A propos de navigation (2)

Transcription

A propos de navigation (2)
À PROPOS DE NAVIGATION (2ème partie)
Nous nous étions quittés le mois dernier à l’aéroport Nikos Kazantzakis d’Héraklion et bien
que je sois resté un tant soit peu moins longtemps sur place que le laps de temps qui sépare
nos deux articles (vous aurez certainement du mal à le croire mais les congés des enseignants
ne sont finalement pas aussi extensibles qu’on pourrait le penser de prime abord !), j’ai
néanmoins pu découvrir cette année des tas de choses nouvelles au sein de cette perle de la
Méditerranée. Alors, quoi de neuf sous le soleil de Crète ?
Je vous dirai tout d’abord que lors de mon séjour là-bas, j’étais justement en train de réfléchir
à la série d’articles consacrés à la panne moteur qui ont précédé celui-ci et qu’il n’y a pas eu
une seule journée où les paysages n’ont pas contribué à entretenir la chose de la manière
pourtant la plus involontaire qui soit. En effet, vous n’êtes plus sans ignorer que la pente de
plané de nos DR 400 est d’environ 10% et je vous le donne en mille : sur place, je me suis
aperçu par le plus grand des hasards que la DDE crétoise ne s’embarrassait pas à calculer les
déclivités de ses routes qui , vous vous en doutez, sont parfois loin d’être planes (pour ceux
qui n’y sont jamais allés ou qui n’ont pas lu ma chronique de l’an dernier consacrée au
Minotaure, il faut savoir que la Crète est une île montagneuse de type pyrénéen). Donc, tout
ça pour dire que quelle que soit la pente de la route, on trouve immanquablement là-bas le
panneau routier suivant :
Autant dire que les cyclistes qui gravissent péniblement les pentes de l’Aubisque ou du
Pourtalet sont on ne peut plus choyés étant donné que les Crétois ne font pour leur part aucun
distinguo entre une pente faible et une pente prononcée. Alors, heureusement pour moi que
j’avais déjà depuis quelques années travaillé les exercices de plané avec mon instructeur sinon
je crois qu’en arrivant là-bas, j’y aurais perdu mon latin (pardon, je devrais plutôt dire mon
grec !) ainsi que mon sens d’appréciation des pentes.
Vous imaginez bien également que même si elle fut quasi constante, cette confrontation
routière n’a pas été la seule occasion pour mon esprit d’établir des corrélations avec les
choses de l’air. Vous me croirez ou pas mais j’ai également découvert là-bas qu’il existait des
voitures à train tricycle (non, non, pas des triporteurs, bien des voitures et d’une marque
connue de surcroît bien que pas de chez nous puisqu’en l’occurrence il s’agissait de DAF!).
Un jour que j’en voyais une effectuer une marche arrière pour se garer, je me suis dit « Tiens,
c’est marrant, elle fait aussi bien train classique que train tricycle ». Comme quoi je ne
peux m’empêcher un seul instant de penser aux avions, y compris en vacances, c’est terrible !
Au hasard donc de mes balades journalières, qu’elles aient été effectuées principalement à
pied ou secondairement en voiture, j’ai également découvert des choses insolites comme par
exemple ce magasin qui vendait entre autres des accessoires pour pilotes (cf. photo suivante).
Et dire que je ne suis même pas sûr que de telles échoppes existent en France !
Je suis également retourné cette année dans un petit village de la côte sud nommé Agia Galini
qui s’est dorénavant paré de splendides statues à la gloire de ses ancêtres Dédale et Icare,
pour lesquels je vous contais l’an dernier mon regret d’avoir constaté le peu de cas qu’il était
fait de ces personnages mythologiques dans cette île pourtant dotée d’un patrimoine
archéologique hors du commun (cf. photo suivante).
Alors, Dédale ou Icare ?
