Revue bibliographique : Etre enfant ou adolescent avec un

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Revue bibliographique : Etre enfant ou adolescent avec un
Revue bibliographique : Etre enfant ou adolescent avec un parent cérébro-lésé
Peu d’études existent sur les enfants et adolescents avec un parent cérébro-lésé. Elles
décrivent le retentissement de la maladie sur l’enfant et une seule la prise en charge de ces
enfants. Pessar et al1 examinent les effets du traumatisme crânien d’un parent sur les
comportements des enfants entre 2 et 23 ans tels qu’ils sont décrits par le parent non blessé. Il
y aurait chez ces enfants plus de passages à l’acte, plus de problèmes relationnels et
émotionnels liés aux changements intervenus dans les capacités parentales du parent blessé et
à la dépression de l’époux non blessé. Uysal et al2, par contre, ne trouvent pas plus de troubles
du comportement chez les enfants de 7 à 18 ans dont l’un des parents est traumatisé crânien
que dans un groupe d’enfants avec des parents non malades. Murray3 montre que la rédaction
d’un fascicule d’information sur la maladie du parent cérébro-lésé a aidé huit enfants entre
cinq et huit ans à faire face aux effets de celle-ci. F. Butera-Prinzi et al ont étudié le vécu de
quatre enfants de 7 à 12 ans avec un parent cérébro-lésé. Les enfants décrivent des sentiments
complexes : vécu de perte et de traumatisme, sentiment d’isolement et de peur face au risque
de désintégration de la famille. Ils font cependant preuve de capacité de résilience4.
Oppenheim-Gluckman et al. ont étudié le vécu des enfants de six à douze ans avec un parent
cérébro-lésé5. Malgré l’absence de symptômes manifestes et l’apparente adaptabilité de
l’enfant à la situation créée par le traumatisme cérébral d’un des parents, il existe un impact
fort du handicap du parent sur le vécu de l’enfant qui s’exprime surtout à travers le dessin de
la famille. Dans ces dessins, la fréquence des anomalies de la représentation picturale des
corps des personnages et des représentations de personnages vacillants, fantomatiques ou
«dans les airs» sont des traits associés à la représentation d’une structure familiale perturbée
par la présence d’un parent handicapé. Ces résultats suggèrent l’existence d’un impact
inconscient fort du handicap du parent sur l’enfant et sur l’ensemble de la représentation qu’il
a du «corps familial».
La seule étude sur le vécu des adolescents avec un parent cérébro-lésé est celle de
Oppenheim-Gluckman et al6. Les adolescents de 13 à 18 ans présentent plus de signes d’appel
symptomatiques que les enfants, en particulier, des affects dépressifs, des difficultés scolaires,
un fort sentiment de solitude malgré le maintien d’une vie sociale, un fort sentiment
1
Pessar LF, Coad ML, Linn RT, Willer BS. The effects of parental traumatic brain injury on the behaviour of
parents and children. Brain Injury 1993 ; 7,3 : 231-40.
2
Uysal S, Hibbard M, Robillarf D, Pappadopoulos E, Jaffe M-The effect of parental traumatic brain injury on
parenting and child behavior, The Journal of head trauma rehabilitation,13,6,1998,57-71
3
Murray W. My Mum/Dad has had a brain injury, 3rd World Congress in Neurological Rehabilitation ; 2002
April 2-6, Venise, Italie.
