Jalabert rattrapé par son ombre

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Jalabert rattrapé par son ombre
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MARDI 25 JUIN 2013
CYCLISME
Jalabert rattrapé
par son ombre
La commission d’enquête sénatoriale a rassemblé les éléments
qui prouvent que le champion français était positif à l’EPO
lors du Tour de France 1998.
DES TRACES D’EPO synthétique
ont été retrouvées dans les urines
de Laurent Jalabert prélevées le
22 juillet 1998 à l’issue de la
11e étape du Tour de France reliant
Luchon au plateau de Beille (remportée par Marco Pantani). L’information ana lytiq ue , q ue
L’Équipe est en mesure de divulguer aujourd’hui, est consécutive
au même genre de tests qui ont
confondu inéluctablement Lance
Armstrong dans ces colonnes, le
23 août 2005. Il s’agit d’analyses
effectuées par le laboratoire de
Châtenay-Malabry (LNDD), devenu aujourd’hui département
Analyses de l’Agence française
de lutte contre le dopage (AFLD),
dans le but d’assurer la robustesse de la méthode de détection
urinaire de l’EPO.
À cette époque, les travaux ont
été pratiqués de manière strictement anonyme. Cependant, la
commission d’enquête sénatoriale, mise en place le 14 mars
dernier afin de réaliser un audit
sur l’efficacité de la lutte antidopage en France, a récemment récupéré auprès du ministère des
Sports et autres autorités concernées les procès-verbaux nominatifs lui permettant d’identifier
les coureurs prélevés. Bien dans
le ton de ce que fut ce Tour des
garde à vue et des descentes de
police, la quasi-totalité des
échantillons de 1998 réanalysés
par le laboratoire francilien se
sont avérés positifs à l’EPO en
2004 (1), ce qui s’explique par le
fait que les coureurs ne risquaient
rien en la circonstance puisque
cette substance était alors indétectable (2).
Parmi les échantillons souillés
figure donc un prélèvement appartenant à Laurent Jalabert, qui
courait sous les couleurs et les directives de la ONCE et de Manolo
Saiz, manager espagnol sulfureux impliqué puis blanchi lors
du récent procès Puerto.
Selon nos informations, le seuil
de 94,8 % d’isoformes basiques a
été atteint lors de l’analyse de
l’échantillon du Français, alors
que le seuil de positivité exigé par
les standards de l’Agence mondiale antidopage (AMA) était de
85 % à l’époque des réanalyses.
La positivité du natif de Mazamet
est donc indiscutable. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un contrôle antidopage. Donc, à l’instar
des échantillons de Lance Armstrong, cette analyse n’a en aucun
cas de portée disciplinaire, a fortiori quinze ans après les faits. Jalabert ne risque aucune sanction
rétroactive.
« ON ÉTAIT SOIGNÉS,
MAIS ÉTAIT-ON
DOPÉS ?
JE NE LE CROIS PAS »
Au pire, ce qui semble hautement
improbable, aurait-il pu risquer
d’être poursuivi pénalement par
le Sénat, puisque lors de son
audition, le 15 mai dernier, l’ancien sélectionneur de l’équipe de
France masculine (2009-2013)
s’est refusé à toute forme d’aveux
concernant un dopage volontaire,
alors qu’il déposait sous serment.
Questionné durant plus d’une
heure par les sénateurs et leur
rapporteur, Jean-Jacques Lozach
(Creuse), lesquels ont effectué un
excellent travail de profondeur
sur la problématique en recevant
84 personnes en quatre mois
dans les murs du pa lais du
Luxembourg, Laurent Jalabert,
gravement accidenté le 11 mars
dernier lors d’une sortie d’entraînement, n’a pour autant pas réellement menti, ce qui aurait pu lui
valoir une sanction pénale.
Alors que dans son propos liminaire, Jean-Jacques Lozach,
sénateur de la Creuse, très fairplay, lui rappelait que la commission d’enquête avait récupéré
l’ensemble des procès-verbaux
nominatifs du Tour 98 et les résultats des analyses, et qu’en
conséquence elle était en mesure
d’établir les rapprochements et
d’identifier les positifs, Jalabert a
opté pour une défense plutôt sibylline, assez proche de celle de
Richard Virenque, auditionné le
même jour devant le Sénat : « J’ai
fait usage de produits quand cela
était nécessaire, pour des lésions
avérées, avec des autorisations.
Des corticoïdes pouvaient être
administrés pour soigner certaines pathologies. Je ne peux pas
dire avec fermeté que je n’ai jamais rien pris d’illicite. Mais je
Un champion de son époque
Laurent Jalabert incarne la dernière grosse pointure du cyclisme français.
