Preter Attention

Transcription

Preter Attention
www.planetemere.org
association à but non lucratif
[email protected]
Prêter Attention
(Extrait du livre « Changeons d’ère », à paraître courant 2010)
C’est la fin de l’automne. Je balaie les dernières feuilles du châtaigner
qui trône à l’entrée du jardin. Je laisse mon esprit divaguer. J’observe les
pensées qui défilent, en essayant de rester présent à mes gestes et mon
environnement.
L’odeur des feuilles mouillées me rappelle celle de la terre qui se
réchauffe sous le soleil printanier. Le compostage a commencé. Cette
odeur est celle de l’humus. Si je laissais faire la Nature, ces feuilles
deviendraient du terreau pour les racines de l’arbre qui les a portées.
Chaque feuille d’automne porte en elle deux bourgeons du printemps :
celui qu’elle a été, celui qu’elle sera prochainement. Je m’émerveille de
cette réalité. Seul avec mon balai, je souris.
Soudain, une vive douleur dans la main gauche me ramène à une autre
réalité : je ne me suis pas donné la peine de mettre des gants pour
travailler. Absorbé par mes pensées, je n’ai pas senti qu’une ampoule
était entrain de se former. Elle venait d’éclater. Cela devait faire un
moment que la peau s’échauffait sur le manche du balai. Je n’y avais
pas prêté attention. La douleur soudaine me faisait prendre
conscience de ce qui m’avait échappé. La conscience ne s’étant pas posée
sur elle, la sensation d’échauffement n’a pas existé pour moi. L’ampoule
ouverte était la conséquence de cette absence.
Je décidais de faire une pause. Cinq minutes plus tard, je revenais
m’asseoir sous le châtaigner avec un thé et un pansement dans la main.
En le dégustant par petites gorgées, je contemplais le paysage. Je
constatais alors que le torrent coulait toujours dans la vallée. Pendant
que je travaillais et que mon esprit divaguait, son ronronnement
permanent m’avait totalement échappé. Je fermais les yeux pour fixer
mon attention sur ce son, en essayant de visualiser les tumultes auxquels
il correspondait. Le chant du torrent est devenu si clair, si puissant, qu’il
me semblait être assis sur sa berge.
Une brise fraîche vint caresser ma joue la plus réchauffée, celle qui
profitait de la tendre chaleur du soleil automnal. En portant mon
attention sur cette sensation, je remarquais que tout mon corps
commençait à frissonner. Il était temps de me remettre en mouvement
pour me réchauffer. Sans cette prise de conscience, j’étais
certainement bon pour un rhume ou une bronchite. Ces maux auraient
été la conséquence d’un coup de froid que j’aurais pris « à l’insu de mon
plein gré ».
Une autre personne déjà enrhumée, croisée précédemment, aurait pu
devenir ma coupable désignée : celle par qui mes désagréments sont
arrivés. Pourtant, elle aussi avait simplement pris froid. Elle a d’ailleurs
croisé et côtoyé des dizaines d’autres personnes, qui elles ne se sont pas
enrhumées. En fait, en dehors des symptômes de notre refroidissement,
elle et moi aurions partagé deux points communs : l’ignorance de la
véritable cause de notre état de santé, et l’absence de toute notion de
responsabilité…
Tout est là, à chaque instant, dans le moment présent.
D’innombrables phénomènes se manifestent à nous en permanence. Tant
que nous n’en prenons pas conscience, ces phénomènes n’ont pour nous
aucune existence. Dès lors que nous y prêtons attention, c’est une
révélation.
Pris dans le rythme effréné de nos vies cadencées et cadenassées, notre
champ de perception reste souvent limité. Accaparés par nos
responsabilités et divers sujets d’anxiété, nous ne sommes pas vraiment
là, pleinement conscients de ce qui se manifeste dans notre vie, ici et
aujourd’hui. Nous ne prêtons plus attention à ce qui est vraiment
important.
- Tiens, tu étais chez le coiffeur ma chérie ?
- Oui mon amour… il y a trois jours !
Sans y prêter attention, notre façon d’être peut blesser. Elle peut
même provoquer des dégâts sur toute la planète. Toutes les conséquences
de nos choix et de nos actes n’apparaissent pas directement sous notre
nez. Elles peuvent se manifester plus tard, ou dans d’autres contrées.
Mais un jour ou l’autre, nous finissons par récolter les fruits des graines
que nous avons semées.
Les paroles, si belle soient-elles, les intentions, si bonnes soient-elles,
les idéaux, si nobles soient-ils… ne suffisent pas changer les fruits amers
en fruits sucrés. Les graines doivent être triées. Concrètement, dans le
jardin quotidien de chacun.
Faire l’éloge de la pomme à travers des discours pleins de sincérité, ne
transforme pas le pépin de citron en graine de pommier. Nous devons
nous asseoir et apprendre à observer ; observer les graines que nous
plantons et reconnaître les fruits qu’elles portent. Alors nous pouvons
semer en connaissance de cause, et ainsi changer l’ordre des choses.
Seuls nos ACTES comptent : ce que nous posons, ce que nous cessons
de poser. Simplement soutenir le principe et l’idée de semer de bonnes
graines, ne fera jamais rien pousser de sain dans notre jardin quotidien.
Même si ce n’est pas notre intention, même si cela se fait « à l’insu de
notre plein gré », nos actes peuvent soutenir et entretenir des systèmes
que nous condamnons. A l’inverse, ils peuvent en affaiblir et en détruire
d’autres, alors que nous prétendons les soutenir.
Lorsque les conséquences de nos actes, finissent par nous rattraper,
nous avons tendance à décliner notre part de responsabilité. Pourtant, la
tournure que prend notre histoire n’est que la conséquence de chaque
instant précédent. Tous ces moments où nous n’étions pas présents,
inconscients des réalités qui murissaient déjà derrière les apparences
grossières…
Puissent ces réflexions vous inspirer de nouvelles voies d’évolution.
Puisse cette lecture nourrir votre volonté d’agir concrètement,
ici et maintenant.
Puisse ce livre nourrir votre courage et votre confiance en l’avenir.