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Pour ceux et celles qui suivent, il s’agit bien en l’occurrence de Dédale puisque ça ne peut
être que lui qui tienne à la main l’aile de son fils Icare après que son attache de cire ait fondu
au soleil et non l’inverse. Toujours est-il que l’association d’idée m’amène du coup à repenser
à l’aviette Daedalus 88 que nous avions brièvement évoquée le mois dernier. Mais en ce qui
nous concerne (je suis adepte des raccourcis cinématographiques autant que des logorrhées
manuscrites intarissables) et parce que nous nous apprêtons dès maintenant à effectuer notre
vol retour (et oui, je n’hésite jamais à dire que les vacances passent toujours trop vite !), nous
sommes à bord d’un engin volant largement plus imposant que cet aérovélocipède puisqu’il
s’agit en l’occurrence d’un Boeing 737-400.
Pour les besoins de la cause, nous débuterons notre nav retour sur Toulouse (elle est censée
être le sujet de base de notre récit) alignés au seuil de piste 09, fin prêts à décoller dans une
cabine remplie à craquer étant donné que le coefficient de remplissage doit atteindre au bas
mot 100%. La durée de vol prévue est très exactement de 3h15, temps qui peut paraître un
tantinet long aux passagers claustrophobes mais comme je n’en suis pas, je me sens déjà
comme un poisson dans l’eau (ne croyez surtout pas en lisant cela que j’avais dans l’idée
qu’un amerrissage forcé serait à l’ordre du jour !). Je rectifie donc dès maintenant en disant
plutôt que je me sentais à l’aise « comme un poisson dans son bocal ».
Si vous désirez vous faire une idée de ce à quoi ressemble la côte nord de la Crète, vous
pouvez d’ores et déjà visionner à vos moments perdus sur l’ordinateur de notre club-house les
2 premières minutes d’une vidéo que j’ai réalisée à partir du lâcher des freins (vous pourrez
de même voir l’approche finale sur la cité rose ainsi que l’atterrissage sur la 32L de TLS).
Bien évidemment, je vous laisse découvrir par vous-même les morceaux musicaux choisis en
support audio mais je ne doute pas qu’ils vous fassent un tantinet sourire.
Le SID (Standard Instrument Departure) utilisé par notre vol au départ de LGIR porte le nom
de MIL Delta , MIL ne signifiant pas en l’occurrence que la procédure est réservée aux avions
militaires partageant les installations de l’aéroport avec les liners, mais tout simplement que le
premier point en route sera l’île de Milos, située quelque 90 NM plus au nord. Nous
atteindrons cette dernière, ou plutôt le point RESTI situé à quelques encablures au sud-ouest
de ses côtes, à peine 15 minutes après le décollage et alors que la montée ne sera pas encore
terminée (voir photo et figure ci-dessous).
En montée entre les points RESTI et ALANI, passage par le travers de l’île de Milos.
De par sa position centrale, tant d’un point de vue géographique qu’au regard du système
aérien grec lui-même, l’île de Milos fait office de point névralgique dans l’inextricable réseau
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des routes aériennes qui sillonnent la Mer Égée en reliant les Cyclades les unes aux autres. Il
faut croire que c’était déjà le cas d’un point de vue maritime dans l’Antiquité et bien que toute
forme de rapprochement historique passe la plupart du temps inaperçue aux yeux du voyageur
qui survole cette île, il faut néanmoins savoir que c’est en son sein que fut découverte il y a
moins de deux siècles la désormais plus que célèbre Vénus exposée au musée du Louvre (d’où
son nom d’ailleurs).
L’île de Milos, véritable carrefour de voies aériennes.
La célèbre Vénus de Milo(s).
Quelque temps après le survol de Milos intervient le passage à la verticale de l’île d’Hydra
qui marque alors notre entrée en Argolide. La ville d’Argos est située au fond du golfe de
même nom et c’est elle qui a donné son nom, mythologie oblige, à la fameuse balise de
localisation par satellite utilisée maintenant de manière quasi universelle par les marins.