4
Butera-Prinzi F, Perlesz A : Through children’s eyes : children’s experience of living with a parent with an
acquired brain injury, Brain Injury, 2004, 18, 1, 83-101
5
Oppenheim-Gluckman H, Marioni G, Virole B, Aescbascher MT, Canny-Verrier F : Vécu des enfants dont l’un
des parents est cérébro-lésé, étude préliminaire, Annales de Médecine Physique et de Réadaptation, 2003, 46,
525-38
Oppenheim-Gluckman H, Marioni G, Virole B, Aescbascher MT, Canny-Verrier F Le dessin de la famille chez
les enfants dont l’un des parents est cérébro-lésé, Neuropsychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, 2003, 51, 24756
Oppenheim-Gluckman H, Marioni G, Virole B, Aescbascher MT, Canny-Verrier F : Personal experience of
children with a brain injured parent, communication au congrès international sur le traumatisme crânien organisé
par IBIA, Stockholm, Mai 2003
6
Oppenheim-Gluckman H, Marioni G, Chambry J, Aescbascher MT, Graindorge C. Vécu des adolescents dont
l’un des parents est cérébro-lésé, étude préliminaire. Annales de Réadaptation et de Médecine Physique, 2005,
49, 650-61
Oppenheim-Gluckman H, Marioni G, Chambry J, Aescbascher MT, Graindorge C. Le dessin de la famille chez
l’adolescent avec un parent cérébro-lésé, étude préliminaire. Neuropsychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent,
2005, 53, 354-62
d’insécurité. Près d’un adolescent sur deux a du mal à reconnaître leur parent malade, le vit
comme un étranger et s’attribue des caractéristiques du parent malade en lien avec les
conséquences de cette maladie, ce qui témoigne de difficultés des processus d’identification et
de construction de l’identité. Ils ne trouvent pas, dans plus de la moitié des cas,
d’interlocuteurs dans leur milieu familial, scolaire ou amical qui puissent les aider dans leurs
difficultés à faire face au quotidien au handicap du parent et à « faire avec » les questions
existentielle liées à la maladie du parent. Ils expriment le besoin de mieux comprendre la
maladie de leur parent et de rencontrer d’autres adolescents dans le même cas qu’eux. Dans le
dessin de la famille, on retrouve, comme chez les enfants, des anomalies de la représentation
des corps des personnages, en particulier l’absence de mains ou la présence de mains sans
doigts, et l’absence de pieds ou la présence de pieds « moignons », la présence de
personnages fantomatiques, vacillants, « dans les airs ».
Deux études sur des enfants et des adolescents de moins de 18 ans confrontés à l’accident
7
vasculaire de leur parent ont été menées par Visser-Meily et al . Dans la première, ils ont été
vus deux mois après l’accident initial. Leur capacité d’adaptation évaluée à l’aide d’échelles
quantitatives n’est pas corrélée à la sévérité de la maladie mais au fonctionnement familial et
à la capacité du parent sain à faire face à la situation. L’autre étude concerne des enfants et
adolescents de 4 à 18 ans dont l’un des parents a eu un accident vasculaire cérébral modéré
avec une lésion unilatérale non récidivante et supra-tentorielle. Les troubles du comportement
et la dépression de ces enfants ont été évalués durant le séjour en rééducation, à la sortie de
l’hôpital et un an après. Le parent sain remplissait aussi une échelle d’évaluation de l’état de
santé de l’enfant. 54% des enfants avaient au moins un trouble durant l’hospitalisation du
parent. Ce pourcentage diminuait après la sortie de l’hôpital. La dépression du parent non
blessé et la qualité des relations conjugales étaient des bons facteurs prédictifs.
En Septembre 2006, le Centre Ressources Francilien pour le Traumatisme Crânien a élaboré
des recommandations visant à améliorer l’accueil et la prise en compte des enfants avec un
parent cérébro-lésé par les soignants qui s’occupent du blessé8. Revue de la littérature
concernant les conséquences des maladies somatiques des parents sur les
adolescents
Consequences of the somatic illness of a parent on the adolescents : paper’s
review
-
-
Hélène. Oppenheim-Gluckman, psychiatre et psychanalyste, ADEP, 194 Rue D’Alésia
75014 France
Gabrielle Marioni, Laboratoire de Psychopathologie fondamentale et psychanalyse,
UFR de Sciences Humaines Cliniques, Université Paris 7, 107 rue du Faubourg SaintDenis, 75463 Paris Cedex 10, France
Jean Chambry, Psychiatre, Fondation Vallée, 7 Rue Bensérade, 94250 Gentilly,
France
7
Visser-Meily A, Post M, Meijer AM, Maas C, ketalaar M, Lindenman E. Chidren’s adjustement to parent’s
stroke. J Rehabil Med, 2005 ; 37 : 236-41.
