Bartholdi - Ville de Belfort

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Bartholdi - Ville de Belfort
Frédéric-Auguste Bartholdi
Frédéric-Auguste
Bartholdi
(1834-1904)
Adossé à la citadelle de Belfort, et
immortalisé dans sa posture altière, le Lion
de Frédéric-Auguste Bartholdi n’a pas fini
de surprendre ses nombreux admirateurs.
À cette impressionnante représentation
symbolisant la résistance de la ville
assiégée par les Prussiens en 18701871, il fallait offrir un espace intérieur qui
puisse conter à sa manière l’histoire d’une
sculpture, mais aussi celle d’une rencontre
et d’un attachement entre un grand artiste
et une ville. Ce projet, Robert Belot, adjoint
à la culture de Belfort en rêvait depuis
longtemps : il s’agit d’abord de rendre
hommage à un artiste en réparant un déni
d’histoire, de réhabiliter celui qui a été
l’un des premiers à penser la statuaire
monumentale dans l’espace public (Le
Pays, 5 février 2011).
Sculptures, maquettes, ébauches,
photographies et esquisses ont enfin
trouvé leur place dans un écrin à leur
mesure : les salles du musée d’histoire de
la citadelle, entièrement repensées pour un
si beau projet.
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Les élèves de Terminale de l’option
« histoire des arts » du Lycée Courbet
ont pu observer la métamorphose
des lieux, l’arrivée des œuvres, leur
restauration. Guidées dans leur parcours
par le directeur des Musées de Belfort,
Nicolas Surlapierre, elles nous offrent
le fruit de leur travail : un portrait du
sculpteur, l’interview du conservateur,
divers articles sur la rénovation des
salles et la restauration des œuvres, ainsi
que l’analyse de plusieurs sculptures
exposées. Que ce petit journal puisse
accompagner les pas du visiteur dans la
découverte de l’espace Bartholdi.
Les articles ont été écrits par les élèves de terminale
de l’option Histoire des Arts du Lycée Courbet : Margot
BUCHER, Héloïse DRAVIGNEY, Célia ÉNÉE, Charlotte
GIRARD, Chloé GODEFROY, Laurence MOREL, Marie
RAVOT, Bénédicte REYMOND, Lucile SEMON sous
la direction de leurs professeurs Paulette DAGORNE,
Véronique ÉLACHMAWI et Dominique VOGT-RAGUY.
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Frédéric-Auguste Bartholdi
UN NOUVEL ESPACE
DÉDIÉ À BARTHOLDI
Pourquoi dédier une exposition à
Bartholdi ?
Le lundi 6 Décembre 2010,
l’option «histoire des
arts» du lycée Courbet s’est rendue au musée d’Art et
d’Histoire de Belfort pour y découvrir le nouvel espace
dédié au sculpteur Bartholdi. À cette occasion,
Nicolas Surlapierre a expliqué aux jeunes lycéennes
en quoi consiste ce projet mettant à l’honneur le
travail et la création de l’artiste alsacien.
Tout d’abord, nous avons à Belfort deux
monuments de Bartholdi, le monument
des Trois sièges et bien sûr le Lion devenu
l’emblème de la ville. Ensuite, parce que
Bartholdi est un artiste qui a marqué la
statuaire de la fin du XIXe siècle, grande
période de la statuomanie. À cette époque,
chaque ville voulait mettre en avant les
grands homme locaux ou régionaux en
leur consacrant une sculpture. Cette
exposition vise surtout à remettre en
lumière le personnage de Bartholdi qui
a malheureusement été éclipsé par ses
créations, c’est un artiste qu’on connaît
mal ou très peu, et ses relations parfois
houleuses avec la ville de Belfort ont
également participé à l’oubli du sculpteur.
L’exposition sera-t-elle temporaire ou
permanente ?
Ce sont des salles d’exposition
permanentes. Nous avons négocié des
dépôts, certains sont d’une durée d’un an,
d’autres vont jusqu’à cinq ans et il y a aussi
quelques prêts. L’idée serait d’organiser
des petites « expos dossiers » en opérant
quelques modifications : décrocher,
réaménager, bouger des socles, emprunter
de nouvelles œuvres sur Bartholdi ...
