1. Désirer aimer Jésus - Père Dominique AUZENET

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1. Désirer aimer Jésus - Père Dominique AUZENET
Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus — Dix attitudes intérieures 1. Désirer aimer Jésus Le désir est une dimension constitutive de l’être humain. Créés à l’image de Dieu, nous sommes des êtres de relation à la recherche de la vie en abondance, de la plénitude de l’amour. Seul le désir d’aimer peut nous combler pleinement. Pour Thérèse, ce désir a un nom, un visage, une présence : Jésus. « Te plaire est mon unique étude/Et ma béatitude/C’est toi, Jésus » (PN 31, OC, 713). Une lecture attentive de ses écrits montre que ces trois mots, « désirer », « aimer », « Jésus », sont ceux que la jeune carmélite emploie le plus souvent. Pour elle, désirer aimer est la première attitude qui met en route. « C’est l’amour seul qui m’attire » (Ms A, OC, 210). Une femme de désir Thérèse est avant tout une femme de désir qui est habitée par un immense appétit de vivre, ce qui la sauvera de bien des détresses de son enfance, surtout à partir de la mort de sa mère. Cet appétit de la vie fait d’elle une grande amoureuse qui ne vit que par Jésus et pour Jésus. Peu après sa conversion de Noël 1886, où Jésus a changé son cœur, elle sent l’urgence de son désir, comme si elle pressentait qu’il ne lui restait qu’une dizaine d’années à vivre : « Je voulais aimer, aimer Jésus avec passion, lui donner mille marques d’amour pendant que je le pouvais encore » (Ms A, OC, 146). Ravie dès son jeune âge par Jésus, la petite Thérèse désire ce que Dieu veut pour elle en choisissant tout ce qu’il veut. Cet épisode de son enfance où Léonie lui demande de choisir des robes et une poupée dans une corbeille est révélateur. En avançant la main, Thérèse dit spontanément : « Je choisis tout » (Ms A, OC, 84). Tel sera le leitmotiv de sa vie, choisir tout ce que Dieu veut, c’est-­‐à-­‐dire désirer l’amour, un amour de communion scellé au mystère le plus intime de son être de solitude. Plus tard, alors qu’elle est postulante au carmel, l’amour de Dieu s’éclipse dans son âme. Jésus semble dormir. Elle expérimente l’absence de Dieu, le désert intérieur, ce que la mystique béguine Hadewijch d’Anvers appelait : « la famine d’amour ». Mais plus Jésus se cache, plus son amour grandit. La sécheresse de sa prière et les « piqûres d’épingles » de la vie communautaire n’altèrent pas la fougue de sa jeunesse et la volonté d’aimer Jésus par-­‐dessus tout : « Je voudrais tant l’aimer ! L’aimer plus qu’il n’a jamais été aimé ! Mon seul désir est de faire toujours la volonté de Jésus » (LT 74, OC, 370). Thérèse est convaincue que seul Jésus peut vraiment combler son désir d’aimer et d’être aimée. En juillet 1890, alors qu’elle a dix-­‐sept ans, elle écrit à sa cousine Marie Guérin, qui a vingt ans et qui entrera au 1 carmel cinq ans plus tard, une magnifique lettre où elle livre le sens profond de sa vocation, le désir secret de son être : « Parfois je cherche un autre mot pour exprimer l’amour, mais sur la terre d’exil les paroles sont impuissantes à rendre toutes les vibrations de l’âme, aussi il faut s’en tenir à ce mot unique : « Aimer ! » Mais à qui notre pauvre cœur affamé d’Amour le prodiguera-­‐t-­‐il ?… Ah ! qui sera assez grand pour cela… un être humain pourra-­‐t-­‐il le comprendre… et surtout saura-­‐t-­‐il le rendre ?…. Marie, il n’y a qu’un être qui puisse comprendre la profondeur de ce mot : Aimer !… Il n’y a que notre Jésus qui sache nous rendre infiniment plus que nous lui donnons… » (LT 109, OC, 415) Ce désir d’aimer vient de Dieu, et elle sait que lui seul peut le combler : « Jamais le Bon Dieu ne donne des désirs qu’il ne puisse réaliser » (LT 197, OC, 553). Ce désir s’actualise dans l’amour de Jésus. À vingt-­‐deux ans, alors qu’elle chante les miséricordes du Seigneur dans le Manuscrit A, elle écrit : « Ah ! combien de sujets n’ai-­‐je pas de remercier Jésus qui sut combler tous mes désirs !