caracterisation et mise en forme de la poudre

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caracterisation et mise en forme de la poudre
2
Chapitre
CARACTERISATION ET MISE EN FORME
DE LA POUDRE
Dans ce chapitre, nous étudions les caractéristiques principales de la poudre et
décrivons les méthodes de caractérisation associées. Ensuite, nous abordons les aspects
fondamentaux de la dispersion des poudres dans les milieux aqueux et les techniques
expérimentales permettant de caractériser cet état de dispersion. Enfin, les mises en
forme par coulage et pressage sont décrites et analysées pour préparer les crus.
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
SOMMAIRE
CARACTERISATION ET MISE EN FORME DE LA POUDRE.............................. 36
I.
POURQUOI LE CHOIX DE LA POUDRE NANOMETRIQUE D’ALUMINE DE TRANSITION
NANOTEK® ? ............................................................................................................... 39
II.
CARACTERISATION DE LA POUDRE..................................................................... 40
II.1.
II.1.1.
II.1.2.
Détermination des caractéristiques physiques............................................ 40
La surface spécifique ...................................................................................... 40
Masses volumiques ......................................................................................... 41
II.2.
II.2.1.
II.2.2.
Morphologie ............................................................................................... 41
Microscope Electronique à Balayage (MEB) ................................................. 41
Microscope Electronique en Transmission (MET)......................................... 42
II.3.
II.3.1.
II.3.2.
Caractérisation de la taille des particules ................................................... 43
Calcul de la taille moyenne des grains à partir de la surface spécifique ........ 43
Distribution des tailles de particules à partir d’images de microscopie à
transmission (MET) ........................................................................................ 44
Granulométrie par corrélation des photons (PCS) .......................................... 44
Comparaison et interprétation des résultats fournis par les différentes
méthodes ......................................................................................................... 47
II.3.3.
II.3.4.
II.4.
Caractérisation cristallographique.............................................................. 48
II.5.
Vieillissement de la poudre ........................................................................ 49
II.6.
Bilan ........................................................................................................... 50
III.
III.1.
OPTIMISATION DES CONDITIONS DE LA DISPERSION DE LA POUDRE................... 51
Choix du milieu stabilisant......................................................................... 51
III.2.
Détermination des paramètres influençant l’état de dispersion ................. 52
III.2.1. Le pH............................................................................................................... 52
a. Mesure du potentiel zêta .............................................................................. 52
b. Calcul de l’énergie d’interaction .................................................................. 54
c. Mesure du comportement rhéologique......................................................... 55
III.2.2. Le taux de matière sèche................................................................................. 58
III.2.3. Prédiction du taux de matière sèche maximum .............................................. 60
III.2.4. Le temps de broyage ....................................................................................... 63
a. Analyse par diffraction et la diffusion de la lumière.................................... 63
b. Analyse par imagerie microscopique (Wet-STEM)..................................... 65
III.2.5. Stabilité de la suspension ................................................................................ 66
37
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
IV.
LES PROCEDES DE MISE EN FORME ..................................................................... 66
IV.1.
Empilement de particules sphériques ......................................................... 66
IV.2.
Coulage en barbotine.................................................................................. 67
IV.3.
Pressage ...................................................................................................... 69
IV.4.
Coulage suivi de pressage isostatique à froid (CIP)................................... 69
38
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
I. Pourquoi le choix de la poudre nanométrique d’alumine de
transition NanoTEK® ?
Parmi les poudres d’alumine commerciales, on remarque que la taille minimale
d’une poudre d’alumine en sa phase stable α est de l’ordre de 150 nm (BMA-15
Baikowski et TM-DAR® ; D50=150 nm). Par contre, les alumines de transition sont
typiquement ultrafines avec une taille inférieure à 100 nm et une grande surface
spécifique.
Dans le cadre de notre étude, une poudre d’alumine de transition de taille
nanométrique (NanoTek®, Nanophase Technologies Corporation, Romeoville IL,
USA) a été sélectionnée car plusieurs études menées sur cette poudre semblaient
prometteuses [LU 2006-a, SHILLING 2002-a, SHILLING 2002-b, TANG 2002,
TANG 2004, FERKEL 1999, VENZ 2003, WU 1996]. Cette poudre a été élaborée par
un procédé physique dit d’ « évaporation- condensation » ou « condensation en gaz
inerte » ou « PVS : Physical Vapor Synthesis », qui a été utilisé par le groupe de H.
Gleiter [GLEITER 1989].
Figure 1 : PVS-Technique de préparation de la poudre nanométrique d'alumine de transition
NanoTEK® (http://www.nanophase.com/technology/capabilities.asp)
Dans cette technique, un précurseur solide (typiquement le métal Al) est
directement sublimé, pulvérisé, sous l’effet d’un plasma d’argon formé par un arc
électrique, donnant des vapeurs homogènes à des températures très élevées. La vapeur
formée est ensuite refroidie par injection de gaz inerte, formant ainsi les premiers
germes. Il est alors possible d’ajouter par exemple de l’oxygène qui produira des
nanopoudres d’oxydes métalliques. Dans ce procédé, la condensation se fait sous flux
39
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
forcé dispersant les germes, ce qui limite le mouvement brownien et la coalescence. La
figure 1 décrit cette technique de préparation.
Les principales caractéristiques de cette poudre, données par le fournisseur
[Nanophase Technologies], sont reportées dans le tableau 1.
Tableau 1 : Caractéristiques de la poudre NanoTEK® données par le fournisseur
NanoTEK® Oxyde d’Alumine
Al2O3, poudre blanche
Pureté
Surface spécifique (BET)
Taille moyenne des particules (calculée
à partir de la surface spécifique)
Masse volumique
Masse volumique apparente (en vrac)
Morphologie
Phase cristallographique
II.
99,95%
35 m2/g
47 nm
3,6 g/cm3
0,26 g/cm3
Sphérique
70 :30 δ :γ
Caractérisation de la poudre
Plusieurs mesures ont été réalisées afin de vérifier les caractéristiques données
par le fournisseur.
II.1. Détermination des caractéristiques physiques
II.1.1. La surface spécifique
La surface spécifique SS d’une poudre correspond à la surface S en (m2)
développée par unité de masse M en (g) ( S S =
S
), la surface de la porosité fermée
M
n’étant cependant pas prise en compte. Plus la surface spécifique d’une poudre est
élevée, plus sa réactivité est importante.
La surface spécifique de la poudre NanoTEK® est déterminée par procédé
d’adsorption en multicouches de gaz selon la théorie de BRUNAUER, EMETT et
TELLER (B.E.T). L’appareil utilisé est un Micromeritics ASAP 2010 M. Les mesures
sont effectuées sous azote après un dégazage de la poudre à 300°C pendant 24h. La
surface spécifique mesurée est de l’ordre de 35 m2/g, confirmant la valeur donnée par
le fournisseur.
40
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
II.1.2. Masses volumiques
La masse volumique absolue de l’alumine a été déterminée en utilisant un
pycnomètre à He de type Micromeritics ACCUPYC 1330. Il permet de mesurer le
volume réel, hors porosité fermée, de la poudre et de remonter ainsi à sa masse
volumique absolue. Ces mesures sont fondées sur la loi de Mariotte (PV = constante, à
température donnée). Avant la mesure, la poudre a été mise à l’étuve à 110°C pendant
quelques jours puis dans un dessiccateur pour éviter les impuretés lors du
refroidissement. La masse volumique absolue obtenue est de l’ordre de 3,49 g/cm3,
valeur inférieure à celle donnée par le fournisseur de 3.6 g/cm3. La valeur obtenue de
3.49 g/cm3 parait plus cohérente avec la répartition des phases δ :γ en proportions
70 :30, qui donne une densité théorique de 3.45 g/cm3 (sachant que les masses
volumiques théoriques de δ et γ sont respectivement de 3.56 et 3.2 g/cm3). Un étuvage
non suffisant de la poudre par le fournisseur peut donc expliquer cette différence de
mesure.
