Bartholdi - Ville de Belfort
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Bartholdi - Ville de Belfort
Frédéric-Auguste Bartholdi Frédéric-Auguste Bartholdi (1834-1904) Adossé à la citadelle de Belfort, et immortalisé dans sa posture altière, le Lion de Frédéric-Auguste Bartholdi n’a pas fini de surprendre ses nombreux admirateurs. À cette impressionnante représentation symbolisant la résistance de la ville assiégée par les Prussiens en 18701871, il fallait offrir un espace intérieur qui puisse conter à sa manière l’histoire d’une sculpture, mais aussi celle d’une rencontre et d’un attachement entre un grand artiste et une ville. Ce projet, Robert Belot, adjoint à la culture de Belfort en rêvait depuis longtemps : il s’agit d’abord de rendre hommage à un artiste en réparant un déni d’histoire, de réhabiliter celui qui a été l’un des premiers à penser la statuaire monumentale dans l’espace public (Le Pays, 5 février 2011). Sculptures, maquettes, ébauches, photographies et esquisses ont enfin trouvé leur place dans un écrin à leur mesure : les salles du musée d’histoire de la citadelle, entièrement repensées pour un si beau projet. m u s é e ( s ) d e Les élèves de Terminale de l’option « histoire des arts » du Lycée Courbet ont pu observer la métamorphose des lieux, l’arrivée des œuvres, leur restauration. Guidées dans leur parcours par le directeur des Musées de Belfort, Nicolas Surlapierre, elles nous offrent le fruit de leur travail : un portrait du sculpteur, l’interview du conservateur, divers articles sur la rénovation des salles et la restauration des œuvres, ainsi que l’analyse de plusieurs sculptures exposées. Que ce petit journal puisse accompagner les pas du visiteur dans la découverte de l’espace Bartholdi. Les articles ont été écrits par les élèves de terminale de l’option Histoire des Arts du Lycée Courbet : Margot BUCHER, Héloïse DRAVIGNEY, Célia ÉNÉE, Charlotte GIRARD, Chloé GODEFROY, Laurence MOREL, Marie RAVOT, Bénédicte REYMOND, Lucile SEMON sous la direction de leurs professeurs Paulette DAGORNE, Véronique ÉLACHMAWI et Dominique VOGT-RAGUY. B e l f o r t - p a g e 1 Frédéric-Auguste Bartholdi UN NOUVEL ESPACE DÉDIÉ À BARTHOLDI Pourquoi dédier une exposition à Bartholdi ? Le lundi 6 Décembre 2010, l’option «histoire des arts» du lycée Courbet s’est rendue au musée d’Art et d’Histoire de Belfort pour y découvrir le nouvel espace dédié au sculpteur Bartholdi. À cette occasion, Nicolas Surlapierre a expliqué aux jeunes lycéennes en quoi consiste ce projet mettant à l’honneur le travail et la création de l’artiste alsacien. Tout d’abord, nous avons à Belfort deux monuments de Bartholdi, le monument des Trois sièges et bien sûr le Lion devenu l’emblème de la ville. Ensuite, parce que Bartholdi est un artiste qui a marqué la statuaire de la fin du XIXe siècle, grande période de la statuomanie. À cette époque, chaque ville voulait mettre en avant les grands homme locaux ou régionaux en leur consacrant une sculpture. Cette exposition vise surtout à remettre en lumière le personnage de Bartholdi qui a malheureusement été éclipsé par ses créations, c’est un artiste qu’on connaît mal ou très peu, et ses relations parfois houleuses avec la ville de Belfort ont également participé à l’oubli du sculpteur. L’exposition sera-t-elle temporaire ou permanente ? Ce sont des salles d’exposition permanentes. Nous avons négocié des dépôts, certains sont d’une durée d’un an, d’autres vont jusqu’à cinq ans et il y a aussi quelques prêts. L’idée serait d’organiser des petites « expos dossiers » en opérant quelques modifications : décrocher, réaménager, bouger des socles, emprunter de nouvelles œuvres sur Bartholdi ... Mais cet espace sera toujours dédié à Bartholdi car il s’agit d’une vraie demande : le Lion interroge pour toutes sortes de raisons et on a envie de savoir qui était Bartholdi, de le situer dans le temps, connaître d’autres œuvres de lui, où elles Nicolas Surlapierre directeur des Musées de Belfort m u s é e ( s ) d e B e l f o r t - p a g e 2 Frédéric-Auguste Bartholdi se trouvent. Une muséologie