S’IL N’EST PAS l’égal de Bernard
Hinault ou Laurent Fignon, loin
s’en faut si l’on en juge par
l’épaisseur du palmarès où le
Tour lui a de toute façon fait défaut, Laurent Jalabert a pourtant
laissé sa trace. Avant et pendant
Lance Armstrong, il y avait eu, en
France, les années Jalabert.
Même s’il dut longtemps composer en termes de popularité avec
Richard Virenque, qui rassemblait derrière lui la frange du public la plus exaltée. Pendant que
Virenque caracolait sur le Tour,
Laurent Jalabert occupa durant
157 semaines, de l’automne 1995
à la fin de saison 1998, puis encore en 1999, le rang de numéro 1
mondial et c’est à ce titre qu’il est
resté comme la dernière référence du cyclisme français. Pour
autant, où fallait-il classer Jalabert? Parmi les meilleurs de son
époque, c’est un fait, au moment
où Johan Museeuw et Michele
Bartoli régnaient sur les classiques, tandis que sur le Tour, il ne
fallait pas trop rêver quand
même, y compris quand le quinquennat Indurain s’acheva.
UN PROFIL
À LA SEAN KELLY
Mais c’était inévitable, les médias, et Manolo Saiz plus encore,
se mirent à rêver pour lui de ce
Tour où il avait certes connu quelques coups d’éclat, mais aussi un
gros coup dur, avec la terrible
chute d’Armentières (1994). Pouvait-il le gagner ? Lui-même
n’en fut jamais vraiment persuadé, et il resta d’ailleurs au pied
du podium (4e) lors de sa grande
année 1995, celle où il enchaîna
victorieusement Paris-Nice, Milan-San Remo, le Critérium International, la Flèche Wallonne, le
maillot jaune un court moment,
le vert sur les Champs-Élysées,
mais aussi le 14 juillet à Mende et
la Vuelta en apothéose… « J’avais
l’impression d’être presque invincible », confia-t-il à propos de
ce temps-là. En vérité, Laurent
Jalabert évoquait fortement Sean
Kelly, car les classiques auraient
dû être son domaine de prédilection. Milan-San Remo, le Tour de
Lombardie, un doublé à la Flèche
Wallonne, c’était presque un peu
court, finalement, pour un coureur de son espèce mais, comme
il le disait, « la ONCE avait la culture des courses par étapes ».Il en
gagna donc des tonnes, mais le
Tour le taraudait et on le tannait
avec le Tour. Il portait le maillot
tricolore en juillet 1998, pourtant
la ONCE réussit à le fâcher avec la
France en quittant l’épreuve avec
fracas en plein scandale de l’affaire Festina. C’est avec Manolo
Saiz qu’il vécut les grandes heures de sa carrière (1992 à 2000),
puis avec Bjarne Riis (CSC lors de
ses dernières saisons en 2001 et
2002) qu’il trouva la vraie popularité en se lâchant complètement dans un style résolument
offensif. Cela lui rapporta deux
maillots de meilleur grimpeur
venus récompenser surtout sa
combativité, son inspiration et le
rembourser de ses frustrations
sur le Tour. C’est pour l’ensemble
de sa carrière et cette sortie réussie que Laurent Jalabert devint
une référence incontournable. Au
micro. À la tête de l’équipe de
France dont il a quitté le poste de
sélectionneur. Sa légitimité, à tout
le moins ses compétences,
étaient difficilement contestables,
même si, en filigrane, le spectre
du passé lui courait toujours
après. Certains réclamaient des
aveux, en vertu de ses appartenances anciennes et pour tout
dire très douteuses. Mais comment aurait-il pu échapper à son
époque ?
PHILIPPE BOUVET
LES SÉLECTIONS POUR LE TOUR
EUROPCAR AU COMPLET. – Cinq coureurs étaient déjà connus : David Veilleux (CAN),
Pierre Rolland, Thomas Voeckler, Cyril Gautier et Yukiya Arashiro (JAP). Europcar a
complété sa sélection hier avec Davide Malacarne (ITA), Jérôme Cousin, Kévin Reza
et Yohann Gène.
EUSKALTEL SICARD DÉBUTE. – Près de quatre ans après son titre mondial
Espoirs, Romain Sicard, vingt-cinq ans, va effectuer ses débuts dans le Tour.