D’autre part, le volume apparent de la poudre est mesuré dans une éprouvette
graduée, avant et après tassement (jusqu’à l’arrêt de la diminution du volume) dans un
appareil spécifique granuloshop-densitap, pour une masse bien définie de la poudre.
Le quotient de la masse de la poudre (en g) sur son volume apparent (en cm3)
représente la masse volumique apparente (en g/cm3). Les masses volumiques en vrac
et tassée sont respectivement de l’ordre de 0.25 g/cm3 et 0.34 g/cm3. La valeur de
masse volumique en vrac est en accord avec les données du fournisseur.
II.2. Morphologie
II.2.1. Microscope Electronique à Balayage (MEB)
L’observation au microscope électronique à balayage (MEB) d’un échantillon
de poudre d’alumine permet de préciser la morphologie de la poudre.
Les observations ont été réalisées sur un microscope à émission de champ JSM7600F de JEOL, offrant une résolution ultime sous vide de 2 nm, au cours de tests
chez le constructeur. L’échantillon a été observé à basse tension (1 KV), sans aucune
métallisation préalable.
Comme le montre la figure 2, la poudre est constituée de particules sphériques,
allant de la dizaine de nanomètres à plus de 100 nm. Cette forme équiaxiale permet
d’éviter une orientation préférentielle des particules dans le compact [SHUI 2002,
TANAKA 2004, TAKAO 2002] et d’avoir un retrait isotrope durant le frittage [SHUI
2002]. Il est à noter que toutes les observations MEB ultérieures présentées dans le
41
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
manuscrit ont été réalisées sur un microscope ESEM-FEG XL30 de FEI, où un dépôt
d’or de 15 nm était nécessaire afin d’évacuer les charges (trop faible résolution à basse
tension).
Figure 2 : Observation au Microscope Electronique à Balayage (MEB) de la poudre NanoTEK®
II.2.2. Microscope Electronique en Transmission (MET)
Pour une analyse précise et quantitative de la morphologie et de la taille des
particules de notre poudre nanométrique, une observation à l’aide d’un microscope
électronique en transmission MET a été réalisée. L’appareil utilisé pour cette
observation est un microscope JEOL 200 CX. L’observation a été effectuée sur la
poudre dispersée et désagglomérée selon le protocole de préparation de la suspension
d’alumine décrit ci après (cf. IV.2). Une goutte de la barbotine a été diluée (<<1%)
dans l’eau permutée puis déposée sur une grille porte-objet et ensuite séchée à l’air
libre.
En accord avec d’autres études utilisant également la poudre NanoTEK® [LU
2006-a, FERKEL 1999], la figure MET (figure 3) montre que la poudre est constituée
de particules sphériques, non poreuses et ne présentant pas de rugosité superficielle
notable. De plus, ces particules sont cristallines.
42
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
Figure 3 : Observation au Microscope Electronique à Transmission (MET) de la poudre NanoTEK®
II.3. Caractérisation de la taille des particules
La détermination de la taille des particules de la poudre NanoTEK® a été
réalisée selon plusieurs méthodes: par calcul à partir de la surface spécifique, par
analyse d’images de microscopie à transmission (MET) et par corrélation des photons
(Photon Correlation Spectroscopy « PCS »).
II.3.1. Calcul de la taille moyenne des grains à partir de la surface
spécifique
Les images MET ayant montré que les particules sont sphériques et sans
rugosité, le rapport de la surface S au volume V des particules sera donné par :
or,
S
3 6
π ⋅r2
=
= =
3
V 4 ⋅π ⋅ r
r d
3
S
M
Ss =
V =
ρ th
M
et
d’où, le diamètre moyen des particules est calculé à partir de la masse
volumique théorique et la surface spécifique à l’aide de la relation suivante :
d BET =
6
× 10 3
ρ th × S s
d BET étant le diamètre moyen des particules en (nm), ρ th la masse volumique
théorique de l’alumine (3.49 g/cm3), et Ss la surface spécifique de la poudre (35 m2/g)
43
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
et le facteur 103 tient en compte des unités. Le diamètre moyen en volume
correspondant calculé à partir de la relation précédente est de 49 nm.
II.3.2. Distribution des tailles de particules à partir d’images
microscopie à transmission (MET)
de
L’examen des photos MET, qui ont été prises, permet de définir des répartitions
de taille des grains fondées sur le nombre ou sur le volume des particules, comme le
montre la figure 4. Pour limiter les erreurs statistiques, 1050 particules ont été
mesurées.
La distribution en nombre de la taille des grains (figure 4-a) montre que la taille
moyenne des particules est de 22 nm. 95% des particules mesurent entre 5 et 60 nm,
4.5% des particules ont une taille comprise entre 60 et 100 nm et 0,5% ont une taille
proche de 150 nm. D’autre part, la répartition granulométrique en volume (figure 4-b)
montre que 90% en volume sont des particules inférieures à 140 nm, les 10% en
volume restant indique la présence des particules au dessus de 140 nm.
II.3.3. Granulométrie par corrélation des photons (PCS)
La spectroscopie à corrélation de photon « PCS » est une méthode de
caractérisation de la granulométrie d’une poudre nanométrique. Cette méthode est
fondée sur le principe de diffusion de la lumière par les particules. Une bonne
dispersion de la poudre est toujours indispensable. La mesure a été effectuée sur une
barbotine bien dispersée et diluée (<<1%), avec un granulomètre PCS type Malvern.
La figure 5 montre les répartitions granulométriques a) en nombre et b) en volume
obtenus à partir de la poudre bien dispersée en suspension à pH 4,5 avec un taux de
matière sèche de 23 vol% (50wt%) et après broyage de 24h (cf. §III).
La répartition granulométrique en nombre (figure 5-a) montre que la taille
moyenne des particules est aux alentours de 25 nm et la plupart des particules sont
entre 16 et 40 nm. 1% seulement en nombre des particules ont un diamètre supérieur à
40nm. D’autre part, la répartition granulométrique en volume (bimodale) (figure 5-b)
met en relief l’importance du petit nombre de grosses particules. On remarque que 1%
en nombre des particules se trouve entre 60 et 250 nm, la plupart sont aux alentours de
130 nm.
44
a)
Pourcentage en nombre (%)
10
100
8
80
6
60
4
40
2
20
0
1
10
100
0
1000
Pourcentage cumulé en nombre (%)
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
10
Pourcentage en volume (%)
b)
100
8
80
6
60
4
40
2
20
0
1
10
100
0
1000
Pourcentage cumulé en volume (%)
Taille (nm)
Taille (nm)
Figure 4 : Répartitions granulométriques déterminées par analyse d’images MET a) en nombre et b)
en volume des particules de l’alumine de transition NanoTEK® dispersée en suspension à pH 4.5
pour un taux de matière sèche de 23 vol% (50 wt%).
45
a)
100
50
80
40
60
30
40
20
20
10
0
0
10
100
Pourcentage en nombre (%)
Pourcentage cumulé en nombre (%)
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
1000
100
b)
25
80
20
60
15
40
10
20
5
0
0
10
100
Pourcentage en volume (%)
Pourcentage cumulé en volume (%)
Taille (nm)
1000
Taille (nm)
Figure 5 : Répartitions granulométriques a) en nombre et b) en volume des particules de l’alumine de
transition NanoTEK® dispersée en suspension à pH 4.5 pour un taux de matière sèche de 23 vol%
(50wt%). La spectroscopie à corrélation de photon « PCS » est employée.