Pendant un temps existait également à cet endroit un point de report IFR au nom
particulièrement évocateur puisque nommé lui aussi ARGOS, mais ce dernier fut ensuite
débaptisé sur demande de l’OACI sous le prétexte qu’il faisait doublon avec un Reporting
Point de même appellation déjà situé aux Etats-Unis. Du coup, les autorités grecques ont été
obligées de lui affecter le nom d’ARGUN. Dommage en tout cas que nous passions au nord
de la ville mythique car je l’aurais volontiers prise en photo !
Je me rattrape néanmoins à proximité du point PERES en zoomant sur l’île de Poros située
juste en travers de l’appareil et pour laquelle l’OACI n’a pas non plus daigné garder le nom
initial, cette fois-ci vraisemblablement pour une question de prononciation (cf. photo suivante
un peu floue étant donné le zoom numérique ouvert au maximum).
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La ville de Galatas sur l’île de Poros.
Le vol A34118 poursuit ensuite sa route au niveau 340 (je n’invente rien car c’est tout
simplement le CDB lui-même qui l’a dit dans le Passenger Adress !) à travers la partie nord
du Péloponnèse jusqu’à proximité du canal de Corinthe que je n’arriverai jamais à localiser
malgré mes multiples contorsions (du coup, encore une photo intéressante qui m’échappe et
qui me fait penser que mon carnet de voyage risque en définitive d’être bien pauvre !).
Je retrouve cependant un soupçon d’optimisme en passant du Péloponnèse à la Thessalonique
au dessus de laquelle je réussis quelques clichés de montagnes superbement enneigées qui
viendront agrémenter ma collection personnelle naissante. Le lac de Kastràki me permet
incidemment de recaler ma navigation et j’en profite pour jeter un nouveau coup d’œil aux
RAD (Route Availability Document) afin de déterminer à l’avance le point de transfert entre
les UIR grecque et italienne ainsi que le cheminement que nous serons amenés à suivre
ensuite à travers l’espace aérien de la botte.
Le lac de Kastràki est muni d’un barrage qui
L’écran du GNS430 travers le même lac.
permet de l’identifier plus facilement sur la carte.
Je constate au passage que le célèbre point de report BAMBI, situé au sud de la mer
Adriatique entre Crotone (Italie) et Araxos (Grèce), figure toujours dans la base de données
ICARD de l’OACI. En revanche et c’est paradoxal, il ne figure plus dans celle du logiciel
Skyview d’Eurocontrol, pourtant à jour sur mon PC. J’ai beau essayer les deux tranches
d’altitudes Low et High, il refuse obstinément d’apparaître à l’écran (cf. figures suivantes).
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Route suivie par notre vol
Le méridien 019°00 E sert
de séparation entre les UIR
grecque et italienne. C’est
pourquoi il comporte de
nombreux points de report.
M
La célèbre île de
Corfou
Extrait de la base de données ICARD montrant l’emplacement du point BAMBI.
Corfou
Le méridien 019° Est.
Le point
BAMBI a bel et
bien sombré
dans les flots
méditerranéens.
Copie écran du logiciel Skyview d’Eurocontrol, avec en superposition le tracé des AWYs.
Pour notre part, étant donné notre route actuelle, nous traverserons visiblement au point
TIGRA situé quant à lui beaucoup plus au nord (les contrôleurs du coin semblent décidément
apprécier les appellations évocatrices).
Mais n’anticipons pas trop car pour l’instant, nous sommes encore dans l’espace aérien grec et
cela fait plusieurs minutes que j’attends avec impatience de survoler Corfou. Au moment
opportun, je reconnais aisément l’île rendue célèbre grâce à la chanson « Les roses de
Corfou » que fredonnaient nos grands-mères et distingue nettement l’aéroport de Kerkira qui
la dessert et sur lequel j’avais déjà eu l’occasion de me poser par le passé (cf. photos
suivantes).
