) afin de libérer l’ATP des bactéries pendant 5 minutes (50% bruit/silence, puissance 4) en présence de glace. La quantité d’ATP est mesurée à l’aide d’une solution réactionnelle préparée à partir d’un Kit de détermination d’ATP Invitrogen (Eugene, Oregon, USA). La solution réactionnelle pour la mesure d’ATP est la suivante : 8,9 ml d’eau ultrapure stérile 0,5 ml de tampon de réaction 20X (tampon tricine (TRIS+glycine) 500 mM, pH 7,8, MgSO4 100 mM, EDTA 2 mM, azide de sodium 2 mM). 0,1 ml de DTT 0,1 M 0,5 ml de D-luciférine 10 mM 2,5 µl de luciférase 5 mg/ml On réalise une gamme étalon de différentes solutions d’ATP de concentration différentes. Pour la réaction, 30µL d’échantillon sont mélangés à 270 µl de solution réactionnelle dans un microtube. On mesure la quantité de photons émis par les échantillons grâce au luminomètre Sirius (Berthold Detection System GmbH, Pforzheim, Allemagne) donnant un résultat en RLU/s (Relative light unity/s). Cette luminescence est rapportée à une quantité d’ATP en picomoles grâce à la gamme étalon. Puis à une quantité d’ATP par unité de surface de membrane. 106 3. Analyse du dépôt de colmatage par rhéologie a. Principe La rhéologie est une branche de la physique qui étudie l’écoulement ou la déformation d’échantillons sous l’effet de contraintes qui leur sont appliquées. Cette discipline permet de caractériser les propriétés mécaniques telles que la viscosité et l’élasticité de matériaux en déformant l’échantillon par l’application d’une contrainte. La viscosité est une résistance à l’écoulement, synonyme de frictions internes. Les unités en sont le Pascale.seconde (Pa.s) et son symbole est . Tous les fluides présentent des propriétés visqueuses. Mais si ceux-ci possèdent une structure relativement complexe, ils présentent également des propriétés élastiques. Cette élasticité se manifeste en particulier par le fait que, lorsqu’on applique ou supprime brutalement un cisaillement, il apparaît un régime transitoire pendant lequel la structure de l’échantillon évolue avant de se stabiliser. Dans le cas d’une solution de polymère, par exemple, l’application brutale d’un cisaillement va faire évoluer la conformation des macromolécules d’une configuration repliée sur elle-même à une conformation plus étirée. La macromolécule, en passant de l’état de repos à l’état d’équilibre sous cisaillement, emmagasine de l’énergie élastique qu’elle peut restituer à l’arrêt du cisaillement : tout se passe comme si la macromolécule jouait le rôle de ressort. L’étude des paramètres caractérisant la viscoélasticité donne des informations sur la nature et l’état de polymérisation d’une macromolécule. Classiquement, deux grands types d’analyses sont effectués : les analyses en mode rotatoire et en mode oscillatoire. L’analyse en rotation permet d’étudier la viscosité (en Pa.s) en appliquant une vitesse de cisaillement (contrainte en s-1). La diminution de la viscosité de l’échantillon en fonction de la vitesse de cisaillement appliquée est une caractéristique de rhéofluidification et réciproquement l’augmentation de la viscosité en fonction de la vitesse de cisaillement est une caractéristique de rhéoépaississement. Au contraire, un fluide est dit newtonien si sa viscosité est indépendante de la contrainte appliquée (cas de l’eau). En oscillation, avec un balayage de fréquence et un balayage de déformation, on peut déterminer non seulement le comportement visqueux mais également le comportement 107 élastique qui sont représentés par le module de conservation ou module élastique (G’ en Pa) et le module de perte ou module visqueux (G’’ en Pa).Un matériel est dit élastique lorsqu’il se déforme immédiatement lors de l’application d’une force et retourne à sa forme initiale lorsqu’on arrête la contrainte. Un matériau visqueux se déforme continuellement par un phénomène d’écoulement si la contrainte est toujours appliquée. Ainsi, la présence d’un G’ et d’un G’’ permet de dire que le système est viscoélastique car il possède à la fois des caractéristiques analogues à celle des solides élastiques et des caractéristiques de fluides visqueux. Lors de ce type d’analyses, les déformations imposées à l’échantillon peuvent engendrer une destruction du réseau macromoléculaire qui le constitue. Il faut donc se situer dans un domaine de déformation où l’échantillon peut se déformer sans modification de sa structure : c’est le domaine linéaire. La mesure du G’ et du G’’ sont valables dans ce domaine. Un test de fluage permet de caractériser le comportement viscoélastique d’un biofilm (Towler et al., 2003). Ce test comporte deux étapes : la première consiste à appliquer une contrainte de cisaillement constante par rotation pendant un temps donné et la seconde correspond à l’arrêt ou suppression de cette force. La mesure de la déformation de l’échantillon au cours de ces périodes renseigne sur le caractère élastique et ou visqueux de ce dernier (Figure 40). Figure 40. Test de fluage déterminant le comportement élastique et ou visqueuse en réponse à une force appliquée. Une contrainte constante est appliquée au temps zéro et cette contrainte est arrêtée au temps T. Schéma adapté d’une étude sur la relaxation des biofilms (d'après Shaw et al., 2004). 108 Un solide élastique idéal répond au stress instantanément à t = 0 par une déformation instantanée. La déformation reste alors constante jusqu’à la suppression du stress à t = T, temps auquel le matériel se détend et reprend sa conformation initiale. Un fluide visqueux idéal répond à un stress imposé constant sur t Є [0, T] par une déformation linéaire en fonction du temps. Lorsque t = T, il n’y a pas de retour à la forme initiale. Un fluide viscoélastique idéal répond avec les caractéristiques d’un solide élastique et d’un fluide visqueux. b. Application Les mesures rhéologiques sont effectuées avec un rhéomètre rotatif cône/plateau RheoStress 150 de marque Thermoelectron (Courtaboeuf, France). Ce rhéomètre est équipé d’un plateau fixe sur lequel est déposé l’échantillon et d’un cône qui va venir au contact de l’échantillon pour appliquer une contrainte (Figure 41). Figure 41. Photographies du rhéomètre RheoStress 150 et du dispositif cône/plateau. 109 Une fois l’échantillon en place, le système est recouvert d’huile de silicone et d’une cloche pour éviter tous les phénomènes d’évaporation et maintenir une température constante dans l’enceinte. Les échantillons de biofilm sont récoltés par grattage délicat de la surface des feuillets de membranes NF après autopsie. Le biofilm gratté est conservé à 4°C en chambre humide dans des boîtes de pétri stériles le temps de réaliser les manipulations. Les analyses en oscillation et en rotation sont effectuées pour l’étude sur la cinétique de développement bactérien à partir du jour 475 car précédemment la quantité de biofilm est trop faible. Pour les mêmes raisons, les tests de fluages sont menés uniquement au jour 717 et sur la membrane en fonctionnement depuis 7 ans. L’ensemble des analyses est réalisé à une température constante de 20°C. L’analyse en rotation de la viscosité soumise à des contraintes (vitesses de cisaillement) croissante est réalisée entre 0,1 et 20 s-1. Les mesures de G’ (module élastique) et de G’’ (module visqueux) en mode oscillatoire sont conduites dans une gamme allant de 1 à 100Hz. La réponse du biofilm aux oscillations harmoniques est étudiée avec une déformation constante faible de 0,05 pour s’assurer que les signaux recueillis seront dans le domaine linéaire. Lors des tests de fluage en rotation, la déformation des échantillons en réponse à une contrainte constante de 30 Pa est mesurée pendant 10 minutes. A partir de ce temps, la contrainte est stoppée pendant 5 minutes pour évaluer la relaxation des échantillons. Pour toutes ces expériences, un cône de 6cm/2° Ti est utilisé. 4. Détermination de la mouillabilité par mesure d’angles de contact a. Principe Cette méthode macroscopique permet de rendre compte de l’aptitude d’un liquide à s’étaler sur une surface par mouillabilité (Zisman, 1964). Lorsqu’une goutte de liquide est déposée sur une surface solide plane, l'angle entre la tangente à la goutte au point de contact et la surface solide est appelé angle de contact θ (Figure 42). La mesure de l'angle de contact θ 110 permet également d'accéder à l'énergie de surface du liquide et du solide, tout en discriminant les composantes polaires ou apolaires de cette énergie (van Oss, 1995). En effet, la forme d’une goutte à la surface d’un solide est régie par trois paramètres, les tensions superficielles γ présentes aux différentes interfaces : solide-vapeur γSV, solide-liquide γSL et liquide-vapeur γLV (Figure 42). Ces trois grandeurs et l'angle de contact θ sont reliés par l’équation de Young : γSV - γSL = γLV cos θ. La mesure de l’angle de contact θ permet également d’obtenir des informations sur l’homogénéité chimique et physique de la surface. Figure 42. Tensions superficielles γ et angle de contact θ d’une goutte de liquide déposée sur un support solide. Dans le cas où le liquide utilisé est l’eau, la mesure de l’angle de contact θ permet de définir le caractère hydrophile (θ < 90°, grande énergie de surface) ou hydrophobe (θ > 90°, faible énergie de surface) d’une surface (Figure 43). Figure 43. Angle de contact θ formé par une goutte d’eau sur une surface hydrophile (a) et hydrophobe (b). 111 b. Application Des coupons de membranes d’environ 1 cm2 sont découpés après autopsie et séchés à l’air à une température de 40°C. Le fait de sécher le dépôt fait partie de la méthode car comme pour l'infrarouge, le degré d'hydratation du biofilm n'est pas maîtrisé. Si les coupons de membrane ne sont pas séchés, l'eau à la surface du biofilm va interagir avec la goutte d'eau ultrapure déposée lors de l'analyse. La goutte va s'étaler et donner une valeur erronée de l'angle de contact qui ne sera plus celle des constituants intrinsèques du biofilm. C'est pour cela qu'il est également important de relever rapidement la valeur de l'angle de contact car lorsque le biofilm se réhydrate, la goutte a tendance à s'étaler au fur et à mesure du temps. Les coupons séchés sont collés à l’aide d’un ruban adhésif double face sur des lames de verre pour s’assurer que la surface est plane (caractéristique importante pour mesure de l’angle de contact). Lors de ces expérimentations, seule l’affinité de l’eau (caractère hydrophobe ou hydrophile) pour les membranes recouvertes ou non de biofilm est évaluée. Pour cela, une goutte d’eau ultrapure (déionisée) (Milli-Q, Millipore) de 25 µL est déposée sur les supports testés. Chaque mesure d’angle de contact est effectuée au moins 3 fois par condition. C’est à dire que l’angle de contact d’une membrane NF est au moins évalué avec 3 coupons découpés sur cette membrane. Les mesures d’angle de contact θ sont effectuées à température ambiante à l’aide d’un goniomètre (Krüss G10, Hambourg, Allemagne), muni d’une micro-seringue et d’une caméra (Figure 44). Figure 44. Représentation schématique de la mesure d’angle de contact à l’aide d’un goniomètre. 112 5. Mesure des paramètres hydrauliques et de qualité d’eau Les deux paramètres de filtration des membranes utilisés sont la perméabilité membranaire (Kw) et le facteur de colmatage longitudinal (FCL). Kw rend compte de la capacité de la membrane à produire du perméat sous l’effet de la pression. C’est un paramètre physico-chimique qui peut être relié à la structure et à la charge de la membrane. FCL renseigne sur la perte de pression qui s’installe le long du module de filtration lorsque la membrane est colmatée (pression mesurée à l’entrée et à la sortie du tube). Il est représentatif de la surface du dépôt de colmatage. Lorsque la membrane se colmate, le Kw diminue et le FCL augmente. Des débitmètres et des manomètres ont été installés afin de mesurer en continu pour chaque pilote : le débit d’alimentation Qa, le débit de perméat Qp, le débit de concentrat Qc, la pression d’alimentation Pa et la pression du concentrat Pc. Les données des capteurs sont transmises vers une centrale de mesure via leur sortie électronique. Ces données sont nécessaires au calcul mathématique de Kw et de FCL. a. Calcul du Kw Le calcul de Kw est réalisé grâce à l’équation suivante : Kw Qp TCF S Peff Kw : perméabilité (L.h-1.m-2.bar-1) à 25°C Qp : débit de perméat (L.h-1) S : surface de la membrane (m²) TCF : le facteur de correction de température déterminé selon l’équation 1,038T-25 où T (température de l’eau °C) ∆Peff : pression transmembranaire efficace (bar). Elle correspond au surplus de pression appliquée par rapport à la pression osmotique, c’est le moteur de la filtration 113 P Pc a c – ∆Peff a p – Pp – Pa, Pc, Pp : pression de l’alimentation, du concentrat et du perméat (bars) a, c, p : pression osmotique de l’alimentation, du concentrat et du perméat (bars) b. Calcul du FCL Le calcul de FCL est réalisé grâce à l’équation suivante : (L) t (Qm) Nouveau FCL (L) (Qm)t 1, 7 ( FCTL ) ( FCTL ) t (ΔL)t : la perte de charge longitudinale mesurée à l’instant t, DPI (bar). Cette valeur correspond à la différence de pression existante entre l’entrée et la sortie du module NF. (ΔL)° : la perte de charge longitudinale mesurée au démarrage quand les modules sont neufs Qm=(Qa+Qc)/2=(2×Qa-Qp)/2 (FCTΔL)° le facteur de correction de température au démarrage FCT=A2+B2×T avec A2=1,1878 et B2=-0,0075 (FCTΔL)° le facteur de correction de température calculé à l’instant t. ( DPI ) t (2 Qa Q p ) Nouveau FCL ( DPI ) (2 Qat Q tp ) 1, 7 (1,1878 0,0075 T ) (1,1878 0,0075 T ) t c. Détermination de la qualité de l’eau La qualité de l’eau alimentant les membranes NF est déterminée selon les études par mesure du carbone organique total (COT), du carbone organique dissout (COD) ou du carbone organique dissout biodégradable (CODB). Le COT et le COD sont mesurés avec un analyseur de carbone total (Bioritech, Chamarande, France) utilisant une réaction d’oxydation du carbone organique par du persulfate. Cette réaction est suivie par une détection du CO2 produit par la réaction d’oxydation en infrarouge. Le CODB est déterminé 114 par incubation de bactéries fixés sur du sable dans un réacteur fermé selon la norme XP T 90-319 et la procédure développée par Joret et Lévi (Her et al., 2007). Au cours de l'étude sur pilote indépendant visant à réduire le CODB dans l'eau d'alimentation, la qualité microbiologique de l'eau d'alimentation a été déterminée par mesure du nombre de microorganismes vivants et totaux. Ces deux paramètres ont été évalués en faisant une moyenne des 14 prélèvements réalisés sur les 20 semaines de l'étude. Chaque prélèvement d'eau d'alimentation de 50 mL est filtré sur une membrane Nucleopore (DMF Schumacher, Gonesse, France) possédant un seuil de coupure à 0,22 µm. Le nombre de microorganismes vivants et totaux sont obtenus respectivement par marquage au DAPI (Sigma, Saint Quentin Fallavier, France) et au 5-Cyano-2,3-Ditolyl Tetrazolium Chloride (CTC) (Coger, Paris, France). Les membranes après filtration sont incubées à l'obscurité 20 minutes avec une solution de DAPI à 2,5 µg/mL ou 2 heures avec une solution de CTC à 0,68 mg/mL. Après un rinçage à l'eau distillée stérile, les morceaux de membrane marqués au DAPI (excitation/émission: 364/454 nm) et au CTC (excitation/émission: 360/630 nm) sont respectivement recouverts d'huile à immersion (Olympus, France) ou de tampon glycine (Pasteur Diagnostics, Marnes la Coquette, France) et placés entre lames et lamelles. Les lames sont observées en microscopie à épifluorescence et la quantification du nombre de microorganismes vivants ou totaux est effectuée par comptage respectif de 20 champs ou 10 champs pris de façon aléatoire. La moyenne des microorganismes vivants et totaux par unité de surface est rapportée au nombre de microorganismes vivants et totaux moyen par unité de volume dans l'eau d'alimentation. Lors de l'étude sur l'effet de l'irradiation de l'eau d'alimentation par des UV sur la formation de biofilm NF, la viabilité des microorganismes dans l'eau d'alimentation a été testée en présence et en absence d'UV. Pour cela, 3 fois 100mL de chaque eau d'alimentation ont été prélevés. Chaque prélèvement de 100 mL a été filtré sur une membrane Biosart (Satorius, Goettingen, Allemagne) possédant un seuil de coupure de 0,22 µm. La viabilité des cellules microbiennes a été déterminée à l'aide d'un Kit Live/Dead Bacligth bacterial viability (Invitrogen, Cergy-Pontoise, France). Cette coloration différentielle est basée sur une différence de perméabilité cellulaire vis-à-vis de ces deux colorants en fonction de l’intégrité de leur paroi. En effet, lorsque les cellules microbiennes sont au contact d'un mélange des deux colorants, les cellules vivantes laissent pénétrer seulement le SYTO 9, le retiennent et apparaissent en vert (excitation/émission: 480/500 nm). Les cellules mortes possèdent une 115 paroi abîmée qui laisse pénétrer les 2 colorants et seul l'iodure de propidium est retenu. Ce dernier fluoresce en rouge (excitation/émission: 490/635 nm). Dans chaque condition, 3 morceaux de membrane provenant des 3 échantillonnages de l'eau d'alimentation sont découpés. Ces coupons de membrane d'1cm2 sont incubés pendant 20 minutes à l'obscurité avec un mélange de SYTO 9 et d'iodure de propidium. Après un rinçage à l'eau distillée stérile, les morceaux de membrane sont fixés entre lames et lamelles avec du Mowiol (Calbiochem, Meudon, France). Les lames sont observées en microscopie à épifluorescence et la quantification du nombre de microorganismes est effectuée par comptage de 10 champs pris de façon aléatoire sur les 3 coupons de membrane. La moyenne des microorganismes morts et vivants par unité de surface est rapportée au nombre de microorganismes morts et vivants moyen par unité de volume dans l'eau d'alimentation. 6. Tests statistiques Les tests statistiques utilisés au cours de cette thèse sont utilisés pour comparer les échantillons sont le test de Student suivi du test de Fisher. Lorsque le risque P est inférieur à 0,05 alors les différences entre échantillons sont considérées comme significatives. 116 Résultats 117 I. Cinétique de formation d’un biofilm sur membrane de nanofiltration en fonctionnement dans une usine de production d’eau potable A. Développement du biofilm NF Le biocolmatage des membranes de nanofiltration de l’usine de production d’eau de Méry sur Oise est étudié pendant 717 jours. L’étude est réalisée sur un pilote intégré à la file 6 de l’usine ce qui permet d’étudier les conditions de filtration réelles de l’usine sans pour autant perturber son fonctionnement. Ce pilote est sur le modèle de l’usine constitué de 3 étages (Figure 29). Les étages 1, 2 et 3 contiennent respectivement 4, 2 et 1 tubes de pression. Chaque tube de pression est lui-même composé de 6 modules de nanofiltration branchés en série. Ne seront présentés ici que les résultats pour les membranes de l’étage 1 du pilote file 6 qui filtrent directement l’eau d’alimentation telle qu’elle est sans modification de sa qualité du fait de la technologie par nanofiltration. Le flux surfacique alimentant les membranes est maintenu autour de 17 L.h-1.m-2. Durant la période de l’étude, le biofilm est analysé à différents points de cinétique d’alimentation : après 7, 80, 475 et 717 jours de fonctionnement. 1. Analyse du développement du biofilm NF en imagerie Le développement des biofilms à la surface des membranes de nanofiltration d’eau débute de la même manière que des biofilms de laboratoire dont la croissance est largement décrite dans la littérature. Le biofilm formé sur les modules de nanofiltration commence par une étape de fixation de cellules microbiennes à la surface de la membrane NF. Après marquage au DAPI et visualisation par microscopie à épifluorescence, les microorganismes adhérents apparaissent en bleu clair ou en blanc sur un fond bleu car la membrane NF possède un caractère autofluorescent. Après 7 jours de fonctionnement (J7), des microorganismes de formes et d’arrangements spatiaux variés sont présents sur les membranes : principalement des bacilles et des coques majoritairement seuls ou sous forme de petits agrégats de quelques cellules dispersés à la surface de la membrane (Figure 45,a). Certains bacilles forment des 118 chainettes ne dépassant généralement pas une dizaine d’individus. En plus du marquage éparpillé majoritairement retrouvé à la surface de la membrane, certaines zones beaucoup plus denses sont visibles (figure 45, b). Ces régions correspondant à des microcolonies de plus grande taille sont intensément marquées et n’ont généralement pas de forme géométrique particulière. Certaines de ces microcolonies ont une structure sphérique, d’autres une structure elliptique ou n’ont pas de structure géométrique particulière. La technique de microscopie à épifluorescence ne permettant pas une acquisition des images en plusieurs dimensions, ces gros agrégats bactériens apparaissent globalement sous une forme cotonneuse, un peu floue, rappelant les nuages. Figure 45. Photographies obtenues par microscopie à épifluorescence de la membrane après 7 jours de fonctionnement après coloration au DAPI. Grossissement x630. Deux zones d’organisation distincte des bactéries adhérentes sont visualisées. Après 80 jours de fonctionnement (J80) la microflore est plus diversifiée. En effet, les morphologies des microorganismes et leurs organisations spatiales sont bien plus variées qu’à J7. En plus des morphologies présentes à J7, on observe des bactéries filamenteuses (Figure 46, f, g), quelques formes qui semblent correspondre à des amibes de type thécamoebien (figure 46, a, b), quelques algues et des assemblages bactériens formant des chaînes circulaires ou linéaires, des sphères, des ellipses ou encore des agrégats bactériens sans véritable forme géométrique. (Figure 46, c, d, e). 119 Figure 46. Photographies réalisées à différents temps de la cinétique de développement bactérien illustrant la biodiversité. Les observations sont faites en microscopie à épifluorescence après marquage au DAPI (a, b, c, d, e, f, g) ou en microscopie électronique à balayage après déshydratation et recouvrement avec une pellicule platine (h, i, j, k, l, m). 