permanente n’est pas définitive : il y a des dessins que l’on va changer, des accrochages à refaire … L’un des enjeux est donc aussi de montrer l’aspect évolutif des collections permanentes. Ce que j’aimerais vraiment, c’est que l’on connaisse mieux Bartholdi, sa personnalité d’artiste, afin d’avoir une vision plus globale de son oeuvre. Qui a financé ce projet ? Le financement principal vient de la ville : 67 000 € en tout, c’est-à-dire un budget comprenant le sol, l’électricité, la peinture, les fenêtres, les socles, la muséographie, les spots... On bénéficie aussi d’un autre budget venant de la DSirection Régionnale des Affaires Culturelle de Franche-Comté s’élevant à environ 5 000 € consacrés à la restauration des sculptures ainsi que des fonds supplémentaires pour le transport des oeuvres, la signalétique, le catalogue… Ce qui nous amène à un total d’environ 100 000 €. Quel enjeu cet espace Bartholdi représente t-il pour la ville ? Vous parlez de restauration des oeuvres … Qui les a choisies ? L’enjeu pour la ville est d’abord un enjeu éducatif, le point de départ était de savoir ce que je pouvais raconter comme histoire avec les sculptures que nous avions dans le musée de Belfort. Mais il s’agit aussi de montrer que la présentation d’une exposition permanente doit être aussi souple et modulable que celle d’une exposition temporaire tout en prenant en compte le caractère historique des bâtiments qui l’abritent. J’ai choisi les oeuvres. Elles viennent principalement de différents lieux : le musée Bartholdi de Colmar est notre plus gros dépositaire. En effet, Le Génie dans les griffes de la misère , Christophe Colomb et L’Adieu au pays étaient conservés dans les réserves du musée et ont nécessité un important travail de restauration. Ensuite, le musée de Strasbourg d’où nous vient un petit nombre de sculptures mais importantes en taille comme par exemple deux très beaux bas-reliefs. Nous avons également fait appel à des prêteurs ponctuels comme les musées des villes d’Avallon et ClermontFerrand. Que doit apporter cette exposition permanente ? Qui travaille avec vous sur ce projet ? Le projet est coordonné par la ville, la contribution de la directrice adjointe des services techniques a été une aide précieuse. Au musée l’équipe de la conservation et de l’administration s’est impliquée, sans oublier l’existence du comité de pilotage composé de deux historiens locaux et du conservateur des archives municipales. On se réunit régulièrement. Le but est de savoir ce que l’on va mettre dans les différentes salles, pour eux il est important de montrer les différentes étapes de la conception du Lion. m u s é e ( s ) d e D’après cette présentation de Nicolas Surlapierre, Belfort se prépare donc à célébrer Bartholdi, pas seulement en tant qu’auteur du Lion, mais pour l’ensemble de son oeuvre. B e l f o r t - p a g e 3 Frédéric-Auguste Bartholdi BARTHOLDI PREND SES QUARTIERS À BELFORT La décision de consacrer un espace permanent au sculpteur Bartholdi redonne vie à cet ensemble architectural. De nombreux travaux d’aménagement ont été entrepris grâce au budget accordé par la municipalité. Celui-ci se répartit entre les travaux de restauration des salles (remise en état des sols, éclairages, peintures...) et ceux liés à l’organisation de l’exposition comme la restauration des œuvres et leur acheminement vers le musée. Avant : Salle d’exposition temporaire (troisième salle) dans les années 1970 photographie Musée(s) de Belfort © Christophe Cousin L’aile gauche de la caserne de la Citadelle abrite désormais un espace entier dédié à Frédéric-Auguste Bartholdi. Située sur l’emplacement de l’ancien château fort de Belfort, la caserne construite dans les années 1824-1827 par le Général Haxo a fait tout d’abord office de bâtiment militaire. C’était un lieu de vie pour les défenseurs de la ville, aux fonctions purement utilitaires pour le quotidien des troupes et de leurs officiers. Transformé en musée, au début des années 1970 suite au rachat du site par la ville de Belfort, le bâtiment perd sa fonction initiale, mais conserve