46
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
II.3.4. Comparaison et interprétation des résultats fournis par les
différentes méthodes
A partir des distributions granulométriques, trois diamètres caractéristiques de
chaque distribution sont déterminés, (D50, D10 et D90) pour les distributions en nombre
et (Dv50, Dv10 et Dv90) pour les distributions en volume. D50 est le diamètre pour lequel
50% des grains en nombre sont plus petits, il représente la taille moyenne des grains.
D10 et D90 sont définis de la même façon et caractérisent la taille des fractions
respectivement les plus fines et les plus grossières.
Ces diamètres nous permettent de calculer le facteur d’agglomération (Fag). Ce
facteur, représentant la taille des agglomérats par rapport à la taille des particules
élémentaires, tend vers 1 pour les poudres bien dispersées et ne représentant pas
d’agglomération. Il est souvent calculé par rapport à la taille obtenue à partir de la
surface spécifique, d BET, suivant la relation suivante
F
ag
=
D
d
V 50
BET
Cependant, la détermination de la taille élémentaire des particules par la
méthode BET semble être indirecte. Ayant déterminé la taille moyenne des particules
auprès des observations MET où les mesures sont effectuées dans des conditions
optimales de dispersion des particules, il nous parait également judicieux de
déterminer le Fag à partir de cette valeur suivant l’équation suivante
F
ag
=
D
V 50
D
V 50
( MET )
De plus, la largeur de la distribution donnée par le span ou encore par l’écart
type σ de la distribution peut être déterminée aussi à partir de ces caractéristiques. Le
span est défini comme étant le rapport de l’intervalle de diamètre entre le Dv10 et Dv90
sur le Dv50.
Le tableau 2, ci-dessous, regroupe les différentes caractéristiques
granulométriques mesurées par corrélation des photons (PCS), par analyse d’images
microscopiques (MET) et par calcul à partir de la surface spécifique.
47
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
Tableau 2 : Caractéristiques granulométriques de NanoTEK® suivant trois méthodes différentes corrélation des photons (PCS), analyse d’images microscopiques (TEM) et calcul à partir de la surface
spécifique.
Paramètres
D10 (nm)
D50 (nm)
D90 (nm)
Dv10 (nm)
Dv50 (nm)
Dv90 (nm)
Fag
Dv50 / d BET
Fag
Dv50 / DV50(MET)
Span
(DV90-DV10)/DV50
d BET
NanoTEK®
PCS
Analyse d’images (MET)
17
10
22
22
29
50
19
29
80
62
146
140
1.63
1.27
1.29
….
1.59
1.79
B.E.T
49 nm
En comparant les observations, on peut conclure que les résultats sont cohérents
avec la présence de quelques différences, la méthode PCS ayant montré notamment
une distribution bimodale. Ces différences peuvent être attribuées à la présence
d’agglomérats ou provenir de la méthode de leur énumération. Les nanoparticules
céramiques NanoTEK® produites par synthèse en phase vapeur (PVS) montrent
relativement des agglomérats faibles.
II.4. Caractérisation cristallographique
A notre connaissance, les nanopoudres d’alumine se présentent toujours sous
une forme thermodynamiquement métastable, c.à.d. différente de l’α-Al2O3. La
structure cristallographique de la poudre a été étudiée à l’aide d’un diffractomètre
standard (Rigaku), équipé d’un tube à anticathode de cuivre (raie CuKα ;
λKα=1.5418Å) et d’un monochromateur en graphite. Les diagrammes de diffraction ont
été réalisés dans la gamme 2 θ de 12 à 72° avec une vitesse de balayage de 2°/mn et un
incrément d’angle de 0.02°.
Le diffractogramme de rayons X (figure 6) montre que les phases cristallines de
la poudre initiale sont un mélange des phases de δ et γ. Les proportions ont été
évaluées semi quantitativement à partir du diffractogramme et du programme
48
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
Diffracplus Bruker AXS et sont δ~70 wt.% et γ~ 30 wt.%, confirmant les données du
fournisseur (tableau 1).
δ
500
Intensité (cps)
400
γ
300
δ
200
γ δ
γ δ
100
δ
δ
δ
δ δ δ
δ
δ δ
δ
γδ
0
15
20
25
30
35
40
45
50
55
60
65
70
2θ
Figure 6 : Phases cristallographiques de la poudre nanométrique d'alumine de transition, NanoTEK®
II.5. Vieillissement de la poudre
Les poudres utilisées sont fournies sous forme de poudres sèches. Une
modification des propriétés initiales de la poudre au cours du temps (vieillissement) a
été remarquée. Afin de caractériser l’effet du vieillissement au contact de l’air, une
comparaison a été effectuée entre un lot ouvert et exposé à l’air depuis plusieurs mois
(lot 1) et un lot caractérisé directement après ouverture (lot 2).
La comparaison des distributions granulométriques de ces deux lots (figure 7)
est déterminée sur un granulomètre à diffraction laser, Malvern Mastersizer 2000, dont
le principe est fondé sur le phénomène de diffraction d’une onde électromagnétique
par le contour de particules en suspension. Cette technique est bien appropriée pour
des particules dont la taille moyenne est comprise entre 70nm et 1mm.
La comparaison de ces distributions (figure 7) montre une différence due à
l’agglomération des particules primaires. La cohésion des agglomérats provient de
l’établissement de liaisons plus ou moins fortes entre les particules primaires pendant
le stockage. Au début de notre étude, cet effet de vieillissement a été sous estimé, mais
par la suite, il a été montré que le temps de broyage de la suspension durant la
49
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
dispersion dépendait de l’état de vieillissement de la poudre. Suite à cette constatation,
on a été amené à travailler sur deux lots, le premier lot étant vieilli (étude de chapitre
3) et un deuxième lot de poudre très récent a été utilisé (étude chapitre 4).
25
Pourcentage volumique (%)
lot 2
20
15
10
lot 1
5
0
0,01
0,1
1
10
100
1000
Taille (µm)
Figure 7 : Répartition granulométrique de la poudre d’alumine de transition (Al2O3) dispersée à pH 4.5
mais non broyée de deux lots différents : lot 1 représente une poudre vieillie tandis que lot 2
représente une poudre neuve.
Pour limiter le vieillissement et conserver au mieux les propriétés de la poudre
fournie, il était nécessaire de prendre en considération le protocole de conservation
(séparer le lot initial, sous atmosphère inerte (boite à gants) en plusieurs lots de plus
faible quantité) et de manipulation (travailler sous atmosphère inerte après l’ouverture
du lot) de la poudre.
II.6. Bilan
Les différentes caractérisations physiques effectuées sur la poudre confirment
bien les données du fournisseur reportées dans le tableau 1, à l’exception de la masse
volumique théorique dont la mesure a donné une valeur différente de celle donnée par
le fournisseur.
La poudre NanoTEK® sélectionnée répond bien aux exigences d’une poudre
utilisée dans la fabrication de pièces céramiques nano-structurées, étant d’une pureté
chimique élevée, formée par des particules isométriques, et étant caractérisée par une
distribution de taille de particules fines. Cependant, un vieillissement de la poudre a
50
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
été observé avec la formation d’agglomérats. D’où la nécessité de bien conserver la
poudre et de réussir à casser les agglomérats qui pourraient être formés.
III. Optimisation des conditions de la dispersion de la poudre
Lors de la dispersion d’une poudre très fine, il y a création d’une interface
liquide-solide extrêmement étendue et formation d’un système présentant un fort excès
d’énergie libre, donc thermodynamiquement instable. Ce système tend, à priori, à
évoluer vers un état plus stable de sorte que la floculation doit inévitablement se
manifester en augmentant la viscosité de la suspension [TARI 1998].
Le processus de la dispersion de la poudre dans un liquide peut se décomposer
en opérations élémentaires, qui sont en pratique intimement liées : la répartition et la
stabilisation de la barbotine, la rupture mécanique des agglomérats ou des agrégats.
