le 29 Mars 2016 Histoire de Saint-Jacut et autres Saints … Extraits
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le 29 Mars 2016 Histoire de Saint-Jacut et autres Saints … Extraits
le 29 Mars 2016 Histoire de Saint-Jacut et autres Saints … Extraits du numéro spécial de Juin 1956 de la Tanière. (Imprimé à Saint Jacut de la mer à l’imprimerie Générale de M.Lévèque 9) Article n° 1 : Fracan Dans la deuxième moitié du Vème siècle, au moment où en Gaule, les Francs se préparèrent à imposer leur hégémonie, la vie devint impossible en Grande-Bretagne pour les autochtones opprimés par les envahisseurs saxons ou autres. Beaucoup choisissent la liberté et émigrent en Armorique (notre Bretagne). Ce n’est pas la place qui manque. Là aussi, les Barbares sont passés, dévastant les colonies gallo-romaines, refoulant à l’intérieur les habitants des côtes terrorisés. Peu d’émigrations individuelles : les Bretons restent en clans, civils ou Plous, monastiques ou Lanns. Fracan, le père de St Jacut, est le chef d’un de ces clans, installé dans les environs de la ville actuelle de St Brieuc, à l’endroit approximatif où s’élève maintenant le bourg de Ploufragan (Plou-Fracan). Sa femme Gwen (Ste Blanche) est particulièrement vénérée à St Cast. Comme les parents, les enfants porteront tous le titre de saints : Jacut, Guéthénoc, Gwénolé et Cleirvie, la seule fille. Vie rude des pionniers chasse, pêche, élevage et dressage de chevaux. Article n° 2 : Le premier concours hippique. Riwall, un autre chef, s’était installé à proximité du village de Fracan. Il avait bâti son P.C. auprès d’un énorme chêne, ou chêneRouvre, d’où le nom de Champ du rouvre donné à son campement. C’est lui qui accueillera St Brieuc sur son domaine. Equitation et dressage de chevaux étaient ses occupations favorites. En 480, il convie son voisin à un concours hippique organisé sur la grève d’Hillion. Les jeunes sportifs des deux plous rivalisent d’adresse et d’endurance. La course prend vite l’allure d’un rodéo. Le fils d’un ami de Fracan, incapable de maîtriser sa monture est précipité sur les rochers. On le croit mort. Gwénolé s’approche, se met en prière et lui rend la vie. Déjà le merveilleux qui affleure continuellement dans la vie des vieux saints bretons et donne aux hagiographies leur cachet si particulier. Où finit la légende ? Où commence l’Histoire ? Après tout, cela importe peu. Les deux sont belles et sont trop imbriquées l’une dans l’autre pour qu’on puisse les séparer. Article n° 3 : Le sacrifice de Fracan. La vie monastique attirait fortement les fils de Fracan, particulièrement le plus jeune Gwénolé, le préféré semble t’il. Perspective pénible pour un père de se séparer d’un seul coup de ses garçons, déjà de solides et vigoureux gaillards. Un violent orage ayant failli lui coûter la vie, Fracan y vit un signe du ciel. Laissons Dom Lobineau raconter l’histoire. (Dom Lobineau : 1667-1727, Bénédictin né à Rennes. Célèbre historien, envoyé en disgrâce à Saint Jacut pour ses idées Jansénistes, et aussi par l’effet d’une rancune personnelle de la famille de Rohan. Enterré dans le cimetière de Saint Jacut On ne sait trop où. Menhir commémoratif auprès du calvaire.) « Un jour que Fracan était sorti pour surveiller quelques travaux dans les environs et qu’il résistait en lui-même à l’inspiration qui le pressait de remplir sa promesse et de consacrer à Dieu son fils Gwénolé, il fut surpris par un violent orage et soudain on le vit tomber à terre, comme frappé par le feu du ciel. On courut lui porter secours, mais il poussait de profonds soupirs : « Seigneur, ils sont tous à vous et je vous les consacre tous sans exception. Recevez les, Seigneur, qui me les avez donnés et acceptez le sacrifice que je vous en fais. Non seulement