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L’aéroport de Kerkira, situé sur l’île de Corfou, est doté d’une raquette en forme d’allumette géante à faire pâlir
d’envie les tennismen professionnels.
Le survol de la mer Adriatique ainsi que la traversée du sud de l’Italie se révèlent ensuite de
peu d’intérêt, une fine couche d’altostratus empêchant de distinguer nettement aussi bien les
traits de côte que les repères de navigation principaux. Je sais néanmoins que le transit italien
dans le sens est-ouest doit nous amener à survoler le VOR de Sorrente situé à la pointe sud du
golfe de Naples et c’est le moment du vol que j’attends avec la plus grande impatience. En
effet, je connais bien cette partie de l’Italie pour y passer chaque année mes vacances d’été et
je ne veux pour rien au monde rater l’occasion de prendre quelques clichés du Vésuve. Las, la
couche nuageuse en dessous de nous semble devenir plus dense au point qu’on n’arrive même
plus à distinguer le sol. Adieu donc les photos de volcans, d’autant que je sais par expérience
que même si des trouées font momentanément leur apparition, ce ne sera certainement pas au
dessus de cet ancien cracheur de feu mais plutôt au bord de la côte située à proximité.
Ma persévérance est néanmoins récompensée lorsque j’arrive enfin à distinguer la forme on
ne peut plus caractéristique du port de Naples (Napoli) pendant quelques trop brèves secondes
qui ne seront évidemment pas suffisantes pour faire une photographie digne de ce nom. Les
rivages italiens à nouveau disparus dans le brouillard, j’en profite pour quitter mon siège afin
de me dégourdir les jambes et jeter l’air de rien un œil par les hublots de bâbord. Avec un peu
de chance et bien que ça n’ait vraiment pas l’air d’être mon jour, j’arriverai peut-être à
localiser le Stromboli grâce à son immense panache de fumée. Cela fait en effet longtemps
que le célèbre volcan assoupi s’est réveillé, à l’image de son grand-frère l’Etna et il me
semble tout d’un coup que depuis ces quelques années où je vole de mes propres ailes, j’ai
toujours vu sur la TEMSI EUROC le symbole caractéristique associé aux cendres volcaniques
faire référence uniquement à ce dernier alors que le volcan des proches Iles Éoliennes était
pourtant aussi réveillé si ce n’est plus (cf. photos + extraits ci-après).
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Le Stromboli et son nuage de vapeur d’eau et de cendres
L’Etna vu depuis le sud-ouest de la Sicile
LIRR SIGMET 03 VALID 151100/151700 LIMMROMA FIR FBL VA LAST OBS (150500Z BY
LICZ) EXT 10 NM E-SE OF ETNA
FL070/110 MOV SE 20-25 KTS=
La TEMSI EUROC ne fait référence qu’à l’Etna, de même que le SIGMET associé (VA = Volcanic Ashes)
Au diable ces subtilités que je ne m’explique pas mais il n’empêche que la lecture du
SIGMET permet bien de corroborer le fait que le bandit sicilien est réveillé mais loin d’être
en éruption. En effet, dans un tel cas de figure, le nuage de cendres atteindrait facilement le
FL 400 alors qu’il ne dépasse pas ici le FL 110. Autant dire qu’il ne peut représenter un
éventuel danger à la navigation aérienne que pour les vols au départ ou à l’arrivée de Catane
(Catania), ce qui doit néanmoins obliger les contrôleurs siciliens à jongler journellement avec
les clairances qu’ils émettent, en fonction de la position de ce satané nuage dérivant (cf. fig.
suivante).
Étant donné la proximité du volcan, un avion
en descente à la verticale du VOR CAT en
vue d’un atterrissage sur un des 2 aéroports
pourrait très bien se retrouver piégé dans le
nuage de cendres. Personnellement, j’irai
plutôt atterrir à Palerme, pas vous ?
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Tout en écrivant ces lignes, il me revient du coup à l’esprit l’incident du B747 de la
compagnie British Airways survenu il y a une vingtaine d’années au dessus de l’Indonésie.