… Maintenant, je n’ai plus aucun désir, si ce n’est celui d’aimer Jésus à la folie » (Ms A, OC, 209-­‐210). Elle reprend ce cri d’amoureuse passionnée dans le poème Jésus Seul, composé le 15 août 1896, alors qu’elle est déjà atteinte de tuberculose : « Mon cœur ardent veut se donner sans cesse Il a besoin de prouver sa tendresse Ah ! qui pourra comprendre mon amour ? Quel cœur voudra me payer de retour ?… Mais ce retour, en vain je le réclame Jésus, toi seul peux contenter mon âme Rien ne saurait me charmer ici-­‐bas Le vrai bonheur ne s’y rencontre pas… » (PN 36, OC, 720) Des désirs immenses Le désir est vu dans certaines traditions religieuses comme la cause de la souffrance. Dans le christianisme, il est œuvre d’amour, illustré par le corps offert du Christ en croix. La mystique chrétienne est fondamentalement une mystique du désir de Dieu révélé en Jésus mort et ressuscité. L’image de Jésus donnant librement sa vie par amour nous montre à quel point Dieu n’a que des désirs pour nous. Thérèse saisit un de ces grands désirs de Dieu qui est de se laisser aimer par son cœur de Père, aussi s’offre-­‐t-­‐elle comme victime d’holocauste à son amour miséricordieux le 9 juin 1895 : « Mon Époux Bien-­‐Aimé, aux jours de sa vie mortelle, nous a dit : « Tout ce que vous demanderez à mon Père, en mon nom, il vous le donnera ! ». Je suis donc certaine que vous exaucerez mes désirs, je le sais, ô mon Dieu ! (plus vous voulez donner, plus vous vous faites désirer). Je sens en mon cœur des désirs immenses, et c’est avec confiance que je vous demande de venir prendre possession de mon âme. » (Pri 6, OC, 963). Au lieu de désirs immenses, Thérèse avait écrit : « désirs infinis », mais le supérieur du père Armand Lemonnier, à qui mère Agnès avait demandé d’examiner le texte, change cette expression. Pourtant, Thérèse avait bien raison. Elle avait déjà écrit, en mai 1890 : « Ah ! Céline, nos désirs infinis ne sont donc ni des rêves ni des chimères, puisque Jésus nous a lui-­‐même fait ce commandement » (LT 107, OC, 411). Thérèse ouvre son désir humain à l’infini du désir divin. Elle ne réduit pas Dieu, elle s’élève jusqu’à lui. Il n’y a plus aucune mesure lorsqu’on ajuste nos désirs à l’amour infini de Dieu. « La mesure d’aimer Dieu, c’est de l’aimer sans mesure », disait saint Bernard. C’est ainsi que les désirs de Thérèse semblent plus grands que l’Univers. En septembre 1896, elle écrit : « Je me sens la vocation de Guerrier, de Prêtre, d’Apôtre, de Docteur, de Martyr… Ô Jésus ! mon amour, ma vie… comment allier ces contrastes ? Comment réaliser les désirs dans ma pauvre petite âme ?… Ah ! malgré ma petitesse, je voudrais éclairer les âmes comme les Prophètes, les Docteurs… » (Ms B, OC, 224) La réponse vient de saint Paul, dans sa première lettre aux Corinthiens (chapitres 12 et 13). L’Église y est décrite comme un corps, chacun des membres ayant sa fonction, sa place, son importance. Comme Thérèse ne se reconnaît dans aucun membre de ce corps, elle en sera le cœur. Être le cœur de l’Église pour être l’amour qui fait vivre l’Église. Si le cœur ou l’amour vient à manquer, les apôtres, prêtres, docteurs, martyrs ne pourront pas agir. « Je compris que l’Amour renfermait toutes les Vocations, que l’Amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux… en un mot qu’il est Éternel !… Alors dans l’excès de ma joie délirante je me suis écriée : Ô jésus mon Amour… ma vocation enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour !… Oui, j’ai trouvé ma place dans l’Église et cette place, ô mon Dieu, c’est vous qui me l’avez donnée… dans le Cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’Amour… ainsi je serai tout… ainsi mon rêve sera réalisé !!!