Mais cet espace sera toujours dédié à
Bartholdi car il s’agit d’une vraie demande :
le Lion interroge pour toutes sortes de
raisons et on a envie de savoir qui était
Bartholdi, de le situer dans le temps,
connaître d’autres œuvres de lui, où elles
Nicolas Surlapierre
directeur des Musées
de Belfort
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Frédéric-Auguste Bartholdi
se trouvent. Une muséologie permanente
n’est pas définitive : il y a des dessins
que l’on va changer, des accrochages à
refaire … L’un des enjeux est donc aussi
de montrer l’aspect évolutif des collections
permanentes.
Ce que j’aimerais vraiment, c’est que l’on
connaisse mieux Bartholdi, sa personnalité
d’artiste, afin d’avoir une vision plus
globale de son oeuvre.
Qui a financé ce projet ?
Le financement principal vient de la ville :
67 000 € en tout, c’est-à-dire un budget
comprenant le sol, l’électricité, la peinture,
les fenêtres, les socles, la muséographie,
les spots... On bénéficie aussi d’un autre
budget venant de la DSirection Régionnale
des Affaires Culturelle de Franche-Comté
s’élevant à environ 5 000 € consacrés à la
restauration des sculptures ainsi que des
fonds supplémentaires pour le transport
des oeuvres, la signalétique, le catalogue…
Ce qui nous amène à un total d’environ
100 000 €.
Quel enjeu cet espace Bartholdi
représente t-il pour la ville ?
Vous parlez de restauration des oeuvres
… Qui les a choisies ?
L’enjeu pour la ville est d’abord un enjeu
éducatif, le point de départ était de savoir
ce que je pouvais raconter comme histoire
avec les sculptures que nous avions dans
le musée de Belfort. Mais il s’agit aussi
de montrer que la présentation d’une
exposition permanente doit être aussi
souple et modulable que celle d’une
exposition temporaire tout en prenant
en compte le caractère historique des
bâtiments qui l’abritent.
J’ai choisi les oeuvres. Elles viennent
principalement de différents lieux : le
musée Bartholdi de Colmar est notre
plus gros dépositaire. En effet, Le
Génie dans les griffes de la misère ,
Christophe Colomb et L’Adieu au pays
étaient conservés dans les réserves du
musée et ont nécessité un important
travail de restauration. Ensuite, le musée
de Strasbourg d’où nous vient un petit
nombre de sculptures mais importantes en
taille comme par exemple deux très beaux
bas-reliefs. Nous avons également fait
appel à des prêteurs ponctuels comme les
musées des villes d’Avallon et ClermontFerrand.
Que doit apporter cette exposition
permanente ?
Qui travaille avec vous sur ce projet ?
Le projet est coordonné par la ville, la
contribution de la directrice adjointe
des services techniques a été une aide
précieuse. Au musée l’équipe de la
conservation et de l’administration s’est
impliquée, sans oublier l’existence du
comité de pilotage composé de deux
historiens locaux et du conservateur
des archives municipales. On se réunit
régulièrement. Le but est de savoir ce que
l’on va mettre dans les différentes salles,
pour eux il est important de montrer les
différentes étapes de la conception du Lion.
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D’après cette présentation de Nicolas
Surlapierre, Belfort se prépare donc à
célébrer Bartholdi, pas seulement en tant
qu’auteur du Lion, mais pour l’ensemble
de son oeuvre.
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Frédéric-Auguste Bartholdi
BARTHOLDI
PREND SES QUARTIERS
À BELFORT
La décision de consacrer un espace
permanent au sculpteur Bartholdi redonne
vie à cet ensemble architectural. De
nombreux travaux d’aménagement ont été
entrepris grâce au budget accordé par la
municipalité. Celui-ci se répartit entre les
travaux de restauration des salles (remise
en état des sols, éclairages, peintures...)
et ceux liés à l’organisation de l’exposition
comme la restauration des œuvres et leur
acheminement vers le musée.
Avant :
Salle d’exposition temporaire (troisième salle)
dans les années 1970
photographie Musée(s) de Belfort
© Christophe Cousin
L’aile gauche de la caserne de la Citadelle
abrite désormais un espace entier dédié
à Frédéric-Auguste Bartholdi. Située sur
l’emplacement de l’ancien château fort
de Belfort, la caserne construite dans les
années 1824-1827 par le Général Haxo
a fait tout d’abord office de bâtiment
militaire. C’était un lieu de vie pour les
défenseurs de la ville, aux fonctions
purement utilitaires pour le quotidien des
troupes et de leurs officiers. Transformé en
musée, au début des années 1970 suite
au rachat du site par la ville de Belfort, le
bâtiment perd sa fonction initiale, mais
conserve son architecture militaire. Les
salles sont progressivement aménagées
pour recevoir des expositions temporaires,
mais restent le plus souvent fermées au
public.