Visser-Meily A, Post M, Meijer AM, Van de Port I, Maas C, Lindeman E : When a parent has a stroke : clinical
course and prediction of mood, behavior problems and helath status of their young children, Stroke, 22005 ; 36 :
2436-40
8
MT Aeschbascher, E. Andriananja, G. Benamozig, J. Chambry, P. De Collasson, G. Marioni, H. OppenheimGluckman, I. Pourret, E. Thévenin-Lemoine, J-J . Weïss Recommandations pour l’accueil des enfants et des
adolescents dont un parent est traumatise crânien ou cérébro-lésé site Internet CRFTC http://www.crftc.org
-
-
Marie Thérèse.Aeschbacher, psychologue clinicienne,
Service de rééducation
fonctionnelle neurologique, Centre Médical J.Arnaud, 5 Rue Pasteur, 95570
Bouffémont, France
Catherine Graindorge, psychiatre, chef de service, Fondation Vallée, 7 Rue Bensérade,
94250 Gentilly, France
Correspondance et tirés à part : H. Oppenheim-Gluckman, 136 Av du Maine, 75014
Paris, France, fax 33 1 47 02 06 36, e-mail : [email protected]
Titre courant : adolescent avec parent malade
A paraître dans l’Information Psychiatrique en 2007
Résumé
Le retentissement psychique de la maladie somatique d’un parent sur ses enfants suscite
des travaux de recherche depuis quelques années Cet article fait le point sur le
retentissement de la maladie d’un parent sur l’adolescent à partir d’une revue de la
bibliographie. Les études sont contradictoires et ne permettent pas de définir avec précision
quels types d’intervention sont les plus pertinentes dans ces situations. L’importance de cette
question rend nécessaire la poursuite d’une réflexion clinique et théorique.
Mots clé : Maladie somatique- conséquences psychologiques- adolescent- relation
parents-enfant
Abstract
The psychological impact of the parent’s somatic illness on the children has been studied
for a few years This paper studies the impact of the parent’s somatic illness on
adolescent. It analyses the main studies about it. Their results are very heterogeneous
and it is impossible to determine which type of care these adolescents need. It is
important to continue clinical and theoretical researches.
Key words : somatic illness- psychological consequences- adolescent- parent-child
relationshipIntroduction
La façon dont les adolescents font face à la maladie somatique d’un parent est une
question qui suscite des travaux de recherche depuis quelques années. Mais leurs
répercussions pratiques sont encore limitées. Pourtant cet événement a des conséquences
sur la façon dont ils se représentent les images parentales et dont ces représentations
interfèrent dans le développement de leur personnalité. En particulier la maladie d’un
parent peut avoir des conséquences sur les processus identificatoires, sur les conflits
oedipiens, sur le roman familial, sur les processus de construction des repères familiaux,
sociaux et personnels.
Nous décrirons dans cet article le retentissement d’une maladie somatique ou d’un
handicap physique du parent sur l’adolescent à partir des travaux qui ont été publiés et
nous en tirerons quelques conclusions cliniques.
1) Principaux travaux de recherche
Les articles sur cette question sont très divers. Les recherches s’appuient surtout sur
des échelles d’évaluation, rarement sur des entretiens semi directifs. Quelques articles
sont des comptes-rendus d’expérience ou des analyses bibliographiques. Nous ne
reprendrons ici que les articles les plus significatifs.
Il n’y a pas aujourd’hui de consensus sur le retentissement de la maladie d’un parent
sur ses descendants. Les études concernant l’enfant ou l’adolescent avec un parent
malade ne différencient pas toujours la période de l’enfance et de l’adolescence et sont
contradictoires. Sans doute est-ce dû à la méthodologie utilisée, aux questions que se
pose le clinicien, au fait que les maladies des parents sont diverses, qu’elles ne sont pas
toutes au même stade évolutif et qu’elles n’ont pas toutes les mêmes conséquences. Dans
certains articles, la maladie du parent est variée (cancers de localisations diverses,
maladie physique peu précisée), dans d’autres la maladie du parent est plus précise
(cancer, lésion cérébrale, sclérose multiple) mais son stade évolutif est variable au sein
d’une même étude. Quelques études, plus homogènes, sont centrées sur une maladie du
parent à un stade évolutif précis (cancer en phase terminale par exemple). Les questions
abordées sont : la maladie du parent comme facteur favorisant les troubles psychiques
des adolescents, leur vécu à travers une approche psychopathologique, les facteurs de
résilience.
a)Y a-t-il plus de troubles psychiques chez les adolescents avec un parent malade ?
Les études sont contradictoires sur ce point.
