Language of New Media

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Language of New Media
Language of New Media
de Lev Manovich
Commentaire de texte//
Maria María Beltrán
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Lev Manovich.
Cet ouvrage est dédié aux nouveux médias : leur origine et
leurs principes de fonctionnement.
C’est une analyse historique et théorique de l’avènement
de ce qu’on peut appeler la « révolution numérique ».
Tout d’abord, Manovich essaie de définir la notion
de nouveau média en considérant que ça concerne non
seulement les médias exposés et distribués grâce à un ordinateur mais aussi les médias qui on été produits et stockés par le même. Ensuite, pour expliquer d’où viennent les
nouveaux médias il retrace historiquement deux inventions
qui en sont à l’origine. Il s’agit du daguerrotype en 1839
et de l’Engin Analytique de Charles Babbage en 1833. Le
premier est donc un appareil pour figer le réel en image, et
le deuxième est une machine pour stocker des données et
entrer des instructions telles que des opérations mathématiques de tout genre. Ce qui est intéressant est de voir que
les deux commencent au même moment et que leur trajectoire évolue parallèlement. Manovich explique d’ailleurs
ceci par le fait que les deux inventions étaient nécessaires à
la société de masse moderne : disperser des textes, imag-
es et sons partout était
tout aussi essentiel que
de garder en mémoire
les données concernant
la population. C’étaient
donc deux technologies
complémentaires
qui se sont développées
chacune de son côté
pour « rendre la société
Daguerrotype.
de l’époque possible ».
L’historique continue avec le cinématographe comme la suite du
daguerrotype en tant qu’image en mouvement. De l’autre côté
l’Engin Analytique évolue en tabulateur (Herman Hollerith), lui à
l’origine de IBM. Les deux trajectoires se croisent enfin vers le
début-moitié du XXème siècle et arrivent alors les premiers ordinateurs. Tous les graphismes, images en mouvement,
sons, formes et textes deviennent « computables ». Plus
important : cette convergence transforme l’identité
aussi bien des médias que
de l’ordinateur. Ce dernier
devient un processeur de
médias, qui, eux, deviennent
Engin Analytique.
des données numériques.
Manovich s’intéresse ensuite aux principes de fonctionnement de ces nouveaux médias. En analysant les conséquences
sur les médias de ce statut de « nouveau », il suggère cinq caractéristiques : représentation numérique, modularité, automation,
variabilité et transcodage. La première suggère que tout objet
média est programmable donc peut être manipulé par des algorithmes. Les données (donc les médias) sont prélevées et
quantifiées ; cette digitalisation transforme les médias qui étaient
continus en données discrètes (qui peuvent seulement prendre
certaines valeurs). On peut ici parler de fragmentation tel que le
fait Marshall McLuhan dans son interview pour Playboy. Dans
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ce cas-ci, la plupart des médias (« anciens » et nouveaux)
sont constitués ou fragmentés en éléments discrets. Les
textes formés de phrases, les phrases de lettres… C’est
d’ailleurs la création de l’alphabet qui pour McLuhan constitue le début de la fragmentation de la société. En allant
plus loin, l’arrivée de la production en chaîne ou Fordisme
qui d’une part crée la standardisation et qui d’autre part divise le processus de fabrication : Manovich suggère, tout
autant que Mc Luhan, que les anciens médias ou médias de
masse subissent cette standardisation et division de tâches. L’imprimé est ainsi pour McLuhan une façon de standardiser, et pour Manovich plusieurs médias aussi bien des
textes que des films Hollywoodiens suivent cette ègle. En
revanche les nouveaux médias suivent plutôt une logique
de société post-industrielle : customisation au lieu de standardisation de masse. Ceci nous mène au deuxième principe
: la modularité. Les nouveaux médias se composent donc
d’éléments discrets. La modularité est dans le fait que ceuxci sont indépendants et peuvent être modifiés, supprimés et
remplacés sans détruire leur contenant. Le troisième principe est l’automation : l’ordinateur accomplit des opérations
liées aussi bien à la création et manipulation des médias
qu’à l’accès à l’information, sans une intervention directe
de l’utilisateur. De même Manovich identifie le principe de
variabilité des objets médias. Ces derniers ne sont évidemment pas fixés ni dans leur contenu ni dans leur distribution.
Ils peuvent au contraire exister en versions multiples et/ou
varier au cours du temps. Enfin, et plus relevant, le principe
de transcodage. En partant sur le fait que la digitalisation
transforme les médias en données, alors les médias ont
aussi bien une organisation « classique » et compréhensible
aux utilisateurs (images, textes faits de phrases…) qu’une
organisation propre à celle des données d’ordinateur (listes,
enregistrements, alignements). Il y a ainsi une « couche ordinateur » (computer layer) et une couche culturelle (culture
layer) qui s’influencent mutuellement et qui créent une nouvelle culture de l’ordinateur. Ainsi la société actuelle est un
mélange entre la culture humaine avec ses manières tradi-
tionnelles et la façon de la représenter avec les modes propres
à un ordinateur.
L’ouvrage est ainsi une reconstruction assez claire
et rigoureuse de l’histoire des médias et nouveaux médias.
Manovich décrit précisément les différences entre les deux
et surtout leur lien et impact au niveau culturel. On associe
évidemment la vision de Mc Luhan selon laquelle les médias
façonnent la société, mais ici on comprend qu’il s’agit d’une
influence réciproque entre modes culturels traditionnels et
principes liés à l’ordinateur. On reconnaît à la fois cette nouvelle
société qui est la notre, régie par les ordinateurs ainsi que d’où
elle vient et combien et comment elle constitue une évolution
dans le temps de notre culture. Bien que l’on pourrait reprocher à Manovich de s’intéresser et de mettre en avant certains moyens de communication (cinéma, jeux vidéos) plutôt
que d’autres, ce texte est une contribution riche et originale
dans laquelle il adopte une approche généalogique et interdisciplinaire pour comprendre les enjeux actuels. Les liens directs
avec des thèses précédentes comme celles de Mc Luhan nous
montrent à quel point notre culture actuelle suit une certaine
logique, et combien elle est liée à son histoire. Ceci nous fait réfléchir à la possibilité de nouvelles formes d’affichage, de traitement des médias qui soient plus propres à l’ordinateur. On se
demande donc à la suite de ce parcours. Parce qu’on retrouve
toujours la tendance de retranscrire ce que l’on connaît dans
le réel dans le virtuel, et on cherche des références culturelles
pour faire comprendre et montrer des informations à travers les
ordinateurs. Comment imaginer ces nouvelles façons, propres
à notre culture de l’ordinateur ? Sont-elles détachées de toute
référence culturelle connue ?

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