son architecture militaire. Les salles sont progressivement aménagées pour recevoir des expositions temporaires, mais restent le plus souvent fermées au public. m u s é e ( s ) d e Le lieu de l’exposition présente trois salles en enfilade d’une superficie totale de 300 m². Les salles restent simples tout en conservant leur charme d’origine. La blancheur des murs contraste avec les moellons apparents de grès roses. Les fenêtres ont été obscurcies par des cimaises, qui permettent ainsi d’accrocher des œuvres. La moquette d’origine a été remplacée par un linoléum. Une statue en pied de l’artiste réalisée par un de ses élève, Louis-Hubert Noël, invite le public à pénétrer dans ce nouvel espace. La première salle «l’atelier du sculpteur» présente plusieurs œuvres de Bartholdi. Ces plâtres et terres cuites proviennent de prêts de plusieurs musées. La seconde salle est consacrée au Lion. Les maquettes et les sculptures du fauve dans différentes postures permettent de mieux B e l f o r t - p a g e 4 Frédéric-Auguste Bartholdi Après : projection d’une salle d’exposition temporaire (Crayonné de Jérôme Marche) Cet espace est un nouvel atout pour la ville et permet aux Belfortains de redécouvrir les multiples facettes du grand artiste qu’est Bartholdi. saisir le goût et le talent de Bartholdi pour la sculpture animalière. La dernière salle met en valeur « l’artiste officiel ». Elle sera réservée aux terres cuites et aux maquettes en plâtre de trois projets monumentaux. Les deux alvéoles de cette troisième salle servent à présenter des photographies, des vidéos, des moulages, et des objets dérivés du Lion. Les salles en enfilade. Installation des cimaises. m u s é e ( s ) d e B e l f o r t Alvéole de la troisième salle. Pose des câblage éléctriques. photographie élèves lycée Courbet - p a g e 5 Frédéric-Auguste Bartholdi RESTAURATEUR D’ŒUVRES D’ART : LES ARTISANS DE L’OMBRE Depuis le début des années 1990, la cité bourguignonne de Semur-enAuxois accueille en ses murs l’atelier de restauration, LP3 conservation. Membre du trio fondateur de cet atelier, Philippe Langot et ses partenaires ont choisi de diversifier leurs activités et emploient aujourd’hui une dizaine de personnes aux talents multiples. En effet, l’atelier se divise en trois pôles d’activités : un pôle textile spécialisé dans la restauration des tissus, un pôle ébénisterie qui se consacre au mobilier (le plus souvent religieux) et un pôle ethnologie au large champ d’activités. Il s’occupe de matériaux divers et variés tels le bois polychrome, la pierre, le plâtre, la terre cuite et même la vannerie. Ainsi l’atelier restaurera prochainement une nacelle de montgolfière du XIXe siècle ! Le métier de restaurateur/restauratrice d’œuvres d’art ne s’improvise pas. Il nécessite une solide formation en histoire des arts, suivie d’études supérieures très spécifiques. Les candidats peuvent entre autres opter pour le Master de Conservation et Restauration des biens culturels de Paris I ou passer le concours d’admission à l’Institut National du Patrimoine. Ces longues études dotent les futurs restaurateurs de connaissances théoriques, scientifiques et pratiques Double buste d’Erckman-Chatrian, (1872), après restauration. Plâtre, Musée(s) de Belfort m u s é e ( s ) d e B e l f o r t - p a g e 6 Frédéric-Auguste Bartholdi Double buste avant restauration. nécessaires à la remise en état d’œuvres et objets patrimoniaux. Cependant, ils doivent aussi posséder des qualités innées, à savoir la patience, la minutie et un sens aigüe de l’observation. Restaurer un objet d’art relève plus d’un travail de conservation et de remise en état que d’une interprétation personnelle de l’œuvre. Le restaurateur doit être capable d’apprécier les objets en les replaçant dans leur contexte d’origine et définir les techniques auxquelles il doit avoir recours. Benoît Jacob travaille à LP3 Conservation depuis plus de 6 ans avec « toujours le même intérêt pour l’art » et apprécie ce métier qui lui permet à la fois « de maîtriser chaque année de nouvelles techniques de restauration tout en étant respectueux