Des études épidémiologiques ont montré que la maladie d’un parent favorisait la
présence de troubles du comportement chez les enfants. Morgan et al en citent quatorze
entre 1980 et 1992 (5). Leur étude compare, à l’aide d’échelles d’évaluation, les
adolescents entre 13 et 19 ans suivis en consultation psychiatrique et dont l’un des
parents a une maladie somatique modérée et sans incapacité significative d’origine
variée et d’autres adolescents suivis eux aussi en consultation mais sans parent malade.
Les premiers présentent plus de symptômes somatiques et d’hyperactivité que les
autres, mais pas plus de dépression et d’isolement par rapport aux pairs. Il n’y a pas de
différence dans le fonctionnement familial entre les deux groupes (5).
L’étude de Judicidibus et al s’appuie sur les dires des parents concernant des enfants et
adolescents de 4 à 16 ans. Elle montre qu’il n’y aurait pas chez les enfants et adolescents
avec un parent atteint de sclérose multiple plus de symptômes que dans un groupe
contrôle, mais que leurs difficultés apparaissent dans la façon de parler aux autres de
leur détresse et de leur vie (4). De même, selon l’étude de Harris et al, portant sur des
adolescents de 12 à 19 ans avec un parent cancéreux (cancers divers) rencontrés entre 0
et 5 ans après l’annonce du diagnostic, il n’y aurait pas plus d’anxiété et de dépression
évaluées à l’aide d’échelles quantitatives chez ces adolescents que dans un groupe
contrôle, voire même qu’il y aurait moins de symptômes de PTSD (2).
Une autre étude par contre révèle un haut pourcentage de stress chez 220 adolescents de
11 à 18 ans et 64 jeunes adultes de 19 à 23 ans confrontés au cancer d’un parent (cancers
divers diagnostiqués entre un et cinq ans auparavant), en particulier chez les filles (3).
Celui-ci, lorsqu’il est lié au cancer en phase terminale du parent, ne favoriserait pas le
passage à l’acte d’adolescents entre 11 et 17 ans (1).
Contrairement à des études qui trouvent plus de problèmes émotionnels et
comportementaux (tristesse, anxiété, agressivité) chez les enfants dont la mère a un
cancer du sein, quelques études ont montré que le fonctionnement psychosocial des
enfants était meilleur quand les mères avaient un cancer du sein sévère. Cette
corrélation n’a pas été retrouvée pour d’autres cancers. Ainsi, dans une étude récente,
Sigal et al (16) ont montré à l’aide d’auto questionnaires remplis par les mères et leurs
enfants que les mères avec un cancer du sein métastasé semblaient avoir de meilleures
compétences parentales que des mères avec un cancer du sein moins grave et que les
adolescents de 12 à 18 ans présentaient moins de symptômes comportementaux. Pour
expliquer ces résultats paradoxaux, les auteurs font l’hypothèse que les mères plus
malades préfèrent prendre soin de leur enfant plutôt que de les réprimander et que les
enfants, préoccupés par leur mère, ne s’autorisent plus certaines conduites d’opposition.
Quelques publications existent sur le vécu des enfants et des adolescents dont l’un des
parents est cérébro-lésé. Pessar et al (12) examinent les effets du traumatisme crânien
d’un parent sur les comportements des enfants âgés de 2 à 23 ans tels qu’ils sont décrits
par le parent non blessé à partir de deux questionnaires. Le traumatisme crânien était
survenu entre 16 et 84 mois auparavant et le parent blessé avait eu une amnésie posttraumatique d’au moins sept jours, ce qui constitue selon les auteurs un indice de
gravité. Il y aurait chez ces enfants plus de passages à l’acte, plus de problèmes
relationnels et émotionnels liés aux changements intervenus dans les capacités
parentales du parent blessé mais aussi liés à la dépression de l’époux non blessé. Uysal et
al. (21), par contre, ne trouvent pas plus de troubles du comportement évalués à l’aide
d’échelles quantitatives chez les enfants de 7 à 18 ans dont l’un des parents est
traumatisé crânien que dans un groupe contrôle. Le traumatisme crânien était survenu
au moins deux ans auparavant et la famille était incluse dans l’étude si le parent blessé
se reconnaissait comme handicapé (aucun autre critère de séquelles n’est précisé dans
cette étude).
b) Les facteurs de résilience
Une étude alliant des entretiens semi-directifs et l’évaluation de l’image de soi à l’aide
d’échelles a montré qu’une bonne compréhension de la maladie par toute la famille (ici
une chorée de Huntington) favorisait les possibilités de résilience et de maturation de
quinze adolescents entre 13 et 17 ans confrontés à leur parent malade (14). De même, à
partir de l’analyse de 24 entretiens semi directifs avec des adolescents, un haut degré
d’anxiété a été corrélé avec l’impossibilité de discuter avec le couple parental du cancer
du parent (cancers variés diagnostiqués entre deux et six ans auparavant) (6).