Gwénolé, Seigneur, mais encore ses deux aînés et Cleirvie5, leur sœur, non seulement les enfants, mais le père et la mère aussi. » (Vie des Saints de Bretagne). Foi ardente et Intransigeante de vieux Celte (comme celle des Irlandais encore actuellement 7). Les enfants avaient de qui tenir. Le sort en était jeté, Jacut, Guéthénoc et Gwénolé, partirent pour le monastère de Saint Budoc, à Lavre 3, île voisine de Bréhat. » Article n° 4 : Les Moines L’emprise des moines celtiques avait maintenu vivant le christianisme en Grande-Bretagne, malgré le raz de marée des invasions Barbares. Fortes personnalités que ces hommes, à la fois chefs religieux et chefs de clans, comme les évêques Gaulois de l’époque. Deux noms émergent, St Patrick et St Germain, qui tous deux eurent une énorme influence. La vie du premier est un véritable roman. Né au Pays de Galles, il est enlevé par des pirates et emmené en Irlande, qu’il évangélise. Il étend ensuite son apostolat en Grande-Bretagne. Il meurt en 456, à l’époque approximative ou Fracan et les siens s’installent en Armorique. Aussi infatigable missionnaire, St Germain d’Auxerre ( il a laissé un souvenir vivace dans la région de Matignon : Chapelle de St Germain sur mer.) fait deux expéditions en Grande-Bretagne. Son disciple Illtud fonde un ermitage, puis lance un monachisme de conquête, avec les Bretons David, Gildas et Cadoc ( probablement le même que St Cast). Leur action s’étend sur la Bretagne armoricaine, où, au 4 ème siècle, une équipe de Gallois fonde les premiers évêchés : Pol Aurélien (StPol de Léon), Samson (Dol), Magloire (qui vécut avec St Budoc), Lunaire et Malo. Le monastère de Lavré est un des premiers installés en Armorique. Article n° 5 : Les Monastères Les monastères primitifs ne ressemblaient en rien aux Abbayes actuelles. Pas de grandes casernes, mais des villages de cellules rondes, séparées les unes des autres. L’abbé a une logette comme celle des autres, retirée un peu en arrière, parfois sur une éminence, pour mieux surveiller toute la communauté. A l’embouchure du Trieux, sur l’île d’Enez Maudez, il reste, parait-il, deux cellules d’un monastère de ce genre, bâti par St Maudez. L’une d’elle est entière. De forme circulaire, elle mesure 3,20m d’élévation sans compter la voûte en forme de cône tronqué qui lui sert de toiture. Les murs ont 75cm d’épaisseur. Une seule ouverture de la hauteur d’un homme, placée à 1,50m du sol et à laquelle on accède par un escalier. A Lavré, les cellules avaient 3m de diamètre. Les substructions de quelques-unes existeraient toujours. Au milieu du village, l’église. Un peu au-delà, les communs : ateliers, granges, étables. La première abbaye de Saint Jacut était certainement construite sur le même modèle. Article n° 6 : Programmes d’études Le monastère est aussi une école. Etudiants et novices travaillent ensemble, apprennent le latin, s’initient aux « Sept arts libéraux : grammaire, dialectique, rhétorique, géométrie, arithmétique, astronomie et musique. » Les étudiants étaient partagés en petits groupes, dont chacun se trouvait placé sous l’autorité d’un moine, qui était à la fois leur professeur dans l’ordre intellectuel et leur directeur dans l’ordre spirituel. ( cf :La Borderie) Formation religieuse basée sur l’Ecriture Sainte. Article n° 7 : Règlement de vie. La journée se partage entre l’étude, le travail manuel et la prière. « Vaquez à l’étude avec humilité, disait St Budoc, sans vous enorgueillir de votre science, car c’est Dieu qui vous la donne et non vous qui vous la donnez vous-mêmes. Soumettez-vous au travail manuel avec abaissement et contrition de cœur, sans rechercher la louange des hommes dans l’exercice de votre art, sans mépriser celui qui l’ignore. L’ignorant tout comme l’ouvrier habile est la