du travail réalisé durant les siècles passés ». Sa collègue, Florence Harvengt ajoute qu’« Il faut aimer le dessin,… aimer travailler la matière ». Lorsqu’il découvrira les objets présentés dans les nouvelles salles d’exposition du musée, le public n’aura pas forcément conscience de l’important travail fourni par l’équipe de restaurateurs de Philippe m u s é e ( s ) d e Langot. Neuf sculptures, une dizaine de moulages anatomiques, et deux terres cuites sont passés entre leurs mains. Les restaurations se limitaient parfois à un « bichonnage » c’est-à-dire à un simple dépoussiérage de surface, mais elles comportaient aussi des interventions délicates comme celle consistant à sauver un moulage dont la structure métallique oxydée avait fait éclater le plâtre. Un mois de travail dans l’atelier de Semur-en-Auxois mais aussi dans les locaux du musée d’histoire de Belfort aura été nécessaire pour nettoyer, traiter, consolider, voire replacer les fragments de ces objets présentés dans le nouvel espace Bartholdi. B e l f o r t - p a g e 7 Frédéric-Auguste Bartholdi LE GÉNIE DANS LES GRIFFES DE LA MISÈRE corps replié sur lui-même, aux membres et aux muscles rétractés contraste avec la posture du génie. Opposée à l’idée d’exaltation, la misère quant à elle, le regard tourné vers le sol, repliée sur ellemême se renferme, s’écarte de la réalité, s’en protège. Les deux personnages, ne sont pas indépendants l’un de l’autre, au contraire. Leur combat rythme la sculpture exprimant un déchirement, une opposition féroce entre l’idée de fuite et de sublimation et celle d’un maintien dans ce bas-monde empli de souffrances. Nicolas Surlapierre directeur des Musées de Belfort Frédéric-Auguste Bartholdi nous présente son Génie dans les griffes de la misère sous la forme d’un homme ailé. Il est l’allégorie de la passion, des arts et de la vertu. Issu du latin genius et du verbe gener, le génie incarne un démon favorable exprimant l’idée de production et de création. Le génie est représenté ici dans un équilibre instable, atteignant une sorte de lévitation. Sa posture semble appeler un désir de fuite, mais aussi d’ouverture et d’ascension. Son regard est levé vers le ciel, son corps entier est étendu, imposant, il structure l’espace par sa prestance. Agenouillé à ses pieds, un être au visage de vieille femme et au corps émacié représente une allégorie de la misère. Il est en complète opposition avec le génie. Son m u s é e ( s ) d e Cette œuvre montre une recherche de fantaisie et de sublime, et propose un regard en quête d’une certaine modernité. On y perçoit une très nette admiration pour les artistes romantiques tels Delacroix et Géricault. Il est intéressant d’observer la façon particulière avec laquelle Bartholdi réinvestit l’image du génie et celle de la Misère. En effet, Le génie de la Liberté d’Auguste Dumont (1835), surmontant la colonne de Juillet, sur la place de la Bastille, est certainement l’une de ses sources d’inspirations. Cette statue de bronze représente la liberté qui s’envole en brisant ses fers et semant la lumière. Le génie déploie ses ailes, prêt à s’envoler, le pied droit quittant la sphère dorée sur laquelle il repose. On retrouve cette même impression de liberté, de lévitation du corps, toutefois la posture du génie de Dumont est beaucoup plus académique B e l f o r t - p a g e 8 Frédéric-Auguste Bartholdi Le Génie dans les griffes de la misère Salon de 1859 Groupe sculpté Étude préparatoire en plâtre, musée Bartholdi de Colmar et donne l’impression d’une envolée sans retenue. C’est un symbole de liberté plutôt que de fuite tragique. On perçoit ici la façon dont Bartholdi s’inspire du sculpteur mais aussi et surtout comment il s’en détache. En 1877, Rodin sculpte l’Âge d’Airain : un jeune homme à la morphologie si parfaite qu’on l’accusait d’avoir moulé certaines parties du corps. Cette sculpture rappelle le Génie de Bartholdi dans le traitement particulier de la posture, bras gauche plié et tête tournée avec grâce vers la droite, le jeune homme semble s’étirer jouant sur un contraste entre le corps qui