La sélection : Anton, Nieve, J. Izaguirre, G. Izaguirre, Oroz, Lobato, Astarloza,
R. Perez (ESP) ; Sicard.
MOVISTAR MULTICARTES. – Vainqueur d’une étape en 2012 (Peyragudes),
Alejandro Valverde vise bien plus haut que l’an dernier (20e) au classement
général. L’attraction est constituée par le grimpeur colombien Nairo Quintana, candidat aux étapes de montagne aussi bien qu’au maillot de meilleur grimpeur. Vainqueur
du Tour de Suisse, le Portugais Rui Costa est un autre atout important.
La sélection : Valverde, Castroviejo, Plaza, Erviti, Gutierrez, Rojas (ESP) ; Quintana
(COL) ; Rui Costa (POR) ; Amador (CRI).
ASTANA FUGLSANG LEADER. – Vincenzo Nibali faisant l’impasse à la suite d e son
succès dans le Giro, le Danois Jakob Fuglsang est désigné comme l’homme de pointe
pour le classement général.
La sélection : Fuglsang (DAN) ; Bazayev, Kashechkin, Lutsenko, Muravyev (KAZ) ; Brajkovic (SLV) ; Gasparotto, Gavazzi (ITA) ; Kessiakoff (SUE).
SAINT-QUENTIN
5 JUILLET 2012. –
Laurent Jalabert
sur le Tour 2012.
(Photo Jérôme
Prévost/L’Équipe)
« ÇA ME PORTE
UN COUP »
« Je prends acte de ce qui
se dit aujourd'hui.
Évidemment, ça me porte
un coup. À cinq jours du
départ du Tour, j’aurais
préféré autre chose. C’est
une année qui est
vraiment difficile pour
moi (il a subi un grave
accident à vélo).
Maintenant, je ne suis pas
beaucoup surpris non
plus. Je ne sais pas s’il y
a d’autres noms, je ne
sais pas si tout cela est
vrai, si j’aurai des preuves
un jour. Mais quoi qu’il en
soit, il n’y a que le mien
qui est sorti, et c’est ma
réputation qui est
entachée. Je ne peux pas
contester, je n’ai pas de
preuve. Moi, je n’ai pas
d’information qui me
permette de dire : oui,
c’est vrai, j’ai été informé.
Non, je n’ai pas été
informé. »
LAURENT JALABERT,
SUR RTL
84
ENTRE LUCHON (Haute-Garonne) ET LE PLATEAU DE BEILLE
(Ariège), 22 JUILLET 1998. – Laurent Jalabert (à dr.), accompagné
de Manuel Beltran, lors de l’étape du Tour à l’issue de laquelle
des traces d’EPO ont été trouvées dans ses urines.
(Photo Denys Clément/L’Équipe)
LE NOMBRE
DE TÉMOINS
entendus en quatre mois
par la commission
sénatoriale sur l’efficacité
de la lutte antidopage.
EXPRESSO
JEAN-LUC GATELLIER
RÉCOMPENSÉ. – C’est pour un « papier »
BLANCO DEVIENT BELKIN
Sans sponsor apparent depuis le retrait de
Rabobank, qui poursuivait néanmoins le
financement de l’équipe, le Team Blanco a
désormais un repreneur. Dès le Tour de
France, la formation néerlandaise des
Mollema, Gesink, Boom devient Belkin Pro
Cycling Team, et arborera un maillot vert,
blanc et noir. Belkin est une marque
américaine de produits technologiques et
numériques. Elle s’est engagée jusqu’en
2015.
sur la dure condition de coureur d’Aurélien Duval,
champion de France de cyclo-cross 2012,
que Jean-Luc Gatellier a été récompensé du prix
Pierre-Chany (Trophée Cofidis), qui distingue
chaque année le meilleur article publié sur ce
sport. Pour son reportage Une vie de bohème,
notre collègue de L’Équipe devance un autre
suiveur du vélo, Jérôme Le Gall (le Télégramme)..
Notre journal ramène aussi le maillot blanc de
meilleur jeune avec Alexandre Roos, troisième.
I
UCI
Cookson, priorité antidopage
Le Britannique lance sa campagne pour l’élection à la présidence
de la Fédération internationale.