120 Après 475 et 717 jours de fonctionnement, le développement des cellules microbiennes tend à former de très gros agrégats en 3 dimensions ce qui rend l’observation et l’acquisition des différentes morphologies en fluorescence plus difficile. Ces observations microscopiques à épifluorescence ont été précisées par des observations en microscopie électronique à balayage. En effet, par rapport à la microscopie à épifluorescence, le MEB retranscrit mieux la topographie des biofilms, permet de mieux définir les morphologies observées et de leur attribuer une identification probable selon la géométrie et la taille des structures (Figure 46). Des bacilles et des coques de différentes tailles sont présents : leur longueur est comprise entre moins d’un micron et 5 µm et leur diamètre est compris entre moins de 0,2 µm et environ 1,5 µm, respectivement. Il existe des bactéries d’aspect filamenteux sans septum visible ou constituées d’une association de cellules bactériennes individuelles (longs bacilles formants de longues chaines : Figure 46 m). Certaines bactéries formant de longs assemblages peuvent correspondre à des bactéries photosynthétiques de type cyanobactérie comme Anabaena sperica (Figure 46 j). On observe aussi des microorganismes eucaryotes : des amibes du groupe des thécamoebiens et des algues unicellulaires (Figure 46, h, i et k, l, respectivement). Les thécamoebiens observés sont des prédateurs se nourrissant des biofilms pouvant correspondre à Pleurophrys et Euglypha (Figure 46, h, i). A J7, la majorité des polysaccharides révélés par le marquage par des lectines couplées à des fluorochromes est localisé au niveau des agrégats bactériens. Plus les microorganismes sont concentrés à un endroit donné, plus les lectines fixées aux polysaccharides sont intenses et abondantes au niveau de cette zone (Figure 47). A J80, le biofilm est plus abondant, plus épais et bien plus structuré par rapport à J7. En effet, après 7 jours de fonctionnement, la membrane est principalement colonisée par des microorganismes dont les cellules individualisées sont parfaitement observables, la proportion de carbohydrates étant faible. Après 80 jours de fonctionnement, les polysaccharides s’organisent autour des microcolonies et occupent un espace important par rapport à l’espace occupé par les microorganismes (Figure 47). 121 Figure 47. Photographies obtenues par microscopie à épifluorescence de la membrane après 7 (a, b, c) et 80 (d, e, f) jours de fonctionnement après triple marquage au DAPI (bleu), aux lectines d’Arachis hypogaea : AH-TRITC (résidus β-gal(1->3)galNAc , rouge) et de Triticum vulgaris : TV-FITC (résidus (glcNAc)2, vert). Grossissement x630. L’observation de ces mêmes échantillons en microscopie confocale permet de préciser l’organisation de la biomasse à la surface des membranes NF (Figure 48). 122 Figure 48. Images de la surface membranaire obtenues par microscopie confocale après 7 jours (a), 80 jours (b), 475 jours (c) et 717 jours (d) de fonctionnement après triple marquage : DAPI (bleu), lectine AH-TRITC (résidus β-gal(1->3)galNAc, rouge), lectine TV-FITC (résidus (glcNAc)2, vert). Les flèches représentent le sens d’interprétation des projections dans l’épaisseur (ZX et ZY), de la membrane vers la surface du biofilm. L’élimination du bruit de fond lié à l’autofluorescence de la membrane NF permet de mieux appréhender les proportions relatives des différents résidus marqués. Ces observations révèlent que l’étape initiale du biofilm NF est gouvernée par la synthèse de polysaccharides portant majoritairement des motifs galactosamines et glucosamines marqués respectivement par les lectines AH et TV. Les résidus saccharidiques marqués par AH sont organisés sous forme de nuages très fluorescents et petites fibres épaisses. Ceux marqués par TV, BS, CA, UE, LE sont petits et ponctiformes à ce stade de développement (Figure 48, Annexe 3). Tous les motifs saccharidiques marqués par les lectines sont beaucoup plus abondants à J80 par rapport à J7 (Figure 48, Annexe 3). Les motifs galactosamines marqués par la lectine AH majoritaires au jour 7 restent parmi les plus représentés. Les résidus fucoses et glucosamines 123 marqués respectivement par les lectines UE et LE qui étaient peu présents après 7 jours de fonctionnement, deviennent également abondants. Les motifs galactoses, glucosamines et mannoses marqués respectivement par BS, TV et CA semblent un peu moins nombreux (Annexe 3). Conjointement à cette modification des proportions des polysaccharides, une augmentation de la biodiversité est observée entre J7 et J80. Des réseaux de polysaccharides synthétisés par les microorganismes au cours de leur développement sont visibles en plusieurs points de la membrane à J80. Ces réseaux sont principalement révélés par le marquage avec les lectines AH, UE et LE. Ils sont constitués de fibres ramifiées et enchevêtrées qui jouent probablement un rôle de renforcement de la cohésion et donc de la résistance de ce biofilm aux contraintes mécaniques (Figure 49). Figure 49. Observation en microscopie confocale de la membrane après 80 jours de fonctionnement après triple marquage : DAPI (bleu), lectine AH-TRITC (résidus β-gal(1>3)galNAc, rouge), Lectine TV-FITC (résidus (glcNAc)2, vert). Les flèches représentent les projections dans l’épaisseur (ZX et ZY), de la membrane vers la surface du biofilm. Le développement du biofilm entre 80 et 475 jours de fonctionnement se traduit principalement par une densification et une augmentation du recouvrement horizontal de la membrane. L’observation du biofilm en microscopie confocale après marquage fluorescent révèle la présence de microcolonies plus volumineuses et plus denses. Tous les motifs saccharidiques marqués par les lectines fluorescentes sont plus nombreux comparés à la durée de fonctionnement précédente. Tous les polysaccharides révélés sont dans des proportions 124 importantes et semblent être en proportions équivalentes à l’exception des motifs marqués par la lectine CA qui semblent moins abondants (Figure 48, Annexe 3). L’organisation spatiale des exopolysaccharides marqués par les lectines reste similaire au temps précédent. On retrouve les résidus galactosamines, galactoses et fucoses marqués respectivement par les lectines AH BS et UE qui forment classiquement de gros agrégats ou des réseaux de filaments. Les motifs glucosamines marqués par les lectines TV et LE sont organisés selon les zones de façon ponctiforme, en amas ou sous forme de filaments courts ou plus longs. Enfin, les motifs mannoses reconnus par la lectine CA sont principalement organisés de manière ponctiforme. A J475, les microorganismes apparemment plus abondants par rapport à J80 sont de moins en moins visibles. En effet, ils sont englués dans une matrice de polysaccharides très développée et les espaces vides de marquage sont devenus inexistants. L’augmentation du recouvrement de la membrane par un biofilm plus dense en polysaccharides est le fait du développement d’un biofilm qui demeure hétérogène par son relief, sa diversité de peuplement et de composants matriciels. Il existe donc toujours des zones plus ou moins compactes avec des variabilités de nature polysaccharidique importantes selon la région observée (figure projection ZX, ZY confocale). La tendance à la densification et au recouvrement horizontal du biofilm observée après 475 jours de fonctionnement se poursuit à J717. Les microcolonies sont alors très compactes et intensément marquées par les lectines utilisées. L’organisation spatiale des exopolysaccharides marqués par les lectines reste similaire au point précédent. Les microorganismes sont de plus en plus recouverts par la matrice de polysaccharides. Les polysaccharides formant des réseaux ramifiés et de longues fibres enchevêtrées sont particulièrement nombreux, ce qui montre un net renforcement de la matrice du biofilm. L’ensemble des motifs saccharidiques marqués par les lectines fluorescentes ont progressé quantitativement par rapport au point de cinétique précédent. Les motifs marqués par la lectine CA restent cependant peu abondants par rapport aux autres motifs comme après 475 jours de fonctionnement (Annexe 3). En modélisant les clichés obtenus en microscopie confocale, des images en 3 dimensions peuvent être formées à l’aide du logiciel Imaris. La modélisation obtenue après 717 jours de fonctionnement permet d’illustrer le fort recouvrement de la membrane par la matrice d’exopolysaccharides (Figure 50). 125 Figure 50. Modélisation de la surface du biofilm NF après 717 jours de fonctionnement. Cette modélisation est obtenue grâce aux images acquises en microscopie confocale après triple marquage au DAPI (bleu), aux lectines AH-TRITC (résidus β-gal(1->3)galNAc, rouge) et TV-FITC (résidus (glcNAc)2, vert). a) et c) représentent deux zones de la surface du biofilm vu de face. b) et d) montrent respectivement une vue oblique zoomée de a) et c). La grande majorité des microorganismes est engluée dans la matrice. Quelques colonies non recouvertes sont tout de même visibles en surface. Celles-ci sont surement dues à l’apport de bactéries planctoniques qui s’accrochent et colonisent le biofilm déjà présent sur la membrane. Selon la zone d’observation, les résidus galactosamines et glucosamines marqués respectivement par les lectines AH et TV n’ont pas la même abondance, ni la même position dans l’espace. Le biofilm n’est pas plan, il forme en 3 dimensions une succession de bosses et de creux plus ou moins prononcés. Le relief, la variabilité de composition en 126 polysaccharides et de densité en fonction de la zone contribuent à l’hétérogénéité du biofilm NF. Après 475 jours de fonctionnement, par observation en microscopie électronique à balayage, les microorganismes de différentes formes (bacilles, coques, bactéries filamenteuses) sont clairement enchâssés dans une matrice extracellulaire comme décrit précédemment en microscopie à fluorescence (Figure 48). Bien que déshydraté pour l’application de cette technique, l’architecture hétérogène du biofilm avec des zones de protubérances et des zones de creux est bien visible. La surface de la membrane est fortement recouverte à ce stade. A J717, le biofilm ressemble fortement à celui du point précédent même si la membrane semble légèrement plus recouverte (Figure 51). Figure 51. Images de la surface de la membrane NF obtenues par microscopie électronique à balayage après 475 jours (a) et 717 jours (b) de fonctionnement après déshydratation et recouvrement avec une pellicule platine. La croissance du biofilm en épaisseur a été suivie par microscopie confocale (Figure 52). 127 Figure 52. Evolution de l’épaisseur du biofilm au cours du temps de fonctionnement. L’épaisseur est mesurée par observation en microscopie confocale (n=3). Le biofilm atteint en 7 jours une épaisseur pouvant aller jusqu’à 34 µm au niveau de certains îlots bien précis. S’en suit une très forte croissance en épaisseur puisque l’épaisseur moyenne du biofilm est de 54 ± 10 µm après 80 jours. Le biofilm reste cependant hétérogène du point de vue de sa quantité, de sa composition et de son architecture comme nous l’avons décrit précédemment. Ainsi, l’observation des projections selon les axes ZX et ZY révèle des zones plus ou moins compactes avec des variabilités de nature polysaccharidique importantes selon la région observée et des structures en forme de vallées et de collines (Figure 48). A J475 puis à J717, le fort recouvrement horizontal de la membrane par du biofilm est également accompagné d’une très faible croissance verticale. En effet, l’épaisseur mesurée par microscopie confocale est de 61 ± 15 µm et de 64 ± 4 µm après 475 jours et 717 jours de fonctionnement, respectivement. La conjonction de ces phénomènes aboutit à une diminution de l’hétérogénéité de surface bien illustrée par les projections selon les axes ZX et ZY, hétérogénéité qui était précédemment occasionnée par des zones de non recouvrement. Cela montre qu’entre J80 et J717, le biofilm croît principalement par augmentation du recouvrement horizontal et densification. La forte progression quantitative du biofilm au cours du temps et plus particulièrement de ses deux paramètres que sont les microorganismes et les carbohydrates de matrice a été évaluée grâce à une quantification volumique des signaux fluorescents par microscopie confocale. Cette quantification a été réalisée à partir d’images obtenues en microscopie confocale pour les marquages au DAPI et aux lectines AH et TV (Voir Matériel et Méthodes 128 partie II.A.2, Annexe 4). L’acquisition des images et leur traitement ont été réalisés dans les mêmes conditions ce qui permet d’évaluer la variation d’un signal au cours du temps. Cette approche confirme l’augmentation très forte du volume des microcolonies et de la matrice de polysaccharides (surtout les résidus galactosamines) entre 7 et 80 jours de fonctionnement même si les différences ne sont pas statistiquement significatives du fait de la forte hétérogénéité existante (Figure 48). Entre J80 et J475 le volume de microorganismes marqué au DAPI augmente très peu. Par contre, le volume des résidus galactosamines marqués par la lectine AH principalement et des motifs glucosamines marqués par la lectine TV progressent fortement et de façon significative (P < 0,05). Après 475 jours de fonctionnement, les microorganismes semblent occuper un volume inférieur à celui de la matrice d’exopolysaccharides. Entre J475 et J717, tous les signaux évoluent très fortement à la hausse (P < 0,001, P < 0,01 et P < 0,0001 respectivement pour les signaux DAPI, AH-TRITC et TVFITC) avec une forte modification des proportions relatives des différents motifs de polysaccharides. A ce stade, le volume de polysaccharides représente la majorité du volume total du biofilm. Sur la base non exhaustive de la technique utilisée, les polysaccharides pourraient représenter plus de 90% du volume de biofilm et les microorganismes moins de 10%. Tableau 4. Quantification volumique des signaux fluorescents du biofilm au cours du temps par microscopie confocale. 129 2. Analyse du développement du biofilm NF par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier L’évolution de la colonisation des membranes NF au cours du temps, décrite ci-dessus par observation en microscopie à fluorescence, a également été suivie par analyse ATR-FTIR. Après 7 jours de fonctionnement, une partie des spectres IR des membranes NF présente de légères modifications comparés aux spectres IR d’une membrane NF neuve (Figure 53, Annexe 5). Figure 53. Evolution des spectres infrarouge au cours du temps de fonctionnement des membranes NF. a), b), c), d), et e) représentent respectivement les spectres d’une membrane neuve et d’une membrane après 7, 80, 475 et 717 jours de fonctionnement. Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) caractéristique des protéines et les flèches rouges montrent un signal (≈ 1040 cm-1) caractéristique de la matrice d’exopolysaccharides. Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. Ces spectres présentent une augmentation du signal amide I (pic proche de 1650 cm -1: vibration de l’étirement du C=O des groupes peptidiques) résultant principalement de la présence de protéines. Une croissance des pics proches de 1040 cm-1 est également observable. La région comprise entre 900 et 1200 cm-1 correspond principalement à des signaux révélant la présence de polysaccharides et d’acides nucléiques (ADN-ARN) 130 (vibrations des liaisons C-O-C, C-O, de l’étirement des cycles et de l’étirement du P=O de la liaison phosphodiester : Doumeche et al. 2007). Le couplage des résultats d’infrarouge et d’imagerie suggère cependant que les signaux IR entre 900 et 1200 cm-1 correspondent majoritairement aux exopolysaccharides et minoritairement aux acides nucléiques. En effet, en imagerie la présence d’exopolysaccharides est nettement observable par contre les acides nucléiques extracellulaires ne le sont pas. Donc dans la suite du texte, ces signaux seront appelés signaux de polysaccharides. A J80 les signaux correspondant aux protéines et aux polysaccharides sont plus intenses (Figure 53, Annexe 5). Les signaux de membrane sont atténués mais la majorité d’entre eux reste bien visibles. A J475, les signaux polysaccharides deviennent majoritaires, ce qui démontre qu’à ce stade, la matrice du biofilm est très fortement développée. A J717, les spectres obtenus par ATR-FTIR sont globalement analogues aux spectres obtenus au point de cinétique précédent. Les signaux des protéines et des polysaccharides sont intenses avec prédominance des signaux des polysaccharides (Figure 53, Annexe 5). Le massif de signaux correspondant aux polysaccharides est composé de 4 pics visibles à J80 (pics autour de 1080, 1040, 1000 et 970 cm-1). Chaque pic doit correspondre à la vibration d’un groupement chimique présent au niveau des carbohydrates qui apporte sa contribution à la formation du massif. L’apparition de ces pics à cette période concorde avec la diversité des signaux lectines décrite en imagerie. A J475 et à J717, le pic à 1040 cm-1 est majoritaire parmi les différents signaux de polysaccharides, comme c’est le cas pour des membranes en fonctionnement depuis plusieurs années (Di Martino et al., 2007). A J475, seul le signal à 1040 cm-1 est visible, les autres pics de polysaccharides étant inclus dans le massif. A J717, le massif est moins homogène, le signal à 970 cm-1 se démarquant du massif global. Ces différences de profil pourraient être la conséquence d’une diversification de la matrice qui s’accompagnerait de modifications des proportions des groupements chimiques au sein du biofilm au cours du temps. L’apparition de pics de polysaccharides peut correspondre à des modifications des proportions de polysaccharides de la matrice visibles en microscopie confocale et par quantification volumique. Pour évaluer la contamination de la membrane par le biofilm, une approche semiquantitative est utilisée : les valeurs de signaux IR relatives à un signal standard de membrane (Voir Matériel et méthodes, partie II,B,1). Cette notion de valeur relative repose sur le principe que par ATR-FTIR, plus la densité et l’épaisseur du biofilm formé à la surface des membranes sont importantes, plus les signaux qui vont en résulter seront intenses et plus les pics de membranes seront faibles. Donc pour comparer les différents temps de 131 fonctionnement de l’étude cinétique avec des valeurs chiffrées, le rapport entre les signaux correspondant au biofilm (Protéines : 1650 cm-1, polysaccharides 1040 cm-1) et un signal caractéristique de la membrane (700 cm-1) est calculé. La figure 54 présente l’évolution des signaux relatifs de biofilm au cours du temps. Figure 54. Evolution des valeurs relatives de signaux IR au cours de la cinétique de développement du biofilm pour la bande Amide I (1650 cm-1) et pour le pic représentant majoritairement les polysaccharides (1040 cm-1). Des signaux de biofilm sont détectés dès J7 : pour la membrane neuve et la membrane en fonctionnement depuis 7 jours, les valeurs du pic relatif amide I (1650 cm-1) sont respectivement de 0,25 ± 0,02 et 0,37 ± 0,05. Celles du signal relatif des polysaccharides (1040 cm-1) sont respectivement 0,03 ± 0,004 et 0,11 ± 0,10. A J80, il y a une augmentation très importante des signaux relatifs des biofilms. Les valeurs relatives de signaux IR passent de 0,37 ± 0,05 à 2,47 ± 0,15 pour la bande amide I et de 0,11 ± 0,10 à 2,24 ± 0,28 pour les signaux des carbohydrates entre J7 et J80, respectivement. Ces différences sont statistiquement significatives (P < 0,05). A J475, les valeurs relatives de signaux IR pour la bande amide I évoluent très légèrement à la hausse (2,62 ± 1,28). Cette augmentation n’est pas significative. Les valeurs relatives des signaux de carbohydrates augmentent de manière sensible et significative (3,90 ± 2,30, P < 0,01). Ces résultats appuient les conclusions obtenues par les techniques d’imagerie selon lesquelles les microorganismes augmentent peu alors que les polysaccharides progressent sensiblement à ce stade. A J717, les valeurs relatives de signaux IR pour la bande amide I et les polysaccharides augmentent de manière non significative (3,47 ± 1,76 et 5,04 ± 2,77, respectivement). Ceci pourrait refléter un 132 ralentissement de la croissance du biofilm. Les résultats d’imagerie montrent que cette croissance, bien que non significative en IR est bien réelle. Cette non signification statistique de la différence de croissance pourrait provenir de l’hétérogénéité de concentration et de recouvrement des polysaccharides. Les valeurs relatives en IR pour la bande amide II également caractéristique des protéines suivent la même tendance et ont des significativités statistiques analogues aux valeurs relatives de la bande amide I (Annexe 5 bis, a). 3. Analyse des propriétés physicochimiques et mécaniques du biofilm NF Nous venons de voir que le biofilm se développe au cours du temps jusqu’à recouvrir la totalité de la surface membranaire avec une diminution progressive de l’hétérogénéité de surface aboutissant à une couche de nature bien différente de celle de la membrane NF neuve. Ce développement de biofilm se traduit par une diminution progressive de la mouillabilité de la surface de la membrane colmatée au cours du temps (Figure 55). Dès 80 jours de fonctionnement, la mouillabilité de la membrane est affectée par le développement du biofilm NF. En effet, la valeur de l’angle de contact inférieure à 15° pour une membrane neuve atteint une moyenne de 48,2° ± 11,3 à J80. Cette diminution d’affinité de l’eau pour la membrane se poursuit de façon linéaire au cours du temps avec des valeurs moyennes d’angles de contact de 69,6° ± 2,1 et de 79,9° ± 4,5, à J475 et J717, respectivement. Il est à noter que l’écart type des valeurs de mouillabilité mesurées à J80 est important et que les écarts type des valeurs mesurées à J475 et J717 sont plus faibles. Cette diminution de la dispersion des valeurs de mouillabilité mesurées confirme la diminution de l’hétérogénéité de surface observée avec d’autres techniques analytiques au cours du temps. En effet, quelle que soit la technique choisie, la dispersion des valeurs par rapport à la moyenne se réduit en fonction du temps. C'est le cas des proportions des écarts types par rapport à la moyenne pour IR (Résultats, partie I.A.2), et pour la quantification volumique des signaux fluorescents (Résultats, partie I.A.1). Les écarts types en valeurs absolues sont également réduits entre J80 et J717 pour l'épaisseur du biofilm (Résultats, partie I.A.1). 