s’élève et les pieds ancrés au sol en une alliance paradoxale. Ainsi Le Génie dans les griffes de la misère est une métaphore de l’artiste pris dans les chaînes de sentiments mêlés. Il véhicule l’idée de légèreté à travers l’image de l’envolée, de l’évasion mais aussi d’ascension de l’homme vers une certaine perfection. Le sentiment représenté est plus ambigu et complexe que la simple idée de fuite. Le génie ne cherche pas vraiment à se détacher de la misère qui le retient. En effet, l’artiste exprime davantage une volonté d’indépendance, une recherche d’autonomie et d’élévation m u s é e ( s ) d e B e l f o r t - p a g e 9 Construction du Lion de Belfort vers 1879 collection Musée Bartholdi de Colmar, © Christian Kempf Frédéric-Auguste Bartholdi m u s é e ( s ) d e B e l f o r t - p a g e 1 0 Frédéric-Auguste Bartholdi m u s é e ( s ) d e B e l f o r t - p a g e 1 1 Frédéric-Auguste Bartholdi LE MONUMENT DES TROIS SIÈGES Inauguré de manière posthume en 1913 d’après la maquette de Frédéric-Auguste Bartholdi, achevé par ses élèves sculpteurs Noël et Dechain. Le 7 avril 1901, le conseil municipal de Belfort annonce sur la proposition d’un de ses membres qu’un monument à la mémoire du colonel Aristide DenfertRochereau, héros du siège de Belfort de 1870-1871, sera érigé sur l’une des places de la ville. Pour commémorer l’événement, un concours a été ouvert. Le projet retenu par le comité est d’abord celui d’Antonin Mercié. Celui proposé par Bartholdi paraît trop grandiose : un imposant hémicycle aux extrémités duquel figurent les statues de Denfert-Rochereau et de Thiers avec au centre, un groupe symbolisant la défense de Belfort. Maquette du monument Thiers-Denfert, plâtre, Musées de Belfort m u s é e ( s ) d e B e l f o r t - p a g e 1 2 Frédéric-Auguste Bartholdi Le monument des Trois Sièges rend hommage à trois héros : le commandant Jean Legrand, qui affronte durant 113 jours une armée autrichienne pendant le premier siège de Belfort, en 1814 ; le général Claude-Jacques Lecourbe qui au printemps et au début de l’été 1815 résiste et repousse une armée autrichienne, malgré une forte infériorité numérique et le Colonel Aristide Denfert-Rochereau resté célèbre pour avoir dirigé la résistance de la place de Belfort durant la guerre francoallemande de 1870-1871. Le monument est établi sur un plan triangulaire : Bartholdi propose un groupe monumental honorant ces trois héros, représentés chronologiquement par trois statues imposantes en bronze. Le socle, d’inspiration néo-classique, est surmonté d’une allégorie de la résistance. La France, une femme casquée, pose affectueusement sa main sur l’épaule de Belfort, une jeune fille, tenant encore son glaive à la main. Toutes deux reposent sur une assise en grès rouge, provenant des anciennes fortifications de Vauban. À leurs pieds, un coq est prêt à chanter la prochaine délivrance des provinces annexées. Denfert, Legrand, et Lecourbe sont placés en position périphérique, Denfert occupant la place d’honneur face à la préfecture. L’ensemble monumental imaginé par Bartholdi doit vivre avec la vie publique de Belfort, perpétuer la mémoire des trois défenseurs. Pour le sculpteur, un monument n’est pas seulement un hommage rendu à un évènement ou à un personnage, il doit permettre d’assurer la transmission intergénérationnelle. Bénédicte REYMOND Lucile SEMON Maquette définitive du monument des Trois Sièges, pâtre polychrome, Musée(s) de Belfort m u s é e ( s ) d e B e l f o r t - p a g e 1 3 Frédéric-Auguste Bartholdi LE MONUMENT AUX AÉRONAUTES DU SIÈGE DE PARIS Monument aux aéronautes du siège de Paris dit Le ballon des Ternes 1870-1871 Paris, XVIIIe arrondissement, porte des Ternes Inauguré place des Ternes à Paris, le 3 février 1906 Le monument aux aéronautes représente le siège de Paris au cours de la guerre franco-allemande de 1870-1871. Durant les 136 jours du siège, 67 ballons vont s’envoler pour forcer les lignes ennemies : 18 seront conduits par des aéronautes connaissant déjà le maniement du ballon, 17 par des volontaires amateurs, 30 par des marins. Les ballons montés