III.1.
Choix du milieu stabilisant
Deux types de mécanismes permettent d’éviter la floculation de la poudre et de
stabiliser la suspension:
-Stabilisation électrostatique (ou stabilisation par des charges): cet effet utilise
de façon naturelle les interactions entre particules grâce à la distribution des espèces
chargées (ions) dans la solution. La stabilisation ou la floculation du système est
contrôlée par la concentration en ions [SHIN 2006, HORN 1990, THEODOOR 1982].
-Stabilisation stérique : cela implique des polymères, tensio actifs non ioniques
ou protéines [TADROS 1996, BELL 2005, SCHILLING 2002-a, SCHILLING 2002b] ajoutés à la suspension et qui s’adsorbent sur la surface de la particule pour causer
la répulsion par encombrement de l’espace inter particulaire.
Une combinaison des deux types de mécanismes est possible, par stabilisation
électro-stérique avec la présence des deux agents stérique et électrostatique
[BOUHAMED 2006, SONG 2006, HIDBER 1995, PALMQVIST 2006, WANG
2005-a].
Dans le cadre de notre étude, la stabilisation électrostatique, qui est un procédé
réversible et bon marché, a été préférée car elle s’était révélée satisfaisante dans une
étude précédente [GUTKNECHT 2006].
51
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
III.2.
Détermination des paramètres influençant l’état de dispersion
III.2.1. Le pH
a. Mesure du potentiel zêta
Des mesures de potentiel zêta, qui représente une valeur relative de la charge
des particules en fonction du pH de la suspension, ont été réalisées. Ils sont un bon
indicateur des interactions entre particules et donc de la stabilité colloïdale. Plus le
potentiel zêta est grand, plus il y a répulsion électrostatique entre les particules.
Deux techniques de mesures ont été utilisées :
- La technique d’électrophorèse réalisée au laboratoire « AGH – University of
Science and Technology, faculty of Materials science and ceramics - Poland ».
L’appareil utilisé est un Zetasizer Nano-ZS (Malvern). Les mesures sont effectuées sur
plusieurs échantillons à différents pH. Cette technique mesure, par des moyens
optiques, la vitesse à laquelle les particules se déplacent sous l’action d’un champ
électrique. Pour cela, les milieux doivent être suffisamment dilués (<<1% en masse)
pour permettre le passage de la lumière. Cette technique, la plus utilisée dans la
littérature, nous permettra de déterminer le potentiel zêta et le comparer aux valeurs
données par la littérature. Par contre, les résultats sont alors difficilement extrapolables
à l’élaboration des céramiques, qui nécessite l’emploie des suspensions à fort taux de
matière sèche.
- La technique d'acoustophorèse réalisée au centre « SPIN » de l’Ecole des
Mines de St Etienne. L’appareil utilisé est un acoustosizer II, de Colloidal Dynamics.
Les mesures sont effectuées sur une suspension d’alumine à pH 2.5, avec un taux de
matière sèche de 25 wt%. Le pH de la suspension a été augmenté automatiquement par
ajout d’une solution d’ammoniaque (1M) permettant d’obtenir la courbe potentiel
zêta/pH. Cette technique, au contraire de l’électrophorèse, permet de mesurer le
potentiel zêta dans des systèmes opaques, à plus fort taux de matière sèche, car elle
mesure la vitesse des particules en recueillant des sons plutôt que de la lumière. Pour
l’élaboration des céramiques, qui nécessite l’utilisation de taux de matière sèche
élevés, les résultats donnés par la méthode d’acoustophorèse sont plus extrapolables.
La figure 8 présente la variation de potentiel zêta en fonction de pH, déterminée
par les deux techniques de mesure. Comme le montre la figure 8, le point isoélectrique
« IEP » se trouve vers un pH de 8.5 d’après les mesures par méthode acoustophorèse,
tandis qu’il se situe vers 9 par la méthode électrophorèse. Cette différence de valeur
très faible peut être due à l’utilisation d’un autre système de mesure de la charge des
52
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
particules dans des suspensions beaucoup moins diluées. La valeur donnée par la
mesure électrophorèse est proche de celles mesurées par Tang [TANG 2002] et Chen
[CHEN 1998] qui sont de l’ordre de 9.6 et 9.3 respectivement, sur la même poudre
NanoTEK® et utilisant la même méthode de mesure. D’autre part, une étude faite par
Kosmulski [KOSMULSKI 2002, KOSMULSKI 2004, KOSMULSKI 2006],
regroupant les différentes valeurs de point isoélectrique pour différents matériaux,
montre que l’IEP de l’alumine se trouve, en général, dans un intervalle de pH de 8-10.
La présence d’autres composés dans la suspension, tels que les polymères dans les
stabilisations électrostériques déplace le point isoélectrique vers des valeurs de pH
plus basses [SINGH 2005 ; PENARD 2005] favorisant la dispersion de l’alumine aux
pH basiques.
Potentiel zêta (mV)
80
Acoustophorèse
Electrophorèse
60
40
20
0
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
-20
pH
Figure 8 : Potentiel zêta de l'alumine déterminé par deux méthodes, acoustophorèse et
électrophorèse, pour différents pH
Selon la théorie de Derjaguin, Landau, Verwey et Overbeek (théorie de DLVO),
la suspension des particules colloïdales dans un liquide polarisé est plus stable pour
des valeurs de pH plus élevées ou plus faibles que le pH correspondant au point IEP où
les particules s’agglomèrent. Plus la différence entre le pH de la suspension et celui de
l’IEP est grande, plus les potentiels zêta sont élevés afin de stabiliser le système.
D’autre part, l’énergie cinétique des particules colloïdales due aux mouvements
browniens est de l’ordre de 3/2 kT. À 20°C, une barrière de répulsion correspondant au
53
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
potentiel zêta de 25 mV environ est appropriée pour minimiser la coagulation et avoir
une suspension bien stabilisée [GREENWOOD 2000]. Dans la figure 8, on remarque
qu’à pH acide les forces électrostatiques de l’alumine sont positives et d’une valeur
très haute (60 mV par la méthode acoustophorèse) favorisant la répulsion des
particules et permettant, ainsi, d’avoir une très bonne stabilité des suspensions.
b. Calcul de l’énergie d’interaction
Le programme « Hamaker » a été développé dans le cadre du projet européen
IP-NANOKER par le laboratoire LTP (Powder Technology Laboratory) de l’EPFL
(Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne) [ltp.epfl.ch]. Ce logiciel permet de
calculer les potentiels d’interaction entre les particules, tout en tenant compte des
forces stériques et électrostatiques de dispersion. De plus, il donne une estimation de la
barrière d’énergie nécessaire à franchir afin de déterminer un temps de stabilité.
Pour que la suspension soit stable, il faut que les forces de répulsion
coulombienne soient supérieures aux forces d’attraction de Van Der Waals qui
s‘exercent entre deux particules voisines. Le maximum de l’énergie potentielle
résultante de ces deux forces constitue la barrière énergétique s’opposant à la rencontre
entre les particules et donne la distance de stabilité entre les deux particules.
L’utilisation de ce logiciel nous a permis de prédire l’évolution des potentiels
d’interactions (KBT) de la suspension à un TMS de 23 vol% (50 wt%) en variant le
pH du milieu (figure 9). Pour conserver la stabilité de cette suspension pendant 2 h au
moins, l’énergie d’interaction entre particules doit être supérieure à 25 KBT. Une
barrière d’énergie de 28 KBT permet de garder cette même suspension pendant 48
heures.
54
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
Energie d'interaction (kBT)
40
2
4
5
6
30
20
7
10
8,5-9
8-10
0
-10
pH
-20
-4
-2
0
2
4
6
8
10
12
14
Distance (nm)
Figure 9 : Evolution de l’énergie d’interaction en fonction de la distance entre les particules pour les
suspensions préparées à différents pH.