L’environnement familial semble cependant mis à mal dans l’étude de Peters et Esses.
Par rapport à un groupe contrôle, les adolescents de 12 à 18 ans avec un parent ayant
une sclérose multiple depuis au moins un an et demi et au maximum depuis dix-sept ans
et demi perçoivent plus de conflits familiaux et moins de cohésion au sein de la famille
(13).
Un article, s’appuyant sur six vignettes cliniques, décrit des passages à l’acte chez les
adolescents avec un parent cancéreux (cancers divers, en phase terminale ou pas), mais
ils peuvent être évités avec un soutien approprié de l’adolescent et des parents qui
permet aux adolescents de faire face à leurs angoisses (23).
Deux études concernant des enfants et des adolescents de moins de 18 ans confrontés à
l’accident vasculaire de leur parent ont été menés par Visser-Meily et al (22, 23). Dans la
première (23), ils ont été rencontrés deux mois après l’accident initial. Leur capacité
d’adaptation évaluée à l’aide d’échelles quantitatives n’est pas corrélée à la sévérité de la
maladie mais au fonctionnement familial et à la capacité du parent sain à faire face à la
situation (22). L’autre étude (23) concerne des enfants et adolescents de 4 à 18 ans dont
l’un des parents a eu un accident vasculaire cérébral modéré avec une lésion unilatérale
non récidivante et supra-tentorielle sans autre précision. Les enfants ont été évalués
durant le séjour en rééducation, à la sortie de l’hôpital et un an après avec une échelle
d’évaluation des troubles du comportement et de la dépression. Le parent sain était
invité à remplir une échelle d’évaluation de l’état de santé de l’enfant. 54% des enfants
avaient au moins un trouble durant l’hospitalisation du parent et ce pourcentage
diminuait après la sortie de l’hôpital. Il n’y avait pas de comparaison avec un groupe
contrôle. La dépression du parent non blessé et la qualité des relations conjugales
étaient, selon les auteurs, des bons facteurs prédictifs
c) approche psychopathologique
Une étude récente a évalué à l’aide d’entretiens semi-directifs la nécessité de poser une
indication de psychothérapie dans une population de 41 enfants et adolescents âgés de 6
à 18 ans avec un parent présentant une sclérose multiple (17). Cette indication est
apparue nécessaire pour la moitié des enfants afin qu’ils puissent faire face à la maladie
de leur parent. Il existait chez ces enfants un score élevé de problèmes
psychopathologiques évalué à partir d’entretiens semi-directifs (inhibition psychique,
envahissement par l’émotion ou mécanisme d’évitement, pauvreté de la représentation
de soi, sentiment d’impuissance et de solitude). Dans certains cas, les relations
développées entre les enfants et des adultes capables de prendre soin d’eux étaient un
facteur de résilience.
Le suivi psychologique de trois enfants ou adolescents de 6, 15 et 16 ans avec un parent
traumatisé crânien est décrit brièvement par Urbach et Culbert (20). Dans deux cas, le
traumatisme crânien du parent est sévère, modéré dans le troisième, mais dans tous les
cas le parent blessé présente des troubles psychiques et cognitifs. Les enfants et les
adolescents étaient confrontés à des modifications de l’image de leur parent malade
qu’ils assumaient difficilement et qui interféraient dans leurs processus de maturation et
de construction identitaire. Le suivi de ces enfants nécessitait une approche souple
alliant selon les nécessités une meilleure information sur les troubles du parent, des
entretiens avec l’enfant, avec le couple ou avec la famille, des groupes de parole pour les
enfants et des liens éventuels avec le milieu scolaire.