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Le lieu de l’exposition présente trois
salles en enfilade d’une superficie totale
de 300 m². Les salles restent simples
tout en conservant leur charme d’origine.
La blancheur des murs contraste avec
les moellons apparents de grès roses.
Les fenêtres ont été obscurcies par des
cimaises, qui permettent ainsi d’accrocher
des œuvres. La moquette d’origine a été
remplacée par un linoléum.
Une statue en pied de l’artiste réalisée
par un de ses élève, Louis-Hubert Noël,
invite le public à pénétrer dans ce nouvel
espace.
La première salle «l’atelier du sculpteur»
présente plusieurs œuvres de Bartholdi.
Ces plâtres et terres cuites proviennent
de prêts de plusieurs musées. La
seconde salle est consacrée au Lion. Les
maquettes et les sculptures du fauve dans
différentes postures permettent de mieux
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Frédéric-Auguste Bartholdi
Après :
projection d’une salle
d’exposition temporaire
(Crayonné de Jérôme Marche)
Cet espace est un nouvel atout pour
la ville et permet aux Belfortains de
redécouvrir les multiples facettes du grand
artiste qu’est Bartholdi.
saisir le goût et le talent de Bartholdi
pour la sculpture animalière. La dernière
salle met en valeur « l’artiste officiel ».
Elle sera réservée aux terres cuites et
aux maquettes en plâtre de trois projets
monumentaux. Les deux alvéoles de cette
troisième salle servent à présenter des
photographies, des vidéos, des moulages,
et des objets dérivés du Lion.
Les salles en enfilade.
Installation des cimaises.
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Alvéole de la troisième salle.
Pose des câblage éléctriques.
photographie élèves lycée Courbet
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Frédéric-Auguste Bartholdi
RESTAURATEUR
D’ŒUVRES D’ART :
LES ARTISANS DE L’OMBRE
Depuis le début des années 1990,
la cité bourguignonne de Semur-enAuxois accueille en ses murs l’atelier
de restauration, LP3 conservation.
Membre du trio fondateur de cet atelier,
Philippe Langot et ses partenaires ont
choisi de diversifier leurs activités et
emploient aujourd’hui une dizaine de
personnes aux talents multiples.
En effet, l’atelier se divise en
trois pôles d’activités : un
pôle textile spécialisé dans
la restauration des tissus,
un pôle ébénisterie qui
se consacre au mobilier
(le plus souvent religieux)
et un pôle ethnologie au
large champ d’activités. Il
s’occupe de matériaux divers et
variés tels le bois polychrome,
la pierre, le plâtre, la terre cuite
et même la vannerie. Ainsi l’atelier
restaurera prochainement une nacelle de
montgolfière du XIXe siècle !
Le métier de restaurateur/restauratrice
d’œuvres d’art ne s’improvise pas. Il
nécessite une solide formation en histoire
des arts, suivie d’études supérieures
très spécifiques. Les candidats peuvent
entre autres opter pour le Master de
Conservation et Restauration des biens
culturels de Paris I ou passer le concours
d’admission à l’Institut National du
Patrimoine. Ces longues études dotent
les futurs restaurateurs de connaissances
théoriques, scientifiques et pratiques
Double buste d’Erckman-Chatrian,
(1872), après restauration.
Plâtre, Musée(s) de Belfort
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Frédéric-Auguste Bartholdi
Double buste
avant restauration.
nécessaires à la remise en état d’œuvres
et objets patrimoniaux. Cependant, ils
doivent aussi posséder des qualités
innées, à savoir la patience, la minutie et
un sens aigüe de l’observation.
Restaurer un objet d’art relève plus d’un
travail de conservation et de remise en état
que d’une interprétation personnelle de
l’œuvre. Le restaurateur doit être capable
d’apprécier les objets en les replaçant
dans leur contexte d’origine et définir
les techniques auxquelles il doit avoir
recours. Benoît Jacob travaille à LP3
Conservation depuis plus de 6 ans avec
« toujours le même intérêt pour l’art » et
apprécie ce métier qui lui permet à la fois
« de maîtriser chaque année de nouvelles
techniques de restauration tout en étant
respectueux du travail réalisé durant les
siècles passés ». Sa collègue, Florence
Harvengt ajoute qu’« Il faut aimer le
dessin,… aimer travailler la matière ».