133 Figure 55. Evolution de l’angle de contact de la membrane NF au cours du temps de fonctionnement. A partir de 475 jours de fonctionnement, la quantité de biofilm formé permet d’analyser de nouveaux paramètres indicateurs des propriétés mécaniques du biofilm par rhéologie. Cette approche n’a pas pu être appliquée aux temps de fonctionnement précédents car la quantité de biofilm était insuffisante pour procéder aux mesures. Les propriétés mécaniques du biofilm gratté de la surface membranaire sont déterminées en mode rotatoire et oscillatoire. Lors des tests en rotation, la viscosité du biofilm âgé de 475 et 717 jours décroît lorsque la vitesse de cisaillement augmente (Figure 56). Ce type de comportement est caractéristique du phénomène de rhéofluidification. Le biofilm a une viscosité de 300 Pa.s à J475 et 370 Pa.s à J717. Sur l’ensemble de la gamme de vitesse de cisaillement utilisée, la viscosité du biofilm âgé de 717 jours est supérieure à la viscosité du biofilm âgé de 475 jours. 134 Figure 56. Analyse rhéologique de la viscosité du biofilm âgé de 475 et 717 jours soumis à une vitesse de cisaillement croissante. Les mesures sont obtenues en mode rotatoire. Les mesures en oscillation permettent la mesure de deux facteurs : le module de perte ou module élastique G’ et le module de conservation ou module visqueux G’’ (Figure 57). Pour des biofilms âgés de 475 et 717 jours, les résultats obtenus en oscillation lors d’un balayage de fréquence (1 à 100 Hz) montrent un domaine linéaire pour lequel G’ et G’’ sont parallèles entre 1 et 30 Hz. Dans ce domaine linéaire, les valeurs du module élastique (G’) varient entre 2020 et 3300 Pa et celles du module visqueux entre 600 et 1390 Pa. Ce comportement traduit le caractère viscoélastique de l’échantillon. Les valeurs du module élastique sont légèrement plus élevées à J717 par rapport à J475. 135 Figure 57. Analyse rhéologique du module élastique (G’) et du module visqueux (G’’) du biofilm âgé de 475 et 717 jours soumis à une fréquence croissante. Les mesures sont obtenues en mode oscillatoire. Quelle que soit la fréquence appliquée, les valeurs de G’ restent supérieures à celles de G’’. Ceci est d’après la science des polymères la définition d’un gel. Le biofilm qui se forme à la surface des membranes NF est donc un gel au sens rhéologique du terme. En mode oscillatoire, le domaine linéaire et l’allure des courbes restent également inchangés à J717 (Figure 57). Ces faibles augmentations de la viscosité et de l’élasticité concordent avec la densification du biofilm et la croissance des réseaux fibreux de polysaccharides. Ces structures assurent une plus forte cohésion du biofilm. 4. Performance de filtration membranaire et qualité de l'eau d'alimentation Afin de relier l’évolution du développement de biofilm à la surface des membranes NF à une baisse de performance de filtration, la perméabilité et le facteur de charge longitudinale (FCL) ont été suivis tout au long de l’étude cinétique (Figure 58). 136 Figure 58. Evolution de la perméabilité membranaire (Kw) (a) et du facteur de colmatage longitudinal (FCL) (b) au cours du temps de fonctionnement des membranes NF. Les flèches représentent les périodes d’extraction correspondant à J7, J80, J475 et J717. Les pointillés verticaux montrent les nettoyages usines effectués. La perte de perméabilité membranaire a été évaluée par mesure du Kw. Ce facteur rend compte de l’aptitude d’une membrane à produire du perméat sous l’effet de la pression. C'est-à-dire que lorsque le Kw diminue, à pression constante, le débit de perméat par unité de surface baisse également. Lorsque la membrane se colmate, le Kw diminue et le FCL augmente. La valeur de Kw passe de 5,98 à 5,51 L. h-1. m-2. bar-1 entre 7 et 80 jours de fonctionnement, soit une perte de perméabilité faible de 8%. Le développement du dépôt de colmatage et au sein de ce dernier, du biofilm, perturbe donc la filtration assez rapidement 137 même si la baisse totale de perméabilité est encore modérée. La perméabilité membranaire subit une chute continue tout au long de l'étude. Entre J80 et le nettoyage à J260 (en date du 15/01/07) le Kw passe de 5,51 à 3,02 L.h-1.m-2.bar-1soit une forte baisse de 45%. Ce nettoyage permet de revenir temporairement à une valeur de Kw de 6,53 L.h-1.m-2.bar-1. Entre ce nettoyage et J475, le Kw diminue de nouveau de 13 % atteignant 5,68 L.h -1.m-2.bar-1. Après 475 jours de fonctionnent, malgré des nettoyages réguliers, l’établissement d’un biofilm compact s’accompagne d’une nouvelle diminution des performances de filtration de la membrane. Le Kw évolue entre les deux derniers points de la cinétique passant de 5,8 à 4,41 L.h-1.m-2.bar-1 soit une baisse de 22%. Donc, la perméabilité membranaire est affectée rapidement et tout au long de la cinétique avec des pertes de perméabilité importantes dès J80. Le FCL évolue un peu différemment du Kw. En effet, entre J7 et J80, il n’évolue pas (valeurs respectives : 0,97 et 0,98). Entre J80 et J475, il augmente de 9% passant de 0,98 à 1,07. Juste après J475, un nettoyage permet de retrouver une valeur de 0,91. Entre ce nettoyage et J717, le FCL évolue de 0,91 à 1,20 soit une forte augmentation de 32%. Le colmatage longitudinal ne varie pas de manière linéaire, son évolution comporte trois phases. Une première phase pendant laquelle il reste inchangé, une seconde phase pendant laquelle il augmente faiblement puis une troisième phase d’augmentation très forte. Pour pouvoir comprendre les différentes phases de croissance du biofilm sur membrane au cours du temps de l'étude, il est judicieux de s'intéresser à la qualité de l'eau qui alimente les membranes. Malheureusement, la qualité microbiologique de l'eau n'est pas testée en amont de la nanofiltration, donc le nombre de microorganismes qui arrive sur la membrane en fonction de la période n'est pas connu. Par contre la concentration en carbone organique total (COT) de l'eau d'alimentation des membranes et sa variabilité au cours du temps sont mesurées. Ce facteur pourrait avoir son importance soit en agissant directement sur le colmatage de la membrane soit en agissant indirectement sur la croissance du biofilm NF. Cependant, il n'y a pas de corrélation claire entre: La concentration en COT et la baisse de perméabilité membranaire (Kw). Les fortes concentrations en COT n'induisent pas de diminution nette des valeurs de Kw (Annexe 6). La concentration en COT et l'augmentation du facteur de colmatage longitudinal (FCL). Les fortes concentrations en COT n'induisent pas de hausse nette des valeurs de FCL (Annexe 7). 138 La concentration en COT et la croissance des microorganismes sur la membrane NF (Figure 58bis). En effet, les périodes de croissance nette des microorganismes ont été identifiées entre J7 et J80 (courant période chaude 1) et entre J475 et J717 (courant période froide 2) alors que les périodes de forte concentration en COT correspondent principalement aux deux périodes froides. De plus, il existe une forte variabilité du COT entre deux points d'extraction donc il est vraiment difficile de relier la croissance des bactéries sur la membrane avec ce paramètre. Figure 58bis. Evolution du carbone organique total (COT) dans l'eau d'alimentation et de la température de l’eau au cours du temps de fonctionnement des membranes NF. Les flèches représentent les périodes d’extraction correspondant à J7, J80, J475 et J717. 139 B. Comparaison des biofilms NF après 717 jours et après 7 années de fonctionnement La partie des résultats présentés au cours de ce chapitre correspondant à l’analyse de la texture des biofilms par rhéologie a fait l’objet de la publication « Rheology of biofilms formed at the surface of NF membranes in a drinking water production unit» parue en Juillet 2008 dans le volume 24 de « Biofouling » pages 235 à 240 (Annexe 21). L’analyse de la formation de biofilm sur les membranes de nanofiltration de l’usine de Méry sur Oise pour des durées de fonctionnement variant de 7 à 717 jours a permis de décrire la cinétique de colonisation des membranes associée à des altérations importantes des performances de filtration. Cependant, la durée de vie des membranes NF est bien supérieure à 717 jours et nombre de modules de l’usine ont été en fonctionnement depuis leur mise en service c'est-à-dire 1999. Nous avons donc analysé le dépôt de colmatage de membranes en fonctionnement depuis 7 années pour le comparer au dépôt des membranes en fonctionnement depuis 717 jours. Pour cela, trois techniques ont été utilisées : la microscopie à fluorescence après un triple marquage au DAPI et aux lectines-TRITC et FITC, la spectroscopie ATRFTIR et la rhéologie. 1. Analyse en microscopie confocale L’observation en microscopie confocale des échantillons après marquage révèle que la nature des deux biofilms est analogue (Figure 59). 140 Figure 59. Images de la surface membranaire obtenues par microscopie confocale après 717 jours (a, b) et après 7 ans (c, d) de fonctionnement après triple marquage. a) et c) DAPI (bleu), lectine AH-TRITC (résidus β-gal(1->3)galNAc : rouge), Lectine TV-FITC (résidus (glcNAc)2: vert) ; b) et d) DAPI (bleu), lectine UE-TRITC (résidus β-L-fuc: rouge), LE-FITC (résidus (glcNAc)3: vert). Les flèches représentent le sens d’interprétation des projections dans l’épaisseur (ZX et ZY), de la membrane vers la surface du biofilm. En effet, les résidus sucrés marqués sont les mêmes. Par contre, la morphologie du biofilm et les proportions des polysaccharides marqués sont différentes. En effet, les résidus galactosamines et fucoses marqués respectivement par les lectines AH et UE (rouge) forment plus de structures filamenteuses enchevêtrées et moins d’agrégats denses sur la membrane en service depuis plusieurs années par rapport à la membrane en fonctionnement depuis 717 jours. Les résidus glucosamines marqués par la lectine TV ne présentent pas de différence sensible entre les membranes. Ceux marqués par la lectine LE sont morphologiquement proches mais les agrégats sont plus facilement observables au niveau de la membrane en fonctionnement depuis 7 années. La répartition des microorganismes dans l’épaisseur du 141 dépôt diverge également entre les deux conditions. Sur la membrane en fonctionnement depuis 717 jours, les microorganismes sont retrouvés à différentes profondeurs dans le biofilm alors que pour l’autre membrane (7 ans), ils sont présents majoritairement à la surface du dépôt. Ce phénomène est certainement dû au nombre importants de nettoyages qu’a subit la membrane en fonctionnement depuis plusieurs années. Ces nettoyages répétés détruisent probablement une grande partie des bactéries dans toute l’épaisseur du dépôt. Le grand nombre de microorganismes visibles en surface peut provenir d’un phénomène de recolonisation de la matrice non enlevée par les procédures de nettoyage. 2. Analyse par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier La comparaison des dépôts de colmatage formés après 717 jours et après 7 années de fonctionnement par analyse ATR-FTIR révèle que la progression de recouvrement de la membrane par le biofilm n’est pas terminée à J717 (Figure 60, Annexe 8). Figure 60. Comparaison des spectres infrarouge des membranes NF en fonctionnement depuis 717 jours (a) et 7 ans (b). Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) caractéristique des protéines et les flèches rouges montrent un signal (≈ 1040 cm-1) caractéristique de la matrice d’exopolysaccharides. Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. L’analyse qualitative des spectres IR semble montrer une différence de proportion de certaines liaisons chimiques. En effet, le massif de polysaccharides provenant du biofilm de 142 J717 montre des pics distincts (1040 cm-1 et 970 cm-1) alors que celui de 7 ans ne permet de distinguer clairement que le pic majoritaire à 1040 cm-1. Cette constatation concorde avec les différences de proportions de polysaccharides visibles en microscopie confocale. Les valeurs relatives de signaux IR pour les protéines (≈ 1650 cm-1) sont respectivement de 3,47 ± 1,76 et de 6,80 ± 1,60 pour les membranes en fonctionnement depuis 717 jours et 7 ans. Pour les carbohydrates (≈ 1040 cm-1), ces valeurs relatives sont de 5,04 ± 2,77 et 16,68 ± 4,39, respectivement. La comparaison des valeurs relatives de signaux IR de biofilm montre donc que pour le signal amide I et amide II (Annexe 5 bis, b) comme pour le signal des polysaccharidiques, les quantités de matière biologique sont significativement plus importantes pour la membrane la plus âgée (P < 0,0001 et P < 0,00001, respectivement). Ceci démontre que le biofilm est plus développé sur la membrane en service depuis 7 années. L’analyse qualitative et semi quantitative des spectres des deux biofilms suggèrent que la couche de biofilm sur la membrane la plus âgée est plus homogène. En effet, les différents spectres de cet échantillon peuvent quasiment se superposer. De plus, les signaux caractéristiques de la membrane NF, notamment le pic choisi comme référence à 700 cm-1, sont très fortement atténués pour la membrane en fonctionnement depuis 7 années par rapport à J717. Ainsi, malgré les nettoyages réguliers, le biofilm poursuit son développement sur la membrane de façon irréversible et continue au cours du temps tout durant la filtration. 3. Analyse des propriétés physicochimiques et mécaniques des biofilms NF Les propriétés mécaniques des biofilms formés après 717 jours et 7 années de fonctionnement ont été comparées par analyse en rhéologie. Le test de fluage en rotation est utilisé classiquement dans la littérature pour montrer le caractère viscoélastique d’un échantillon. Il est basé sur l’application d’une contrainte brutale constante pour évaluer la déformation du matériau. Puis cette force est stoppée brusquement pour tester la relaxation de l’échantillon. Les tests de fluage sont appliqués sur les biofilms provenant des membranes en fonctionnement depuis 717 jours et 7 ans avec une force constante de 30 Pa pendant 10 minutes suivie d’une période de relaxation de 5 minutes (Figure 61). 143 Figure 61. Comparaison du comportement viscoélastique de biofilms NF formés après 717 jours et 7 ans de fonctionnement. Le module de complaisance J est inversement proportionnel à la contrainte. 1, 2, 3, et 4 indiquent les phases de déformation des biofilms. La déformation des biofilms NF suit 4 étapes caractéristiques des fluides viscoélastiques. En effet, la phase 1 correspond à la réponse élastique de l’échantillon (étirement rapide) soumis à l’application d’une contrainte brusque. La seconde phase traduit le comportement visqueux du biofilm qui s’écoule. La troisième phase qui fait suite à l’arrêt de la contrainte est une relaxation élastique rapide. La quatrième phase est un écoulement visqueux de relaxation pour retrouver l’état initial. L’analyse des courbes de fluage permet de déterminer les facteurs η0 et G0 qui correspondent respectivement à la viscosité et à l’élasticité effectives de l’échantillon. Les η 0 des biofilms en fonctionnement depuis 717 jours et 7 ans sont respectivement de 4,94. 106 ± 1,126. 106 et de 3,31. 106 ± 0,66. 105 Pa.s. Les G0 sont respectivement de 1541 ± 102 et de 1378 ± 258 Pa. Les valeurs sont proches mais les légères différences viendraient des variations de structures moléculaires entre les deux échantillons : il y a plus de fibres enchevêtrées et moins d’agrégats denses dans le biofilm de la membrane en fonctionnement depuis 7 ans. Les analyses effectuées en rotation montrent des divergences dans la réponse des deux biofilms à une augmentation de la vitesse de cisaillement (Figure 62). Pour une vitesse de cisaillement de 0,3 s-1, la viscosité est analogue pour les deux biofilms (363 Pa.s versus 370 144 Pa.s, pour J717 et 7 années, respectivement). Au cours du processus de rhéofluidification, c'est-à-dire lorsque le biofilm se fluidifie avec l’augmentation de la vitesse de cisaillement, des différences de comportement apparaissent (Figure 62). Figure 62. Comparaison du comportement visqueux de biofilms NF âgés de 717 jours et 7 ans soumis à une vitesse de cisaillement croissante. Les mesures sont obtenues par rhéologie en mode rotatoire. Les pointillés rouges matérialisent la vitesse de cisaillement pour laquelle un changement de pente est observé (biofilm J717). En effet, sur la gamme de contrainte appliquée, pour la membrane en fonctionnement depuis 7 années, la baisse de viscosité du biofilm semble uniforme et proportionnelle à l’augmentation de la vitesse de cisaillement appliquée. Par contre, pour la membrane en fonctionnement depuis 717 jours, la courbe a une allure différente et présente deux pentes distinctes autour d’une vitesse de cisaillement de 4,8 s-1. Au-delà de 4,8 s-1, la baisse de viscosité est plus forte amenant à une viscosité finale inférieure à celle du biofilm âgé de 7 ans. Cette divergence de comportement peut être liée à des différences dans la structure des deux biofilms comme des variations au niveau des proportions et de l’arrangement de leurs constituants. Les analyses rhéologiques obtenues par oscillation ne montrent pas de différence prononcée entre les deux biofilms (Figure 63). Les valeurs des modules élastiques (G’) et 145 visqueux (G’’) de même que l’allure des courbes rhéologiques en fonction de la fréquence appliquée résultantes sont proches. Il existe cependant des différences très faibles qui rejoignent les résultats obtenus avec les tests de fluage. Ainsi, la viscosité et l’élasticité du biofilm à J717 sont légèrement supérieures au biofilm de 7 ans. Or, le biofilm de 7 ans possède une concentration supérieure en protéines et polysaccharides comparé au biofilm âgé de 717 jours. Dans un gel, la concentration en monomères, leur nature et les liens entre monomères ont un impact sur la viscosité et l'élasticité de la structure. Nos résultats illustrent donc bien que la concentration des constituants du biofilm NF n’est pas le seul élément déterminant ses propriétés mécaniques. Figure 63. Evolution rhéologique du module élastique (G’) et du module visqueux (G’’) du biofilm soumis à une fréquence croissante pour des membranes âgées de 717 jours et de 7 ans. Les mesures sont obtenues par rhéologie en mode oscillatoire. II. Stratégies de lutte anti-biofilm Deux stratégies peuvent être utilisées pour lutter contre les biofilms : une stratégie préventive qui consiste en une maîtrise des facteurs impliqués dans le développement du biofilm et une stratégie curative qui consiste à s’attaquer aux constituants d’un biofilm formé. Nous avons développé une approche curative par étude de solutions de nettoyage contenant des activités enzymatiques dirigées contre des composants majeurs des biofilms et une 146 approche préventive d’optimisation des prétraitements de l’eau à filtrer en ciblant le carbone organique dissout (COD) ou les bactéries planctoniques viables. Les études préventives sont réalisées sur des pilotes indépendants dont le flux surfacique est maintenu autour de 17 L.h 1 .m-2 comme c'était le cas pour l'étude cinétique de développement microbien sur pilote intégré à l'usine présentée précédemment. A. Maîtrise du développement de biofilm par prétraitement de l’eau d’alimentation 1. Impact de la réduction de la matière organique dissoute sur le biocolmatage membranaire Une partie des résultats présentés au cours de ce chapitre fait l’objet de la publication « Biodegradable dissolved organic carbon concentration of feedwater and NF membrane biofouling: a pilot train study » parue en Juin 2009 dans le volume 242 de « Désalination » pages 228 à 235 (Annexe 22). Le COD et particulièrement sa fraction biodisponible (CODB) constitue l’un des éléments essentiels de la nutrition des microorganismes. La concentration en CODB est donc susceptible d’influencer fortement la croissance microbienne, au moins pour la biomasse planctonique. Deux types de prétraitements, habituellement utilisés dans les process de potabilisation d’eau, ont été appliqué à une eau de surface afin d’y réduire la concentration en COD et CODB. Ainsi, l’eau d’alimentation des membranes a subi une préfiltration sur sable ou une préfiltration sur charbon actif en grains associée à une ozonation. Chacun de ces deux traitements possède une efficacité différente sur l’enlèvement de la matière organique. Les valeurs résiduelles de COD et de CODB sont de 1,8 ± 0,4 et de 0,5 ± 0,2 mg C/L pour l’eau filtrée sur sable et de 1,4 ± 0,3 et 0,3 ± 0,1 mg C/L pour l’eau filtrée sur charbon actif, respectivement. Le fait que les concentrations en COD et CODB soient inférieures pour l’eau filtrée sur charbon actif est statistiquement significatif (P < 0,01 pour les deux paramètres). Les concentrations en microorganismes totaux et vivants sont déterminées respectivement par marquage au DAPI et au CTC. Les valeurs de microorganismes totaux et vivants dans l’eau sont respectivement de 5,3 et 3,9 Log cellules/mL pour l’eau filtrée sur sable et de 5,1 et 4,1 Log cellules/mL pour l’eau filtrée sur charbon actif, respectivement. Au vu de ces très faibles 147 différences, la concentration en microorganismes est considérée comme similaire dans les deux eaux. Ce paramètre n'induira donc pas de différence de biocolmatage entre les deux membranes. Après 20 semaines de fonctionnement, le biofilm formé à la surface des membranes alimentées par les deux eaux est analysé par ATR-FTIR et par microscopie confocale après marquage au DAPI et aux lectines fluorescentes (AH-TRITC et TV-FITC). D’un point de vue qualitatif, l’observation en microscopie confocale des échantillons révèle une structuration du biofilm analogue entre les deux conditions (Figure 64). Par contre, une différence nette dans la quantité de biofilm formé est observée entre les deux prétraitements. Figure 64 : Images obtenues par microscopie confocale de la membrane alimentée par de l’eau préfiltrée sur sable (photo gauche) ou par de l’eau préfiltrée sur charbon actif (photo de droite) après 20 semaines de fonctionnement. Marqueurs fluorescents : DAPI (bleu), lectine AH-TRITC (résidus β-gal(1->3)galNAc: rouge), Lectine TV-FITC (résidus (glcNAc)2: vert). Les flèches représentent le sens d’interprétation des projections dans l’épaisseur (ZX et ZY), de la membrane vers la surface du biofilm. Des microcolonies microbiennes et des polysaccharides sont présents à la surface des membranes. Les polysaccharides sont particulièrement denses au niveau des microcolonies, ce qui suggère leur origine cellulaire. Les résidus galactosamines marqués par la lectine AHTRITC forment dans les deux cas des agrégats relativement compacts dont l’abondance dépend de la zone d’observation. Dans le cas des motifs glucosamines reconnus par la lectine TV-FITC, les structures marquées sont souvent ponctiformes et s’organisent en amas lorsque leur concentration est particulièrement élevée. En plus de ces structures observées dans les deux conditions dans des proportions analogues, de nombreuses fibres longues sont également 148 visibles au niveau du biofilm alimenté par l’eau préfiltrée au sable alors que de nombreuses structures globulaires sont retrouvées pour une alimentation par l’eau préfiltrée sur charbon actif. Dans les deux conditions, les biofilms sont hétérogènes, avec des zones de densité variable. Dans le cas d’une alimentation en eau préfiltrée au sable, le biofilm apparait plus abondant et plus dense (Figure 64). Cette différence est observée pour la quantité de microorganismes fixés et d’exopolysaccharides à la surface de la membrane NF. La modélisation par microscopie confocale de cinq images pour chacune des deux conditions permet une quantification volumique des signaux fluorescents. Cette quantification confirme les résultats semi-quantitatifs de l’observation directe des échantillons en microscopie (Tableau 5). Que ce soit avec le marquage au DAPI ou aux lectines AH-TRITC ou TV-FITC, le volume de matière marquée est statistiquement plus important dans le cas de l’alimentation par l’eau filtrée au sable comparée à l’eau préfiltrée au charbon actif (P < 0,0001, P < 0,01 et P < 0,05, respectivement). Tableau 5. Volumes occupés par les microorganismes (marquage DAPI) et les polysaccharides (marquages AH-TRITC et TV-FITC) obtenus par modélisation et traitement des images de microscopie confocale. Les images des modélisations ayant servi à la quantification sont reportées en Annexe 9. L’analyse des membranes colmatées par ATR-FTIR montre des profils similaires pour les deux conditions (Figure 65, Annexe 10). 