La figure 9 montre comment diminue le maximum d’énergie potentielle en
fonction du pH de la suspension. De plus, au dessus de pH 5, nos courbes se situent en
dessous de la barrière de stabilité même si les valeurs de potentiel zêta de la figure 8
sont élevées entre pH 5 et 7. La mesure du potentiel zêta ne donne qu’une mesure de
charge de particules, et une valeur limite (par exemple 25 mV, souvent citée dans la
littérature) ne saurait être utilisée sans tenir compte de l’effet de taille des particules.
c. Mesure du comportement rhéologique
La théorie DLVO seule ne suffit pas à prédire complètement le comportement
rhéologique d’une suspension concentrée. En conséquence, nous avons analysé
finement le comportement de la suspension pour les pH acides. L’appareil utilisé est
un viscosimètre à cylindres coaxiaux (Haake VT-501). Le cycle de mesures adopté est
le suivant :
rampe de montée en cisaillement de 0 à 1500 s-1, en 2 minutes
1 minute de mesure à 1500 s-1
descente de 1500 à 0 s-1 en 2 minutes
55
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
Les suspensions aqueuses à différents pH ont été préparées au même taux de
matière sèche de 23 vol% (50 wt%) et broyées pendant 24h afin d’avoir une
suspension bien dispersée. Le pH a été suivi tout au long du broyage et ajusté le cas
échéant pour stabiliser la suspension exactement à la valeur de pH souhaitée. A noter
que le pH 5.7 correspond au pH naturel de la poudre d’alumine.
Le comportement rhéologique à différents pH est déterminé en mesurant
l’évolution de la viscosité apparente (η en mPa.s) en fonction de la vitesse de
cisaillement (vc en s-1) appliquée à la suspension. La viscosité apparente (η)
représente, à une vitesse donnée, le rapport τ / vc.
La figure 10 montre la variation de la viscosité apparente des suspensions
d’alumine à 23 vol% (50wt%) de TMS, élaborées à différents pH acide.
Viscosité (mPa.s)
100
pH 5.7
10
pH 4.7
pH 4.3
pH 3.8
0
200
400
600
800
1000 1200 1400 1600 1800
-1
Vitesse de cisaillement (s )
Figure 10 : Evolution de la viscosité des suspensions d'alumine, à TMS 23 vol% (50wt%), élaborées à
différents pH, en fonction de la vitesse de cisaillement
Sur la figure 10, on constate que le comportement rhéologique des suspensions
à pH acide 3.8 jusqu’à 4.7 est quasi newtonien, la viscosité restant quasi constante
(différence de quelques mPa.s) avec l’augmentation du cisaillement. Ces viscosités
sont très faibles, constamment inférieure à 20 mPa.s. Par contre, pour la suspension
préparée à pH naturel 5.7, la viscosité est 8 fois plus importante. De plus, la
suspension commence à avoir un comportement rhéofluidifiant, la viscosité diminuant
56
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
lorsqu’on augmente la vitesse de cisaillement. Ce comportement indique que les
suspensions sont constituées au repos de particules agglomérées donnant une viscosité
élevée car ayant une forte résistance à l’écoulement. Soumis à une contrainte,
l’écoulement s’accélère, les particules subissent une désagglomération et opposent
ainsi une résistance plus faible diminuant ainsi la viscosité.
Pour le coulage en barbotine, il est intéressant de suivre l’évolution de la
contrainte seuil (qui révèle le niveau de contrainte à appliquer pour que la barbotine
s’écoule) et de la viscosité à 1 s-1 (qui correspond au gradient de cisaillement des
barbotines en coulage). Notre dispositif ne permettant pas d’être précis à ce seuil de 1
s-1, nous nous placerons donc à une viscosité de 100 s-1. En revanche, on peut
appliquer le modèle de Casson pour déterminer les caractéristiques (viscosité
apparente à l’infini n∞ et contrainte seuil τy) du comportement rhéologique de la
suspension selon,
τ
0 .5
= τ Y0 . 5 + η ∞0 . 5 . γ
0 .5
Parmi ces deux facteurs, c’est la contrainte seuil τy qui nous intéresse pour le
coulage en barbotine.
La figure 11 montre l’évolution des caractéristiques mesurées, viscosité
apparente à 100 s-1 et contrainte seuil (τy) de différentes suspensions de 50 wt% en
fonction du pH. Les viscosités apparentes sont faibles (de l’ordre de 4.5-8 mPa.s) pour
les suspensions dont le pH est inférieur à 5, ce qui n’est pas le cas pour la suspension
préparée à pH naturel et possédant une viscosité de 112 mPa.s. De plus, on remarque
que la contrainte seuil est plus faible aux pH acides (<0.5 Pa). A pH naturel, la
suspension présente une contrainte seuil plus élevée (6.5 Pa). τy est un bon indicateur
de la floculation des barbotines : les suspensions à pH acides (parfaitement dispersées)
possèdent une contrainte d'écoulement quasi nulle (<0,5 Pa) tandis que la barbotine à
pH naturel 5.7 floculée possède une plus forte contrainte seuil (6.5 Pa).
57
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
10
9
Viscosité
100
Contrainte seuil
7
80
-1
Contrainte seuil (Pa)
8
Viscosité à 100 s (mPa.s)
120
6
5
60
4
40
3
2
20
1
0
3,5
4,0
4,5
5,0
5,5
0
6,0
pH
Figure 11 : Evolution de la contrainte seuil et de la viscosité apparente en fonction du pH des
suspensions à un TMS de 23 vol% (50 wt%)
Ces mesures sont comparables aux valeurs données par le calcul d’énergie
d’interaction, où il existe un seuil de pH à partir duquel le système est instable. Un pH
inférieur à 5 est un bon milieu de dispersion pour la poudre d’alumine.
III.2.2. Le taux de matière sèche
Un taux de matière sèche élevé doit être obtenu afin d’éviter des sédimentations
différentielles durant le coulage, de diminuer le retrait des échantillons durant le
séchage et d’obtenir une masse volumique à cru élevée. Cependant, toute
augmentation du taux de matière sèche peut conduire à une modification des propriétés
rhéologiques de la suspension.
Des suspensions aqueuses avec des taux de matière sèche de 16 vol% (40 wt%),
23 vol% (50 wt%), 30 vol% (60 wt%) et 40 vol% (69 wt%) ont été préparées. Avant
chaque mesure, les suspensions ont été ajustées à un pH de 4.5 et broyées pendant 24h
afin d’obtenir des suspensions stables nous permettant d’étudier l’influence exacte du
taux de matière sèche sur le comportement rhéologique. La mesure effectuée sur la
suspension de 40 vol% (69 wt%) est limitée à une vitesse de cisaillement de 400 s-1,
58
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
puisqu’au-delà de ce gradient de vitesse, on atteint la limite d’utilisation du dispositif
de mesure.
La figure 12 montre l’évolution de la viscosité en fonction de la vitesse de
cisaillement pour les suspensions de 16 vol% (40 wt%) à 40 vol% (69 wt%). Cette
figure montre que le taux de matière sèche a une influence directe sur la viscosité :
plus le taux de matière sèche est élevé, plus la viscosité est importante. En fait, avec
l’augmentation du taux de matière sèche, la distance entre les particules diminue,
donnant une augmentation des interactions et de la résistance à l’écoulement. Le
comportement rhéologique de la suspension est quasi newtonien pour les suspensions
à TMS de 16 vol% (40 wt%) et 23 vol% (50 wt%), et devient de plus en plus
rhéofluidifiant pour les taux de matière sèche plus élevés, 30 vol% (60 wt%) et 40
vol% (69 wt%). Cette augmentation de la viscosité est due aux forces d'attraction de
Van Der Waals créées entre les particules en formant des flocs. Le comportement
rhéofluidifiant s'explique par le fait que cette structure de flocs peut être détruite
lorsque les contraintes de cisaillement sont suffisamment fortes.