Lorsqu’il découvrira les objets présentés
dans les nouvelles salles d’exposition du
musée, le public n’aura pas forcément
conscience de l’important travail fourni
par l’équipe de restaurateurs de Philippe
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Langot. Neuf sculptures, une dizaine de
moulages anatomiques, et deux terres
cuites sont passés entre leurs mains. Les
restaurations se limitaient parfois à un
« bichonnage » c’est-à-dire à un simple
dépoussiérage de surface, mais elles
comportaient aussi des interventions
délicates comme celle consistant à sauver
un moulage dont la structure métallique
oxydée avait fait éclater le plâtre.
Un mois de travail dans l’atelier de
Semur-en-Auxois mais aussi dans les
locaux du musée d’histoire de Belfort
aura été nécessaire pour nettoyer, traiter,
consolider, voire replacer les fragments
de ces objets présentés dans le nouvel
espace Bartholdi.
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Frédéric-Auguste Bartholdi
LE GÉNIE
DANS LES GRIFFES
DE LA MISÈRE
corps replié sur lui-même, aux membres
et aux muscles rétractés contraste avec
la posture du génie. Opposée à l’idée
d’exaltation, la misère quant à elle, le
regard tourné vers le sol, repliée sur ellemême se renferme, s’écarte de la réalité,
s’en protège.
Les deux personnages, ne sont pas
indépendants l’un de l’autre, au contraire.
Leur combat rythme la sculpture exprimant
un déchirement, une opposition féroce
entre l’idée de fuite et de sublimation et
celle d’un maintien dans ce bas-monde
empli de souffrances.
Nicolas Surlapierre
directeur des Musées
de Belfort
Frédéric-Auguste Bartholdi nous présente
son Génie dans les griffes de la misère
sous la forme d’un homme ailé. Il est
l’allégorie de la passion, des arts et de la
vertu.
Issu du latin genius et du verbe gener,
le génie incarne un démon favorable
exprimant l’idée de production et de
création.
Le génie est représenté ici dans un
équilibre instable, atteignant une sorte de
lévitation. Sa posture semble appeler un
désir de fuite, mais aussi d’ouverture et
d’ascension. Son regard est levé vers le
ciel, son corps entier est étendu, imposant,
il structure l’espace par sa prestance.
Agenouillé à ses pieds, un être au visage
de vieille femme et au corps émacié
représente une allégorie de la misère. Il est
en complète opposition avec le génie. Son
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Cette œuvre montre une recherche de
fantaisie et de sublime, et propose un
regard en quête d’une certaine modernité.
On y perçoit une très nette admiration pour
les artistes romantiques tels Delacroix et
Géricault. Il est intéressant d’observer la
façon particulière avec laquelle Bartholdi
réinvestit l’image du génie et celle de la
Misère. En effet, Le génie de la Liberté
d’Auguste Dumont (1835), surmontant
la colonne de Juillet, sur la place de la
Bastille, est certainement l’une de ses
sources d’inspirations. Cette statue de
bronze représente la liberté qui s’envole
en brisant ses fers et semant la lumière. Le
génie déploie ses ailes, prêt à s’envoler,
le pied droit quittant la sphère dorée sur
laquelle il repose. On retrouve cette même
impression de liberté, de lévitation du
corps, toutefois la posture du génie de
Dumont est beaucoup plus académique
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Frédéric-Auguste Bartholdi
Le Génie dans les griffes de la misère
Salon de 1859
Groupe sculpté
Étude préparatoire en plâtre,
musée Bartholdi de Colmar
et donne l’impression d’une envolée sans
retenue. C’est un symbole de liberté plutôt
que de fuite tragique. On perçoit ici la
façon dont Bartholdi s’inspire du sculpteur
mais aussi et surtout comment il s’en
détache.
En 1877, Rodin sculpte l’Âge d’Airain : un
jeune homme à la morphologie si parfaite
qu’on l’accusait d’avoir moulé certaines
parties du corps. Cette sculpture rappelle
le Génie de Bartholdi dans le traitement
particulier de la posture, bras gauche plié
et tête tournée avec grâce vers la droite,
le jeune homme semble s’étirer jouant sur
un contraste entre le corps qui s’élève et
les pieds ancrés au sol en une alliance
paradoxale.