… » (Ms B, OC, 226) Ces désirs qui la font souffrir se résument en un seul : « le pur amour » (Ms B, OC, 229). Ce pur amour, ce n’est qu’en Jésus qu’elle peut le vivre, dans 2 l’espérance de le voir un jour face à face : « Jésus, Jésus, s’il est délicieux le désir de t’aimer, qu’est-­‐ce donc de posséder, de jouir de l’Amour ? » (Ms B, OC, 229). Que de chercheurs d’absolu cherchent aujourd’hui à jouir de cet amour divin ! Libérer son désir profond Le Dieu Père révélé par Jésus veut que nous rayonnions de son amour, comme la lumière aurorale traverse les vitraux d’une cathédrale. Il nous confie la révélation de son amour infini pour que nous le donnions au monde. Thérèse a bien compris cette mission lorsqu’elle s’écrie dans la joie que sa vocation, c’est l’amour, et qu’elle sera l’Amour au cœur de l’Église, réalisant ainsi son rêve, son désir profond. En découvrant ce désir profond qui l’anime, la jeune carmélite l’accueille au secret de son être et le déploie en toute liberté. Elle approfondit l’immensité de son désir en voulant mourir d’amour. Le 9 juin 1897, soit deux ans après son Offrande à l’Amour miséricordieux et quatre mois avant sa mort, elle écrit : « Il me semble maintenant que rien ne m’empêche de m’envoler, car je n’ai plus de grands désirs si ce n’est celui d’aimer jusqu’à mourir d’amour » (Ms C, OC, 244). Thérèse libère son désir profond au moment où elle se trouve dans l’épreuve de la nuit de la foi et de l’espérance, alors qu’un mur « s’élève jusqu’aux cieux et couvre le firmament étoilé » (Ms C, OC, 244). L’épreuve du néant purifie son désir et lui « enlève tout ce qui aurait pu se trouver de satisfaction naturelle dans le désir [qu’elle avait] du Ciel » (Ms C, OC, 244). La croix creuse en elle un manque qui intensifie son désir de s’identifier à Jésus crucifié. Guidée par ce désir sans remède, elle se laisse consumer d’amour en toute confiance. Libérer son désir en se consumant d’amour, voilà ce que l’Évangile lui demande, cette bonne nouvelle qui est pour elle source de joie profonde. Le désir d’aimer Jésus est le noyau profond de son être, le lieu sacré où Dieu demeure, même lorsque tout semble mourir en elle. C’est là qu’un feu secret la consume de nuit, un désir brûlant d’aimer, une volonté de posséder l’amour et de se laisser posséder par lui gratuitement : « Ô Jésus ! mon premier, mon seul Ami, toi que j’aime UNIQUEMENT, dis-­‐moi quel est ce mystère ? » (Ms B, OC, 229). Aussi se demande-­‐t -­‐elle : « Comment une âme aussi imparfaite que la mienne peut-­‐elle aspirer à posséder la plénitude de l’Amour ? » (Ms B, OC, 229). Elle y répond par le poème Ma Joie ! Longtemps encore je veux bien vivre Seigneur, si c’est là ton désir Dans le Ciel je voudrais te suivre Si cela te faisait plaisir. L’amour, ce feu de la Patrie Ne cesse de me consumer Que me font la mort ou la vie ? Jésus, ma joie, c’est de t’aimer ! (PN 45, OC, 734) Une attitude de la « petite voie » Quand on découvre la vie de Thérèse, on se rend bien compte qu’il s’agit d’une succession de désirs auxquels Jésus ne résiste pas. Les désirs de Thérèse sont toujours comblés : la conversion de Pranzini, devenir une sainte, l’entrée au carmel à quinze ans, Céline qui l’y rejoint, avoir des frères missionnaires (les abbés Bellière et Roulland). « Ah ! pardonne-­‐moi Jésus, si je déraisonne en voulant redire mes désirs, mes espérances qui touchent à l’infini, pardonne-­‐moi et guéris mon âme en lui donnant ce qu’elle espère ! » (Ms B, OC, 224) Le désir chez Thérèse relève d’une attitude fondamentale de sa « petite voie » : le Seigneur fait toujours désirer ce qu’il veut donner. « Le Seigneur est si bon pour moi qu’il m’est impossible de le craindre. Toujours il m’a donné ce que j’ai désiré, ou