Viscosité (mPa.s)
1000
40 vol%
100
30 vol%
10
23 vol%
16 vol%
1
0
200
400
600
800
1000 1200 1400 1600 1800
Vitesse de cisaillement (s-1)
Figure 12 : Evolution de la viscosité en fonction de la vitesse de cisaillement pour différents TMS des
suspensions à pH 4.5
59
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
L’évolution de la contrainte seuil (déterminée par l’application de la loi de
casson) et la viscosité à 100s-1 à différents taux de matière sèche sont représentés en
figure 13. Ces deux paramètres varient avec l’augmentation du TMS. La viscosité
apparente à 100 s-1 augmente d’une valeur inférieure à 0.5 jusqu’à 180 mPa.s et la
contrainte seuil augmente de 0.05 Pa à 3.5 Pa.
200
3,5
160
Viscosité
Contrainte seuil
2,5
140
120
2,0
100
1,5
80
1,0
60
40
0,5
20
0,0
-1
contrainte seuil (Pa)
3,0
Viscosité à 100 s (mPa.s)
180
0
15
20
25
30
35
40
Taux de matière sèche (vol%)
Figure 13 : Evolution de la contrainte seuil et de la viscosité apparente à 100 s-1 en fonction de TMS
des suspensions à un pH constant de 4.5
III.2.3. Prédiction du taux de matière sèche maximum
Le modèle Krieger – Dougherty (modèle mathématique) [KRIEGER 1959] a
été appliqué afin de corréler l’évolution de la viscosité apparente en fonction du taux
de matière sèche en volume en appliquant l’équation suivante :
η
⎛ φ ⎞
⎟
⎜
= η ⎜1 −
⎟
s
⎜ φm ⎟
⎠
⎝
−n
ηs est la viscosité du milieu dispersant, φ est la fraction volumique des
particules, φm est la valeur maximale du taux de matière sèche exprimé en volume et n
est de 2.5 pour les particules sphériques (cas de la poudre NanoTEK). La figure 14
60
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
représente la corrélation entre modèle et expérience de l’évolution de la viscosité
apparente en fonction du taux de matière sèche pour le cas de la viscosité à l’infini.
Viscosité apparente (mPa.s)
100000
Points expérimentaux
Simulation
10000
1000
100
10
1
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
55
Taux de matière sèche en volume (%)
Figure 14 : Variation de la viscosité apparente à l’infini en fonction du taux de matière sèche en
volume – application du modèle Krieger Dougherty
La plupart des équations décrivant le comportement d’empilement-viscosité suit
la forme suivante :
⎛η
1 − ⎜⎜
⎝ηs
⎞
⎟⎟
⎠
−1
n
= a ∗φ + b
Avec a et b constantes.
Supposant que les suspensions des nanoparticules d’Al2O3 suivent le modèle de
krieger Dougherty, la viscosité de la suspension à différents taux de matière sèche peut
être utilisée pour extrapoler le taux de matière sèche maximale théorique, pour
différentes vitesses de cisaillement (figure 15).
Dans les conditions de dispersion adoptées dans notre étude, c.à.d. stabilisation
électrostatique à pH=4.5, le taux de matière sèche maximal prédit en se basant sur la
viscosité apparente à l’infini est de l’ordre de 49 vol%. Cette valeur diminue avec la
vitesse de cisaillement, 46 vol% pour 200 s-1 et 45 vol% pour 100 s-1. En particulier, à
61
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
une vitesse de cisaillement de 1 s-1 correspondant à la viscosité de la suspension pour
le coulage en barbotine, le taux de matière sèche à prédire sera inférieur à 45 vol%.
1,0
-1
Viscosité à 100 s
-1
Viscosité à 200 s
Viscosité à l'infini
0,8
1 - (η/ηs)−1/n
0,6
0,4
0,2
0,0
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
55
Taux de matière sèche (φ , vol%)
Figure 15 : Prédiction du taux de matière sèche maximale pour les suspensions de nanoparticules
d’Al2O3 dispersées à pH 4.5 pour différentes vitesses de cisaillement
D’autre part, Lu et al. [LU 2006-a, LU 2006-b] ont étudié la rhéologie de la
même poudre NanoTEK utilisée dans notre étude. Ils ont prédit un taux de matière
sèche maximum de 50.7 vol% correspondant à une vitesse de cisaillement à 100 s-1.
Cette valeur est obtenue pour des conditions de dispersion électrostérique avec un
acide polyacrylique « PAA » à 2 wt% de l’Al2O3 et à pH 9. Pour la même vitesse de
cisaillement 100 s-1, le TMS maximum prédit en dispersion électrostérique (50.7%) est
supérieure que celui calculé dans notre étude (45 vol%). En effet, pour des taux en
matière sèche élevés, la dispersion électrostatique semble être insuffisante. Les
particules sont de plus en plus proches entraînant une floculation, car les forces de Van
der Waals deviennent prédominantes.
Pour pouvoir être utilisée dans l’élaboration des crus, la barbotine doit être
coulable, c'est-à-dire qu’elle doit avoir une viscosité inférieure à environ 60 mPa.s et
une contrainte seuil faible. Si la viscosité à faible vitesse de cisaillement
(correspondant au repos lors de séchage) est élevée, la suspension peut se déstabiliser
62
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
en début de prise et floculer. Ceci entraine alors une vitesse de sédimentation
différente entre le bas et le haut de la pièce. Ceci a été observé dans le cas de la
barbotine présentant un TMS de 30 vol% (60 wt%) et se traduit inévitablement par une
fissuration du cru en deux parties. Pour cette raison, la dispersion à pH acide à un TMS
de 23 vol%(50 wt%) semble un bon compromis entre une bonne dispersion et un
comportement rhéologique compatible avec une mise en forme par coulage.
III.2.4. Le temps de broyage
Etant nanométrique, notre poudre avait une forte tendance à l’agglomération,
d’où la nécessité de la broyer pour casser les agglomérats. Les suspensions sont
homogénéisées dans un broyeur à boulets (tourne-jarres) faiblement énergétique. Il
possède deux rouleaux entraîneurs de diamètre de 4cm (Parvalux France) sur laquelle
une jarre, contenant la poudre à disperser, tourne horizontalement autour de son axe
pendant plusieurs heures à une vitesse contrôlée. Pour cette étude, des médias de
broyage en alumine (mélange de billes de 1 et 2 mm) ont été choisis. Le rapport entre
la masse de bille et la masse de poudre est pris constant et égal à 10 pour les
suspensions dont le TMS est de 23 vol% (50 wt%).
Le temps de broyage dépend de l’état initial d’agglomération, qui dépend du
temps de vieillissement de la poudre (cf. II-5). La détermination du temps optimum de
désagglomération est nécessaire pour chaque lot de poudre. Pour ce faire, des
prélèvements de barbotine ont été effectués régulièrement pour connaître l’évolution
des distributions granulométriques des nanoparticules en fonction du temps de
désagglomération. Un suivi de la granulométrie a été effectué par deux méthodes :
« granulométrie par diffraction et diffusion de la lumière » et « wet-STEM ».
a. Analyse par diffraction et la diffusion de la lumière
D’après la figure 16, qui représente l’évolution de la distribution
granulométrique en volume des particules dispersées avant et après broyage d’une
poudre vieilli, il est visible que les particules mises en suspension à pH acide sans
broyage (t=0) sont agglomérées. Ces agglomérats mesurent jusqu’à 40 µm. Après 7h
de broyage, la distribution granulométrique obtenue traduit une dispersion incomplète
des nanopoudres dans la mesure où le pic nanométrique est déjà relativement élevé
mais que des agglomérats (en nombre assez faible) persistent toujours dans la
suspension. Cette suspension a nécessité 24 h de broyage afin d’avoir une distribution
granulométrique optimale centrée sur 150 nm.