Ainsi Le Génie dans les griffes de la
misère est une métaphore de l’artiste pris
dans les chaînes de sentiments mêlés. Il
véhicule l’idée de légèreté à travers l’image
de l’envolée, de l’évasion mais aussi
d’ascension de l’homme vers une certaine
perfection. Le sentiment représenté est
plus ambigu et complexe que la simple
idée de fuite. Le génie ne cherche pas
vraiment à se détacher de la misère
qui le retient. En effet, l’artiste exprime
davantage une volonté d’indépendance,
une recherche d’autonomie et d’élévation
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Construction du Lion de Belfort vers 1879 collection Musée Bartholdi de Colmar, © Christian Kempf
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Frédéric-Auguste Bartholdi
LE MONUMENT
DES TROIS SIÈGES
Inauguré de manière posthume en 1913 d’après la
maquette de Frédéric-Auguste Bartholdi, achevé par
ses élèves sculpteurs Noël et Dechain.
Le 7 avril 1901, le conseil municipal de
Belfort annonce sur la proposition d’un
de ses membres qu’un monument à la
mémoire du colonel Aristide DenfertRochereau, héros du siège de Belfort de
1870-1871, sera érigé sur l’une des places
de la ville. Pour commémorer l’événement,
un concours a été ouvert. Le projet retenu
par le comité est d’abord celui d’Antonin
Mercié. Celui proposé par Bartholdi paraît
trop grandiose : un imposant hémicycle
aux extrémités duquel figurent les statues
de Denfert-Rochereau et de Thiers avec au
centre, un groupe symbolisant la défense
de Belfort.
Maquette du monument
Thiers-Denfert,
plâtre, Musées de Belfort
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Frédéric-Auguste Bartholdi
Le monument des Trois Sièges rend
hommage à trois héros : le commandant
Jean Legrand, qui affronte durant
113 jours une armée autrichienne pendant
le premier siège de Belfort, en 1814 ; le
général Claude-Jacques Lecourbe qui au
printemps et au début de l’été 1815 résiste
et repousse une armée autrichienne,
malgré une forte infériorité numérique et le
Colonel Aristide Denfert-Rochereau resté
célèbre pour avoir dirigé la résistance de
la place de Belfort durant la guerre francoallemande de 1870-1871.
Le monument est établi sur un plan
triangulaire : Bartholdi propose
un groupe monumental honorant
ces trois héros, représentés
chronologiquement par trois
statues imposantes en bronze. Le
socle, d’inspiration néo-classique,
est surmonté d’une allégorie
de la résistance. La France,
une femme casquée, pose
affectueusement sa main
sur l’épaule de
Belfort, une jeune fille, tenant encore son
glaive à la main. Toutes deux reposent
sur une assise en grès rouge, provenant
des anciennes fortifications de Vauban.
À leurs pieds, un coq est prêt à chanter
la prochaine délivrance des provinces
annexées. Denfert, Legrand, et Lecourbe
sont placés en position périphérique,
Denfert occupant la place d’honneur face
à la préfecture.
L’ensemble monumental imaginé par
Bartholdi doit vivre avec la vie publique
de Belfort, perpétuer la mémoire des
trois défenseurs. Pour le sculpteur, un
monument n’est pas seulement un
hommage rendu à un évènement
ou à un personnage, il doit
permettre d’assurer la transmission
intergénérationnelle.
Bénédicte REYMOND
Lucile SEMON
Maquette définitive
du monument
des Trois Sièges,
pâtre polychrome,
Musée(s) de Belfort
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Frédéric-Auguste Bartholdi
LE MONUMENT
AUX AÉRONAUTES
DU SIÈGE DE PARIS
Monument aux aéronautes du siège de Paris
dit Le ballon des Ternes
1870-1871
Paris, XVIIIe arrondissement, porte des Ternes
Inauguré place des Ternes à Paris, le 3 février 1906
Le monument aux aéronautes représente
le siège de Paris au cours de la guerre
franco-allemande de 1870-1871. Durant
les 136 jours du siège, 67 ballons vont
s’envoler pour forcer les lignes ennemies :
18 seront conduits par des aéronautes
connaissant déjà le maniement du ballon,
17 par des volontaires amateurs, 30 par
des marins. Les ballons montés étaient
gonflés avec du gaz d’éclairage hautement
inflammable. Les départs se faisaient de
jour comme de nuit, essuyant les tirs de
barrage des troupes prussiennes. Les 67
ballons transportèrent 164 passagers, 381
pigeons, 5 chiens et environ 2 à 3 millions
de lettres.