Dans l’étude de Oppenheim-Gluckman et al (7,8), 11 adolescents avec un parent
cérébro-lésé de retour à domicile et présentant des séquelles cognitives ont été évalués à
l’aide d’un entretien semi-directif, d’une échelles d’évaluation d’anxiété et de
dépression, et du dessin de la famille. Ces adolescents présentaient plus de signes d’appel
symptomatiques que les enfants avec un parent cérébro-lésé vus précédemment avec la
même approche (9, 10, 11), en particulier, des affects dépressifs, des difficultés scolaires.
Ils avaient comme eux un sentiment de solitude malgré le maintien d’une vie sociale et
un sentiment d’insécurité. Comme pour les enfants aussi, il n’y avait pas inversion des
rôles entre parents et enfants et la position symbolique du parent blessé était maintenue.
Mais, dans environ la moitié des cas, il existait une rupture des processus de
reconnaissance du parent cérébro-lésé par l’adolescent, c’est-à-dire que les
modifications des façons d'être du parent malade ne permettaient plus à l'enfant
d'éprouver un sentiment de familiarité et de continuité vis-à-vis de son parent malade.
Par ailleurs, les adolescents s’attribuaient dans environ la moitié des cas des
caractéristiques du parent malade en lien avec les conséquences de la maladie, ce qui
témoignait de difficultés des processus d’identifications et de construction de l’identité.
Cependant, plus des trois-quarts des adolescents pouvaient faire part dans l’entretien de
leur théorie implicite sur la maladie de leur parent et évoquer des rêves ou des
cauchemars en lien avec le parent malade. Cette possibilité d’évoquer les évènements
traumatiques et de pouvoir les partager avec un professionnel témoignait d’une
souplesse des systèmes défensifs, d’une capacité à faire confiance à l’adulte et à pouvoir
s’étayer sur lui. De même, environ trois-quarts des adolescents pouvait se projeter dans
le futur au niveau personnel, familial ou professionnel, ce qui était là aussi un élément de
bon pronostic. Les adolescents ne trouvaient pas, dans plus de la moitié des cas,
d’interlocuteurs dans leur milieu familial, scolaire ou amical qui puissent les aider à la
fois dans leurs difficultés à faire face au quotidien au handicap du parent et aussi à
« faire avec » les questions existentielle liées à la maladie du parent. Ils exprimaient le
besoin de mieux comprendre la maladie de leur parent et de rencontrer d’autres
adolescents dans le même cas qu’eux. En ce qui concerne le dessin de la famille, on
retrouvait, comme chez les enfants, des anomalies de la représentation des corps des
personnages, en particulier l’absence de mains ou la présence de mains sans doigts, et
l’absence de pieds ou la présence de pieds « moignons », la présence de personnages
fantomatiques, vacillants, « dans les airs », et l’absence d’interaction entre les
personnages de la famille. Les caractéristiques de ces dessins ne sont pas spécifiques.
L’absence de mains ou la présence de mains sans doigts, ainsi que des personnages
fantomatiques se retrouvent dans les dessins d’enfants de six à dix-huit ans dont l’un
des parents est dialysé (19) et dans le dessin de la famille d’adolescents toxicomanes (18),
De même, l’absence d’interaction entre les membres de la famille se retrouve dans le
dessin de la famille d’adolescents toxicomanes (18), et dans celui d’enfants diabétiques
(15). L’absence de main est sans doute le reflet du sentiment d’impuissance que
l’adolescent éprouve et/ou qu’il perçoit chez ses parents ou dans sa fratrie, et l’absence
de pied traduirait un sentiment d’insécurité (que l’on retrouve dans l’entretien) et le
« manque d’assise » du groupe familial, comme les personnages vacillants ou flottants.
Les anomalies de la représentation du corps des personnages ne traduiraient pas des
anomalies de l’image du corps, mais plutôt une tentative de l’adolescent de montrer
comment le handicap du parent affecte l’ensemble du « corps familial ». Elles reflètent
sans doute aussi des processus d’identification avec le parent malade, ce qui est
compatible avec le fait que dans l’entretien des adolescents s’attribuaient des
caractéristiques en lien avec la partie malade du parent cérébro-lésé.