créature de Dieu… Insistez sans cesse sur la prière, accompagnées de jeûnes et de veilles, suivant l’antique et régulière tradition des Pères. Rien de plus à vous dire… » Suivant les monastères, on donnait plus ou moins de place au travail intellectuel. Pour les occupations manuelles, chacun suivait ses aptitudes. Sur le continent, l’agriculture dominait. Ainsi St Lunaire fit défricher tout l’entourage de son Lann et lança la culture du blé. St Thuriau se spécialisa dans la plantation des arbres fruitiers, de Dol à Crai ( ?). Ce sont les moines qui auraient fait adopter l’usage du cidre. Ce fut assez dur : les Bretons préféraient l’hydromel, la cervoise et surtout le vin, quand ils en trouvaient. (cf : Lemasson) Article n° 8 : Discipline. Bientôt codifiée par St Columban, un moine Irlandais, la discipline est terrible chez les moines Bretons. Les châtiments corporels ne sont pas exclus. « Le moine n’ira au lit, qu’épuisé de fatigue, dit la Règle, qu’il soit forcé de se lever avant d’avoir achevé son sommeil. » (cité par Dom Poulet). Doués d’un tempérament de fer, les religieux ne se contentent pas de la Règle et y ajoutent encore leurs mortifications personnelles. Barbus, le crâne rasé jusqu’au milieu du crâne (tonsure celtique) vêtus d’une cuculle en peau de chèvre, les poils rougeâtres tournés en dehors, ils s’infligent continuellement des pénitences carabinées. Peu à peu, surtout après un décret de Louis le Débonnaire (818), la Règle de St Benoît, plus humaine, plus mesurée, remplaça la Règle Irlandaise. Article n° 9 : St Jacut à Lavré. Au monastère de St Budoc, Jacut et ses frères mènent d’abord la vie des étudiants. Déjà, leur réputation de thaumaturge s’établit. Un lépreux venu à Lavré implorer sa guérison, demande l’aumône à St Jacut, qui se déleste de tout son argent, et, saisi de pitié, lui prend la main et la baise. Immédiatement, les plaies immondes se cicatrisent. Un autre jour, une pauvre veuve, « devenue aveugle à force de pleurer », se fait conduire dans l’île et se jette aux pieds de St Jacut et Guéthénoc : « à peine le front de cette femme eut-il touché les pieds des saints confesseurs, que ce seul attouchement suffit à lui rendre la vue. » Encore une fois, tous les faits merveilleux relatés dans les vieilles chroniques ne sont peut-être pas à prendre à la lettre. Toujours est-il que la célébrité de St Jacut et son gentil frère grandit de jour en jour. Les caravanes plus ou moins intempestives de pèlerins se succèdent. La vie devient intenable au monastère de St Budoc. Jacut et Guéthénoc, qui, entre-temps ont revêtu la bure monastique, demandent la permission de partir et de s’établir dans quelque ermitage. Le départ a lieu vers 480-490. ( ?) Article n° 10 : Landouar Quelle direction prennent-ils d’abord ? aucun renseignement précis. Dom Lobineau mentionne que « St Jacut et son frère ayant quitté St Budoc pour embrasser la vie érémitique, se retirèrent d’abord dans un lieu fort incommode ». Lequel ? Mystère. Dom Noël Mars (Bénédictin de l’Abbaye de Saint-Jacut, qui au 17ème siècle, a écrit une « Histoire du Royal Monastère de Saint Jacut de l’Isle de la mer), avoue son ignorance. « Or de vous dire maintenant quand St Jagu et St Guéthénoc sortirent de dessous leur maître, ni où ils allèrent premièrement, c’est ce que je n’ai trouvé dans nul auteur. » Peut-être débarquèrent-ils purement et simplement tout de suite à Landouar ou Landouac 4 notre presqu’île. (la deuxième appellation se retrouve dans les manuscrits les plus anciens.) Immédiatement le moine et le missionnaire entrent en action : « Ils construisent un monastère, écrit un vieux biographe, et s’appliquèrent ensemble autant à arracher ces gens de l’erreur, qu’à guérir les maux dont ils étaient accablés. » Peu à peu, sous