149 Figure 65. Effet de la réduction de la matière organique dissoute dans l’eau d’alimentation sur les spectres IR de membranes NF en fonctionnement pendant 20 semaines. a), b), c) sont respectivement les spectres obtenus pour une membrane neuve, pour une membrane dont l’eau d’alimentation est filtrée sur sable ou sur charbon actif. Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) caractéristique des protéines et les flèches rouges montrent un signal (≈ 1040 cm-1) caractéristique de la matrice d’exopolysaccharides. Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. Ceci démontre que les prétraitements utilisés ne modifient pas la nature des matières colmatantes à la surface des membranes NF. Cette constatation va dans le sens des observations microscopiques. Les signaux IR relatifs au signal de membrane correspondant aux protéines (≈ 1650 cm-1) et aux polysaccharides (≈ 1040 cm-1) sont plus élevés pour une alimentation en eau préfiltrée sable par rapport à une alimentation en eau filtrée sur charbon actif (1,36 ± 0,55 versus 1,14 ± 0,45 et 1,13 ± 0,59 versus 0,79 ± 0,45, respectivement). Cependant, ces différences ne sont pas statistiquement significatives (P > 0,05). L’absence de différence statistique est probablement due à l’hétérogénéité des biofilms et à une insuffisance du nombre d’acquisitions de spectres par échantillon (5 spectres IR par échantillon). En effet la différence de quantité de biofilm observée en ATR-FTIR confirme les précédentes observations réalisées par les techniques d’observations microscopiques. Pour les études réalisées dans la suite de ce travail, nous avons augmenté le nombre d’acquisitions de spectres en effectuant au moins 15 spectres par échantillon. Les valeurs relatives en IR pour la bande amide II également caractéristique des protéines suivent la même tendance et ont des significativités statistiques analogues aux valeurs relatives de la bande amide I (Annexe 5 bis, c). 150 Le développement de biofilm à la surface des membranes NF induit un biocolmatage à partir du moment où il est associé à des pertes de performance de filtration membranaire. Pour relier ces différences dans les dépôts de colmatage des membranes NF à des différences de perte de performance, les paramètres de filtration membranaire ont été évalués dans les deux conditions. Pour cela, deux facteurs ont été suivis au cours du temps : la perméabilité (Kw) et le facteur de colmatage ou perte de charge longitudinale des membranes (FCL) (Figure 66). Figure 66. Evolution des paramètres de filtration de la membrane NF alimentée par de l’eau préfiltrée sur sable ou sur charbon actif. Les graphiques de gauche et de droite présentent respectivement la variation de perméabilité (Kw) et du facteur de colmatage longitudinal (FCL) en fonction du temps de fonctionnement. Le Kw de la membrane avec l'eau filtrée charbon actif est plus faible que celui avec l'eau filtrée sable au démarrage de l'étude (temps zéro). Cependant, il ne faut pas regarder les valeurs absolues mais les valeurs relatives. C’est une différence de perméabilité entre deux temps de fonctionnement qu’il faut analyser. En effet, les membranes lors de leur mise en fonctionnement ne possèdent pas le même Kw au départ, c'est donc l'évolution de ce Kw au cours du temps par rapport à la valeur initiale qu'il faut suivre. Dans les deux conditions, la perte de perméabilité due au colmatage de la membrane évolue de la même façon. La perméabilité de la membrane alimentée avec de l’eau préfiltrée sur sable est de 6,0 L. h-1. m-2. bar-1 au début du cycle, de 6,3 L. h-1. m-2. bar-1 entre 7 et 15 semaines de fonctionnement et de à 5,7 L. h-1. m-2. bar-1 à la fin du cycle. Cette valeur finale correspond à une baisse de perméabilité de 10%. La perméabilité de la membrane alimentée avec de l’eau préfiltrée sur charbon actif est de 5,4 L. h-1. m-2. bar-1 au début du cycle, de 5,7 L. h-1. m-2. bar-1 entre 7 et 151 15 semaines et termine à 4,9 L. h-1. m-2. bar-1 après 20 semaines de fonctionnement. Cette valeur finale correspond à une baisse de perméabilité de 14%. La perte de charge longitudinale pour la membrane alimentée avec de l’eau préfiltrée sur sable apparaît au bout de 13 semaines comme c’est le cas pour la perte de perméabilité. Après 20 semaines de filtration, la valeur de FCL a augmenté de 13%. Pour la membrane alimentée par de l’eau préfiltrée sur charbon actif, la baisse de perméabilité observée ne s’accompagne d’aucune perte de charge longitudinale. Comme c’était le cas lors de l’étude de la cinétique du développement du biofilm, il semble que le facteur de colmatage longitudinal concorde bien avec la quantité de biofilm présente à la surface des membranes. Donc, mis à part la diminution de perméabilité membranaire qui n’est pas discriminante, l’ensemble des données recueillies (microscopie confocale, ATR-FTIR, FCL) montre que le développement de biofilm induit un colmatage d’origine biologique. L'augmentation de la concentration en matière organique dissoute est associée à une augmentation du développement de biofilm et du biocolmatage. Ceci est valable dans la gamme de concentration de COD et CODB de cette étude pilote obtenue par deux prétraitements différents classiques (préfiltration sable et préfiltration charbon actif couplée à l'ozonation). 2. Réduction du nombre de microorganismes viables planctoniques L’une des premières étapes de la formation de biofilm est un transfert de cellules microbiennes d’une phase liquide à un support solide. Ensuite, les bactéries sessiles vont se multiplier sur le support et produire des exopolymères. La concentration en bactéries planctoniques viables va donc déterminer la quantité de cellules pouvant être transférées à la surface membranaire pour ensuite y développer un biofilm. La technique retenue pour diminuer le nombre de microorganismes viables dans l’eau d’alimentation est la technique physique d’irradiation par des rayonnements UV. Dans un premier temps, l’effet des UV sur la viabilité des microorganismes planctoniques présents dans l’eau d’alimentation est testé. L’objectif de cette première approche est de déterminer si les UV ont une action létale dose dépendante et de fixer la dose d’irradiation à utiliser. Une fois cette dose déterminée, l’impact du prétraitement de l’eau d’alimentation par irradiation UV sur le développement de dépôt de biocolmatage sur des membranes NF est déterminé au cours du fonctionnement d’un pilote de nanofiltration. Un premier cycle de 10 semaines est réalisé avec de l’eau d’alimentation filtrée sur sable avant d’être irradiée aux UV. Cette eau possède un fort potentiel de biocolmatage 152 pour les membranes NF comme nous l’avons montré dans l’étude précédente. Elle a été utilisée dans un premier temps pour tester des conditions de fortes concentrations en matière organique dissoute. Un second cycle de 20 semaines a été mené avec une eau d’alimentation traitée par du charbon actif en grain puis traitée par ozonation. Cette eau possède des concentrations en matières organiques dissoutes inférieures et donc un plus faible potentiel de biocolmatage. a. Effet de l’irradiation aux UV sur les bactéries planctoniques La régulation de la dose d’UV appliquée est obtenue par modification du débit de l’eau d’alimentation. Ainsi, les débits utilisés sont de 11, 14 et 23 m3/h correspondant respectivement à des doses d’irradiation de 400, 300 et 150 J/m2 lorsque la lampe UV est en fonctionnement. Plus le débit est lent, plus la dose appliquée est importante. La viabilité bactérienne a été déterminée par microscopie à épifluorescence après marquage différentiel des bactéries vivantes et mortes par un mélange SYTO 9 - iodure de propidium. Dans un premier temps, nous avons mesuré le pourcentage de bactéries mortes et vivantes dans l’eau à chacun des trois débits utilisés en absence d’irradiation UV. L’objectif est de mettre en évidence un éventuel impact de la variation du débit sur la viabilité des bactéries planctoniques. On constate qu’à tous les débits, la majorité des cellules planctoniques dans l’eau d’alimentation des pilotes sont mortes en absence de toute irradiation UV. Pour les débits de 11, 14 et 23 m3/h la proportion de bactéries mortes est respectivement de 83,6 ; 83,8 et 69,6%. Il n’y a pas de différence statistiquement significative entre les débits de 11 et 14 m3/h. Par contre, le débit maximal de 23 m3/h est associé à une diminution significative du pourcentage de bactéries mortes en comparaison des deux débits plus lents (Figure 67, respectivement, P < 0,05 et P < 0,01). 153 Figure 67. Effets du débit de l’eau d’alimentation et de la dose d’irradiation UV sur la mortalité des bactéries libres. En présence de radiation UV, les débits de 11, 14 et 23 m3/h correspondent aux doses de 400, 300 et 150 J/m2, respectivement. Pour ce débit de 23 m3/h, on observe beaucoup de particules en suspension dans l’eau qui véhiculent des microcolonies de bactéries vivantes (Figure 67 bis). Ces particules ne sont pas observées pour les deux débits plus élevés. On peut supposer que ce fort débit arrache des particules métalliques porteuses de fractions de biofilms présents à la surface des canalisations correspondant au phénomène de biocorrosion couramment décrit dans la littérature. Figure 67 bis. Photographie obtenue par microscopie à épifluorescence de particules transportant des microorganismes vivants. Ces photos sont réalisées à la suite d'une filtration de l'eau d'alimentation à un débit de 23 m3/h avec une membrane possédant un seuil de coupure à 0,22 µm. La coloration est réalisée avec du SYTO 9. Les particules probablement de type métallique apparaissent en marron-orangé et les microorganismes vivants en vert clair. Le vert foncé provient de l'autofluorescence de la membrane. Grossissement x630. 154 Dans un second temps, nous avons analysé la viabilité bactérienne dans l’eau aux différents débits en présence d’irradiation UV. Pour les débits de 11, 14 et 23 m3/h (doses de 400, 300 et 150 J/m2, respectivement), la proportion de bactéries mortes passe respectivement de 83,6 à 88,1 %, de 83,8 à 89,7% et de 69,6% à 73,4%. Les traitements UV augmentent donc la proportion de bactéries mortes de manière faible mais significative (Figure 67) pour les doses de 400 et 300 J/m2 (P < 0,001 et P < 0,05, respectivement). L’augmentation très faible de la proportion des bactéries mortes n’est pas significative pour la plus faible dose (150 J/m2). De plus, pour cette dose minimale, on observe également après irradiation la présence de particules solides qui véhiculent des microcolonies de bactéries vivantes. Ces particules, arrachées de la surface des canalisations, doivent protéger les microorganismes de l’irradiation UV. L’irradiation UV induit donc de manière dose dépendante une mortalité parmi les bactéries libres. Par contre, la mortalité induite reste faible même à la dose la plus forte et la quantité de bactéries libres vivantes qui traversent cette « barrière UV » est de l’ordre de 1000 cellules par ml. b. Effet de l’irradiation UV sur le colmatage membranaire, alimentation en eau filtrée sable Deux pilotes mis en parallèle sont alimentés par la même eau filtrée sable pendant une durée de 10 semaines. Le pilote 1 est alimenté par une eau non irradiée alors que le pilote 2 est alimenté par la même eau soumise à une irradiation UV de 400 J/m2 (Figure 68). Les paramètres de performance membranaire (perméabilité et perte de charge longitudinale) sont mesurés en continu. Figure 68. Schéma des pilotes NF. Les deux pilotes sont alimentés par la même eau à la seule différence que l’eau destinée au pilote 2 subit un prétraitement par irradiation UV. 155 Au terme de ces 10 semaines, les modules sont autopsiés et les membranes NF qu’ils contenaient analysées, par mesure d’ATP dans le dépôt, microscopie à fluorescence après marquage du biofilm par du DAPI et des lectines couplées à des fluorochromes, par spectroscopie infrarouge ATR-FTIR et par mesure de la mouillabilité. Le dépôt formé à la surface des membranes témoin, c'est-à-dire sans irradiation, contient de nombreux microorganismes principalement organisés en microcolonies. A la surface membranaire, on observe également des polysaccharides avec une grande hétérogénéité dans leur organisation, leur disposition et leur densité (Figure 69). Le dénombrement des microorganismes par observation au microscope à épifluorescence révèle une concentration moyenne de bactéries fixées de 2,2 x 106 cellules par cm2. Figure 69. Photographies obtenues par microscopie à épifluorescence de la membrane témoin après 10 semaines de fonctionnement (absence d’irradiation). Les colorations sont réalisées par triple marquage au DAPI (bleu), au lectines AH-TRITC (résidus β-gal(1->3)galNAc, rouge) et LE-FITC (résidus (glcNAc)3, vert). Grossissement x630. Les motifs galactosamines et glucosamines respectivement marqués par les lectines AH-TRITC er LE-FITC forment de petites structures ponctiformes bien définies ou des agrégats denses de plus grande taille souvent circulaires (Figure 70). Les résidus fucoses et mannoses, respectivement reconnus par UE-TRITC et CA-FITC, forment plutôt de petits bâtonnets courts et épais. Les résidus marqués par AH et LE sont plus abondants que les résidus marqués par UE et CA. Il existe des zones fortement concentrées en microorganismes et en polysaccharides et d’autres plus faiblement colonisées. Ces zones fortement colonisées constituent des massifs proéminents séparés par des canyons constitués de zones plus 156 faiblement colonisées. L’ensemble constitue des biofilms fortement structurés dans un espace en trois dimensions (Figure 70). Le dépôt formé à la surface des membranes alimentées par une eau traitée par irradiation UV contient une quantité légèrement plus faible de bactéries fixées (1,07 x 106 cellules par cm2). La quantification de ces bactéries est une nouvelle fois obtenue par comptage direct de 10 champs en microscopie à épifluorescence après marquage de la membrane NF au DAPI. La moyenne du nombre de microorganismes est rapportée à un cm2. On observe également des modifications quantitatives et qualitatives des polysaccharides du dépôt de ces membranes (Figure 70). En effet, les résidus galactosamines et glucosamines marqués respectivement par les lectines AH-TRITC et LE-FITC sont quantitativement diminués. Les motifs fucoses et mannoses, respectivement marqués par les lectines UE-TRIC et CA-FITC, ne semblent pas présenter de changement quantitatif comparés au témoin. 157 Figure 70. Images de la surface membranaire des modules témoins (a, b) et des modules dont l’eau d’alimentation est prétraitée par des UV (c, d) obtenues par microscopie confocale après 10 semaines de fonctionnement. La coloration est obtenue par triple marquage : a) et c) DAPI (bleu), lectine AH-TRITC (résidus β-gal(1->3)galNAc, rouge), Lectine LE-FITC (résidus (glcNAc)3 , vert) ; b) et d) DAPI (bleu), lectine UE-TRITC (résidus β-L-fuc, rouge), Lectine CA-FITC (résidus α-D-man et α-D-glc, vert). Les flèches représentent le sens d’interprétation des projections dans l’épaisseur (ZX et ZY), de la membrane vers la surface du biofilm. Par contre d’un point de vue morphologique, il existe des différences visibles entre les biofilms obtenus dans les deux conditions. Quelle que soit la lectine utilisée, la densité de marquage est bien plus hétérogène après traitement UV. Dans ce cas, les microcolonies bactériennes forment des zones compactes très intensément marquées entourées de 158 nombreuses zones quasiment vides de marquages. En absence d’irradiation UV, la membrane est plus uniformément recouverte de biofilm. Ces observations réalisées par microscopie à fluorescence sont confirmées par les analyses d’ATR-FTIR et de mouillabilité. L’analyse des spectres IR du dépôt des membranes des deux pilotes révèle également une plus grande hétérogénéité du biofilm alimenté par une eau irradiée aux UV (Figure 71, Annexe 11). Bien que le nombre de spectres réalisés soit le même dans les deux conditions, un plus grand nombre de spectres sont visibles pour la membrane alimentée par de l’eau irradiée alors que pour la membrane alimentée par l’eau non irradiée, de nombreux spectres se chevauchent. Figure 71. Effet du prétraitement de l’eau d’alimentation par irradiation UV sur les spectres IR de membranes NF en fonctionnement pendant 10 semaines. L’eau d’alimentation est filtrée sur sable. (a) présente les spectres d’une membrane neuve, (b) et (c), absence et présence d’irradiation UV, respectivement. Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) caractéristique de la biomasse et les flèches rouges montrent un signal (≈ 1040 cm-1) caractéristique de la matrice d’exopolysaccharides. Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. Les valeurs relatives de signaux IR pour la bande amide I sont de 0,87 ± 0,22 pour le témoin sans traitement et de 0,74 ± 0,25 en cas d’irradiation UV. Les valeurs relatives de signaux IR pour les polysaccharides sont de 0,52 ± 0,22 pour le témoin et de 0,44 ± 0,29 en cas d’irradiation UV. Les différences observées entre les deux conditions sont statistiquement significatives (P < 0,01 et P < 0,05 respectivement pour les valeurs relatives amide I et polysaccharides). Les valeurs relatives en IR pour la bande amide II également caractéristique 159 des protéines suivent la même tendance et ont des significativités statistiques analogues aux valeurs relatives de la bande amide I (Annexe 5 bis, d). L’irradiation UV diminue également de manière significative la quantité d’ATP présente dans le dépôt de colmatage des modules. Les valeurs d’ATP du biofilm formé sur les membranes du module témoin et traitée sont respectivement de 0,68 ± 0,13 et 0,30 ± 0,06 pmoles/cm2. Cette diminution est importante puisqu’elle est de l’ordre de 55% et statistiquement significative (P < 0,001). Cette différence peut provenir de la plus faible quantité de biofilm retrouvée à la surface des membranes alimentées par l’eau traitée. Le recouvrement des membranes par un biofilm, aboutit dans les deux conditions à une diminution de la mouillabilité de la membrane avec une diminution significativement plus faible après irradiation UV. Les valeurs d’angles de contact pour la membrane témoin et la membrane en présence d’irradiation sont respectivement de 83,4° ± 7,6 et de 74,7° ± 4,3 (P < 0,05). Le développement de biofilm se traduit également par une faible baisse des performances membranaires (Tableau 6). L’irradiation UV n’apporte pas d’avantage sensible pour diminuer cette perte de performances. Si la perte de charge longitudinale est légèrement plus faible en cas d’irradiation, la perte de perméabilité est légèrement plus élevée. Tableau 6. Evolution des paramètres de filtration membranaires durant 10 semaines de fonctionnement. Kw, perméabilité. FCL, facteur de colmatage longitudinal. 160 c. Effet de l’irradiation UV sur le colmatage membranaire, alimentation en eau filtrée sur charbon actif en grain puis ozonée Dans cette seconde étude, l’étape de filtration sur sable est remplacée par une étape de traitement avec du charbon actif en grain suivie d’une ozonation. De plus, le cycle dure 20 semaines au lieu de 10 dans l’étude précédente. Le pilote 1 sert toujours de témoin et l’eau d’alimentation du pilote 2 est préalablement soumise à une irradiation UV de 400 J/m2. A la fin du cycle, les modules sont autopsiés et les membranes NF qu’ils contenaient analysées de la même manière qu’au cycle précédent. Avec un prétraitement de l’eau d’alimentation avec du charbon actif en grain suivie d’une ozonation, on observe un fort développement de biofilm à la surface des membranes des pilotes, comme lors de l’étude précédente avec une eau d’alimentation préfiltrée sur sable (Figure 70). Les motifs galactosamines marqués par la lectine AH-TRITC semblent cependant être plus représentés (Figure 72). Le biofilm formé à la surface des membranes dont l’eau d’alimentation a été traitée aux UV présente une différence morphologique par rapport à l’absence d’irradiation (Figure 72). Le marquage par les lectines AH-TRITC et LE-FITC révèle que l’hétérogénéité y est supérieure. En effet, quel que soit le marquage, des zones compactes et abondamment marquées par les lectines entrecoupées de zones vides sont visibles. L’irradiation UV semble donc conduire à la formation d’un biofilm qui recouvre moins la membrane par rapport au témoin. Cependant, le biofilm reste abondant avec des zones très compactes par endroit. Cette structuration est particulièrement visible après marquage des résidus galactosamines et glucosamines respectivement reconnus par les lectines AH-TRITC et LE-FITC, bien plus abondants que les motifs fucoses et mannoses respectivement marqués par UE-TRITC et CAFITC (Figure 72). 