L’avion, qui était en vol de croisière au départ de Kuala Lumpur vers Perth en Australie, entra
sans le savoir (les cartes météo de l’époque ne le mentionnaient pas) dans le nuage de cendres
émises par le volcan Galunggung entré en éruption une demi-journée auparavant. Ceci eut
pour fâcheux effet, outre un feu de St-Elme qui se révéla somme toute secondaire, de stopper
net les quatre réacteurs du Jumbo Jet les uns après les autres. Ce n’est qu’après une lutte
acharnée d’un quart d’heure (qui a d’ailleurs du sembler infiniment plus long aux
protagonistes de l’affaire) que l’équipage réussit enfin à redémarrer ses GTR et à atterrir en
urgence sur l’aéroport de Djakarta. Par association d’idées, j’imagine si la même chose était
arrivée à un biréacteur de type ETOPS (Extended Twin Operations) et ne peux, malgré la
gravité d’une telle situation, m’empêcher de sourire furtivement à la simple évocation de cette
abréviation maintenant que je sais de la bouche même d’un CDB que les équipages
techniques eux-mêmes singent cette appellation en « Engines Turning Or Passengers
Swimming ».
Comme il était inévitable que ces pensées volcaniques ne me transportent pas à nouveau en
direction du Vésuve, me voici du coup envahi d’images mentales des villes antiques de
Pompéi et d’Herculanum, englouties en totalité sous les flots de cendres ou de lave
incandescente en l’an 79 après JC. Quand on y pense, l’Italie est vraiment dotée d’un trio
infernal, surtout quand on sait que nos volcans d’Auvergne sont éteints pour l’éternité. Je
mesure tout d’un coup la chance que nous avons d’échapper finalement sur notre territoire à
un tel risque et me dis que c’est vraiment beaucoup plus peinard de convoyer le Lionceau
jusqu’à Issoire plutôt que d’aller survoler certains coins d’Italie. Allez savoir pourquoi mais
d’évoquer tour à tour Napoli, le Stromboli puis Pompei (et encore, je ne vous ai pas parlé de
Capri ni d’Amalfi !) me fait tout d’un coup dénicher des tas d’autres rimes en « i ». Bien que
je doive reconnaître que ces dernières ne manquent vraiment pas lorsqu’on est amené à
utiliser la première langue latine, je m’étonne cependant de n’avoir en tête à cet instant précis
que des noms de boissons (c’est certainement parce que je dois avoir soif ; « ah, cette
hygrométrie dans les avions, c’est vraiment mortel ! »). J’ai donc sur les lèvres des tas de
sonorités chantantes telles asti, chianti, campari ou lacrima christi et j’en passe (lacrima
christi est le nom plus qu’évocateur donné au vin issu des vignobles hyper-fertiles situés sur
les pentes du Mont Vésuve).
Je regagne néanmoins mon siège sans faire un détour par le galley où j’aurais pu
éventuellement soutirer une boisson à l’hôtesse ou au chef de cabine, tout en me revoyant
quelques jours auparavant alors que j’étais attablé dans un petit resto typique à siroter du raki
(encore une rime en « i » mais grecque cette fois-ci puisque le raki est l’alcool le plus
consommé en Crète). À peine assis sur mon fauteuil, je jette un coup d’œil à la carte afin de
recaler ma nav et constate que la traversée de cette partie de Méditerranée est pour nous
l’occasion de rattraper l’orthodromie HER-TLS dont nous nous étions largement écartés
depuis notre départ d’Héraklion. Le ciel redevient d’un bleu limpide juste avant d’atteindre
les côtes découpées de l’est de la Sardaigne et au passage de l’île de Tavolara, la mer se pare
par endroits d’une couleur turquoise ou émeraude qui me fait regretter un court instant d’être
en vol plutôt qu’au sol (cf. photo suivante).