63
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
25
Pourcentage volumique (%)
t=24h
20
15
10
t=0h
t=7h
5
0
0,01
0,1
1
10
100
1000
Taille (µm)
Figure 16 : Répartition granulométrique des suspensions d’alumines dispersées à pH 4.5 et TMS 23
vol% (50 wt%) pour différents temps t de broyage : t=0h (sans broyage), t=7h et t=24h. Mesures
effectuées sur granulomètre laser.
Vu la taille initiale des particules d’alumine de 47 nm, les mesures par
granulomètrie laser, limitées à une taille minimale moyenne de détection centrée sur
70 nm, ont été insuffisantes pour la détection des petites particules ainsi que pour la
confirmation de la bonne dispersion.
Une mesure fondée sur la technique de spectroscopie de corrélation de photons
(PCS) s’est avérée nécessaire car elle permet de mesurer la taille des particules jusqu’à
10nm. La figure (5-b) montre la distribution granulométrique mesurée par PCS de la
suspension dispersée à pH 4.5 et broyée pendant 24 h. Cette distribution
granulométrique est bimodale : on retrouve le pic vers 150 nm de la distribution
observée au granulomètre laser, et un autre pic vers 27 nm représentant les fines
particules. Cette distribution a permis de retrouver la taille des particules élémentaires,
observée par microscopie électronique à transmission (cf. II.3.2). Une telle courbe
bimodale a été obtenue de façon reproductible lorsque les conditions de dispersion
étaient optimales.
64
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
b. Analyse par imagerie microscopique (Wet-STEM)
D’autre part, un mode d’imagerie récent appelé wet-STEM (wet- Spectroscopy
Transmission Electron Microscopy) et développé au groupe MATEIS s’est avéré
intéressant pour évaluer l’état de dispersion de nos suspensions. Il combine les atouts
de l’ESEM (Environnemental Scanning Electron Microscopy) en mode hydraté et
ceux du mode STEM en MEB et est particulièrement pertinent pour la caractérisation
de nano-objets en suspension dans un liquide.
Le montage est réalisé dans un microscope électronique de type ESEM FEG XL
30 de FEI. Une grille de carbone à trous permet de maintenir une goutte de
l’échantillon. Son état liquide est assuré grâce au contrôle de la température par une
platine Peltier et de la pression de vapeur d’eau dans la chambre. Le détecteur
habituellement utilisé pour collecter les électrons rétrodiffusés est placé sous l’objet de
sorte à détecter les électrons après leur chemin à travers l’échantillon [BOGNER
2005].
Deux suspensions d’alumines dispersées à pH 4.5 ont été examinées (figure 17).
Ils correspondent à des suspensions sans ou avec broyage de 24h d’une poudre vieilli.
Une petite quantité de barbotine bien diluée (<<1% en masse) contenant des particules
d’alumine en suspension est déposée sur la grille à l’aide d’une micropipette pour
l’observation.
Figure 17: Images wet -STEM des particules d'alumine nanométriques dispersées dans des
suspensions à pH 4.5 avec TMS de 23 vol% (50 wt%) sans broyage (à gauche) et avec broyage de
24h (à droite)
65
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
On remarque bien que les particules sans broyage forment de larges
agglomérats (figure 17 à gauche), tandis qu’après broyage de 24 h, on retrouve de
fines particules bien dispersées, ou formant éventuellement des chaines de quelques
particules (figure 17 à droite).
III.2.5. Stabilité de la suspension
La stabilité de la suspension (préparée à TMS de 23 vol% et à pH 4.5) et à a été
recherchée, c’est un paramètre important pour éviter la ségrégation des particules
causant une distribution hétérogène. Après un repos de quelques jours, la viscosité et
la granulométrie de la suspension ont été mesurées et comparées à celles de la
suspension à t=0 de repos (juste après le broyage de 24h). Ces mesures ont montré
qu’il n’y avait pas modification de la granulométrie et de la rhéologie de la suspension,
ce qui traduit une bonne stabilité de la suspension.
IV. Les procédés de mise en forme
La mise en forme est un point central dans la fabrication des céramiques.
Souvent, les matériaux sont produits par frittage des crus élaborés par des méthodes
conventionnelles de pressage à sec [FREY 1984]. Cependant, une variété de
techniques de mise en forme après mise en suspension de la poudre initiale peuvent
être appliquées tels que le coulage en bande (tape casting), ou en barbotine (slip
casting), ou encore le pressage par filtration (filter pressing), [TEMOCHE 2005,
GARRIDO 2001, ZYCH 2007, OLHERO 2009, MORI 2006].
Deux méthodes de mise en forme, i) le pressage (d’une poudre sèche) et ii) le
coulage en barbotine (mise en forme d’une dispersion) ont été étudiées.
IV.1.
Empilement de particules sphériques
La distribution granulométrique de la poudre nanométrique NanoTEK®, tracée
après analyse d’images MET (voir figure 4), suit la loi Log-normale avec un diamètre
moyen des particules «D50 » de 22 nm et un écart type géométrique absolu de 0,5.
Nolan et al. [NOLAN 1993, NOLAN 1994] ont développé un algorithme informatique
permettant de simuler l’empilement des particules dont la distribution en taille obéit à
la distribution Log-normale avec des écarts types absolus entre 0 et 0.84. D’après cette
étude, la compacité maximale atteignable avec des grains de NanoTEK® est estimée à
71% de masse volumique.
66
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
IV.2.
Coulage en barbotine
Pour garantir une microstructure homogène du cru obtenu par coulage de la
suspension, certaines conditions sont indispensables, telle la préparation d’une
barbotine exempte d’agglomérats ou d’agrégats. Celle-ci doit posséder une stabilité
colloïdale suffisante empêchant la ré-agglomération des particules et un comportement
rhéologique proche du newtonien. Par des mesures rhéologiques et granulométriques
de la suspension sous différentes conditions de dispersion, les paramètres de
stabilisation de la poudre nanométrique d’alumine ont été déterminés (cf. § III). La
meilleure méthode de mise en suspension consiste à disperser l’alumine dans un milieu
acide à pH 4.5 avec un TMS de 23 vol% (50 wt%), puis à casser les agglomérats sur
un tourne-jarre en présence de billes d’alumine pendant un temps t (max de 24h)
dépendant de l’état d’agglomération initiale de la poudre dû à son vieillissement. En
utilisant le lot 2 (poudre neuve-non vieilli), aucun broyage n’a été nécessaire.
L’absence d’agglomérat permet une bonne dispersion directe de la poudre. Le lot 2 a
été utilisé pour l’étude du chapitre 4.
Cependant, la présence de bulles d’air emprisonnées dans la suspension, durant
l’agitation et le broyage, peut introduire des défauts dans le cru après coulage. Pour
cela, il est nécessaire de procéder à une évacuation de ces bulles de la suspension. Or,
l’évacuation de l’air entraine une évaporation de l’eau de la suspension et par
conséquent le changement de la concentration et de la viscosité. Les caractéristiques
rhéologiques et granulométriques sont alors de nouveau étudiées afin de garantir la
stabilité et la compatibilité de la suspension pour le coulage.
Le tableau 3 regroupe les caractéristiques des mesures rhéologiques faites sur
les suspensions avant et après évacuation des bulles d’air.
Tableau 3 : Caractéristiques physiques du comportement rhéologique d’une suspension dispersée à
pH 4.5 avec TMS de 50 wt% avant et après évacuation de l’air
Avant évacuation
de l’air
Après évacuation
de l’air
η∞ (Pa.s)
τ y (Pa)
0.0052
0.79
0.0053
1.11
La viscosité à l’infini ne change pas tandis qu’il y a une légère augmentation de
la contrainte seuil. Cette augmentation peut être due à une légère augmentation du
TMS, conséquence de l’évaporation de l’eau sous vide ou de la génération de flocules.