161 Figure 72. Images de microscopie confocale de la surface membranaire du module témoin (a, b) et du module dont l’eau d’alimentation est traitée par irradiation UV (c, d) après 20 semaines de fonctionnement. La coloration est obtenue par triple marquage : a) et c) DAPI (bleu), lectine AH-TRITC (résidus β-gal(1->3)galNAc, rouge), Lectine LE-FITC (résidus (glcNAc)3, vert) ; b) et d) DAPI (bleu), lectine UE-TRITC (résidus β-L-fuc, rouge), Lectine CA-FITC (résidus α-D-man et α-D-glc, vert). Les flèches représentent le sens d’interprétation des projections dans l’épaisseur (ZX et ZY) de la membrane vers la surface du biofilm. Comme pour le cycle précédent, les observations de microscopie à fluorescence sont confirmées par les analyses infrarouges. L’analyse des spectres IR révèle des profils de spectres très proches en présence ou en absence de prétraitement avec une plus grande hétérogénéité du biofilm alimenté par une eau irradiée aux UV (Figure 73, Annexe 12). 162 Figure 73. Effet du prétraitement de l’eau d’alimentation par irradiation UV sur les spectres IR de membranes NF en fonctionnement pendant 20 semaines. L’eau d’alimentation est filtrée sur charbon actif. (a) présente les spectres d’une membrane neuve, (b) et (c), absence et présence d’irradiation UV, respectivement. Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) caractéristique de la biomasse et les flèches rouges montrent un signal (≈ 1040 cm1 ) caractéristique de la matrice d’exopolysaccharides. Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. Les valeurs relatives de signaux IR pour la bande amide I sont de 2,42 ± 0,88 pour le témoin sans traitement et de 1,23 ± 0,36 pour le biofilm alimenté par l’eau irradiée. Les valeurs relatives de signaux IR pour le pic de polysaccharides (1040 cm-1) sont de 2,16 ± 1,02 pour le témoin et de 1,29 ± 0,45 pour le biofilm alimenté par l’eau irradiée. Les différences observées sont statistiquement significatives (P < 0,000001 pour les signaux amide I et P < 0,0001 pour les signaux polysaccharides) et sont bien supérieures aux différences observées lors de l’étude précédente. Les valeurs relatives en IR pour la bande amide II également caractéristique des protéines suivent la même tendance et ont des significativités statistiques analogues aux valeurs relatives de la bande amide I (Annexe 5 bis, e). L’irradiation UV diminue également de manière significative la quantité d’ATP présente dans le dépôt de colmatage des modules. Les valeurs d’ATP du biofilm formé sur les membranes du module témoin et traitée sont respectivement de 0,40 ± 0,16 et 0,18 ± 0,12 pmoles/cm2. Cette diminution est similaire à celle de l’étude précédente puisqu’elle est de l’ordre de 55% et statistiquement significative (P < 0,01). Le recouvrement des membranes NF par un biofilm aboutit à une diminution de la mouillabilité de la membrane analogue dans les deux conditions. Les valeurs d’angles de contact en absence et en présence d’irradiation UV sont respectivement de 73,7° et de 75,3° 163 (P > 0,05). L’irradiation UV n’apporte pas de bénéfice quant à la perte de mouillabilité des membranes NF dans cette étude. Par contre, l’irradiation UV a un impact sur l’évolution des paramètres de filtration membranaire. Sur ces 20 semaines de fonctionnement, la baisse de la perméabilité membranaire (Kw) est bien plus faible lorsque l’eau d’alimentation est traitée aux UV par rapport au témoin (Tableau 7). Tableau 7. Evolution des paramètres de filtration membranaires sur 20 semaines de fonctionnement. L’eau d’alimentation est préfiltrée sur charbon actif puis ozonée. Le facteur de colmatage longitudinal (FCL) augmente fortement sans traitement et n’évolue pas avec le traitement aux UV. L’impact des UV sur l’évolution des paramètres Kw et FCL illustrent le même phénomène : le traitement aux UV d’une eau préfiltrée sur charbon actif et ozonée induit un retard de colmatage de la membrane NF. C’est un retard du biocolmatage comme l’ont montré les analyses de microscopie confocale et d’infrarouge. B. Maîtrise des biofilms par traitement des membranes colmatées : nettoyages chimiques, développement d’un protocole de conservation des membranes colmatées in vitro compatible avec des essais de nettoyage Le dépôt de colmatage formé à la surface des membranes NF est la cause des pertes de performances initiales de celles-ci. Comme les prétraitements connus ralentissent sa formation 164 mais ne peuvent l’empêcher, il est primordial d’effectuer des traitements de nettoyages régulièrement. Ces traitements ont pour but d’enlever un maximum de dépôt pour permettre à la membrane de retrouver ou de se rapprocher de ses paramètres de filtration initiaux. C’est pourquoi une partie de l’étude s’intéresse aux traitements chimiques. 1. Essais de nettoyages Par définition, le biofilm est très variable et hétérogène selon les microorganismes qui le composent, le support sur lequel il se fixe, les conditions environnementales (température, pression, nutriments…) sous lesquelles il se développe. Les résultats de l’étude cinétique précédemment décrits soulignent la variabilité de la proportion et de l’agencement des constituants du biofilm NF en fonction de sa maturation. Une étude détaillée des constituants du dépôt de colmatage de membranes NF est essentielle à l’élaboration d’un nettoyage adapté. A l’usine de Méry-sur-Oise, le biocolmatage est le processus principal de formation du dépôt de colmatage qui se forme à la surface des membranes NF au cours de la production d’eau potable (Di Martino et al. 2007). La matière inorganique colmatante du dépôt est en grande partie éliminée par les nettoyages chimiques actuels, ce qui n’est pas le cas de la matière organique colmatante et en particulier des polysaccharides du dépôt (Di Martino et al. 2007). Il est donc nécessaire de réaliser des études d’efficacité de nouvelles solutions de nettoyage anti-biofilm pour améliorer l’efficacité des nettoyages industriels. Avant de réaliser ces tests à grande échelle, une étape de tests préliminaires in vitro sur des coupons provenant de membranes en fonctionnement en usine de production d’eau pourrait être une bonne alternative. En effet, ces essais sont moins contraignants en termes de personnes, de temps et de coût. Afin d’identifier des possibilités d’amélioration de l’efficacité des solutions de nettoyage des membranes colmatées, nous avons comparé l’efficacité de traitements de nature différente, ciblant des composés organiques de manière globale ou de manière plus spécifique. Ces traitements ont été testés à différents stades de formation du dépôt de colmatage correspondant aux points de l’étude cinétique présentée précédemment. Des traitements basés sur une succession de deux phases ont été utilisés : une première phase correspond à la solution active contre la matière organique et une seconde phase correspondant à un traitement par l’acide citrique ayant pour rôle d’éliminer le calcium et de resserrer les pores de la membrane NF. Trois types de solutions actives contre la matière biocolmatante ont été testés : 165 un traitement alcalin (ultrasil 110) qui sera qualifié de traitement chimique (TC) un traitement contenant une protéase (Ultrasil 67-69) qualifié de traitement antiprotéique (TAP) un traitement alliant l’action de la même protéase (Ultrasil 67-69) et d’enzymes dirigés contre les polysaccharides de la matrice (pectinase et -galactosidase). Ce traitement sera nommé traitement multienzymatique (TME). Ces trois traitements sont testés in vitro sur des coupons de membranes extraites après 7 jours, 80 jours, 475 jours et 717 jours de fonctionnement correspondant aux points d’autopsie des membranes lors de l’étude cinétique. L’efficacité des nettoyages est appréhendée par l’élimination de matière colmatante déterminée par analyse infrarouge. Les nettoyages sont tout d’abord testés avec des coupons de membrane neuve pour s’assurer qu’ils n’induisent pas de modifications des spectres infrarouge de la membrane. Quel que soit le type de nettoyage utilisé, les spectres IR obtenus ne présentent pas de modifications par rapport à une membrane maintenue dans l’eau ultrapure (Figure 74, Annexe 13). Figure 74. Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane neuve. Les graphiques a), b), c), et d) représentent respectivement les spectres IR de la membrane neuve conservée dans de l’eau ultrapure, après application du traitement chimique (TC), du traitement anti-protéique (TAP) et du traitement multienzymatique (TME). Pour appréhender l'hétérogénéité potentielle créée par les nettoyages, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 166 Les solutions nettoyantes ont ensuite été appliquées sur des coupons de membranes extraites à chacun des temps de fonctionnement correspondant à l’étude cinétique. Après 7 jours de fonctionnement, les signaux représentatifs du biofilm sont très faibles avant les nettoyages (Figure 75, Annexe 14). Quelle que soit la solution de nettoyage appliquée, les signaux de matière biocolmatante disparaissent après nettoyage. Figure 75. Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 7 jours. Le graphique a) représente les spectres de la membrane neuve. Les graphiques b), c), d) et e) représentent respectivement les spectres IR de la membrane colonisée par du biofilm non nettoyée, après application du traitement chimique (TC), du traitement antiprotéique (TAP) et du traitement multienzymatique (TME). Les flèches vertes désignent la bande Amide I caractéristique des protéines (≈ 1650 cm-1) et les flèches rouges montrent le signal révélateur des exopolysaccharides (≈ 1040 cm-1). Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. Après 80 jours de fonctionnement, tous les nettoyages ont une action sur le biofilm (Figure 76, Annexe 15). Quel que soit le type de traitement appliqué, la comparaison des spectres IR avant et après nettoyage révèle une diminution des signaux amide I et de la bande correspondant aux polysaccharides (Figure 76, Annexe 15). 167 Figure 76. Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 80 jours. Les graphiques a), b), c), et d) représentent respectivement les spectres IR de la membrane colonisée par du biofilm non nettoyée, après application du traitement chimique (TC), du traitement anti-protéique (TAP) et du traitement multienzymatique (TME). Les flèches vertes désignent la bande Amide I caractéristique des protéines (1650 cm-1) et les flèches rouges montrent le signal révélateur des exopolysaccharides (1040 cm-1). Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. Les valeurs relatives de signaux IR pour la bande amide I sont de 2,47 ± 0,15 en absence de traitement, de 1,29 ± 0,26 pour TC, de 1,04 ± 0,34 pour TAP, de 0,91 ± 0,23 pour TME. Toutes ces différences observées entre le témoin sans traitement et les nettoyages sont statistiquement significatives (P < 0,00001 ; P < 0,00001 ; P < 0,000001 respectivement pour TC, TAP et TME). Les valeurs relatives en IR pour la bande amide II suivent la même tendance et ont des significativités statistiques analogues aux valeurs relatives de la bande amide I (Annexe 5 bis, f). Pour l’enlèvement des protéines, le traitement chimique (TC) est statistiquement moins efficace que le traitement anti-protéique (TAP) (P < 0,05) et que le traitement multienzymatique (TME) (P < 0,01). Par contre, le traitement TME ne présente pas de gain d’efficacité comparé au traitement TAP (P > 0,05). Les valeurs relatives de signaux IR pour le pic de polysaccharides sont de 2,24 ± 0,28 en absence de traitement, de 1,00 ± 0,37 pour TC, 168 de 0,81 ± 0,65 pour TAP, et de 0,63 ± 0,37 pour TME. Toutes les différences observées entre le témoin sans traitement et les nettoyages sont statistiquement significatives (P < 0,0001 ; P < 0,001 ; P < 0,0001 respectivement pour TC, TAP et TME). Pour l’enlèvement des carbohydrates, le traitement TC est statistiquement moins efficace que TME (P < 0,05) par contre il ne présente pas de différence avec TAP (P > 0,05). TME ne présente pas de gain d’efficacité comparé à TAP (P > 0,05). Tous les nettoyages enlèvent des protéines et des polysaccharides de la surface de la membrane mais cette élimination de la matière biocolmatante n’est que partielle. Après 475 jours de fonctionnement, l’observation du profil des spectres IR réalisés avant et après nettoyage ne permet pas de juger de l’efficacité des traitements (Figure 77, Annexe 16). En effet, le profil des spectres IR est le même dans tous les cas. Une comparaison des intensités relatives des signaux de biofilms est donc indispensable pour juger de l’efficacité des nettoyages. Figure 77. Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 475 jours. Les graphiques a), b), c), et d) représentent respectivement les spectres IR de la membrane colmatée non nettoyée, après application du traitement chimique (TC), du traitement anti-protéique (TAP) et du traitement multienzymatique (TME). Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) et les flèches rouges montrent le signal révélateur des exopolysaccharides (≈ 1040 cm-1). Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 169 Les valeurs relatives de signaux IR pour la bande amide I sont de 2,62 ± 1,28 en absence de traitement, de 1,58 ± 0,58 pour TC, de 1,51 ± 0,42 pour TAP, de 1,26 ± 0,50 pour TME (P < 0,001 ; P < 0,001 ; P < 0,0001 respectivement pour TC, TAP et TME). Les valeurs relatives de signaux IR pour la le pic de carbohydrates sont de 3,90 ± 2,30 en absence de traitement, de 2,72 ± 1,22 pour TC, de 2,71 ± 0,94 pour TAP, de 2,33 ± 1,18 pour TME (Dans tous les cas, P < 0,01). Les valeurs relatives en IR pour la bande amide II suivent la même tendance et ont des significativités statistiques analogues aux valeurs relatives de la bande amide I (Annexe 5 bis, g). Tous les traitements permettent l’enlèvement partiel de protéines et de polysaccharides. Les traitements chimique (TC) et anti-protéique (TAP) ne présentent pas de différence d’efficacité entre eux. Par contre le traitement multienzymatique (TME) est significativement le plus efficace pour l’élimination des protéines et des polysaccharides. Après 717 jours de fonctionnement, l’observation des spectres IR avant et après nettoyage montre que les trois traitements modifient le profil des spectres de la membrane colmatée au niveau du massif des polysaccharides (900 à 1200 cm-1) (Figure 78, Annexe 17). Comme à J475, une comparaison des intensités relatives des signaux de biofilms est indispensable pour comparer l’efficacité des solutions de nettoyage. 170 Figure 78. Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 717 jours. Les graphiques a), b), c), et d) représentent respectivement les spectres IR de la membrane colmatée non nettoyée, après application du traitement chimique (TC), du traitement anti-protéique (TAP) et du traitement multienzymatique (TME). Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) et les flèches rouges montrent le signal révélateur des exopolysaccharides (≈ 1040 cm-1). Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. Les valeurs relatives de signaux IR pour la bande amide I sont de 3,47 ± 1,76 en absence de traitement, de 1,53 ± 0,62 pour TC, de 1,08 ± 0,48 pour TAP, de 0,93 ± 0,39 pour TME. Les valeurs relatives de signaux IR pour le pic de polysaccharides sont de 5,04 ± 2 ,77 en absence de traitement, de 2,45 ± 1,34 pour TC, de 1,57 ± 0,93 pour TAP, de 1,43 ± 0,83 pour TME. Toutes ces différences observées entre le témoin sans traitement et les nettoyages sont statistiquement significatives (pour les signaux protéines (P < 0,0001 ; P < 0,00001 ; P < 0,001 respectivement pour TC, TAP et TME et pour les signaux polysaccharides P < 0,001 dans tous les cas). Les valeurs relatives en IR pour la bande amide II suivent la même tendance et ont des significativités statistiques analogues aux valeurs relatives de la bande amide I (Annexe 5 bis, h). Pour l’enlèvement des protéines, le traitement chimique (TC) est statistiquement moins efficace que le traitement protéique (TAP) (P < 0,01), lui-même moins efficace que le traitement multienzymatique (TME) (P < 0,05). Pour l’élimination des carbohydrates, TC est 171 statistiquement moins efficace que TAP (P < 0,01) et que TME (P < 0,001). TME ne présente pas de gain d’efficacité comparé à TAP (P > 0,05). 2. Effets du stockage de membranes colmatées sur le biofilm NF et sur l’efficacité de nettoyage Une partie des résultats présentés au cours de ce chapitre fait l’objet de la publication « Effect of storage of NF membranes on fouling deposits and cleaning efficiency» parue en 2009 dans le volume 1 de « Desalination and Water Treatment » pages 307 à 311 (Annexe 23). Comme décrit dans la partie précédente sur les nettoyages, il est essentiel de trouver un traitement adapté à chaque type de biofilm qui exprime une grande variabilité selon la nature des bactéries qui le forme, les conditions environnementales et le support colonisé. Pour cela, de nombreux tests de nettoyages doivent être pratiqués et avant de pratiquer ces nombreux tests à grande échelle (pilote ou usine), il peut être utile de les pratiquer sur des coupons de membrane provenant de membranes usagées. Après extraction de ces modules membranaires, les essais de nettoyages peuvent être longs et le biofilm étant un dépôt d’origine biologique, sa composition doit très probablement évoluer en fonction du temps et des conditions de stockages. Il est donc nécessaire de développer un modèle de conservation des membranes pour évaluer l’évolution du dépôt au cours du temps et surtout de déterminer si les nettoyages appliqués conservent la même efficacité au cours de ce vieillissement. Cette étude repose sur le stockage de coupons de membranes colmatées pendant une période de huit semaines dans de l’eau ultrapure à 4°C. Ces conditions de stockage ont été choisies pour limiter la croissance microbienne et inhiber les activités enzymatiques cellulaires et extracellulaires mais une évolution du dépôt de colmatage qualifié de « vieillissement » est possible. Pour déterminer l’évolution du biofilm au cours du vieillissement et ses effets sur l’efficacité de nettoyage, des coupons de membrane NF en fonctionnement depuis plusieurs années sont analysés au temps zéro, après 4 semaines et après 8 semaines de stockage avant et après nettoyage in vitro. Les tests pratiqués sont basés sur deux techniques appropriées à l’évaluation de l’efficacité de nettoyage, l’analyse du dépôt de colmatage par ATR-FTIR et la mesure de la perméabilité membranaire (Kw). 172 L’analyse du dépôt de colmatage par ATR-FTIR révèle une évolution du biofilm au cours du temps dans les conditions de stockage choisies (Figure 79, Annexe 18). Figure 79. Analyse ATR-FTIR de l’évolution du dépôt de colmatage au cours du temps de stockage. Les graphiques a), b), c), et d) représentent respectivement les spectres IR de la membrane neuve, colmatée non stockée, colmatée et stockée 4 semaines, colmatée et stockée 8 semaines. Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) et les flèches rouges montrent le signal révélateur des exopolysaccharides (≈ 1040 cm-1). Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. Avant tout stockage, les spectres présentent une certaine homogénéité, les signaux caractéristiques des matières colmatantes (protéines et polysaccharides) sont très intenses et les signaux caractéristiques de la membrane très faibles. Après 4 semaines de stockage, une hétérogénéité entre les spectres est observée, les signaux de biofilm semblent atténués et les signaux de membrane augmentés. Après 8 semaines de stockage, le profil des spectres est analogue au profil observé après 4 semaines. Pour pouvoir comparer quantitativement les signaux, les valeurs relatives de signaux IR pour la bande amide I (1650 cm-1) et pour le pic majoritaire des polysaccharides (1040 cm1 ) sont calculées pour les différents temps (Tableau 8). Les résultats pour la bande amide II sont reportés en annexe 5 bis, i. 173 Temps 0 4 semaines de stockage 8 semaines de stockage Valeurs relatives signaux Valeurs relatives signaux IR amide I IR polysaccharides -1 (≈ 1650 cm ) (≈ 1040 cm-1) 6,80 +/- 1,60 16,68 +/- 4,39 4,32 +/- 2,37 9,62 +/- 5,75 4,15 +/- 2,35 9,39 +/- 5,96 Tableau 8. Comparaison des valeurs relatives de signaux IR de biofilm au cours du temps de stockage On observe une baisse significative des signaux relatifs des protéines et des polysaccharides après 4 semaines de stockage (P < 0,05). Après 8 semaines de stockage, il n’y a pas d’évolution significative de ces signaux (P > 0,05). Cette modification quantitative des signaux de biofilm s’accompagne d’une faible hausse de la perméabilité membranaire observée après 4 semaines de stockage et qui reste stable après 8 semaines. En effet, Kw est de 5,3 ; 5,8 et 5,6 L. h-1.m-2.bar-1 pour T0, T4 et T8 semaines respectivement. Cette modification du dépôt de colmatage pourrait avoir une répercussion sur l’efficacité de nettoyage des solutions utilisées. Pour vérifier si c’est le cas, un nettoyage en deux étapes est utilisé. Ce traitement consiste en l’application d’une solution enzymatique alcaline suivie d’une solution acide sur des coupons de membrane ayant subi les mêmes conditions de stockage que précédemment. Le nettoyage a un effet visible sur le dépôt de colmatage en absence de stockage (Figure 80, a et d, Annexe 19). En effet, le nettoyage induit une hétérogénéité entre les spectres et une augmentation apparente de l’intensité des signaux caractéristiques de la membrane. L’effet du nettoyage après 4 et 8 semaines de stockage n’est pas détectable par 174 simple observation des spectres. Comme nous l’avons montré dans l’étude précédente, le nettoyage ne modifie pas la composition chimique du dépôt de colmatage. Figure 80. Analyse ATR-FTIR de l’effet du vieillissement du dépôt de colmatage sur l’efficacité des procédures de nettoyage. Les graphiques a), b), et c) représentent respectivement les spectres IR de la membrane colmatée non stockée, de la membrane colmatée stockée 4 semaines et de la membrane colmatée stockée 8 semaines. Les graphiques d), e), et f) représentent les spectres IR des mêmes échantillons respectifs après nettoyage. Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) et les flèches rouges montrent le signal révélateur des exopolysaccharides (≈ 1040 cm-1). Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. Les valeurs relatives de signaux IR pour la bande amide I (≈ 1650 cm-1) et pour le pic majoritaire des polysaccharides (≈ 1040 cm-1) sont calculées pour les différents temps de stockage avant et après nettoyage (Tableau 9). Les résultats pour la bande amide II sont reportés en annexe 5 bis, j. 175 Temps 0 Avant nettoyage Temps 0 Après nettoyage Temps 4 semaines Avant nettoyage Temps 4 semaines Après nettoyage Temps 8 semaines Avant nettoyage Temps 8 semaines Après nettoyage Valeurs relatives signaux Valeurs relatives signaux IR IR amide I polysaccharides (≈ 1650 cm-1) (≈ 1040 cm-1) 6,80 +/- 1,60 16,68 +/- 4,39 2,34 +/- 1,37 5,07 +/- 2,47 4,32 +/- 2,37 9,62 +/- 5,75 2,58 +/- 1,89 5,35 +/- 4,18 4,15 +/- 2,35 9,39 +/- 5,96 4,03 +/- 1,96 9,42 +/- 5,26 Tableau 9. Comparaison de l’efficacité de nettoyage au cours du temps de stockage par analyse ATR-FTIR. Le nettoyage diminue de manière significative l’intensité des signaux relatifs des protéines et des carbohydrates en absence de stockage (temps 0) et après 4 semaines de stockage (P < 0,05). Le nettoyage appliqué est efficace pour enlever de la matière biologique du dépôt avant stockage mais aussi après 4 semaines et ce malgré la modification du dépôt due au stockage. Par contre, après 8 semaines de stockage, les valeurs relatives des signaux IR des protéines et des polysaccharides ne sont pas différentes statistiquement avant et après nettoyage. La procédure de nettoyage n’a aucun effet sur la matière biologique du dépôt après 8 semaines de stockage. Il semble donc que le biofilm soit devenu résistant au nettoyage après 8 semaines de conservation. Le nettoyage induit un gain de perméabilité de 10, 5 et 5% pour les coupons de membrane colmatée non stockées, stockées pendant 4 et 8 semaines, respectivement. Le nettoyage diminue donc le colmatage des membranes NF quelle que soit la durée de stockage testée. L’efficacité maximale étant observée avant stockage des membranes. 176 Discussion 177 I. Cinétique de développement microbien sur membrane NF La caractérisation de la cinétique de formation de biofilm à la surface des membranes NF a révélé de nombreuses similitudes avec des biofilms de laboratoire décrits dans la littérature, mais également différentes divergences liées aux conditions spécifiques de croissance lors de la nanofiltration. L’ensemble des résultats obtenus révèle clairement trois étapes de formation du biofilm : formation de microcolonies adhérentes enchâssées dans une matrice d'exopolymères, croissance du biofilm par développement des microcolonies adhérentes avec augmentation de la biodiversité microbienne et maturation du biofilm. La membrane NF 200 neuve utilisée lors de ces travaux de thèse est très hydrophile puisque l’angle de contact à l’eau mesuré est inférieur à 15°. D’autres études ont mesuré un angle de contact d’une trentaine de degrés pour des membranes de même type (Bellona et Drewes, 2005; Her et al., 2000). Dans notre étude, la membrane neuve a été préalablement rincée à l’eau ultrapure avant d’être séchée pour les mesures. Cette étape de rinçage pourrait expliquer la différence de mouillabilité entre les études. Cela dit, la surface d’une membrane NF200 neuve est hydrophile. La membrane NF200 est faiblement rugueuse (rugosité moyenne entre 3 et 19 nm et rugosité maximale de 40 nm) et fortement chargée négativement (Bellona et Drewes, 2005; Her et al., 2000; Marconnet et al., 2009). L’ensemble de ces propriétés de surface confère à la membrane NF200 un certain degré de résistance à la colonisation microbienne en comparaison de surfaces chargées positivement (Katsikogianni et Missirlis, 2004), plus rugueuses (Boyd et al., 2002; Taylor et al., 1998) ou plus hydrophobes (Tang et al., 2009; Tegoulia et Cooper, 2002). A priori, la membrane NF200 devrait donc être initialement difficilement colonisable. Ainsi, la colonisation d’une membrane NF270 aux caractéristiques proches d’une membrane NF200 est plus rapide en comparaison avec une membrane NF90 plus hydrophobe et plus rugueuse (Subramani et Hoek, 2008). Cependant, la rétention des matières organiques naturelles (NOM) et de molécules inorganiques par les membranes NF aboutit à la formation d’un film dont les propriétés de charge et d’hydrophobie peuvent modifier considérablement les propriétés de surface de la membrane et doivent faciliter ainsi l’accrochage des microorganismes (Garrett et al., 2008; Jermann et al., 2007). La formation du film primaire n’a pas été étudiée dans ces travaux de thèse, mais de nombreuses équipes ont prouvé que des molécules organiques naturelles comme des protéines et des carbohydrates ou des éléments inorganiques comme les cations divalents sont 178 retenus sur les membranes de filtration et participent activement au colmatage de celles-ci (Jermann et al., 2007; Seidel et Elimelech, 2002). Lors du processus de nanofiltration, après 7 jours de fonctionnement, des microorganismes sont déjà observables à la surface de la membrane NF200. Des bactéries adhérentes isolées (stade adhérence) et des microcolonies (stade biofilm) pouvant atteindre une trentaine de micromètres d’épaisseur sont présentes à la surface de la membrane. Ces structures composées de bactéries enchâssées dans des exopolymères organisées en microcolonies correspondent au début du stade de maturation du biofilm. Ces résultats sont en accord avec une autre étude qui relate le développement de biofilm lors de la filtration d’eaux usées sur membrane NF (Ivnitsky et al., 2007). Dans ce cas, l’adhésion bactérienne initiale est observée après seulement 8 heures de fonctionnement, la formation de microcolonies après 16 heures et la présence d’un biofilm affectant la perméabilité membranaire après 3 jours de fonctionnement. La baisse de perméabilité après 7 jours de fonctionnement avoisine les 60% alors que celle décrite par nos travaux est de l’ordre de 8%. Cette divergence de perte de performance peut s’expliquer par des conditions expérimentales différentes comme la nature de la membrane NF, la qualité d’eau (eaux usées versus eau de surface prétraitée), et la température de l’eau qui est maintenue entre 20 et 34°C au cours de l’étude d’Ivnitsy et al. (2007) ce qui favorise un développement plus rapide du biofilm. Il faut rappeler qu’au cours de notre étude cinétique, la température de l’eau d’alimentation est d’environ 14°C lors des premiers jours de fonctionnement. Le biofilm NF obtenu par filtration d’eaux usées atteint une épaisseur comprise entre 20 et 30 microns après 7 jours de fonctionnement ce qui est analogue aux biofilms NF obtenus sur une même période de temps par filtration d’une eau de surface. Cependant, l'étude d’Ivnitsy et al. (2007) n’est menée que pendant 12 jours et les valeurs d’épaisseurs ne sont pas décrites pour cette durée. Dans notre étude, le biofilm évolue peu en épaisseur après 80 jours de fonctionnement et se stabilise aux alentours de soixante microns. Cette épaisseur de biofilm est dans la gamme d’épaisseur précédemment retrouvée au niveau de pilotes (20 à 80 µm) et d’usines (3 à 90 µm) sur des membranes de nanofiltration et d’osmose inverse (Speth et al., 1998; Vrouwenvelder et al., 2008). Ces épaisseurs de quelques dizaines de microns doivent être le fruit des conditions imputables au support, aux conditions physicochimiques du milieu (température, nutriments, oxygène….) mais aussi très certainement aux conditions hydrodynamiques. Des biofilms formés sur des supports en plastique sous de faibles forces de flux, atteignent des épaisseurs beaucoup plus importantes comprises entre 1000 et 2000 µm après un mois de croissance (Coufort et al., 2007). Ce biofilm de 2000 µm soumis à des forces de pression graduelles s’érode en deux phases 179 jusqu’à atteindre une valeur d’épaisseur limite d’environ 200 µm pour une force de 2 Pa. Audelà de cette valeur, les quantités de biofilm ne varient quasiment pas et il reste environ 20% de sa masse initiale. Il existe donc au sein des biofilms des strates qui possèdent une cohésion décroissante en s’éloignant de la base. Un biofilm qui croit sous de fortes forces de pression ne pourrait donc pas atteindre des épaisseurs trop élevées. Dans notre modèle d’étude, la croissance du biofilm NF obtenu par filtration d’eau de surface suit une évolution non linéaire. La biomasse augmente de manière très importante lors d’une phase de croissance initiale qui s’étale sur 80 jours. En même temps, les polysaccharides augmentent plus modestement. Le biofilm a alors une croissance dans toutes les dimensions, à la fois verticale et horizontale. Cette période de formation de biofilm correspond à une période d’augmentation de la température de l’eau qui est passée de 14° à 25°C favorisant ainsi une forte croissance microbienne. En effet, un biofilm, même s’il atteint un état d’équilibre identique à différentes températures, met plus de temps à se développer à des températures faibles (Ndiongue et al., 2005). Au cours de cette période, l’établissement du biofilm modifie les propriétés physico-chimiques et les performances de la membrane : la mouillabilité et la perméabilité de la membrane diminuent alors que le colmatage longitudinal n’évolue pas. A 80 jours de fonctionnement, le biofilm demeure très hétérogène et ne recouvre pas la totalité de la membrane. L’eau doit encore être capable de trouver des chemins préférentiels au sein du dépôt jusqu’à filtration. Après J80, le biofilm continue sa progression mais de manière différente : les microcolonies s’étendent plus horizontalement que verticalement et le biofilm se densifie. On note une étape de croissance lente du biofilm jusqu’à 475 jours de fonctionnement suivie d’une étape de croissance plus importante jusqu’à 717 jours. Ce changement de comportement peut être lié à la stratégie de colonisation des microorganismes qui augmentent la proportion des polysaccharides de matrice qui leur assurent une meilleure cohésion et les protègent contre les forces de flux. De nombreuses données bibliographiques montrent que les forces de flux ont une incidence forte sur la structure d’un biofilm (Garny et al., 2008; Pei-Shi et al., 2008; Stoodley et al., 2002). Un biofilm qui se développe avec des vitesses de cisaillement importantes, comme c’est le cas dans nos travaux (17 L.h-1.m-2), sera plus compact, plus dense, moins rugueux et sa proportion en polysaccharides par cellule microbienne sera bien supérieure à un biofilm formé sous de faibles contraintes mécaniques. De plus, il ne faut pas oublier que le pilote subit le fonctionnement de l’usine avec des phases successives de nettoyage en ligne toutes 180 les 1000 heures de fonctionnement soit environ tous les 40 jours. Or, il a été montré que ces nettoyages industriels éliminent la majorité des cellules adhérentes et enlèvent peu de carbohydrates de la matrice des biofilms (Di Martino et al. 2007). On peut imaginer que la biomasse est en constante reconstruction entre deux nettoyages alors que la matrice de polysaccharides est en constante consolidation. Ainsi, les bactéries sont majoritairement localisées dans une couche superficielle au sein des biofilms NF observés après plusieurs années de filtration (Di Martino et al. 2007). Cela pourrait être lié à la recolonisation de la matrice par des microorganismes planctoniques. Cependant, la localisation superficielle de la majorité de la biomasse fixée peut également s’expliquer par la recherche d’un meilleur accès à l’oxygène et aux nutriments (Wagner et al., 2009). Ainsi, en absence de nettoyages, des bactéries de boues activées provenant du traitement d’eaux usées (croissance dans un réacteur en présence d’un flux) sont principalement localisées dans les couches supérieures du biofilm lorsque l’âge de celui-ci augmente. La biodiversité du biofilm s’accentue au cours du temps de fonctionnement avec des bactéries de différentes tailles, de différentes morphologies qui forment des assemblages variés dans l’espace. D’autres types cellulaires sont également visibles à partir de 80 jours de fonctionnement comme des algues, des cyanobactéries et des protozoaires du groupe thécamoebien. Ces types de vie cellulaire couramment rencontrés dans les eaux de surface se retrouvent dans les systèmes de distribution et il semble donc naturel qu’ils soient également présents sur les membranes de filtration (Gilbert et al., 2000; Sibille et al., 1998). Le thécamoebien étant un prédateur de bactéries, sa présence au niveau des biofilms sur la membrane NF illustre l'existence d’un écosystème complexe. L’augmentation de la biodiversité et la croissance microbienne s’accompagnent d’une modification des proportions des différents motifs saccharidiques ciblés par les 6 lectines utilisées au cours du temps. En effet, les résidus majoritaires après 7 jours de fonctionnement sont clairement les galactosamines (β-gal(1->3)galNAc). Après 80 jours et jusqu’à 475 jours de fonctionnement, l’ensemble de motifs marqués a quantitativement augmenté et leurs proportions ont changé. Après 475 jours, l'abondance des résidus galactosamines (β-gal(1>3)galNAc), fucoses (β-L-fuc) et glucosamines (glcNAc)3) est analogue. Après 717 jours, l’abondance et la densité des polysaccharides sont telles qu’une hiérarchisation est difficile à établir. A ce stade, seule la quantité de résidus mannoses (α-D-man) est clairement inférieure aux autres. Des différences de proportions en résidus polysaccharidiques en fonction de 181 l’espèce et en fonction du temps ont déjà été observées sur des temps plus courts (Leriche et al., 2000). A effectifs de populations proches, la quantité de D-mannose et de N-acetyl-Dglucosamine synthétisée varie en fonction de l’espèce (Brevibacterium linens versus Pseudomonas fluorescens) et fonction de la souche, au sein d’une même espèce (Staphylococcus sp. E512.2 versus Staphylococcus sciuri CCL101). De plus, la production relative en résidus saccharidiques varie au cours du temps. Au sein d’un biofilm monospécifique de S. sciuri, après un jour d’incubation, il y a présence de résidus D-mannose et N-acétyl-glucosamine. Ensuite, il y a arrêt de la synthèse des motifs N-acétyl-Dglucosamine alors qu’il y a une forte synthétise de résidus D-mannose durant 4 jours. Cela illustre le lien qui existe entre les proportions de polysaccharides au sein de la matrice d’un biofilm, son développement et son stade de maturité. La nature des polysaccharides présents dans la matrice d’un biofilm est également influencée par les forces de flux auxquels il est soumis. Chez Salmonella enterica, on observe des différences significatives des proportions de résidus N-acétylgalactosamine, α-L-fucose et N-acétylglucosamine entre un biofilm qui se développe dans des conditions de faible et de fortes forces de flux (Mangalappalli-Illathu et al., 2008). L’analyse des propriétés mécaniques des biofilms NF formés au cours de la production d’eau potable montre un comportement viscoélastique. Lors de l’application d’un test de fluage, le biofilm NF présente une réponse rapide de déformation élastique comme un solide puis une réponse plus lente de déformation visqueuse comme un liquide. Ce comportement viscoélastique a été démontré pour différents types de biofilms, naturels ou artificiels, polymicrobiens ou monospécifiques, par des mesures avec un rhéomètre mais également par des expériences de détachement sous contrainte de flux (Stoodley et al., 2002; Towler et al., 2003; Vinogradov et al., 2004). Le temps de relaxation élastique (λ) correspond au rapport entre la viscosité effective () et le module de perte effectif (G0). Il est calculé sur la base des résultats des tests de fluage. Le temps de relaxation élastique des biofilms NF de notre étude est d’environ 30 minutes, ce qui est analogue au temps de relaxation élastique de différents types de biofilms ayant des valeurs de viscosité et d’élasticité très variées (Figure 81) (Shaw et al., 2004). La réponse d’un biofilm à un stress mécanique semble donc universelle, c’est une réponse viscoélastique qui permet au biofilm de résister à des variations des forces de flux. Un biofilm constitue un matériau biologique dont les propriétés visqueuses et élastiques, bien que 182 variables car conditionnées par la biodiversité et les forces de flux, répondent à des règles universelles. Figure 81. Tracé de la viscosité effective () en fonction du module de perte effectif (G0) pour 45 biofilms testés. (D’après Shaw et al., 2004). Un comportement rhéofluidifiant a été observé pour les biofilms NF soumis à des vitesses de cisaillement croissantes en rotation (J475, J717 et 7 ans). La rhéofluidification du biofilm NF est en grande partie réversible lorsqu’on diminue la vitesse de cisaillement ce qui est caractéristique du phénomène d'hystérèse (Annexe 20). Lors de la réalisation d’allersretours par augmentation puis diminution de la vitesse de cisaillement, les courbes de diminution puis d’augmentation de la viscosité du biofilm NF sont relativement proches. Ce comportement rhéologique ne semble pas majoritairement lié à des modifications strictement irréversibles de la structure du biofilm comme des ruptures de liens covalents entre des polymères de la matrice. L’origine de la rhéofluidification du biofilm NF sous contrainte croissante des forces de cisaillement peut donc être recherchée dans la composition polymérique de sa matrice. En effet, avec l’augmentation de la contrainte appliquée, les polymères doivent se réarranger pour suivre la direction du flux imposé induisant ainsi une baisse de la viscosité. Ce phénomène existe pour des polysaccharides seuls comme la cellulose (Cancela et al., 2005) et le chitosane (Cho et al., 2006). 183 La viscosité et l’élasticité du biofilm NF augmentent faiblement au cours du temps entre J475 et J717 mais diminuent faiblement ensuite (comparaison J717, biofilm âgé de 7 ans). Cette augmentation de la cohésion du biofilm entre J475 et J717 accompagne les évolutions des quantités, des proportions et des structures des polysaccharides du biofilm au cours de son développement (densification avec formation de gros agrégats et augmentation des réseaux de filaments). La légère diminution de la cohésion du biofilm entre J717 et 7 ans ne peut pas être reliée à une différence quantitative des polymères de matrice puisque leur concentration continue d’augmenter mais doit être reliée à des différences qualitatives de ces polymères. Les variations de la viscosité et de l’élasticité du biofilm NF au cours de sa maturation peuvent être liées à des différences de nature, de concentration et de structuration des constituants de sa matrice (Coussot et Grossiord, 2001). En rotation, l’augmentation de la concentration d’un polymère de polysaccharides comme l’inuline ou l’amidon de maïs, induit une augmentation de la viscosité initiale et un changement de l’allure de la courbe de rhéofluidification (Figure 82, a, b, c, d, e, f) (Zimeri et Kokini, 2003). En mélangeant ces deux polysaccharides dans des proportions différentes tout en gardant une concentration totale en polymères inchangée, il apparaît un profil de rhéofluidification intermédiaire unique associant les propriétés des deux polymères (Figure 82, a, b, c). 