1ère année de doctorat HERITECHS Université Paris I Panthéon

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1ère année de doctorat HERITECHS Université Paris I Panthéon
1ère année de doctorat HERITECHS
Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Leslie VILLIAUME
10 rue Saint Germain L’Auxerrois
75001 PARIS FRANCE
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WORKSHOP INTERNACIONAL HERITECHS
« El patrimonio intangible »
La prestidigitation en Europe au XIXème siècle.
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Mon sujet de thèse porte sur les liens entre sciences, techniques et prestidigitation en
Europe au XIXème siècle. L’histoire de la prestidigitation a malheureusement été peu étudiée
dans le monde universitaire. Je cherche à montrer qu’une telle étude est légitime, même si elle
n’est pas évidente à mener à cause de l’importance du secret dans le monde magique. Je
m’intéresse en particulier à la définition d’un « patrimoine magique », sous ses formes
matérielle et immatérielle. Dans le cadre de ce premier workshop HERITECHS,
j’interviendrai dans la partie « patrimonio intangible ». C’est pourquoi j’insisterai donc sur les
notions relevant du patrimoine culturel immatériel de mon travail. Nous proposerons de
développer en particulier le thème de la sauvegarde du patrimoine intangible, à travers des
questions de conservation, de documentation, de préservation, de protection mais aussi de
transmission. Tous les exemples utilisés s’appuieront sur des cas concrets rencontrés au cours
de mes recherches.
El tema de mi tesis se trata de las relaciones entre sciencias, técnicas y prestidigitación
en Europa durante el siglo XIX. La historia de la prestidigitación fue desgraciadamiente
estudiada rara vez en el mundo universitario. Busco a mostrar que un tanto estudio es
justificado, aunque no sea evidente a causa de la importancia del secreto en el mundo mágico.
Me intereso en particular por la definición de un « patrimonio mágico », tangible e intangible.
En el ámbito de este primero worshop HERITECHS, tomaré parte en la sección « patrimonio
intangible ». Es por eso que insistiré sobre las nociones atañadas al patrimonio cultural
intangible en mi trabajo. Propondremos desarrollar en particular el tema de la salvaguardia del
patrimonio intangible, tratando preguntas de conservación, de documentación, de
preservación, de protección pero también de transmisión. Todos los ejemplos utilizados serán
tirados de casos concretos encontrados durante mis investigacionnes.
My thesis is about links between sciences, technics and magic in Europe in the XIXth
century. Unfortunately, the magic history was not studied a lot in the universitary world. I
want to show that such a study is legitimate, even if it is not obvious to do because of the
importance of secret in the magical world. In particular, I am very interested in the definition
of a “magical heritage”, tangible and intangible. For this first workshop HERITECHS, I will
have an intervention in the “patrimonio intangible” part. That is why I will insist on the
intangible cultural heritage’s aspects of my work. I am going to propose to develop in
particular the subject of the intangible heritage’s safeguarding, with questions about
conservation, documentation, preservation and protection, but also about transmission. Each
example will be drawn from concrete cases met during my research.
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LA PRESTIDIGITATION EN EUROPE AU XIXEME SIECLE
LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL MAGIQUE
L’histoire de la prestidigitation a malheureusement été peu étudiée dans le monde
universitaire. Je cherche à montrer qu’une telle étude est légitime, même si elle n’est pas
évidente à mener à cause de l’importance du secret dans le monde magique. Je m’intéresse en
particulier à la définition d’un « patrimoine magique », sous ses formes matérielle et
immatérielle. Dans le cadre de ce premier workshop HERITECHS, j’interviendrai dans la
partie « patrimonio intangible » et c’est donc pourquoi j’insisterai sur les notions de mon
travail relevant du patrimoine culturel immatériel.
La communauté internationale est arrivée à la conclusion qu’un instrument
juridiquement contraignant était nécessaire dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine
culturel immatériel. En octobre 2003, l’UNESCO adopte une Convention1 dont le but est,
d’après l’Article Premier, d’aider à sauvegarder le patrimoine culturel immatériel. Elle prône
le respect de ce patrimoine culturel immatériel et encourage la sensibilisation à l’importance
de ce patrimoine aux niveaux local, national et international. La définition du patrimoine
culturel immatériel donnée dans l’Article 2 inclut les arts du spectacle. La prestidigitation et
son histoire répondent à tous les critères caractérisant un domaine dans lequel se manifeste le
patrimoine culturel immatériel 2 (pratiques, représentations, expressions, connaissances et
savoir-faire). La sauvegarde de ce patrimoine comprend les mesures 3 telles que la
documentation (enregistrement du patrimoine culturel immatériel sur des supports matériels),
la préservation (maintien des pratiques et représentations), la protection (empêcher que les
pratiques subissent des préjudices), la promotion (sensibilisation du public) ou encore la
transmission, essentiellement par l’éducation formelle et non formelle.