Des études granulométriques effectuées sur les mêmes suspensions, avant et après
67
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
évacuation de l’air, montrent une distribution granulométrique inchangée, ce qui exclut
la présence de flocules.
Les barbotines préparées à partir des poudres nanométriques d’alumine de
transition ont été coulées sur un dispositif formé par un moule de PVC placé sur une
plaque d’alumine poreuse. L’alumine poreuse a été préférée à un moule en plâtre afin
d’éviter toute diffusion de Ca dont la présence sous forme de CaO (30ppm) peut
causer une croissance anormale des grains durant le stade final de frittage [BAE 1993].
Le séchage est une opération critique qui doit être contrôlée dans le cas des
suspensions aqueuses d’Al2O3 sans liants et de stabilisation électrostatique, afin
d’éviter la fissuration due au retrait différentiel et à la présence de contraintes
résiduelles. L’amplitude de ces contraintes de séchage est diminuée et les fissurations
sont évitées si, i) la taille des pores augmentent (Ex : avec l’utilisation de larges
particules), ii) la vitesse de séchage diminue ou iii) la masse volumique initiale est
élevée [CHIU 1993-a, CHIU 1993-b, LANGE 2001]. D’autre part, la fissuration peut
aussi être due à la présence de contraintes dans le cru générées par deux modes de
séchage différents: élimination de l’eau 1) en contact de l’air aux surfaces et 2) par
capillarité en contact du moule d’alumine poreux. Un protocole de séchage est alors
nécessaire pour éviter toute sorte de fissuration dans le cru, ce qui est courant dans le
cas du coulage des poudres nanométrique.
Dans le cas de la poudre NanoTEK®, de taille nanométrique, l’élimination des
contraintes et donc de la fissuration après séchage est faite par maîtrise de la vitesse de
séchage en utilisant une barbotine avec un TMS le plus élevé possible (23 vol%). Pour
cela, le protocole suivant a été adopté : Le dispositif de coulage a été placé dans une
chambre avec un taux d’humidité élevé, dans le but de favoriser l’évacuation de l’eau
uniquement par capillarité. Après 2h de séchage, temps nécessaire à la formation d’un
cru humide, les échantillons ont été retirés du moule et déposés dans un dessiccateur
contenant des sels déshydratants afin de continuer leur séchage progressivement à
température ambiante.
Les échantillons obtenus par le coulage ont une dimension de: diamètre Ф = 7
mm, hauteur h = 3.5 mm, et une masse volumique à cru de 63% (±1%). La masse
volumique à cru d’un compact est estimée à partir de sa masse et de ses dimensions.
Elle est exprimée en valeur absolue ou relative par rapport à la masse volumique
théorique de l’alumine de transition (3.49g/cm3).
68
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
IV.3.
Pressage
Cette technique consiste à mettre en forme la poudre initiale. Deux protocoles
complémentaires de compression ont été mis en œuvre : Compression uniaxiale (sur
une presse Sodemi RD20E équipée d’une matrice cylindrique) à une pression
suffisante pour assurer la cohésion du compact, suivi d’une compression isostatique à
froid à plus haute pression (sur une presse ACB en transmettant à l’échantillon une
pression d’huile).
Une pression maximale de 56 MPa est atteinte avec le pressage uniaxial. Audelà de cette pression, les échantillons sont fissurés. Cette pression uniaxiale permet de
préparer des échantillons non endommagés avec une masse volumique de 50%.
Ensuite, les échantillons sont soumis à un pressage isostatique de 350 MPa permettant
une augmentation de la masse volumique jusqu’à 61%.
Les dimensions des compacts cylindriques préparés par pressage sont voisines
de 12mm de diamètre et de 3.5mm de hauteur.
IV.4.
Coulage suivi de pressage isostatique à froid (CIP)
Pour aboutir à une masse volumique la plus élevée possible et tendre vers la
masse volumique maximale obtenue par simulation (71%), un pressage isostatique à
froid des crus coulés a été effectué à différentes pressions (jusqu’à 4000 bar). Les crus
coulés utilisés pour cette partie ont une masse volumique de 57 %.
Afin de révéler le contact entre les grains, des études de dureté par indentation
Vickers ont été effectuées sur les crus obtenus. Ces mesures ont été réalisées à l’aide
d’un indenteur vickers, TESTWELL FV-700, doté d’une gamme de charge de 0,3 à
30Kg. Ce duromètre est muni d’un indenteur se déplaçant verticalement et s’abaissant
lentement jusqu’au contact de la surface d’essai polie où il est maintenu, durant 10
secondes, sous charge. La charge utilisée pour les échantillons crus est de 0,5 Kg. Cinq
indentations ont été réalisées sur chaque cru pressé par CIP. L’écart entre le centre de
deux empreintes a été pris suffisamment grand pour éviter le chevauchement des zones
plastiques. La dureté Vickers (GPa) est définie comme étant le rapport de la charge P
appliquée par la surface de l’empreinte laissée après enlèvement de la charge.
La figure 18 montre l’influence du pressage isostatique sur la masse volumique
des crus coulés, ainsi que son effet sur le contact des grains.
69
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
24
4000 Bar
22
20
3000 Bar
Dureté (Hv)
18
16
1000 Bar
2000 Bar
14
12
10
8
0 Bar
6
4
2
0
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
Compacité à cru (%)
Figure 18 : Variation des duretés Vickers en fonction de la masse volumique à cru obtenue après
pressage isostatique des crus coulés
On remarque que le pressage isostatique peut augmenter la masse volumique
relative à cru pour atteindre un maximum de 65% à une pression de 4000 bar. En
augmentant la masse volumique à cru, la dureté Vickers augmente, révélant une
amélioration du contact entre les grains. Ce comportement peut provenir du
mouvement entre particules durant le compactage et de la tendance à minimiser la
surface libre entre les particules. La masse volumique maximale obtenue pour 4000
bar s’approche de la valeur théorique maximale calculée 71 % pour une distribution
log-normale.
Il est peu probable d’atteindre cette limite avec le pressage directe d’une poudre
non dispersée. Lorsqu’un ensemble de particules sphériques, placé dans une matrice,
est soumis à une pression, la distance moyenne qui sépare leurs centres diminue, le
nombre de points de contact entre particules augmente et par glissement les unes sur
les autres, elles ont tendance à s’empiler de façon à occuper le volume minimal.
L’arrangement des particules au sein d’une poudre est soumis à la loi de hasard et les
forces de frottement associées à l’encombrement volumique ne permettent pas à ces
particules de se déplacer librement pendant la compression. L’empilement obtenu a
donc peu de chances d’être uniforme. Lorsque l’empilement le plus compact est
70
Chapitre 2 – Caractérisation et mise en forme de la poudre
atteint, l’augmentation de la pression ne provoque plus de diminution de la porosité à
condition que les particules ne subissent aucune déformation ou fragmentation.
Cette méthode de coulage suivi de pressage isostatique, représente une bonne
méthode pour l’amélioration de la densité à cru et de tendre vers la densité théorique
maximale. Cependant, le frittage de ces échantillons a été suivi et il a été remarqué que
leur densification était moins bonne que celle des crus coulés qui sont pourtant moins
denses au départ. La compaction par CIP a donc été abandonnée pour la suite de cette
étude, tout en restant une perspective pour l’étude de l’effet de la densité à cru sur la
transformation de phase ainsi que sur le frittage. Il resterait cependant à analyser ce
résultat, pour comprendre pourquoi les échantillons présentant les plus fortes
compacités (SC+CIP) se sont avérés décevants.
71