Au cours des journées parisiennes du 3
et 4 septembre 1870 qui font suite à la
défaite de Sedan, Gambetta et Jules Favre
jouent un rôle essentiel dans la déchéance
de l’Empire et la proclamation de la
Troisième République. Les députés de la
Seine forment un gouvernement provisoire,
présidé par le général Trochu. Gambetta
prend le ministère de l’Intérieur. Il révoque
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les préfets du Second Empire et nomme
à leur place des militants républicains,
avocats ou journalistes. La situation
militaire continue de se dégrader. Paris
qui accueille dans ses murs la plupart des
membres du gouvernement provisoire
est encerclé le 19 septembre 1870. C’est
le 7 octobre à 11 h que Léon Gambetta
s’envole sur l’Armand Barbès. Il atterrit à
3 h de l’après-midi dans le bois de
Favières (Oise), pour rejoindre la délégation
de Tours le 9 octobre par Montdidier et
Rouen. Investi des pouvoirs du ministère
de la Guerre et de l’Intérieur, il va y
déployer une énergie peu commune afin
d’organiser les armées de province.
Cette sculpture atypique prend la forme
d’un ballon, objet qui avait encore été peu
représenté dans l’histoire de la statuaire.
On distingue des personnages masculins
et féminins qui s’entremêlent les uns aux
autres tentant de s’agripper à ce dernier.
La figure de la femme tenant son enfant
d’une main et cherchant un espoir de
l’autre incarne la résistance de Paris face
à l’occupation prussienne. L’homme sur
la droite suggère par sa posture la volonté
de protéger le groupe afin d’assurer le
succès de l’entreprise. Les personnages
morts ou mourants symbolisent l’épisode
tragique traversé par les Parisiens. La
caravelle qui fait office de nacelle est le
rappel de l’emblème de Paris et de sa
devise, Fluctuat nec mergitur. L’allégorie
représente Paris battu par les flots sans
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Frédéric-Auguste Bartholdi
être submergé. Un drapeau, symbole de la
nation résistante face à la Prusse,
est enroulé autour du cordage
du ballon. Le très imposant
piédestal quadrangulaire
de type néo-classique
s’oppose à l’idée d’envol de
la pesanteur de sa masse et le
statisme de ses formes. À ses
angles, quatre petits piédestaux
font écho à celui-ci en servant de
façon imagée de perchoirs à des
nids d’oiseaux.
Dans ce monument se jouent l’improbable
rencontre et mise en tension
d’éléments vitaux : l’eau
symbolisée par la caravelle, l’air
du ballon gonflé cherchant à
s’arracher du sol, la terre incarnée
par la lourdeur d’un piédestal
désespérément rivé au sol et le
feu des tirs de l’artillerie prussienne
évoqué par les cadavres jonchant le
sol.
Monument aux aéronautes
du siège de Paris,
1902,
plâtre polychrome,
dépôt du musée Bartholdi
de Colmar
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Margot BUCHER
Charlotte GIRARD
Ashley NERMANOWSKI
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Frédéric-Auguste Bartholdi
BARTHOLDI
PAR LES
ARCHIVES
Né à Colmar au sein d’une famille
bourgeoise, Frédéric-Auguste Bartholdi
(Colmar, 1834 - Paris, 1904) passe son
enfance à Paris ou s’est installée la famille
suite au décès prématuré de son père.
Le jeune homme affiche rapidement des
dons artistiques : il fréquente l’atelier
du peintre Ary Scheffer (Dordechd,
1795 - Argenteuil, 1858), suit les cours
du sculpteur Antoine Étex (Paris, 1808 Chaville, 1888) et se tourne petit à petit
vers la sculpture. Sa voie est vite tracée
même si sa première œuvre Le bon
samaritain, exposée au Salon de 1853
a été ignorée par les critiques ! Deux
ans plus tard, il entreprend un voyage
au Moyen-Orient parcourant l’Égypte
puis le Yémen, en compagnie d’autres
artistes. De ce séjour, Bartholdi ramènera
le goût de la sculpture monumentale et
la farouche détermination d’être connu et
reconnu par ses pairs. Le succès ne se
fait pas attendre : prises par l’engouement
de la « statuomanie » du XIXe siècle, les
municipalités françaises cherchent à
honorer les hommes illustres issus de
leur cité. Les œuvres de commandes se
succèdent à un rythme rapide : Colmar
fera souvent appel à son talent et Bartholdi
réalisera également des statues, bustes,
et monuments funèbres de personnages
célèbres dans une quinzaine de villes
françaises (Clermont-Ferrand, Avallon,
Strasbourg, Rouen, Lyon, Paris…).