1
Convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel adoptée le 17 octobre 2003 par
l’UNESCO, entrée en vigueur le 20 avril 2006.
2
Voir Glossaire du patrimoine culturel immatériel préparé par une réunion internationale d’experts à
l’UNESCO, 10-12 juin 2002, réalisé sous la direction de VAN ZANTEN, Wim (Université de Leiden) (août
2002), Netherlands National Commission for UNESCO (ed), La Haye.
3
BLAKE, Janet (2001) : « Developing a new standard-setting instrument for the safeguarding of Intangible
Cultural Heritage; Elements for consideration”, Paris, UNESCO [CLT-2001/W518].
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Il existe un véritable patrimoine magique. Les livres, les revues spécialisées, les
affiches, les objets de magie (objets truqués, tours, boîtes), les automates voire même les
instruments de pré-cinéma forment un important patrimoine matériel. Les savoirs (histoire de
la magie, principes magiques, théorisation de la magie) et les savoir-faire (gestes, techniques,
inventions de tours, fabrication d’objets), quant à eux, constituent la forme immatérielle du
patrimoine magique.
Le but de mon travail est de donner à l’histoire de la magie ses lettres de noblesse. La
magie est un art, et comme tous les autres arts, il est légitime de l’étudier. L’ampleur de la
tâche est la même que pour l’histoire de la photographie ou l’histoire du cinéma. Si on se
replonge dans les débuts de l’histoire de la photographie, l’idée était de défendre l’identité de
ce nouveau medium face aux critiques venues du monde de l’art 4 . L’histoire de la
photographie a commencé par être une généalogie de divers perfectionnements techniques.
Puis il y eut dans les années 1970-1980 une nette intensification des travaux historiques à
l’aide de nouveaux outils (dictionnaires de photographes, bibliographies, anthologies, revues)
ainsi que de nouvelles approches de la pratique photographique et de son histoire5. De même,
l’histoire du cinéma est née d’une soif de connaissance et d’un besoin d’analyse insatiables.
Elle fut possible grâce à des pionniers de la critique ou à des hommes comme Henri Langlois6,
qui voulait « sauver tous les films »7 : pour lui, la préservation des films et des savoirs était
absolument nécessaire pour une éventuelle remise en question dans l’avenir (il pensait en effet
que des films dépourvus de valeur artistiques pouvaient s’avérer précieux pour un sociologue
par exemple). Montrer que le cinéma n’est pas qu’un divertissement mais un art digne d’être
étudié fut possible grâce à des « éveilleurs » comme André Bazin, Jean-Louis Bory ou encore
Jean-Louis Cheray8. Comme le cinéma, la prestidigitation doit se faire admettre au rang des
arts et se débarrasser du marquage « art de saltimbanque »9. Il faut concevoir et situer la
magie dans son appartenance à une culture en tant qu’œuvre à part entière.
4
Sous la direction de CARTIER-BRESSON, Anne (2008), Le Vocabulaire Technique de la Photographie, Paris,
pp.11-12.
5
FRIZOT, Michel (2008), Nouvelle Histoire de la Photographie, Paris.
6
Fondateur de la Cinémathèque Française avec Georges Franju et Jean Mitry en 1936 à Paris.
7
PASSEK, Jean-Loup (2001), Dictionnaire du cinéma, Paris, préface p.1.
8
PASSEK, Jean-Loup (2001), Dictionnaire du cinéma, Paris, préface p.2.
9
PASSEK, Jean-Loup et comité de rédaction (2001), Dictionnaire du cinéma, Paris, avant-propos pp.3-4.
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Les arts d’interprétation (arts du spectacle, arts de la représentation) regroupent la
musique, la danse, le théâtre, les contes, la poésie mais aussi toutes les autres pratiques de
spectacle témoignant de la créativité des hommes. La magie en fait donc partie. Comme tout
patrimoine, le patrimoine magique sous toutes ses formes doit être préservé, mis en valeur et
transmis aux générations futures. La sauvegarde se fait en particulier grâce à la documentation,
la conservation, la protection et la transmission.