leur direction, les champs cultivés remplacent bois et landes en friche. Exemple et enseignement gagnent des disciples. Insensiblement, l’ermitage se transforme en monastère. Parmi ces disciples, il n’y a pas que des gens du pays. L’émigration continue. Sur toute la côte abordent des barques, chargées de moines, de guerriers, de femmes et d’enfants. Les civils se joignent à la population, les religieux gagnent le monastère. Très vite, comme à Lavré, les miracles foisonnent à Landoac. Les deux saints auraient même joui un jour du don de bilocation, si l’on en croit les vieux hagiographes : « Un jour donc, que la tempête faisait rage et que les malheureux matelots se débattaient contre une mort imminente, il leur vint à la pensée, connaissant la sainteté de St Jacut et de son frère, d’invoquer le secours de ces serviteurs de Dieu. Or, chose merveilleuse, voici qu’au même instant, les deux frères apparaissent soudain, l’un à la proue, l’autre à la poupe de la barque. Ils rassurent de quelques mots les marins et conduisent leur bateau à bon port… » Article n° 11 : Dernières années Le monastère devient si florissant qu’il doit essaimer. Guéthénoc se sépare de son frère et part fonder un autre établissement, probablement dans le Finistère, dans les environs de Châteaulin. Peut-être, Sainte Blanche 6 est-elle venue rejoindre son fils à Landouar, comme semble l’indiquer le culte rendu de temps immémorial à cette sainte, dans la région de St Cast. De vieux auteurs parlent de relations cordiales entre St Jacut et le roi Gradlon. Légende probablement, provenant d’une confusion avec St Gwénolé. Si le monastère bénéficia de donations dès le début, ce fut de la part de quelque chef Breton régnant sur la Domnonée, Riwall probablement. Quelle année St Jacut est-il mort ? Impossible de le savoir exactement. « Après que St Jagu eut administré un long temps son monastère, plein de jours et de mérites, il rendit l’âme à son Créateur, le 8 ème de Février, dans la première moitié du 6ème siècle, car l’on ignore la date exacte de sa mort. » (Dom Noël Mars) Article n° 12 : Culte de St Jacut Les documents sur l’Abbaye de St Jacut sont d’une rareté extrême : toutes les archives ont été éparpillées ou détruites au moment de la Révolution. Sur la période antérieure à l’invasion des Normands, ils manquent complètement. Comme d’habitude, les vieux chroniqueurs relatent seulement un tas de miracles extraordinaires. En voici un, relevé dans un vieux manuscrit : « il existait alors aux environs de Landouac, un misérable, affligé d’une déformation du visage si extraordinaire et ne même temps si affreuse, qu’elle le rendait un objets d’horreur pour tous ceux qui l’approchaient. Elle lui interdisait presque l’usage des aliments et celui de la parole. Ce malheureux vint en pèlerinage au tombeau de St Jacut, dans l’espoir d’y trouver remède à son infirmité. Arrivé au monastère, on le laisse entrer dans l’église. Il est même autorisé à y passer la nuit. Il ne lasse pas d’aller d’un autel à l’autre, implorant tantôt St Jacut, tantôt St Ghéténoc. Voici qu’il lui semble entendre tout à coup une voix au milieu de la nuit : « Pourquoi courir ainsi d’un autel à l’autre ? lève-toi, va te prosterner à égale distance entre nos deux autels, et là, nous invoquant ensemble, demande nous ce que tu voudras. » Le suppliant ne se fit pas répéter deux fois ce commandement et son empressement et sa foi furent presqu’aussitôt récompensés par une guérison si parfaite qu’il ne paraissait plus la moindre trace de l’infirmité dont il avait souffert. » Et le manuscrit conclut : « Que la sécheresse désolât la terre ou que les pluies torrentielles missent les moissons en péril, que les épidémies décimassent les habitants ou que la mortalité décimât les