plutôt Il m’a fait désirer ce qu’lI voulait me donner. Ainsi peu de temps avant que mon épreuve contre la foi commence, je me disais : « Vraiment je n’ai pas de grandes épreuves extérieures et pour en avoir d’intérieures, il faudrait que le bon Dieu change ma voie. Je ne crois pas qu’il le fasse, pourtant je ne puis toujours vivre ainsi dans le repos » (Ms C, OC, 277). Thérèse indique ici que l’important dans la vie, c’est ce que l’on désire intérieurement, puis il suffit d’accueillir ce désir profond comme un don de Dieu. Dans ses Confessions, saint Augustin montre que le désir rend capable d’accueillir ce que Dieu s’apprête à nous donner. Nous pourrons mieux recevoir ce qu’il nous donne si nous y croyons avec plus d’ardeur et de foi. Pour Thérèse, ce don de Dieu, c’est l’amour. Elle croit à l’amour parce qu’elle se sent aimée de Dieu. Elle n’a pas besoin de vouloir être la meilleure ou la première pour posséder cet amour en faisant quelque chose d’utile et de prestigieux. Ainsi peut-­‐elle réaliser son désir d’être sainte : « J’ai toujours désiré être une sainte » (Ms C, OC, 237). Désirer être une sainte, c’est désirer aimer en devenant pleinement soi-­‐même. Elle ne renoncera jamais à ce désir de sainteté. En digne fille de saint Jean de la Croix, Thérèse retient la primauté de l’amour sur tout le reste. Elle relate un verset du Cantique spirituel du poète : « La maladie de l’amour ne se guérit que par l’amour » (LT 109, OC, 415). On retrouve chez ces deux saints les mêmes thèmes qui vont caractériser leur spiritualité : la grandeur de l’humilité, Dieu qui a soif d’être aimé, la vie d’oraison, la valeur purificatrice de la souffrance liée à l’amour, la charité fraternelle, l’importance de ne s’appuyer que sur Dieu, la volonté de n’être rien 3 pour laisser la place au Tout, le combat spirituel, la nuit de la foi, l’union transformante de l’âme en Dieu, la brûlure d’amour de l’Esprit Saint. Quiconque désire des révélations extraordinaires n’est pas dans l’esprit de la « petite voie » thérésienne. Pour Thérèse, le désir d’aimer ne se manifeste pas dans les grands sacrifices ou dans les extases, mais au jour le jour, par les moyens ordinaires qui favorisent l’exercice de la charité fraternelle comme le sourire, les petits services, la bonne volonté, l’acceptation de son imperfection. On se glorifie en Dieu présent dans les petites choses du quotidien, où se vivent la charité, l’humilité, la joie, la confiance en sa miséricorde. Désirer faire aimer Jésus après la mort Le Ciel en tant que refuge n’a aucun attrait pour Thérèse s’il n’est pas le lieu du désir, l’endroit où elle pourra le mieux exercer sa mission de faire aimer l’Amour. Le 24 février 1897, elle écrit à l’abbé Bellière : « Je désirerai au Ciel la même chose que sur la terre : Aimer Jésus et le faire aimer » (LT 220, OC, 576). Cette lettre contient une étonnante demande de la carmélite, un désir profond qui oriente sa mission posthume qu’elle pressent dans sa nuit. Alors qu’elle a accepté avec amour l’épreuve contre la foi, commencée le 5 avril 1896, alors qu’elle sent qu’elle va mourir, elle demande à l’abbé Bellière de prier pour elle tous les jours, et surtout après sa mort, afin qu’elle puisse continuer à faire aimer Jésus, à passer « son ciel à faire du bien sur la terre » (DE, OC, 1050), selon l’expression rapportée par mère Agnès. Voici cette belle prière trinitaire où Thérèse demande à l’abbé Bellière, et à nous aussi, de prier pour elle, prière missionnaire « qui renferme tous ses désirs » : « Père miséricordieux, au nom de notre Doux Jésus, de la Vierge Marie et des Saints, je vous demande d’embraser ma sœur de votre Esprit d’Amour et de lui accorder la grâce de vous faire beaucoup aimer » (LT 220, OC, 576). Le désir d’aimer se manifeste donc pour elle par le pouvoir