2) Discussion
a) Des études disparates
Les études présentées ici sont disparates au niveau de la méthodologie employée, de la
maladie du parent, de son stade évolutif, de ses séquelles. D’où sans doute des résultats
difficilement comparables. Certaines évaluent la présence ou l’absence de symptômes
psychiatriques ou comportementaux alors que l’absence de symptômes ne signifie pas
absence de souffrance psychique, comme le montre l’étude de Oppenheim-Gluckman et al
sur les enfants de six à douze ans avec un parent cérébro-lésé (14, 15). Cette absence peut
être liée à des processus d’inhibition dans une situation exceptionnelle. Par exemple,
l’adolescent ne peut plus s’autoriser à entrer en conflit avec son parent malade qu’il sent
trop fragile (21). D’autres études se préoccupent du vécu conscient et inconscient des
adolescents. Par ailleurs, dans beaucoup d’études, il n’y a pas de comparaison avec des
groupes contrôle.
b) Quelles répercussions pour le clinicien ?
La question qui se pose au clinicien est donc complexe. Doit-on se préoccuper des enfants
ou adolescents avec un parent malade même en l’absence de symptômes manifestes, et si
oui, sous quelle forme ? Comment les services de soins somatiques doivent-ils le cas
échéant intégrer la préoccupation des enfants de leurs patients dans leur dispositif de
soins ? Ces questions sont aujourd’hui d’autant plus difficiles à résoudre que parmi les
études répertoriées, aucune ne parle du devenir des enfants ou des adolescents avec un
parent malade lorsqu’ils deviennent adultes. L’impact de cet événement sur leurs processus
de maturation et sur la construction de leur personnalité avec un suivi suffisant n’est donc
pas connu.
Plusieurs articles que nous avons cité soulignent que les difficultés des adolescents à faire
face à la maladie de leur parent n’est pas corrélées à la gravité de la maladie mais aux
dysfonctionnements familiaux qui surgissent à cette occasion, à une « mauvaise qualité »
de la relation entre parents et enfants et à l’absence d’autres interlocuteurs possibles. On
peut en effet penser que la façon dont l’adolescent fait face à la maladie de son parent est
liée à la qualité antérieure et actuelle des relations parents enfants, à la dynamique
familiale antérieure et actuelle, et à ses possibilités de comprendre et de se représenter cette
maladie. Les modifications de l'image parentale seraient traumatiques si, d’une part,
l’adolescent est confronté à des modifications de la personnalité de son parent malade dont
il ne comprend pas les raisons, qui ne lui permettent pas de le reconnaître et de se
reconnaître dans la relation nouée avec lui et si, d’autre part, il y a bouleversement du
sentiment de permanence de son univers, des repères familiaux et des façons d'être de ses
deux parents sans qu’il puisse en comprendre la logique. Cette hypothèse nécessiterait de
se préoccuper de la question des enfants et des adolescents quand un parent est malade et
de proposer au cas par cas une approche du groupe familial prenant en compte la question
de la parentalité et de la relation parents enfant. Mais la forme de ces interventions et leur
nécessité sont encore difficiles à apprécier puisque les études menées jusqu’à présent et
l’approche clinique de ces enfants et adolescents sont insuffisantes compte tenu de leur
méthodologie et de la rareté des comptes-rendus de cas prenant en compte l’articulation
entre la maladie du parent et les processus intrapsychiques de l’adolescent. Avancer sur
cette clinique supposerait que les services de soins somatiques et les psychothérapeutes
intègrent plus systématiquement dans leur préoccupation et leurs références l’approche
spécifique d’un adolescent avec un parent malade et puissent décrire très précisément le
retentissement de la maladie du parent sur l’enfant ou l’adolescent. Or, peu d’études
tiennent compte des éléments très précis de la maladie du parent, des moindres détails de la
réalité de celle-ci et de leur impact sur le vécu conscient et inconscient de l’adolescent.
3) Conclusion
Le vécu des adolescents avec un parent ayant une maladie somatique est une réalité dont les
spécificités restent encore peu explorées. Les travaux actuels ouvrent des pistes de réflexion
mais ne permettent pas encore d’en comprendre la complexité et de définir avec précision
quels types d’intervention seraient plus pertinents. La poursuite d’une réflexion clinique et
théorique est donc nécessaire.
Bibliographie
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8. Oppenheim-Gluckman H, Marioni G, Chambry J, Aescbascher MT, Graindorge C.