troupeaux, en présence de l’inondation, comme devant les ravages de l’incendie, les moines de St Jacut ne manquaient jamais de recourir à leur bienheureux Père, et jamais, jusqu’à la funeste invasion des barbares de Scandinavie, la protection de St Jacut ne leur fit défaut. » Article n° 13 : Les Normands Vers la fin du 9ème siècle et au commencement du 10ème surgissent les drakkars normands. Pillages, massacres, incendies, acculent les populations côtières à un nouvel exode. Avec leurs trésors (vases sacrés, reliquaires), les églises et les monastères sont particulièrement visés. Des files de moines chargés de leurs précieuses reliques emboîtent le pas aux caravanes de chariot de paysans. Enveloppées dans une peau de cerf, les reliques de St Jacut quittent Landouar pour une destination inconnue. Article n° 14 : La fontaine de St Jacut. Comme les Saints Guérisseurs de Notre Dame du Haut, à Trédaniel, St Jacut avait sa spécialité : la guérison des possédés et des fous. Il y avait même une cérémonie spéciale, que mentionne Dom Noël Mars, dans son langage pittoresque : « L’on fesoit le temps passé de l’eau forte pour guarir les démoniaques et les fols qui venoient en ce monastère pour être soulagés de leurs misères. Cette eau se fesoit de la sorte : le grand-mestre après avoir célébré la sainte messe pour le patient, venoit accompagné de treize autres à une arcade qu’on croyait avoir été le tombeau du Saint et il bénissoit une eau forte. Après que les démoniaques et fols avoient fait leurs prières à l’église et qu’il s’étoient baignés dans cette eau, ils sortoient sains et gaillards, ce qui duré jusqu’à notre temps. » Dom Noël écrivait au milieu du 17ème siècle, c’était déjà de son temps une vieille tradition : « La manière de faire cette eau, dit-il, est restée gardée dans le monastère et a plus de cent d’écriture. » La fontaine de St Jacut, à l’Abbaye, aujourd’hui comblée, est restée longtemps célèbre. Cette eau et le secret dont parle Dom Noël, font penser à l’eau de Gaël (canton de St Méen), remède infaillible contre la rage, dont composition et bénédiction étaient un secret jalousement gardé par les différents recteurs, secret jamais dévoilé, ni aux rois, ni aux évêques, ni même aux commissaires de la République pendant la Révolution… Article n° 37 : La légende de St Cadreuc. Le pont du Guildo est relativement récent (1864). Il fallait auparavant faire appel aux bons offices d’un passeur. Il y avait une « passagère », petit bateau malpropre et en assez mauvais état, où, à mer haute, s’entassaient gens, bêtes et voitures, mais le passage était défectueux, peu régulier et présentait souvent des dangers sérieux. A mer basse, il fallait se jucher sur le dos d’un bonhomme, muni de longues bottes, qui moyennant deux sous, vous transportait d’une rive à l’autre. Au moment de la morte-eau, on ne pouvait passer ni en bateau, ni à dos d’homme ; c’était alors, comme on disait : « ni gué ni mé ». Il fallait attendre patiemment un moment favorable. La nuit, c’était bien une autre affaire ; en vain vous appeliez : « hé du bateau ! ». Lorsque vous aviez longtemps crié, une voix se décidait à vous répondre : « Combien y a t-il à gagner ? », sur un mot satisfaisant, on vous disait : « Embarque à la Dinanmase ! » et bientôt le bateau démarrait. A vous de savoir où se trouvait la « Dinanmase » (rocher plat qui servait à l’embarcadère). (selon l’abbé Tréguy) La légende de St Cadreuc rappelle ces temps héroïques. Il y avait une fois un jeune débauché nommé Caradoc (ou Cadreuc). Paresseux, ivrogne, sale, il exerçait le métier de passeur, d’un bord à l’autre de l’Arguenon. Les pèlerins qui se rendaient à St Jacut faisaient souvent appel à ses services, mais il leur fallait une certaine dose de patience et surtout une escarcelle bien garnie pour arriver à bon port. Un jour, un pèlerin vint frapper à sa porte. Encore entre deux vins, comme d’habitude, il ouvre, débraillé, hirsute, tout en déversant des bordées de jurons. « Que veux-tu ? ». – « Aller au monastère de Landouar », répond le pèlerin. – « Si tu as de quoi payer, montre le tout de suite ! ».