de faire aimer l’Amour après sa mort. Tel est son désir qui embrasse l’éternité. Elle voulait sur terre travailler au salut des âmes, elle le fera aussi au ciel, surtout qu’elle connaît, par son épreuve du néant, la détresse des âmes, ses frères, qui n’ont pas la foi. Elle en avait déjà parlé au père Roulland, le 23 juin 1896 : « Je serai vraiment heureuse de travailler avec vous au salut des âmes ; c’est dans ce but que je me suis faite carmélite ; ne pouvant être missionnaire d’action, j’ai voulu l’être par amour et la pénitence comme Sainte Thérèse ma séraphique Mère… Je vous en supplie, mon Révérend Père, demandez pour moi à Jésus, le jour qu’il daignera pour la première fois descendre du Ciel à votre voix, demandez-­‐Lui de m’embraser du feu de son Amour, afin que je puisse ensuite vous aider à l’allumer dans les cœurs. » (LT 189, OC, 537-­‐538). C'est ce qu’elle fait actuellement dans la beauté du royaume de Dieu. Elle est dans la pleine possession de l’amour du Dieu-­‐Trinité et elle désire que nous soyons dans cet amour. Aussi passe-­‐t-­‐elle son ciel à nous accompagner dans notre quête de Dieu. Elle l’a promis au père Roulland et elle tient toujours ses promesses, puisque Dieu réalise ses désirs. Ainsi en est-­‐il de son amour pour chacun et chacune de nous. « Votre petite sœur tiendra ses promesses, et qu’avec bonheur son âme, délivrée du poids de l’enveloppe mortelle, volera vers les lointaines régions que vous évangélisez. Ah ! mon frère, je le sens, je vous serai bien plus utile au Ciel que sur la terre » (LT 254, OC, 609). Elle peut ainsi nous aider plus efficacement et nous exaucer sur la terre. C’est encore sa façon de « jeter des fleurs » ou d’envoyer une pluie de roses, symbole de l’action de Dieu, qu’elle répand depuis plus d’un siècle sur les cinq continents. C’est toujours l’amour qui la guide ; aimer et être aimée au ciel en ne s’éloignant pas de la terre. « Vous n’aurez pas le temps de m’envoyer vos commissions pour le Ciel, mais je les devine ; et puis vous n’aurez qu’à me les dire tout bas, je vous entendrai et porterai fidèlement vos messages au Seigneur, à Notre Mère Immaculée, aux Anges, aux Saints que vous aimez » (LT 254, OC, 610). Aujourd’hui plus que jamais, bien des gens cherchent un sens à leur vie. Thérèse sait par expérience que le désir d’aimer est le seul qui comble vraiment. Pour elle, vivre, c’est aimer en se laissant envahir par l’amour du Dieu-­‐Trinité. Elle unifie tout dans ce « vivre d’amour », selon le titre d’un de ses poèmes. Son existence fulgurante nous révèle que l’amour n’est pas d’avoir mais d’être, qu’il ne s’agit pas d’entrer en compétition les uns contre les autres, mais d’accueillir le désir d’aimer. Nous nous plaçons ainsi dans l’ordre du désir profond qui fait vivre. À sa manière toute simple, Thérèse nous pose des questions essentielles : quel est ton désir ? Quelle est ta soif ? Qu’est-­‐ce qui te fait vivre ? Qu’est-­‐ce que tu voudrais être ? Qui cherches-­‐tu ? Pour elle, la réponse a un nom : Jésus. « Être avec vous, être en vous, voilà mon unique désir… cette assurance que vous me donnez de sa réalisation me fait supporter l’exil en attendant le radieux jour du Face-­‐à-­‐Face éternel » (Pri 17, OC, 973). 4 Prière de Thérèse Pour l’abbé Bellière « Ô mon Jésus ! je vous remercie de combler un de mes plus grands désirs, celui d’avoir un frère, prêtre et apôtre… Je vous demande, ô mon Dieu ! de ne pas regarder ce que je suis, mais ce que je devrais et voudrais être, c’est-­‐à-­‐dire une religieuse tout embrasée de votre amour. Vous le savez, Seigneur, mon unique ambition est de vous faire connaître et aimer, maintenant mon désir sera réalisé. » (Pri 8, OC, 966) Jacques Gauthier, Dix attitudes intérieures. La spiritualité de Thérèse de Lisieux, Novalis/Cerf, 2013, pp. 17-­‐30.