Le dessin de la famille chez l’adolescent avec un parent cérébro-lésé, étude
préliminaire, Neuropsychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, 2005 ; 53 : 254-62
9. Oppenheim-Gluckman H, Marioni G, Virole B, Aescbascher MT, Canny-Verrier F.
Vécu des enfants dont l’un des parents est cérébro-lésé, étude préliminaire. Ann
Readapt Médecine Physique 2003 ; 46 : 525-538
10. Oppenheim-Gluckman H, Marioni G, Virole B, Aescbascher MT, Canny-Verrier F.
Le dessin de la famille chez les enfants dont l’un des parents est cérébro-lésé.
Neuropsychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent 2003 ; 51 : 247-256
11. Oppenheim-Gluckman H, Marioni G, Virole B, Aeschbascher MT, Canny-Verrier
F : Personal experience of children with a brain injured parent, communication au
congrès international sur le traumatisme crânien organisé par IBIA, Stockholm, Mai
2003
12. Pessar LF, Coad ML, Linn RT, Willer BS. The effects of parental traumatic brain
injury on the behaviour of parents and children. Brain Inj 1993 ; 7 : 231-40.
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chronically ill parent. Journal of Chronic Disease 1985 ; 38,4 : 301-8.
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parent has a stroke : clinical course and prediction of mood, behavior problems and
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24. Wellisch D. Adolescent acting out when parent has a cancer. International Journal of
Family Therapy 1979 ; 1 : 230-41
Journée d’étude :
Etre père ou mère avec un traumatisme crânien : Actes et textes au format pdf de la journée
d'étude du 7 novembre 2006 à Bruxelles.
http://www.ebissociety.org/conference-bxl-01.html
Discours
C.
Croisiaux
Présidente d’EBIS - Directrice de La Braise – Bruxelles (B)
Papa,
maman,
un
rôle
qui
se
C.
Psychologue – Psychothérapeute de familles (B)
Le
regard
absent
E.
Avocat – Toulon (F)
et
le
miroir
d’ouverture
-
construit
brisé
au
quotidien
Bachèlerie
-
Vécu
d’une
maman
après
un
traumatisme
crânien
Sylviane
Maman
traumatisée
M-C. Moës - Assistante sociale à La Braise – Bruxelles (B)
Témoignage
Guillermou
-
Dialogue
crânienne
Je suis une autre mère / un autre père après mon traumatisme crânien.
J. Verbeeck - Responsable de l’accompagnement des adultes au sein du Service
d’Accompagnement
De
Kangoeroe
Melle
(B).
Joris - Papa traumatisé crânien
Peut-on retrouver sa place de parent après un traumatisme crânien - Réflexions
autour
de
trois
études
de
cas.
E.
Tazopoulou
Psychologue clinicienne à La
Annie - Maman traumatisée crânienne
Maison
du
Sophora
–
Gauchy
(F)
Le lien familial à l’épreuve du traumatisme crânien : la consultation handicap et
famille.
J-M.
Destaillats
Psychiatre,
médecin
MPR
–
Consultation « Handicap et famille – CHU Bordeaux (F)
L’unité
ou
la
séparation
C.
De
Coordinatrice du réseau ABI Flandre orientale (B)
des
deux
Vrieze
Recherche sur l’offre de soutien aux enfants de parents cérébrolésés – résultats et
recommandations
M.
Alibertis
Accompagnateur
à
Driehuizen,
étudiant à l'Institut Supérieur des Sciences Familiales (B)
Etre
enfant
ou
adolescent
avec
un
parent
cérébrolésé
H.
Oppenheim-Gluckman
Psychiatre
et
psychanalyste
Paris
et
Institut
Marcel
Rivière
–
La
Verrière
et
J.J. Weiss Directeur du CRFTC - Hôpital Broussais – Paris (F)
Différentes pistes de soutien dans le domaine de la parentalité et de la cérébrolésion
R.
Katara
Neuropsychologue – Coordinatrice du Centre Ressources La Braise – Bruxelles (B)
Comment et pourquoi un « Groupe – Pères » trouve sa place en institution
A.
Tyssaen
et
F.
Gustin
Educateurs à La Braise Centre de Jour – Bruxelles (B)
Mise en commun du groupe de travail réservé aux parents traumatisés crâniens
A.
Heilporn
Neurologue
spécialiste
en
réadaptation,
Médecin Directeur Honoraire du CTR - Bruxelles (B)
Conclusions
N.
Steinhoff
Neurologue - Président de Brain Injured and Families European Confederation – BIF (A)