- « Je n’ai pour bien, reprend le voyageur, que ce manteau usé que je porte ! » Caradoc est sur le point de le rembarrer brutalement, mais l’homme paraît si sincère, il émane de lui un tel rayonnement, une telle sérénité, que le voyou se laisse impressionner. Il pousse le pèlerin dans sa barque et part. Brusquement le vent se lève. Un ouragan épouvantable transforme l’Arguenon en gouffre écumant. Tenace, le passeur qui avait au moins du caractère, jure que rien ne pourra l’empêcher de mener sur l’autre rive le client dont il s’est chargé. Il réussit, débarque le passager et repart à travers la tempête. Il arrive chez lui épuisé et vomissant le sang à pleine bouche. Il meurt. Aussitôt il est saisi par d’immondes esprits, dont les narines lancent des vapeurs ardentes et fétides, et dont les mains brûlent comme du feu. Il les entend rire et s’esbaudir entre eux et se sent transporté au bord d’un fleuve de poix. Un effroyable spectre à tête de mort mène une barque jusqu’à la rive. Ses rames font jaillir une pluie d’étincelles. Comme on allait jeter Caradoc dans la barque, deux vieillards surgissent et empoignent le garçon en disant : « lachez cet homme ! il ne vous appartient pas ! » - « comment ! » répondent les démons, « cet homme a suivi nos lois depuis son enfance, il est à nous ! » - « cet homme est mort en voulant nous sauver. Allez-vous en ! » rétorquent les vieillards (St Jacut et St Guéthénoc), d’un ton sans réplique. A ces mots, les esprits s’enfuient pendant que les deux frères se concertent entre eux : « Il est juste, disent-ils, de le rendre à son corps assez de temps pour qu’il puisse faire pénitence ! ». Immédiatement, le cadavre reprend vie. Bouleversé, Caradoc entre à l’Abbaye de St Jacut et y termine saintement sa vie. Article n° 42 : Pourquoi St Jacut de la mer n’est plus une île. Au temps jadis, St Jacut de la mer était une île et le principal village qui porte le nom de l’Isle, était de tous côtés entouré par l’eau. Quand il faisait mauvais temps, les Jaguens ne pouvaient communiquer avec la terre ferme et ils en étaient bien marris. Un jour que la mer était grosse, un pêcheur de St Jacut essaya d’aller à Trégon, mais il n’y put y réussir, et il ramena son embarcation dans le hâvre. Après l’avoir solidement amarrée, il se disposait à s’en aller, quand il rencontra un bonhomme qui avait la mine d’un ancien pêcheur et qui lui demanda la charité. – « Je ne suis pas riche, répondit le Jaguen, et n’ai pas un brin de pain sez ma, mais si tu veux venir ô ma, tu mangeras des patates. ». Le vieillard accepta et durant trois jours, le Jaguen le traita de son mieux ; au bout de ce temps, l’étranger se disposa à partir et demanda à son hôte combien il lui devait pour l’avoir nourri et couché. – « Je ne vous demande rien, répondit le pêcheur, car vous n’avez pas la mine plus riche que ma et entre pauvres, il faut bien se secourir. » - « Eh bien, mon ami, c’est Dieu qui vous récompensera ! » répondit le vieillard qui n’était autre que St Jacut. Et comme le pêcheur partait pour la pêche, le Saint toucha un de ses filets et lui dit : « Ami, je vous souhaite bonne chance, tâchez de prendre beaucoup de poissons, je reviendrai vous voir ». Le saint disparut et le pêcheur se dirigea vers la mer, en maugréant un peu malgré tout, car on sait qu’il ne faut pas souhaiter bonne chance à ceux qui vont en mer. Pourtant à cette marée, il prit beaucoup de poissons, le lendemain