CE N’EST PAS le hasard qui a
conduit le Britannique Brian
Cookson à choisir un hôtel du
boulevard Haussmann de Paris
pour déclarer sa candidature à la
présidence de l’Union cycliste
internationale (UCI). « C’est à
cent cinquante mètres d’ici, le 14
avril 1900, que des représentants de France, d’Italie, de Belgique, des États-Unis… ont créé
l’Union cycliste internationale. Je
voulais venir dans ce lieu symbolique parce que je crois que
nous avons besoin d’un nouveau président de l’UCI qui rétablira les valeurs sur lesquelles
l’UCI a été créée pour relancer
notre sport dans une nouvelle
direction», a insisté le président
de British Cycling (la Fédération
britannique), qui a fêté ses
soixante-deux ans samedi dernier. Un peu à la sauce de Fran-
çois Hollande avec son fameux
« Moi, président », Brian Cookson entame sa campagne en
rythmant ses débuts de phrases
par « Si je suis élu ». Et, bien entendu, c’est de cette manière
qu’il a lancé sa profession de foi:
«Si je suis élu, ma priorité absolue sera de mettre en place une
unité antidopage complètement
indépendante, dirigée et régie à
l’extérieur de l’UCI, et en parfaite
coopération avec l’Agence mondiale antidopage (AMA). Cette
unité, responsable de tous les
aspects de la lutte antidopage,
serait géographiquement et politiquement séparée de l’UCI et
devrait rendre compte à un conseil totalement indépendant de
l’UCI.»
Pour donner plus de relief encore à son credo, cet ancien cycliste amateur, champion régio-
nal en 1971, a joué les indignés :
«Il est absurde qu’un sport qui a
tant souffert du dopage soit en
conflit ouvert avec ceux qui, à
l’inverse, devraient être ses partenaires!»
Pat McQuaid, qui brigue un
nouveau mandat, a parlé de
Cookson comme d’un « pion
dans un jeu plus large » sous
l’influence d’Igor Makarov, le
puissant homme d’affaires qui
préside la Fédération russe et
aussi la destinée de l’équipe Katusha, récemment en conflit
avec l’UCI : « C’est un commentaire arrogant, s’est simplement
défendu Cookson. J’ai rencontré
beaucoup de personnes dans le
monde entier, y compris des
Russes. Il faut entendre tous les
points de vue. Mais je ne suis
l’objet d’aucune manipulation!»
– G.C.
peux assurer qu’à aucun moment je n’ai cherché à rencontrer
un médecin pour améliorer ma
performance ou participer à la
course à l’armement. Je n’ai jamais dépensé un franc pour
acheter un produit. Ce n’était pas
ma culture, pas mon envie. Chez
ONCE, le soir des étapes, le médecin passait, il faisait un soin, une
récupération, on ne savait pas ce
que c’était, c’est vrai. Alors ai-je
été trompé ? Je ne le crois pas. On
était soignés, mais était-on do-
pés ? Je ne le crois pas. » Interrogé
hier par téléphone sur la réalité de
ce contrôle, Laurent Jalabert a réitéré ces propos avant de s’exprimer dans les médias dont il est le
consultant, France Télévisions et
RTL (voir ci-contre). Reste désormais à attendre le 18 juillet prochain, date de la publication du
rapport des sénateurs, pour connaître en annexes les identités de
tous les positifs des Tours 98
et 99.
DAMIEN RESSIOT
SILENCE RADIO À FRANCE TÉLÉVISIONS ET RTL. – Ces révélations sontelles de nature à remettre en cause la collaboration sur le Tour de Laurent Jalabert avec France Télévisions et RTL ? Si les deux antennes ont ouvert leur
micro à leur consultant hier soir, dans RTL soir et Tout le sport, les deux employeurs de Jalabert se sont, eux, refusés à tout commentaire. Normalement,
l’ancien coureur devrait retrouver Thierry Adam, au côté duquel il commente
le Tour sur France Télévisions depuis 2011, à l’aéroport jeudi matin pour s’envoler vers la Corse. – J. L.
(1) Face aux résultats de détection
de l’EPO effectués sur le Tour 98,
le Dr Françoise Lasne a avoué depuis avoir douté un instant de la
validité de sa méthode urinaire :
« Il y a avait tellement de positifs
que j’ai cru que notre test était
totalement à revoir. »
(2) Le test EPO urinaire a été utilisé pour la première fois lors des
Jeux Olympiques de Sydney
(2000) en combinaison avec un
test sanguin australien.
COMMENT PEUT-IL SE DÉFENDRE ? – Tout
comme Pierre Bordry, ex-président de l’AFLD,
l’avait proposé à Lance Armstrong en octobre
2008, Laurent Jalabert pourrait demander que
de nouvelles analyses soient effectuées sur
ses échantillons de 1998, qui ont été parfaitement conservés. Pour peu qu’il en reste suffisamment…
LE TOUR DES TOURS
La rédaction a sélectionné ceux qu’elle considère comme les dix plus beaux Tours de France
parmi les 99 éditions déjà courues. Chaque jour, nous vous avons présenté l’un d’entre eux.