En ce qui concerne la documentation, nous avons de nombreuses sources pour pouvoir
élaborer une histoire de la prestidigitation en Europe, et ces sources sont particulièrement
riches pour le XIXème siècle : nous disposons de lettres manuscrites de magiciens, de livres
écrits par des magiciens pour d’autres magiciens 10 , mais aussi de livres écrits par des
magiciens pour le grand public11. De nos jours, certaines recherches sur la magie ont été
effectuées12 (à considérer avec précaution car beaucoup ne sont pas rigoureuses dans leur
démarche d’investigation), et nous pouvons également nous servir des diverses publications
de magie existantes (livres et revues spécialisées) ainsi que des conférences données lors des
colloques et congrès (colloque international des collectionneurs, congrès FFAP, congrès
FISM…).
Nous ne développerons pas ici la conservation du patrimoine matériel13. Quant à celle
du patrimoine immatériel, elle consiste en la préservation des pratiques sociales et des
représentations (événements festifs, congrès). Elle se fait surtout par la transmission des
savoirs et des savoir-faire.
La protection du patrimoine immatériel magique est facilitée par le règne du secret.
Toutefois, les magiciens se sont toujours battus contre le débinage, c’est-à-dire la révélation
aux profanes de tours ou de principes magiques fondamentaux. On rencontre également
beaucoup de problèmes de propriété intellectuelle (paternité des tours, des techniques, des
10
ROBERT-HOUDIN, Jean-Eugène (1858), Une vie d’artiste, Paris.
ROBIN (1864), L’Almanach Illustré le Cagliostro, Histoire des spectres vivants et impalpables, secrets de la
physique amusante, Paris.
ROBIN (1865), L’Almanach Illustré le Cagliostro, Histoire de la science au théâtre, l’astronomie populaire,
les spectres et les secrets de la physique amusante, Paris.
12
DIF Max (1986), Histoire illustrée de la prestidigitation, Paris.
FECHNER Christian (2002), La magie de Robert-Houdin, Une vie d’artiste, Boulogne.
13
Aspect développé dans VILLIAUME, Leslie (2011), Rapport de stage à la Maison de la Magie de Blois.
11
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procédés, des mécanismes…) puisqu’il n’existe pas vraiment de brevets en magie14. La
protection passe également par une promotion auprès du public, toujours dans le respect des
valeurs précédentes (secret et non-débinage).
L’importance du patrimoine culturel immatériel ne réside pas tant dans la
manifestation culturelle elle-même que dans la richesse des connaissances et des savoir-faire
qu’il transmet d’une génération à l’autre au sein d’une communauté. Une communauté étant
un ensemble d’individus se sentant dotés d’un sentiment d’appartenance à un même groupe
(par exemple par un comportement commun ou des activités communes), on peut
véritablement parler de « communauté magique ». Les savoirs et les savoir-faire se
transmettent à tous les membres de la communauté magique de génération en génération.
La transmission de génération en génération se ferait de magicien en magicien depuis
le XVIème siècle, date du premier livre de magie officiellement recensé15. Auparavant, il
semblerait que les connaissances se soient transmises oralement, mais rien ne prouve que les
magiciens communiquaient réellement entre eux ; les tours de passe-passe exécutés au
Moyen-âge (et même bien avant, pendant l’Antiquité voire même la Préhistoire) ne se
communiquaient peut-être pas nécessairement de maître à élève ; il est probable que les
magiciens copiaient les représentations de tours de leurs collègues sans se les transmettre
officiellement les uns les autres (ainsi, chacun avait sa propre technique pour réaliser un
même effet magique). Les publications magiques sont devenues plus fréquentes au XVIIème et
XVIIIème siècles, et furent très prolifiques au XIXème siècle, siècle que l’on considère souvent
comme étant l’âge d’or de la prestidigitation. Aujourd’hui encore, les publications sont
nombreuses ; elles sont complétées par des conférences entre magiciens, des congrès entre
spécialistes (comme le congrès international des collectionneurs qui a lieu tous les deux ans)
ou encore des journées de rencontre spécifiques à l’histoire de la prestidigitation (Magic
History Day de Jean Merlin). La transmission des savoir-faire est facilitée par les DVD et
Internet. Ceci dit, l’apprentissage de la magie par un maître à ses élèves reste très courant (et
surtout particulièrement efficace).
14
Certains principes ont été déposés, comme l’Hallucinoscope de Gérard Majax (Maison de la Magie de Blois).
Voir aussi HAMMER, Thomas (2004), Magie & Technik, Office Européen des Brevets (ed), Berlin.
15
SCOT, Reginald (1584), Discovery of Witchcraft, Londres.