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L’île de Tavolara située à l’Est de la Sardaigne
Quelques minutes plus tard, j’aperçois nettement par le hublot l’aéroport d’Olbia dont le nom
de baptême me semble en fin de compte amplement mérité (cf. photo suivante).
Vue sur l’aéroport « Costa Smeralda» depuis le FL 340
La fiche Jeppesen en tout point similaire au
cliché grâce au trajet est-ouest suivi par notre vol
En levant la tête et en regardant vers le Nord, je distingue au loin noyées dans la brume de
chaleur les côtes du sud de la Corse et la pensée qu’un des avions de notre club soit peut-être
en ce moment sur l’île de Beauté me parcourt subrepticement l’esprit.
Pas le temps cependant de se laisser aller à rêver car les plages du nord-ouest de l’île
surgissent déjà sur le devant de notre aile. Je constate avec amusement qu’il en est de même
pour la Sardaigne que pour la plupart des îles en général (en tout cas pour celles situées à nos
latitudes) et que le contraste est vraiment flagrant entre ces longues langues de sable exposées
aux vents dominants à l’ouest et les côtes rocheuses très découpées survolées précédemment à
l’est. Je réalise d’ailleurs à cet instant qu’en la matière, la Corse doit très certainement être
l’exception qui confirme la règle puisqu’il en est exactement l’inverse sur l’Ile de Beauté.
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La côte nord-ouest de la Sardaigne
Je ne verrai pas l’aéroport d’Alghero (LIEA) que nous survolerons à la verticale juste avant de
nous engager dans la dernière partie de la traversée maritime qui doit nous permettre de
rejoindre enfin les côtes françaises. N’ayant plus rien à observer que le bleu de la mer qui tend
à se confondre avec celui du ciel dans lequel nous volons, je me concentre sur la lecture de la
carte et m’aperçois que les secteurs de contrôle aérien au dessus de la Méditerranée sont tels
qu’à peine éloignés des côtes de Sardaigne de quelques dizaines de nautiques, nous allons
passer de Rome Contrôle à Marseille Contrôle (cf. fig. suivante).
secteurs sous
contrôle français
secteurs sous
contrôle espagnol
secteur sous
contrôle italien
Les différents secteurs de contrôle en mer méditerranée (en rouge, la route suivie par notre vol)
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Je note machinalement l’heure de survol d’Alghero, matérialisée à bord par une légère
inclinaison correspondant au changement de cap de l’avion et me lance ensuite dans un petit
calcul d’estimée du passage à la verticale des côtes françaises, que nous franchirons
vraisemblablement quelque part entre Narbonne et Perpignan (je dis « quelque part » étant
donné que dans l’UIR méditerranéenne sous contrôle français, les avions sont généralement
autorisés « direct » lorsqu’ aucune route aérienne n’est publiée sur le tronçon, ce qui est notre
cas aujourd’hui).
L’écart en longitude entre LIEA et la côte française étant d’environ 5° et sachant que notre
trajet vers l’ouest se fait à une latitude moyenne d’environ 42°, cela donne une distance de
survol maritime de 5 x 60 x 0,75 NM (g’ x cosL = 225 NM). Etant donné que nous volons très
certainement aux alentours de Mach 0,8, soit grosso modo 8 NM parcourus à la minute, à ce
dernier tronçon correspond donc un temps de vol d’un peu moins de 30 minutes. Je
programme alors ma Navitimer de manière à ne pas rater l’instant magique et me laisse
ensuite envahir par une douce torpeur à laquelle incite le ronronnement continu des packs de
conditionnement d’air. Et tandis que je m’assoupis lentement, une dernière pensée vient alors
envahir mon esprit : « Rivages de France, territoire de mes plus beaux vols, nous voici bientôt
de retour ».
Sur ce, a ciao bonsoir i arrivederci (ultime rime en « i » pour clôturer la chronique de ce
mois-ci) !
Stéphane MAYJONADE
Octobre 2007
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