il en prit d’avantage et toutes les fois qu’il sortait, par bon ou mauvais temps, il avait autant de poissons qu’il en pouvait porter. Il était bien content et il devint même l’homme le plus riche du pays, mais il attendait toujours la visite du vieil étranger qui avait promis de venir le voir. Un jour, il le trouva à sa porte ; il fut bien content ; il lui offrit de demeurer toujours avec lui et lui demanda qui il était. Le saint lui raconta sa vie et lui dit que Dieu l’envoyait prêcher la religion aux infidèles. « Vous aurez besoin de grand courage, grand saint, lui répondit le pêcheur, car à coup sûr, vous serez persécuté. » Le lendemain, St Jacut commença ses prédications, mais les habitants ne voulurent pas l’écouter et ils le dénoncèrent auprès du seigneur du pays qui envoya des soldats se saisir de lui. Le saint, en voyant cette troupe de gens armés, voulut s’enfuir, mais comme la mer était haute et entourait l’île, il ne savait comment échapper. Arrivé sur le rivage, il se mit en prière et posant la main sur l’eau, il dit : « Je désire qu’une terre relie cette île au continent ! » Aussitôt, une langue de terrain sembla sortir du fond de la mer et forma une sorte de route sur laquelle le Saint marcha à pied sec. Quand il fut passé sur la terre ferme, il se retourna et dit : « Tant que le monde sera monde, ceci existera. » C’est depuis ce temps-là que la paroisse de St Jacut est devenue une presqu’île. A la vue de ce miracle, les Jaguens cessèrent de persécuter le Saint et quand il mourut, il les avait presque tous convertis à la foi Chrétienne. (Sébillot cité par le ch.Le Masson) En fait, St Jacut a t-il vraiment été une île ? Possible. Mais la dénomination d’Isle qui lui est resté, ne semble pas une preuve : « on trouve parfois la qualification d’île appliquée à des localités comme St Cast, lesquelles ne paraissent pas avoir été séparées de la terre ferme » (Ch.Le Masson) Article n° 45 : St Jacut et les Jaguines. D’après une histoire qu’aimait à raconter la mère Collet8, St Jacut, par ses prédications véhémentes, se mit à dos toutes les Jaguines qui s’ameutèrent un jour contre lui et le jetèrent à la mer. « Si les Jaguines ont un cou si long, disait la mère Collet, c’est qu’après l’avoir jeté dans la mer, elles se penchèrent au sommet de la falaise, pour voir s’il était bien mort. C’est pourquoi leur cou est resté si long… » (D’après Herpin). Sources : études historiques et folkloriques de Saint-Jacut et ses environs (Chanoine Le Masson, Paul Sébillot) Bibliothèque du chanoine Dagorn. Bibliothèque municipale de Dinan : Section Bretonne Nota 1 : Guéthénoc équivalent Breton de Gwézénec ou Guézenec. Nota 2 : Jacut équivalent Breton de Yagu ( d’où Jégu, Jagu, Jigu …) Nota 3 : Lavré ( île Lavré) aujourd’hui Ile Lavrec située dans l’archipel de Bréhat à l’est. Nota 4 : Landouac en Breton ou Gallois : Landouac’h, que les français ne savent prononcer, ni écrire car inconnu dans leur langue romane, Landouar étant plus fidèle à la prononciation. Nota 5 : Cleirvie francisation de Klervi, sœur de Jacut, Gwénolé, Gwézenec Nota 6 : Gwen ou Gwendoline devenue Blanche en français épouse de Fracan. Nota 7 : L’article original date de 1956, cette remarque est à remettre dans son contexte. Nota 8 : La mère Collet née Touzé était gardienne de l’île des Ebihens avec son mari (1870) Son histoire parait extrêmement bizarre et ne coïncide en rien avec les écrits précédents. Nota 9 : Lévèque : abbé Lévèque vicaire de Saint Jacut dépendant du recteur Gourio dans les années 50. L’abbé Lévèque ne disposait au presbytère que d’une pièce mal commode qu’il appelait la Tanière d’où le nom de la revue qu’il créa en 1956. Premières cellules monastiques sur l’Ile Lavrec et à Saint Jacut de la mer (imaginées par Yvtr)