étaient gonflés avec du gaz d’éclairage hautement inflammable. Les départs se faisaient de jour comme de nuit, essuyant les tirs de barrage des troupes prussiennes. Les 67 ballons transportèrent 164 passagers, 381 pigeons, 5 chiens et environ 2 à 3 millions de lettres. Au cours des journées parisiennes du 3 et 4 septembre 1870 qui font suite à la défaite de Sedan, Gambetta et Jules Favre jouent un rôle essentiel dans la déchéance de l’Empire et la proclamation de la Troisième République. Les députés de la Seine forment un gouvernement provisoire, présidé par le général Trochu. Gambetta prend le ministère de l’Intérieur. Il révoque m u s é e ( s ) d e les préfets du Second Empire et nomme à leur place des militants républicains, avocats ou journalistes. La situation militaire continue de se dégrader. Paris qui accueille dans ses murs la plupart des membres du gouvernement provisoire est encerclé le 19 septembre 1870. C’est le 7 octobre à 11 h que Léon Gambetta s’envole sur l’Armand Barbès. Il atterrit à 3 h de l’après-midi dans le bois de Favières (Oise), pour rejoindre la délégation de Tours le 9 octobre par Montdidier et Rouen. Investi des pouvoirs du ministère de la Guerre et de l’Intérieur, il va y déployer une énergie peu commune afin d’organiser les armées de province. Cette sculpture atypique prend la forme d’un ballon, objet qui avait encore été peu représenté dans l’histoire de la statuaire. On distingue des personnages masculins et féminins qui s’entremêlent les uns aux autres tentant de s’agripper à ce dernier. La figure de la femme tenant son enfant d’une main et cherchant un espoir de l’autre incarne la résistance de Paris face à l’occupation prussienne. L’homme sur la droite suggère par sa posture la volonté de protéger le groupe afin d’assurer le succès de l’entreprise. Les personnages morts ou mourants symbolisent l’épisode tragique traversé par les Parisiens. La caravelle qui fait office de nacelle est le rappel de l’emblème de Paris et de sa devise, Fluctuat nec mergitur. L’allégorie représente Paris battu par les flots sans B e l f o r t - p a g e 1 4 Frédéric-Auguste Bartholdi être submergé. Un drapeau, symbole de la nation résistante face à la Prusse, est enroulé autour du cordage du ballon. Le très imposant piédestal quadrangulaire de type néo-classique s’oppose à l’idée d’envol de la pesanteur de sa masse et le statisme de ses formes. À ses angles, quatre petits piédestaux font écho à celui-ci en servant de façon imagée de perchoirs à des nids d’oiseaux. Dans ce monument se jouent l’improbable rencontre et mise en tension d’éléments vitaux : l’eau symbolisée par la caravelle, l’air du ballon gonflé cherchant à s’arracher du sol, la terre incarnée par la lourdeur d’un piédestal désespérément rivé au sol et le feu des tirs de l’artillerie prussienne évoqué par les cadavres jonchant le sol. Monument aux aéronautes du siège de Paris, 1902, plâtre polychrome, dépôt du musée Bartholdi de Colmar m u s é e ( s ) d e B e l f o r t - p a g e Margot BUCHER Charlotte GIRARD Ashley NERMANOWSKI 1 5 Frédéric-Auguste Bartholdi BARTHOLDI PAR LES ARCHIVES Né à Colmar au sein d’une famille bourgeoise, Frédéric-Auguste Bartholdi (Colmar, 1834 - Paris, 1904) passe son enfance à Paris ou s’est installée la famille suite au décès prématuré de son père. Le jeune homme affiche rapidement des dons artistiques : il fréquente l’atelier du peintre Ary Scheffer (Dordechd, 1795 - Argenteuil, 1858), suit les cours du sculpteur Antoine Étex (Paris, 1808 Chaville, 1888) et se tourne petit à petit vers la sculpture. Sa voie est vite tracée même si sa première œuvre Le bon samaritain, exposée au Salon de 1853 a été ignorée par les critiques ! Deux ans plus tard, il entreprend un voyage au Moyen-Orient parcourant l’Égypte puis le Yémen, en compagnie d’autres artistes. De ce séjour, Bartholdi ramènera le goût de la sculpture monumentale et la farouche détermination d’être connu et reconnu par ses pairs. Le succès ne se fait pas attendre : prises par l’engouement de la « statuomanie » du XIXe siècle, les municipalités françaises