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La communication entre membres de la communauté magique est facilitée par une
organisation qui n’existait pas avant 1903 (date de création de l’AFAP, l’Association
Française des Artistes Prestidigitateurs, aujourd’hui appelée FFAP, Fédération Française des
Artistes Prestidigitateurs). Dans la plupart des pays européens, il existe des associations
régionales de magie (CMP – Cercle Magique de Paris, CIPI – Centre International de la
Prestidigitation et de l’Illusion de Blois, CAI – Círculo Alicantino de Ilusionismo…)
regroupées sous l’égide d’une fédération nationale (FFAP – Fédération Française des Artistes
Prestidigitateurs, SEI – Sociedad Española de Ilusionismo…) membre de la fédération
internationale (FISM – Fédération Internationale des Sociétés Magiques) qui ne compte pas
moins de 43 pays membres. Il existe également des réseaux internes aux fédérations, comme
le Club des Magiciens Collectionneurs.
Cette organisation facilite la diffusion des diverses publications auprès des magiciens
du monde entier. Les livres de magie peuvent être d’ordre théorique (histoire de la magie,
théorisation de la magie, grands principes magiques, débats et controverses…) ou d’ordre
pratique (enseignement des techniques, conseils de présentation, cours de mise en scène…).
Les supports vidéo sont également beaucoup utilisés (VHS et surtout DVD). Internet est une
nouvelle mine d’informations pour se faire une culture magique. Ces informations venant de
la toile sont évidemment à prendre avec précaution mais de nombreux articles très intéressants
sont accessibles sur des sites comme Artefake, ChopCup ou Dicomagie. Par ailleurs, les
magiciens ont créé beaucoup de revues spécialisées comme La Revue de la Prestidigitation,
Le Magicien, L’Escamoteur, L’Illusionniste, Arcane, Passez Muscade, La Baguette Magique,
Entre Nous Magiciens, Le Bulletin et Club des Magiciens Bibliophiles…
La magie est un art et son histoire digne d’être étudiée. Le travail d’historien n’est pas
facilité. En effet, l’accès aux informations est difficile car restreint pour les non-initiés… sans
oublier que le secret règne partout sur le monde magique. Par ailleurs, la communication des
résultats de recherche n’est pas évidente puisqu’il faut savoir communiquer sans débiner, tout
en gardant un apport intéressant de données. Nous tenons à souligner l’ampleur considérable
du patrimoine matériel magique, même si nous ne l’avons pas étudié ici. Le patrimoine
immatériel est tout aussi important, et c’est pourquoi la sauvegarde du patrimoine magique est
absolument nécessaire.
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BIBLIOGRAPHIE
PUBLICATIONS
BLAKE, Janet (2001) : « Developing a new standard-setting instrument for the safeguarding
of Intangible Cultural Heritage; Elements for consideration”, Paris, UNESCO
[CLT-2001/W518].
CARTIER-BRESSON, Anne – sous la direction de – (2008) : Le Vocabulaire Technique de
la Photographie, Paris, pp.11-12.
DIF, Max (1986) : Histoire illustrée de la prestidigitation, Paris.
FECHNER Christian (2002) : La magie de Robert-Houdin, Une vie d’artiste, Boulogne.
FRIZOT, Michel (2008) : Nouvelle Histoire de la Photographie, Paris.
HAMMER, Thomas (2004) : Magie & Technik, Office Européen des Brevets (ed), Berlin.
PASSEK, Jean-Loup (2001) : Dictionnaire du cinéma, Paris.
ROBERT-HOUDIN, Jean-Eugène (1858), Une vie d’artiste, Paris.
ROBIN (1864), L’Almanach Illustré le Cagliostro, Histoire des spectres vivants et
impalpables, secrets de la physique amusante, Paris.
ROBIN (1865), L’Almanach Illustré le Cagliostro, Histoire de la science au théâtre,
l’astronomie populaire, les spectres et les secrets de la physique amusante, Paris.
SCOT, Reginald (1584), Discovery of Witchcraft, Londres.
UNESCO: Convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
adoptée le 17 octobre 2003 par l’UNESCO, entrée en vigueur le 20 avril 2006.
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UNESCO : Glossaire du patrimoine culturel immatériel préparé par une réunion
internationale d’experts à l’UNESCO, 10-12 juin 2002, réalisé sous la direction de VAN
ZANTEN, Wim (Université de Leiden) (août 2002), Netherlands National Commission for
UNESCO (ed), La Haye.
REVUES SPECIALISEES DE MAGIE CITEES
Arcane
La Baguette Magique
Le Bulletin et Club des Magiciens Bibliophiles
Entre Nous Magiciens
L’Escamoteur
L’Illusionniste
Le Magicien
Passez Muscade
La Revue de la Prestidigitation
SITES INTERNET CONSULTES
www.apiefrance.com
www.unesco.org
www.artefake.com
www.chop-cup.com
www.dicomagie.fr
www.magie-ffap.com
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