À partir de cet après-midi, vous pouvez voter et élire le Tour des Tours sur notre site Internet,
www.lequipe.fr
Résultats dans L’Équipe du vendredi 28 juin, à la veille du départ du Tour.
201011
10/
Un certain retour à l’épopée
Cadel Evans devient le premier Australien vainqueur du Tour.
Mais Voeckler et Andy Schleck ont fait le spectacle.
IL Y AVAIT EU le règne monocorde (monotone ?) de Miguel
Indurain (1991 à 1995). Le vol
manifeste de Bjarne Riis (1996).
Puis les années Armstrong
(1999 à 2005), et même son
come - back ( 2 0 0 9 , 2 0 1 0 ) ,
comme si cela n’y suffisait pas.
Alors, sur le Galibier, auquel le
Tour rend hommage par une
arrivée inédite à son sommet,
on se surprend à écrire que ce
Tour 2011 est peut-être bien le
plus beau que l’on ait vécu depuis le fameux tête à tête LeMond - Fignon de 1989…
C’est vrai que ce Tour, il a tout
pour plaire, particulièrement
aux Français. Voeckler fait une
« Voeckler » dans le Massif
central et s’empare du maillot
jaune à Saint-Flour. Dans les
Pyrénées, comme en 2004, il
résiste. Mieux qu’en 2004… Il
sauve aussi le maillot au sommet du Galibier, pour quinze secondes, mais ce jour-là, l’exploit
est partagé. Cadel Evans, qui assume son statut de favori, se
défend avec une abnégation
émouvante. Il assure seul la
poursuite, vent de face, alors
que personne ne veut ou ne
peut collaborer. C’est que devant, Andy Schleck mène à bien
une offensive comme on n’en
fait plus. Le Luxembourgeois a
attaqué dès l’Izoard, à plus de
soixante kilomètres de l’arrivée,
et rallie en solitaire le sommet
du Galibier, où son frère règle le
groupe de ses adversaires. Rien
PARIS, 25 JUILLET 2011. – Autour du vainqueur Cadel Evans,
deux frangins montent pour la première fois ensemble
sur le podium du Tour : Andy (à g.) et Fränk Schleck.
(Photo Bernard Papon/L’Équipe)
n’est joué pour autant. Le lendemain, il faut remonter le Galibier
dans l’autre sens, et Thomas
Voeckler perd un peu les pédales en voulant répondre à une
attaque de Contador qui a peutêtre perdu le Tour d’entrée
(chute dès le 1 er jour), mais a
trouvé son style en se lâchant à
la moindre occasion. Cette
courte étape, qui conduit à L’Alpe-d’Huez, marque certes la fin
de la belle aventure de Voeckler,
quatrième au final, mais il y a
une jolie consolation. Son jeune
équipier Pierre Rolland largue
Contador, Sanchez et consorts
dans les derniers lacets de
L’Alpe, où il est le second vainqueur français après… Bernard
Hinault (1986) !
Andy Schleck est en jaune,
mais sa marge est insuffisante
dans la perspective du chrono
d e G re n o b l e . A n d y s e r a
deuxième, mais pour la première fois, deux frères seront
sur le podium à Paris puisque
Fränk monte sur la troisième
marche. La plus haute est pour
Ca d el Eva n s , d eu x foi s
deuxième (2007, 2008), et s’il
est sans grand panache, il témoigne en revanche de beaucoup de constance, et le voilà
récompensé de sa patience.
À trente-quatre ans, il est le
plus ancien vainqueur de
l’après-guerre, mais surtout le
premier Australien lauréat du
Tour. Et il vient de loin. Il a grandi
dans une communauté aborigène des Territoires du Nord, et
c'est un sacré parcours pour arriver jusque sur les ChampsÉlysées ! Cette fois, c’est sûr, le
Tour est mondialisé.
CLASSEMENT
1. Evans (AUS, BMC), les 3 430 km en 86 h 12’22’’ (moy. : 39,7 km/h)
2. A. Schleck (LUX, Leopard), à 1’34’’
3. F. Schleck (LUX, Leo), à 2’30’’
4. Voeckler (FRA, Europcar), à 3’20’’
5. S. Sanchez (ESP, Euskaltel), à 4’55’’
REPÈRES
En France : Scandale politico-médiatique autour de Dominique Strauss-Kahn.
Dans le monde : La révolution tunisienne lance le printemps arabe.
En sport : L’athlète jamaïquain Yohan Blake champion du monde du 100 mètres
après disqualification d’Usain Bolt pour faux départ.
En cyclisme : Mark Cavendish champion du monde à Copenhague.
PHILIPPE BOUVET