cherchent à honorer les hommes illustres issus de leur cité. Les œuvres de commandes se succèdent à un rythme rapide : Colmar fera souvent appel à son talent et Bartholdi réalisera également des statues, bustes, et monuments funèbres de personnages célèbres dans une quinzaine de villes françaises (Clermont-Ferrand, Avallon, Strasbourg, Rouen, Lyon, Paris…). m u s é e ( s ) d e En 1872, c’est au tour de la ville de Belfort d’entreprendre la construction d’un monument en hommage aux défenseurs du siège héroïque de 1870. Bartholdi présente le projet le plus intéressant aux yeux de la municipalité en proposant une œuvre monumentale : le Lion. Ce projet amorce plus de trente années de relations intenses et parfois tumultueuses entre Belfort, le sculpteur puis sa veuve qui prend le relais après son décès en 1904. Les Archives municipales belfortaines conservent précieusement les correspondances que l’artiste a adressé au Maire de la ville (quatre lettres relatives au Lion, dix autres concernant le projet du Monument des Trois sièges) et plusieurs missives envoyées à la municipalité par sa veuve, Jeanne-Émilie Bartholdi. Cette richesse épistolaire passionne aujourd’hui Yves Pagnot, Conservateur des archives municipales qui a eu la gentillesse de nous faire partager son analyse sur la complexité des liens qui ont uni Bartholdi à Belfort. Depuis la perte de l’Alsace au profit de l’Allemagne, Bartholdi ressent un profond attachement pour la ville de Belfort, prolongement de sa région natale, restée libre. Le projet qu’il propose en l’honneur des soldats morts lors de la guerre de 1870-1871, sera gigantesque, « digne du patriotisme de Belfort » comme il l’écrit au maire de Belfort. Dans l’esprit de l’artiste, le Lion est plus qu’une simple œuvre B e l f o r t - p a g e 1 6 Frédéric-Auguste Bartholdi Lettre de Bartholdi à Édouard Mény, 6 août 1872, archives municipale de Belfort sculptée monumentale. Dans une de ses lettres, datée de 1902 il le présente comme « une œuvre qui ne peut être répétée ailleurs » car le Lion personnifie la ville et s’identifie à son histoire. Bartholdi impose une conception personnelle de cet hommage, imaginant un lion monumental trônant au pied de la citadelle, symbole de sa résistance. L’idée est acceptée, plus en raison de son modeste prix que par l’adhésion de la municipalité aux arguments de l’artiste. Le 13 avril 1901, le conseil municipal décide à l’unanimité qu’un monument à m u s é e ( s ) d e la mémoire du colonel Denfert-Rochereau sera érigé sur une des places de la ville. Cette idée d’œuvre originale qui ne peut être reproduite ailleurs qu’à Belfort séduit Bartholdi. Il voit plus grand pour ce projet en hommage au colonel Aristide DenfertRochereau puisqu’il pense y ajouter les statues de deux autres grands défenseurs de Belfort au XIXe: le commandant Jean Legrand et le général Claude-Jacques Lecourbe. L’idée d’honneur dans la défaite se manifeste encore plus au regard de l’histoire puisqu’il sera fait référence aux trois sièges que connaît Belfort, en 1814, 1815 et 1870-1871. Le Monument des Trois sièges sera inauguré après sa mort, en 1913. B e l f o r t - p a g e 1 7 Frédéric-Auguste Bartholdi L’artiste cherche également le lieu où les monuments seront à leur juste place : le sculpteur adopte une vision plus large, celle de l’urbaniste. Ainsi, il refuse dans un premier temps de placer le Lion au cimetière des mobiles, comme un simple monument aux morts. Son objectif est à la fois de créer une sculpture monumentale et d’imaginer un réaménagement de l’espace urbain. Il propose même de percer un boulevard conduisant jusqu’au Lion, mais le projet n’aboutira jamais. Dans le même souci, il exige de placer le Monument des Trois sièges aux yeux de tous, sur une nouvelle place au centre de la ville. Il veut que ses sculptures « deviennent quelque chose de nécessaire à la vue ». Bartholdi considère son travail d’artiste comme un devoir de transmission du souvenir pour les générations futures. Les deux sculptures belfortaines soulignent cette volonté de louer le passé héroïque de Belfort afin