184 Figure 82. Détermination de la viscosité (η) de solutions contenant des polymères en proportion variables par application d’une force de cisaillement croissante. Les concentrations totales en polymères sont de (a) 2, (b) 5, (c) 10, (d) 20, (e) 30, et (f) 40% (poids/poids). Dans les légendes, le ratio de gauche est l’inuline et celui de droite l’amidon de maïs (inuline_amidon). (D’après Zimeri et Kokini, 2003). En oscillation, un gel formé de deux polysaccharides différents (agar et carraghénane) en proportions variables a un comportement rhéologique intermédiaire par rapport aux gels de 185 polysaccharides constitués d’un seul polymère testés indépendamment (Figure 83) (Norziah et al., 2006). Figure 83. Spectres mécaniques du module de conservation (G’) et du module de perte (G’’) d’un mélange agar/carraghénane (concentration totale en polymères : 1,5% en poids) : 100/0 (triangle), 80/20 (cercle), 60/40 (triangle inversé), 40/60 (losange), 20/80 (carré) à pH 3,5. G’ et G’’ sont respectivement les symboles vides et pleins. (D’après Norziah et al., 2006). Le nombre de liens et la structuration des réseaux de polymères ont une grande influence sur leur réponse à la contrainte de cisaillement (Kavanagh et Ross-Murphy, 1998). Les différences de comportement rhéofuidifiant observées en rotation sous contrainte croissante de cisaillement entre les biofilms de maturité intermédiaire (J475 et J717) et le biofilm mature (7 ans) pourraient être liées à des différences d’organisation et de structuration des polymères au sein de la matrice des biofilms. Deux types d’organisation des polymères de polysaccharides ont été observés au sein de la matrice des biofilms NF : des gros agrégats et des réseaux enchevêtrés. Les biofilms de maturité intermédiaire possèdent plus de gros agrégats et moins de réseaux enchevêtrés de polysaccharides que le biofilm mature. Des interactions entre ces très gros amas de polymères pourraient conduire à une légère augmentation de la viscosité et de l’élasticité initiale (en deçà de 4,8 s -1). A des forces de rotation élevées (au-delà de 4,8 s-1), ces grosses structures qui interagissaient initialement entre elles se désolidariseraient provoquant une rupture de pente. Cette nouvelle pente serait la réponse du réseau restant de fibres enchevêtrées. Le réseau filamenteux très développé au 186 sein du biofilm mature serait capable de résister aux fortes forces de cisaillement appliquées et conserverait un comportement de rhéofluidification linéaire sur l’ensemble de la gamme de contraintes appliquées. Les agrégats étant plus espacés et moins nombreux ne pourraient pas interagir et ne participeraient pas à la réponse rhéofluidifiante du biofilm mature. Ces différences de comportement et d’architecture entre des biofilms NF d’âge différent illustrent la maturation progressive du biofilm au cours de son développement qui est liée à la fois à l’évolution de sa biodiversité et à son adaptation à son environnement (Laspidou et Rittmann, 2004). Malgré ces différences mineures observées au cours de la maturation du biofilm NF, il n’y a pas de changement profond de son comportement mécanique au cours de sa formation. Lors des analyses en oscillation effectuées à différents stades du développement du biofilm NF, la valeur du module de conservation (G’ : module élastique) est supérieure à celle du module de perte (G’’ : module visqueux) quelle que soit la fréquence appliquée. Dans la science des polymères, cette caractéristique définit le comportement d’un gel (Kavanagh et Ross-Murphy, 1998). Les polysaccharides seuls comme les carragenanes ou l’alginate sont connus pour réaliser des transitions sol-gel dans des conditions physico-chimiques adéquates (Draget et al., 1998; Fernandes et al., 1991). Ce modèle de transition sol-gel des polysaccharides au sein du biofilm est compatible avec les propriétés rhéologiques déjà démontrées pour d’autres biofilms (Stoodley et al., 2002; Towler et al., 2003). La très forte concentration en polysaccharides du biofilm NF et les propriétés de transition sol-gel des carbohydrates purifiés suggèrent que les exopolysaccharides jouent un rôle déterminant dans les propriétés mécaniques d’un biofilm. Cependant, les protéines comme la gélatine sont également capables de former des gels et la présence ainsi que l’abondance d’un réseau de protéines extracellulaire n’ayant pas été évalué par ces travaux de thèse, on ne peut pas exclure la contribution des protéines dans la constitution du gel. De la même manière, malgré l’absence d’arguments expérimentaux en faveur d’une présence importante d’ADN dans les biofilms NF, on ne peut pas exclure une participation de l’ADN dans les propriétés mécaniques de ces biofilms. Quelle que soit la technique appliquée (test de fluage ou oscillation), le biofilm formé à la surface des membranes NF a une viscosité et une élasticité supérieure à des biofilms de laboratoire, que ce soient des biofilms mixtes ou des biofilms monospécifiques formés par Streptococcus mutans soumis respectivement à un flux de 2 mL.min-1 et 7 mL.min-1 (Towler 187 et al., 2003; Vinogradov et al., 2004). Ainsi, le biofilm NF formé sous de fortes contraintes hydrodynamiques est un biofilm particulièrement résistant. Ceci est surement la conséquence de son adaptation structurale (densification, structures filamenteuses, faible épaisseur) aux conditions drastiques sous lesquelles il se développe. Le biofilm NF forme un dépôt superficiel qui masque totalement les propriétés de surface de la membrane de nanofiltration. Cela se traduit par une baisse progressive de sa mouillabilité. Or, la surface de la membrane constitue la zone de contact avec l’eau pour réaliser la filtration. On peut donc s’attendre à une baisse de l’efficacité de nanofiltration au cours du développement de biofilm. Les performances de nanofiltration et donc le colmatage membranaire ont été évalués par mesure de la perméabilité membranaire (Kw) et du facteur de colmatage longitudinal (FCL). Le Kw rend compte de l’aptitude d’une membrane à produire du perméat sous l’effet de la pression. Le FCL rend compte de la baisse de pression entre l’entrée de l’eau d’alimentation et la sortie du concentrat du module de filtration. Ce facteur est important en termes de coût d’exploitation. En effet, le pilote, comme le reste de l’usine, est constitué de 3 étages branchés en série. Si le FCL du premier étage augmente trop, la pression en sortie du premier étage sera faible et donc les autres étages branchés en série, bénéficieront d’une pression trop faible pour permettre la production d’eau potable. La perméabilité membranaire est affectée rapidement et continuellement tout au long de la cinétique. Ainsi, la perte de perméabilité des membranes NF est inversement corrélée avec le développement du biofilm. Le colmatage longitudinal ne suit pas la même cinétique d’évolution que le Kw. Il évolue en plusieurs phases : une première phase pendant laquelle il reste inchangé, une seconde phase pendant laquelle il augmente faiblement puis une troisième phase d’augmentation très forte. Le FCL n’augmente que lorsque le biofilm a atteint un certain seuil. La mesure des variations du FCL sont peu sensibles et ne rendent pas compte du biofouling précoce (Vrouwenvelder et al., 2008). Dans une étude récente, Vrouwenvelder et collaborateurs ont montré que les espaceurs disposés entre les feuillets membranaires avaient un rôle essentiel dans l’augmentation du FCL (Vrouwenvelder et al., 2009a). De plus, les conditions hydrodynamiques auxquelles sont soumises les membranes de filtration ont une influence capitale sur l’accumulation de biomasse sur la membrane et sur l’augmentation du FCL (Vrouwenvelder et al., 2009b). 188 II. Prétraitements et traitements A. Prétraitements Le but des prétraitements est de prévenir au maximum le colmatage des membranes NF. Pour cela, les prétraitements de l’eau d’alimentation sont habituellement une combinaison de différentes étapes ayant pour objet de diminuer la concentration en colloïdes, microorganismes et matière organique (Al-Amoudi et Lovitt, 2007). A Méry-sur-Oise, le colmatage biologique ou biocolmatage joue un rôle majeur dans le colmatage membranaire (Di Martino et al. 2007, Doumèche et al. 2007). Deux facteurs majeurs qui influencent le colmatage biologique sont la concentration en microorganismes viables capables de former un biofilm sur la membrane et la concentration en molécules organiques biodisponibles, sources de nutriments qui stimule la prolifération microbienne. Ces travaux de thèse se sont intéressés à l’impact de ces deux facteurs sur le colmatage de membranes NF dans un modèle de pilote indépendant de nanofiltration. A concentration similaire en bactéries planctoniques, la réduction du carbone organique dissout biodisponible (CODB) dans l’eau d’alimentation réduit sensiblement la colonisation de la surface membranaire par les microorganismes et la production d’exopolysaccharides. Malgré cette différence, un biofilm structuré et assez abondant est présent dans les deux conditions. Ceci est probablement dû à la concentration en CODB qui reste élevée malgré les traitements, de l’ordre d’une centaine de µg par litre. D’autres études ont montré précédemment que des concentrations en carbone organique biodégradable plus faibles, de l’ordre du µg par litre d’eau étaient suffisantes pour permettre la formation de biofilm dans des conduits de distribution d’eau (Tsai et al., 2004) ainsi que sur des membranes de nanofiltration et d’osmose inverse (Vrouwenvelder et Van der Kooij, 2001). Il est donc illusoire de prévenir totalement le développement de biofilm sur les membranes NF juste en améliorant la maîtrise de la concentration en CODB dans l’eau d’alimentation. Cependant, l’objectif n’est pas d’obtenir une inhibition totale du développement de biofilm mais d’améliorer sa maîtrise pour diminuer le colmatage membranaire d’origine biologique. Lors de cette étude pilote, les marquages fluorescents ont révélé une forte présence de résidus galactoses au niveau des polysaccharides de la matrice des biofilms NF comme cela a été 189 observé sur les membranes NF de l’usine de Méry-sur-Oise mais également au sein de biofilms de laboratoire formés à partir d’eau de rivière (résultats de l’étude cinétique, Doumèche et al. 2007, Neu et al. 2001). Une forte proportion en motifs galactoses semble être une caractéristique constante des exopolysaccharides constituant la matrice des biofilms alimentés par une eau de rivière. L’impact du colmatage sur les performances de filtration de la membrane a été évalué par mesure continue de la perméabilité membranaire et du facteur de colmatage longitudinal lors de l’étude pilote. Une augmentation de la perte de charge longitudinale a été observée uniquement avec l’eau d’alimentation présentant la plus forte concentration en CODB alors qu’une baisse de perméabilité équivalente a été constatée avec les deux eaux d’alimentation. D’après les résultats de l’évolution des paramètres hydrodynamiques obtenus lors de l’étude cinétique, il semble que la perméabilité membranaire soit un paramètre physico-chimique lié à la structure et à la charge du dépôt de colmatage et que le facteur de colmatage longitudinal soit lié à la surface de ce dépôt. Les résultats d’ATR-FTIR et de microscopie confocale montrent que le dépôt est de même nature quelle que soit l’eau d’alimentation. La différence de potentiel de colmatage entre les deux eaux est quantitative et non qualitative. Il y a donc une corrélation positive entre la concentration en CODB dans l’eau d’alimentation, le colmatage biologique et la perte de charge longitudinale. Quand le CODB augmente, le biocolmatage et la perte de charge longitudinale augmentent aussi. Cependant, d’autres matières colmatantes comme les colloïdes et les cations divalents peuvent jouer un rôle important dans les pertes de performances membranaires (Wang et al., 2005). Comme ces facteurs n’ont pas été évalués lors de cette étude, leur contribution ne peut pas être écartée. L’impact du paramètre cellulaire de l’eau d’alimentation sur le colmatage membranaire a été étudié par un prétraitement basé sur l’irradiation aux ultraviolets. L’irradiation UV sur le biocolmatage de membranes NF a été mise en oeuvre avec deux qualités d’eau d’alimentation, avec dans un premier temps une eau préfiltrée sur sable contenant une forte concentration de matières organiques dissoutes et dans un deuxième temps une eau préfiltrée sur charbon actif en grain puis ozonée contenant une concentration plus faible en matières organiques dissoutes. Sur une eau « préfiltrée sable », l’application de la dose maximale d’UV (400J/m3) réduit faiblement mais de façon significative le nombre de microorganismes vivants dans 190 l’eau d’alimentation. Même si l’efficacité est faible, ceci confirme le premier effet des UV qui agi comme un agent bactéricide par éclatement de la membrane cellulaire sous l’effet direct de l’irradiation (Gaid et al., 2006). Quelle que soit la qualité de l’eau d’alimentation (filtration sable ou charbon) et l’application ou non d’une irradiation UV, on observe un développement de biofilm sur les membranes NF. D’un point de vue morphologique, les analyses en microscopie confocale révèlent de fortes quantités de résidus galactosamines et glucosamines à la surface des membranes. Cependant, pour les deux concentrations en CODB, l’irradiation UV induit une diminution du développement de biofilm NF et crée une forte hétérogénéité bien supérieure aux témoins non irradiés à la surface membranaire. En effet, le biofilm formé en présence d’UV possède des domaines très denses entourés de nombreuses zones très faiblement recouvertes. Ce phénomène est observable pour les deux qualités d’eau, mais il est bien plus prononcé lorsque l’eau est filtrée sur charbon actif. Cette différence d’architecture vient probablement du fait que le nombre de microorganismes capables de coloniser la membrane et de se reproduire est inférieur lorsque l’eau est traitée aux UV. Ainsi, ce nombre de microorganismes viables inférieur après traitement UV passe par la formation de grosses microcolonies denses mais relativement dispersées. Dans tous les cas, les résultats d’ATRFTIR confirment que les UV diminuent significativement le recouvrement de la membrane par les constituants protéiques et polysaccharidiques du biofilm. Ceci illustre le second effet des UV qui ont une action bactériostatique en altérant le capital génétique des microorganismes (Al-Adhami et al., 2007). Les mutations induites sur l’ADN par l’irradiation comme la formation de dimères de thymine adjacentes peuvent induire une impossibilité de réplication cellulaire voir un arrêt de la synthèse protéique nécessaires à la survie microbienne. De plus, comparé à la filtration sur sable, les effets des UV sur la réduction de la quantité de biofilm formé sont bien supérieurs lorsque l’eau est filtrée sur charbon actif. Ceci confirme donc bien que le fait de diminuer la concentration en CODB renforce l’action des UV même si en terme d’activité, l’abattement dû aux UV est de 55% quel que soit le prétraitement. Deux hypothèses en accord avec la littérature peuvent expliquer la synergie entre l’application des rayonnements UV et la diminution du CODB : soit les matières organiques naturelles moins abondantes dans l’eau pourraient permettre une meilleure accessibilité des rayonnements UV aux microorganismes planctoniques infligeant donc des dégâts plus sévères, soit les microorganismes sessiles sur la membrane pourraient manquer de ces matières organiques dissoutes indispensables aux mécanismes cellulaires de réparations des dommages occasionnés (Alkan et al., 2007; Camper, 2004). 191 Afin de faire le lien entre quantité de biofilm formé et colmatage membranaire, des paramètres physico-chimiques (mesure d’angle de contact) et des paramètres de performance membranaire (perméabilité, perte de charge longitudinale) ont été mesurés. Avec l’eau d’alimentation filtrée sur sable, la mouillabilité de la membrane est moins altérée lorsque l’eau d’alimentation est traitée aux UV. Par contre, ce paramètre est insensible à l’irradiation UV pour l’eau prétraitée par filtration charbon actif et ozonée. L’irradiation UV n’a que peu d’impact sur l’évolution de la perméabilité membranaire pour les deux qualités d’eau. Après irradiation UV, la baisse de perméabilité reste inchangée pour l’eau filtrée sable et diminue à peine pour l’eau préfiltrée sur charbon actif et ozonée. Par contre, la perte de charge longitudinale est moins forte après traitement UV. Cette amélioration du facteur de charge longitudinal (FCL) est modérée pour l’eau filtrée sable mais est très marquée pour l’eau filtrée sur charbon actif et ozonée. On s’aperçoit que plus la formation de biofilm NF est importante et plus le FCL est élevé comme cela était le cas dans l’étude cinétique du développement bactérien. Ceci confirme que le développement de biofilm est la cause principale du colmatage des membranes NF lors de la production d’eau potable à partir d’une eau de surface comme cela avait été démontré pour l’usine de Méry-sur-Oise (Di Martino et al., 2007). La synergie des effets antimicrobiens des UV et de la diminution des matières organiques dissoutes biodisponibles conduit donc à une diminution du biofilm à la surface des membranes NF s’accompagnant d’une meilleure préservation des paramètres de filtration. B. Traitements Les résultats des essais de nettoyage in vitro sur les membranes NF colmatées montrent clairement que le biofilm NF est sensible aux trois solutions de nettoyage mises en œuvre. En effet, quel que soit le stade du développement du biofilm, tous les nettoyages réduisent significativement les quantités de protéines et de polysaccharides présentes à la surface de la membrane NF. Par contre, la comparaison de l’efficacité des différentes solutions de nettoyage montre des sensibilités différentes du biofilm en fonction de sa maturation. Tous les traitements ont la même efficacité envers un biofilm jeune (J7 et J80), mais le traitement alcalin devient moins efficace que les traitements enzymatiques quand le biofilm est plus mature (J475 et J717). Généralement, les traitements alcalins agissent par déstabilisation de la membrane microbienne ou par dénaturation des protéines induisant ainsi 192 la mort cellulaire. Cependant, le pH a un impact sur la structuration des exopolymères microbiens (Dogsa et al., 2005). Les substances polymériques extracellulaires d’une bactérie marine constituées principalement de glucose, de galactose et de protéines forment de grosses structures très denses à pH acide. Ces structures en pelote sont déroulées au fur et à mesure que le pH augmente et devient basique. A pH 11, le réseau est toujours présent mais il est bien plus homogène (Figure 84). Figure 84. Schéma représentant l’effet du pH sur la structure des EPS. (D’après Dogsa et al., 2005). L’application de ce modèle au biofilm NF implique une décompaction des exopolymères de matrice par un traitement alcalin. La densification et l’enchevêtrement des réseaux de polysaccharides aux cours de la maturation du biofilm NF doivent rendre plus difficile la déstructuration de sa matrice par le traitement alcalin. Ceci aboutit à un décrochage partiel moins efficace que les traitements ciblés. Le traitement contenant une protéase doit cliver les liaisons protéiques existantes entre les cellules bactériennes ou liant les cellules à la matrice du biofilm conduisant au décrochage de celles-ci. La localisation et l’organisation des protéines dans la matrice des biofilms NF ne sont pas connues, il n’est donc pas possible d’analyser plus avant ce mécanisme d’action. Au 193 sein d’un biofilm jeune, le réseau d’exopolysaccharides étant encore peu développé, le traitement multienzymatique ajoutant une osidase à une protéase n’apporte pas de gain d’efficacité par rapport au traitement ciblant uniquement les protéines. Par contre, avec un biofilm plus mature formé après 475 ou 717 jours de fonctionnement, l’ajout d’une osidase augmente l’efficacité d’enlèvement du biofilm de la surface membranaire par rapport au traitement par une protéase seule. L’ajout d’enzymes ciblant les carbohydrates doit désorganiser le réseau complexe de polysaccharides de matrice, effet qui s’ajoute à l’action de la protéase permettant un meilleur décrochage du biofilm même si celui-ci reste partiel. Cependant, le gain d’efficacité lié à l’osidase reste faible. Le traitement multienzymatique contient de la β-galactosidase, de la polygalacturonase et en plus faible proportion des cellulases hydrolysant respectivement les liaisons entre 2 galactoses en beta, en alpha-1 et 4 de l’acide galacturonique et les polymères du glucose. Ces enzymes clivent des liaisons spécifiques, or la diversité des polysaccharides de la matrice qui augmente au cours de la maturation du biofilm, multiplie les cibles potentielles à cliver pour obtenir une déstabilisation efficace du réseau de polysaccharides. Sur un biofilm mature formé en 717 jours, le traitement multienzymatique (osidase + protéase) est significativement plus efficace que le traitement constitué d’une protéase seule pour éliminer les protéines du biofilm. Cette action synergique pourrait être liée à une meilleure diffusion de la protéase au sein du biofilm lors de l’action de l’osidase. L’attaque d’un biofilm et plus généralement d’un gel par une enzyme est limité par des phénomènes de diffusion (Fadda et al., 2003). La réalisation d’essais de nettoyages ne peut pas être faite en conditions réelles sur l’outil de production à cause d’impératifs d’exploitation. Il faut donc développer des tests sur des modèles pilotes et des tests in vitro en laboratoire. On se trouve de nouveau confronté à une limitation de la matière première car l‘extraction des membranes colmatées de modules en fonctionnement dans une usine a un cout et un impact sur la production. Pour faciliter la multiplication de tests in vitro de solutions nettoyantes, nous avons testé un protocole de conservation de coupons de membranes colmatées provenant de modules en fonctionnement dans l’usine de Méry-sur-Oise. Il apparaît que l’on peut tester l’efficacité de solutions de nettoyage sur des coupons de membranes colmatées conservées dans de l’eau ultrapure à 4°C pendant un maximum de 4 semaines. En effet, le dépôt de colmatage évolue en fonction du temps de stockage et les nettoyages deviennent inefficaces tant pour éliminer le biofilm que pour restaurer les performances membranaires après 8 semaines de conservation. On observe un décrochage limité du biofilm associé à une légère 194 hausse de perméabilité après 4 semaines de stockage des membranes. Une petite quantité de biofilm se décroche de la membrane pendant cette période. Ce décrochage ne peut pas être lié à des forces de flux car le stockage est effectué en mode statique (Christersson et al., 1988). La stabilité d’un biofilm est déterminée par deux processus mutuellement exclusifs : l’adhérence et le détachement de cellules de la matrice du biofilm. Différentes études ont montré qu’un détachement actif au sein d’un biofilm était lié à un stress nutritif (Delaquis et al., 1989; Sawyer et Hermanowicz, 1998). Les conditions de stockage en eau distillée utilisées dans notre étude induisent un stress nutritif qui pourrait constituer un signal induisant le décrochage actif d’une partie du biofilm. En absence de stockage ou après un stockage de 4 semaines, la procédure de nettoyage permet d’éliminer une partie du dépôt colmatant mais a un impact faible sur la restauration de la perméabilité membranaire de l’ordre de 5 à 10%. Ce gain de perméabilité est plus faible que les gains obtenus lors des nettoyages en ligne réalisés dans l’usine de Méry-sur-Oise (Di Martino et al., 2007). Cette différence d’efficacité peut être liée à l’application de forces de flux lors des nettoyages industriels qui consistent en une succession de phases de trempage et de recirculation alors que les nettoyages réalisés in vitro sont faits en bains statiques. Les gains de perméabilité peuvent être dus à un enlèvement de matière colmatante mais également à une modification chimique des propriétés de surface de la membrane (Al-Amoudi et al., 2007; Liikanen et al., 2002). Ces modifications associées à un changement du potentiel zeta conduisent à une augmentation de la perméabilité d’une membrane neuve. Une étude pilote comparant plusieurs protocoles de nettoyage a montré qu’un traitement alcalin contenant des agents chélatants présente la meilleure efficacité tant en terme de restauration de performances membranaires qu’en terme d’élimination de matières colmatantes sur une membrane NF255 (Liikanen et al., 2002). Les traitements acides diminuent la perméabilité membranaire mais réparent les capacités de rétention des ions. Comme le protocole que nous avons utilisé associe une phase de traitement par une solution alcaline à une seconde phase de traitement par une solution acide aux effets antagonistes en terme d’impact sur la perméabilité membranaire, il nous était impossible de prédire son efficacité tant en terme d’élimination de matière colmatante qu’en terme de gain de perméabilité. La restauration partielle des performances membranaires observée après nettoyage de membranes stockées 8 jours sans observer d’effet sur la matière biocolmatante peut être liée à un effet direct des agents de nettoyage sur la membrane (modification de la membrane) ou par élimination de matière colmatante inorganique invisible en analyse ATR-FTIR. En 195 conclusion, l’approche qui consiste à conserver en eau distillée à 4°C des coupons de membranes NF colmatées est validée pour tester l’efficacité de solutions de nettoyage à condition de ne pas dépasser une durée de stockage de 4 semaines. 