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En 1872, c’est au tour de la ville de Belfort
d’entreprendre la construction d’un
monument en hommage aux défenseurs
du siège héroïque de 1870. Bartholdi
présente le projet le plus intéressant aux
yeux de la municipalité en proposant
une œuvre monumentale : le Lion. Ce
projet amorce plus de trente années de
relations intenses et parfois tumultueuses
entre Belfort, le sculpteur puis sa veuve
qui prend le relais après son décès
en 1904. Les Archives municipales
belfortaines conservent précieusement les
correspondances que l’artiste a adressé
au Maire de la ville (quatre lettres relatives
au Lion, dix autres concernant le projet du
Monument des Trois sièges) et plusieurs
missives envoyées à la municipalité par
sa veuve, Jeanne-Émilie Bartholdi. Cette
richesse épistolaire passionne aujourd’hui
Yves Pagnot, Conservateur des archives
municipales qui a eu la gentillesse de
nous faire partager son analyse sur la
complexité des liens qui ont uni Bartholdi à
Belfort.
Depuis la perte de l’Alsace au profit de
l’Allemagne, Bartholdi ressent un profond
attachement pour la ville de Belfort,
prolongement de sa région natale, restée
libre. Le projet qu’il propose en l’honneur
des soldats morts lors de la guerre de
1870-1871, sera gigantesque, « digne du
patriotisme de Belfort » comme il l’écrit au
maire de Belfort. Dans l’esprit de l’artiste,
le Lion est plus qu’une simple œuvre
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Frédéric-Auguste Bartholdi
Lettre de Bartholdi
à Édouard Mény,
6 août 1872,
archives municipale de Belfort
sculptée monumentale. Dans une de
ses lettres, datée de 1902 il le présente
comme « une œuvre qui ne peut être
répétée ailleurs » car le Lion personnifie la
ville et s’identifie à son histoire. Bartholdi
impose une conception personnelle de cet
hommage, imaginant un lion monumental
trônant au pied de la citadelle, symbole
de sa résistance. L’idée est acceptée,
plus en raison de son modeste prix que
par l’adhésion de la municipalité aux
arguments de l’artiste.
Le 13 avril 1901, le conseil municipal
décide à l’unanimité qu’un monument à
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la mémoire du colonel Denfert-Rochereau
sera érigé sur une des places de la ville.
Cette idée d’œuvre originale qui ne peut
être reproduite ailleurs qu’à Belfort séduit
Bartholdi. Il voit plus grand pour ce projet
en hommage au colonel Aristide DenfertRochereau puisqu’il pense y ajouter les
statues de deux autres grands défenseurs
de Belfort au XIXe: le commandant Jean
Legrand et le général Claude-Jacques
Lecourbe. L’idée d’honneur dans la défaite
se manifeste encore plus au regard de
l’histoire puisqu’il sera fait référence aux
trois sièges que connaît Belfort, en 1814,
1815 et 1870-1871. Le Monument des
Trois sièges sera inauguré après sa mort,
en 1913.
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L’artiste cherche également le lieu où les
monuments seront à leur juste place : le
sculpteur adopte une vision plus large,
celle de l’urbaniste. Ainsi, il refuse dans
un premier temps de placer le Lion au
cimetière des mobiles, comme un simple
monument aux morts. Son objectif est à la
fois de créer une sculpture monumentale
et d’imaginer un réaménagement de
l’espace urbain. Il propose même de
percer un boulevard conduisant jusqu’au
Lion, mais le projet n’aboutira jamais.
Dans le même souci, il exige de placer le
Monument des Trois sièges aux yeux de
tous, sur une nouvelle place au centre
de la ville. Il veut que ses sculptures «
deviennent quelque chose de nécessaire à
la vue ».
Bartholdi considère son travail d’artiste
comme un devoir de transmission du
souvenir pour les générations futures. Les
deux sculptures belfortaines soulignent
cette volonté de louer le passé héroïque
de Belfort afin de marquer les esprits.