de marquer les esprits. Dans une de ses lettres datées de 1872, le sculpteur souligne que le Lion ne symbolise « ni une victoire, ni une défaite qui doit être rappelée, mais une lutte glorieuse ». L’artiste se place alors, selon Yves Pagnot, en « passeur de mémoire », cherchant à conserver le souvenir du passé triomphant, décrivant son Lion comme « une apothéose du passé glorieux ». Malheureusement, ces nobles projets seront une source de conflits entre la ville et le sculpteur. Ses œuvres sont en effet mal perçues par Belfort et ses habitants. En pensant toujours plus grand, en se projetant toujours plus loin, Bartholdi crée un décalage entre ses aspirations et celles des commanditaires. Le 28 août 1880 la municipalité est déçue par le Lion, qui manque à leur goût d’héroïsme et m u s é e ( s ) d e de prestige. Cette œuvre de résistance est en fait difficile à aborder, sévère, et pas assez revancharde ; elle donne une impression de mutisme, sans expression de réelle commémoration. L’inauguration officieuse qui se fera à la lueur de flambeaux et aux frais de Bartholdi, passera même inaperçue ce qui le rendra particulièrement frustré. Plus tard éclate le scandale « des deux statues » : l’argent destiné à l’entretien et à la mise en valeur du Lion a été destiné au financement d’une statue sur la place de la cathédrale St-Christophe : Quand même de Mercier dit aussi l’Alsacienne. Enfin, le dernier rebondissement de la collaboration houleuse entre Bartholdi et Belfort sera celui du Monument des Trois sièges. Il avait pourtant juré : « plus jamais rien à Belfort », mais rattrapé par son attachement pour cette ville, il entreprend la réalisation de cette sculpture qui se soldera, après sa mort, par la prise en charge de la moitié des frais par sa veuve. L’histoire entre Bartholdi et Belfort est loin d’être terminée. Une première exposition lui a été dédiée en 2004, sur le thème de la sculpture animalière. Cet hommage ne s’arrête pas là car aujourd’hui la municipalité désire consacrer un espace au sculpteur qui a donné à Belfort un de ces plus grands symboles. Le musée d’histoire de la ville de Belfort offre donc aux visiteurs un lieu authentique qui retrace le projet artistique de FrédéricAuguste Bartholdi. Les salles du musée, réservées habituellement aux expositions temporaires lui seront désormais consacrées : un espace Bartholdi a été aménagé pour exposer ses œuvres de façon définitive. Définitive oui, mais pas figée. Cet espace doit permettre à l’exposition d’évoluer dans le temps, car le conservateur a fait appel, aux collections B e l f o r t - p a g e 1 8 Frédéric-Auguste Bartholdi de musées voisins. Tout d’abord, celui de la ville d’origine de l’artiste, Colmar, qui prête actuellement trois œuvres majeures qui sont Le Génie dans les griffes de la misère, Christophe Colomb et L’Adieu au pays, ainsi que plusieurs maquettes de du Lion de Belfort et des dessins de la main de Bartholdi. D’autres musées comme ceux de Clermont-Ferrand (plâtre façon terre cuite de Vercingétorix) ou de Strasbourg ont également permis à Belfort de préparer ces salles d’exposition inédites. Lettre de Bartholdi à Édouard Mény, 16 mars 1872, archives municipale de Belfort hommage mortifère. Bien au contraire, il vise à montrer au public toutes les facettes du génie artistique de Bartholdi. Le monde entier connait ses œuvres monumentales, mais combien de personnes sont-elles capables de mettre un nom sur ces statues de grands hommes et plus rares encore sur leurs auteurs. Ainsi, cet espace évolutif n’est pas un m u s é e ( s ) d e B e l f o r t - p a g e 1 9 Frédéric-Auguste Bartholdi Bibliographie Ouvrages Robert Belot, Daniel Bermond Bartholdi éditions Perrin - 2004 Vidal Pierre Frédéric-Auguste Bartholdi : 1834-1904 : par la main par l’esprit Les Créations du Pélican - 2000 Articles André Larger Le lion…et après ? Bulletin de la société belfortaine d’émulation n°95 - 2004 Yves Pagnot Un artiste et son commanditaire, Bartholdi et la ville de Belfort Yves Pagnot Le Monument des trois sièges m u s é e ( s ) d e B e l f o r t - p a g e 2 0