196 Conclusion et perspectives 197 En conclusion à l’ensemble de ces travaux, nous pouvons dire que le colmatage des membranes NF utilisées en production d’eau potable par filtration d’eaux de surface est au moins en partie dû à la multiplication cellulaire et à l'accumulation d'exopolymères biologiques à la surface membranaire, processus portant la signature d'un développement de biofilm. Le développement de ce biofilm s’accompagne d’une baisse des performances hydrauliques des membranes NF. Ce biofilm suit les étapes de formation classiques d’un biofilm. En effet, il se constitue les premiers jours de fonctionnement des membranes NF neuves. Après seulement une semaine de fonctionnement, des bactéries à deux stades de développement (adhérence et formation de microcolonies enchâssées dans une matrice) sont visibles à la surface des membranes NF. A partir de ces bactéries isolées adhérentes et des microcolonies entourées de leur matrice, le biofilm se développe tout d’abord horizontalement et verticalement pendant plusieurs semaines avant de ralentir sa croissance. Ce développement se poursuit par expansion horizontale et par densification. Après plusieurs semaines de fonctionnement, les spécificités liées au biofilm NF sont visibles. Les microorganismes et les polysaccharides de matrice se sont diversifiés et recouvrent l’ensemble de la membrane en formant par endroit un biofilm très hétérogène. Les bactéries sont à ce stade très largement engluées dans une matrice d’exopolymères. L’ensemble forme une architecture connue de dômes dits en forme de champignon et de creux ou canyons. Au cours de la maturation, le volume occupé par les exopolysaccharides augmente beaucoup plus fortement que le volume occupé par les microorganismes. Ces polysaccharides forment des amas très compacts de grande taille et des réseaux de filaments enchevêtrés. Cette architecture du biofilm NF, caractéristique d’un biofilm soumis à des régimes de flux turbulents, est associée à une très forte cohésion du biofilm. Les biofilms NF constituent une couche viscoélastique à la surface des membranes. La viscosité et l’élasticité du biofilm NF évoluent au cours de sa maturation, passant d’une phase d’augmentation à une phase de diminution. Ces petites fluctuations semblent reliées à des différences de proportions relatives des constituants de la matrice du biofilm et à des différences de structure de cette matrice. La nanofiltration, par l’application de fortes forces de flux de façon continue pendant la croissance du biofilm, aboutit à une diminution progressive de l’hétérogénéité de surface. Bien que le biofilm NF reste hétérogène, l’amplitude de son relief diminue au cours du temps. 198 La formation du biofilm NF s’accompagne d’une baisse progressive de l’affinité de la membrane pour l‘eau, d’une diminution linéaire de la perméabilité membranaire et d’une augmentation non linéaire du colmatage longitudinal. Le développement d’un biofilm à la surface de la membrane NF et les pertes d’efficacité de filtration semblent concorder. Cependant, au cours de la période de l’étude, des nettoyages industriels ont été effectué environ toutes les 1000 heures de fonctionnement sans que l’impact sur le biofilm ait été directement évalué. Dans les études pilotes réalisées sans nettoyage, la croissance du biofilm est corrélée avec la diminution de perméabilité et surtout avec l’augmentation de la perte de charge longitudinale. Il semblerait que le développement du biofilm soit un des principaux paramètres responsable des modifications des propriétés hydrauliques de la membrane NF. Cependant, ces travaux de thèses ne se sont intéressés qu’à la partie biologique du colmatage et d’autres processus sont impliqués dans le colmatage des membranes NF. Parmi ces processus de colmatage non biologique, il y a les phénomènes de concentrations polarisations, d’adsorption, de blocage des pores. Ces événements contribuent à la formation d’une couche possédant des propriétés de séparation propres (le gâteau) altérant les propriétés de filtration. Le gâteau formé à la surface des membranes est décrit comme étant le résultat d’une accumulation de matières organiques naturelles et de molécules inorganiques provenant de la phase liquide. Cette vision du colmatage peut être qualifiée de « traditionnelle » car elle a été développée par des approches de chimie. Les travaux présentés dans cette thèse, grâce à l’apport de techniques de chimie mais également de biologie, d’histologie et de biophysique a permis d’enrichir les connaissances des mécanismes de colmatage des membranes NF utilisées en production d’eau potable. Une meilleure maîtrise de la quantité de microorganismes viables et de la concentration en CODB de l’eau d’alimentation des membranes NF permet, en freinant le développement de biofilm, de préserver les performances membranaires. Cependant, les prétraitements testés, malgré leur efficacité certaine, ne peuvent empêcher la formation de biofilm. Il est donc primordial d’associer ces prétraitements à des nettoyages de la membrane. Un large champ d’investigations est ouvert par les résultats qui montrent le gain d’efficacité apporté par une recette de nettoyage qui cible une digestion enzymatique des constituants de la matrice d’exopolymères des biofilms : les protéines et surtout les polysaccharides. 199 La prochaine étape serait d’identifier précisément les polysaccharides et les protéines formés au cours du développement bactérien pour fournir un traitement sur mesure adapté aux différents stades de formation du biofilm NF. En effet, notre étude ne s’est pas intéressée spécifiquement aux protéines extracellulaires qui, aux vues des résultats des nettoyages, doivent contribuer à la cohésion du biofilm. De plus elle a permis de montrer que plusieurs types de polysaccharides participaient au développement du biofilm NF. Ceux-ci interviennent dans la structuration et la résistance du biofilm aux contraintes mécaniques et aux agressions chimiques. Ce manque d’exhaustivité fournit une réponse pertinente mais partielle à l’enlèvement du biofilm. Pour toutes ces raisons, il serait intéressant de caractériser les protéines de la matrice par électrophorèse bidimensionnelle et les exopolysaccharides par chromatographie liquide haute performance ou en phase gazeuse couplée à un détecteur de masse. L’étude de matrices de biofilms reconstituées à partir de molécules artificielles ou extraites de biofilms permettrait également de préciser le rôle de chaque partenaire dans l’organisation, la structuration et les propriétés des biofilms NF. 200 Références bibliographiques 201 Ahimou, F., Semmens, M.J., Novak, P.J. et Haugstad, G. (2007) Biofilm cohesiveness measurement using a novel atomic force microscopy methodology. Applied and Environmental Microbiology 73(9), 2897-2904. Al-Adhami, B.H., Nichols, R.A., Kusel, J.R., O'Grady, J. et Smith, H.V. 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Images de la surface membranaire obtenues par microscopie confocale après 7 jours (a, e, i), 80 jours (b, f, j), 475 jours (c, g, k) et 717 jours (d, h, l) de fonctionnement après triple marquage : a), b), c), d), DAPI (bleu), lectine AH-TRITC (rouge), Lectine TV-FITC (vert) ; e), f), g), h), DAPI (bleu), lectine BS-TRITC (rouge), Lectine CA-FITC (vert) ; i), j), k), l), DAPI (bleu), lectine UE-TRITC (rouge), Lectine LE-FITC (vert). Les flèches représentent le sens d’interprétation des projections dans l’épaisseur (ZX et ZY), de la membrane vers la surface du biofilm. 223 Annexe 4. Modélisation de la surface du biofilm NF après 7 jours (a, b, c, d, e), 80 jours (f, g, h, i, j), 475 jours (k, l, m, n, o) et 717 jours (p, q, r, s, t) de fonctionnement. Cette modélisation est obtenue grâce aux images acquises en microscopie confocale après triple marquage au DAPI (bleu), aux lectines AH-TRITC (résidus β-gal(1->3)galNAc, rouge) et TV-FITC (résidus (glcNAc)2, vert). 224 225 Annexe 5 (grossissement Figure 53). Evolution des spectres infrarouge au cours du temps de fonctionnement des membranes NF. a), b), c), d), et e) représentent respectivement les spectres d’une membrane neuve et d’une membrane après 7, 80, 475 et 717 jours de fonctionnement. Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) caractéristique des protéines et les flèches rouges montrent un signal (≈ 1040 cm-1) caractéristique de la matrice d’exopolysaccharides. Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR 226 Annexe 5 bis. Comparaison des valeurs relatives de signaux IR pour la bande amide I et amide II au cours des différentes études. a) Cinétique du développement bactérien. b) Comparaison d'un biofilm NF après J717 jours et 7 ans de fonctionnement. c) Effets de la variation de la concentration en carbone dissous dans l'eau d'alimentation sur le développement du biofilm NF. d) Effets d'un prétraitement UV d'une eau d'alimentation filtrée sur sable (EFS) sur le développement du biofilm NF. e) Effets d'un prétraitement UV d'une eau d'alimentation filtrée sur charbon actif (CAG) sur le développement du biofilm NF. f) Effets des nettoyages sur le biofilm NF après 80 jours de fonctionnement. g) Effets des nettoyages sur le biofilm NF après 475 jours de fonctionnement. h) Effets des nettoyages sur le biofilm NF après 717 jours de fonctionnement. i) Effets du stockage de la membrane sur le biofilm NF. j) Effets du nettoyage lors du stockage du biofilm NF. 227 Annexe 6. Evolution de la perméabilité membranaire (Kw) et du carbone organique total (COT) dans l'eau d'alimentation au cours du temps de fonctionnement des membranes NF. Annexe 7. Evolution du facteur de colmatage longitudinal (FCL) et du carbone organique total (COT) dans l'eau d'alimentation au cours du temps de fonctionnement des membranes NF. 228 Annexe 8 (grossissement Figure 60). Comparaison des spectres infrarouge des membranes NF en fonctionnement depuis 717 jours (a) et 7 ans (b). Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) caractéristique des protéines et les flèches rouges montrent un signal (≈ 1040 cm-1) caractéristique de la matrice d’exopolysaccharides. Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 229 Annexe 9. Modélisation de la surface du biofilm NF après prétraitement de l’eau d’alimentation au sable (a, b, c, d, e) ou au charbon actif (f, g, h, i, j) après 20 semaines de fonctionnement. Cette modélisation est obtenue grâce aux images acquises en microscopie confocale après triple marquage au DAPI (bleu), aux lectines AH-TRITC (résidus β-gal(1>3)galNAc, rouge) et TV-FITC (résidus (glcNAc)2, vert). 230 Annexe 10 (grossissement Figure 65). Effet de la réduction de la matière organique dissoute dans l’eau d’alimentation sur les spectres IR de membranes NF en fonctionnement pendant 20 semaines. a), b), c) sont respectivement les spectres obtenus pour une membrane neuve, pour une membrane dont l’eau d’alimentation est filtrée sur sable ou sur charbon actif. Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) caractéristique des protéines et les flèches rouges montrent un signal (≈ 1040 cm-1) caractéristique de la matrice d’exopolysaccharides. Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 231 Annexe 11 (grossissement Figure 71). Effet du prétraitement de l’eau d’alimentation par irradiation UV sur les spectres IR de membranes NF en fonctionnement pendant 10 semaines. L’eau d’alimentation est filtrée sur sable. (a) présente les spectres d’une membrane neuve, (b) et (c), absence et présence d’irradiation UV, respectivement. Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) caractéristique de la biomasse et les flèches rouges montrent un signal (≈ 1040 cm-1) caractéristique de la matrice d’exopolysaccharides. Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 232 Annexe 12 (grossissement Figure 73). Effet du prétraitement de l’eau d’alimentation par irradiation UV sur les spectres IR de membranes NF en fonctionnement pendant 20 semaines. L’eau d’alimentation est filtrée sur charbon actif. (a) présente les spectres d’une membrane neuve, (b) et (c), absence et présence d’irradiation UV, respectivement. Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) caractéristique de la biomasse et les flèches rouges montrent un signal (≈ 1040 cm-1) caractéristique de la matrice d’exopolysaccharides. Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 233 Annexe 13 (grossissement Figure 74). Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane neuve. Les graphiques a), b), c), et d) représentent respectivement les spectres IR de la membrane neuve conservée dans de l’eau ultrapure, après application du traitement chimique (TC), du traitement anti-protéique (TAP) et du traitement multienzymatique (TME). Pour appréhender l'hétérogénéité potentielle créée par les nettoyages, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 234 Annexe 14 (grossissement Figure 75). Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 7 jours. Le graphique a) représente les spectres de la membrane neuve. Les graphiques b), c), d) et e) représentent respectivement les spectres IR de la membrane colonisée par du biofilm non nettoyée, après application du traitement chimique (TC), du traitement anti-protéique (TAP) et du traitement multienzymatique (TME). Les flèches vertes désignent la bande Amide I caractéristique des protéines (≈ 1650 cm-1) et les flèches rouges montrent le signal révélateur des exopolysaccharides (≈ 1040 cm-1). Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 235 Annexe 15 (grossissement Figure 76). Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 80 jours. Les graphiques a), b), c), et d) représentent respectivement les spectres IR de la membrane colonisée par du biofilm non nettoyée, après application du traitement chimique (TC), du traitement anti-protéique (TAP) et du traitement multienzymatique (TME). Les flèches vertes désignent la bande Amide I caractéristique des protéines (1650 cm-1) et les flèches rouges montrent le signal révélateur des exopolysaccharides (1040 cm-1). Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 236 Annexe 16 (grossissement Figure 77). Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 475 jours. Les graphiques a), b), c), et d) représentent respectivement les spectres IR de la membrane colmatée non nettoyée, après application du traitement chimique (TC), du traitement anti-protéique (TAP) et du traitement multienzymatique (TME). Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) et les flèches rouges montrent le signal révélateur des exopolysaccharides (≈ 1040 cm-1). Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 237 Annexe 17 (grossissement Figure 78). Analyse ATR-FTIR de l’effet des nettoyages sur la membrane en fonctionnement depuis 717 jours. Les graphiques a), b), c), et d) représentent respectivement les spectres IR de la membrane colmatée non nettoyée, après application du traitement chimique (TC), du traitement anti-protéique (TAP) et du traitement multienzymatique (TME). Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) et les flèches rouges montrent le signal révélateur des exopolysaccharides (≈ 1040 cm-1). Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 238 Annexe 18 (grossissement Figure 79). Analyse ATR-FTIR de l’évolution du dépôt de colmatage au cours du temps de stockage. Les graphiques a), b), c), et d) représentent respectivement les spectres IR de la membrane neuve, colmatée non stockée, colmatée et stockée 4 semaines, colmatée et stockée 8 semaines. Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm-1) et les flèches rouges montrent le signal révélateur des exopolysaccharides (≈ 1040 cm-1). Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 239 Annexe 19 (grossissement Figure 80). Analyse ATR-FTIR de l’effet du vieillissement du dépôt de colmatage sur l’efficacité des procédures de nettoyage. Les graphiques a), b), et c) représentent respectivement les spectres IR de la membrane colmatée non stockée, de la membrane colmatée stockée 4 semaines et de la membrane colmatée stockée 8 semaines. Les graphiques d), e), et f) représentent les spectres IR des mêmes échantillons respectifs après nettoyage. Les flèches vertes désignent la bande Amide I (≈ 1650 cm -1) et les flèches rouges montrent le signal révélateur des exopolysaccharides (≈ 1040 cm-1). Pour appréhender l'hétérogénéité du dépôt de colmatage, chaque graphique est l'accumulation de plusieurs spectres IR. 240 Annexe 20. Evolution de la viscosité d'un biofilm NF soumis par application d'une vitesse de cisaillement croissante puis décroissante. 241 Résumé Le colmatage des membranes servant à la production d’eau potable par des procédés de nanofiltration (NF) est un problème récurrent. Ce colmatage conduit à des baisses de performances des membranes et donc à des surcouts de production. Le dépôt de colmatage des membranes de nanofiltration est majoritairement composé par un biofilm microbien. Ce biofilm initie son développement rapidement après le début de l’alimentation des membranes par adhérence des microorganismes à la surface des membranes, multiplication de la biomasse fixée, augmentation de sa biodiversité, et synthèse d’exopolymères de matrice. La maturation du biofilm NF est un phénomène lent qui dure plusieurs années. Elle se traduit par un recouvrement total de la surface membranaire, une diversification des résidus saccharides de la matrice et un développement de réseaux de filaments saccharidiques. Les biofilms NF forment un matériau viscoélastique qui présente une forte cohésion interne avec un temps de relaxation élastique analogue à d’autres biofilms décrits dans la littérature. La perméabilité membranaire est affectée rapidement et continuellement tout au long du processus de développement du biofilm alors que la charge longitudinale n’est affectée que lorsque le biofilm a atteint un certain seuil. Ce biocolmatage peut être diminué mais pas éradiqué par des stratégies préventives et curatives : prétraitements qui diminuent la quantité de carbone organique dissous biodisponible et la concentration en microorganismes planctoniques viables dans l’eau d’alimentation, traitements multienzymatiques ciblant les protéines et les polysaccharides de la matrice du biofilm. Des essais de nettoyages à différentes échelles permettront d’optimiser les protocoles de nettoyage industriel des biofilms NF, un protocole de conservation de coupons de membranes colmatées compatible avec des essais de nettoyage in vitro a été développé. Mots clés : biofilm, viscoélastique, rhéologie, microscopie confocale à balayage laser, spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier, nanofiltration, eau potable, nettoyage, prétraitement. Abstract Fouling of membranes during water treatment by nanofiltration processes is a recurrent problem. This fouling leads to membrane performance decreases and then to additional costs of production. Fouling of membranes for drinking water production results mainly from the accumulation of a biofilm at the membrane surface The NF biofilm begins its growth fastly after membrane feeding with surface water by microorganism adherence to the membrane surface, multiplication of the sessile biomass, matrix biopolymers synthesis. The biofilm matruration is a slower phenomenon which lasts many years. Maturation consists in total covering of the membrane surface, matrix residues diversification, and development of the polysaccharides filament network. The NF biofilms exhibited viscoelastic behaviour with high internal cohesiveness and an elastic relaxation time lying within the range previously determined for various biofilms. The NF membranes permeability decreased fastly and continuously all along the biofilm development process but the longitudinal pressure drop increased only after the biofim reached a quantitative threshold. Biofouling can be decreased but can not be eradicated by preventive and curative treatments: pretreatments decreasing biodegradable organic carbon and viable planctonic microorganisms in the feed water, multienzymatic treatments targeting proteins and polysaccharides of the biofilm matrix. Cleaning tests at different scales are needed to improve the industrial cleaning efficiency of NF membtranes. Instead of proceeding to full scale cleaning tests, chemical cleaning can first be experimented on fouled membrane samples cut from industrial modules. After extracting one fouled module from the plant, cleaning experiments of the stored membranes can be done over a period of time in ultrapure distilled water, allowing to compare the efficiency of different chemical agents toward identical fouled membrane cuttings. Keywords: biofilm, viscoelastic, rheology, confocal laser scanning microscopy, attenuated total reflected fourier transformed infrared spectroscopy, nanofiltration, potable water, cleaning, pretreatment. 242