Dans une de ses lettres datées de 1872,
le sculpteur souligne que le Lion ne
symbolise « ni une victoire, ni une défaite
qui doit être rappelée, mais une lutte
glorieuse ». L’artiste se place alors, selon
Yves Pagnot, en « passeur de mémoire
», cherchant à conserver le souvenir du
passé triomphant, décrivant son Lion
comme « une apothéose du passé glorieux ».
Malheureusement, ces nobles projets
seront une source de conflits entre la ville
et le sculpteur. Ses œuvres sont en effet
mal perçues par Belfort et ses habitants.
En pensant toujours plus grand, en se
projetant toujours plus loin, Bartholdi
crée un décalage entre ses aspirations
et celles des commanditaires. Le 28 août
1880 la municipalité est déçue par le Lion,
qui manque à leur goût d’héroïsme et
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de prestige. Cette œuvre de résistance
est en fait difficile à aborder, sévère,
et pas assez revancharde ; elle donne
une impression de mutisme, sans
expression de réelle commémoration.
L’inauguration officieuse qui se fera à
la lueur de flambeaux et aux frais de
Bartholdi, passera même inaperçue ce
qui le rendra particulièrement frustré.
Plus tard éclate le scandale « des deux
statues » : l’argent destiné à l’entretien et
à la mise en valeur du Lion a été destiné
au financement d’une statue sur la place
de la cathédrale St-Christophe : Quand
même de Mercier dit aussi l’Alsacienne.
Enfin, le dernier rebondissement de la
collaboration houleuse entre Bartholdi et
Belfort sera celui du Monument des Trois
sièges. Il avait pourtant juré : « plus jamais
rien à Belfort », mais rattrapé par son
attachement pour cette ville, il entreprend
la réalisation de cette sculpture qui se
soldera, après sa mort, par la prise en
charge de la moitié des frais par sa veuve.
L’histoire entre Bartholdi et Belfort est loin
d’être terminée. Une première exposition
lui a été dédiée en 2004, sur le thème de
la sculpture animalière. Cet hommage
ne s’arrête pas là car aujourd’hui la
municipalité désire consacrer un espace
au sculpteur qui a donné à Belfort un de
ces plus grands symboles.
Le musée d’histoire de la ville de Belfort
offre donc aux visiteurs un lieu authentique
qui retrace le projet artistique de FrédéricAuguste Bartholdi. Les salles du musée,
réservées habituellement aux expositions
temporaires lui seront désormais
consacrées : un espace Bartholdi a
été aménagé pour exposer ses œuvres
de façon définitive. Définitive oui, mais
pas figée. Cet espace doit permettre à
l’exposition d’évoluer dans le temps, car le
conservateur a fait appel, aux collections
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Frédéric-Auguste Bartholdi
de musées voisins. Tout d’abord, celui de
la ville d’origine de l’artiste, Colmar, qui
prête actuellement trois œuvres majeures
qui sont Le Génie dans les griffes de la
misère, Christophe Colomb et L’Adieu
au pays, ainsi que plusieurs maquettes
de du Lion de Belfort et des dessins de
la main de Bartholdi. D’autres musées
comme ceux de Clermont-Ferrand (plâtre
façon terre cuite de Vercingétorix) ou
de Strasbourg ont également permis à
Belfort de préparer ces salles d’exposition
inédites.
Lettre de Bartholdi
à Édouard Mény,
16 mars 1872,
archives municipale de Belfort
hommage mortifère. Bien au contraire, il
vise à montrer au public toutes les facettes
du génie artistique de Bartholdi. Le monde
entier connait ses œuvres monumentales,
mais combien de personnes sont-elles
capables de mettre un nom sur ces
statues de grands hommes et plus rares
encore sur leurs auteurs.
Ainsi, cet espace évolutif n’est pas un
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Frédéric-Auguste Bartholdi
Bibliographie
Ouvrages
Robert Belot, Daniel Bermond
Bartholdi
éditions Perrin - 2004
Vidal Pierre
Frédéric-Auguste Bartholdi : 1834-1904 :
par la main par l’esprit
Les Créations du Pélican - 2000
Articles
André Larger
Le lion…et après ?
Bulletin de la société belfortaine
d’émulation n°95 - 2004
Yves Pagnot
Un artiste et son commanditaire, Bartholdi
et la ville de Belfort
Yves Pagnot
Le Monument des trois sièges
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